Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

mercredi 30 juin 2021

Rachel Aubert, peintre

L'Atelier Capifrance Paris VIIIe propose une exposition de la peintre Rachel Aubert. Des tableaux en acrylique, narratifs, dynamiques, aux titres parfois ironiques, où le figuratif transparait derrière une abstraction apparente, et où des pointes vivement colorées illuminent une obscurité dense. L'artiste y projette ses interrogations teintées d'optimisme.


« Autodidacte, j’ai débuté la peinture vers l’âge de 25 ans par de l’art figuratif », a confié Rachel Aubert, ingénieure agronome et professeur en biologie/écologie. 

Après une pause de plus de... vingt ans, elle recommence à peindre en 2017. 

Elle expose « à Wallers, le village dont je suis originaire dans le Nord de la France près de Valenciennes dans le cadre de l’exposition annuelle « Arts et Histoire ». Enchaine avec « trois expositions à Valenciennes, dont l’une intitulée « La part d’ombre et de lumière chez l’Homme », puis dans un restaurant de la métropole lilloise en 2020.

Dotés de forts reliefs de matières acryliques, les tableaux de Rachel Aubert sont animés d’un mouvement irrépressible.

D’un cosmos, surgissent des pointes lumineuses fulgurantes.

L'abstraction confine au figuratif, ou autorise de l'interpréter en tant que tel. Derrière des branches bleutées, se devine une maison, et au loin, une colline.

Transparait une quête spirituelle, une interrogation sur la vie -  d'où venons-nous ? - et émane un message optimiste sur le chemin de la vie qui continue, malgré des épreuves.

« La peinture doit déclencher une sincérité que je veux partager avec le spectateur. Je travaille en musique sur la toile avec une spatule, une éponge, des pailles. Mais il y a toujours de l’optimisme, de l’amour, l’idée d’aller du sombre vers la lumière et un monde futur qui pétille », a expliqué l’artiste à La Voix du Nord en 2019. 


Œuvres visibles sur les réseaux sociaux

Jusqu’au 10 juillet 2021
15, rue de Turin. 75008 Paris

Visuels :
Et la vie continue...
Patchouwork
Partir sans se retourner
Bonheur acidulé

mardi 29 juin 2021

Axel Springer (1912-1985), magnat de la presse

Axel Springer (1912-1985) était un magnat allemand sioniste de la presse qui a bâti un groupe européen puissant, Axel Springer AG, dont l’un des fleurons est le célèbre quotidien  Bild (plus de trois millions de lecteurs). Un artisan de la réunification allemande qui a renforcé les liens entre la République fédérale d’Allemagne (RFA) et l’Etat d’Israël dont il était un fervent supporter. Un homme en quête spirituelle, intéressé par l'astrologie et marqué par la Shoah. 
« Les trois vies d’Axel Springer » (Drei LebenAxel Springer. Verleger, Feindbild, Privatmann), est un documentaire (2012) de Manfred Oldenburg, Jobst Knigge et Sebastian Dehnhardt. P
résident de la maison d'édition Springer, Mathias Doepfner a hissé, pendant une semaine, fin juin 2021, le drapeau israélien sur le siège du groupe après des défilés antijuifs durant la guerre d'Israël contre le mouvement terroriste Hamas dans la bande de Gaza.


En trois parties, le film 
« Les trois vies d’Axel Springer » (Drei LebenAxel Springer. Verleger, Feindbild, Privatmann),  un documentaire (2012) un peu décousu de Manfred Oldenburg, Jobst Knigge et Sebastian Dehnhardt montre la personnalité complexe d'un magnat de la presse pro-israélien.

Une irrésistible ascension
Né le 2 mai 1912 près de Hambourg, Axel Cäsar Springer débute en 1933 comme journaliste à l’Altonaer Nachrichten jusqu’à la fermeture du journal en 1941.

Il travaille aussi comme compositeur et éditeur dans la maison familiale d’édition Hammerich & Lesser-Verlag (1941-1945). Et il complète sa formation dans l’agence de presse Wolff's Telegraphisches Bureau et comme correspondant du journal Bergedorfer Zeitung.

Sa première épouse était demi-juive selon les lois de Nuremberg. La Shoah le hantera.

Réformé, il travaille en 1941 comme projectionniste au cinéma Le Waterloo qui présente des films américains.

Après la défaite du IIIe Reich (1945), cet homme ambitieux, séducteur et ébranlé par la Shoah obtient une licence des autorités britanniques et fonde en 1946 son entreprise d’édition Axel Springer GmbH à Hambourg. Il débute dans un abri antiaérien de cette ville largement rasée par les bombardements alliés. Il vise un lectorat populaire.

Il publie le Hamburger Abendblatt, et des magazines dont celui hebdomadaire et populaire sur les programmes de radio, puis de télévision, Hör zu (Die Rundfunkzeitung). Plus d'un million d'exemplaires.

Axel Springer lance en 1946 Die Welt (le monde, en allemand), puis en 1952 le célèbre quotidien tabloïd allemand Bild (ou Bild-Zeitung, Journal image) - jusqu'à 12 millions de lecteurs par jour - à l’influence notable sur l’opinion publique et critiqué pour tabler sur le sensationnel. Ses journaux représentent des idées conservatrices. Axel Springer amène les gents à lire quotidiennement un journal.

En 1953, il compatit aux Allemands de l'Est qui se soulèvent à Berlin-Est.

Une telle pression pèse sur ses épaules qu'elle accentue sa fragilité psychique (dépression en 1957). Il entame une quête mystique, intéressé par les ermites médiévaux. Profondément religieux, il veut aider les opprimés - les Allemands vivant de l'autre côté du Rideau de Fer -, les pauvres. Cet homme énergique met son pouvoir et son influence au service de sa mission. C'est ce qui l'a guéri selon son épouse.

En janvier 1958, Axel Springer rencontre Nikita Khrouchtchev à Moscou (URSS) et tente vainement de gagner l’appui du Kremlin à la réunification de l’Allemagne. Un entretien tendu de quatre heures. Axel Springer devient un éditeur politique.

En mai 1959, il pose la première pierre du siège de son groupe à Berlin en présence de Willy Brandt, maire de Berlin-Ouest et alors son allié dans cette ville divisée. La liberté devient un sujet de plus en plus central pour cet homme intuitif qui a méprisé les nazis. Ce démocrate  modèle fait face au passé de l'Allemagne.

