Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

lundi 9 septembre 2024

« Tout simplement noir » de Jean-Pascal Zadi et John Wax

Arte diffusera le 11 septembre 2024 à 20 h 55 « Tout simplement noir » de Jean-Pascal Zadi et John Wax. « Un acteur raté décide d'organiser une marche de contestation noire en France. Jean-Pascal Zadi met la société française face à ses paradoxes et dézingue à tout va le politiquement correct, entouré de "guest stars" au sens de l’auto-dérision bien accroché. » 

 
"Bonjour. Je m'appelle Jean-Pascal Zadi, j'ai 38 ans et je suis en colère." Face caméra, JP, un acteur dont la carrière n'a jamais décollé, se filme pour appeler à un sursaut des noirs de France et lance l'idée d'une grande marche de contestation le 27 avril. »

« Pour y rameuter le plus de monde possible, il fait le tour des personnalités noires du show-business et cherche à endosser leur soutien. Fary, JoeyStarr, le rappeur Soprano, Fabrice Eboué ou encore Éric Judor (qui préfère mettre en avant ses origines autrichiennes…) : tous l'accueillent avec bienveillance, du moins lorsqu'ils repèrent la caméra qui suit l'acteur néo-militant. »

« Mais entre les maladresses de JP, sa méconnaissance de l'activisme et l'hypocrisie opportuniste de certains, l'affaire se révèle bien plus ardue que prévu… »

"Moi, j’ai voulu montrer aux habitants de Saint Malo ce que c’est que la colonisation !", lance Jean-Pascal Zadi, tandis qu’un reportage le montre, vêtu de riches habits traditionnels, colonisant une plage d'Ille-et-Vilaine face à des touristes éberlués. »

« Volontiers absurde, le film que l'acteur coréalise avec John Wax et qui lui a valu le César du meilleur espoir masculin en 2021, dézingue le politiquement correct et offre à son cortège de guest stars une belle opportunité de prouver leur autodérision : il faut voir Matthieu Kassovitz hurler à Jean-Pascal de jouer "la souffrance de l'Afrique" avant de mesurer la largeur de ses narines durant un casting… »
« Tout le monde en prend pour son grade : Fabrice Eboué et Lucien Jean-Baptiste, qui s'étrillent sur leurs œuvres respectives Case départ et Première étoile, qualifiées de films de "bounty" (noir dehors, blanc dedans), Éric Judor, qui passe d'homme métis refusant d'assumer ses origines à illuminé en tissu imprimé wax scandant du Nelson Mandela sous sa pancarte "Black Power", jusqu'à Ramzy et Jonathan Cohen, qui font tourner une réunion de travail au pugilat en proposant que les communautés juives et musulmanes rejoignent la marche… »

« Sorti en pleine prise de conscience du mouvement Black Lives Matter, Tout simplement noir est une grenade narquoise dégoupillée au visage de la société française, pétrie de paradoxes sur la question de sa diversité, bourrée d'hypocrisie et férocement opportuniste. Des défauts somme toute très gaulois... »

Meilleur espoir masculin (Jean-Pascal Zadi), César 2021. Recevant ce César, cet artiste a déclaré : "L'humanité de certaines personnes n'est pas souvent remis en cause. Aussi souvent elle compte. Dans cette optique, j'ai envie de parler de Adama Traoré, Michel Zecler et c'est pas fini". 

« Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi est une comédie antiraciste qui se transforme en mauvais pamphlet racialiste.
Le film de Jean-Pascal Zadi,  Tout simplement noir, présentation semi-drolatique d’une France d’apartheid, ressemble à ce faux rire partant d’une vraie médiocrité.
Si le film a une intelligence, c’est celle d’exposer ainsi une pluralité de réactions, certains Noirs ne souhaitant pas se mêler à une marche communautaire parce qu’ils sont pleinement intégrés à la France. L’anti-héros s’égare quant à lui au fil des scènes dans un propos politique dont on ne saurait dire s’il relève de la simple blague ou de du propos engagé.
Au second degré, le film serait passé pour une simple comédie moyenne et familiale – style Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?  : vannes communautaires mille fois poncées que les auteurs vivent peut-être comme des transgressions, faux débats de société, partagé entre repentance mémorielle et devises républicaines creuses car sans implication, bref : au second degré, rien à signaler. Le héros ne serait qu’un mauvais interprète qui impute ses échecs au « racisme systémique », comme tout indigéniste qui se respecte, ou à la manière dont l’antisémite de Sartre reproche au juif son omniprésence, qui l’empêche de gravir les échelons de la réussite sociale. On peut donc regarder ce film comme une dénonciation du communautarisme.
Jean-Pascal Zadi est plus frileux : son personnage est mauvais, parfois exécrable, jaloux d’un Omar Sy à qui il aurait tout à envier, jusqu’au sourire éclatant. Pourtant il émane de cet engagement politique stupide du personnage central un je-ne-sais-quoi très sérieux.
La fin ne laisse plus d’ambigüités sur les intentions réelles d’un film qui, comme un spectacle de Dieudonné – cité comme le « Noir infréquentable » du film – surfe constamment entre le faux rire sympa et la lutte idéologique. Dans un « face caméra » qui ne fera sans doute pas date dans l’anthologie du cinéma, Fary déclare ce que Zadi avait déjà déclaré au début : « La situation des Noirs en France est catastrophique ». Pour cela il appelle les noirs de France à « ne rien faire » le 15 octobre. De cet appel à la grève général, Fary veut voir si les Noirs « manquent à la France ».
Le film se conclut donc sur une stance déclamée dans le générique de fin par un humoriste qui a fait sa carrière sur des vannes communautaires et des attaques contre Eric Zemmour (quelle originalité !). Habillée en fringues de luxe dans un beau bureau parisien, la starlette interpelle le spectateur, surtout s’il est blanc, pour lui apprendre qu’il est raciste comme son pays et que sa couleur est son avantage. Si le message n’était pas bien passé, les seuls blancs apparaissant dans le film sont là pour le marteler : ils sont racistes comme le réalisateur joué par Matthieu Kassovitz, sauf bien-sûr Augustin Trapenard et la femme de Jean-Pascal Zadi. Car si les racistes avaient à l’époque leur « bon nègre », certains noirs ont aujourd’hui leur « bon blanc bec ».
On peut bien-sûr prendre ce film à la légère en mettant de côté son racialisme.
Mais dans le contexte où nous nous trouvons, à l’heure où les statues de Churchill et de Colbert sont en péril, où il est de bon ton de démolir tout témoignage d’une histoire qu’on dit coupable, à l’heure où l’on fantasme des inégalités raciales qui ne se résorberaient qu’après la dégradation de « l’homme blanc » en citoyen de seconde zone, je déciderai de prendre ce film pour ce qu’il est politiquement : une déclaration d’hostilité à la France blanche. »

ENTRETIEN AVEC JEAN-PASCAL ZADI & JOHN WAX

LE TITRE DU FILM FAIT-IL RÉFÉRENCE À « TOUT SIMPLEMENT NOIR », CE GROUPE DE HIP-HOP FRANÇAIS DE LA FIN DES ANNÉES 80 ?
JOHN WAX : C’est un clin d’œil. Avec Jean-Pascal, nous avons tous les deux évolué dans ce milieu, avec cette culture du rap qui nous embarquait.
JEAN-PASCAL ZADI : Le titre est aussi une manière de rappeler que dans le langage courant, les gens n’osent plus employer le mot « noir ». Ils trouvent plus chic de dire « black ». Pour nous, il n’y aucune honte à dire « noir » : c’est juste une couleur.
J.W. : Beaucoup s’imaginent qu’employer « noir » est raciste. On a revu un extrait du film MENACE II SOCIETY qui date de 1993 : dans les sous-titres français, tous les mots étaient traduits sauf « black ».
J-P.Z. : Ça peut s’expliquer à travers l’histoire de la France où le mot « noir » a été utilisé dans des contextes négatifs comme l’esclavage et la décolonisation. Aujourd’hui, dire « black » c’est soi-disant se montrer plus cool. Comme lorsque tu dis « beur » au lieu de « arabe ».

