Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

vendredi 28 juillet 2017

« Amour et sexe sous l’Occupation » par Daniel Costelle, Isabelle Clarke et Camille Levavasseur


RMC Découverte diffusera le 28 juillet 2017 à 23 h 45 « Amour et sexe sous l’Occupation », documentaire gênant de Daniel Costelle, Isabelle Clarke et Camille Levavasseur. Des Françaises entre ordre moral voulu par Vichy, intransigeances de la Résistance et sexualité libérée de l’autorité parentale, voire débridée, avec l’Occupant nazi. Ce film distille un profond malaise par son traitement biaisé, émaillé d’erreurs historiques et d’omissions, concernant notamment les Juifs.


Patrick Buisson a signé les deux volumes d’Années érotiques 1940-1945 (Albin Michel), encensés par des médias : Vichy ou les infortunes de la vertu (2008) et De la grande prostituée à la revanche des mâles (2009).

La société CC&C a adapté ce livre en une série documentaire télévisée en deux volets - « L’Occupation intime », dont le texte est lu par Alain Delon et Anouchka Delon, et « Amour et sexe sous l’Occupation » - réalisés par Daniel Costelle, Isabelle Clarke et Camille Levavasseur (2010).
   
« Collaboration horizontale »
Amour et sexe sous l'Occupation « interroge le mystère brûlant des relations intimes, hétérosexuelles et homosexuelles, en temps de guerre ; et explore ces années de chaos où la proximité avec la mort a renforcé l'aspiration au bonheur individuel, au plaisir et à la transgression ». Mais en accordant une grande place aux relations impliquant des Allemands nazis.

« Juillet 1940 : les Allemands s'installent en maîtres dans la France vaincue. Les soldats allemands impressionnent avec leur puissance et leur aura de vainqueur. L'opération séduction bat son plein ».

Patrick Buisson souligne « l’image masculine [française] dépréciée ». Métaphore ? « Le vainqueur a les traits du mâle, le vaincu ceux de la femme ».

Les « Occupants aident les Français à remettre le pays en marche ». Ou à l’exploiter au profit de IIIe Reich en spoliant les Juifs ?

« Soucieux d'encadrer les débordements, l'état-major de la Wehrmacht réquisitionne les maisons-closes » et est motivé par des préoccupations sanitaires, d’hygiène, afin d’éviter les maladies vénériennes. Le gouvernement de Vichy « reconnait ces bordels et crée un service public du sexe ».

Les « bordels les plus chics deviennent des officines du marché noir gérées par les profiteurs de guerre ».

Des SS filment leurs ébats avec des prostituées.

Patrick Buisson insiste sur « la surprise par rapport à 1870 et 1914. Les ordres sont stricts : les viols sont punis de peines de forteresses ».

C'est « la cohue dans les cabarets et les boîtes de nuit ». Et la joie chez Maxim’s et à la Tour d’Argent.

Selon Patrick Buisson, « l’instinct de vie » est aiguisé car la « vie est menacée ». Le sexe comme « révélateur des mentalités ».

Les « conquêtes allemandes ne sont pas seulement féminines : dans le Paris de l'Occupation, de Genêt à Cocteau, des homosexuels sont attirés par l'idéal masculin hyper-viril des Nazis, pactisent avec l'occupant ».

« Arletty, Florence Gould, Mireille Balin, Coco Chanel, Corinne Luchaire s'affichent avec des officiers allemands, par défi, véritable amour, intérêt professionnel, ou affinités de classe ». Ginette Leclerc « obtient l’autorisation d’ouvrir un cabaret avec son amant. Un lieu de rendez-vous pour les gestapistes ».

Certes Arletty a vécu une histoire d’amour avec Hans-Jurgen Soehring (1908-1960), magistrat nazi, officier allemand alors assesseur au conseil de guerre de la Luftwaffe à Paris. Mais elle a aussi obtenu la libération de Tristan Bernard, célèbre écrivain français juif septuagénaire interné au camp de Drancy.

Les « femmes de prisonniers de guerre perçoivent des allocations misérables ». Environ 800 000 prisonniers sont mariés. Nombre d’entre eux s’interrogent sur la fidélité de leurs conjointes.

La détresse amène des femmes à la prostitution clandestine.

Des « attentats visent les aspirants ayant des liaisons avec des femmes françaises ».

Et « près de 200 000 naissances seraient le fruit d'amours illicites avec l'ennemi ». De quelle année à quelle année ? En 1943, on recense 589 301 naissances vivantes.

Mais « aimer un Allemand, c'est forcément être une mauvaise Française ».

A « l'été 1944, l'euphorie de la Libération tourne parfois au règlement de comptes : le sort des tondues est la punition de la France qui s'est couchée et qui a couché avec l'ennemi ».

« La France dévoyée a subi le charme vénéneux de l’Occupant… La France de la ceinture serrée demande des comptes à la France de la jouissance… Le Maquis fait acte d’autorité sur les femmes et leur sexualité. Leur corps appartient à la Nation, aux hommes. C’est la victoire posthume de Vichy. Les hommes veulent purifier. Des femme sont tondues et lavées à grande eau, plongées dans le bassin municipal. Deux mille femmes sont tuées pour fait de collaboration », résume Patrick Buisson.

Arrêtée, Arletty déclara : «  Si mon cœur est français, mon cul, lui, est international ! » A ses juges, elle répliqua : « Si vous ne vouliez pas que je couche avec les Allemands, fallait pas les laisser entrer ». En 1946, le comité d'épuration l’a sanctionnée par un blâme. Interdiction lui a été aussi imposée de travailler pendant trois ans.

En « contant ces temps troublés où les autorités traditionnelles étaient remises en cause, Anouchka Delon transporte notamment les femmes françaises, témoins privilégiés de l'Occupation, dans leur passé ».

La « romancière Benoîte Groult, la résistante Gisèle Guillemot ou encore la comédienne Yvette Lebon livrent ici leurs souvenirs ».

Ce documentaire présente une large gamme de choix de femmes françaises sous l’Occupation : de la Résistante refusant toute relation avec l’Occupant allemand nazi à l’opportuniste, via l’inconsciente. On est ému par les images de femmes tondues à la Libération, le viol dont fut victime l’actrice Mireille Balin et les blessures psychologiques du chanteur Gérard Lenorman, né de l’union d’une adolescente française de seize ans et d’un violoniste volage membre des forces d’occupation allemandes. Une histoire évoquée dans sa chanson Warum mein Vater (« Pourquoi mon père »).

Mais ce documentaire gêne par sa ligne directrice – « On s’amuse à Paris », « Les jeunes se libèrent de l’autorité parentale et découvrent une nouvelle vie » tel le futur dramaturge Pierre Barillet, les « adolescents affirment leur autonomie », etc. -, ses libertés avec l’Histoire – prétendu attrait généralisé des Françaises pour l’Occupant nazi -, ses partis pris – discours évinçant généralement les Juifs, paraissant parfois complaisant -, etc.

Comme si les auteurs du documentaire étaient si fascinés par leur sujet qu’ils en perdaient toute nuance, toute perspective historique, tout regard critique.

