Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

mardi 28 février 2023

« PATHÉ-BABY. Le Cinéma chez soi »

La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé présente l’exposition événement « PATHÉ-BABY. Le Cinéma chez soi ». Elle célèbre le centenaire de la création et de la commercialisation d'un "projecteur élégant et simplissime employant une pellicule inédite, le 9,5 mm". L'ancêtre du Home Cinema. Les stars françaises ou hollywoodiennes du septième art chez soi ! Le cinéma amateur favorisé.


« La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé continue de mettre en lumière ses appareils et marques emblématiques. Après une première exposition sur le Pathé-Rural, le premier circuit itinérant de salles de cinéma, place au Pathé-Baby ! Pour le centenaire de la marque, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé a vu les choses en grand. Exposition inédite, colloque international, projections spéciales, carte blanche, ateliers jeune public et visionnage de vos films 9.5 mm grâce au matériel de la Fondation mis à la disposition du public. Un programme riche et varié pour célébrer les 100 ans du tout premier Home-cinéma ! » 

Un siècle de Home-cinema 
« Le Home cinema, une innovation récente ? Pas du tout ! L’année 2022 marque le centenaire du Cinéma chez soi. La Fondation Jérôme Seydoux Pathé célèbre cet anniversaire en dévoilant les secrets de cette révolution, fruit de l’idée de Charles Pathé de commercialiser, moins de trente ans après la naissance du cinéma, un projecteur élégant et simplissime employant une pellicule inédite, le 9,5 mm. » 

« Désormais, le particulier peut voir s’animer dans l’intimité de son salon les vedettes du grand écran : de Max Linder à Charlot, sans oublier les œuvres des réalisateurs de renoms comme Abel Gance ou Julien Duvivier. Les films du catalogue à disposition du particulier, qui atteignent rapidement des milliers de titres, étaient des versions raccourcies des films d’origine. Réel reflet de la production cinématographique internationale, tous les genres sont représentés : documentaires, films comiques, drames, aventures, films d’actualités, films d’enseignement, dessins animés… » 

« Le visiteur découvre également le matériel promotionnel (photographies, imprimés, affiches, enseignes) qui fit du 9.5 mm un emblème du cinéma amateur pendant plusieurs décennies. » 

« Une sélection de films du catalogue Pathé-Baby est mise à l’honneur grâce à des projections au cœur même des appareils d’origine. Des films provenant des fonds de la Mémoire filmique d’Île-de-France et du Ciclic Centre-Val de Loire témoigneront de l’engouement précoce de la prise de vue amateur. »

« Enfin, les coulisses de cette industrie sont également dévoilées grâce à des photographies inédites des installations techniques que Pathé créa pour faire entrer le Cinéma chez soi. » 

Le Commissariat de l’exposition est assuré par Anne Gourdet-Marès, Pénélope Riboud-Seydoux et Elvira Shahmiri.

Un coloriage et un quizz accompagnent la visite. La mashup permet de visionner une sélection de 60 films comme un juke-box. Quatre caméras sont à disposition du public pour qui veut essayer de les manipuler. 

De plus, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé « réserve à ses visiteurs, passionnés, cinéphiles, jeune public ou simples curieux, six mois d’événements autour du Pathé-Baby, il y en aura pour tous les goûts pendant tout un semestre ! :
- De septembre 2022 à mars 2023 : atelier « Raconte-moi la pellicule » où « les participants pourront manipuler des projecteurs et caméras Pathé-Baby. 
- Un jour par mois, des particuliers auront la possibilité de visionner leurs films 9.5 mm grâce au matériel de la Fondation. » 
- Samedi 17 et dimanche 18 septembre 2022, projections d’un programme de films amateurs issus des fonds de la Mémoire filmique d’Île-de-France, dans la salle Charles Pathé de la Fondation Pathé. 
- Vendredi 14 octobre, Journée spéciale Ciné-club 9.5 avec projection en 9.5 mm dans la salle Charles Pathé des films d’édition et des films réalisés par les membres du club. L’occasion de rencontrer les Pathé-Babystes d’aujourd’hui. 
- Carte blanche à Mémoire filmique d’Île-de-France autour d’un programme de films d’archives en présence des déposants ». 

Les 5 et 6 décembre 2022, à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé et à l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), s’est déroulé le colloque International « Du Pathé-Baby au 9.5 mm, l’invention du Cinéma chez soi » organisé en collaboration avec la FIAF, LichtSpiel, Les Inédits et l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne. 

Le Pathé-Baby est centenaire
« En 1922, Pathé lançait le Pathé-Baby, un petit projecteur chic et simplissime d’utilisation qui allait transformer les habitudes en faisant entrer le cinéma à la maison sur des petites bobines au format 9,5mm. Avec la caméra, lancée un an plus tard, la marque Pathé-Baby allait révolutionner les pratiques du cinéma dans l’espace scolaire et privé : du journal filmé aux longs-métrages, du documentaire scientifique aux films de famille, le cinéma pénètre chez soi, et chacun peut devenir cinéaste. » 

« Où en sommes-nous un siècle plus tard ? A l’heure où l’information et l’image n’ont jamais été aussi accessibles, où le système éducatif se débat pour savoir comment intégrer les écrans à l’école, où la qualité des équipements de home cinéma et la facilité d’accès aux catalogues permet à des armées de Cassandre d’annoncer la mort des salles de cinéma, voire du cinéma lui-même, a voulu revenir sur les origines de ces questionnements. A travers une sélection inédite de films en format réduit, de films amateurs, de films promotionnels, d’appareils et accessoires, d’actualités et de photographies, l’exposition Pathé-Baby, le cinéma chez soi retrace l’histoire de ce petit appareil qui en 1922 allait révolutionner l’accès privé et pédagogique aux images animées et faire naître des générations de cinéastes amateurs ».

« Déjà, il est permis de se rendre compte de la façon dont le cinématographe a transformé les gestes et les mentalités de nos enfants. Sans vouloir apprécier si nous devons nous en réjouir ou le regretter, l’effet a été indéniable et les parents timorés en savent quelque chose. Mais, par contre, disons aussi que l’enfant moderne voit plus vite, qu’il est moins ignorant que nous l’étions à son âge (Charles Pathé, Le Cinéma chez soi, août-septembre 1926).

Naissance d’un phénomène, le cinéma chez soi 
« Le projecteur KOK, lancé en 1912 pour les néophytes, était une réussite technique, mais le coût de production de ses films demeurait élevé. Charles Pathé restait convaincu du potentiel industriel du « cinéma chez soi ». À partir de 1920, les recherches sont relancées. Un nouveau film est conçu en étroite corrélation avec son projecteur. Pour gagner de la surface d’image, le film, de 9,5 mm de large, est perforé en son centre. Des films d’une longueur de 10 ou 20 m sont fixés dans des petites cassettes prêtes à l’emploi. Un système d’arrêt sur image par encoche pour les titres permet une économie substantielle de pellicule. De nombreux brevets sont déposés pour assurer à Pathé l’exclusivité de ses dispositifs pendant plusieurs années. » 

« Après de longues négociations avec les Etablissements Continsouza, fabricant d’appareils, le petit projecteur Pathé-Baby est commercialisé en octobre 1922, pour être le cadeau idéal des fêtes de Noël. Pour marquer ce lancement, une version luxe, couleur ivoire, est mise en vente parallèlement au modèle noir classique. Le Pathé-Baby coûte 275 francs, l’équivalent de 318 euros en 2021. Un premier catalogue riche de 194 titres est mis en circulation. Une bobine de 10 mètres s’achète 5 ou 6 francs et donne à environ 2 min de projection. De 1922 à 1934, près de 300 000 projecteurs Pathé-Baby furent produits et distribués dans le monde. Cependant la diversification des usages de la projection privée conduit Pathé à faire évoluer ce premier modèle dont la faible puissance lumineuse ne permet pas l’agrandissement des écrans. À partir de 1930, de nouveaux projecteurs apparaissent et répondent à l’émergence de pratiques multiples. »

