Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

lundi 31 octobre 2022

« Un siècle de céramique d’art en Tunisie. Les Fils de Jacob Chemla, Tunis » par Jacques Chemla, Monique Goffard et Lucette Valensi


Les éditions Déméter et les éditions de l’éclat  publient Un siècle de céramique d’art en Tunisie. Les Fils de Jacob Chemla, Tunis, par Jacques Chemla, Monique Goffard, Lucette Valensi. « L’histoire d'un artisanat méditerranéen d'une extraordinaire richesse en même temps que le parcours d’une famille remarquable qui s’est illustrée dans la céramique d’art ». Les Chemla se sont inscrits dans une activité traditionnelle remontant au Moyen-âge, tout en réinventant, innovant, exportant jusqu’aux Etats-Unis leurs œuvres, et collaborant avec de célèbres architectes. Un livre passionnant magnifiquement illustré retrace cette aventure familiale, entrepreneuriale, artistique, juive et tunisienne. Le 1er novembre 2022, Harif proposera la Zoom conférence "Jews of Tunisia" par Lyn Julius à 20 h 30 (France). Heure : 19h30 UK, 20h30  Europe, 15h30 ET, 12h30 PT, 21h30 Israël. Lien : https://us02web.zoom.us/j/89444397504?pwd=ajE5c2V6UWpMcXJtSFc2TW1uYnpCUT09

« Je fais partie de la troisième génération de céramistes qui se lancèrent vers les années 1880, dans la grande aventure de la rénovation de la céramique tunisienne », me racontait André Chemla (Ndlr : un homonyme sans lien de parenté avec l’auteur de l’article) en 2004 lors d’une de ses expositions parisiennes où il présentait près de 160 vases, plats, hanap, coupes et carreaux. Des céramiques aux dessins animaliers ou floraux, aux décorations géométriques, allégoriques, vivantes ou juives. De remarquables poteries de style Iznik, gloire des palais ottomans.

Et le peintre Michel Fedi, qui exposait ses œuvres orientalistes dans cet espace, avait rendu hommage à Jacob Chemla (1858-1938), le grand-père, premier artisan et artiste de la famille : il avait retrouvé à l’aube du XXe siècle les émaux et couleurs oubliés. Ses enfants Victor décédé en 1954, Albert disparu en 1963 et Mouche (1897-1977) ont perpétué cet art.

Renaissance et essor
La "céramique tunisoise, riche d’une longue tradition, est revivifiée, au tournant du XXe siècle, par Jacob Chemla  et ses fils, qui avaient retrouvé les techniques, renouvelé formes et motifs, et collaboré avec les architectes les plus prestigieux". L'entreprise familiale connait une apogée vers 1920-1930. Elle produit pour le marché tunisien, exporte vers la France, des pays Arabes - Algérie, Irak, Libye -, les Etats-Unis, de New York à la Californie. Elle expose aux Expositions universelles et coloniales, et est distinguée par des Prix. L'usine familiale est abandonnée en 1966, mais l'activité continue en France grâce à Mouche et à son neveu André jusqu'en 1996.

Les « fils de Jacob » - le fondateur vers 1860 était Haï Chemla - fut « un cas unique d’une entreprise juive engagée dans la production de céramique d’art, une activité régulièrement exercée exclusivement par les musulmans depuis le Moyen-Age. Les Chemla l’ont revivifiée et l'ont inscrit durablement dans l'art et le paysage tunisiens. Des années 1860 à la fin du XXe siècle, c’est l’aventure de cette entreprise unique que le livre présente, en même temps que le souvenir d'une Tunisie plurielle que la nouvelle Constitution du pays tente, avec bien des difficultés et bien des efforts, de faire revivre ».

Jacques Chemla, "petit-fils de Jacob Chemla, est à l’origine de l’ouvrage et il a constitué de son vivant une importante collection de céramiques Chemla".

Actifs jusqu’en 1966, « Les fils Chemla » sont "les derniers représentants de la tradition tunisoise de la céramique d’art, dont le Mahj conserve et expose dans ses collections un ensemble de pièces".

Leurs créations ? Poteries d'art, décoration de jardins, vases, panneaux...

André Chemla « a poursuivi avec passion la recherche des procédés de couleurs et des techniques pour retrouver les secrets des merveilleuses céramiques Iznik », qui ont notamment orné les palais ou mosquées turcs. 

Pour ses vases, coupes et kholla tunisienne, ce retraité avait retrouvé le fameux « rouge tomate », vermillon-rouille, qui accompagne les bleus, merveilleux marine et turquoise, et blanc de céramiques de style Iznik (XV et XVIes siècles). 

Deux Grands plats magnifiques constituaient des prouesses techniques : l’un a un décor noir sur fond turquoise et l’autre un décor bleu polychrome..

Cet artiste affectionnait les « poissons rieurs » et un « lapin coureur », guettés par un loup féroce. 

Il puisait aussi son inspiration dans la Bible (panneau en lave émaillée « Les 12 tribus »). Parfois en usant de lave émaillée, il illustrait Les 7 fruits d’Israël, avec figues, orge, blé, dattes, raisins, olives, grenade, ainsi que la prière une semaine après la cérémonie du mariage (Sebrabrahout).