LE FILM COMMENCE PAR CETTE PHRASE DE JP : « JE SUIS EN COLÈRE ». EST-CE LE MÊME SENTIMENT QUI A DONNÉ NAISSANCE AU FILM ?
J-P.Z. : Tout est parti de l’envie de faire une oeuvre collégiale, drôle et porteuse d’un message. On voulait fédérer un maximum de personnalités noires autour de ce projet et avoir le plaisir de les voir s’éclater à l’écran.

À QUAND REMONTE LE DÉBUT DE VOTRE COMPLICITÉ ?
J.W. : C’était il y a plus de 10 ans. Nous avions un ami en commun, on s’est rencontré et on ne s’est plus quitté. En 2013, sur LE CROCODILE DU BOTSWANGA de Fabrice Éboué, Jean-Pascal jouait un petit rôle et moi, j’étais photographe de plateau. Un tournage et des vacances à Cuba, ça renforce encore les liens. Forcément. (Rires)
J-P.Z. : On s’est rapidement trouvé pas mal de points communs : l’humour, la manière de voir la vie, le type de cinéma qui nous fait vibrer. C’est rare de rencontrer des gens de cette profession avec lesquels on se retrouve, dans la vraie vie, sur la même longueur d’ondes. TOUT SIMPLEMENT NOIR est tombé pile au bon moment dans nos parcours respectifs.
J.W. : Après avoir été assistant technique sur PATAYA et TAXI 5, je commençais à avoir fait mes preuves et toi...
J-P.Z. : …j’avais mes documentaires, des interventions dans « Le Before du Grand Journal », ma petite série sur le web. Il était temps de travailler ensemble sur un projet qui nous ressemble...

QUI VOUS RESSEMBLE EN QUOI ?
J.W. : Dans l’humour et l’envie de provoquer la réflexion. TOUT SIMPLEMENT NOIR a commencé à prendre forme lors de discussions avec Fabrice Éboué… Jean-Pascal avait cette idée depuis longtemps en tête. Il a bossé le scénario avec Fabrice au départ puis avec Kamel Guemra ensuite pour donner une structure plus narrative au film. Je ne suis intervenu qu’en aval, lors de la préparation du film. On n’avait jamais bossé ensemble sur l’écriture mais comme on rigole des mêmes conneries, le ping-pong a été facile.
J-P.Z. : J’ai un humour absurde et engagé. Celui de John est plus corrosif. Le film a trouvé son juste ton en mixant les deux. Je tenais absolument à ce que John soit impliqué parce que je ne voulais pas faire un film de noirs pour les noirs. C’est l’universel qui m’intéresse. 
La couleur de peau n’est pas le sujet principal : le personnage aurait pu être chinois, juif ou rouquin, sa trajectoire aurait été la même.

COMMENT DISTINGUER LE VRAI JEAN-PASCAL DE SON DOUBLE À L’ÉCRAN ?
J-P.Z. : Même si JP est un personnage de fiction, je l’ai nourri de ce que je suis ou de ce que j’ai vécu, en tant que père d’enfants métis et comédien. Le JP du film est également mégalo, égocentrique : ce n’est pas un hasard s’il se sert des réseaux sociaux pour prendre la parole.
Aujourd’hui, on ne sait plus si c’est l’activisme qui nourrit la personne ou bien l’inverse.
J.W. : C’est facile de militer sur les réseaux sociaux et de brosser son ego, beaucoup moins de mettre les mains dans le cambouis.
J-P.Z. : Au début, tout le monde est positif envers JP, y compris Fary qui y voit son propre intérêt.
Son idée d’organiser une marche pour les noirs est accueillie avec enthousiasme... sauf qu’il lui suffit d’ouvrir la bouche pour tout gâcher ! C’est une version un peu spéciale du Candide de Voltaire qui révèle, sans le vouloir, les failles de tous ces « notables » et leaders d’opinion.
J.W. : À l’écran, JP s’en prend plein la gueule...
J-P.Z. : C’est obligé sinon comment oser demander à tous ces guests de bousculer leur image ? Ni John ni moi n’aimons les acteurs qui cherchent à être « beaux », à se mettre en avant dans leur film. Plus on se torpille nous-mêmes, plus on est ravi.
J.W. : On adore tous les deux la figure mythique du loser. On l’a été à différentes périodes de nos vies.
JP est aussi un mec maladroit, attachant. Je me sens proche de ce père de famille qui galère et veut trouver sa place dans l’artistique... Dans ma vie, j’ai toujours été curieux de tout : je suis passé du graffiti à la photo, de la vidéo au clip. C’est la passion qui m’a fait tenir pendant toutes ces années.
J-P.Z. : John et moi avons eu des parcours chaotiques dans le domaine de l’art. Si on ne réalise notre premier film qu’à l’approche des 40 ans, c’est qu’il y a eu des moments de doute, une nécessité de ramener de l’oseille, de nourrir la famille... Le fait que le JP du film persévère dans sa quête alors qu’il n’y a aucun signe positif nous parle à tous les deux.