Le catalogue de films Pathé-Baby 
« Un des points forts Pathé-Baby réside dans la richesse de son catalogue. Il est composé d’adaptations de films vues sur le grand écran des salles de cinéma. Afin de valoriser son catalogue, Pathé axe ses publicités sur la présence des grandes vedettes de l’époque. Charlie Chaplin, Max Linder, Harold Lloyd y ont une place toute particulière. C’est également un moyen de (re)découvrir les grandes oeuvres de la période muette, de Belphégor aux films d’Abel Gance en passant par les grands succès internationaux, c’est un réel panorama du paysage cinématographique qui est disponible en 9,5 mm. »

« Les films sont disponibles à la vente ou à la location. Les revendeurs, également appelés « agents du Pathé-Baby » sont présents dans la France entière. Les utilisateurs ont accès à l’ensemble du catalogue de films édités ainsi qu’aux actualités Pathé, spécialement adaptés pour leur commercialisation en 9,5 mm. Il était possible de s’abonner au « Pathé-Gazette », un journal d’actualités livré tous les quinze jours, comportant des sujets variés, présentés sur des bobines de 10 m puis plus tard sur des bobines de 60 m. » 

« Les films d’enseignement sont également une partie majeure du catalogue Pathé-Baby, la richesse des sujets pouvant être assimilée à celle d’une bibliothèque au savoir encyclopédique. Adaptés généralement des films issus de la branche Pathé-Enseignement, les vues sont destinées à être utilisé dans les salles de classes. La revue Le Cinéma chez soi participe à la campagne publicitaire en faveur du cinéma à l’école, publiant régulièrement des articles et des leçons afin de guider les instituteurs. L’usage des films dépassera d’ailleurs le cadre de l’enseignement laïc, l’Eglise catholique intégrant le procédé à ses missions apostoliques. » 

« L’accès à l’image ne rend pas indifférent. En octobre 1927, la revue Le cinéma chez soi publie les résultats d’une enquête sur l’avenir du cinématographe. Parmi les questions posées à de nombreux intervenants du monde politique et de la culture : L’invention du cinématographe aura-t-elle dans le monde plus d’importance que l’invention de l’imprimerie ? Redoutez-vous (…) que les facilités données par le cinématographe à la diffusion des connaissances puissent créer pour l’avenir des « populations d’illettrés » ? »
 
Des usages insoupçonnés 
« Le Pathé-Baby pénètre dans des espaces non-destinés à la projection, comme dans les grands magasins ou il peut être utilisé comme outil de divertissement ou comme support de films publicitaires. Autre exemple, la Compagnie des chemins de fer du Nord installera en 1935 le projecteur dans un wagon, montrant ainsi aux voyageurs les endroits pittoresques et lieux touristiques que dessert le réseau ». 

« Le projecteur permet également un nouveau débouché pour les films érotiques et pornographiques de productions indépendantes, dont la publicité est faite dans des magazines tels que Paris-Plaisir qui annonce les titres disponibles en 9,5 mm. La diffusion du genre bénéficie grandement du développement des formats réduits grâce au faible prix de vente des copies. Pour ces usages, les appareils étaient modifiés afin de pouvoir projeter les films de manière automatique sans besoin de les recharger. » 

Et la caméra vint 
« La caméra Baby ne tarde pas être commercialisée. Neuf mois après le projecteur, petits et grands évènements familiaux peuvent désormais être immortalisés. Pathé n’hésite pas à suggérer des sujets aux futures apprentis cinéastes à travers ses publicités et ses films édités, allant jusqu’à leur proposer la réalisation de petites fictions, notamment à travers des concours. La caméra est miniaturisée au possible afin de tenir dans la poche d’un veston et ne demande qu’un minimum de réglages, le plus délicat étant le choix de la bonne dose de lumière à faire entrer dans l’objectif. » 

Le développement des films amateurs 
« Bien que les utilisateurs de la caméra Pathé-baby avaient la possibilité de développer leurs films par eux-mêmes, confier le développement des films à des laboratoires professionnels sera la solution privilégiée, les manipulations étant assez complexes. »

« La panoplie du parfait petit cinéaste de A à Z ! Si le développement des films, trop complexe, sera majoritairement confié à des laboratoires professionnels, les amateurs avaient tout de même la possibilité de s’équiper de tous les accessoires nécessaires pour parfaire leurs films. Ils pouvaient fabriquer leurs propres titres selon différents modèles de titreuse, pratiquer leurs arrêts sur image par encoche, couper, monter, coller leurs images. La réalisation de ces films n’avait rien à envier à ceux projetés dans le circuit des salles de cinéma. » 

Le renouveau du Baby 9,5 mm 
« Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, le marché du cinéma amateur est en plein essor. Face à la concurrence des formats inventés par Kodak avec le 16 mm (1923) et surtout le 8 mm (1932) et à celle des fabricants de matériel français (Heurtier, Ciné-Gel, G.I.C.) et internationaux (Bolex, Nizo), Pathé veut réaffirmer sa position de leader. Du fait de son statut de créateur du cinéma chez soi, le renouveau de la marque est attendu par une clientèle acquise au 9,5 mm. » 

« Les projecteurs font peau neuve sous les traits du Joinville, créé par Jean Weissbrodt et Jacques Broïdo. Grâce à une production rationalisée, ces appareils sont disponibles en muet ou en sonore optique, en 9,5 mm ou en 16 mm. En forme de valise, il est facilement transportable et rapidement mis en place. Pathé fait évoluer sa gamme d’appareils selon ce premier modèle comme le Pathé Marignan équipé du son magnétique ou le Pathé-Baby 53, version simplifiée du Joinville pour satisfaire une clientèle populaire. » 

« Comme pour les projecteurs, de nouvelles caméras sont créées sous l’égide de deux inventeurs récemment engagés. Ce sera l’ère des appareils Webo, des appareils modulables ouverts à toutes les pratiques : du simple usager à l’expert passionné. Le haut de gamme est représenté par la célèbre Webo type M, première caméra d’amateur équipée d’une visée reflexe. A ses côtés, sont fabriqués des appareils d’utilisation facile comme la Webo type A et son magasin à chargement instantané ou la très maniable Nationale HB. » 


Du 6 septembre 2022 au 4 mars 2023
73, avenue des Gobelins, 75013 Paris 
Téléphone : +33 1 83 79 18 96
Mardi 14h - 20h30
Mercredi, jeudi 14h - 19h
Vendredi 14h - 20h30
Samedi 11h30 - 19h 
Fermeture Dimanche et Lundi

Les citations sur le film sont extraites du dossier de presse. 

Erwin Blumenfeld (1897-1969)


Après avoir participé au mouvement Dada sous le pseudonyme de Jan Bloomfield, le photographe juif allemand Erwin Blumenfeld (1897-1969) fuit le nazisme pour Paris où il fréquente des artistes de l'avant-garde. Durant la Deuxième Guerre mondiale, il est interné dans des camps français, en France et au Maroc. Il parvient à se réfugier aux Etats-Unis en 1941. Naturalisé américain, il acquiert la célébrité par ses photographies de mode - Vogue et Harper's Bazaar – et de publicité, développe une œuvre de portraitiste et multiplie les expérimentations artistiques. Le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) présente l'exposition « Les Tribulations d'Erwin Blumenfeld, 1930-1950 ».


« C’est par la découverte du pouvoir magique de la chimie, des jeux de l’ombre et de la lumière et de l’opposition à double tranchant entre positif et négatif qu’a vraiment commencé ma vie. J’ai débuté avec un bon oeil de photographe. Pour mettre immédiatement à l’épreuve ce petit appareil et m’assurer qu’il était véritablement capable d’enregistrer tout ce qu’on plaçait devant sa lentille, j’avais composé une nature morte des plus compliquées : le Moïse de Michel-Ange, sur les genoux une pomme de terre à moitié épluchée, une brosse à dents fichée dedans, le tout posé sur un exemplaire ouvert de la Bible illustrée par Gustave Doré. Mon frère Heinz, accoutré du pince-nez de maman et du fixe-moustache de papa, appuyait sa tête sur un pot de chambre retourné, brandissant dans son poing serré le corset de maman. Il n’y avait qu’un pas de cette expérimentation aux photos publicitaires que l’industrie américaine m’achèterait quarante ans plus tard deux mille cinq cents dollars par cliché. J’avais aussitôt développé cette toute première oeuvre dans les toilettes familiales à la lueur rougeoyante d’une bougie. [...] Tremblant, j’avais plongé la plaque de verre dans une assiette à soupe remplie de pyrogallol, le révélateur, et l’y agitai doucement. La lunette blanche toute neuve des toilettes s’en trouva à jamais maculée de brun, et la punition fut à la hauteur du forfait. Mais le négatif était parfait. La lumière du soleil me permit de tirer un positif sur du papier enduit de celluloïdine avec un fixateur doré : j’étais photographe". (Erwin Blumenfeld).

