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mercredi 28 juin 2017

Filmer la guerre : les Soviétiques face à la Shoah (1941-1946)


Pour le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’ouverture des camps par les Alliés, le Mémorial de la Shoah proposa l'exposition éponyme exceptionnelle consacrée à l’étude des images de la Shoah filmées par les opérateurs soviétiques. Il dévoile des images, souvent inédites, filmées par les Soviétiques sur l’ensemble du Front Est. Une exposition dense complétée par un mini site Internet. Arte diffusera le 28 novembre 2018 "Shoah, les oubliés de l'Histoire(Die Grauen der Shoah, dokumentiert von sowjetischen Kameramännernpar Véronique Lagoarde-Ségot.


En 2010, le Mémorial de la Shoah avait présenté Filmer les camps, John Ford, Samuel Fuller, George Stevens de Hollywood à Nuremberg. Une exposition passionnante et émouvante, sur les circonstances de réalisation des films montrant la découverte des camps de concentration de Dachau et de Falkenau. Rapports de tournages, photographies et archives filmées, souvent inédits, ainsi qu’extraits de films de fiction et d’interviews des trois principaux réalisateurs - John Ford, George Stevens, Samuel Fuller - retraçaient cet événement majeur dans l’Histoire du monde.

En 2015, le Mémorial de la Shoah  s’intéresse dans l'exposition Filmer la guerre : les Soviétiques face à la Shoah (1941-1946) aux images filmées par les cameramen soviétiques lors de la découverte de la Shoah, à leur réception et à la manière dont ces films ont forgé la perception de la Shoah et de la Seconde Guerre mondiale.

Images de la Shoah
« Fruit d’un vaste travail de recensement et d’analyse des films tournés sur les territoires libérés par l’Armée rouge de 1941 à 1945 effectué par les commissaires » l’exposition du Mémorial de la Shoah présente « plusieurs heures d’images filmées, rushes montés, films… En tout, 76 extraits de films (90 minutes) essentiellement documentaires ont été choisis. La plupart viennent du RGAKFD (Russian State Documentary Film and Photo archives à Krasnogosrk), mais également des archives du film de Kiev, Varsovie ou de Riga ».


« Dès 1941, dans les pas de l’Armée rouge, les opérateurs soviétiques sont envoyés sur le front et captent les traces du génocide. Les images filmiques de ce crime, que l’Occident a pour la plupart oubliées, n’ont pas été exploitées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Comment et dans quels buts ont été tournées, montées et projetées ces images en URSS pendant la guerre ? Pourquoi les Soviétiques ont-ils minimisé la spécificité des Juifs parmi les victimes des exactions nazies ? Que nous apprennent sur la Shoah ces films pour la plupart inédits ? »

Après les défaites successives « depuis l’invasion allemande du 22 juin 1941, l’Armée rouge cesse de reculer (fin 1941) », et initie la reconquête du territoire perdu (1942-1943), puis poursuit son avancée vers l’Ouest en conquérant les pays baltes, la Pologne et des territoires allemands orientaux (1944-1945). Au cours de son avancée, elle découvre les atrocités commises par les Nazis. Les dirigeants de l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques) montrent « la souffrance du peuple soviétique sans distinction ethnique – d’où un silence presque total sur l’identité juive des victimes ainsi que sur le crime spécifique perpétré contre les Juifs par les nazis ».


Dès « les premières révélations sur les exactions en 1941, les plus hautes autorités décident d’en fixer les traces sur papier et sur pellicule, et ce dans un triple objectif. D’une part, il s’agit de mobiliser soldats et population par le recours à un registre émotionnel : pitié et chagrin pour les siens, haine et vengeance envers l’ennemi allemand. D’autre part, il « est nécessaire d’informer l’opinion internationale des épreuves traversées. En effet, l’URSS milite pour l’ouverture d'un deuxième front en Europe dont la légitimité et la mise en œuvre reposent sur la preuve de l’efficacité de son effort de guerre. Enfin, la collecte de preuves doit contribuer à instruire les procès des vainqueurs contre l’armée allemande (dès 1943 en URSS) et le pouvoir nazi (Nuremberg en 1945-1946) ».

La « plupart des images sont des montages de rushes muets, rassemblés à l’époque par date et par lieu de tournage. Ces centaines d’heures constituent le matériau d’actualités filmées, de documentaires et de films de propagande projetés en URSS et à l’étranger de 1941 à 1946 ».

L’exposition vise à « comprendre les usages, saisir comment la diffusion d’une partie d’entre elles a façonné la représentation collective de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah ».

De 1941 et 1945, en raison « de la géographie des opérations militaires, seuls les Soviétiques ont pu filmer les traces de Shoah dans toute son ampleur, sa systématicité et la variété des mises à mort. Les centaines d’images montrées dans cette exposition dévoilent l’ouverture des fosses et les traces des exécutions de masse en Europe de l’Est (Babi Yar, Rostov, Krasnodar, Kertch, etc.), la libération des camps de concentration et d’extermination (Klooga, Maidanek, Auschwitz, etc.), ainsi que les multiples procès et exécutions qui suivirent la Libération. Les images réalisées par ces quelque 400 opérateurs, dont le célèbre Roman Karmen, ont permis aux autorités soviétiques de construire une histoire de la « Grande guerre patriotique » au cinéma ».

En 2015, « 70 ans après la libération des camps de Maidanek et d’Auschwitz, chacun a en mémoire les terribles images que les photographes en ont rapportées. Seuls les opérateurs de cinéma soviétiques ont pu tourner sur les lieux des plus importants massacres de civils qu’ait connus l’Europe dans son histoire ».

Le commissariat scientifique de l’exposition  est assuré par les chercheurs du projet CINESOV - Le cinéma en Union soviétique pendant la guerre, 1939-1949 – Valérie Pozner, Alexandre Sumpf - historiens, et spécialistes respectivement du cinéma et du système de propagande soviétiques -, Vanessa Voisin, avec Irina Tcherneva, Eric Aunoble, Ania Szczepanska, Victor Barbat, Juliette Denis, Nathalie Moine, Thomas Chopart. Le commissariat général est assumé par Marie-Édith Agostini, Sophie Nagiscarde, du Mémorial de la Shoah.

Pourquoi tant de films sont-ils ignorés du public ou ont-ils été diffusés tardivement ? « Cette méconnaissance peut paraître surprenante quand on voit l’abondance de rushes, de films d’actualités, de documentaires produits par les Soviétiques. D’ailleurs, à l’époque, certaines de ces réalisations ont profondément marqué les esprits. Je pense notamment au film projeté au tribunal de Nuremberg par l’accusation soviétique. Mais la guerre froide est passée par là. La circulation des images n’était plus à l’ordre du jour, et les Américains dominaient l’historiographie de la Shoah. Par ailleurs, en mettant l’image au service d’une entreprise de falsification, le film Katyn, sorti en 1944, a jeté un sérieux discrédit sur les productions soviétiques », explique Alexandre Sumpf. Et Valérie Pozner d’ajouter : Les Soviétiques ont donné le sentiment d’oublier eux-mêmes les films qu’ils avaient tournés, la figure du héros de la Grande guerre patriotique prenant le pas sur la figure de la victime. L’exposition permet de redécouvrir ces archives.