Le judaïsme était illustré dans sa diversité avec une « Main de Fatma » et une « grande poterie aux danseurs hassidiques »…

Les Chemla ont été les talentueux, illustres, mais derniers représentants d'une tradition artisanale élevée au rang d'art.

Le 2 novembre 2015, à 19 h 30, le musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) proposa la rencontre Les Chemla, une dynastie de céramistes à Tunis, avec la participation de Lucette Valensi et Monique Goffard, filles de Mouche Chemla, et des éditeurs français et tunisien, et la modération de François Pouillon, anthropologue du monde arabe.

A l'occasion du mois du Patrimoine, l'Association tunisienne de promotion et de sauvegarde des métiers et du Patrimoine artisanal HIRFA et les éditions Déméter proposèrent au Palais El Abdellia  l'exposition "Un siècle de céramiques d'art en Tunisie, Aouled Chemla" (16 avril-8 mai 2016). Vernissage le samedi 16 avril 2016 à partir de 18 h. Des "œuvres originales des frères Chemla prêtées par l'ONA et par des collectionneurs et des interprétations et reproductions contemporaines réalisées par l'Atelier de céramique AD 93 (ATELIER DRIBA) et par Mimo Palmizzi seront présentées".

Les Journées européennes des métiers d'art se déroulent du 31 mars au 2 avril 2017.

Le 22 octobre 2018, à 14 h 30, la synagogue Adath Shalom à Paris proposa la conférence "Une famille de céramistes tunisiens", avec Monique Chemla-Goffard. "La céramique tunisoise, riche d’une longue tradition, est revivifiée, au tournant du XXe siècle, par Jacob Chemla et ses fils, qui retrouvent les techniques, renouvellent formes et motifs, et collaborent avec les architectes les plus prestigieux. Actifs jusqu’en 1966, "Les fils Chemla" sont les derniers représentants de la tradition tunisoise de la céramique d’art".

Le 21 mai 2019 à 14 h 30, la synagogue de la rue Copernic (Paris) organisa la rencontre "Une famille de céramistes tunisiens", avec Monique Goffard-Chemla. Monique Goffard-Chemla raconte comment, en 1860, une famille juive de Tunis crée une fabrique de céramique traditionnelle et la développe. Aujourd’hui, ces œuvres sont dans les musées d’Afrique du Nord, d’Europe et des Etats-Unis." A 16 h, le témoignage d’un ancien déporté avec David Perlmutter autour de son livre «Une enfance à nulle autre pareille ou une survie incompréhensible». 

Le 1er novembre 2022, Harif proposera la Zoom conférence "Jews of Tunisia" par Lyn Julius. Heure : 19h30 UK, 20h30  Europe, 15h30 ET, 12h30 PT, 21h30 Israël. La conférence sera diffusée en direct sur la page Facebook d'Harif, filmée et enregistrée. Seuls seront admis les participants identifiés par des noms (pas "Superwoman").
 "Sandwiched between Algeria and Libya, Tunisia has had a millennial Jewish history. It was a centre of medieval scholarship, but also saw periods of repression.  The arrival of Livornese Jews exiled from Spain after 1492 gave the community a unique character.  After the French protectorate was established in 1881, Jews became the vector of modernity. Thousands were sent to forced labour camps during the six months of direct f Nazi occupation of Tunisia in 1942 and the community declined rapidly during the 1950s and 60s. Lyn Julius of Harif will  give an overview,  from the arrival of Jews on the island of Djerba 2,000 years ago to the community’s near-demise in the 21st century".
Meeting ID: 894 4439 7504
Code : djerba
One tap mobile
+441314601196,,89444397504#,,,,*835432# United Kingdom
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Meeting ID: 894 4439 7504
Passcode: 835432
Find your local number/Trouvez votre numéro local : https://us02web.zoom.us/j/89444397504?pwd=ajE5c2V6UWpMcXJtSFc2TW1uYnpCUT09
IMPORTANT: Please note that no registration is required but for security reasons, only participants identified by name (ie not 'Ipad' or "Wonderwoman') will be admitted. The event will be livestreamed to the Harif Facebook page and recorded.

Jacques Chemla, Monique Goffard, Lucette Valensi, Un siècle de céramique d’art en Tunisie. Les Fils de Jacob Chemla, Tunis. Ed. Déméter-Éditions de l’éclat, 2015. 224 p. ISBN : 9782841623778

Visuel :
Céramique des Chemla. © DR
Cet article a été publié le 30 octobre 2015, puis les 15 avril 2016, 3 avril 2017, 22 octobre 2018, 21 mai 2019.

dimanche 30 octobre 2022

Annie Ernaux

Née en 1940, Annie Ernaux est professeure agrégée de lettres modernes retraitée et a signé des récits généralement autobiographiques
. C'est une militante anti-israélienne. En 2022, le Prix Nobel de Littérature lui est décerné. 
Arte diffuse sur son site Internet « Les années Super 8. Annie Ernaux se raconte » (Annie Ernaux’ Super 8 – Tagebücher) de David Ernaux-Briot.

Raymond Aron (1905-1983) 
« ENS : L'école de l’engagement à Paris » par Antoine de Gaudemar et Mathilde Damoisel
Archives de la vie littéraire sous l'Occupation 

Née en 1940 dans une famille de modestes commerçants, Annie Ernaux est professeure agrégée de lettres modernes retraitée et a signé des récits souvent autobiographiques : Les Armoires vides (1974), La Femme gelée (1981), La Honte (1997), Les Années (2008). En 1984, elle est distinguée par le Prix Renaudot pour La Place.