LE SCÉNARIO A-T-IL ÉTÉ ESSENTIELLEMENT ÉLABORÉ EN FONCTION DES GUESTS ?
J.W. : Chaque scène a été écrite en fonction de nos envies de guests, oui... mais bien avant d’avoir leur feu vert. On a commencé la préparation avec seulement quelques accords tacites.
J-P.Z. : Les guests qui ont accepté n’ont pas seulement joué des scènes politiquement incorrectes, ils ont aussi joué avec leur image, le jugement qu’on peut avoir sur eux. C’est une preuve de grande intelligence et je rends hommage à leur capacité d’autodérision.
Si des gens comme Mathieu Kassovitz ou Lilian Thuram nous ont « confié » leur image, c’est parce que le film délivre un message positif qui leur correspond… Chaque scène avec un guest explore une thématique : avec Éric Judor, c’est la place du noir dans les années 80 et la double identité du métis ; avec Fadily Camara, c’est l’afro-féminisme ; avec JoeyStarr et Vikash Dhorasoo, on s’interroge sur ce que ça signifie vraiment être noir aujourd’hui. Le challenge était d’inscrire toutes ces scènes dans une vraie histoire, ce que l’on a travaillé avec Fabrice Éboué et Kamel Guemra...

QUELLE EXPÉRIENCE DE LA CAMÉRA AVIEZ-VOUS AVANT CE FILM ?
J-P.Z. : Je n’ai pas eu la chance d’étudier le cinéma.
Mon école a été de tourner AFRICAN GANGSTER, CRAMÉ, SANS PUDEUR NI MORALE : ces films que j’ai auto-produits sont l’équivalent de mixtapes.
TOUT SIMPLEMENT NOIR est vraiment notre premier film avec John.
J.W. : Comme Jean-Pascal, je suis un autodidacte : je n’ai pas dépassé le brevet des collèges, j’étais un peu traîne-savate et je me suis retrouvé dans le milieu du rap. J’ai appris sur le tas motivé par l’envie de créer. J’ai fini par montrer un petit montage à des potes rappeurs et j’ai commencé à tourner des clips.
J-P.Z. : Pareil pour moi. Dès que j’ai eu une caméra entre les mains, j’ai filmé tout et n’importe quoi jusqu’à tourner des clips de rap. Notre énergie, celle qui balaye le film aussi, est très liée au hip-hop : c’est une culture de l’immédiateté, de l’instant...
J.W. : …de la débrouille aussi. Le ton et les dialogues du film empruntent au rap, à la banlieue, à la street quoi !
J-P.Z. : Le rap fonctionne à la punchline. Et notre scénario se cale souvent sur ce rythme.

POURQUOI AVOIR OPTÉ POUR LA FORME DU FAUX DOCUMENTAIRE ?
J.W. : C’était le meilleur moyen de rester ancré dans le réel, d’avoir un garde-fou qui empêche les situations de basculer dans la dinguerie totale. Dans l’économie de budget qui était la nôtre, c’était aussi un parti-pris malin : pas besoin de travelling ni de grue, une caméra à l’épaule suffit.
Une fois le décor éclairé, on peut se concentrer sur le tempo comique et les acteurs... Au fil du récit, on finit aussi par oublier ce procédé. Il n’y a qu’une scène, la bavure policière, où la présence des réalisateurs du documentaire est mise en avant.
J-P.Z. : On ne voulait ni voyeurisme ni imagerie putassière : la caméra filme de loin, comme un témoin neutre qui enregistre des faits. C’est plus puissant que de filmer dans la mêlée. Il s’agissait de dénoncer sans être outrancier dans les sentiments.
J.W. : L’image du film est également volontairement soignée, à l’inverse de ce qu’on pourrait attendre d’un documentaire sur le vif.