"Erwin Blumenfeld (1897-1969). Photographies, dessins et photomontages"

A l’instar des expositions dédiées à Lee Friedlander, Richard Avedon, Lee Miller et André Kertész, le Jeu de Paume a présenté en 2013-2014 Erwin Blumenfeld (1897-1969). Photographies, dessins et photomontagesla rétrospective de l’un des plus importants photographes de cette génération, Erwin Blumenfeld (1897-1969), dont « l’œuvre a contribué à la diffusion de la photographie moderne. La vie et l’œuvre d’Erwin Blumenfeld épousent de façon étonnante le contexte sociopolitique de l’évolution artistique de l’entre-deux-guerres, tout en mettant en lumière les conséquences individuelles de l’émigration ».

C’est presque une redécouverte. L’œuvre de Blumenfeld n’avait plus été présentée depuis l’accrochage du Centre Pompidou axé sur la photographie de mode (1981), à la Maison Européenne de la Photographie (1998), et plus récemment, l’exposition « Blumenfeld Studio, Couleur, New York, 1941-1960 » (Musée Nicéphore Niépce à  Châlon-sur-Saône, Essen, Londres).

Photographies en noir et blanc expérimentales, devenues désormais des classiques, mais aussi une série d’autoportraits et d’études de modèles, célèbres ou anonymes… Au Jeu de Paume, plus de 300 œuvres et documents, dont beaucoup inédits, de la fin des années 1910 aux années 1960, révèlent les « multiples facettes de l’œuvre d’Erwin Blumenfeld, les différents arts visuels pratiqués par l’artiste tout au long de sa vie : dessins, photographies, montages et collages ».

Ce « parcours présente les premiers dessins de l’artiste, ses collages et ses photomontages, exécutés pour l’essentiel au début des années 1920, ses premiers portraits artistiques, effectués à l’époque où il vivait aux Pays-Bas, les premières photographies de mode en noir et blanc de ses années parisiennes, les magistrales photographies en couleur créées à New York et les vues urbaines prises à la fin de sa vie ».

La rétrospective donne à voir des dessins, dont beaucoup inédits, ainsi que des collages et photomontages de jeunesse qui éclairent sur l’évolution de son travail photographique, « révélant pour la première fois toute l’ampleur de son génie créatif ».

Les « motifs, aujourd’hui devenus classiques, de ses photographies expérimentales en noir et blanc, y côtoient ses multiples autoportraits et portraits de personnalités connues ou inconnues, ainsi que la photographie de mode et publicitaire ».

« Dans les premières années de son travail photographique, Erwin Blumenfeld travaille en noir et blanc, mais dès que les conditions techniques le permettent, il utilise la couleur avec enthousiasme. Erwin Blumenfeld transpose à la couleur ses expériences avec la photographie en noir et blanc ; les appliquant au domaine de la photographie de mode, il y développe un répertoire de formes particulièrement original ».

Erwin Blumenfeld s’intéresse particulièrement au corps féminin. « Qu’il se consacre d’abord au portrait, puis au nu lorsqu’il vit à Paris ou, plus tard, dans son œuvre de photographe de mode à New York, Erwin Blumenfeld cherche à faire apparaître la nature inconnue et cachée de ses sujets ; l’objet de sa quête n’est pas le réalisme, mais le mystère de la réalité ».

L’exposition s’articule autour de sept thèmes : « Dessins, montages et collages », « Autoportraits », « Portraits », « Nus », « Le dictateur », « Architecture », « Mode ». La plupart des tirages sont des vintages, provenant de l’Estate d’Erwin Blumenfeld, de collections publiques et privées.

Une « grande partie de l’exposition porte sur la période où il fut un photographe recherché dans la mode et la publicité, à Paris puis à New York.

Ces photos, souvent en couleur, montrent l’intérêt constant de Blumenfeld pour les expérimentations photographiques après 1945 et révèlent en quoi son travail antérieur en noir et blanc lui a été utile pour son activité publicitaire. À travers des œuvres tirées des magazines, le visiteur peut également mesurer combien son travail a été façonné par les contraintes éditoriales et, grâce à plusieurs archives sonores, découvrir la radicalité de son langage imagé. Une série d’images en petit format, datant de ses dernières années, prises dans les villes de Berlin, Paris et New York, et peu connues à ce jour, est projetée sous forme de diaporamas ».

Erwin Blumenfeld a été un des artistes de l'exposition Confrontation à la galerie Le Minotaure.

Après le Jeu de Paume, le Multimedia art museum (Moscou) a présenté l’exposition Erwin Blumenfeld (1897-1969). Photographies, dessins et photomontages.

"Autoportraits"
Dans le cadre du Mois de la photo à Paris 2014les Douches La galerie présenta l'exposition collective Autoportraitsavec notamment une photographie d'Erwin Blumenfeld. "En retournant son objectif sur sa personne le photographe bouleverse ses codes, il peut dès lors voir son appareil comme un pistolet et la prise de vue comme un défi. Avec une quarantaine de tirages modernes et contemporains, l'exposition explore la photogénie intense de cet instant de vérité. Berenice Abbott, Val Telberg privilégient une démarche expérimentale du medium photographique. Lucien Hervé, Arnold Newman, Vivian Maier, Sabine Weiss, Erwin Blumenfeld, s’approprient le miroir déjà si présent dans l’autoportrait pictural. À partir de son patronyme familial, Ezra Nahmad compose une autobiographie. Choi, Arno Minkkinen, Wols étudient les possibilités expressives de leurs corps et de leurs visages. Pour Rodolf Hervé, atteint d’une maladie, l’autoportrait est catalyseur de tensions extrêmes. Kourtney Roy, unique héroïne de ses mirages intimes, considère la photographie comme un jeu de rôles. Dan Leung construit un tableau photographique où, isolé au milieu des tours de Hong Kong, il évoque l'identité chinoise et interroge la place de l’homme dans la ville. Brassaï dans une fumerie d’opium en 1931, Louis Faurer à New York en 1947, Raymond Depardon sur son scooter à Paris en 1959 ou encore Jean-Christophe Béchet sur les pas de Robert Franck en 2009, utilisent les ressources de la mise en scène dans des registres divers. Virtuosité, humour, introspection, l'autoportrait est toujours le témoignage d'un état intérieur comme le montrent si bien les images d'Hervé Guibert".

"Portfolios"
Les Douches La galerie proposa l'exposition Portfolios #4 Multiples et éditions, avec notamment des œuvres d'Erwin Blumenfeld (7 décembre 2016-14 janvier 2017).

 "Studio Blumenfeld New York, 1941-1960"
Les Docks - Cité de la Mode et du Design présente l'exposition Studio Blumenfeld New York, 1941-1960.

Dans le cadre du Mois de la Photo du Grand Paris, la Cité proposa, du 3 mars au 4 juin 2017, de partir à la découverte du cheminement artistique du photographe de mode Erwin Blumenfeld, de sa constante soif d’exploration et de sa recherche d’une identité par la photographie couleur qui, dans les années 40 et 50, va influencer l’Amérique".

"Issues de plus de six cents archives, 170 images - dont une trentaine d’œuvres inédites - sont présentées. L’exposition rassemble les photographies de mode en couleurs réalisées par l‘artiste et propose une immersion dans l’univers du studio, chambre d’expérimentation de ce génie photographique".

