C’était la première fois que ce musée, niché dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, donnant sur une cour pavée et sur un jardinet bien agréable, a présenté une collection privée. Une avant-première mondiale aussi.
En effet, l'ensemble de la collection constituée par Karen B. Cohen, sera légué au Metropolitan Museum of Art de New York. Cette collectionneuse américaine en est Honorary Trustee.
Ses autres goûts artistiques sur le XIXe siècle ont été en partie révélés en 2000-2001, lors de l’exposition « Romanticism and the School of Nature » dans ce musée de la 5e avenue de New-York.
La scénographie claire distingue plusieurs espaces thématiques dans chaque lieu d’exposition.
Dans ce qui fut l’appartement de Delacroix : les œuvres religieuses, les sujets littéraires, les « grandes commandes de décors muraux », notamment pour le Palais Bourbon - Salon du roi (1833), décor de la voûte à coupoles de la bibliothèque (1838) - et le Luxembourg, des « copies d’après les maîtres anciens » – Raphaël, Mantegna, Tiepolo, Michel-Ange et Véronèse - et « des études d’après le modèle vivant ou des corps disséqués, un exercice académique exécuté au graphite et à la sanguine ».
Dévoilé à l’été 1861, son décor est peu remarqué par la critique.
Delacroix a largement puisé son inspiration dans la littérature : Shakespeare, Goethe, Byron ou George Sand. Il notait ses impressions de lectures qui lui inspiraient des idées de composition. Ses œuvres inspirées de la littérature sont illustratives ou librement adaptées. Il écrit dans son Journal en avril 1824 : « Ce qu’il faudrait donc pour trouver un sujet, c’est ouvrir un livre capable d’inspirer et se laisser guider par l’humeur ».
Cette exposition didactique sur ce maître du XIXe siècle au geste fougueux, minutieux, précis a connu un grand succès : au 26 février 2010, cette exposition, qui avait débuté le 16 décembre 2009, a attiré près de 25 000 visiteurs. Ce musée a recensé 47 000 visiteurs en 2009.
Le
musée Eugène Delacroix a ensuite montré en 2014
l'exposition Delacroix en héritage. Autour de la collection d'Etienne Moreau-Nélaton.
A Paris, le
musée Eugène Delacroix a présenté l'exposition
Objets dans la peinture. Souvenirs du Maroc (5 novembre 2014-2 février 2015). "Le
voyage d’Eugène Delacroix au Maroc apparaît comme un des événements majeurs de la vie du grand peintre. Seul grand voyage dans l’existence d’un peintre casanier, préférant les vertiges de l’imagination à l’ivresse de la découverte, le périple marocain de Delacroix ne cesse de fasciner. L’exposition au musée Delacroix se fonde sur une partie, souvent méconnue, de la collection du musée, constituée par la petite centaine d’objets marocains – tissus, faïences, armes, cuirs, vêtements, instruments de musique, coffres – rapportés par Delacroix de son voyage. Ces objets acquis au Maroc accompagnèrent le peintre dans ses différents ateliers, au cours des trente années qui suivirent, de 1832 à 1863. Ils étaient ainsi dans l’atelier et l’appartement de la rue de Fürstenberg, à la mort du peintre. Souvenirs du Maroc, ces objets formèrent pour le peintre comme autant d’impressions tangibles de son grand voyage, en écho à ses notes et ses croquis. Leur présence, discrète mais effective, au sein de ses différents ateliers, lui a offert la possibilité, les années passant le séparant de son voyage marocain, d’en élaborer une remémoration poétique où vérité matérielle et imagination se mêlèrent. Les prêts exceptionnels consentis pour cette exposition offre ainsi de mettre en valeur le rapport singulier à l’objet qu’eut Delacroix".