COMMENT VOUS ÊTES-VOUS CONCRÈTEMENT « PARTAGÉ » LA RÉALISATION ?
J-P.Z. : J’étais quasiment de toutes les scènes. Même si on discutait des plans, John s’occupait essentiellement de la technique. Je me suis reposé sur lui.
J.W. : Le partage s’est fait naturellement. C’est une question de confiance : si j’estime qu’une scène est foirée, Jean-Pascal s’en remet à moi. Je l’ai dirigé, et pas qu’un peu. (Rires). Je ne voulais pas qu’il compose mais qu’il soit lui-même. Faire ressortir sa nature était parfois compliquée, il fallait l’empêcher de jouer !
J-P.Z. : Je suis davantage intervenu sur l’idéologie véhiculée par certaines scènes. J’ai aussi fait attention à ne pas froisser ni blesser les gens inutilement.
J.W. : Le tournage a été comme un grand-huit. Il fallait s’adapter sans cesse, notamment au planning des guests. Quand tu apprends que tu as deux heures pour une scène au lieu de la journée prévue, tu n’as pas droit à l’erreur. J’ai misé sur mon expérience, mon instinct et j’ai foncé !
J-P.Z. : Sur un film comme celui-là, le comédien doit être immédiatement mis en confiance. De son arrivée jusqu’à son départ, John et moi avons fait en sorte qu’il sente notre bienveillance et notre professionnalisme.
J.W. : On devait être en permanence au taquet. Prêt à rebondir si la scène, pourtant validée, ne fonctionnait pas. Prêt à être souple si des dialogues changeaient in extremis. Ça a été notre quotidien pendant les quatre semaines de tournage.

PARMI LES SCÈNES-CLÉS DU FILM, IL Y A CELLE DU DÉRAPAGE ENTRE RAMZY, RACHID DJAÏDANI ET JONATHAN COHEN. COMMENT L’AVEZ-VOUS ORCHESTRÉE ?
J.W. : À réaliser, c’était un vrai cauchemar ! Le matin, on donne le texte à Jonathan qui le balance en souriant. Le ton était donné, on avait affaire à des volcans comiques.
J-P.Z. : Le fil conducteur de la scène, c’était l’envie des arabes, eux-mêmes composites, de se greffer à la marche de JP car ils sont mal vus en ce moment par l’opinion. Le tournage a pris une journée entière ! Capter l’énergie du jour a été une prouesse. J’ai fini la tête en vrac à force d’avoir rigolé.

AVEC UN TEL ENCHAÎNEMENT DE SCÈNES DÉLIRANTES, COMMENT ÉVITER LE PIÈGE DU FILM À SKETCHES ?
J.W. : C’était notre hantise, de l’écriture jusqu’au dernier jour de montage. On s’est parfois retrouvé avec un vrai micmac, une succession de scènes qui fonctionnaient mais auxquelles il manquait du liant. On a dû retourner des petites choses précises pour que le fil conducteur apparaisse clairement.
J-P.Z. : On a écrit le film avec l’envie de divertir le public mais c’est également ultra personnel. Le fil conducteur est là. Lorsqu’on décide d’évoquer la place des noirs dans la société française, on n’échappe pas au réel, c’est un sujet sociétal. Le scénario brasse des thèmes dont on a débattu mille fois entre amis. C’est le cas de la scène où la discussion entre Fabrice Éboué et Lucien Jean-Baptiste dégénère parce que chacun revendique d’être plus noir que l’autre.
J.W. : Trouver un équilibre entre réel et fiction nous a obligés à supprimer, à l’écriture et lors du tournage, des scènes trop gaguesques ou loufoques. Celle avec Claudia Tagbo est un exemple parfait d’équilibre. Au-delà du comique de situation, Claudia a été séduite par notre liberté de parole notamment sur son physique, sujet qu’elle ne s’était jamais autorisée à aborder dans ses spectacles.