En juin 1966, il effectue sa première visite en Israël. Au maire de Jérusalem Teddy Kollek, il remet un million de dollars destinés à une bibliothèque et à une nouvelle aile au musée d’Israël. Jérusalem sera la « deuxième patrie » d'Axel Springer. Honni en Allemagne, ce patriote est aimé en Israël.

En 1967, dans un discours à Hambourg, Axel Springer annonce ses principes d’édition, qui seront modifiées en 1990 et 2001 : soutenir la liberté et au droit en Allemagne, pays membre de l’Occident, et poursuivre l’unification de l’Europe ; promouvoir la réconciliation des Juifs et des Allemands et soutenir l’Etat d’Israël et son existence ; soutenir l’Alliance transatlantique et la solidarité avec les Etats-Unis dans les valeurs communes des nations libres ; rejeter toutes les formes d’extrémisme politique et soutenir les principes de l’économique libre et sociale de marché. Une philosophie inscrite dans les contrats de travail des employés de ce groupe devenu le plus important en Europe.

Dans une Allemagne divisée par les Etats vainqueurs, pendant la Guerre froide et la Détente, Axel Springer devient rapidement le patron de presse le plus riche et le plus puissant de l’Allemagne fédérale, à l’ère du miracle économique germanique dont il est l’une des grandes figures de proue. « Ici, le roi » , annonce-t-il au début de sa conversation téléphonique.

En 1970, Axel Springer transforme sa compagnie en société par actions dont il est le seul actionnaire. Avec 230 journaux et magazines et des sites Internet, ce groupe est l’un des principaux vecteurs médiatiques européens. Pour Axel Springer, les ennemis sont les « terroristes occidentaux », la Fraction armée rouge. Cet anticommuniste figure sur la listes des hommes à abattre par les gauchistes. 

Axel Springer est la cible de violentes polémiques et d’attaques politiques (1968-1975) – émeutes devant sa maison d’édition et ses domiciles, explosions devant le siège de son groupe, son chalet à Gstaad (Suisse) est incendié, menaces de mort - de la part de jeunes gauchistes et communistes, opposant à la guerre du Vietnam. Le «  groupe Springer fait campagne contre les étudiants ».  «  Expropriez Springer ! Springer assassin », crient les étudiants qui réclament le démantèlement du groupe et manifestent après l'attentat contre Rudi Dutschke en 1968. Des mouvements de révolte encouragés par la Stasi - police politique de renseignement et d'espionnage - de la RDA (République démocratique allemande).

Heinrich Böll évoque ce magnat de la presse allemande, puissant et redouté, dans son roman L’honneur perdu de Katharina Blum, Comment peut naître la violence et où elle peut conduire (Die verlorene Ehre der Katharina Blum, Wie Gewalt entstehen und wohin sie führen kann, 1974), porté à l’écran par Volker Schlöndorff.

Axel Springer publie en 1971 son premier livre Von Berlin aus gesehen (Vu de Berlin), et en 1980 Aus Sorge um Deutschland.

Grâce aux témoignages souvent inédits de sa famille, de ses amis et adversaires, ce documentaire nous révèle des aspects inconnus de sa vie personnelle - « fils à maman », séducteur, collectionneur, philanthrope - et familiale d’Axel Springer, marié à cinq reprises et divorcé quatre fois, père de trois enfants dont le photographe Sven Simon qui se suicide en 1980.

Sa motivation ? Ni l’argent - son groupe lui a rapporté 1,5 milliard de marks, selon un biographe - ni le pouvoir.  Axel Springer se retire progressivement de la gestion de son groupe, organise sa succession et garde 26,1% de la société par actions nouvellement créée avant l'entrée en Bourse.

Son but suprême poursuivi toute son existence, c’est la réunification de l’Allemagne, avec Berlin pour capitale dans une Europe en paix. Un objectif qu’il ne verra pas car il meurt en 1985. Quatre ans avant la chute du mur de Berlin.

Un groupe de presse sioniste
A l’initiative d’Axel Springer AG et de l’Institut pour le dialogue stratégique présidé par Lord Weidenfeld se tient le dialogue européen-israélien.

Le 7 avril 2011, sa onzième édition a réuni 45 politiciens – dont Avigdor Lieberman et Guido Westerwelle, ministres israélien et allemand des Affaires étrangères, et Natan Sharansky -, journalistes, auteurs - Hamed Abdel-Samad - et entrepreneurs – John Elkann - israéliens, européens et égyptien.

Au programme : les événements récents au Moyen-Orient, le rôle de l’islam et d’éventuelles améliorations dans les relations politique et économiques entre l’Europe et l’Etat d’Israël.

« A la lumière des développement récents au Moyen-Orient, un échange européo-israélien d’idées est plus important que jamais. En fin de compte, les deux régions ont des intérêts communs économiques, de politiques étrangère et de sécurité », a alors déclaré Mathias Döpfner, PDG d’Axel Springer AG, groupe « sioniste non Juif ».

Le 8 avril 2012, Mathias Döpfner a déclaré au Jerusalem Post : Axel Springer « pensait qu’une nouvelle Allemagne ne peut se développer que si elle définit ses relations avec Israël… [Celui-ci] est la tête de point de la démocratie au Moyen-Orient. Aussi, est-il dans l’intérêt de l’Europe de le soutenir et de le renforcer. Nous partageons les mêmes racines culturelles et les mêmes intérêts en terme de stratégie et de politique étrangère… L’Etat d’Israël devrait être membre de l’Union européenne ».

Et de souligner la nécessité de ne pas oublier « ce que l’Allemagne a fait et sa responsabilité particulière pour soutenir Israël » et de définir de manière distincte un intérêt pour Israël : société dirigée par l’éducation, l’entrepreneuriat…

Autre exemple de la philanthropie de ce groupe fidèle à son fondateur : journaliste Juif et président de la Fondation Axel Springer, ErnstCramer a créé un programme décennal destiné aux journalistes allemands et israéliens, sponsorisé sous la forme de bourses par le groupe Axel Springer.