Tous les homosexuels ne furent pas attirés par les Nazis. Né Roger Worms, le communiste homosexuel Roger Stéphane s’est engagé dans la résistance.

Quid des départements d’outre-mer et protectorats français ? Dans « Screaming Silence », documentaire de Ronnie Sarnat (2015), un Israélien relatait le viol dont il fut victime, à l’âge de 13 ans, en Tunisie, sous l’Occupation nazie, par un soldat allemand, et ses questionnements sur son identité sexuelle durant toute sa vie d’adulte.

Pourquoi avoir évoqué le ferrailleur juif Joseph Joanovici ?

Quid des couples juifs séparés : maris engagés volontaires, ayant tenté, avec succès ou non, de franchir la ligne de démarcation, ayant été déportés, etc. ?

Quid des femmes juives enceintes, raflées et détenues au Vel d’Hiv, et dont certaines, ont provoqué leur avortement avec des aiguilles à tricoter ?

Quid de l’histoire d’amour entre Hélène Berr (1921-1945), cette brillante française juive agrégative française d’anglais, et Jean Morawiecki, engagé en novembre 1942 dans les Forces françaises libres ?

On éprouvait cette même gêne en visionnant « L’Occupation intime » qui stigmatisait Maurice Chevalier, alors que celui-ci avait protégé sa compagne juive, l'artiste Nita Raya, ainsi que la famille de cette chanteuse, danseuse et actrice; et à la Libération le compositeur Norbert Glanzberg témoignera en sa faveur.
         

« Amour et sexe sous l’Occupation », documentaire de Daniel Costelle, Isabelle Clarke et Camille Levavasseur
CC&C, 2010, 72 min
Commentaire dit par Anouchka Delon
Sur Histoire les 26 mars à 20 h 40, 31 mars à 8 h 40, 2 avril à 14 h 45, 8 avril à 14 h 45 et 19 avril 2017 à 18 h 30
Sur RMC Découverte le 28 juillet 2017 à 23 h 45
  
A lire sur ce blog :
Les citations proviennent du documentaire et du communiqué de presse.
Cet article a été publié le 31 mars 2017.

mardi 25 juillet 2017

Enluminures en terre d’Islam, entre abstraction et figuration


Dans son site historique Richelieu, la Bibliothèque nationale de France (BnF) a présenté l’exposition éponyme, avec un parcours Internet pour les enfants,  sur un paradoxe : la figuration dans l’art islamique, qui exclut toute représentation d’êtres animés. Une réflexion sur les relations complexes de l’islam avec l’image au travers d’environ 80 manuscrits arabes, persans et turcs. Le 24 juillet 2017, Arte diffusa Le Message, de Moustapha Akkad.


La « figuration est-elle totalement exclue de l’art islamique ? Fourmillantes de personnages et de vie, les nombreuses miniatures qui ornent certains livres semblent prouver le contraire ». A travers quelque 80 prestigieux manuscrits arabes, persans et turcs, l’exposition illustre le paradoxe entre un art excluant toute représentation d’êtres animés et l’existence, dans les livres du monde islamique, de nombreuses miniatures.

A « côté d’une esthétique commune édifiée autour du Coran et rejetant la figuration, coexistent, dans les textes littéraires, historiques et scientifiques de nombreuses représentations figurées ».

Certes le Coran ne prohibe pas explicitement l’image figurative. Cependant, cette dernière « est, dès l’origine, totalement exclue du domaine religieux ». Ce qui mène à la « formation d’un art original basé sur la calligraphie, l’entrelacs géométrique et l’arabesque qu’on retrouvera également dans le domaine du profane ».

La figuration est limitée « dans le monde arabe à l’illustration de textes scientifiques et à de très rares œuvres littéraires comme les Maqamât d’al-Harîrî ou Kalila wa Dimna, fables animalières venues d’Inde ».

En raison vraisemblablement de leurs origines culturelles distinctes, Persans et Turcs accroissent le champ des œuvres illustrées aux domaines de l’histoire, de la poésie et de l’épopée », tel le Shâhnâmeh, grande épopée nationale iranienne. A certaines époques, apparaissent « même des représentations d’ordre religieux en dehors du Coran et des sciences qui lui sont associées ».

« Impensables dans le domaine strict des sciences religieuses, des représentations de Muhammad [Nda : Mahomet] et des prophètes bibliques figurent dans des chroniques historiques ou dans des ouvrages à caractère mystique. Jamais produites dans le monde arabe, ces images furent exclusivement l’apanage des aires culturelles persanes et turques ».

Corans, albums de calligraphie, textes d’astronomie ou d’astrologie, de pharmacopée ou de zoologie, grands textes littéraires, recueils de poésie, chroniques historiques et représentations religieuses… Ces œuvres témoignent « de la riche activité culturelle du monde islamique du VIIIe jusqu’au XIXe siècle ». Décorative, la calligraphie arabe magnifie la parole divine (Coran en écriture coufique). Originaire du monde byzantin, l’arabesque « est constitué d’éléments végétaux stylisés enrichis d’influences venues d’Asie centrale. Apparemment opposés, l’arabesque, tout en courbes, et l’entrelacs géométrique, composé de lignes droites, se fondent et se complètent ».

L’exposition occulte les artistes et artisans auteurs de ces œuvres - illustrateurs, coloristes, etc. - et leur religion.

La BnF explore les interactions avec le numérique : d’une part, les visiteurs sont invités à feuilleter cinq livres audiovisuels, d’autre part, un site Internet permet une visite virtuelle.

L’exposition débute par un Coran andalou du XIVe siècle et s’achève sur « l’image emblématique du Prophète chevauchant al-Burâq, sa monture fabuleuse ».

Le dossier de presse encense ces « beaux exemplaires de l’art du livre en terre d’Islam ». Cependant, cette expression « terre d’Islam » (Dar al-Islam) aurait mérité des guillemets : elle désigne dans l’univers musulman une terre régie par un pouvoir islamique, en opposition au Dar al-Harb (maison de la guerre, en arabe), aire gouvernée par un pouvoir infidèle, non-musulman, et qui doit être soumise à l’islam..

Plus de 300 manuscrits arabes, persans et turcs, dont les œuvres exposées, figurent dans le programme de numérisation réalisée grâce au mécénat de la Fondation Total, partenaire de l’exposition. Ils sont accessibles en ligne dans Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF (http://gallica.bnf.fr/).

Violences actuelles
Une exposition à voir en songeant aussi à la destruction des « statues géantes de deux Bouddahs élevées entre le IIIe siècle et le Ve siècle dans l’ancien sanctuaire de Bâmiyân, en Afghanistan, en mars 2001 par les talibans qui, pour y parvenir, eurent recours à des explosifs et à des tirs d’artillerie » (Annie Vernay-Nouri), aux violences de groupes musulmans courroucés par les 12 dessins sur Mahomet publiés en septembre 2005 par le journal danois Jyllands-Posten, par la diffusion en octobre 2011, par la chaîne privée de télévision tunisienne Nessma, de Persépolis,  film de Marjane Satrapi qui y a notamment représenté Allah sous les traits d'un homme âgé portant une barbe blanche et par l'incendie criminel du siège parisien ainsi que le piratage du site Internet, dans la nuit du 1er au 2 novembre 2011, de l'hebdomadaire Charlie hebdo dont la Une était barrée par le titre Charia hebdo et dont la rédaction en chef était confiée à Mahomet.