COINCER LE SPECTATEUR ENTRE RIRES ET SIDÉRATION, NE PAS DÉMÊLER LE VRAI DU FAUX, EST-CE JOUISSIF ?
J.W. : C’est génial si le film provoque des questionnements...
J-P.Z. : ...mais ça n’est pas à nous d’apporter des réponses. Savoir ce que l’on en pense n’a aucun intérêt. L’important est de confronter, à travers des thèmes forts, les spectateurs à leur positionnement en tant qu’être humain dans notre société...

…SOCIÉTÉ OÙ CHAQUE MOT EST PASSÉ AU SCANNER DU POLITIQUEMENT CORRECT. DANS CE CONTEXTE, « TOUT SIMPLEMENT NOIR » EST LIBÉRATEUR !
J.W. : Ça n’est pas prémédité. C’est simplement le ton qui nous correspond. Ceux qui nous connaissent bien ne sont pas surpris d’entendre ce type de dialogues.
J-P.Z. : On a eu aussi la chance d’avoir carte blanche de la part de Gaumont. Ils ne nous ont jamais censurés. Cette liberté est une force. Être, comme John et moi, des mecs de la vie de tous les jours en est une autre. On n’a pas été conditionnés par le show-biz ou des impératifs commerciaux...
J.W. : J’espère qu’on gardera longtemps cette envie d’être politiquement incorrect. On ne recherche ni l’humour facile ni les poncifs ni le consensus. Et c’est du boulot !
J-P.Z. : Aller juste au-delà de ce qui est toléré et convenable, c’est ce qui nous motive pour continuer à créer. Le cinéma français se réfugie souvent dans un entre-soi. Notre parole est celle des gens de la rue, du quotidien. On s’exprime comme ça... Nous n’avons rien inventé d’exceptionnel.

QUE RÉPONDEZ-VOUS À CEUX QUI VOUDRONT TAXER LE FILM DE « COMMUNAUTARISTE » ?
J-P.Z. : C’est une erreur. Le film est une critique du communautarisme par l’absurde, on essaie de montrer que parler de communautarisme n’a pas de sens... Le cœur du film, c’est le parcours d’un père de famille qui essaie de trouver sa place dans la société. Est-ce que l’on parle de communautarisme lorsqu’il n’y a que des blancs dans un film français ? La question est aussi absurde concernant un film où la grande majorité des acteurs sont noirs. Je serai heureux le jour où je verrai un réalisateur prendre des acteurs noirs uniquement parce qu’ils vont porter son histoire et non parce qu’ils sont noirs.
J.W. : TOUT SIMPLEMENT NOIR est universel dans son propos, il a pour vocation de rassembler. La preuve : j’ai pu être coréalisateur et je peux en parler aujourd’hui sans être noir. C’est aussi une question de génération : quand j’étais adolescent, personne ne se posait la question de l’autre comme un problème ; juif, arabe, portugais, noir, on traînait tous ensemble.
J-P.Z. : On a fait un film d’hommes et de femmes qui parle de la société française et de l’identité, pas des communautés. Un être humain n’est pas déterminé par un groupe mais par ce qu’il est.
J.W. : Parler de « communauté » n’a aucun sens. Le problème des noirs, des juifs, des arabes dans la société française, cela ne concerne pas que les noirs, les juifs et les arabes : c’est le problème de tout le monde dans ce pays.
J-P.Z. : Il y a une phrase de l’écrivain et philosophe Frantz Fanon qui résume tout : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ».