« Studio Blumenfeld New-York 1941-1960 » donne à voir le fonctionnement du studio dans les années de guerre et d’après-guerre, en partant de plus de 640 plan-films qu’Erwin Blumenfeld avait conservés comme mémoire de ses séances new-yorkaises. Des archives personnelles qui explicitent aussi bien sa relation avec la presse de mode et de beauté, que sa relation avec la publicité".

"Hors cadre et hors échelle, la mise en scène de l’architecte et scénographe Vasken Yéghiayan rythme un parcours intérieur et extérieur et fait dialoguer, la modernité d’Erwin Blumenfeld avec l’architecture post-industrielle et ultra contemporaine de la Cité".

"Les Femmes d'Erwin Blumenfeld"
Les Femmes d'Erwin Blumenfeld est un documentaire réalisé par Nick Watson et produit par Remy Blumenfeld (Grande-Bretagne, 2013). "En survivant à deux guerres mondiales, Erwin Blumenfeld est devenu l'un des photographes de mode les mieux payés, et une source d'influence majeure dans le développement de la photo comme un art à part entière. Dans le tout premier film mettant en lumière sa vie et son travail, la vie passionnante de Blumenfeld se dévoile à travers des photos stupéfiantes, des films de mode, des archives personnelles et des autoportraits. Tous ces documents révèlent un homme obnubilé par sa quête de femmes magnifiques, mais aussi par les possibilités infinies de la photographie en elle-même. Grace à un accès exclusif aux nombreuses archives de Blumenfeld - de ses premiers travaux novateurs à ses couvertures iconiques de Vogue - et aux contributions de photographes de renom tels que Rankin, Nick Night et Solve Sundsbo et de la top model Carmen Dell'Orefice, découvrez l'histoire riche et complexe d'uns des photographes les plus originaux du 20e siècle".

« Les Tribulations d'Erwin Blumenfeld, 1930-1950 »
Le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) présente l'exposition « Les Tribulations d'Erwin Blumenfeld, 1930-1950 ». 

« A travers près de 180 photographies — dont des ensembles jamais exposés — et de nombreux documents, l’exposition ≪ Les Tribulations d’Erwin Blumenfeld, 1930-1950 ≫ met en lumière la période la plus féconde du photographe. Ses expérimentations artistiques révélèrent son talent pour la photographie de mode qui l'amena à travailler pour les plus grands magazines américains. L'exposition offre également des éclairages sur sa vision de l’art et sur sa vie personnelle pendant l'Occupation. »

« Entre son installation à Paris en 1936, et les débuts de sa carrière américaine, après 1941, Erwin Blumenfeld (Berlin, 1897-Rome, 1969) voit son destin, tant artistique que personnel, bouleversé. Sa plongée dans l’effervescence artistique de la capitale et l’univers de la mode est brutalement interrompue par la défaite de 1940. Il connait l’errance, l’internement comme ≪ étranger indésirable ≫ dans plusieurs camps français avant d’obtenir un visa pour les Etats-Unis. Embarqué sur le Mont Viso, il doit encore subir l’enfermement avec sa famille dans un camp français au Maroc. Blumenfeld traverse cette tourmente comme nombre d’artistes juifs, mais peut se réfugier in extremis aux Etats-Unis, ou il renoue immédiatement avec l’industrie de la mode. »

« La période des années 1930 aux années 1950 est aussi celle de la révélation de son talent photographique, le moment d’une expérimentation artistique originale et foisonnante, poursuivie avec la même ferveur de Paris à New York. Après des débuts dadaïstes, marqués par des photomontages politiques prémonitoires sur le nazisme, Blumenfeld construit une œuvre éloignée des troubles du temps. Elle dépasse les techniques adoptées notamment par les tenants de la ≪ Nouvelle vision ≫, tant lors de la prise de vue qu’en laboratoire : solarisation, réticulation, surimpression, miroirs et jeux optiques, jeux d’ombres et de lumières forment pour lui une grammaire au service d’une image où la beauté et le nu féminin occupent une place centrale. Il mettra en particulier son génie au service de la photographie de mode, et sera précurseur des les années 1940 dans le domaine de la couleur, propice à de nouvelles expérimentations. »

« L’exposition suit le cheminement de l’artiste dans des séries, dont sont issues ses photographies les plus célèbres et les plus expérimentales, et les liens qu’il a pu tisser dans ses images avec les maitres de la peinture ancienne et de l’art moderne. A New York, les magazines Harper’s Bazaar et Vogue, en particulier, seront les supports influents de son talent, déployé dans une libre exploration de formes et de couleurs. Le parcours présente également deux reportages inédits, sur une famille gitane aux Saintes-Maries-de-la-Mer, et sur les danses cérémonielles des Amérindiens au Nouveau-Mexique. »

Le commissariat général est assuré par Paul Salmona, celui scientifique par Nadia Blumenfeld-Charbit et Nicolas Feuillie.

Sur Hitler, Erwin Blumenfeld a créé des photomontages d'une prescience saisissante : coulures rouge sang des yeux et de la bouche du Führer, visage semblant se fissurer en laissant affleurer des os du crâne... Une de ces photographies où la croix gammée est inscrite sur la tête a été utilisée par la propagande des Alliés dans un tract diffusé en Europe durant la Deuxième Guerre mondiale.

"En réaction à l’accession au pouvoir de Hitler en 1933, Blumenfeld réalise plusieurs portraits du Führer en photomontages. En 1937, il pose une tête de veau sur un buste antique, inventant ainsi la figure du dictateur, que Francis Picabia peindra quatre ans plus tard. Le Minotaure est alors en vogue chez les artistes, notamment les surréalistes, sur lesquels il exerce à la fois fascination et répulsion pour l’animalité de l’homme. Il symbolisera la bestialité des dictatures naissantes. La créature de Blumenfeld évoque également la terrible figure biblique de Moloch, au nom duquel des enfants étaient sacrifiés. Représenté dans la tradition juive par un homme à tête de veau, son culte est évoqué par Gustave Flaubert dans Salammbô et chez Fritz Lang dans Metropolis", a indiqué le mahJ sur Facebook (29 novembre 2022)
📷 Erwin Blumenfeld, "Le Minotaure" ou "Le Dictateur"
Paris, 1937 © Collection famille Blumenfeld
Francis Picabia, "L’Adoration du veau", 1941-1942, Paris,
© Centre Pompidou © Adagp, Paris, 2022

Et on pense à ce passage du Livre d'Osée (13.2) - Osée (Hosea signifie en hébreu "sauve") est un des douze petits prophètes d'Israël - de la Bible hébraïque :
"Et maintenant ils redoublent leurs fautes ; ils se sont fait des idoles avec leur argent, et avec leur industrie, des Images ; tout cela c’est œuvre d’artiste. C’est à elles qu’ils s’adressent ; et pour rendre hommage à des veaux, ils immolent des hommes".

A découvrir aussi : des photographies du camp d'internement français de Sidi El-Ayachi, près d’Azemmour (Maroc) où a été détenu Erwin Blumenfeld et des membres de sa famille avant de pouvoir se réfugier aux Etats-Unis.

« L’exposition est accompagnée de manifestations à l'auditorium, d’activités pour le jeune public et de visites guidées. »

L'exposition bénéficie du soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, de la fondation Pro mahJ, de la fondation Feldstein, sous l'égide de la Fondation du judaïsme français et de la Fondation Odette et Szlama Warszawski-Varsaux, ainsi que du partenariat avec la RATP.