Le 2 novembre 2011, cet article a été republié en raison des violences en Tunisie à la suite de la diffusion du film Persépolis de Marjane Satrapi et de l'incendie criminel ayant détruit le siège parisien de l'hebdomadaire Charlie Hebdo.

Le 28 mars 2012, deux jeunes Tunisiens, Djabeur Mejri, incarcéré, et Ghazi Bedji, en fuite et  toujours recherché par la police, ont été condamnés à des peines de sept ans de prison ferme, et selon le site Tunisia-Live également à une amende de 1 200 dinars (600 euros), pour avoir diffusé sur le réseau social Facebook des caricatures de Mahomet. Une plainte avait été déposée pour « atteinte au sacré appelant à la fitna » [division, en arabe]. Le 25 juin 2012, la Cour d'appel de Monastir a confirmé la peine de sept ans et demi de prison pour Djabeur Mejri pour « trouble à l’ordre public, préjudice causé à des tiers à travers les réseaux publics de communication et atteinte à la morale ». Le 5 février 2014, a été lancée sur Internet la campagne 100 dessins pour Jabeur afin d'obtenir la libération de Djabeur Mejri. Parmi ces œuvres de dessinateurs, dont Plantu, et caricaturistes d'une dizaine de pays, certains visent le président Moncef Marzouki qui n'a pas gracié le prisonnier. « La Tunisie vient d'adopter sa nouvelle Constitution. Elle sera mise à l'honneur le 7 février en présence de plusieurs dizaines de représentants officiels d'Etats et de royaumes étrangers. Alors que, dans ce texte fondateur, la liberté d'expression et de conscience sont présumées garanties, le maintien en détention de Jabeur Mejri est contraire à l'esprit et au texte de la Constitution », estime le comité de soutien à Jabeur Mejri. Ghazi Bedji a obtenu l'asile politique en France.

Le 3 mai 2012, Journée mondiale de la liberté de la presse, le Tribunal de première instance de Tunis a condamné Nabil Karoui, patron de la chaîne de télévision Nessma, à une amende de 2 400 dinars (environ 1 200 euros) « pour ladiffusion au public d'un film troublant l'ordre public et portant atteinte auxbonnes mœurs », en l'occurrence Persepolis, film d’animation de Marjane Satrapi. Une scène de ce film représente Allah. Elle n’avait suscité aucun trouble lors de la diffusion du film dans les salles de cinéma, mais des islamistes s’en étaient indignés. Ce tribunal a annulé les poursuites en ce qui concerne le grief d’«  atteinte au sacré ». Il a aussi condamné Hédi Boughenim, responsable du visionnage, et Nadia Jalel, propriétaire de la société qui a traduit le dialogue du film, à une amende de 1 200 dinars (600 euros) chacun. Nessma est aussi diffusée au Maroc, en Algérie et en Libye.

A surgi une polémique suscitée par la diffusion en juillet 2012, pendant le mois du Ramadan, sur la chaine panarabe à capitaux saoudiens MBC, de la série Omar dans laquelle est représenté le prophète Mahomet et de ses compagnons. Si selon les producteurs de la série le sheikh al-Qaradawi ne s'oppose pas à cette représentation, al-Azhar a émis une fatwa sur l'interdiction de la représentation de Mahomet.

Le 5 février 2014, a été lancée sur Internet la campagne 100 dessins pour Jabeur afin d'obtenir la libération de Djabeur Mejri condamné pour avoir diffusé des caricatures de Mahomet

Cet article a été republié le 9 janvier 2015 en hommage aux douze victimes assassinées - dessinateurs, économiste, policiers, correcteur, psychanalyste, organisateur de festival, agent de maintenance -, blessées ou indemnes lors de l'attentat au siège de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2014, par des terroristes islamistes criant "Allah akbar ! Le prophète a été vengé". En février 2006, plusieurs journaux européens, dont cet hebdomadaire satirique, avaient publié douze dessins sur Mahomet édités pour la première fois par le quotidien danois Jyllands-Posten. Des manifestations hostiles, haineuses, avaient eu lieu dans des pays musulmans.

Le 24 juillet 2017, à 20 h 55, Arte diffusa Le Message, de Moustapha Akkad. "Au début du VIIe siècle, près de La Mecque, l'archange Gabriel souffle la parole divine à Mohammed... La naissance de l'islam racontée dans une fresque épique, avec Anthony Quinn et Irène Papas."

"Trois messagers filent à bride abattue à travers le désert, pour enjoindre l'empereur de Byzance, le patriarche d'Alexandrie et le souverain perse d'"accepter l'islam pour leur salut"… Quelques années plus tôt en l'an 610, dans un monde cruel où règne la sauvagerie, en Arabie, les prêtres préparent les festivités annuelles en l'honneur des divinités païennes adorées à la Kaaba, dans la prospère cité de La Mecque. Alors qu'affluent les pèlerins, Mohammed, 40 ans, se retire dans une grotte sur le mont Hira. Il confie à son retour que l'archange Gabriel lui a délivré la parole divine et partage avec ses proches la Révélation. Ses disciples, parmi lesquels son oncle Hamza et son ami Ammar, veulent transmettre à tous le message de paix et d'amour de la religion qui vient de naître. Mais une redoutable répression s'abat sur les nouveaux convertis…"

"Dans cette version anglaise (une autre a été tournée avec des comédiens arabes), Irène Papas campe Hind, la sixième des onze épouses de Mohammed tandis que Hamza, l'oncle avec lequel il a grandi, est interprété par Anthony Quinn. Le réalisateur Moustapha Akkad a pris le soin de ne pas représenter le Prophète à l'écran, s'appuyant sur un scénario dont la fidélité et la précision ont été notamment supervisées par des exégètes de l'université Al-Azhar du Caire. L'évocation des temps premiers de l'islam rapproche l'œuvre, par son souffle épique, au grand film biblique de Cecil B. DeMille, "Les dix commandements". Eh non. On notera l'horaire de prime time offert à ce film.