Annie Ernaux est engagée contre l’Etat d’Israël. En 2018, elle s’était opposée à la Saison interculturelle Israël France. Autres opposants : Simone Bitton, cinéaste, Valérie Dréville, comédienne, Jean-Luc Godard, cinéaste, Eric Hazan, écrivain-éditeur, Nicolas Klotz, cinéaste, Leslie Kaplan, auteure, Gérard Mordillat, écrivain, Bernard Noël, écrivain, Ernest Pignon-Ernest, plasticien, Eyal Sivan, cinéaste, Tardi, dessinateur, Martin Winckler, écrivain (et médecin).

En mai 2019, "avec plus de cent artistes français dont Willem, Tardi et Willis From Tunis, dessinateurs, Yvan Dautin, chanteur, IMHOTEP, du groupe IAM, musiciens, Sarah Lecarpentier, comédienne et metteure en scène, Elli Medeiros, chanteuse, Annie Ohayon, productrice, Mireille Perrier, comédienne, metteur en scène ; Ernest Pignon-Ernest, artiste plasticien, Luc Quinton, plasticien, Eyal Sivan, cinéaste ; Francesca Solleville, chanteuse,  elle a signé une lettre exhortant au boycott de l’Etat Juif lors du concours de l’Eurovision à Tel Aviv :
"Discrimination et exclusion sont profondément ancrées en Israël, où notamment la loi « Israël, État-nation du peuple juif » a été adoptée le 19 juillet 2018, proclamant que seuls les Juifs ont le « droit à l'autodétermination nationale », entérinant ainsi officiellement l'apartheid... 
En 2017 par exemple, le festival de théâtre de Saint Jean d’Acre a dû retirer une pièce consacrée aux prisonnier·e·s politiques palestinien·ne·s pour éviter les coupures budgétaires gouvernementales. 
Israël est un État qui considère officiellement la culture comme un instrument de propagande politique: son Premier ministre, Benjamin Netanyahou, a félicité l’israélienne Netta Barzilai, lauréate de l’Eurovision 2018, pour avoir « accompli un travail exceptionnel en matière de relations extérieures ». 
Nous, artistes et travailleur·se·s culturels français qui signons cet appel, n’irons pas à Tel Aviv blanchir le système de discriminations légales et d’exclusion qui y sévit contre les Palestiniens, et nous appelons France Télévisions et la délégation française à ne pas servir de caution au régime qui  envoie ses snipers tirer tous les vendredi contre les enfants  désarmés de la marche du retour à Gaza. Un divertissement qui se respecte ne se joue pas en terre d’Apartheid. Nous ne l’aurions pas accepté pour l’Afrique du Sud , nous ne l’accepterons pas pour Israël".
En octobre 2021, avec Angela Davis, Noam Chomsky, 
Bruno Gaccio, Robert Guediguian, Pierre Laurent, Corinne Masiero, Toni Negri, Mumia Abu-Jamal, Annie Ernaux a demandé la libération de Georges Ibrahim Abdallah, terroriste libanais, chef de la Fraction armée révolutionnaire libanaise (FARL), emprisonné en France en 1984 et condamné en 1986 à la réclusion à perpétuité pour complicité dans l'assassinat de diplomates israélien et américain, Yacov Barsimentov et Charles Ray, à Paris. Un texte qui occulte les violences commises par des Palestiniens au Liban, notamment contre les chrétiens, les actions terroristes du Hezbollah soutenu par l'Iran...