 « En Occident, le génocide des Juifs est largement associé à l’expérience concentrationnaire, avec une centralité accordée à Auschwitz dont le portail est en quelque sorte devenu l’emblème de la barbarie nazie. Cette exposition montre que la Shoah s’est accomplie dans une grande variété de lieux, avec différentes méthodes de mises à mort », explique Alexandre Sumpf. « Avec l’invasion de l’Union soviétique par les Allemands, les territoires de l’Est subissent une violence totale. Les Juifs sont systématiquement ciblés. Des fusillades de masse à l’asphyxie dans des camions, en passant par les chambres à gaz et les expérimentations, tous les modes opératoires de la Shoah sont mis en œuvre. C’est cette réalité multiforme de l’extermination que les Soviétiques vont découvrir et filmer au fur et à mesure de leur avancée » précise Valérie Pozner.

L’exposition s’articule autour de « six séquences pédagogiques » et ces thématiques : Capter les images, Mobiliser, dénoncer et informer, les commissions d’enquête soviétiques, les crimes de masse découverts en territoire soviétique (1941-1944), l’Armée Rouge interrompt la destruction des preuves, la place du témoin pour les Soviétiques, l’ouverture des camps en territoire polonais (1944-1945), une judéité effacée, les procès, Nuremberg, et après ? Il s’agit de « reportages » ayant pour but d’aider à la compréhension d'un groupe thématique de documents qu’ils soient vidéo, iconographiques ou papier. Ces séquences pédagogiques incluent le commentaire vidéo d’un commissaire de l’exposition qui prend la parole pour pointer successivement ou parallèlement les différents documents. L’ensemble prend la forme d’une projection sur une surface déterminée, en jouant sur une variation d’échelle des images ».


Lors de « la guerre, des équipes d’opérateurs soviétiques ont documenté l’atroce diversité des crimes de masse nazis à l’Est. Ils ont capté l’ampleur du massacre spécifique des Juifs, sans rendre compte du projet génocidaire – ni à Babi Yar, ni à Klooga, ni dans les camps d’extermination en Pologne. Pourtant connue et prouvée, la Shoah n’avait pas sa place dans le système de propagande de guerre soviétique – d’ailleurs à Nuremberg, le film américain n’a pas non plus insisté sur ce point. Dûment conservé dans les archives jusqu’à aujourd’hui, le stock considérable d’images a continué de servir bien au-delà des procès de la fin de la guerre, alimentant des documentaires produits en URSS depuis les années 1960 jusqu’à la chute du régime. Ces films ont toutefois rarement été diffusés dans le Bloc communiste et encore moins en Occident ; surtout, ils servaient à célébrer le martyre enduré par le peuple soviétique dans son ensemble. La Shoah, très rarement exposée de manière explicite, est restée une affaire régionale, cantonnée à la mémoire complexe des nouvelles républiques baltes, de l’Ukraine et surtout de la « sœur » polonaise – non soviétique. Au final, ce sont les images du rescapé squelettique au visage émacié en habit rayé des camps d’extermination situés en Pologne (Maidanek et Auschwitz), bien davantage diffusées que celles des autres modes de mise à mort, qui se sont imposées dans l’imaginaire collectif à l’est comme à l’ouest de l’Europe ».

Capter les images
Après l’invasion allemande ou « opération Barbarossa » débutée le 22 juin 1941, les opérateurs soviétiques reçoivent l’ordre des plus hautes autorités du pays de filmer le conflit en soulignant « les traces des destructions et massacres de masse ». La Wehrmacht, armée allemande du IIIe Reich, et les Einsatzgruppen, unités de police politique militarisées du IIIe Reich, ont « d’emblée visé les Juifs, mais n’ont épargné ni les autres civils, ni les prisonniers de guerre ».

Les « écrans montrent très tôt villes et villages dévastés, femmes et vieillards victimes ou pleurant leurs proches, lieux d’exécution à l’écart, fosses ou camps, et surtout une litanie sans fin de cadavres plus ou moins mutilés ».

« Anonymes comme Vladimir Souchtchinski ou célèbres comme Roman Karmen, les opérateurs envoyés spécialement auprès des unités sur le front sont équipés de caméras américaines ou souvent de leurs copies soviétiques (KS-4, couramment désignées sous l’appellation de leur modèle Eyemo) adaptées aux conditions de guerre et au climat ».

Malgré des « conditions techniques aléatoires, les tournages sont dirigés depuis Moscou, où les images sont montées en fonction de leur utilisation immédiate ou différée ».

Dès 1941, les opérateurs, hommes et femmes, ont pour tache d’insister « sur les destructions matérielles (usines anéanties, villages brûlés) suggérant la destruction programmée de l’URSS et de sa population. Ils doivent également enregistrer les crimes contre les civils, dont la répétition et l’ampleur représentent un cas à part dans le conflit mondial ».

En juin 1941, « l’industrie cinématographique soviétique n’est pas prête à filmer la guerre, et les opérateurs partent avec de lourdes caméras sur pied. Peu nombreuses au début du conflit, les caméras automatiques portatives tombent souvent en panne – or les réparations ne peuvent être effectuées qu’à Moscou. Les optiques font défaut jusqu’à la seconde moitié de la guerre. Quelques inventions témoignent de l’ingéniosité des opérateurs soviétiques cherchant le moyen de filmer le conflit, mais les téléobjectifs sont très encombrants et repérables, les essais en couleur ou en 3D aboutissent à des échecs. À partir de 1942, l’équipement s’améliore, notamment grâce au Prêt-Bail conclu avec les États-Unis. C’est ainsi que les opérateurs du front sont en mesure de fournir aux studios des milliers de bobines de 30 m (1 minute) ».

Les « opérateurs du front sont contrôlés mais aussi informés par la Direction politique de l’Armée rouge, dont ils dépendent pour leur transport sur les lieux de tournage et l’envoi de leurs images à Moscou ».

« Difficiles au début du conflit, les rapports des équipes cinéma avec l’armée s’améliorent dès que les commandants comprennent l’importance mobilisatrice de ces images. Les opérateurs sont alors plus régulièrement convoqués sur les sites des massacres où ils filment l’exhumation des corps, la reconnaissance par les proches, le travail des médecins légistes ». Ces images, auxquelles sont jointes des notes, sont ensuite expédiées à Moscou. Là, elles sont développées et tirées, puis visionnées par les dirigeants du cinéma d’actualité, des censeurs militaires, quelquefois des membres du Politburo. Ensuite, débute la deuxième et dernière étape, déterminante : celle de la sélection et du montage de ces images, « en fonction de différents objectifs clairement hiérarchisés ».

Vladimir Souchtchinski était un des 250 opérateurs « ayant filmé le front, le plus souvent sous l’uniforme de l’Armée rouge. Il avait suivi des unités de Léningrad à la Prusse, via la Crimée et les Carpates. Il « a expérimenté les conditions précaires de survie et saisi au plus près la vie des soldats, les actions militaires, la découverte des crimes contre les civils ». Il « a dû en permanence fournir au Studio central les images demandées, justifier ses choix de tournage, subir l’évaluation de son travail et les décisions de l’affecter à telle ou telle zone du front. C’est cette corporation qui a permis aux studios de disposer des images pour écrire l’histoire du conflit en cours ». En février 1945, Souchtchinski est tué en plein tournage, durant les combats. Un parmi la trentaine « ayant péri en exerçant leur métier en temps de guerre ». En 1946, ses camarades lui rendent hommage par un film.