Quotidien le plus lu en Allemagne, le  Bild Zeitung a publié le 11 août 2014, et sous le titre “La guerre d'Israël contre les terroristes du Hamas : Les visages de ceux qui sont tombés au combat”, les visages des 64 soldats israéliens tués lors du conflit dans la bande de Gaza lors de l'opération Bordure protectrice. De courtes biographies ont accompagné les visages. Signé par Anne-Christine Merholz, le reportage décrit ces soldats comme “64 fils, amis, époux qui ne retourneront jamais rejoindre leurs familles. Ils sont morts pour leur patrie, en combattant le Hamas à Gaza”. Diffusé à au moins 3,5 millions d'exemplaires chaque jour, le  Bild Zeitung est publié par la compagnie Axel-Springer, à la ligne éditoriale pro-israélienne, visant à "promouvoir la réconciliation entre Juifs et non-Juifs en Allemagne et à soutenir le droit d'Israël à exister".

P
résident de la maison d'édition Springer, Mathias Doepfner a hissé, pendant une semaine, fin juin 2021, et en soutien à l'Etat Juif, le drapeau israélien sur le siège du groupe après des défilés antijuifs durant l'opération militaire "Gardien des murailles", guerre d'Israël contre le mouvement terroriste Hamas dans la bande de Gaza. Et il l'a signifié aux employés du groupe en les invitant, en cas de désaccord, à quitter la maison d'édition.

Antisémitisme dénoncé
Véronique Cayla, présidente, Alain Le Diberder, directeur des programmes, et les responsables de secteurs d’Arte France, refusèrent de diffuser  Un peuple élu et mis à part : l’antisémitisme en Europe, ("Auserwählt und ausgegrenzt - Der Hass auf Juden in Europa“) documentaire de 90 minutes écrit et réalisé par Joachim Schroeder et Sophie Hafner (Preview Production). Un refus datant du 26 avril 2017. « Motif : on y met trop en lumière la haine antijuive qui progresse dans la sphère arabo-musulmane et dans une certaine gauche obsédée par l’antisionisme ». Un « documentaire de quatre-vingt-dix minutes, produit et financé par Arte. Ce projet était porté par le pôle allemand d’Arte, et plus précisément par la chaîne publique Westdeutscher Rundfunk (WDR), membre de l’ARD, la première chaîne allemande. Il avait été validé en avril 2015 par la conférence des programmes. Pour Arte France, « la dénonciation de l’antisémitisme se limite à l’exploration répétitive de « ce ventre fécond dont est sorti la bête immonde », le nazisme archéo et néo, l’extrême droite dans toutes ses déclinaisons régionales, du FN français au Jobbik hongrois en passant par les néerlandais de Geert Wilders », a résumé Luc Rosenzweig, journaliste.

Et de poursuivre : 
"Le film de Joachim Schroeder et Sophie Hafner reçut pourtant l’aval, de justesse, de la conférence des programmes après que les auteurs ait accepté la suggestion de s’adjoindre comme co-auteur Ahmad Mansour, un psychologue d’origine arabe israélienne exerçant depuis dix ans en Allemagne. Ce dernier est une personnalité reconnue outre-Rhin comme porte-parole d’un islam des Lumières, modéré et violemment hostile au jihadisme. Il joue dans le débat public allemand un rôle similaire à celui tenu naguère dans le débat français par le regretté Abdelwahab Meddeb. Le courant passe entre les cinéastes allemands et Mansour, mais ce dernier n’accepte qu’un rôle de conseiller de ce documentaire, son emploi du temps ne lui permettant pas de participer à de chronophages phases de tournage à l’étranger et à d’interminables séances de montages. Mais il suit régulièrement la progression de la réalisation du film, et répond à toutes les demandes de conseils venant des réalisateurs. Dans l’esprit des dirigeants d’Arte, Mansour devait jouer le rôle de « commissaire politique » du film, veillant à ce que les auteurs restent bien dans les clous d’une vision de l’antisémitisme épargnant autant que faire se peut sa version arabo-islamique, et ce nouvel antisémitisme des banlieues européennes.
Il n’en a rien été, et Schroeder et Hafner, soutenus par la responsable de la coopération avec Arte au sein de la WDR, Sabine Rollberg ont persévéré dans leur projet de démasquer cet antisémitisme qui se camoufle sous le masque de l’antisionisme. Le couperet tombe en février 2017, sous la forme d’un sèche lettre de refus de diffusion du documentaire ainsi motivée : « Le film achevé ne correspond pas sur des points essentiels au projet accepté par la conférence des programmes. Par ailleurs on ne voit pas la trace de la collaboration d’Ahmad Mansour, qui devait garantir l’équilibre et l’impartialité du projet… » (Cet extrait est une traduction de la lettre adressée en allemand aux responsables du pôle allemand d’Arte, dont la direction, contactée par nos soins a refusé de nous transmettre sa version originale en français). Précisons qu’Alain Le Diberder ne parle pas un mot d’allemand, et que le film qu’il condamne n’a pas de version française… 
Mis en cause, Ahmad Mansour réplique vertement aux assertions d’Alain Le Diberder dans un courrier adressé à Sabine Rollberg. Après avoir confirmé qu’il avait bien décliné la fonction de co-auteur pour des raisons personnelles, et que le contenu du film avait été établi avec son accord il poursuit. « Ce film est remarquable et arrive à point nommé. Certes, il révèle des réalités dérangeantes, les mêmes que je rencontre dans mon travail quotidien. Je suis surpris qu’une chaine publique de la réputation d’Arte puisse avoir tant de problèmes avec le réel. Dans mon activité professionnelle j’exige constamment que l’on prenne conscience politiquement de cette réalité pour alimenter un débat public dans la société et faire face à ces nouveaux défis. C’est pourquoi je trouve ce film important et nécessaire ».

Les auteurs du documentaire ont expliqué avoir accepté de remonter leur film conformément aux vœux d'Arte France. En vain.

Alain Le Dibernier a invoqué le non respect par les documentaristes de la commande d'Arte. Il a déclaré au Monde ne pas avoir peur de diffuser un « brûlot », « mais la n’est pas la question. Nous n’avons jamais eu peur de diffuser des films à thèse ». 

« Il faut que vous compreniez que le sujet est très délicat. Nous sommes coincés entre les lobbys juifs et musulmans. C’est la raison pour laquelle la conclusion de ce documentaire doit rester indéterminée. », a déclaré un jour Marco Nassivera, directeur de l’information d’Arte.