Le 7 juin 2021, Annie Ernaux a apposé son nom parmi les soutiens de la « Lettre contre l'apartheid: en soutien de la lutte palestinienne pour la décolonisation » publiée après le déchainement de violences palestiniennes véhiculant durant le mois du Ramadan la rumeur infondée "al-Aqsa est en danger" (13 avril-21 mai 2021). l’opération israélienne « Gardien des murailles » (« Bataille Épée d’al-Quds » selon des Palestiniens). Parmi les signataires : Ahlam Shibli, Annemarie Jacir, Bella Hadid, Clara Khoury, Elia Suleiman, Elias Sanbar, Kamilya Jubran, Le Trio Joubran, Rana Bishara, Ruanne Abou-Rahme. Parmi les soutiens : agnès b., Angela Davis, Annie Sprinkle, Bernie Bonvoisin, Eyal Sivan, Jacques Testard, Joe Sacco, John Cusack, Julie Christie, Ken Loach, Mariam al Ferjani, Marianne Faithfull, Naomi Klein, Nathalie Khankan, Omar Bishara, Simone Bitton. Extrait de cette « Lettre »:
« Nos communautés ont été systématiquement et brutalement fragmentées et effacées depuis la Nakba, le début de la colonisation israélienne en 1948, mais ce récent rassemblement nous donne courage et confiance. Ces sentiments sont essentiels pour porter la rage et le chagrin que nous ressentons ces deux dernières semaines. Naît en nous, en dépit de ces années de déshumanisation, un véritable espoir.
Le monde commence enfin à nommer le système israélien par son nom. Au début de cette année, l'organisation israélienne de défense des droits humains B'Tselem a suivi l’exemple donné par des décennies de travail intellectuel et légal palestiniens en réitérant qu’il n'y a pas de séparation entre l'État israélien et l’occupation militaire : les deux forment un seul système d'apartheid. Human Rights Watch, à son tour, a publié un rapport détaillé accusant Israël de « crimes contre l'humanité d'apartheid et de persécution. » (...)
Nous demandons à tous les gouvernements qui permettent ce crime contre l’humanité de mettre en place des sanctions, de mobiliser les instances internationales de responsabilité, et de mettre un terme à leurs relations commerciales et économiques. Nous appelons les activistes et citoyen·ne·s, et tout particulièrement nos pairs dans les arts, à encourager dans la mesure du possible leurs institutions et leurs localités, à soutenir au mieux la lutte palestinienne pour la décolonisation. L’apartheid israélien est soutenu par la complicité internationale. Il en va de notre responsabilité collective de réparer ce mal...
Nous avons constaté que les gouvernements en Europe et au-delà ont mis en place des politiques de censure, et encouragé une culture de l’autocensure concernant la solidarité avec les Palestinien·ne·s. Or, il est cynique de confondre toute critique légitime de l'État d'Israël et de ses politiques envers les Palestinien·ne·s avec de l'antisémitisme. Le racisme, dont l'antisémitisme et toutes les formes de haine, nous sont odieux et ne sont pas les bienvenus dans notre lutte. Il est temps de s'opposer à ces tactiques de silenciation et de les surmonter. Des millions de personnes à travers le monde voient dans les Palestinien·ne·s un microcosme de leur propre oppression et de leurs espoirs, et des alliés tels que Black Lives Matter et Jewish Voice for Peace, ainsi que des militant·e·s des droits des peuples autochtones, des féministes et des mouvements queer, parmi beaucoup d'autres, expriment de plus en plus leur soutien. »
Le 6 octobre 2022, le jury du Prix Nobel de Littérature lui décerne ce Prix prestigieux pour « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle ». Il lui a manqué le courage nécessaire au choix de Salman Rushdie.

Le 16 octobre 2022, Annie Ernaux a défilé aux côtés de Jean-Luc Mélenchon "contre la vie chère".

« Les années Super 8. Annie Ernaux se raconte »
Arte diffuse sur son site Internet « Les années Super 8. Annie Ernaux se raconte » (Annie Ernaux’ Super 8 – Tagebücher) de David Ernaux-Briot.

« Annie Ernaux pose sa voix sur des bribes d’images muettes provenant de films de famille des années 1970. La chronique d’une époque tout autant qu’un puissant récit d’émancipation féminine. »

« En 1972, Annie Ernaux (La place, Prix Renaudot) et Philippe, son mari, font l’acquisition d’une caméra Super-8, "objet désirable par excellence", confie l’écrivaine, aujourd’hui âgée de 82 ans. Parents de deux garçons de 7 et 3 ans, Éric et David, le jeune couple vit alors à Annecy où Philippe a décroché le poste de secrétaire général adjoint de la mairie, tandis qu’Annie enseigne les lettres dans un collège ». 

« Les premières images, muettes et en couleurs, tournées par Philippe, captent le retour des courses d’Annie et des enfants : "Nous vivons un moment inouï, à la fois heureux et empreint d’une certaine violence. On ne sait pas quoi faire de cette durée nouvelle, arrachée à notre vie", se souvient l’écrivaine. »

« La caméra saisit aussi les éléments du décor, "tout ce qui nous classait parmi la bourgeoisie de fraîche date", constate Annie Ernaux ». 

« La décennie 1970 est aussi marquée par le désir de partir, de voyager loin. Le couple se rend en Albanie, en URSS, visiter le Chili d’Allende et découvrir ses mesures révolutionnaires… "Je sentais que ce voyage était en train de bouleverser quelque chose dans ma vie, de m’obliger à me rappeler la promesse que je m’étais faite à 20 ans : j’écrirai pour venger ma race."

« Car derrière l’image lisse de la jeune mère de famille filmée aux anniversaires, à Noël, aux sports d’hiver, aux grandes vacances, se dissimule une autre femme ». 

« Celle issue d’un milieu populaire, taraudée par la nécessité d’écrire, de "regrouper tous les événements de [sa] vie en un roman violent, rouge". 

« Alors, en secret, Annie écrit une œuvre "qui raconte comment les études, la culture, [l’]ont séparée de [son] milieu populaire d’origine". 

« Il est publié en 1974 par Gallimard sous le titre Les armoires vides. »

« Dès lors, l’écrivaine ne cessera de creuser ce sujet ». 

« Si les bribes de films pris entre 1972 et 1981 constituent d'émouvantes archives familiales et un témoignage sur une époque, ils deviennent surtout le support d’un puissant récit écrit et dit par Annie Ernaux ». 

« En donnant ainsi sens à ce défilement d’images muettes, elle convoque et revisite une décennie qui fut déterminante dans sa vie, celle de son émancipation en tant que femme et en tant qu’écrivaine ». 