Mobiliser, dénoncer et informer
Mobiliser soldats et population. « Les autorités soviétiques voulaient recueillir les preuves de la barbarie de l’occupant, dans la pluralité de ses formes mais aussi de ses victimes, civiles en premier lieu. Il s’agissait de témoigner de la souffrance de la nation soviétique dans son ensemble, sans s’attacher spécifiquement aux exactions commises contre les Juifs », analyse Valérie Pozner.

Et Alexandre Sumpf observe : « Cette indistinction des victimes s’explique en partie par l’usage que les autorités entendaient faire des images tournées dans les territoires libérés : premièrement, accentuer la mobilisation de l’armée et de la population, en les soudant dans un même désir de vengeance ; faire ensuite pression sur les alliés pour que s’ouvre un deuxième front en Europe ; enfin, accumuler les preuves de la culpabilité des Allemands, dans la perspective de procès futurs ».

Non seulement les dirigeants du pays ont enjoint la « captation documentaire des crimes nazis », mais leur représentation filmique, conçue en URSS quelques mois « après l’entrée en guerre, a d’emblée été pensée pour les besoins de la mobilisation des Soviétiques contre l’ennemi allemand ».

« Produit dès le début de 1942, Nous nous vengerons ! sert de matrice à cette mobilisation par les images d’exactions. La leçon que doit tirer le spectateur ou le combattant de ces séquences répétées tout au long de la guerre, c’est que la barbarie allemande a frappé partout sur le territoire, sans distinguer entre hommes et femmes, soldats et civils, enfants et vieillards, russe ou non russe. Chacun a souffert ou va souffrir dans sa chair et il n’y a qu’une seule issue : la mise à mort de la « bête fasciste ».

La « campagne de propagande par le film est limitée par le faible nombre de copies tirées et de projecteurs, au front comme à l’arrière, mais participe d’une atmosphère générale construite par les harangues politiques, les reportages sur le front et la création artistique – en particulier littéraire ».

Tiré à 5000 exemplaires par le Goskinoizdat, l'album Clichés des civils et soldats de l’Armée rouge tués, pendus et torturés « doit servir de support pour les campagnes de mobilisation. La page associe sous le titre « les bourreaux fascistes n’échapperont pas à la justice » une image, trouvée sur le corps d’un officier allemand, d’une scène de fusillade et celle, prise par un Soviétique, d’une vieille femme levant un poing menaçant ». Les deux clichés sont commentés. Pour le premier : « des gendarmes allemands exécutent des citoyens soviétiques pacifiques » ; pour le second : « La vieille kolkhozienne Varvara Denissova a été privée de toit et blessée par les bandits fascistes. Dans un élan de haine ardente, elle maudit les envahisseurs allemands ».
Extrait de cet album d'une cinquantaine de planches photographiques ou assorties de commentaires insérés dans les tirages ou les photomontages. Sous le slogan "Venge-toi", la page ci-contre reproduit le même lieu de mise à mort, Maidanek, pris sous un angle différent. 
Informer les Alliés. Rompant le traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union soviétique, ou pacte Ribbentrop-Molotov, signé le 23 août 1939 à Moscou, par les ministres des Affaires étrangères allemand, Joachim von Ribbentrop, et soviétique, Viatcheslav Molotov, en présence de Staline, l’Allemagne nazie avait envahi le 22 juin 1941 l’Union soviétique. Ce qui avait modifié le conflit en Europe.

Les Soviétiques « doivent encore persuadés les Alliés de leur engagement total contre Hitler. La défense de Moscou fin 1941, est ainsi exaltée dans La Défaite des envahisseurs allemands (février 1942), apologie de la capacité de résistance de la population. Or l’idéologie nazie ou l’antisémitisme n’y sont pas évoqués et les crimes de masse apparaissent irrationnels. L’adaptation pour les Etats-Unis, en affirmant au contraire la planification des massacres, leur échelle industrielle et les responsabilités du haut commandement nazi, suggère l’intention génocidaire ».

Signe du crédit alors accordé aux images tournées en URSS, Moscow Strikes Back remporte l’Oscar du meilleur documentaire en 1942.


La méfiance de l’opinion internationale vis-à-vis des images soviétiques s’ancre plus tard, « après la sortie en mars 1944 d’un film qui impute aux nazis le massacre d’officiers polonais à Katyn, alors que la responsabilité de la police politique soviétique est déjà largement reconnue ».

Mettre en récit la mobilisation. « Certains réalisateurs développent des structures narratives simples mais efficaces pour frapper le spectateur : dans La Bataille pour notre Ukraine soviétique (1943), Dovjenko recourt à l’opposition entre des images trophées montrant l’ennemi paradant en territoire conquis et des séquences exposant la ruine et la désolation. Les gros plans d’enfants morts ou de l’ouverture des fosses insistent sur la dimension humaine de la tragédie et sont associés à des témoignages filmés en son synchrone qui disent la douleur des survivants ».

Alexandre Dovjenko est déjà un réalisateur célèbre du cinéma soviétique quand survient la Seconde Guerre mondiale. « L’invasion de l’Union soviétique et la dévastation de son pays natal, l’Ukraine, bouleversent son existence. Grâce à la protection de Nikita Khrouchtchev, il passe plusieurs mois sur le front en tant que correspondant d’un journal de l’armée et pigiste de grands quotidiens nationaux (Izvestia, Krasnaïa Zvezda, Pravda). Il recueille des témoignages sur le sort de l’Ukraine occupée, puis constate de ses propres yeux l’ampleur du désastre à la libération. Ce choc attise un sentiment national qui le pousse à des audaces causant l’interdiction de son projet de fiction L’Ukraine en flammes début 1944. Son intérêt se concentre sur le « peuple ukrainien » et ses écrits personnels laissent filtrer des sentiments antisémites ».

Les deux grands documentaires de Dovjenko sur le conflit occultent le calvaire des Juifs d’Ukraine, bien que La Bataille pour notre Ukraine soviétique (1943) présente des sites de la Shoah et que Victoire en Ukraine de la rive droite (1945) évoque les femmes et les enfants de Babi Yar.

Le 10 février 1944, Ioulia Solntseva, épouse de Dovjenko et co-réalisatrice du film Victoire en Ukraine de la rive droite (1945), adresse des directives à ses opérateurs des prises de vues complémentaires à Babi Yar et des enregistrements en son synchrone de criminels de guerre allemands  : 
« IL EST ABSOLUMENT INDISPENSABLE de filmer en son synchrone les récits
d’Allemands sur leurs actes en Ukraine :
1. Filmez un Allemand racontant l’histoire de Babi Yar, les exécutions puis l’incinération des corps de nos compatriotes soviétiques. Ces Allemands se trouvent, à l’évidence, toujours à Kiev.[...]
4. Un Allemand assassin, qui a empoisonné, brûlé, un sadique, etc. Qu’il raconte sa biographie, qui il est… Exemple : « Moi, Hans Richter, résidant à Berlin, Friedrichstrasse 7, docteur en histoire, j’ai tué 40 Soviétiques conformément à l’ordre d’extermination et de massacre reçu. Marié, 3 enfants.
Ça peut éventuellement ressembler à un formulaire. Choisissez des biographies intéressantes et les exactions les plus horribles de ces individus.
L’Allemand doit s’exprimer dans sa langue. Qu’apparaisse dans l’image l’interprète, qui doit traduire rapidement et avec du rythme les propos de l’Allemand, afin de ne pas faire durer cette scène en longueur. Ne l’excluez de l’image que dans les gros plans de l’Allemand.[...] » (Citation. © RGALI)

Les commissions d’enquête soviétiques
Le 2 novembre 1942, les Soviétiques instituent la « Commission extraordinaire d’État chargée de l’Instruction et de l’établissement des crimes des envahisseurs germano-fascistes et de leurs complices » (TchéGuéKa), « sans attendre l’aboutissement des pourparlers pour la fondation d’une Commission des Nations unies ».