WRD "avait expliqué sa décision de ne pas montrer le documentaire en disant qu'il ne répondait ni à ses exigences journalistiques ni à ses principes éditoriaux". La chaîne allemande WRD a allégué dans un communiqué "que le film ne répond ni à ses exigences journalistiques ni à ses principes éditoriaux. « Par exemple, sans citer de sources, il y est dit que "selon des estimations sérieuses, l'UE, des gouvernements européens, des églises européennes ainsi que des organisations onusiennes cofinancées par l'Union européenne auraient versé 100 millions d'euros par an à des ONG politiques connues pour mener des campagnes anti-israéliennes"». NGO Monitor (Observatoire des ONG) a prouvé les financements étrangers, notamment de l'Union européenne et d'Etats la composant, de mouvements israéliens.

Des organisations juives françaises ont exprimé leur indignation à l'égard de cette censure.

Aliza Bin Noun, ambassadrice d'Israël en France, a écrit à Véronique Cayla :
"Nous avons été stupéfaits et consternés d’apprendre qu’Arte ait refusé de diffuser le documentaire intitulé « Un peuple élu et mis à part : l’antisémitisme en Europe », réalisé par Joachim Schroeder et Sophie Hafner, d’autant plus qu’il fut produit à la demande d’Arte. Ce refus constitue une dissimulation de la réalité au public et une atteinte à son droit à l’information, surtout lorsqu’il s’agit de sujets importants tels que l’antisémitisme qui se répand à nouveau dangereusement en Europe, entraînant des conséquences graves sur les communautés juives, sur l’Etat d’Israël et sur l’ensemble des sociétés démocratiques. La France, Israël et d’autres Etats démocratiques luttent conjointement contre l’antisémitisme, au nom des valeurs qui nous unissent. Ce combat est d’autant plus crucial que l’antisémitisme tue encore aujourd’hui. En France, en 2012,  des enfants ont été tués à Toulouse parce que Juifs ; à Paris, en 2015, des Français ont été tués parce que juifs, à l’Hyper Cacher ; et encore tant  d’autres actes antisémites se produisent, en France et ailleurs, toujours guidés par la haine aveugle du Juif.   De surcroît, l’antisémitisme, qui s’exprime de nos jours aussi à travers l’antisionisme, contribuent à nier et délégitimer le droit d’Israël à exister en tant qu’Etat-nation du peuple juif, portant atteinte à un pays allié et ami de la France et l’Europe. C’est pourquoi, au nom de nos valeurs de démocratie et de liberté d’expression, et conformément à ce que représente Arte, il est fondamental de diffuser ce documentaire".
Le 13 juin 2017, Bild a diffusé sur son site Internet, pendant 24 heures, ce documentaire en l'entourant d'explications. "Notre responsabilité historique nous oblige à nous confronter à l'indicible que nous révèle ce documentaire. Pour que nous puissions tous savoir de quoi il en retourne", a écrit Julian Reichelt, directeur des rédactions du Bild, qui qualifie la décision d'Arte de le déprogrammer de « dégoûtante et honteuse ». Ce fleuron du groupe de presse Springer a publié les soutiens aux documentaristes de nombreux politiciens, intellectuels et historiens allemands, tels Götz Aly, Matthias Küntzel, Ahmad Mansour et Michael Wolffsohn

L'American Jewish Committee (AJC, Comité juif américain), le Centre Simon Wiesenthal (CSW) et le Conseil central des juifs d'Allemagne avaient exprimé leur indignation devant ce refus d'Arte.

Le 14 juin 2017, Arte a publié un communiqué de presse indiquant : « Arte ne veut légitimer a posteriori le documentaire en le diffusant sur son antenne, sachant qu’il s’éloigne considérablement du concept initialement convenu, lequel a été modifié sans qu’Arte n’en ait été informée ». Arte a ajouté qu’affirmer que « pour des raisons politiques le film n’aurait pas sa place dans le programme d’Arte est parfaitement absurde : la proposition acceptée par la Conférence des programmes prévoyait expressément, conformément à la ligne éditoriale d’Arte, chaîne européenne, de traiter de l’antisémitisme masqué derrière la critique d’Israël, et cela non pas au Proche-Orient, mais en Europe. ». La chaîne est surprise par cette diffusion par Bild; mais n’a élevé « aucune objection » à cette diffusion. 

Arte "a balayé les accusations de censure, affirmant que le film s'était éloigné "considérablement du concept initialement convenu" et assurant ne pas en avoir été informée pendant sa phase de réalisation. "Insinuer que c'est pour des raisons politiques que le film n'aurait pas sa place dans le programme d'Arte est parfaitement absurde : la proposition acceptée par la Conférence des programmes prévoyait expressément, conformément à la ligne éditoriale d'Arte, chaîne européenne, de traiter de l'antisémitisme masqué derrière la critique d'Israël, et cela non pas au Proche-Orient, mais en Europe". 

La version sous-titrée en français de ce documentaire a été publiée sur Youtube. Ce documentaire démontre le soutien, notamment financier, de l'Union européenne à la haine antisémite et l'incitation à ceette haine de médias européens.

Le 15 juin 2017, le Centre Simon Wiesenthal (CSW) a écrit à Antonio Tajani, président du Parlement européen : «Visionnez le film d’Arte pour prouver que les arguments de la chaîne en faveur de la censure du film contreviennent à votre nouvelle Définition de l’antisémitisme » :
« Ce mois-ci, le 1er juin, le Parlement européen (PE) a adopté une résolution dont le premier jet avait été élaboré en 2005 par l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes – organe qui a ensuite été rebaptisé Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne. Plus récemment, cette résolution allait être connue sous le nom de Définition de travail de l’antisémitisme de l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA, Alliance internationale dédiée à la mémoire de l’Holocauste).Le Parlement européen s’est donc maintenant doté d’un indicateur pour évaluer l’argument apparemment tendancieux d’Arte. En outre, de nombreux universitaires et spécialistes de l’antisémitisme – notamment le musulman Ahmad Mansour, coauteur/consultant du film agréé par Arte, ainsi que le Centre Wiesenthal – ont apporté leur soutien enthousiaste à ce documentaire tant attendu.En 1989, on avait fait appel à nous pour organiser la projection du chef-d’œuvre de Claude Lanzman, Shoah, au Parlement européen. En 2008, feu votre prédécesseur, Bronislaw Geremek, avait présidé la séance de présentation de La vie et l’héritage de Simon Wiesenthal, film réalisé par notre propre Centre, dans cette même Chambre. Sur la base de ces deux précédents et en tant qu’organisation dont la division Moriah Films a déjà produit quatorze films et reçu deux Oscars, nous nous tournons vers vous – en accord avec le réalisateur, Joachim Shroeder – pour demander que Élus et exclus – la haine des juifs en Europe soit projeté en avant-première au Parlement européen afin de vérifier et de renforcer ainsi la propre Définition de l’antisémitisme du PE ».
Le CSW proposait « de fournir la version intégrale du film et d’assurer la présence du réalisateur et du coauteur pour répondre à tout commentaire » : « Monsieur le Président, nous serions ravis de venir à Bruxelles pour organiser avec vous et avec votre personnel la logistique et la date de cette projection », concluait M. Samuels.