Annie Vernay-Nouri, Enluminures en terre d’Islam entre abstraction et figuration. BnF, 2011. 19,6 x 24 cm, broché. 96 pages, 70 illustrations couleur. 23 euros. ISBN-13: 978-2717724851

Jusqu’au 25 septembre 2011
5, rue Vivienne. 75002  Paris
Du mardi au samedi de 10 h à 19 h, dimanche de 12 h à 19 h
Tél. : 01 53 79 49 49

Visuels de haut en bas : 
Coran, Espagne, 1304. BnF, département des Manuscrits
Kalila wa Dimna, Egypte ou Syrie, milieu XIVe siècle

Sa’di, Golestan, (La Roseraie). Bukhara (Ouzbékistan), milieu XVIe siècle.
BnF, département des Manuscrits

Album de calligraphies, Iran, XVIe - XVIIe siècle. BnF, département des Manuscrits

Traité d’hippiatrique, Lucknow, vers 1750-1760
Ferdowsi, Shahnameh (Le livre des rois), Chiraz, 1444

Articles sur ce blog concernant :
 - Culture
 - France
 - Monde arabe/Islam

Les citations sont extraites du dossier de presse.
Cet article a été publié le 23 septembre 2011, le 25 juillet 2012, le 6 février 2014 et le
- 9 janvier 2015 en hommage aux douze victimes - dessinateurs, journalistes, policiers , etc. - assassinés le 7 janvier 2014 par des terroristes islamistes au siège de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo  

mercredi 19 juillet 2017

« La Croix-Rouge sous le IIIe Reich, histoire d’un échec » de Christine Rütten

Le Comité international de la Croix-Rouge a célébré ses 150 ans. La Croix-Rouge sous le IIIe Reich, histoire d'un échec (2006, 52 minutes) est un documentaire intéressant de Christine Rütten. Le rappel de l’inaction de cette organisation internationale humanitaire face aux persécutions nazies contre les juifs, notamment dans les camps, lors de la Shoah (Holocaust). Une organisation partiale à l'égard de l'Etat d'Israël : accueil tardif en 2006 du Maguen David Adom en refusant que l’étoile de David soit son troisième emblème, dénomination erronée de "territoires occupés" de la Judée, de la Samarie, et de la bande de Gaza même après le retrait total des Israéliens de ce lieu en 2005. Le 22 juin 2017, Palestinian Media Watch (PMW) a révélé que "l'Autorité palestinienne abuse de la bonne volonté de la Croix-Rouge internationale pour payer les salaires aux terroristes palestiniens dans les prisons israéliennes". PMW a écrit au Premier ministre israélien Netanyahu pour l'en informer et lui suggérer un moyen de mettre un terme  à cette situation.  

Pourquoi le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dont le siège est à Genève (Suisse), n’a-t-il rien fait pour aider les victimes juives persécutées par les Nazis et pour informer le monde entier sur la Shoah, les conditions de survie dans les camps nazis d’internement dans l’assassinat des juifs dans les camps nazis d’extermination ?

Pour répondre à cette question, la réalisatrice Christine Rütten cite des archives et des témoins, anciens responsable de cette célèbre organisation internationale et survivants de la Shoah.

Antisémitisme et défense des intérêts de la Suisse
Dès 1934, lors de sa 15e conférence à Tokyo (Japon), les femmes du CICR proposent d’assurer une protection juridique aux civils prisonniers à l’instar de celle dont bénéficient les soldats prisonniers. Malgré la montée des périls – Hitler arrive au pouvoir en 1933 -, le CICR reporte la décision.

Malgré la Nuit de cristal qui coûte la vie à plus de 400 juifs, malgré les alertes – Max Braun écrit en décembre 1938 au CICR pour dénoncer les conditions inhumaines infligées aux milliers de détenus juifs dans les camps de concentration allemands -, Max Huber, président du CICR (1928-1944), minimise le problème dans une lettre bienveillante à la Croix-Rouge allemande. Il sait pourtant l’étroit contrôle de cette organisation nationale par les dirigeants nazis : les juifs en ont été exclus, la Croix-Rouge allemande est indifférente à l’égard des détenus de ces camps et ses membres exécutent le salut nazi.

Président du Tribunal international à La Haye, Max Huber dirige « deux grandes entreprises suisses et fait de bonnes affaires avec l’industrie allemande d’armement ».

Carl Jacob Burckhardt, vice-président du CICR, est très lié à l’Allemagne : jusqu’au début de la guerre en 1939, il est haut commissaire de la Société des Nations à Dantzig. « Suisse alémanique, il se montre très germanophile. Il admire la culture allemande et aprouve l’hostilité du IIIe Reich à l’égard de l’Union soviétique », explique Aram Mattioli, historien. Ainsi, quand le Conseil fédéral suisse refuse d’accueillir Goebbels, Burckhardt intervient. En 1935, il rencontre dans un camp le Prix Nobel de la paix (1935), le journaliste et pacifiste Karl von Ossietzky (1889-1938), « une chose tremblante et livide… avec un œil enflé, les dents cassées ». Ainsi le décrira-t-il après guerre dans ses Mémoires.

En 1936, invité du Führer en Allemagne, Burckhardt est enthousiasmé par son séjour d’une semaine. Dans son rapport au Comité, il estime inchangée la situation des prisonniers des camps de concentration et passe sous silence les persécutions visant les juifs dont il est au courant. Pour Daniel Palmieri, historien au CICR, les élites du CICR assimilent souvent juifs et communistes. Un amalgame qu’il juge « néfaste, car le CICR des années 1930 et 1940 est anti-communiste ». Pire, un rapport du CICR est élogieux sur le camp de Dachau, où sont assassinées lors de la guerre environ 30 000 personnes.

Les déclarations des dirigeants sur l’extermination voulue des juifs se multiplient. Les convois sillonnent l’Europe vers les camps nazis, en partance de gares, notamment de Berlin, où sont présents des délégués du CICR qui informent celui-ci par des rapports factuels précis.

Le CICR demeure silencieux en alléguant sa neutralité et l’absence de mandat international pour les prisonniers civils. Or, son statut l’autorise à toute action humanitaire jugée nécessaire.

Huber et Burckhardt restent indifférents et envoient leurs instructions à leurs délégués à Berlin : s’assurer que « les prisonniers de guerre sont bien traités par les Allemands ».

Maurice Rossel, alors jeune médecin et délégué du CICR, explique que celui-ci est alors « responsable de six millions de prisonniers de guerre pour lesquels des conventions avaient été signées et étaient respectées ». Et d’alléguer que la Croix-Rouge a demandé « sans arrêt » à visiter les camps de concentration et s’est vue opposer des refus des autorités nazies pour lesquelles il s’agit d’une « affaire strictement nationale ».

Pourtant, « Genève aurait pu faire pression sur les Allemands » en raison de la dépendance du IIIe Reich à l’égard du CICR et de sa volonté d’éviter tout clash avec ce dernier.

Ce n’est qu’à la fin de la guerre que le CICR « intervient en faveur des victimes des nazis » car ses dirigeants ne veulent pas « compromettre leurs bonnes relations avec les Allemands à cause des juifs et des communistes ».

L’une des missions du CICR consiste à rechercher les personnes portées disparues. Ses recherches concernent « presque exclusivement les soi-disant aryens. Des millions de juifs ont disparus depuis longtemps sans laisser de trace ». En avril 1942, la Croix-Rouge allemande reconnaît officiellement son incapacité de « communiquer des informations sur les détenus non aryens et n’est pas en mesure de donner suite à ce type de demandes ». Son directeur est « très impliqué dans l’assassinat d’innocents » : médecin SS, il « participe activement au programme d’euthanasie et aux prétendues expériences médicales sur les prisonniers des camps ».