Présidée par Nikolaï Chvernik, la Commission centrale réunit d’éminentes personnalités. Bénéficiant de larges prérogatives, elle ordonne et dirige les enquêtes sur les crimes commis, et a pour mission d’évaluer financièrement les préjudices subis.


Des sujets des actualités ou séquences de documentaires détaillent la procédure d’enquête : visite du terrain, expertise médico-légale, recueil de témoignages. Les opérateurs, comme leurs collègues de la presse écrite qui réserve une grande place aux « communiqués de la TchéGuéKa », « relaient son travail, dévoilent le caractère massif et systématique des exécutions, et accumulent les images qui seront exploitées durant les procès ».

Cependant, « à la différence des opérateurs américains qui couvrent l’ouverture des camps de concentration  en 1945, les opérateurs soviétiques ne sont pas soumis à un protocole précis destiné à garantir l’authenticité des images (témoins de la prise de vues, signatures) ».

Lors « de la guerre, 27 communiqués et plus de 50 000 rapports de la Commission centrale sont publiés sous forme d’articles de presse et de brochures traduites notamment en anglais. Cette médiatisation est au cœur du travail de la TchéGuéKa : discours publics à Moscou, photographies et séquences d’actualités attestant la présence sur le terrain de ses plus hauts représentants ».
Les « résultats de ces enquêtes constitueront la base juridique pour les procès soviétiques depuis 1943 jusqu’aux années 1960 ».
Certes, « c’est justement cette Commission qui a attribué le massacre de Katyn aux Allemands. Mais cette « falsification » avilissante, qui a jeté le discrédit sur l’ensemble de la Commission, ne doit pas masquer la richesse du travail qu’elle a mené, ni des sources qu’elle a recueillies ».

Les Commissions locales. La TchéGuéka « se décline en une foule de commissions républicaines et régionales, composées des élites locales. Instituteurs, médecins, clercs… souvent témoins, d’ailleurs, des massacres, cosignent les rapports locaux ». Spécificité de l’URSS, ce « vaste réseau de commissions régionales et locales qui mènent les enquêtes sur les lieux des exactions ». Les commissions locales « établissent les modalités de mise à mort, les listes des victimes, les destructions de biens culturels et religieux, les pertes matérielles de l’Etat et des individus. Leurs rapports remontent la voie hiérarchique et sont corrigés avant diffusion, la judéité des victimes étant souvent écartée. La séquence tournée à Koupiansk (Ukraine) montre que les commissions jouent un rôle de médiateur au sein des communautés locales meurtries par les crimes nazis ».


Les commissions soviéto-polonaises.  « En franchissant les frontières territoriales de 1940, les Soviétiques décident d’associer les Polonais prosoviétiques à l’instruction des crimes nazis. La commission d’enquête constituée pour mener les investigations au camp de Maidanek dès sa libération en juillet 1944 intègre des représentants du Comité polonais de libération nationale (PKWN). À Auschwitz, Soviétiques et Polonais mènent l’enquête séparément – entre février et mars 1945 pour la TchéGuéka, qui examine les rescapés et pratique les autopsies, et à partir d’avril pour la commission polonaise qui récolte documents et témoignages, et effectue les analyses chimiques des produits » utilisés.

Les crimes de masse découverts en territoire soviétique (1941-1944)
Restituer un crime sans image. Seuls les Soviétiques « ont eu l’occasion de documenter a posteriori l’ensemble des modes opératoires de la Shoah – asphyxie par gaz d’échappement en camions aménagés, exécutions par balles au bord de fosses communes ou de bûchers, chambres à gaz et fours crématoires des camps d’extermination, expériences médicales, « Opération spéciale 1005 » de destruction des preuves du génocide ».
« Certains crimes sont découverts quelques mois après leur perpétration (Kertch en Crimée, Ukraine), d’autres sont filmés longtemps après (Babi Yar, lieu-dit de la ville de Kiev en Ukraine). Ces images mettent en évidence les violences perpétrées dans toutes les zones occupées par les nazis, mais leur signification d’ensemble échappe encore. Une seule priorité se dégage alors : donner un tableau complet de l’envergure des massacres, et faire partager la douleur de tout un peuple ».
« Prologue artisanal de la « Solution finale », l’assassinat collectif par étouffement au gaz dans des camions spécialement aménagés (les douchégoubki) n’apparaît sur aucune pellicule tournée à l’époque. En revanche, photographies et surtout témoignages informent assez tôt les autorités soviétiques de l’existence de ce mode de mise à mort réservé au front de l’Est. Quoique privée d’images animées, cette « atrocité germano-fasciste » frappe pour longtemps les esprits. Elle surgit dans de nombreux entretiens publiés et dépositions lors des procès organisés en URSS pendant la guerre même ; à cette occasion, les opérateurs ne manquent pas de saisir ces paroles qui, faute d’autres éléments, représentent les principales preuves de ce type d’exaction ».
Filmer la douleur. La « frontalité des images correspond à la recherche de l’effet le plus intense sur le spectateur. Les équipes de tournage disposent parfois de plusieurs caméras qui permettent de saisir les dévastations sous différents angles, et de s’attarder sur les blessures, sur les postures des morts ou sur les émotions des vivants (visages en larmes, mains qui se tordent, gestes de colère, horreur des experts enquêtant, etc.). Il s’agit d’une démarche délibérée, d’une exigence des autorités politiques à laquelle répondent les responsables du cinéma, à l’unisson des autres médias de propagande : affiches, albums de photomontages, etc. »
« Dans les rares occasions où ils disposent de matériel de prise de son, les opérateurs s’attachent à capter le son direct des humeurs de la foule. L’exhumation de 71 dépouilles filmée le 17 mai 1943 à Koupiansk, offre un rare et précieux exemple de l’ambiance sonore qui mêle lamentations, exclamations, et discussions de passants parfois sans rapport avec la macabre opération ».
La bobine de rushes tournés à Koupiansk (Ukraine) en mai 1943 (TsSDF) bénéficie « d’une captation en son direct des discours du pope local et d’une jeune communiste (pionnière), ainsi que des chants ukrainiens. Premier à prendre la parole, s’appuyant sur sa canne, face au micro sur pied bien visible, le prêtre Johan Protopopov, membre de la commission extraordinaire locale, déclare : « cela fait 38 ans que je sers l’église Nikolaevski, il m’est arrivé dans ma vie de voir beaucoup de scènes horribles, j’ai survécu à deux terribles épidémies ». La suite est coupée. La pionnière qui lui succède s’exprime, parfois avec peine, lit le papier qu’elle tient à la main. Son discours, plus patriotique que communiste, insiste sur l’unité du peuple ukrainien et sur la mémoire des victimes des exactions nazies (elle mentionne les camions à gaz douchégoubki), qui devront être vengées. Puis la caméra opère un lent panoramique vers le public aligné. Plusieurs femmes en pleurs écoutent le président de la commission, l’écrivain ukrainien Konstantin Gordienko ; l’une s’effondre dans les bras d’un soldat, symbole puissant du front commun des militaires et des civils face à l’occupation nazie. Cimentée par le travail mémoriel de la commission locale d’enquête, la symbiose entre les autorités politiques et religieuses et la nation ukrainienne est ainsi parfaitement mise en scène » (© RGAKFD).
Babi Yar, enjeu de mémoire. Le « massacre de Babi Yar excède largement celui de Kertch par le nombre de victimes juives (près de 34 000 en deux jours). Dans Les Insoumis (1945), Mark Donskoï tente une reconstitution de cet assassinat de masse. Tournée à Kiev – où le réalisateur est arrivé quelques mois après la libération – la séquence s’inspire directement des témoignages recueillis alors sur les massacres de Babi Yar et affiche clairement l’appartenance ethnique des victimes. Donskoï travaille en collaboration avec les opérateurs du front ayant filmé les dépositions des témoins de l’Opération 1005 – au terme de laquelle le ravin est vidé de toute preuve de la fusillade. Néanmoins sa reconstitution reste approximative : en réalité les victimes furent contraintes de se dévêtir, puis abattues du haut du ravin, ou entassées sur les cadavres et mises à mort d’une balle dans la nuque ».
Avec l’interdiction en octobre 1947 du Livre noir sur l'extermination scélérate des Juifs par les envahisseurs fascistes allemands dans les régions provisoirement occupées de l'URSS et dans les camps d'extermination en Pologne pendant la guerre de 1941-1945 (Dos Shvartzer Bukh), ouvrage collectif '38 auteurs) élaboré sous l'égide du Comité antifasciste juif et sous la direction d'Ilya Ehrenbourg et de Vassili Grossman, « toute évocation de Babi Yar devient taboue dans l’espace public soviétique. Dans les années 1950, le site fait l’objet d’un réaménagement : le ravin disparaît. La mémoire resurgit en 1961 à travers un poème de Evguéni Evtouchenko. Un obélisque est érigé en 1966, puis un second monument en 1976, sans faire référence aux victimes juives. Ce n’est qu’en 1989 qu’elles sont très officiellement reconnues (film Babi Yar) ».