"Dès avant son voyage au Maroc, Delacroix avait, comme bien des jeunes artistes de son époque, réalisé des oeuvres à l’inspiration orientale, pour lesquelles il
avait acquis, sur le marché parisien, accessoires, objets et vêtements qui créèrent unpremier ensemble, auquel vinrent s’ajouter les objets achetés au Maroc. Et si ce voyage fut, pour ce jeune homme ébloui, l’occasion de concevoir des centaines de croquis et d’aquarelles « sur le vif », il revint tout au long de sa carrière, jusqu’à sa mort
en 1863, à ces sujets orientaux où, au souvenir du Maroc, se mêlait une vision imaginaire et sensible nourrie par la littérature et la musique de son temps. Aussi ces objets que l’artiste avait rassemblés dans son atelier doivent-ils être interrogés autant comme des souvenirs du Maroc que comme les signes de son attachement à un imaginaire oriental".
"Femmes d’Alger dans leur appartement"
Dans le cadre de la série documentaire
Les petits secrets des grands tableaux, Arte diffusera les 20 décembre 2015 à 12 h 55 et 2 janvier 2016 à 5 h 20 "
Femmes d'Alger dans leur appartement", 1834 - Eugène Delacroix, de Carlos Franklin (27 min). Admirateur de Voltaire, Delacroix est fasciné par la culture arabe, au point d'envisager d'apprendre la langue arabe". "En 1832, Eugène Delacroix accompagne en Afrique du Nord une mission diplomatique, dont l’objectif consiste à convaincre le sultan du Maroc de ne plus s’ingérer dans les affaires de l’Algérie, devenue colonie française" en 1830, après une conquête difficile et célébrée par Horace Vernet. Des siècles durant, la
piraterie barbaresque avait été redoutée pour ses pillages, tueries,
mises en esclavage, etc. Cinquante plus tôt, Lady Montagu avait dénoncé les fantasmes de ceux évoqués par les Orientalistes, décrivant un Orient qu'ils ignoraient. Les "couleurs, la lumière, la nature, les villes, mais aussi les hommes et les femmes éblouissent le peintre reçu au sein de familles Juives. "C'est beau, c'est comme au temps d'Homère", s'écrit le peintre qui, le premier à être entré dans un harem, croque à la mine de plomb Mounia et Véra. Ébloui par la lumière et les couleurs, Delacroix séjourne six mois au Maroc et en Algérie. Résultats : plus de mille dessins, complétés le soir à l'aquarelle. Dans son appartement, il reconstitue la scène avec une modèle reprenant des poses habituelles, visage incliné.
En 1834, "
Femmes d’Alger dans leur appartement" d'Eugène Delacroix, qui y a mis en oeuvre son "vrai idéal" en dépeignant une expérience vécue, "fait sensation au Salon. Tout est trop nouveau. La toile dévoile l’intérieur d’un harem. Trois femmes légèrement vêtues (
fouta, saruel), en costume vaporeux et richement brodés, baguées, dont une Odalisque - "bonne pour la chambre", pour "la couche" -, dans un lieu apparemment désordonné (babouches au premier plan), assises dans un intérieur somptueux, dévisagent silencieusement les spectateurs." L'euphonie du tableau ? Les spectateurs gênés ne voient que la lascivité et les détails réalistes, crus et jugés indécents. "Peindre la peau noire est contraire aux codes académiques", mais Delacroix, admirateur du poète et défenseur de l'indépendance grecque Lord Byron, est sensible à la question de l'esclavage. Le naturalisme de la scène, vécue par l’artiste, dérange un public habitué aux transpositions lascives et idéalisées de la
peinture orientaliste. À défaut de prendre position sur le conflit qui fait rage en Algérie et qui le heurte, Delacroix fait voler en éclat ce courant jusqu’alors mis en œuvre par des artistes qui n’ont jamais franchi la Méditerranée et ignorent tout de l’Orient".
Les femmes d’Alger dans leur intérieur

«
Avec un pinceau, je ferai sentir à tout le monde ce que j’ai vu...»