Le 16 juin 2017, ARD, "dont l'une des chaînes de son réseau de télévisions locales, WDR, avait commandé le film et avait également renoncé à le montrer", a publié un communiqué de presse. : "La Première (ARD, ndlr) va diffuser le 21 juin 2017, à 20 h 15, le documentaire produit pour Arte "Les nouveaux visages de l'antisémitisme. Le thème du documentaire est important pour nous (...) Nous avons examiné le film de façon intense et j'ai pris la décision de soumettre de façon transparente ce documentaire au débat", a déclaré Tom Buhrow, le directeur d'ARD, cité dans le communiqué. Un débat suivra cette diffusion. "Je pense qu'il est juste qu'un large public ait maintenant accès à ce documentaire controversé, et cela en dépit de ses défauts" afin que "chacun puisse se faire une idée", a poursuivi Volker Herres, directeur des programmes de cette chaîne de télévision, dans le communiqué.

Le 19 juin 2017, le Centre Simon Wiesenthal (CSW) a annoncé qu'il diffusera ce documentaire dans son Musée de la Tolérance.

Le 20 juin 2017, le CRIF a reçu en son siège Anne Durupty, vice-présidente du Comité de gérance et Alain Le Diberder, gérant et directeur des programmes. Son président Francis Kalifat, Gérard Unger, vice-président du Crif et Robert Ejnès, directeur exécutif, assistaient également à la rencontre. Arte avait annoncé sa décision de déprogrammer un documentaire sur l'antisémitisme en Europe. Le Crif avait été saisi de nombreuses réactions de responsables communautaires et de Français juifs qui s'étonnaient, voire s'indignaient de cette déprogrammation, considérant qu'il s'agissait pour Arte d'un refus d'aborder le sujet de l'antisémitisme d'origine islamiste.  De plus le débat faisait rage en Allemagne – comme nous l'avions révélé dans la Newsletter du Crif – où le magazine Bild avait décidé de mettre le film sur le Net".

"Dès le début de l'entretien, Francis Kalifat a exprimé son indignation  concernant cette déprogrammation, interpellant les responsables d'ARTE sur la difficulté de la chaîne de traiter de l'antisémitisme d'origine arabo-musulmane, directement lié à la situation au Proche-Orient. Dans le contexte actuel de violences et de recrudescence de l'antisémitisme, cette position paraissant irresponsable. Il a notamment fait valoir le récent vote au Parlement européen d'une définition de l'antisémitisme incluant l'antisionisme".

Les "responsables d'Arte ont voulu assurer Francis Kalifat de la bonne foi de la chaîne. La déprogrammation n'avait rien à voir avec le sujet de l'antisémitisme, mais avec le respect des procédures internes dans la programmation des émissions au sein de la structure de la Chaîne".

Francis Kalifat "a insisté sur la nécessité de diffuser ce documentaire qu'il avait pu visionner l'après-midi et qui décrit une situation alarmante qu'il faut présenter et dont il faut pouvoir débattre". 

ARTE "a annoncé aujourd'hui par communiqué son intention de reprogrammer le documentaire mercredi 21 juin, suivi d'un débat. Le Crif en prend acte et salue cette décision".


« Les trois vies d’Axel Springer » (Drei Leben
: Axel Springer)
Documentaire de Manfred Oldenburg, Jobst Knigge et Sebastian Dehnhardt
ZDF, 2012, 1 h 30
Diffusions les 1er mai 2012 à 22 h 30 et 15 mai 2012 à 10 h 30

Visuels :
Photos en noir et blanc
© Axel Springer AG et Sven Simon

De gauche à droite : Guido Westerwelle, ministre des Affaires étrangères d’Allemagne et vice Chancelier, Mathias Döpfner, CEO Axel Springer AG, et Avigdor Lieberman, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères d’Israël.
© Fabian Matzerath

Articles sur ce blog concernant :

Cet article a été publié le 30 avril 2012, puis les 15 août 2014 et 16 juin 2017.

Chana Orloff (1888-1968)


Chana Orloff (1888-1968) est une illustre sculptrice française juive de l'Ecole de Paris née en Ukraine. Cette artiste s'illustre par un style lisse, soulignant les rondeurs. De rares œuvres montrent un style plus tourmenté. Le 30 juin 2021, de 18 h 15 à 19 h 15, le mahJ (musée d'art et d'histoire du Judaïsme) propose, autour de l'exposition « Chagall, Modigliani, Soutine... Paris pour École, 1905-1940 », et dans le cadre d'"Une expo, une œuvre", "Maternité" de Chana Orloff", conférence par Anne Grobot-Dreyfus, historienne de l’art.
« J’ai réalisé qu’elle travaillait surtout au petit jour dans le silence et il n’était pas rare au matin de trouver de nouvelles formes cachées sous des draps humides. « Tu fais une sculpture en une nuit ? » lui ai-je demandé une fois naïvement. « Faire une sculpture, ce n’est rien » me dit-elle. « Quand on y a pensé pendant des mois, parfois des années », écrit Ariane Tamir, petite-fille de Chana Orloff, dans un catalogue d’exposition de la Galerie Vallois.

L’Ecole de Paris
Chana Orloff (son nom signifie en russe « aigle ») est née à Tsaré Constantinovska (Ukraine) en 1888.

Fuyant les pogroms en 1905 dans l’empire russe, sa famille s’installe dans Eretz Israël, alors partie de l’empire ottoman. Ses parents y travaillent comme ouvriers agricoles.

En 1910, Chana Orloff va à Paris pour compléter sa formation et travailler comme styliste dans la haute couture.

Sur les conseils de Paquin, elle suit une formation artistique à Paris.

Après une formation classique à l'Ecole Nationale des Arts Décoratifs, elle étudie la sculpture à l'Académie Russe - Vassilieff  -  à Montparnasse.