L’Armée rouge interrompt la destruction des preuves
Sonderaktion 1005. Mise en œuvre « dans le plus grand secret entre l’automne 1942 et septembre 1944, l’Opération spéciale 1005 visait à effacer toute trace des massacres nazis en incinérant les cadavres exhumés ». Elle a débuté par les camps d’extermination, puis a été élargie dès 1944 à tout le territoire occupé que les Allemands nazis envisageaient être obligés de quitter. Ce qui explique les images du ravin vide montré par les films s’efforçant de rendre compte du massacre de Babi Yar. Les 29 et 30 septembre 1941, les Nazis et leurs collaborateurs, notamment le 201e bataillon Schutzmannschaf, assassinaient plus de 33 000 personnes - Juifs, prisonniers de guerre soviétiques, communistes, Roms, Ukrainiens et otages civils – dans le ravin de Babi Jar, dans les faubourgs de Kiev, en Ukraine. Entre ce massacre et la découverte du ravin Babi Jar dans « Kiev libérée en novembre 1943, des unités spéciales ont déterré les corps et procédé à leur destruction minutieuse, comme l’explique en son synchrone l’un des Soviétiques réquisitionnés pour la tâches par les nazis ».
Un massacre inachevé : Klooga, Estonie. Le « massacre perpétré à Klooga se double de l’intention immédiate d’en effacer les traces, car l’Armée rouge approche à grande vitesse. À sa création à l’été 1942, ce camp rassemblait 500 prisonniers de guerre. À partir de l’automne 1943 y sont déportés environ 2 000 Juifs soviétiques ou occidentaux. La percée soviétique provoque l’évacuation de son administration et de ses prisonniers valides le 17 septembre 1944. Le surlendemain arrive à Klooga une brigade SS chargée du massacre et de la crémation des 1 600 Juifs du camp ».
Quand l’Armée rouge arrive le 22 septembre, elle libère 80 rescapés juifs, « témoins miraculés des fusillades et des bûchers. La section estonienne de la Commission extraordinaire arrive quelques jours plus tard, suivie par des journalistes soviétiques et anglo-américains. Entre l’automne 1944 et le début de 1945, les témoignages affluent dans les médias : John Hersey publie un long article dans le magazine Life ».
« L’exceptionnalité de Klooga est également soulignée dans les films soviétiques La Lutte pour les pays baltes, Le huitième coup, et Klooga camp de la mort. Largement diffusés, ils fixent dans les esprits un exemple sans précédent de barbarie : plusieurs plans spectaculaires seront repris en intégralité dans le film présenté par l’accusation soviétique à Nuremberg ».

La place du témoin pour les Soviétiques. Dès 1942, la Direction du cinéma documentaire « exige davantage de portraits, de dimension humaine dans les images du front. Certains réalisateurs passent même commande de témoignages filmés. Mais faute de matériel adéquat en nombre suffisant, la plupart des images tournées par les opérateurs ne s’accompagnent d’aucun enregistrement sonore ».
Pour « entendre » la « voix des témoins, il faut ainsi se reporter aux interrogatoires de la Commission extraordinaire couchés sur le papier, ou prêter l’oreille aux rares récits captés par les micros – prononcés sur les lieux mêmes des crimes ou à l’occasion des procès, mais rarement livrés en intégralité ».

« De fait, la pratique soviétique consiste à encadrer, voire recouvrir le témoignage par un commentaire assénant une vérité politique sur un ton doctoral. Dans les actualités comme dans les films montés, on n’accorde au témoin (et au son direct) qu’un rôle limité, d’autant que se pose la question de la langue : ukrainien, polonais, letton ou allemand ne sont guère compréhensibles pour l’ensemble des spectateurs soviétiques ».

Enfin, les « évocations de la Shoah disparaissent des films achevés, et les rares allusions à celle-ci sont réservées aux aveux des accusés ou à une utilisation codée de l’apparition des témoins, comme dans Le Procès de Bobrouïsk (1947) où un témoin nommé Livchitz vient identifier à la barre l’accusé Tarburg présenté par le commentaire comme « spécialiste de l’organisation des ghettos ».

Les « dirigeants de la propagande de guerre comprennent vite les bénéfices d’une approche « individualisée » du Soviétique en guerre. Le témoignage en constitue la modalité la plus prometteuse. Ainsi, dès le début de 1942, le parti organise des « tournées » de kolkhoziens des régions libérées qui viennent narrer les horreurs de l’occupation aux travailleurs ».

Cependant, le « résultat n’est pas toujours à la hauteur des attentes de Moscou. En effet, l’authenticité espérée de ces séquences se heurte à l’exigence d’un contrôle total de la parole des témoins. Trop mis en scène, pas assez « authentiques » souvent, ces entretiens individuels ne conviennent pas. Les bobines de rushes finissent alors « sur l’étagère ».

Dina Pronitcheva témoigne au procès de Kiev, où comparaissent  quatorze gradés allemands, le 24 janvier 1946. Elle est une des rares rescapées de Babi Yar, et "raconte son histoire en détails au procès de Kiev puis à Anatoli Kouznetsov, auteur des célèbres ouvrages Babi Yar de 1966 et 1970. Le film sur le procès supprime le passage où elle explique qu’elle a échappé à la mort en cachant sa judéité".