A "la fin de son voyage, Delacroix obtient, grâce à Léopold-Victor Poirel, ingénieur dans le port d’Alger, la permission de visiter un harem musulman, traditionnellement interdit aux hommes. Cette
expérience bouleversante devient une grande source d’inspiration pour le peintre à son retour. Il présente
Femmes d’Alger dans leur appartement au Salon de 1834 (Paris, musée du Louvre) et peint treize ans plus tard
Femmes d’Alger dans leur intérieur. Subjugué par la beauté des femmes juives qu’il voit au Maroc, il est fort probable que Delacroix se soit inspiré de la douceur de leurs traits pour représenter les figures féminines dans ces deux compositions. La deuxième version, exposée ici, montre un intérieur encore plus intimiste et éthéré. La présence d’objets appartenant à l’artiste contribue à renforcer l’impression de souvenir idéalisé que suggère la toile ; ce tableau résonne comme un « petit poème d’intérieur », suivant les heureux mots de Charles Baudelaire". Les femmes "ont reculé au fond de la pièce, plus seules".
Musiciens juifs à Mogador
Dans ce
tableau, acheté par Adolphe Moreau dès janvier 1847 mais que le peintre tint malgré tout à exposer au Salon de la même année, Delacroix se remémora, quinze ans plus tard, une scène dont il avait été témoin au cours de son voyage en Afrique du Nord. Après avoir été reçue par le sultan Moulay Abd er-Rahman à Meknès, le jeudi 22 mars 1832, la délégation française disposait de quelques jours de liberté pour visiter la ville ; le 30 mars, pour les divertir, l’empereur leur avait envoyé une troupe de musiciens juifs de Mogador, alors déjà réputés pour la qualité de leur musique et de leur chant. Delacroix avait rapporté de son voyage un certain nombre d’instruments de musique, signe de son intérêt pour la musique « orientale » : le musée Delacroix conserve trois instruments à cordes – une vièle arabe (
rabâb, ‘ud), une vièle à pique (kémantché) et un petit luth à manche long, et quatre petits tambours appelés derbuqa offerts en 1952 par les héritiers de Charles Cournault à qui Delacroix les avait légués. Le peintre semble faire ici un amalgame de ses souvenirs ; il s’est plu à les restituer quinze ans après avoir effectué ce voyage qui les avait créés. Apparaît ainsi l’image d’un Orient imaginaire ; un Orient qui synthétise à la fois ce qu’il avait vu et l’idée qu’il s’en faisait. Dans un intérieur relativement dépouillé où Delacroix joue savamment des effets de lumière, on distingue deux musiciens retranchés dans une relative pénombre, ainsi qu’une danseuse nonchalamment accoudée sur un coffre qui ressemble à s’y méprendre à l’un de ceux ramenés par l’artiste de son voyage et maintenant conservé dans les collections du musée Delacroix. La bourse qui pend au mur n’est pas non plus sans rappeler l’une de celles de l’atelier de la place Fürstenberg jusqu’aux petits pompons des extrémités inférieures. Le peintre avait acquis un certain nombre de sacoches et pochettes en cuir, la plupart brodés de fils de soie, d’or ou d’argent. Dans une niche figurent également deux aiguières monochromes. En revanche, il est difficile de donner une identification claire des personnages et de leur rôle. S’il s’agit d’un groupe de musiciens de Mogador, comme l’indique le titre donné par le peintre dans le livret du Salon, communément repris depuis, nous sommes dans un contexte d’une musique qui mêle transe et rythme, fortement investie d’une fonction thérapeutique et qui se joue plutôt la nuit tombée. Les musiciens sont alors accompagnés d’une voyante, la
chaoufa, ce qui expliquerait la pose extatique de la jeune femme encore perdue dans sa transe. Cependant, les instruments représentés ici ne concordent pas avec cette hypothèse : on ne trouve ainsi pas le luth, instrument de base de ce type de cérémonie musicale. L’homme de gauche joue certes d’un cordophone, peut-être un luth à manche long appelé tanbur ou une mandoline que Delacroix qualifiait dans son article cité plus haut de « guitare mauresque ».