Parcours de l’exposition
I. Paris. Premières photographies, 1936-1938
« Si l'artiste est un être en qui a été déposé le don d'insuffler de la vie à la matière, il se rendra maître, maîtrisera la matière, quelle qu'elle soit, celle qu'il aura librement choisie. »
L’Amour de l’art, 1938

« La carrière de photographe d'Erwin Blumenfeld débute à Amsterdam. Lorsque son commerce de maroquinerie périclite, il propose à ses clientes de tirer leur portrait. En 1932, il découvre dans l’arrière-boutique de son magasin un appareil à soufflet et un laboratoire lui permettant de développer et de tirer ses images. Geneviève Rouault, fille du peintre Georges Rouault, en voyage de noces dans la ville, admire son travail et lui propose de l’introduire dans le milieu artistique parisien. Sans-le-sou, Blumenfeld débarque à Paris en janvier 1936 et réalise quelques portraits. Si ces clichés ne lui rapportent rien, il peut satisfaire sa curiosité artistique : il photographie la cathédrale de Rouen ou Notre-Dame de Paris, les sculptures d'Aristide Maillol et d'Henri Matisse, ainsi que les objets africains et amérindiens du nouveau musée de l’Homme, inaugure au Trocadéro. Ses photographies sont publiées dans des revues prestigieuses comme Arts & Métiers graphiques, Verve ou XXe siècle, et il peut répondre au moins implicitement par l’affirmative à la question ≪ La photographie est-elle un art ou non ? ≫ dans L’Amour de l’art en juin 1938. »

II. Saintes-Maries-de-la-Mer. Gitans, 1928-1930
« Chaque image est un récit. Comme je prends au sérieux la beauté, tous mes portraits sont chargés de l’instant qui est le mien. »
Jadis et Daguerre, p. 345

« Avant de faire de la photographie son métier, Blumenfeld la pratique en amateur depuis l’âge de 11 ans, quand il reçoit d’un oncle américain son premier appareil, une box camera. Parmi les nombreux clichés personnels réalisés par l’artiste figure cet ensemble inédit consacré au pèlerinage gitan aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Il semble que Blumenfeld s’y soit rendu avec Lena Citroen, sa femme, en 1928 à l’ occasion d’un voyage touristique. »

« Blumenfeld photographie les roulottes, la fête foraine et ses manèges, une diseuse de bonne aventure, des femmes et des enfants posant fièrement. Des portraits de jeunes femmes, sur fond neutre, vraisemblablement pris ultérieurement dans l’atelier du photographe à Amsterdam, complètent cette série. »

III. Paris. Photos expérimentales et photos de mode, 1938-1939
« Ce que je voulais vraiment : ÊTRE PHOTOGRAPHE EN SOI, l’art pour l’art, un nouveau monde que le juif américain Man Ray venait de découvrir de manière triomphale. »
Jadis et Daguerre, p. 302

« Dès ses années parisiennes, le sujet de prédilection de Blumenfeld est la femme. S’il a commence à réaliser des portraits a Amsterdam, c’est à Paris que le corps féminin devient pour lui le support d’explorations formelles. Ses modèles sont dépersonnalisés, et à l’aide d’accessoires (voiles, verre dépoli ou miroirs) et de lumières travaillées, il réalise des compositions proches de l’abstraction. La pratique de la photographie ne se limite pas pour Blumenfeld à la prise de vue : une partie importante du travail se fait en laboratoire lors du tirage, et notamment par le masquage, la surimpression, la solarisation ou la réticulation. ≪ Pour moi, la plus grande magie du XXe siècle, c’est la chambre noire ≫ déclare-t-il au photographe Cecil Beaton, qui le présente à Michel de Brunhoff, rédacteur en chef de Vogue. Grace à lui, Blumenfeld pénètre l’univers de la mode, dans lequel il se fond avec bonheur. Il réalise notamment le portfolio du numéro de mai 1939, où les modèles prennent la pose dans des robes de créateurs, s’agrippant aux rambardes dans les hauteurs de la tour Eiffel. »

IV. Le Dictateur. Prémonitions de la guerre, Amsterdam, 1933 — Paris, 1937
« Plus qu’à quiconque, je dois reconnaissance au Führer Schicklgruber. Sans lui […], je n’aurais pas eu le courage de devenir photographe. […] En guise de remerciement, j’ai réalisé dans la nuit de son accession au pouvoir un montage de sa gueule d’horreur avec une tête de mort et j’ai ensuite, complètement ivre, couru à travers la nuit sur les vingt-cinq kilomètres qui séparent Amsterdam d’Aerdenhout. »
Jadis et Daguerre, p. 295-296

« A Berlin en 1915, Blumenfeld se lie d’amitié avec Georg Grosz et, au café Des Westens, fréquente la poétesse Else Lasker-Schuler, le philosophe Salomo Friedlaender-Mynona et l’éditeur Wieland Herzfelde. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, il reste en contact avec eux et participe avec son ami d’enfance Paul Citroen au mouvement Dada, produisant des caricatures et des photomontages. En réaction à la prise de pouvoir de Hitler en 1933, il réalise quelques portraits du dictateur, notamment en surimpression avec un crâne. S’il rejoint John Heartfield dans sa critique du nazisme par l’image, son message diffère. Alors que dans ses photomontages pour la revue AIZ, ce dernier insiste, dans une perspective marxiste, sur l’image d’un Hitler instrument de la puissance industrielle et capitaliste, Blumenfeld fait de lui l’incarnation de la mort. »

« Vers 1937, sa photographie intitulée Le Minotaure (qui deviendra après-guerre Le Dictateur) évoque de manière plus allusive le Führer, avec une tête de veau montée sur un buste antique portant une toge. La figure du minotaure est assez populaire a l’époque, elle donne notamment son titre à une revue artistique parisienne contemporaine. Exaltant une certaine animalité en l’homme, elle devient aussi rapidement le symbole de la barbarie. La tête de veau sur le cliché de Blumenfeld évoque aussi la terrible figure biblique de Moloch, telle que la tradition juive l’a transmise ; reprise dans l’iconographie populaire, on la retrouve plus récemment chez Flaubert, dans Salammbo et chez Fritz Lang dans Metropolis. »

V. La guerre, les camps, 1939-1941
« Je peux aujourd’hui m’enorgueillir d’avoir vécu en direct la fin de l’Ancien monde : ce fut laid, stupide et mortellement dangereux. Si nous nous en sommes tirés sans trop de casse, les miens et moi, cela relève du hasard le plus pur. »
Jadis et Daguerre, p. 334

« En août 1939, Blumenfeld rentre à Paris satisfait d’un séjour à New York, ayant obtenu un engagement du magazine Harper’s Bazaar. Mais un mois plus tard, la déclaration de guerre fait de lui un paria, et il lui faudra subir, avec sa famille, deux années d’épreuves et d’errances avant de retrouver la liberté sur le sol du Nouveau Monde. Résident dans un hôtel à Vézelay durant la drôle de guerre, il écrit avec humour : ≪ Ce furent les vacances les plus sereines de ma vie ≫. En mai 1940, il est interné en tant qu’≪ étranger indésirable ≫ à Montbard-Marmagne en Côte-d'Or, puis au camp de Loriol dans la Drome. Après la chute de Paris, il est convoyé au Vernet d’Ariège, un camp très dur où il passe six semaines. Ce seront ensuite Catus et Agen, avant qu’il puisse gagner Marseille, où, rejoint par sa famille, il part en quête de visas et de billets pour les Etats-Unis. Embarqués sur le cargo le Mont Viso, il faut un mois à Erwin et les siens pour arriver a Casablanca, où les passagers sont débarqués et internés au camp de Sidi El-Ayachi, près d’Azemmour. Enfin, en août 1941, grâce à la Hebrew Immigrant Aid Society, une organisation juive de secours, la famille peut à nouveau embarquer à destination de New York. Avec amertume, Blumenfeld note dans Jadis et Daguerre : ≪ Quelques pauvres filles qui avaient couché avec des Allemands ont été tondues, comme au cinéma. La grande putain, Marianne, qui avait violé les droits de l’homme, resta impunie.