L'ouverture des camps en territoire polonais (1944-1945)
Au début de l’été 1944, l’Armée rouge « franchit les limites de l’Union soviétique de 1939 et même de 1940. Cela influe sur la façon de montrer les crimes nazis, d’autant qu’aux côtés des opérateurs soviétiques, des équipes polonaises groupées autour d’Aleksander Ford tournent sur les mêmes sites. Dans le sillage de l’avancée soviétique, des unités découvrent les camps d’extermination, plutôt de façon inopinée ; d’autres centres de mise à mort restent privés d’images filmiques, souvent parce que les caméras sont mobilisées ailleurs ».
« Conscientes de la portée de cette découverte, les autorités exploitent cette nouvelle preuve de barbarie à des fins de propagande internationale : deux films sont spécialement consacrés aux camps de Maidanek et à Auschwitz. Cette médiatisation demeure toutefois mesurée car le cinéma s’oriente vers la célébration de la victoire imminente. Alors même que ces films montrent l’horreur de ce qui a été perpétré, les Soviétiques ont procédé à certaines reconstitutions censées pallier aux défauts des scènes initialement tournées, livrant par la même occasion une interprétation singulière de ces crimes de masse ».
Les camps non filmés. « S’il n’y a quasiment plus rien à voir dans les camps d’extermination de Sobibor, Belzec ou Treblinka, c’est du fait de l’Opération 1005 lancée par les nazis en novembre 1942 pour effacer toute trace de leurs crimes de masse ».
Fin juillet 1944, quand l’Armée rouge « arrive à Treblinka, il découvre un camp d’extermination détruit, les infrastructures avaient été démantelées par les Allemands en 1943, les corps des 800 000 victimes et les baraquements brûlés. Des survivants sont interrogés par la Commission extraordinaire, mais c’est Vassili Grossman qui documente de manière exceptionnelle l’impossible dissimulation des crimes nazis dans le texte qu’il a intitulé « L’Enfer de Treblinka » : « Nous entrons dans le camp, nous marchons sur la terre de Treblinka. (…) La terre rejette des fragments d’os, des dents, des objets, des papiers, elle refuse de garder le secret. Et des objets s’échappent de la terre, de ses blessures mal refermées. Les voici, les chemises à demi consumées des morts, leurs pantalons, leurs chaussures, des portecigares verdis, des rouages de montres, des canifs à tailler les crayons, des blaireaux, des chandeliers, de petits souliers d’enfant avec des pompons rouges, des serviettes brodées ukrainiennes, des dentelles, des ciseaux, des dés, des corsets, des bandages ». (« L’Enfer de Treblinka », de Vassili Grossman, été 1944, dans Carnets de guerre. De Moscou à Berlin, 1941-1945 (éd. Anthony Beevor et Liubov Vinogradova, Paris, Calmann-Lévy, 2008, p. 336-338).
« Situé en périphérie de la ville de Lublin, le camp de Maidanek, fondé en octobre 1941 et transformé en camp d’extermination l’année suivante, est le premier à être découvert par l’Armée rouge, le 23 juillet 1944. Les derniers SS l’ont quitté après avoir évacué la plupart des prisonniers, détruit les documents et incendié les bâtiments – en partie seulement, car subsistent des chambres à gaz, des fours crématoires et certains baraquements. Prévenus par la Direction politique de l’Armée rouge, les premiers opérateurs y parviennent très rapidement. À leur suite, Roman Karmen ainsi qu’Alexandre Ford et son équipe y sont envoyés filmer le travail d’investigation de la commission soviéto-polonaise ».
La « dimension industrielle frappe tout particulièrement les photographes et cinéastes qui enregistrent aussi précisément que possible les traces de cette « usine européenne de mise à mort », tandis que les autorités organisent des visites pour les correspondants de la presse étrangère, la population locale et les prisonniers de guerre allemands ».
Auschwitz. Les « opérateurs soviétiques et polonais arrivent à Auschwitz dès le 31 janvier 1945, quelques jours à peine après la libération du camp ».
L’équipe cinématographique s’efforce dans le film Auschwitz « de rendre compte de la dimension inédite des lieux et de l’ampleur des crimes qui y ont été commis. Mais les conditions de tournage sont extrêmement difficiles. Les températures atteignent cet hiver-là moins 25 degrés ».
Les opérateurs « manquent en permanence de pellicule, le matériel d’éclairage n’arrive qu’avec la Commission extraordinaire d’État mi-février 1945, le matériel d’enregistrement sonore n’arrive jamais ».
Les « problèmes techniques n'expliquent pas à eux seuls la faible mobilisation des équipes cinématographiques. Filmer la découverte du camp d’Auschwitz n’est en effet pas une priorité dans l’avancée vers l’Ouest. De plus, la spécificité du camp d’Auschwitz-Birkenau – à la fois camp de concentration et camp d’extermination des populations juives – n’est pas encore totalement perçue. Comme dans les films précédents, la judéité des disparus n’est pas mentionnée. Elle est tue au nom de l’universalité des victimes de la barbarie nazie ».
Réinterpréter / reconstituer. À Auschwitz et Maidanek, « alors même que les films montrent l’horreur, les Soviétiques donnent une image de la « libération » très éloignée de la réalité : détenus bien portants en liesse, femmes des environs venant interpréter près de deux mois après le rôle des recluses dans les baraques, ou détenus de Maidanek posant derrière les barbelés ».
Diverses raisons « peuvent être avancées : le manque de pellicule et d’éclairage pour filmer à Auschwitz contraint de différer les prises de vues, et donc amène à faire rejouer certaines scènes. Mais l’intention est également de donner une vision valorisante de l’Armée rouge grâce à laquelle des vies ont été sauvées. Ce choix de mise en image est également à replacer dans la vive dispute au sujet des séquences de combat qui, selon certains opérateurs, ne peuvent être captées que « sur le vif » et selon d’autres, nécessitent une reconstitution, pourtant expressément réprouvée par la direction du Studio central des Actualités à Moscou... mais souhaitée par l’Armée rouge ».
Dans les extraits supra de rushes montés Auschwitz (M. Ochourkov, N. Bykov, A. Pavlov, TsSDF, 1945), les « femmes habillées en prisonnières, nommées et cadrées sur leurs visages, paraissent prendre le spectateur à témoin : « Demandez à Elena Jablunska, Stanislawa Kszeczkowska, Olimpia Prusikowska, demandez à Franczeska Murawska » déclame le commentateur. Il s’agit de toute évidence de Polonaises, arrivées au camp probablement après l’insurrection de Varsovie de juillet 1944. La relative bonne santé de ces femmes âgées laisse penser qu’elles n’ont pas enduré les souffrances infligées aux détenues juives. Privés de voix propre, ces destins imposés au public dissimulent celui des principales victimes d’Auschwitz ».