« Tout simplement noir » de Jean-Pascal Zadi et John Wax
France, 2020, 85 min
Scénario : Jean-Pascal Zadi, Kamel Guemra
Production : Gaumont, C8 Films
Productrice : Sidonie Dumas
Image : Thomas Brémond
Montage :Samuel Danesi
Musique : Christophe Chassol
Avec Jean-Pascal Zadi (Jean-Pascal Zadi), Fary Lopes B (Fary) Caroline Anglade (Camille) Fabrice Eboué (Fabrice Eboué) Claudia Tagbo (Claudia Tagbo)
Et dans leurs propres rôles :
Lilian Thuram, Claudia Tagbo, Cyril Hanouna, Joeystarr, Vikash Dhorasoo, Kareen Guiock, Fabrice Eboué, Lucien Jean-Baptiste, Éric Judor, Fadily Camara, Ramzy Bedia, Rachid Djaïdani, Melha Bedia, Amelle Chahbi, Jonathan Cohen, Mathieu Kassovitz, Ahmed Sylla, Eriq Ebouaney, Moussa Mansaly, Soprano, Augustin Trapenard, Stéfi Celma
Sur Arte le 11 septembre 2024 à 20 h 55
Disponible jusqu'au 07/01/2025
Visuels : © 2020 GAUMONT – C8 FILMS

Gamal Abdel Nasser Hussein (1918-1970)


 Gamal Abdel Nasser (1918-1970) est un militaire égyptien qui co-organisa en 1952 le renversement de la monarchie. Il mena une politique "socialiste et panarabe": nationalisation de la société exploitant le canal de Suez, persécutions et expulsion des Juifs, guerres contre Israël, etc. Arte diffusera le 10 septembre 2024 à 00 h 30 « Un bonheur hydroélectrique  » d’Alexander Markov.

« La croix gammée et le turban, la tentation nazie du grand mufti » de Heinrich Billstein
« Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974) » par Ben Salama
« Les pharaons de l’Egypte moderne : Nasser » par Jihan el Tahri
« Les pharaons de l’Egypte moderne : Sadate » par Jihan el Tahri
« Les pharaons de l’Egypte moderne : Moubarak » par Jihan el Tahri
« Cheikh Zayed, une légende arabe » par Frédéric Mitterrand
« Emirats, les mirages de la puissance », par Frédéric Compain
L’Arabie saoudite 
Hajj, le pèlerinage à La Mecque
« Oman, au pays des contes » par Nadja Frenz
Soirée Erdogan sur Arte
Soirée sur Arte consacrée à l'Iran
« Yémen, le chaos et le silence » par François-Xavier Trégan

Gamal Abdel Nasser Hussein (1918-1970) a été un officier de carrière séduit par le nazisme, et qui participa à l'alliance guerrière contre l'Etat Juif renaissant en 1948-1949.

En 1952, il coorganisa, dans le cadre du Mouvement des officiers libres, le renversement de la monarchie du roi Farouk. 

Second Président de la République égyptienne (1956-1970) à la constitution adoptée en 1956, il a dirigé l'Egypte en l'alliant à l'Union soviétique, dans le cadre d'une politique panarabe, hostile à Israël et aux Occidentaux.

Après le refus occidental de financer la construction du barrage d'Assoua, Nasser a nationalisé la compagnie du canal de Suez en 1956. Le Royaume-Uni, la France et Israël s'unirent dans une alliance militaire pour récupérer le contrôle du canal stratégique, mais durent mettre un terme à leur guerre sous la pression des États-Unis et de l'Union soviétique. En 1958, il associa provisoirement l'Egypte à la Syrie dans une République arabe unie.

En 1962, Nasser opta pour des réformes économiques socialistes catastrophiques afin de moderniser l'Égypte. Président du Mouvement des non-alignés en 1964, il est réélu à la tête de l'Egypte en interdisant toute opposition politique.

Après la défaite de l'Égypte lors de la guerre des Six-Jours (1967), il démissionna, et, sous la pression populaire, il demeure au pouvoir.

« Les pharaons de l’Egypte moderne : Nasser  »
Le premier des trois volets de la série documentaire partiale Les Pharaons de l’Egypte moderne (Pharao Im Heutigen Ägypten), réalisée par Jihan el Tahri, lui est consacré. Il a été diffusé par Histoire les 6 février 2019 à 19 h 35, 15 février 2019 à 10 h 40 et 21 février 2019 à 10 h 50. Un film émaillé d'omissions graves.