Dans cette ville-phare, à l’époque des « heures chaudes de Montparnasse », elle devient l’amie de jeunes artistes talentueux : Modigliani, Picasso, Cocteau, Max-Jacob, Foujita, Soutine, Zadkine

Elle devient une des figures majeures de l’avant-garde artistique parisienne.

Lors du Salon d’automne de 1913 elle présente deux bustes. « Tous ceux qui l'ont connue au temps de son adolescence conservent l'impérissable souvenir de cette grande dame dont l'hospitalité, l'accueil fraternel et la camaraderie étaient légendaires, de la Rotonde au Dôme et du Sélect au restaurant Baty... », écrit 45 ans plus tard l'historien d'art Waldemar George.

En octobre 1916, cette artiste de l’école de Paris épouse le poète polonais Ary Justman. Celui-ci décède en 1919, victime de l’épidémie de grippe espagnole. Chana Orloff élève seule leur fils Elie ou Didi, âgé d’un an.

Ses œuvres sur la maternité, les femmes et les enfants, son bestiaire et ses portraits sculptés plaisent au public et sont appréciées des critiques, en France et à l’étranger.

Chana Orloff devient la portraitiste de l’élite parisienne et sociétaire du Salon d’Automne en 1925 et obtient la nationalité française.

Elle expose avec succès aux Etats-Unis dès 1928.

En 1930, elle crée sa première œuvre monumentale.

1935, c’est l’année de sa première exposition au musée de Tel-Aviv.

A Paris, le Petit Palais lui réserve une salle en 1937.

Sous l'Occupation, il lui est interdit d'exposer ou de vendre ses œuvres officiellement. Persécutée comme juive sous le régime de Vichy, elle échappe à la Rafle du Vel d’hiv en juillet 1942 car le fondeur Alexis Rudier la prévient de cette rafle imminente, va avec son fils Elie en zone libre - Grenoble, Lyon - et passe clandestinement en Suisse où elle reste jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.  A Genève, elle crée ses œuvres dans un atelier prêté.

Le retour à Paris en 1945 est douloureux : atelier dévasté, sculptures mutilées, volées ou détruites. Chana Orloff "ne restaurera pas ses sculptures mutilées, mais montrera ici et là, sur des socles, une tête privée de son corps, un buste fracassé. Elle se remet au travail".

En 1946, à la galerie de France, ses dessins sur les souffrances d’un déporté (Le retour) suscitent une profonde émotion.

L’après-guerre marque la consécration de cette artiste : rétrospectives à Paris, Amsterdam Oslo, Chicago et Tel-Aviv. En 1949, elle fait le portrait du Premier ministre David Ben-Gourion et « la Matemité érigée à Ein Guev à la mémoire de Chana Tuchman Alderstein, membre de ce kibboutz, tombée au cours de la guerre de libération ».

Chana Orloff remporte de nombreuses commandes de monuments officiels, en France et en Israël.

Arrivée en Israël pour son exposition rétrospective au musée de Tel-Aviv, à l'occasion de son 80e anniversaire, elle tombe malade et s'éteint à l'hôpital Tel Hashomer, près de Tel-Aviv, le 18 décembre 1968.

Ode à la femme
Dans le cadre de l’année croisée France-Russie, la galerie Vallois Sculptures a rendu hommage à la sculptrice Chana Orloff en présentant une vingtaine de ses sculptures en bronze, à patine noire, dorée, brune ou bleu-vert, et en bois, essentiellement sur la femme.

C’était la première exposition individuelle de Chana Orloff dans cette galerie depuis 2005. En 2009-2010, cette galerie avait retenu des sculptures de l’artiste pour l’exposition collective Histoires de têtes Ier-XXIe siècles : Didi, un portrait affectueux de son fils joufflu, et Le peintre juif (Reisin), pensif, contemplatif, interrogatif.

Et le musée de l’Orangerie avait présenté ses sculptures dans l’exposition Les enfants modèles de Claude Renoir à Pierre Arditi.

A la galerie Vallois Sculptures Modernes, les œuvres témoignaient de la pureté, de la simplicité et de l’expressivité du trait de Chana Orloff qui célèbre la femme : en train de se dévêtir (Femme ôtant sa chemise), Sirène, mère portant tendrement son enfant (Maternité) ou musicienne (Femme à la lyre). Une femme épanouie, attentive, en fusion ou en dialogue.

La sculpture à thème biblique (Ruth et Noémie) évoque aussi ce thème de la filiation : Noémie et sa belle-fille Ruth qui devenue veuve, accompagne Noémie désireuse de retourner à son peuple, à Bethléem. Noémie qui épouse Boaz et devient la mère d’Obed, futur grand-père du roi David.

A noter le portrait réaliste de Lucien Vogel (1886-1954), fondateur en 1922 du journal Le Jardin des Modes où il fait découvrir les avant-gardes artistiques, et en 1928 du magazine d’actualités Vu.

En 2013, le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (MAHJ) a renouvelé son accrochage d'œuvres des artistes de l'Ecole de Paris, dans la salle Michel Kikoïne située au premier étage, des artistes de l'Ecole de Paris. Il a présenté l'exposition Chana Orloff. Le Retour, 1945Dans ce cadre, il y a montré Le Retour, est entourée de douze dessins préparatoires. Ces œuvres ont été prêtées par la famille de cette sculptrice. Des visites guidées, notamment de l'atelier parisien de l'artiste, et une rencontre avec Ariane Tamir ou Eric Justman, deux petits-enfants de Chana Orloff, sont prévues les 17 septembre et 3 octobre 2013.

Le Retour "marque un tournant dans son œuvre. Chana Orloff abandonne la forme lisse, les rondeurs, pour un modelé plus inquiet. Procédant par petites touches, elle laisse sur l’argile l’empreinte de ses mains, obligeant le regard à pénétrer cette matière tourmentée. De nombreux dessins préparatoires d’une grande intensité l’aident à se libérer de l’angoisse qui l’accable. Cependant, Chana Orloff attendra dix-sept ans, et une exposition à la galerie Katia Granoff en 1962, pour exposer Le Retour, comme une « simple » œuvre d’art. Jusque là, elle l’avait maintenue cachée sous un drap au fond de son atelier".