VI. New York, mode et photographies expérimentales, 1941-1950
« Pour faire entrer l'art dans l'illustration par voie de contrebande, il faut peut-être que le photographe aime vraiment la photographie plus que le métier de photographe. »
Commercial Camera, décembre 1948

« Dès le lendemain de son arrivée à New York, Blumenfeld rejoint Harper’s Bazaar. Il bénéficie de moyens importants ; en quelques années, son talent et sa créativité font de lui un photographe reconnu et sollicité. Pourtant, il ne se départira pas de l’impression d’avoir à lutter pour imposer ses conceptions face à des commanditaires et des directeurs artistiques trop soucieux de leurs finalités commerciales. Il se targuera d’introduire ≪ l’art en contrebande ≫ et de promouvoir ≪ la satisfaction que l'on retire de la création d'images ≫. Le travail en couleur, dont il rêvait depuis toujours, lui apporte notamment une nouvelle liberté, et ses clichés font la couverture de nombreux magazines. »

« Il poursuit en parallèle un travail personnel d’expérimentation, toujours autour du corps féminin, très libre dans l’exploration des formes, des couleurs et du mouvement. »

« Ces images ont rarement été montrées et n’ont que récemment fait l’objet d’expositions. Si des photographes, plus jeunes, ont pu combiner engagement dans la mode et reconnaissance dans le milieu de l’art, ce n’était pas encore dans les usages à l’époque de Blumenfeld. »

VII. Inspirations artistiques. D’apres les maitres, 1930-1950
« Je me considérais comme moderne, mais me révélai classique. Ce que cela signifie de manière précise, je l’ignore : on m’a si souvent mis dans cette rubrique que j’ai fini par considérer que c’était plausible. »
Jadis et Daguerre, p. 292

« En parcourant l’autobiographie de Blumenfeld, on est frappé par la culture de l’artiste : le texte est en effet truffé de références littéraires. Son œuvre photographique est nourri également de références à l’histoire de l’art. Dans l’après-guerre, il semble en particulier inspiré par certains grands maitres. Il peut s’agir de la recréation d’une toile célèbre, telle la Jeune fille à la perle de Vermeer, où les couleurs et la composition sont assez fidèlement reprises, mais le plus souvent, il s’agit d’allusions assez discrètes, de références implicites ou de manières de clins d’œil, ou la pose du modèle évoque une œuvre célèbre. »

« La sculpture semble aussi être source d’inspiration, et il décrit en 1938 la photographie comme la ≪ sœur de la sculpture ≫, ajoutant que ≪ l’erreur est de la comparer à la peinture ≫. Certaines de ses images y font référence, comme l’usage de fonds noirs, ou les dégradés de lumière modèlent les volumes. L’accessoire du voile fréquent sur les photographies, moulant le corps, qui révèle autant qu’il ne cache, est prise par les sculpteurs depuis l’Antiquité. Le goût pour le corps morcelé fait référence aux statues grecques amputées des bras et des jambes. »

« Si Blumenfeld a pratiqué la peinture dans les années 1920, il finit par l’abandonner pour la photographie, et déclare ≪ Si l’artiste est un être en qui a été déposé le don d’insuffler de la vie à la matière, il se rendra maitre, maitrisera la matière, quelle qu’elle soit, celle qu’il aura librement choisie ≫. Son œuvre photographique ambitionne alors une inscription dans la grande tradition artistique occidentale. »

VIII. Pueblo San Ildefonso, Nouveau Mexique, 1947
« La technocratie de ce monde de petits-bourgeois m’amena par des routes secondaires jusqu’aux merveilles universelles d’hier, hélas déjà promues dans des parcs naturels au rang d’espèces préservées. »
Jadis et Daguerre, p. 443

« Cet ensemble inédit de photographies de Blumenfeld sur un événement festif d’Amérindiens du Nouveau-Mexique, dont on ne connait pas le contexte de réalisation, a pu être identifié et décrit grâce au travail de Bruce Bernstein, anthropologue à l’université de Santa Fe. Blumenfeld n’a pu réaliser ces rares photographies sans l’accord des participants, tant la proximité avec les danseurs est flagrante. »

Pueblo San Ildefonso est le nom espagnol du village, connu dans la langue locale tewa sous le nom de Po-woh-ge-oweenge, que l’on peut traduire ≪ Là ou l'eau passe ≫. Les festivités que l’on peut voir se déroulent pour la plupart le 23 janvier, lors de cérémonies au cours desquelles les danses d'animaux alternent avec les danses One-Horn et Comanche. »

« Woody Aguilar, Russell Sanchez et Elvis Torres, qui ont été interrogés, sont des membres actifs de la communauté de San Ildefonso. D’après les images, ils ont pu déterminer le moment et l'endroit où ces photographies ont été prises. Ils ont apprécié leur qualité et le fait d’y retrouver un témoignage d’une célébration ancienne de ces fêtes. »