« Présenté à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs, Les années Super-8 sortira en salles le 14 décembre 2022. »



« Dans Les années Super-8 réalisé par son fils David, qui retrace les années 1970 au fil d’archives de famille, l’écrivaine Annie Ernaux évoque, alors qu’elle vit un quotidien banal de jeune mère et d’épouse, l’impérieuse nécessité d’écrire, qui a donné naissance à ses trois premiers romans. »

"Les armoires vides" (1974)
« Annie Ernaux achève en secret son premier roman, juste avant un séjour à Tanger, dont on découvre dans le documentaire d’émouvantes images tournées par Philippe, son mari. Dans ce livre, publié par Gallimard en 1974 sous le titre Les armoires vides, une femme, Denise Lesur, attend seule dans sa chambre de cité universitaire l’issue d’un avortement clandestin qu’elle vient de subir. Pourtant, de ces jours immobiles faits d’inquiétude, naît un monde trépidant, bruissant de fureur. Celui d’une jeune femme qui évoque avec poésie et rage ses sentiments ambivalents pour son milieu populaire d’origine où se mêlent honte, mépris et amour. Mais aussi la fascination et la méfiance que lui inspire la classe petite-bourgeoise qu’elle intègre de fraîche date ou sa condition féminine au mitan des années 1960. Annie Ernaux reviendra en 2000 sur cet avortement de manière autobiographique avec L’événement adapté au cinéma en 2021 par Audrey Diwan et récompensé d'un Lion d’or à Venise »  
 
"Ce qu’ils disent ou rien" (1977)
"La sortie de mon premier roman me paraît alors lointaine, presque irréelle. Un livre ne change pas la vie, pas comme on espère, ou croit", analyse l’écrivaine dont la voix se pose sur des images tournées en Ardèche pendant les vacances de février 1975. Elle a débuté l’écriture d’un deuxième roman qui met en scène Anne, adolescente rebelle tentant de s’émanciper de la cellule familiale, qui s’éveille à l’amour dans la torpeur caniculaire de l’été 1976. Dans ce court récit écrit à la première personne, qui analyse avec justesse la montée du désir, l’écrivaine continue d’explorer le thème du trajet social entre son milieu d’origine et celui de la petite-bourgeoisie. Annie Ernaux reviendra sur ce premier amour avec Mémoire de fille (2016) après avoir, durant plusieurs décennies, abandonné la fiction au profit du genre "auto-socio-biographique", terme qu’elle invente et qui lui permet de fusionner en un seul récit la vie d’une femme et sa perception du monde. »

"La femme gelée" (1981)
« Dans La femme gelée, paru en 1981 et qu’elle dédie à Philippe, son mari, dont les images prises sur le vif des événements familiaux se font plus rares, signe implacable d’un éloignement physique, Annie Ernaux décortique les mécanismes socioculturels à l’œuvre dans la construction des stéréotypes de genre, principalement ceux de la féminité. L’héroïne y découvre notamment les pièges du couple qui la réduit à la vie domestique et l’éloigne de ses aspirations. Dans ce récit, une gamine rieuse et rêveuse se métamorphose en femme gelée, recluse dans une rage muette, soumise à la domination d’une société patriarcale et à la violence des inégalités qu’elle engendre. Une œuvre inspirée à Annie Ernaux par la découverte du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir. »


France, 2021, 61 min
Commentaire écrit et dit par Annie Ernaux 
Coproduction : ARTE France-La Lucarne, Les Films Pelléas
Disponible du 14/09/2022 au 31/10/2022

Peter Falk (1927-2011)


Le comédien Juif américain Peter Falk (1927-2011) a débuté dans le théâtre new-yorkais d’avant-garde, puis à Hollywood et dans le cinéma dit d’auteur (John Cassavetes). La série télévisée mythique Columbo (1968-2003) l’a rendu mondialement célèbre. Juste une dernière chose… Les mémoires de Columbo (Michel Lafon), livre de souvenirs, est paru avant que ne soit connue la maladie neurodégénérative dont il souffrait. Arte diffusera le 31 octobre 2022 à 20 h 50 "Un cadavre au dessert" (Eine Leiche zum Dessert) de Robert Moore, avec Peter Falk, David Niven, Peter Sellers et Maggie Smith.


« Ce livre n’est pas une autobiographie », avertit Peter Falk dès l’avant-propos de Juste une dernière chose… Les mémoires de Columbo (Michel Lafon), où il égrène des anecdotes drôles sur ses tournages, évoque son père ahuri et incrédule devant les étrangetés du monde du cinéma, ses amis, ou sa seconde épouse, l’actrice Shera Danese.

Les premiers pas à Broadway
Peter Falk naît en 1927 à New York et grandit à Ossining (New York). C’est un collégien sportif sans vocation artistique.

Ce jeune homme cherche sa voie. Il s’engage en juin 1945 dans la Marine, tente de rejoindre les rangs des combattants juifs lors de la guerre d’Indépendance de l’Etat juif renaissant…

Diplômé en science politique et administration publique, il échoue lors d’un entretien d’embauche à la CIA et entre à la direction du Budget du Connecticut comme conseiller à la productivité.

Intimidé par les artistes qu’il plaçait sur un piédestal, ce n’est qu’en 1956, à l’âge de 29 ans, après avoir suivi des cours de comédie, qu’il se décide à devenir acteur professionnel.

Il s’installe dans le quartier de Greenwich Village, « cœur du théâtre d’avant-garde dans la Grosse Pomme », et débute dans le off Broadway. Il connaît le succès dans Le marchand de glaces est passé d’Eugene O’Neill avec Jason Robards.