A l’été 1942, lors du Congrès juif mondial, Gerhart Riegner, directeur de son bureau genevois, est informé de la Solution finale visant l’extermination des juifs « dans les pays contrôlés ou occupés par l’Allemagne », et en prévient Londres et New York. Il se rend compte que Burckhardt « est au courant depuis longtemps, et par deux sources d’information, et disait qu’il fallait ‘libérer le territoire des ses juifs’ », c’est-à-dire les exterminer.

Burckhardt dissimile au Comité ses informations, mais les femmes « insistent depuis longtemps pour lancer un appel public contre le génocide juif ». Le 14 octobre 1942, Philippe Etter, membre du CICR et du Conseil fédéral suisse, « se déplace exceptionnellement pour voter. Il veut empêcher à tout prix cet appel ». Pour ne pas heurter les Allemands… « Aujourd’hui, il est prouvé, documents à l’appui, que certains membre du Comité étaient antisémites », constate Aram Mattioli, historien. Une majorité du CICR s’oppose à cet appel public.

Quel aurait pu être la portée de cet appel ? « Le monde aurait été informé, et c’était important. Quand les Alliés ont annoncé en décembre 1942 que les juifs étaient exterminés. On pouvait dire : c’est une horrible opération de propagande contre l’Allemagne. Pourquoi le croire ? Si c’était venu d’une institution neutre comme le CICR, c’aurait pu convaincre beaucoup de monde », rappelle Saul Friedländer, historien et ancien enfant juif caché dans un internat catholique en France.

En février 1943, « en quelques mois, les nazis tuent trois millions de juifs et n’en font même pas mystère ».

Plus « la situation des juifs est désespérée, plus la Suisse durcit sa politique à l’égard des réfugiés ». Les parents de Saul Friedländer « sont refoulés à la frontière, et déportés à Auschwitz où ils sont assassinés ». Et cet historien d’indiquer que les autorités suisses savaient le destin mortel des juifs refoulés.

Le CICR a archivé près de 100 000 accusés de réception aux colis envoyés aux détenus des camps nazis. Seuls 10% des colis du CICR sont parvenus à ces détenus, et « presqu’aucun d’eux n’était juif ».

Depuis l’automne 1941, la ville de garnison Theresienstadt, dont la population tchèque avoisinait avant guerre 7 000 âmes, est transformée en camp de concentration où survivent 60 000 prisonniers.

En mai 1944, le chef des SS Heinrich Himmler « autorise la visite d’une délégation de la Croix-Rouge. Les préparatifs » débutent dès l’automne 1943. Pour ne pas donner l’image d’une ville surpeuplée, 15 000 détenus sont déportés à Auschwitz. « On prévoit minutieusement ce qui doit être vu le long d’un parcours bien défini ».

Doris Grozdanovičovà, à Theresienstadt depuis 1942, se souvient : « On a nettoyé les rues. On a construit un café. Bref, on a embelli la ville. Au début, on ne savait même pas ce qui se passait. Puis, on a appris que la Croix-Rouge allait venir. Et on a tous pensé que ce serait peut-être bénéfique pour nous ». Mais Jiři Kosta, prisonnier, relève l’absence d’une telle délégation en 1943.

Le 23 juin 1944, à 11h, Maurice Rossel, jeune délégué du CICR débute sa visite de Theresienstadt. Une ville qu’il prend en photos et qu’il juge « presque normale ». Il demande de ne pas séparer les chanteurs de la chorale, qui seront… « gazés ensemble à Auschwitz ».

Après cette mascarade, le soir, il « savoure le grand banquet » à Prague et rédige un rapport élogieux, vantant les « excellents soins médicaux prodigués ». Les détenus de Theresienstadt sont désespérés. Les convois reprennent…

Début juillet 1944, Maurice Rossel « remercie ses hôtes allemands » et les rassure sur la teneur de son rapport, jugeant les « conditions de vie satisfaisantes ». Il leur envoie quelques unes de ses photos qui servent la propagande nazie.

A ce jour, Maurice Rossel maintient sa version de « camp modèle » pour « riches juifs » : à Theresienstadt, « camp de théâtre, les gens n’étaient pas torturés, ne mouraient pas de faim ». Or, sur les 141 000 personnes détenues, plus de 30 000 meurent de faim et de maladie ; 90 000 sont déportés vers les camps d’extermination.

Forts de la réussite de leur mascarade entérinée par le CICR, les nazis réalisent un film, surnommé ironiquement par les détenus Le führer offre une ville aux juifs, vantant la qualité de vie des juifs à Theresienstadt. Doris Grozdanovičovà y joue le rôle d’une bergère. Seuls les délégués du CICR verront alors ce film en avril 1945, et jugent la propagande excessive.

En mai 1945, Himmler propose au CICR de visiter un camp à l’est de l’Europe. Le CICR ne lui répond pas.

Au cas où Maurice Rossel souhaite voir la destination des juifs déportés de Theresienstadt, les Allemands font construire à Auschwitz un « camp familial où les gens semblaient vivre normalement. Quand Eichman a compris que la Croix-Rouge ne viendrait jamais, toutes ces personnes ont été tuées dans ces chambres à gaz », explique Saul Friedländer.

En septembre 1944, lors d’une rapide visite à Auschwitz, Maurice Rossel apprend par les prisonniers britanniques que des déportés « sont gazés dans des douches ». Aujourd’hui, il reconnaît savoir à l’époque qu’il s’agissait d’un « camp final », d’extermination. Il demeure alors silencieux, remarque qu’à la Kommandantur, ils sont « fiers du travail qu’ils faisaient » et l’assurent que les « colis sont bien distribués ». Convaincu, Maurice Rossel le consigne dans son rapport. Dès son arrivée au camp, Jiři Kosta est mis au courant de l’extermination dans les fours crématoires que des déportés lui désignent.

A l’été 1944, les « détails du génocide sont révélés à l’opinion publique. Le rapport de deux prisonniers qui ont pu s’évader d’Auschwitz arrive à Genève. La presse suisse parle sans cesse de l’extermination des juifs hongrois ». La pression croît sur le CICR.

Un appel au gouvernement hongrois « permet d’arrêter les déportations ». Le CICR envoie le délégué Friedrich Born. Celui-ci parvient à sauver à l’automne 1944 de la déportation des juifs restants menacés de déportation par les nazis.

Dès 1942, la Croix-Rouge slovaque avait sollicité l’aide du CICR. En vain.

A l’automne 1944, Georges Dunand, délégué du CICR à Bratislava (Slovaquie) est tourmenté par son dilemme : aider les juifs persécutés ou respecter la neutralité du CICR. La plupart des 90 000 juifs slovaques ont été déportés, 5 000 se cachent, errent d’une cachette (bunker) – armoire, - à une autre, craignant d’être découverts ou dénoncés.

Laci Rotter se souvient de son cousin qui avait passé la guerre caché dans une chambre, sous un lit. A la libération, son cousin ne savait plus parler, car il n’avait communiqué avec personne pendant des années.