Repères biographiques

« 1897 Naissance à Berlin au sein d’une famille de la bourgeoisie juive.
1907 Reçoit de son oncle Carl son premier appareil photo.
1910 Pour sa bar-mitsvah, il demande 360 volumes de littérature, et n’en reçoit ≪ que ≫ 237.
1913 Mort de son père des suites de la syphilis. Faillite de sa fabrique de parapluies Jordan & Blumenfeld. Ruine familiale. Quitte le lycée et commence un apprentissage dans la manufacture de confection féminine Moses & Schlochauer.
1915 Se lie d’amitié avec Georg Grosz ; fréquente le Café des Westens, où il retrouve Walter Mehring, la poétesse Else Lasker-Schuler et l’écrivain libertaire Salomo Friedlander alias Mymona.
1916 Appelé sous les drapeaux, il part sur le front comme ambulancier.
1918 Décès de son frère Heinz sur le front. Revient à Berlin. Emigre illégalement aux Pays-Bas pour retrouver sa fiancée Leentje (Lena) Citroen. Travaille dans un magasin de prêt-à-porter, puis s’essaie à la commercialisation d’œuvres d’avant-garde avec son ami Paul Citroen.
1919 Il peint, écrit et réalise des collages sous le pseudonyme de Jan Bloomfield.
1920 Crée avec Paul Citroen une branche Dada, ≪ Holland Dadacentrale ≫, dont ils sont les directeurs. Correspond avec Richard Huelsenbeck et Tristan Tzara.
1921 Il épouse Lena, avec qui il aura trois enfants, Lisette (1922), Heinz (Henri en France, Henry aux Etats-Unis) (1925) et Frank Yorick (1932).
1923 Ouvre sur Kalverstraat a Amsterdam, la Leather Fox Company, une boutique de maroquinerie pour femmes.
1928-1929 Reportage aux Saintes-Maries-de-la-Mer.
1932 Déménage dans une autre boutique de la même rue. Il y découvre un appareil à soufflets Voigtlander Bergheil et une chambre noire derrière une porte condamnée. Se lance alors dans le portrait de clientes. Le marchand d’art Carel Van Lier lui permet d'exposer son travail pour la première fois à la galerie Kunstzaal van Lier, rue Rokin.
1933 Apres l’arrivée au pouvoir de Hitler en Allemagne, il réalise l'ensemble de photomontages ≪ Gueules de l’horreur ≫, une superposition d’un crâne et d’un portrait de presse de Hitler.
1934 Travaille comme photographe de plateau sur le film Pension Mimosas de Jacques Feyder, tourne dans les studios Tobis à Epinay-sur-Seine. Première publication dans le magazine VU.
1935 Alors en voyage de noces, Geneviève Rouault, la fille du peintre Georges Rouault, entre dans sa boutique et lui propose de le recommander à Paris comme portraitiste. Il fait faillite et liquide sa boutique.
1936 Installation à Paris dans un hôtel de la rue d’Odessa. Grace à Geneviève Rouault, il rencontre le monde de l’avant-garde. Nombreux portraits peu rémunérateurs. Publication dans Paris Magazine et dans Arts & Métiers graphiques Photographie. Exposition à Paris, Galerie Billiet-Pierre Vorms, 30, rue La Boétie. La rémunération d'une première publicité pour Monsavon lui permet de faire venir Lena et ses enfants. Installe son atelier à Montparnasse, au 9, rue Delambre.
1937 Première couverture pour le magazine Votre Beauté. Série ≪ Le Minotaure ≫ (ou le Dictateur). Publications dans les premiers numéros de la revue Verve dont le directeur est Teriade. Fait la connaissance du photographe britannique Cecil Beaton, qui l’introduit auprès de Michel de Brunhoff, directeur de Vogue France. Participe à l’exposition ≪ L’art Cruel ≫ à la galerie Billiet-Pierre Vorms.
1939 Son contrat avec Vogue n’est pas renouvelé. Se rend à New York en quête d'un nouveau contrat. Reçoit un bon accueil à Life et à Harper’s Bazaar, magazine avec lequel il signe un contrat pour couvrir la mode parisienne. Il revient à Paris en août. Au lendemain de l’appel à la mobilisation générale du 2 septembre, il quitte la capitale pour rejoindre sa famille à Voutenay-sur-Cure (Yonne). Apres la déclaration de guerre, il repart seul à Paris, où il tente en vain de se procurer des papiers. Durant la ≪ drôle de guerre ≫, la famille vit à Vézelay, à l’hôtel de La Poste et du Lion d’or.
1940 Au mois de mai, étranger indésirable, il est emmené par des gendarmes au camp de Monbart-Marmagne (Côte-d’Or), un centre de rassemblement des étrangers, avec le statut de prestataire. Il confie à sa femme un ensemble de courts récits et de poèmes écrits au cours des années précédentes. Ils seront perdus. Apres la chute de Paris en juin, il est envoyé par train dans un camp à Loriol, puis vers Nîmes, Montpellier, Sète, Narbonne, Toulouse et Perpignan, avant d'être interné durant six semaines au Vernet d’Ariège, sa pire épreuve de toute la guerre. Il peut revoir sa femme et ses enfants. Lena quitte Vézelay à temps et traverse la France, tandis que leur fille Lisette est internée lors de ses 18 ans au camp de Gurs. Les internés sont convoyés via Toulouse et Cahors à Catus (Lot). Le capitaine Schlosser, qui dirige le camp, est un soutien du général de Gaulle et laisse ses prisonniers ≪ prestataires ≫ s’installer en ville. Devant la menace de l’arrivée de la Gestapo, Schlosser transfère ses prisonniers vers Agen.
1941 La famille vit en résidence surveillée à Agen. Ayant obtenu ses visas d’entrée aux Etats-Unis, Blumenfeld est libéré. La famille s’installe à Marseille dans l’attente de l’obtention de billets de bateau. Embarquement à bord du cargo Mont Viso, à destination de New York. Le navire fait escale à Alger, à Oran, puis à Casablanca, ou les passagers restent en quarantaine. Départ du bateau de Casablanca, puis retour au port. Les passagers sont débarqués et internés au camp de Sidi El Ayachi, près d’Azemmour, au sud de Casablanca.
Grâce à l’assistance de l’association d’aide à l’émigration juive HICEM, la famille parvient à embarquer pour New York à bord d’un navire portugais, le SS Nyassa. Ils arrivent à New York le 9 août. Des le lendemain, Erwin commence à travailler pour Harper’s Bazaar.
1943 Acquiert un studio situé au 222, Central Park South, New York. De nombreux magazines font appel à lui. Il devient l’un des photographes de mode les plus connus et les mieux payés.
1946 Obtient la nationalité américaine.
1948 Exposition collective ≪ In and Out of Focus: A Survey of Today's Photography ≫, MoMA, New York.
1950 Exposition collective ≪ Color Photography ≫, MoMA, New York.
1951 Exposition collective ≪ Abstraction in Photography ≫, MoMA, New York.
1955 Fin de sa collaboration avec Vogue. Se tourne vers la publicité et collabore avec de nombreuses marques. Commence à travailler sur l’ouvrage Mes 100 meilleures photos.
S’attelle à la rédaction de son autobiographie, Einbildungsroman (Jadis et Daguerre) en allemand.  
Voyage beaucoup, en Europe et en Amérique centrale, prenant de nombreuses photos avec son Leica. 
1969 Meurt à Rome d’un infarctus. »

Préface du catalogue

Par Paul Salmona, directeur du mahJ
« Pour nombre d’amateurs, le nom d’Erwin Blumenfeld est attaché au monde de la mode, où le photographe déploya à partir de 1938 une créativité exceptionnelle dans des images auxquelles le musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône a consacré une exposition en 2012 (≪ Studio Blumenfeld, Couleur, New York, 1941-1960 ≫, reprise à la Cité de la mode et du design en 2017). C’est l’aspect le plus connu, car largement diffusé par la presse féminine, d’une œuvre pourtant beaucoup plus vaste, dont le Jeu de Paume a notamment montré les dessins et collages dadaïstes en 2013 (≪ Erwin Blumenfeld. Photographies, dessins et photomontages ≫).
Le mahJ, pour sa part, a choisi d’approfondir ce que la vie et l’œuvre de Blumenfeld doivent en propre à la culture et au destin des juifs européens pris dans les tourmentes de la première moitie du XXe siècle. En effet, son parcours est particulièrement représentatif de celui de la bourgeoisie juive allemande assimilée. Fils d’une famille d’industriels berlinois, élevé dans un milieu cultivé, féru de littérature et de peinture, Blumenfeld reçoit en 1907 un premier appareil Kodak, à l’âge de dix ans, suivi d’un second — à soufflet — trois ans plus tard, déterminant une vocation précoce qui ne trouvera à s’exprimer complètement qu’au milieu des années 1930. L’Allemagne du jeune Blumenfeld est celle de la désillusion des juifs tenus pour responsables de la défaite mais c’est aussi celle des avant-gardes artistiques, auxquelles il participe avant de quitter Berlin pour Amsterdam où il s’installe en 1918.
Son existence est marquée par une extraordinaire adaptabilité aux circonstances tant matérielles que politiques : débâcle de l’entreprise familiale en 1913 l’obligeant à entrer en apprentissage, affectation comme ambulancier sur le front en 1916, prise du pouvoir par Hitler en 1933, faillite de sa boutique de maroquinerie en 1935. Il fait aussi preuve d’un cosmopolitisme qui favorisera sa mobilité géographique — d’Allemagne aux Pays-Bas, de France aux Etats-Unis — et d’une capacité de rebond professionnel peu commune pour un exilé.
Comme d’innombrables artistes européens trouvant ateliers, académies, galeries et collectionneurs dans le Paris de l’entre-deux-guerres, Blumenfeld est attiré par l’effervescence artistique de la capitale, mais là où d’autres demeurent dans une grande précarité, il sait très vite se faire une place. En effet, si la photographie a d’abord constitué pour beaucoup de juifs un gagne-pain de circonstance — parfois exercé avec génie comme chez Robert Capa —, pour Blumenfeld, c’est un art à part entière se prêtant à une large palette d’inventions formelles. A l’instar de Man Ray — autre photographe juif dont la carrière se situe à cheval entre les Etats-Unis et la France —, Blumenfeld recourt au laboratoire pour prolonger l’acte de la prise de vue et en exploite les ressources créatives de manière exceptionnelle. Il devient ainsi à Paris, à la fin des années 1930, un photographe de mode prise travaillant pour Vogue et Harper’s Bazaar.
Les prémices de la Seconde Guerre mondiale, avec l’internement des ≪ étrangers indésirables ≫, n’en sont que plus brutales. Blumenfeld connait ainsi successivement les camps de Marmagne en Côte-d’Or, de Loriol dans la Drome, du Vernet d’Ariège et de Catus-Cavalier dans le Lot, tandis que sa fille est internée à Gurs dans les Basses-Pyrénées. Grace à son énergie et à son entregent, il obtient un visa pour les Etats-Unis en 1941, mais, à la suite d’une escale à Casablanca, est à nouveau interné avec sa famille dans le camp de Sidi-el-Ayachi au Maroc.
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Si Blumenfeld fait preuve d’une rare résilience face aux vicissitudes de la guerre, sa traversée des années 1939, 1940 et 1941 est néanmoins emblématique de l’effondrement matériel et moral que constitue le traitement des juifs étrangers par les gouvernements d’Edouard Daladier et de Paul Reynaud, puis leur persécution par le régime de Pétain.
L’exposition nous rappelle ainsi ce que furent ces camps — notamment au Maroc ou Vichy en ouvrit quatorze — et la difficulté de quitter la France.
Exfiltré du Maroc avec sa famille grâce aux démarches de la Hebrew Immigrant Aid Society, Blumenfeld arrive a New York en août 1941 et reprend immédiatement sa collaboration avec les plus grands magazines de mode, déployant une inventivité renouvelée grâce à la couleur qu’il adopte dès son arrivée — Eastman vient de mettre au point le Kodachrome, une pellicule inversible promise à un succès planétaire.
C’est dire à quel point les ≪ tribulations ≫ d’Erwin Blumenfeld permettent d’appréhender, à travers un destin individuel finalement heureux et professionnellement accompli, l’abime que constitua l’Occupation. L’antithèse, en quelque sorte, du sort de ces ≪ artistes martyrs ≫, disparus dans la Shoah, dont Hersh Fenster préserve le souvenir dans Undzere farpaynikte kinstler, publié en 1951 (Nos artistes martyrs, mahJ-Hazan, 2021) — et qui laisse imaginer ce que ces créateurs auraient peut-être réalisé si leur existence ne s’était pas brutalement interrompue.
L’exposition offre aussi l’occasion de revoir des images politiques d’inspiration dadaïste, des photographies expérimentales d’une virtuosité exceptionnelle, des images de mode profondément novatrices, et de découvrir l’intérêt de Blumenfeld pour l’autre, à travers des reportages consacrés aux Saintes-Maries-de-la-Mer et au pueblo San Ildefonso au Nouveau-Mexique.
Après Lore Kruger, Nathan Lerner, Helmar Lerski ou Roman Vishniac — sans omettre la ≪ valise mexicaine ≫ de Robert Capa, David Seymour et Gerda Taro —, le mahJ poursuit ainsi, avec Erwin Blumenfeld, l’exploration des œuvres de grands photographes juifs du XXe siècle.
L’exposition est particulièrement redevable à Nadia Blumenfeld-Charbit, petite-fille de l’artiste, qui en assure le commissariat avec Nicolas Feuillie, chargé de la collection photographique du mahJ, et pour laquelle elle a mis à la disposition du musée ses archives familiales et nombre de documents inédits. »