Le cinéma ? Harry Cohn, le patron de Columbia Pictures, ne propose pas de contrat à ce « futur John Garfield » au motif : « Pour le même prix, jeune homme, je préfère m’offrir un acteur avec deux yeux ». Une allusion à son œil de verre. A l’âge de trois ans, Peter Falk a subi l’ablation de son œil droit atteint d’un cancer.

Son interprétation d’un truand – il a beaucoup observé les mafieux dans les salles de billard de la côte Est – dans le film de Stuart Rosenberg Crime, société anonyme (1960) est saluée par la critique. L’acteur Sal Mineo l’invite alors à « faire campagne pour les Oscar ». Une première sélection suivie de bien d’autres…

La Grande course autour du monde
Peter Falk alterne les rôles au cinéma, au théâtre et parfois à la télévision (Les Incorruptibles). Il tourne sous la direction de Frank Capra (Milliardaire pour un jour, 1961), Stanley Kramer (Un monde fou, fou, fou, 1963), Blake Edwards (La grande course autour du monde, 1965), Sidney Pollack (Un château en enfer, 1968), Arthur Hiller (Ne tirez pas sur le dentiste, 1979)…

En 1965, Blake Edwards réalise The Great Race (La Grande course autour du monde)  avec Tony Curtis, Natalie Wood, Jack Lemmon, et Peter Falk...

"1908. Six voitures prennent le départ de la première grande course automobile autour du monde qui va de New York à Paris. Parmi les concurrents, l'ignoble professeur Fate et son âme damnée, Max, sont prêts à tout pour éliminer leurs adversaires. Bientôt, ils n'ont plus qu'un seul concurrent : le séduisant Leslie. Ce dernier voyage dans sa "Leslie spécial" en compagnie de Maggie DuBois, une jolie journaliste new-yorkaise et féministe..."

"Une course-poursuite hilarante et échevelée autour du monde, entre l'ignoble professeur Fate et l'élégant Leslie... Un film culte signé Blake Edwards, avec une distribution éblouissante".

Cette "comédie échevelée inspirée du slapstick (burlesque muet) est hilarante de la ligne de départ à celle d'arrivée. Des sabotages à répétition aux bagarres de tartes à la crème (celle du palais de Carpania est directement inspirée de La bataille du siècle réalisé par Laurel et Hardy en 1927), des courses-poursuites en Alaska et dans la jungle jusqu'à l'écroulement de la tour Eiffel, Blake Edwards ne s'autorise aucun temps mort. Il réalise là un de ses meilleurs films, servi par une époustouflante distribution - notamment Jack Lemmon, parfait en ignoble professeur Fate, et Tony Curtis, irrésistible en pilote de charme d'une élégance à toute épreuve".

En 1968-1969, Hanna et Barbera se sont inspiré du film pour créer Wacky Races (Courses délirantes, Les Fous du volant), série de dessins animés américains humoristiques. Une série de trente-quatre épisodes de onze minutes diffusée avec succès par les télévisions américaines, françaises, canadienne, etc. A bord de la Démone Double-Zéro Grand Sport (The Mean Machine) : Satanas et Diabolo (Dick Dastardly & Muttley). Pénélope Jolicœur (Penelope Pitstop) circule à bord du véhicule n° 5, la Compact PussyCat (The Compact Pussycat) et Pierre de Beau-Fixe (Peter Perfect), play-boy conduit l'automobile n° 9, la Turbo Terrific (The Turbo Terrific) 

Columbo
Peter Falk joue dans Le prisonnier de la 2e avenue de Neil Simon (1971), Glengarry Glen Ross de David Mamet (1986), Le désarroi de M. Peter de Arthur Miller (1998).

C’est en 1971 qu’il acquiert une célébrité mondiale en interprétant le lieutenant Colombo dans une série télévisée dont il signe le scénario et la réalisation de quelques épisodes et qui prend fin en 2003. C’est avec un soin méticuleux que Peter Falk compose son personnage : il choisit parmi ses vêtements un vieil imper froissé pour camper un policier intelligent et débonnaire, à la dégaine négligée, à l’indéfectible politesse, à l’éternelle étourderie, à la profonde modestie et aux répliques devenues cultes : « Quand je dirai çà à ma femme… Juste une dernière chose ». Son jeu sera récompensé par quatre Emmy Awards.

Cet acteur en quête d’expériences originales évoque notamment Frank Sinatra, producteur respectant sa promesse (Les Sept voleurs de Chicago, 1964), John Cassavetes (Husbands), dont il loue la « fertilité de l’esprit », et le réalisateur allemand Wim Wenders (Les ailes du désir).

De Peter Falk, on découvre la distraction, la curiosité qui l’incite à aller dans la Yougoslavie de Tito, l’ironie et ses hobbies, dont le dessin de femmes au fusain et à l’aquarelle.

On peut regretter que Peter Falk évoque peu sa famille juive - père d’origine russe, mère d’origine polonaise et tchèque – dont l’ancêtre Miksa Falk était le rédacteur en chef de Pester Lloyd, journal de langue allemande de Budapest (Hongrie).

"Un cadavre au dessert"
Arte diffusera le 31 octobre 2022 à 20 h 50 "Un cadavre au dessert" (Eine Leiche zum Dessert ; Murder by Death) de Robert Moore (1976).