En 2016, la galerie Marcilhac présenta une exposition rétrospective de sculptures de Chana Orloff. Un hommage "vingt-cinq ans après la rédaction du catalogue raisonné (par Félix Marcilhac Sr.).

« Je suis tout d'abord attirée par le côté décoratif-plastique si vous préférez - et le caractère… Je voudrais que mes œuvres soient aussi vivantes que la vie… », a confié Chana Orloff. 

"Née en 1888 en Ukraine, Chana Orloff embarque en 1905 pour la Palestine. C’est en 1910 qu’elle arrive à Paris, elle s’inscrit à l’École des Arts décoratifs, puis opte pour la sculpture qu’elle étudie à l’académie Vassilieff à Montparnasse où elle se lie avec Soutine, Modigliani, ou encore Zadkine. Dés 1913, elle participe pour la première fois au Salon d’Automne, puis au Salon des Tuileries et aux Indépendants. Chana Orloff expose aux cotés de Matisse, Rouault et Van Dongen à la Galerie Bernheim Jeune en 1916. Dés 1919, le tout-Paris lui réclame des portraits (son œuvre en compte plus de 300) ; les animaux, la maternité sont également ses thèmes de prédilections. En 1928 a lieu sa première exposition particulière à la galerie d’avant garde Weyhe Gallery à New York et la critique est élogieuse, puis en 1935 sa première exposition à Tel-Aviv rencontre un très grand succès. En 1942, les lois antijuives la rattrapent en pleine maturité de son art et elle se réfugie à Genève. Lorsqu’elle regagne Paris en 1945, sa maison a été pillée, une centaine de sculptures ont été volées ou détruites. En 1949, le Musée des Beaux-Arts de Tel Aviv organise une exposition de 37 de ses sculptures. Des expositions en Europe, aux Etats-Unis et en Israël sont organisées, jusqu’à sa mort en 1968".

Chana Orloff "est considérée comme une figure majeure de l’École de Paris. Formée aux exigences de l’art moderne et plus particulièrement à celles de l’école cubiste naissante l’oeuvre sculpté de Chana Orloff participe pleinement de l’art du XXème siècle. Laissant derrière elle une étonnante galerie de sculptures, la Galerie Marcilhac décide aujourd’hui d’en faire l’exposition. Réunissant plus d’une vingtaine de sculptures en bronze, plâtre, ciment et bois ainsi que de nombreux dessins, la Galerie Marcilhac propose une très belle rétrospective. Allant du portrait ; celui de Georges Lepape, ou Lucien Vogel ; à la célèbre baigneuse accroupie, à l’art animalier (le basset ; le dindon ou le poisson), l’exposition présente une sélection de pièces au caractère profond, à la fois pure, intense et libre".

Le 19 mai 2017, à 13 h 45, la Maison de la culture yiddish - Bibliothèque Medem et Fanny Barbaray-Edelman ont proposé "À la découverte des artistes de l’école de Paris - Visite de l’atelier Chana Orloff". "Véritable musée à ciel-ouvert, l’impasse « Villa Seurat » raconte l’histoire du mouvement architectural moderniste. Une dizaine de maisons-ateliers y furent édifiées entre 1924 et 1931 et de nombreux peintres, sculpteurs, écrivains s’y installèrent. C’est Auguste Perret qui construisit la villa de la sculptrice Chana Orloff (1888-1968). Elle y vécut et y travailla de 1926 à 1942 et à partir de 1945 à son retour d’exil au lendemain de la guerre. La visite-guidée de l’atelier de Chana Orloff, exceptionnellement ouvert pour l’occasion, sera assurée par sa petite-fille Ariane Tamir. À l’issue de la visite guidée de l’atelier de Chana Orloff, les participants se rendront à la brasserie La Coupole pour évoquer autour d’une boisson chaude et d’une pâtisserie l’histoire de ce lieu emblématique des années Folles et de l’art Déco".

Arte diffusa le 16 septembre 2018 "Sculptrices, ni muses ni modèles" (Bildhauerinnen. Schöpferinnen von Kunst in Stein), documentaire réalisé par Emilie Valentin. "À toutes les époques, les sculptrices ont bravé les interdits pour conquérir leur place. Au travers de leurs destins, cette histoire méconnue de la sculpture invite à redécouvrir des chefs-d'œuvre oubliés."

"Dès l'Antiquité grecque, le mythe de Pygmalion a cristallisé une répartition des rôles entre le sculpteur et la muse. Car Pygmalion incarne cet artiste amoureux de Galatée, la statue qu'il a sculptée, corps de femme qui prend vie sous ses yeux, comme voué à exaucer ses désirs. Le message est clair : l'homme est le créateur, la femme, la muse. Pourtant, depuis toujours, les femmes sculptent, taillent, fondent et frappent. Oubliées, engagées, affranchies, elles connaissent un destin qui relève du parcours du combattant. De Properzia de' Rossi, pionnière de la Renaissance, à Niki de Saint-Phalle et ses monumentales "Nanas", en passant par Camille Claudel et son art tourmenté, Marcello et sa Pythie sensuelle et furieuse, la radicale Jane Poupelet ou encore Germaine Richier, toutes produisent des œuvres dont la puissance ne cesse de surprendre."

"Au travers de sublimes images invitant à la contemplation, ce passionnant documentaire fait jaillir des chefs-d'œuvre, parfois oubliés, de l'histoire de l'art. Du XVIe siècle à nos jours, il révèle l'apport considérable des femmes dans la sculpture. Au-delà de son intérêt historique, la réflexion d'Émilie Valentin et Tristan Benoit porte aussi sur la réappropriation du corps – longtemps façonné par l'imaginaire des hommes – par les femmes. Au fil du temps, elles dessinent des lignes inédites et s'emparent de nouveaux matériaux. Au XIXe siècle, ces artistes comprennent notamment que le nu – qui leur était interdit – constitue un terrain de revendication à conquérir. Souvent éclipsée par Camille Claudel, Hélène Bertaux, qui a permis l'ouverture de l'École des beaux-arts aux femmes en 1897 puis l'accès au prix de Rome en 1903, s'empare avec virtuosité de ce sujet. Gracieux, énigmatique, androgyne, Psyché sous l'empire du mystère, son nu en bronze, saisit par son extrême beauté."