Dans le cadre de la série documentaire
Les petits secrets des grands tableaux, Arte
diffusa les 20 décembre 2015 à 12 h 55 et 2 janvier 2016 à 5 h 20 "
Femmes d'Alger dans leur appartement", 1834 - Eugène Delacroix, de Carlos Franklin (27 min).
Delacroix en modèle
Le
musée Eugène Delacroix a proposé l'exposition
Delacroix en modèle. "Si Eugène Delacroix ne fonda pas d’atelier, il fut considéré comme un modèle par bien des artistes, des futurs jeunes impressionnistes à Picasso et Matisse. Son talent, sa fidélité à son propre idéal, l’originalité de ses sujets et de leur traitement, la part donnée à l’imagination ont suscité, et suscitent toujours, une très vive admiration de la part des créateurs, peintres, graveurs, photographes. La collection du musée est riche d’œuvres pour lesquelles Delacroix, l’artiste et l’homme, a été pris pour modèle".

"Cet accrochage exceptionnel, organisé dans l’atelier du peintre, donne l’occasion de présenter pour la première fois des acquisitions récentes, dont la magnifique interprétation des
Femmes d’Alger dans leur appartement par Henri Fantin-Latour (1836-1904), acquis en 2015 grâce à un don généreux de la Société des Amis d’Eugène Delacroix.
Dès 1822, Delacroix pressent le rôle essentiel des estampes d’interprétation, copies des peintures d’un maître par d’autres artistes, dans la carrière d’un artiste et dans la diffusion de la connaissance des œuvres auprès du public. Ainsi, il autorise volontiers la gravure de ses œuvres, tout en portant un regard vigilant sur les estampes qu’on lui soumet, comme en témoignent ses échanges épistolaires avec Emile Lassalle au sujet de La Médée. Le défi de telles estampes est de taille car l’œuvre de Delacroix se qualifie par ses effets de couleurs, difficiles à rendre dans une gravure en noir et blanc. Delacroix lui-même s’essaye à l’exercice de la lithographie au début de sa carrière, notamment avec Faust et Hamlet, mais tente également la copie de ses propres tableaux comme le Forgeron, ici présenté.
« Copier, c’a été l’éducation de presque tous les grands maîtres. […]On copiait tout ce qui nous tombait sous la main d’œuvres d’artistes contemporains ou antérieurs » Eugène Delacroix,
Journal, 20 janvier 1857.
La copie d’après les maîtres est un exercice incontournable, ancré dans l’enseignement académique, et Delacroix ne déroge pas à cette règle. Illustre copiste qui arpente le Louvre pour y apprendre de ses prédécesseurs tels que Rubens, Van Dyck ou Goya, Delacroix devient à son tour une source d’inspiration pour ses contemporains et les générations qui le suivent. A la fois romantique, épris d’Antiquité, homme de rupture, génie de la couleur, il incarne pour beaucoup un modèle à copier. Le musée Delacroix présente ainsi dans son atelier plusieurs peintures d’après les chefs d’œuvres de Delacroix comme la Mort de Sardanapale par Frédéric Villot, qui est une copie stricte du maitre, mais aussi des interprétations plus libres telles que la copie des Femmes d’Alger de Fantin-Latour ou encore Apollon et le serpent Python, d’Odilon Redon".
Le 3 novembre 2016 à 19 h, dans le cadre du Cycle « carnet de voyage » en partenariat avec la médiathèque du Grand Troyes,
l’Institut Universitaire Européen Rachi organisera « La découverte des Juifs d’Afrique du nord dans les carnets de Delacroix », conférence de Nicolas Feuillie, commissaire d’exposition au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme (MAHJ). "Le voyage au Maroc d’Eugène Delacroix en 1832 marqua un tournant dans l’oeuvre de l’artiste. Grâce à ses notes, croquis et aquarelles, on découvre son périple et l’impression profonde que lui causa la rencontre avec le pays, sa lumière et ses couleurs. La société juive marocaine, qu’il put pénétrer par l’entremise du
drogman de l’ambassade, lui fut en particulier une grande source d’étonnement, et lui inspira quelques-uns de ses chefs d’oeuvres.