"Invités dans un manoir, cinq célèbres détectives devront découvrir le meurtrier annoncé de l’un d’entre eux... Un hilarant jeu de massacre qui dézingue les codes du roman policier, avec une joyeuse brochette de stars, dont Peter Falk, David Niven, Peter Sellers et Maggie Smith". 

"“Vous êtes cordialement invités à un dîner et à un meurtre samedi soir.” Le bristol reçu par les cinq meilleurs détectives du monde ne pouvait que les inciter à se rendre dans le manoir de leur hôte, le mystérieux millionnaire Lionel Twain. À leur arrivée, tout bascule dans l’étrange : des cariatides manquent de leur tomber dessus, le majordome est aveugle, la cuisinière, sourde-muette et l’ambiance, glaciale. Au cours du repas, l’excentrique Lionel Twain leur annonce qu'une des personnes attablées sera assassinée à minuit et que le détective qui résoudra le meurtre touchera 1 million de dollars. La tension monte... "

"Dans cet hilarant jeu de massacre, le coupable n’est sans doute à chercher ni parmi les invités ni chez le manipulateur millionnaire, mais bien du côté de l’équipe du film."

"Robert Moore et son scénariste Neil Simon ont consciencieusement prémédité la mise à sac de tous les codes du polar dans un pastiche si acide et cinglant qu’il confine à la satire". 

"Toutes les ficelles du genre sont ici moquées : les informations cachées au public, les liens secrets entre les personnages qui expliquent l’incompréhensible au finale, les déductions tirées par les cheveux des détectives..."

"Pour mener à bien leur forfait, les auteurs ont convoqué devant la caméra une scintillante bande de tueurs à gag(e)s : James Coco, Peter Falk, Elsa Lanchester, David Niven, Peter Sellers, Alec Guiness, Truman Capote ou Maggie Smith s’en donnent à cœur joie et dézinguent à tout va les figures tutélaires du roman noir, Earl Derr Biggers, Dashiell Hammett ou Agatha Christie". 

"Propulsé par ce casting cinq étoiles, l’humour absurde de ce huis clos délirant, parfois poussé jusqu'au grotesque assumé, est porteur d’un message : auteurs de romans policiers (en herbe ou confirmés), on vous surveille... "


Fin de vies
Le 13 février 2010, le comédien Serge Sauvion, qui avait post-synchronisé Peter Falk dans la série des Columbo, est mort à 80 ans à Asnières (banlieue de Paris).

Peter Falk est décédé à l'âge de 83 ans à Beverley Hills, le 23 juin 2011. Il souffrait de la maladie d'Alzheimer. 

"Peter Falk versus Columbo"
Arte diffusa le 31 mars 2019 "Peter Falk versus Columbo", documentaire de Gaelle Royer et Pascal Cuissot. "Comment l'acteur Peter Falk a créé, puis vécu, avec l'un des plus populaires antihéros de télévision de tous les temps. Un joyeux portrait en forme d'enquête". "À travers des images d’archive, des interviews et extraits de ses films et séries TV, ce film mène l’enquête sur l’incroyable succès du personnage de série TV Columbo, et sur l'acteur légendaire qui l'a incarnée."

"Peter Falk n'est pas seulement ce flic sympathique et débraillé de Los Angeles. Acteur de cinéma et de théâtre, il fut dirigé par les plus grands réalisateurs du XXème siècle : Nicolas Ray, Frank Capra, Blake Edwards, William Friedkin, Sydney Pollack… Nominé deux fois aux Oscars, récompensé à de multiples reprises aux Emmy Awards, Golden globes, et autres prix prestigieux, le parcours atypique de cet acteur reste pourtant une énigme."

"Premier antihéros de l’histoire des séries, Columbo est aussi l’un des rares personnages de télévision à être devenu une icône internationale. Mais si, de 1968 à 2003, plus de deux milliards de téléspectateurs dans le monde ont suivi ses enquêtes sur le petit écran, une infime partie d’entre eux connaît le nom de celui qui l’a incarné. Disparu en 2011, Peter Falk s'est si bien approprié le rôle qu'il en est venu à se confondre avec ce dernier. L’imperméable froissé, il l’a tiré de sa propre penderie, avant de choisir lui-même son véhicule, une vieille Peugeot abandonnée dans un studio par un Français de passage. Et une fois la première saison lancée, en 1971, ce déjà gros fumeur se mettra au cigare mâchonné. Quant à l’irrésistible dissymétrie du regard – la pupille droite fixe semblant confondre le coupable, la gauche plissée en signe de fausse perplexité –, elle procède d’une trouvaille d’acteur pour surmonter un handicap d’abord jugé rédhibitoire par l’un des patrons d’Hollywood : la perte, à 3 ans, d’un œil, remplacé par une prothèse."

"Mi-biographie, mi-enquête policière, ce portrait malicieux et alerte, à l'image d'un acteur qui ne s'est jamais pris trop au sérieux, raconte comment s'est fabriquée, au fil des saisons, la symbiose unique entre Peter Falk et son double de fiction. Mais il rappelle aussi que ce natif du Bronx, qui a embrassé sur le tard, à 29 ans, le métier de comédien, a joué dans d’innombrables pièces de théâtre et films – notamment pour Nicholas Ray, Frank Capra, Blake Edwards, William Friedkin, Wim Wenders, et surtout pour son ami John Cassavetes, qui lui a donné ses plus beaux rôles dans Husbands (1970) puis Une femme sous influence (1974). Archives, extraits de films et entretiens ressuscitent le "vrai" Columbo dans toutes ses dimensions."