Du siège de la Gestapo, Alois Brunner « fait la chasse aux juifs ».

Arnold « Bumi » Lazar, Juif résistant, fait confiance à Georges Dunand qui lui remet ses sommes d’argent provenant d’organisations juives humanitaires et destinées à nourrir les juifs slovaques, etc. Georges Dunand sait qu’il prend des risques sans le soutien de sa hiérarchie ; il sauve plus de 1 000 juifs à Bratislava.

La défaite des nazis est chaque jour plus prévisible. Le CICR négocie avec les nazis « pour venir en aide aux déportés » et parvient à un accord peu avant la fin de la guerre. Burckhardt est autorisé à envoyer du personnel dans les camps.

Délégué du CICR envoyé au camp de Mauthausen, Louis Haefliger a connaissance d’une rumeur selon laquelle les SS vont tuer tous les déportés vivants. Il sait que les Alliés sont à proximité du camp. Et c’est lui qui va chercher les Américains qui libèrent le camp le 4 mai 1945.

Limogé après guerre pour n’avoir pas respecté les statuts et avoir enfreint les ordres de sa hiérarchie, Louis Haefliger qui en 1989 confie avoir « humainement bien agi ».

Après la Seconde Guerre mondiale, le droit international se dote d’instruments pour protéger les victimes civiles : le 8 décembre 1949, est adoptée la nouvelle convention de Genève, mais l’entrée du Magen David Adom, organisation juive humanitaire, est refusé.

Après la guerre, le CICR « prétend ignorer tout de l’ampleur du génocide juif ». Ce n’est que dans les années 1990, après la mort de ses dirigeants, qu’il reconnaît ses erreurs. Burckhardt, qui a succédé à Huber, à la présidence du CICR (1945-1948) a « empêché ce travail de mémoire ». Aram Mattioli précise : « On sait aujourd’hui, preuves à l’appui, dans les années 1950, Burkard a fait disparaître des dossiers des archives du CICR. Il s’agit sans doute de documents présentant la politique du CICR sous un jour défavorable ».

Après la guerre, des millions de réfugiés et d’apatrides victimes des nazis cherchent un havre qui les accueille. Les anciens nazis recherchés aussi, et sollicitent un passeport du CICR en usant de faux noms : « Ricardo Clemente, alias Eichmann, qui a organisé le génocide des Juifs d’Europe, Helmut Gregor alias Josef Mengele qui sélectionnait les Juifs à Auschwitz et les torturait en réalisant des expériences ‘médicales’ sur eux ».

Uki Goňi, historien, évoque l’accord entre l’Argentine et Heinrich Rothmund, directeur de la police suisse : « Les Nazis ne pouvaient pas quitter l’Allemagne parce que les forces d’occupation américaines et britanniques ne leur délivraient pas de visa. L’Argentine a donc proposé à Rothmund d’accueillir un certain nombre de réfugiés, à condition qu’il accepte de laisser entrer en Suisse des nazis sans papiers, pour qu’ils puissent de là gagner l’Italie. Rothmund a dit « Oh oui, nous avons environ 9 000 réfugiés ici, des rescapés des camps de concentration, et nous n’en voulons pas, surtout des juifs. Les Argentins ont répondu : « Nous ne voulons pas des juifs, mais des autres ».

Par cet accord, de nombreux criminels de guerre recommandés souvent par un « fasciste notoire » fuient, via le bureau du CICR génois, embarquent à Gênes en direction de l’Argentine intéressée par le savoir-faire allemand.

Après la guerre, « la Croix-Rouge allemande se consacre entièrement aux soldats allemands portés disparus ».

Les Alliés confient au CICR la direction du Service international des recherches (ITS) auquel s’adressent les victimes des nazis. L’ITS conserve les documents saisis après guerre sur les crimes nazis : dossiers des camps de concentration, liste des déportés et morts, pièces d’identité des détenus, etc. Plus de « 17 millions de données personnelles ne sont toujours pas traitées à ce jour. Le CICR a encore manqué une occasion d’aider les victimes. Depuis des années, les demandes [d’informations] s’accumulent par centaines de milliers ». Depuis 2006, le CICR s’efforce de résoudre ses dysfonctionnements : de nombreux survivants de la Shoah sont décédés sans avoir de réponse à leurs questions.

Dans le jardin des Justes, à Yad Vashem (Jérusalem), sont honorés quelques membres de la Croix-Rouge, dont Friedrich Born.

Le CICR et l’Etat juif
Plus qu’un échec, c’est d’une faute morale de la Croix-Rouge que ce documentaire intéressant démontre. Le CICR n’a pas seulement « abandonné à leur sort les victimes de la Shoah », mais aussi les futures victimes qu’il aurait pu/du sauver.

On peut regretter que ce documentaire ne mentionne pas l'inaction du CICR à l'égard des camps de prisonniers en Afrique.

Séquelles de cette attitude discriminatoire à l’égard des juifs ? Le CICR a accueilli tardivement, en 2006, le Maguen David Adom et l’a admis en son sein avec le Croissant-Rouge palestinien, et en refusant que l’étoile de David soit son troisième emblème.

Celui-ci est, aux côtés de la croix rouge et du croissant rouge, un cristal rouge.

Quant au soldat franco-israélien Gilad Shalit otage du mouvement terroriste Hamas dans la bande de Gaza, le CICR est critiquée pour son inaction et son inefficacité.

En outre, depuis deux mois, dans ses bureaux à Jérusalem (Israël), il abrite des terroristes de ce mouvement islamiste en avançant la 4e convention de Genève...

Enfin, le CICR maintient, notamment dans son rapport annuel, la dénomination erronée de "territoires occupés" de la Judée, de la Samarie, et de la bande de Gaza même après le retrait total des Israéliens de ce lieu en 2005. Et lors même que des experts en droit international réunis par le CICR  refusent cette dénomination pour la bande de Gaza.

Le 26 janvier 2016, Histoire diffusa Un vivant qui passe. "En 1979, alors qu'il réalise "Shoah", Lanzmann rencontre Maurice Rossel avec qui il s'entretient longuement. Délégué à Berlin par la Croix-Rouge pendant la guerre, Rossel se rendit à Auschwitz, en 1943, avant de visiter le "ghetto modèle" de Theresienstadt, en 1944, avec le plein accord des autorités allemandes. Il se laissa alors totalement aveugler par la mise en scène nazie, incapable de déceler la vraie nature des lieux. Claude Lanzmann revient avec lui sur ces instants pour essayer de comprendre comment il a pu se laisser ainsi abuser par les autorités nazies".

Le 22 juin 2017, Palestinian Media Watch (PMW) a révélé que "l'Autorité palestinienne abuse de la bonne volonté de la Croix-Rouge internationale pour payer les salaires aux terroristes palestiniens dans les prisons israéliennes". PMW a écrit au Premier ministre israélien Netanyahu pour l'en informer et lui suggérer un moyen de mettre un terme  à cette situation.