Du 13 octobre 2022 au 5 mars 2023
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple. 75003 Paris
Tél. : 01 53 01 86 65
Mardi, mercredi, jeudi, vendredi : 11h-18h
Nocturne le mercredi jusqu'à 21h
Samedi et dimanche : 10h-19h


Les Femmes d'Erwin Blumenfeldpar Nick Watson
Grande-Bretagne, Remy Blumenfeld, 2013
Sur Histoire les 5 février 2018 à 07 h 35, 9 février 2018 à 13 h 45, 15 février 2018 à 14 h 05 et 21 février 2018 à 13 h 55, 17 mars 2019 à 6 h 55, 25 mars 2019 à 1 h 05, 31 mars 2019 à 3 h 05, 6 avril 2019 à 1 h 25, 1er février 2020 à 22 h 10, 2 février 2020 à 12 h, 7 février 2020 à 12 h 45, 19 février 2020 à 12 h 15

Du 3 mars au 4 juin 2017
A Les Docks - Cité de la Mode et du Design
34, quai d'Austerlitz. 75013 Paris
Tél. : 01 76 77 25 30
Tous les jours de 11h à 19h, fermé le mardi

Erwin Blumenfeld, Photographies, dessins et photomontages. Textes d’Ute Eskildsen, Helen Adkins, Janos Frecot, Wolfgang Brückle, Esther Ruelfs, François Cheval et Nadia Blumenfeld Charbit. Jeu de Paume / Hazan, 2013. 264 pages, 200 ill. n. & b. et coul. Broché, 21,5 x 27,5 cm. Catalogue français et anglais. 35 €. ISBN : 978-2754107174

Du 7 décembre 2016 au 14 janvier 2017
Du 7 novembre 2014 au 10 janvier 2015
5, rue Legouvé. 75010 Paris
Tél. : +33 (0)1 78 94 03 00
Du mercredi au samedi de 14 à 19 heures. Lundi et mardi sur rendez-vous
Vernissage le 6 novembre 2014, de 18 h à 21 h

Du 19 février au 11 mai 2014
Au Multimedia art museum
Ostozhenka, 16, Центральный АО, Moscow, Russie, 119034
Tél. : 7 (495) 637-11-00. +7 495 637-11-22
Du mardi au dimanche de 12 h à 21 h

Du 31 janvier au 29 mars 2014
A la galerie Le Minotaure
2, rue des Beaux-Arts. 75006 Paris
Tél. : 01 43 54 62 93
Ouvert du mardi au samedi de 11 h à 13 h et de 14 h à 19 h

Jusqu’au 26 janvier 2014
Au Jeu de Paume
1, place de la Concorde. 75008 Paris
Tél. : 01 47 03 12 50
Mardi de 11 h à 21 h. Du mercredi au dimanche de 11 h à 19 h
Les citations sont extraites du catalogue de l’exposition et du dossier de presse.

Visuels :
Erwin Blumenfeld
Autoportrait en photographe du dimanche
Zandvoort, Hollande, 1928
épreuve gélatino-argentique
tirage d’époque
New York, Collection Yvette Blumenfeld Georges Deeton /
Art+Commerce, Berlin, Gallery Kicken Berlin
© The Estate of Erwin Blumenfeld

Affiche Jeu de Paume
Do your part for the Red Cross  [Soutenez la Croix-Rouge],
Variante de la photographie de couverture de Vogue US, 15 mars 1945
Erwin Blumenfeld
Impression jet d’encre sur papier Canson baryta, tirage posthume (2012).
 Collection Henry Blumenfeld.
© The Estate of Erwin Blumenfeld

Audrey Hepburn
New York, années 1950
Erwin Blumenfeld
Épreuve gélatino-argentique, tirage d’époque.
 Collection particulière, Suisse.
© The Estate of Erwin Blumenfeld

Marguerite von Sivers sur le toit du studio 9, rue Delambre
Paris, 1937
Erwin Blumenfeld
Épreuve gélatino-argentique, tirage d’époque.
 Collection Yvette Blumenfeld Georges Deeton / Art+Commerce, New York, Gallery Kicken Berlin, Berlin
© The Estate of Erwin Blumenfeld

Mode-Montage
vers 1950
Erwin Blumenfeld
Épreuve gélatino-argentique, tirage d’époque.
 Collection Helaine et Yorick Blumenfeld.
 Courtesy of Modernism Inc., San Francisco.
© The Estate of Erwin Blumenfeld

Minotaur / Dictator [Minotaure / Dictateur]
Paris, vers 1937
Erwin Blumenfeld
Épreuve gélatino-argentique, tirage d’époque.
 Collection Yvette Blumenfeld Georges Deeton / Art+Commerce, New York, Gallery Kicken Berlin, Berlin.
© The Estate of Erwin Blumenfeld

Trois profils. Variante de la photographie parue dans l’article "Color and lighting" [Couleur et éclairage], de Photograph Annual 1952
1952
Erwin Blumenfeld
Impression jet d’encre sur papier Canson baryta, tirage posthume (2012).
Collection Henry Blumenfeld.
© The Estate of Erwin Blumenfeld

Couverture du catalogue
Homme agenouillé avec tour
1920
Erwin Blumenfeld
Encre de Chine, encre, aquarelle et collage sur papier.
 Collection Henry Blumenfeld.
© The Estate of Erwin Blumenfeld

Erwin Blumenfeld, Robe verte, 1946. Impression jet d’encre sur papier Canson baryta, tirage posthume (2012). Collection Henry Blumenfeld © The Estate of Erwin Blumenfeld

Erwin Blumenfeld
Self portrait, New York, 1952-53
Tirage gélatino-argentique réalisé par
l’artiste, vintage.
26 x 33 cm

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Cet article a été publié les 26 janvier, 29 mars, 11 mai et 7 novembre 2014, 8 janvier 2015, 9 décembre 2016, 11 janvier et 9 avril 2017, 9 février 2018, 23 mars 2019, 6 février 2020. Les citations sont extraites de dossiers de presse.