"Peter Falk, imper et classe"

Irène Berelowitch a écrit dans Arte magazine (n° 14, 30 mars-5 avril 2019) :
Peter, c’est Columbo
"En près de soixante-dix épisodes, de 1968 (il a alors 40 ans) à 2003, Peter Falk s’est si bien fondu dans les manières et les répliques du sagace enquêteur de Los Angeles (“Juste une dernière chose…”) qu’aux yeux de générations de téléspectateurs il a disparu derrière le personnage. Une identification accomplie dès le départ : “N’écris rien pour Peter, puisque Peter, c’est Columbo”, recommandent Richard Levinson et William Link, les créateurs de la série, à Steven Bochco, l’un de ses scénaristes. Aussi modeste, coriace et obsessionnel que son alter ego, l’acteur, qui d’ailleurs s’est souvent satisfait d’exceller dans les seconds rôles, se disait invariablement heureux de l’immense célébrité que lui a apportée le rôle, fût-ce en faisant oublier son véritable nom.

Cassavetes selon Falk 
Devenu, grâce aussi à Columbo, l’acteur le mieux payé d’Hollywood, Falk pourra cofinancer, en 1974, Une femme sous influence, le film de son ami Cassavetes que tous les studios ont refusé. Il y gagne entre autres l’un de ses plus grands rôles, celui du mari amoureux et paumé de Gena Rowlands, magnifique en femme au foyer à la dérive. Les deux hommes se sont rencontrés en 1970 sur le plateau de Mikey et Nicky, d’Elaine May. Le cinéaste propose alors à Peter Falk un tournage en roue libre : Husbands, où ils forment avec Ben Gazzara un trio mémorable, scelle leur alliance à la vie comme à l’écran. “John était obnubilé par l’envie de montrer ce besoin très humain, absolu, d’aimer et d’être aimé, et combien c’est difficile”, résumera Falk.

Un ange à Berlin
“T’as vu ? C’est Columbo !” En 1987, pour Les ailes du désir, Wim Wenders promène l’acteur dans l’hiver berlinois, dans la peau d’un ange redevenu homme qui ressemble terriblement, non à Columbo, mais à Peter Falk. Comme ce dernier, il aime fumer, dessiner, jurer d’une voix rocailleuse en exagérant son accent juif new-yorkais, et se fondre dans le décor, caché derrière son avatar célèbre et de faux airs dilettantes : “Est ce que je suis meilleur acteur maintenant que je l’étais autrefois ? Quoi qu’on fasse, ils disent toujours que c’est formidable.”


Site du comédien :
http://www.peterfalk.com/

Peter Falk, Juste une dernière chose… Les mémoires de Columbo. Michel Lafon. Paris, 2006. 272 pages. ISBN : 2-7499-0572-9

"Un cadavre au dessert" de Robert Moore
Etats-Unis, 1976
Scénario : Neil Simon
Production : Rastar Pictures, Columbia Pictures
Producteur : Ray Stark
Image : David M. Walsh
Montage : John F. Burnett
Musique : Dave Grusin
Avec Eileen Brennan (Tess Skeffington), Truman Capote (Lionel Twain), James Coco (l'inspecteur Milo Perrier),
Peter Falk (Sam Diamond), Alec Guinness (Bensonmum), Elsa Lanchester (Jessica Marbles), David Niven (Dick Charleston),
Peter Sellers (Sidney Wang), Maggie Smith (Dora Charleston), James Cromwell (Marcel), Richard Narita (Willie Wang), Estelle Winwood (mademoiselle Withers)
Sur Arte les 31 octobre 2022 à 20 h 50, 02 novembre 2022 à 13 h 35, 16 novembre 2022 à 13 h 35

"Peter Falk versus Columbo" de Gaelle Royer et Pascal Cuissot
France, ZED pour ARTE France, 2018, 52 min
Sur Arte les 31 mars 2019 à 22 h 45 et 13 avril 2019 à 6 h 25, 17 mai 2020 à 22 h 50
52 min
Disponible du 10/05/2020 au 18/06/2020

Visuels :
Peter Falk
Peter Falk et Martin Landau
Scène d' un épisode " Columbo" avec Peter Falk
Peter Falk dans le rôle de Columbo
© ZED

La Grande course autour du monde, de Blake Edwards
Warner Bros., Patricia, Jalem Productions, Reynard, Martin Jurow, 1965, 146 min
Auteur : Arthur A. Ross, Blake Edwards
Image : Russell Harlan
Montage : Ralph E. Winters
Musique : Henry Mancini
Scénario:  Arthur A. Ross
Avec Jack Lemmon, Tony Curtis, Nathalie Wood, Peter Falk, Arthur O'Connell, Dorothy Provine, Larry Storch, Ross Martin
Sur Arte les 25 mars à 13 h 35 et 13 avril 2013 à 13 h 35

Articles sur ce blog concernant :
Cet article a été publié par Guysen, puis sur ce blog les 17 février 2010, 24 juin 2011, 8 avril 2013 et 13 avril 2016, 30 mars 2019, 17 mai 2020. Il a été mis à jour le 30 octobre 2022.