La loi de l'Autorité palestinienne (AP) précise que tous les Palestiniens arrêtés, dont ceux ayant commis des attentats terroristes, reçoivent un salaire de l'AP de la date de leur arrestation jusqu'au jour de leur libération. Le montant de ce salaire varie selon la durée de l'emprisonnement et va de 1 400 shekels à 12 000 shekels par mois. Or, l'AP allègue aux gouvernements étrangers que ces versements sont des "allocations sociales". Le Comité de Croix-Rouge internationale (ICRC) fournit les formulaires qui permettent le paiement de ces salaires aux terroristes. L

La Régulation 18 (2010), qui a fixé les procédures pour les paiements par l'AP aux terroristes palestiniens, précise qu'un "wakil" - un "agent autorisé" ou "mandat d'allocation" - sera désigné par le prisonnier pour déterminer qui reçoit le salaire. Elle autorise le prisonnier à désigner d'autres personnes que son épouse ou ses parents. La désignation d'un "agent" peut être autorisée seulement par un formulaire signé par le prisonnier. Le CICR, qui visite les prisonniers, leur apporte ce formulaire. Or, fourni ce formulaire n'est pas inclus dans le travail humanitaire du CICR.

PMW a interrogé le CICR. The ICRC in its response differentiated between two types of prisoners, "internees" and "detainees." "Detainees" includes those arrested, indicted or convicted of terrorism (see articles 66, 69 and 76 of Fourth Geneva Convention - GCIV), which includes the imprisoned Palestinian terrorists. In its response to PMW, about the "detainees" the ICRC referred to article 10 of GCIV which provides: 
"The provisions of the present Convention constitute no obstacle to the humanitarian activities which the International Committee of the Red Cross or any other impartial humanitarian organization may, subject to the consent of the Parties to the conflict concerned, undertake for the protection of civilian persons and for their relief."  (Emphasis added)"
"Since facilitating the payments of salaries to terrorists is not something the ICRC is compelled by GCIV to provide, and is certainly not part of the humanitarian work of the ICRC, all services to "detainees" requires the "consent of the Parties." This means that the ICRC cannot facilitate these payments to terrorists without the consent of the Israeli government".

"While it is unclear whether the ICRC knew, prior to PMW's query, that the PA is using the form it provides as a means to pay the terrorist salaries, the ICRC's response to PMW's inquiry stated that the organization provides the function as a "humanitarian" activity".

PMW "has notified Prime Minister Netanyahu of the ICRC activity. As mentioned, the activities of the ICRC as regards "detainees" are based on Article 10 of GCIV, which requires the consent of the Israeli Authorities. Since Prime Minister Benjamin Netanyahu has called numerous times for the Palestinian Authority to stop paying salaries to terrorist prisoners, today PMW has written to the Prime Minister to inform him that the ICRC in fact is facilitating the salary payments to terrorist prisoners. We have asked the Prime Minister, in his capacity as Minister of Foreign Affairs, to verify if Israel gave its consent to the ICRC to provide this authorization form to terrorists which facilitates their receiving salaries from the PA. Certainly, if that consent was given in the past, based on current Israeli policy it should now be revoked".

Visuels de haut en bas :
© DR
Logo du CICR
Carte officielle de Maurice Rossel
Doris Grozdanovičovà en bergère
Maurice Rossel interviewé
Logo du MDA
Les trois emblèmes du CICR

Articles sur ce blog concernant :
France

Cet article a été publié le 26 septembre 2010, puis les 21 octobre 2013 et 27 janvier 2016. Il a été modifié le 18 juillet 2017.

lundi 17 juillet 2017

Treize Français décorés à Paris du titre de Justes parmi les Nations


Le contexte des attentats terroristes islamistes palestiniens en Israël, dont celui du 1er juin 2001 devant le Dolfinarium de Tel-Aviv, a imprégné la cérémonie au Sénat (Paris) de remise des médailles et diplômes de l’Institut Yad Vashem de Jérusalem. Parmi les récipiendaires : Marie-Louise Carven, née Carmen de Tommaso, fondatrice de la maison de haute couture Carven, et les ayants-droit du peintre Charles Lapicque (1898-1988). Le 16 juillet 2017 a lieu la cérémonie du 70e anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv et en hommage aux Justes parmi les nations.
Le 5 juin 2001, dans un salon ensoleillé du Sénat, sous les hauts patronages de Christian Poncelet, alors son président, et du Dr Richard Prasquier, alors président du Comité français pour Yad Vashem, Elie Barnavi, alors ambassadeur d’Israël en France, a remis treize médailles et diplômes des Justes parmi les Nations.
Étaient honorées des personnes non-juives qui ont sauvé des Juifs sous l’Occupation au péril de leur vie : Mmes Marie-Louise Carven (1909-2015), née Carmen de Tommaso, une grande dame de la Haute Couture et fondatrice de la maison de haute couture Carven, et Thérèse Denis, et, à titre posthume, Mmes et MM. Blanche et Pierre Allart, Maria et Albert Defontaine, Raymond Denis, le peintre Charles Lapicque (1898-1988) et son épouse Aline, Henri et Suzanne Martineau, Hélène Oudard et M. Camille Viollette.

Un rai d’humanité dans la nuit nazie
Rappelant que « dans toutes circonstances, quelles que soient les difficultés du jour, le choix nous appartient toujours », Elie Barnavi a célébré « ces hommes et femmes ordinaires, de toutes conditions, qui sans se poser des questions philosophiques ou idéologiques ont sauvé des Juifs, bravant le danger de mort, parce qu’ils sont restés des hommes et des femmes ». Il a célébré cette « leçon de courage et de confiance en l’humanité ». Il a indiqué qu’Israël est « ce bouclier que les Juifs n’ont pas eu pour se défendre ».

Puis le Dr Richard Prasquier a insisté sur le rôle des réseaux Juifs d’entraide et des « hommes de bonne volonté, de tous milieux », au nombre à jamais inconnu - 2 000 Justes en France sur les 18 000 dans le monde -, grâce auxquels « les trois quarts des 320 000 Juifs en France en 1939 ont pu survivre, malgré les persécutions » initiées dès octobre 1940 par « le statut des Juifs édicté par le gouvernement de Vichy, sans la moindre pression des autorités allemandes d’occupation. Soixante quinze mille Juifs de France ont été envoyés à la mort, soit 1,5% des six millions de Juifs assassinés pendant la guerre, sur place, dans les bois ou dans des chambres à gaz. La Shoah, c’est le néant, sans photos, sans traces, et sans journalistes ». Il a enjoint au « triple devoir de fraternité, de responsabilité et de lucidité de l’homme pour subsister dans cette planète en danger. Or, la vérité de l’histoire est terrible, le présent inquiétant et l’avenir incertain. Israël, où tant des rares survivants ont créé un Etat démocratique et libre, porte cette mémoire terrible ». Il a stigmatisé « les appels à la haine, les propagandes mensongères et les dénégations, qui trouvent des oreilles intéressées même dans notre beau pays de France, malgré le travail de mémoire admirable effectué. Quand dans des magasins du Caire on écrit : « Interdit aux chiens, aux insectes et aux Israéliens ». quand dans des écoles du Proche-Orient, on travaille sur le Manifeste des Sages de Sion, quand un président syrien déclare au Pape que les Juifs continuent de crucifier le Christ, quand on nous « explique » que Jérusalem ne représente rien pour les Juifs et que la Shoah n’a pas existé, je dis : « Attention, soyons lucides, mais espérons, mesdames et messieurs les Justes, que nous n’aurons plus besoin de vous... »

Citant le Talmud - « Le monde repose sur 36 Justes » -, Christian Poncelet a relevé que ce « titre a été consacré récemment, à l’unanimité, par le Parlement français » et la condamnation présidentielle du régime de Vichy. Il a exprimé son « admiration et sa reconnaissance aux Justes, ayant agi par foi et par humanité, qui montrent le chemin à suivre et représentent la force du bien ».