Une judéite effacée ?
Dès la fin 1941, le pouvoir soviétique est au courant du « sort des Juifs en zone occupée. Il n’y est pas insensible » mais affronte un dilemme : « évoquer le sort des Juifs ne reviendrait-il pas à accepter les critères raciaux nazis contre lesquels il lutte ? Et surtout, en terme de mobilisation des Soviétiques, toute insistance sur le massacre des Juifs n’aurait-elle pas comme conséquence de renforcer l’idée reçue, selon laquelle les Nazis « ne s’en prendraient qu’aux communistes et aux Juifs » et donc ces exactions ne les concerneraient pas ? »
La « volonté d’éluder la judéité des victimes est aussi partagée par bon nombre de dignitaires, y compris les plumes juives les plus célèbres de l’URSS en guerre ».
Effacement à l’écran, surgissement ailleurs. Une grande ambivalence caractérise l’attitude des autorités soviétiques à l’égard de l’évocation de la judéité des victimes, en particulier pour la période étudiée (1941-1945) : clairement affirmée ou nettement éludée, cette présence, « identifiable à travers des signes visibles (étoiles de David) ou des noms de famille, varie en fonction des supports (film, articles de journaux, textes officiels…), des usages, des publics cibles des moments, sans qu’il soit toujours aisé d’en retracer la logique ».
Les « films semblent avoir davantage souffert de cette volonté d’éviction, comme le montre la comparaison des rushes d’Auschwitz avec les images montées, ou ailleurs, le recadrage d’un bref plan montrant une étoile de David sur le vêtement d’une victime, alors que les faits relatés dans la Pravda au même moment ne font pas mystère de sa judéité ».
Les « autorités (ici Molotov) tantôt affirment l’existence de persécutions spécifiquement antisémites, tantôt s’attachent à supprimer leur évocation. Ainsi, les rushes du procès de Riga (1946), où il fut très souvent question de la Shoah, sont les seuls à ne pas être montés en film, alors même que la brochure qui lui est consacrée précise bien l’identité des victimes ».
Le « montage et la sonorisation participent à la volonté d’éluder la judéité des victimes ».
La russification. « L’assassinat de Juifs évacués au Caucase sert de prétexte à l’exaltation du sentiment national russe. En septembre 1942 plus de 6 000 Juifs natifs ou évacués d’autres régions furent amenés de Piatigorsk, Kislovodsk ou Essentouki à la périphérie de Mineralnye Vody et fusillés dans un fossé antichar creusé aux abords de la verrerie. Dans Sur les traces de la bête fasciste (Chalva Tchagounava, Studio de Tbilissi, 1943), les images de la cérémonie en mémoire des victimes, dont l’identité n’est pas précisée, suivent immédiatement une séquence portant l’accent sur les valeurs russes bafouées par l’envahisseur ».
La soviétisation. « Dans d’autres cas, les plus fréquents, la judéité se trouve effacée au profit d’une appartenance à la « nation soviétique ». Les victimes sont de « paisibles citoyens soviétiques », les Juifs massacrés à Babi Yar des « habitants de Kiev », etc. Dans La Bataille pour notre Ukraine soviétique, le ravin de Drobitski Yar près de Kharkov est qualifié de « fosse commune » et montré au milieu d’images de prisonniers de guerre, et de partisans torturés et pendus. Le schéma interprétatif qui s’impose est que l’ennemi a mis au point un programme mûrement pesé et minutieusement élaboré visant à détruire l’État soviétique et à exterminer sa population, sans distinction de nationalité, de condition sociale, de sexe ou d’âge ».
L’internationalisation. Enfin, quand les Soviétiques « abordent la question des camps libérés en territoire polonais, le commentaire et les images mettent l’accent sur la diversité nationale des victimes et des survivants, originaires de la plupart des pays d’Europe : Hollande, Danemark, Pologne, Grèce, Italie, France, etc. La séquence des passeports, dans le film soviétique consacré à Maidanek (Irina Setkina, 1943), a pour objectif de montrer que les détenus n’ont jamais été choisis en fonction de critères raciaux ».
Les témoins filmés sont présentés « comme un Français (c’est le résistant Corentin Le Dû), un Hollandais (Anton Benem) et un Tchèque (en réalité un Autrichien, Ludwig Tomashek), mais leur parole est recouverte d’un commentaire évoquant uniquement les « souffrances inhumaines » infligées ».

Les procès
Dès « les premières libérations de territoires soviétiques à la fin de 1941, les autorités traquent et sanctionnent sévèrement ceux qui ont collaboré avec l’occupant nazi. Des centaines de procès à huis clos se déroulent en zone libérée tandis que les partisans en décousent avec l’ennemi en territoire occupé. Il faut attendre la victoire de Stalingrad pour que le Kremlin se décide à organiser des procès publics très médiatisés, qui concernent surtout des criminels de guerre allemands ».

« Partie émergée des milliers de sentences prononcées pour crimes de guerre, cette petite dizaine de procès spectacles poursuit des objectifs politiques précis, à l’attention de la population soviétique, de l’occupant et des alliés. Dans le récit de la guerre que ces procès contribuent à écrire, la spécificité de la Shoah est ignorée, les victimes juives apparaissent comme une cible parmi d’autres d’un adversaire résolu à détruire l’URSS. La comparaison des films et des rushes montre que sont évacués de façon méthodique les témoignages ou les dépositions jugés trop explicites sur ce point ».

La « mise en scène du châtiment constitue la principale spécificité des procès de criminels de guerre des années 1940. Malgré des variations esthétiques d’un film à l’autre, le schéma narratif reste identique. Des images présentent les crimes de façon très crue. Le procès établit la responsabilité des accusés en présence de divers acteurs supposés servir de caution à cette procédure (public, représentants de la presse, personnalités célèbres). Enfin, le tribunal condamne et les coupables sont publiquement exécutés. Le reportage est ainsi mené jusqu’à son terme : le résultat de l’action de justice. Dans la réalité comme dans les films, trois messages sont privilégiés. Nul « bourreau » n’échappera à un châtiment avilissant : la pendaison et l’exposition du corps. Le peuple soviétique approuve unanimement cet acte de justice ».

Enfin, l’État soviétique « est fermement rétabli et possède le monopole du châtiment. Le malaise ou les doutes éprouvés par certains spectateurs n’ont pas leur place dans cette communion punitive ».

Au « procès de Kharkov (1943), furent jugés trois criminels de guerre allemands et un collaborateur soviétique (opérateurs Vladimir Frolenko, Alekseï Lebedev, Aleksandr Chapovalov, Andreï Laptii. TsSDF.). Pendant la pendaison des condamnés en place publique, filmée en son synchrone, les micros captent notamment, sur fond de brouhaha, les sifflets et les applaudissements collectifs, ainsi que le commentaire d’un spectateur enregistré à son insu (1). Une fois l’exécution opérée, hommes et femmes se pressent sous le gibet et viennent toucher les bourreaux d’hier (2). Le film monté et diffusé (Messieurs, la Cour !, Ilya Kopaline, 1944) modifiera complètement cette version des réactions de la foule ».

Nuremberg, et après ?
En novembre 1945 débute le procès de Nuremberg. L’accusation soviétique vise à souligner « la culpabilité des dignitaires nazis vis-à-vis des crimes perpétrés à l’Est par l’armée allemande. En proposant les Documents cinématographiques sur les atrocités des envahisseurs germano-fascistes, la délégation soviétique apporte un témoignage accablant sur ces exactions ».
La « finalité judiciaire des prises de vues tournées par les Soviétiques à la libération des territoires émerge dès la première année de conflit (1942). Elle trouve son aboutissement dans le film projeté au procès de Nuremberg en février 1946, lui-même fixé sur pellicule par Roman Karmen et son équipe.