Les 27 janvier 2019, de 11 h à 13 h et 12 mars 2019, de 14 h 30 à 16 h 30, le mahJ (musée d'art et d'histoire du Judaïsme), proposa la promenade "L’atelier de Chana Orloff et la villa Seurat" par Danielle Malka, guide-conférencière nationale. "Dans une impasse de maisons d’artistes à proximité de Montparnasse, Chana Orloff (1888-1968), sculptrice de l’avant-garde parisienne du début du XXe siècle, fait construire en 1926 sa maison-atelier par Auguste Perret. Malgré la destruction d’une partie de ses œuvres conservées à la villa Seurat pendant l’occupation, on y découvre les plus emblématiques, ainsi que la vie étonnante et dramatique qui fut la sienne. Rendez-vous place des Droits de l’Enfant, à l’angle des rues d’Alésia et de la Tombe-Issoire, Paris 15e."

En mars 2019, Fayard a publié "L'horizon a pour elle dénoué sa ceinture. Chana Orloff (1888-1968)" de Rebecca Benhamou, journaliste. "Lorsque Chana Orloff (1888-1968) arrive à Paris à l'été 1910, elle n’a qu'une idée en tête : être une femme libre. Mais qu’est-ce qu’une femme libre, à l’aube du XXe  siècle, sinon une femme seule  ? Pour réaliser ses rêves, elle a fui à vingt-deux ans les pogroms de Russie. À Paris, la sculptrice va fréquenter les plus grands artistes tels Soutine, Mogdigliani ou Apollinaire et partagé leur insouciance au carrefour Vavin. Puis la guerre éclate – et l’ivresse des années folles n’est plus qu’un lointain souvenir. Un hommage à une grande oubliée de l’art moderne."
« Je suis née dans un petit village de la Russie des tsars. Il a fallu me battre à mort pour me faire revivre. Ces coups ne furent que les premiers de ceux que je dus endurer tout au long de ma vie. »
"Lorsque Chana Orloff arrive à Paris à l’été 1910, elle n’a qu’une idée en tête : être libre. Mais qu’est-ce qu’une femme libre, à l’aube du XXe siècle, sinon une femme seule ? Pour réaliser ses rêves, elle a fui les pogroms de Russie, et les champs de Palestine, où sa famille la conjure de revenir."
"Âgée de vingt-deux ans, elle est loin d’imaginer que le Tout-Montparnasse va faire d’elle une reine, une sculptrice reconnue dans le monde entier. Amie fidèle de Soutine et de Modigliani, elle va épouser un proche d’Apollinaire et fréquenter l’avant-garde du carrefour Vavin, à l’heure où l’amour se conjugue au pluriel. Mais quand la guerre éclate, l’ivresse des années folles n’est plus qu’un lointain souvenir. Commence alors une extravagante épopée pour sauver sa vie — s’accrochant à cette liberté à laquelle elle n’a jamais renoncée, et à son art qui lui a donné des ailes."
"Un récit biographique littéraire consacré à Chana Orloff, étoile oubliée de l’art moderne. De Paris à Tel Aviv en passant par Odessa, l’auteur marche dans ses pas et raconte la femme plus encore que l’artiste."

Le 30 juin 2021, de 18 h 15 à 19 h 15, le mahJ (musée d'art et d'histoire du Judaïsme) propose, autour de l'exposition « Chagall, Modigliani, Soutine... Paris pour École, 1905-1940 », et dans le cadre d'"Une expo, une œuvre", "Maternité" de Chana Orloff", conférence par Anne Grobot-Dreyfus, historienne de l’art. "La Maternité de 1914 est la première des vingt-quatre sculptures que Chana Orloff (1888-1968) réalise sur le thème de la Mère et l’Enfant. Ce motif, qui résonne avec l’art chrétien, est repris par les artistes juifs en tant que symbole de la "renaissance juive".



"Sculptrices, ni muses ni modèles" par Emilie Valentin
France, 2017, 53 min
Sur Arte le 16 septembre 2018 à 6 h

Du 1 avril 2016 au 14 mai 2016
A la galerie Marcilhac 
8, rue Bonaparte - 75006 Paris
Tél. : +33.(0)1 43 26 47 36
Du mardi au samedi de 10 h à 13 h et de 14 h 30 à 19 h

Jusqu'au 6 octobre 2013
Au MAHJ

Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple, 75003 Paris
Tél. : 01 53 01 86 53
Du lundi au vendredi de 11 h à 18 h, le dimanche de 10 h à 18 h. Nocturne le mercredi jusqu'à 21 h
Des visites guidées, notamment de l'atelier de Chana Orloff,  au 7 bis Villa Seurat, 75014 Paris, et la rencontre avec Ariane Tamir ou Eric Justman, petits-enfants de Chana Orloff sont sont prévues les 17 septembre 2013 et 3 octobre 2013 

Jusqu’au 30 avril 2010
A la galerie Vallois Sculptures Modernes
41, rue de Seine, 75006 Paris. Tél : 01 43 29 50 80
Du mardi au samedi de 10 h à 13 h et de 14 h à 19 h
Entrée libre

Visuels de haut en bas :
Chana Orloff
Le Retour
1945
Ateliers Chana Orloff
© ADAGP, Paris, 2013
Photo de Chana Orloff, document d’archive de l’atelier Chana Orloff

Photos des œuvres : © Serge Veignant
Femme à la lyre
Sculpture en bronze à patine dorée
Fonderie suisse
H. 46,3 x L. 23,2 x P. 28 cm
1955

Deux danseuses
Sculpture en bois
Pièce unique
H. 78,5 x L. 18,7 x P. 20 cm
1914

Lucien Vogel
Sculpture en bronze à patine brune
Fonderie Valsuani
H. 45 x L. 16 x P. 22 cm
1921

Maternité
Sculpture en bois
Pièce unique
H. 43 cm
1944

Sirène
Sculpture en bronze à patine noire
Fonderie Susse, 2/8 / H. 27 x L. 43 x P. 35,7 cm / 1959

Ruth et Noémie
Sculpture en bronze
Fonderie Susse, 6/8
H. 60 x L. 34 x P.16 cm
1928

Dessins préparatoires pour Le Retour1944-1945
Crayon sur papier
Ateliers Chana Orloff
© ADAGP, Paris, 2013


 A lire sur ce blog :
 
Cet article a été publié le 17 avril 2010 puis les 10 septembre 2013, 29 mars et 11 mai 2016, 18 mai 2017, 15 septembre 2018, 25 janvier 2019. Des citations sont extraites de communiqués de presse.