La valeur éducative
Trois adolescentes - Iris, Manuela et Emilie -, ont relaté le récit de ces sauvetages.

Née à Trouville en 1939, Léa Goldberg, dont les parents sont commerçants, est recueillie à Blois par Blanche et Pierre Allart, économe des hospices du Loir-et-Cher, et leur fils Claude. A la Libération, elle retrouve sa mère, internée, mais pas son père déporté. Elle se marie et le couple s’installe en Israël. L’un de ses six enfants est « victime à 26 ans du démon des forces du mal qui est réapparu sous des noms nouveaux - terrorisme, Hezbollah, Hamas -, mais leur but est le même que celui des nazis : exterminer le peuple d’Israël».

Le 17 novembre 1943, un policier accorde 48 heures de sursis à la famille parisienne Bricanier. Arrivé en France en 1902 à l’âge de 18 ans, le père apiéceur en couture travaille dans un local (1er arrondissement de Paris) d'une de ses clientes, Marie-Louise Carven, qui a une boutique de couture. Marie-Louise Carven, sa mère, Mme de Tommaso, sa tante, Mme de Boiriven, et son oncle, M. Piérard, hébergent  la mère et ses cinq enfants , jusqu’en juin 1944.

La veille de la grande rafle du 16 juillet 1942, un inspecteur de police, M. Henri, ami de la famille Goldman, la prévient du danger. Jusqu'à août 1944, les parents et leurs trois enfants sont hébergés à Montfermeil, avec trois autres juifs, par Maria et Albert Defontaine, ouvriers retraités. Aidant financièrement ce couple par de menus travaux, le père dénoncé est déporté en juillet 1943, et survivra miraculeusement.

De 1942 à 1944, dans leur ferme belge, Raymond et Thérèse Denis, élèvent, en plus de leurs deux fils, Mina Zulman, deux ans et demi, confiée par l’instituteur et le secrétaire communal. Et ce sans aucun arrangement financier, alors que les Allemands viennent se ravitailler dans leur ferme isolée.

Née en 1914, Fanny Weisbuch arrive en 1930 à Paris où elle obtient sa licence ès-science en 1934. Le 16 juillet 1942, Fanny Weisbuch est accueillie, avec son bébé Gérard et sa sœur, par le peintre centralien Charles Lapicque (1898-1988), son épouse, Aline, fille de Jean Perrin, prix Nobel de physique, et leurs fils, tous résistants. Le couple Lapicque et ses fils fournissent des faux papiers et cachent aussi des aviateurs anglais et des émissaires venus de Londres. Le mari de Fanny Weisbuch, Abraham, après s’être engagé dans l’armée française et moultes pérégrinations, reste en Auvergne. Dénoncée, arrêtée, sa sœur meurt à Bergen-Belsen.

Henri et Suzanne Martineau exploitent une ferme dans la Sarthe où ils cachent les Krauze, une famille juive de Paris de cinq personnes, et dès 1941 deux enfants juifs, Wolf et Hélène Sokolowsky. Ceux-ci voient clandestinement leur mère et leurs deux sœurs. Dénoncées, arrêtées en 1944, celles-ci meurent, comme le père, dans les camps. A la Libération, les orphelins sont confiés à une association communautaire française, puis s’établissent en Israël.

De septembre 1942 à août 1944, avec sa mère, ses deux fils, Lulu et Michel, Hélène Oudard, concierge au 8 rue des Ecoles (5e arrondissement de Paris) cache Albert Grunberg, et son frère Samy, dans une chambre de 7,50 m² au 6e étage de cet immeuble. Albert Grunberg y tient son journal de 1 230 pages publié en 2001. Son épouse « aryenne », Marguerite, gère leur salon de coiffure. Leurs deux fils, Robert et Roger, sont envoyés dès le printemps 1942 à Chambéry.

Vivant à Nice, M. Rusinovitch, peintre en bâtiment, son épouse et leurs deux enfants, Edouard et Henri, sont déchus de la nationalité française en 1942. Grâce essentiellement à Jacques Antoine, dirigeant du mouvement scout, Les Éclaireurs israélites de France, l’UGIF (Union générale des Israélites de France), les adolescents (14 et 15 ans) apatrides échappent aux rafles et sont accueillis d’octobre 1943 à mai 1944 par Camille Viollette, directeur de collège à Argenton-sur-Creuse (Indre), puis sont acheminés en Suisse par Marianne Cohn qui sera plus tard arrêtée, torturée et exécutée. Arrêtée à Nice en novembre 1943, leur mère est tuée à Auschwitz. Camille Violette protège une dizaine d’enfants juifs.

Dirigée par Jean-Claude Roos, cette cérémonie grave et émouvante s’est colorée de la gratitude affectueuse et infinie des rescapés, de la modestie simple des récipiendaires et de la fierté de leurs proches.

Le violoniste Michaël Iancu a interprété Oian Pripirshik, air populaire yiddish, et Where shall we go (Où irons-nous), une mélodie composée dans les camps de concentration.

Jean Kahn, alors président du Consistoire central, a dénoncé le terrorisme, loué « la valeur éducative de cette belle page d’histoire » et enjoint « de cultiver la mémoire : le tombeau des Justes est le cœur des vivants ».

BD
Dans le cadre du 33e Bd BOUM, festival de bande dessinée à Blois (18-20 novembre 2016), le 19 novembre 2016, en partenariat avec le CERCIL Musée Mémorial des enfants du Vel d’Hiv et le Musée de la résistance de Blois, a eu lieu le café-littéraire sur les Justes parmi les Nations. 

Ce café-littéraire a été modéré par Nathalie Grenon, directrice du CERCIL, et réunira Armelle Modéré, auteur de Jules B, l’histoire d’un Juste, publié aux Editions Des ronds dans l’O, David Cenou et Patrice Guillon, auteurs d’Un Juste (La Boîte à Bulles).

Cérémonie
Le 16 juillet 2017 a lieu la cérémonie du 70e anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv et en hommage aux Justes parmi les nations.
       
Articles sur ce blog concernant :
Articles in English

Cet article a été publié en une version concise dans Actualité juive. Il a été publié le 11 juin 2015, puis le 19 novembre 2016 sur ce blog.