Lors du procès du Tribunal militaire international à Nuremberg, les Soviétiques projettent un montage de scènes captées entre 1941 et 1945 par des dizaines d'opérateurs du front, parmi lesquels figurent Roman Karmen, Mark Troïanovski, et Aleksander Ford. Réquisitoire méthodique, ce film documente les différentes pratiques de mise à mort nazies, sans jamais laisser place à une quelconque identification des victimes ».

Par ailleurs, « dès son origine, le projet de filmer cet événement s’inscrit dans une démarche testimoniale, historique et bien sûr politique. Les Soviétiques sont venus filmer un procès historique et Le Tribunal des peuples (1946) aura pour objectif de refléter de façon édifiante une vision soviétique de l’Histoire ». 

Afin de « mener à bien cette production extraordinaire le Studio mandate une équipe de quatre opérateurs, dirigée par Roman Karmen. Auteur du Tribunal des peuples (Russie, documentaire, 59 mn, TsSDF, 1946), Roman Karmen, un des documentaristes soviétiques les plus célèbres, installe « un dispositif à plusieurs caméras, tandis que lui-même, muni d’une Eyemo légère, reste au centre de la salle ». Les enjeux internationaux ainsi que les conditions de tournages particulières rendent le travail de l’équipe difficile. Monté à Moscou par Elisabeth Svilova, le film « sort à peine un mois après la fin du procès. Mais le contexte a changé : la guerre froide commence, et le film est reçu sans enthousiasme ».

"Shoah, les oubliés de l'Histoire"
Shoah, les oubliés de l'Histoire est un documentaire produit par Sophie Faudel et Mélisande Films, écrit par Valérie Pozner et Alexandre Sumpf, et réalisé par Véronique Lagoarde-Segot (2014).

"Témoignages de l'indicible horreur de la Shoah, les images de la libération des camps se sont imprimées dans la mémoire collective. Mais qu'en est-il des trois millions de juifs qui périrent sur le sol soviétique ? Le 22 juin 1941, Hitler lance la Wehrmacht à l'assaut de l'URSS, faisant voler en éclats le pacte germano-soviétique signé en août 1939. Dès le début de l'offensive, Staline mobilise le pouvoir de l'image pour dresser la patrie contre l'envahisseur. Il dépêche sur le front des opérateurs de prises de vues tels que Roman Karmen, Otilia Reisman ou Mark Troïanovski. Armés de leurs petites caméras Eyemo, ils filment l'immense désolation des territoires foulés par l'ennemi. Amorcée à la fin de l'année 1941, la reconquête révèle l'ampleur du crime : dans le sillage de l'Armée rouge, les opérateurs découvrent les traces des exécutions de masse perpétrées par les Einsatzgruppen - ou groupes mobiles d'intervention -, avec la collaboration de nationalistes des pays baltes et d'Ukraine, contaminés par la théorie du "complot judéo-bolchevique". Pourtant, ce n'est qu'en recoupant leurs images avec celles des Allemands qu'apparaît la spécificité du génocide juif. Car rapidement, la propagande stalinienne s'emploie à gommer la judéité des victimes, à universaliser le martyre, pour fédérer le peuple dans la lutte contre le IIIe Reich. Dans les fosses, les cadavres n’ont plus de voix pour dire leur singularité". 

"Narré par l'actrice Anna Mouglalis, ce documentaire présente des extraits des bandes tournées par les Soviétiques pendant toute la durée du conflit. Des images exceptionnelles, restées quasiment inexploitées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui documentent pourtant la Shoah à l'Est. Tout en éclairant les intentions politiques qui les sous-tendent, Véronique Lagoarde-Ségot restitue, à travers ces témoignages bouleversants, un pan longtemps tombé dans l'oubli de l'extermination du peuple juif".

"L’implacable machine de destruction nazie a emporté trois millions de juifs en URSS. Dévoilant les preuves filmées par les Soviétiques et décryptant leur portée politique, ce documentaire bouleversant révèle une mémoire occultée."

Pourquoi une diffusion en pleine nuit ?


"Shoah, les oubliés de l'Histoire(Die Grauen der Shoah, dokumentiert von sowjetischen Kameramännernpar Véronique Lagoarde-Ségot
France, 2014
Sur Histoire, les 29 juin 2017 à 09:15, 5 juillet 2017 à 9:25, 11 juillet 2017 à 9:40 et 17 juillet 2017 à 9:25. 
Sur Arte le 29 novembre 2018 à 1 h 25

Jusqu’au 1er novembre 2015
17, rue Geoffroy–l’Asnier 75004 Paris
Tél. : 01 42 77 44 72 
Tous les jours sauf le samedi, de 10 h à 18 h, et le jeudi jusqu’à 22 h

Visuels :
Une femme dans les bras de son mari après avoir reconnu le corps de son fils à Kertch en janvier 1942. © RGAKFD

L’opérateur Aleksandr. El’bert en train de filmer une opération de reconnaissance, 1943. © RGAKFD

L'opérateur Avenir Sofin au front. © RGAKFD

Roman Karmen rédigeant un rapport de prises de vue. © RGAKFD.

L’opératrice Ottilia Reizman à Budapest (Hongrie) en 1944. © RGAKFD

Les opérateurs Rafaïl Guikov et Ilya Guttman apportent leurs bobines au studio de Moscou pour développement en 1943. © RGAKFD

Album Clichés des civils et soldats de l’Armée rouge tués, pendus et torturés, 1943. © RGAKFD.

Le chirurgien en chef des armées Nikolaï Bourdenko (1876-1946, premier à droite), membre de la Commission extraordinaire d’État, devant une rangée de cadavres exhumés en août 1943 à Orel.
© RGAKFD.

Photographies de la population des environs forcées de visiter le camp de Maidanek en août 1944. © RGAKFD.

Extrait des rushes montés Babi Yar (opérateur Sergueï Semenov, TsSDF, 1943) où témoigne Efim Vilkis rescapé du camp de Syrets sélectionné par les autorités allemandes pour être affecté au Sonderkommando chargé de nettoyer le site de Babi Yar. © RGAKFD. 

Témoignage de Dina Pronitcheva au procès de Kiev, où sont jugés quatorze gradés allemands, le 24 janvier 1946 (opérateurs Solomon Golbrikh, Aleksandr Chapovalov, Vladimir Voïtenko, Iakov Mestetchkine, TsSDF). © RGAKFD.

Roman Karmen à Maidanek, juillet 1944. Les amoncellements d’ossements de Maidanek figurent sur nombre de clichés pris dans les semaines suivant la découverte du camp. On voit un Roman Karmen filmant au plus près de son objet – sans doute conscient qu’on le photographie dans cette pose hautement symbolique. © RGAKFD.

Extrait du film Auschwitz (montage : Elizaveta Svilova) – la détention d’enfants est l’un des spécificités de ce camp d’extermination ; ces images ont vraiment frappé les spectateurs de l’époque et figurent parmi les plus réutilisées dans les documentaires occidentaux ultérieurs. © RGAKFD.

Extrait de rushes montés Auschwitz (M. Ochourkov, N. Bykov, A. Pavlov, TsSDF, 1945). © RGAKFD.

Rushes sur le procès de Kharkov (1943), où furent jugés trois criminels de guerre allemands et un collaborateur soviétique (opérateurs Vladimir Frolenko, Alekseï Lebedev, Aleksandr Chapovalov, Andreï Laptii. TsSDF.). © RGAKFD.

A lire sur ce blog :
Les citations sont extraites du dossier de presse. Cet article a été publié le 1er novembre 2015, puis le 28 juin 2017.