« Cinq ans après la révolution de la place Tahrir et le renversement du président Hosni Moubarak », près de trois ans et demi après l’élection à la présidence de l’Egypte de islamiste Mohamed Morsi (Parti Liberté et Justice), près de deux ans et demi après le coup d’Etat militaire contre Morsi, près de deux ans après l’élection du maréchal Abdel Fattah al-Sissi, ARTE diffusera  le 19 janvier 2016 « Les Pharaons de l'Égypte moderne », série documentaire en trois épisodes de Jihan El-Tahri.

Inspirée par « ce « printemps » révolutionnaire de courte durée, qu’elle n’a pu vivre sur place », la réalisatrice franco-égyptienne Jihan El Tahri a souhaité « comprendre pourquoi, soixante ans après la chute du roi Farouk, la République n’avait pas tenu ses promesses ».

Pour « ce documentaire, fruit de cinq ans de travail, elle a multiplié les rencontres avec une trentaine de témoins de première main et de tous bords (membres de l’appareil d’État, islamistes, opposants, syndicalistes…), qui apportent un éclairage libre et foisonnant sur les événements qu’ils ont vécus ».

La série documentaire « met en lumière les lignes de force méconnues qui ont forgé le présent de l’Égypte, de l’enterrement de la démocratie à la naissance du djihadisme. De riches archives, dont de nombreux extraits de films de fiction – « une soupape » d’expression politique dans un pays muselé, selon la réalisatrice – ponctuent ce récit passionnant ». Manquent cruellement des historiens et le point de vue israélien.

« De 1952 à 2011, de la chute du roi Farouk à celle du président Moubarak, cette fresque passionnante retrace soixante ans d’histoire politique égyptienne. Elle montre combien le face-à-face entre militaires et islamistes a contribué à l’écrire ». 

Socialisme autoritaire
Le premier épisode de la série documentaire « Les Pharaons de l'Égypte moderne » est consacré à Gamal Abdel Nasser qui dirigea le pays de 1954 à 1970, au « socialisme autoritaire de Nasser et à sa rupture avec les Frères musulmans » qui menacent son pouvoir.

En 1952, « quand les Égyptiens conspuent dans la rue le régime corrompu du roi Farouk et l'influence britannique, le mouvement des officiers libres, fondé par Gamal Abdal Nasser, saisit l'occasion et organise le soulèvement ».

« Quelques mois plus tard, la révolution abolit la monarchie, promet de construire une grande nation moderne et nationalise les terres ».

En 1954, « Nasser, numéro 2 du régime, profite d'une tentative d'assassinat providentielle contre lui pour écarter son rival, le président Naguib, et réprimer les Frères musulmans » dont Yasser Arafat.

« Pour mettre en œuvre son rêve d'un État socialiste, pan-arabe et laïc, il s'attaque aux profondes inégalités du pays. Mais Nasser règne seul, réprime l'opposition et la société civile ».

Nasser dénaturalise, spolie et expulse les Juifs égyptiens, implantés depuis des millénaires dans ce pays, dont celle de la future essayiste Bat Ye'or. Ces habitants juifs, souvent polyglottes et bourgeois, avaient une presse juive : La Chronique égyptienne (1896), La Renaissance juive, Israël, L'Aurore...

Après la guerre de Suez, il contraint à l'exil des milliers de chrétiens dont la famille de Claude François. Des exodes occultés par la série qui évoque le départ des Britanniques.

"Mon père, le lieutenant-général Mustafa Hafez, était le responsable estimé des renseignements militaires égyptiens. Il a organisé les unités de fedayin, c’est-à-dire ceux qui se sacrifient en tuant des Juifs pour le jihad. Ces unités effectuaient des raids en Israël, puis retournaient à Gaza. Gaza était une petite ville, avec le camp de réfugiés « palestiniens » Jabalia… qui existe toujours ! Mon père les critiquait car ils étaient peu nombreux à se battre. A l’école, on nous apprenait, par des poèmes et des chansons – « Les Arabes sont nos amis, les Juifs sont nos chiens » -, la vengeance et la haine d’Israël. Les Juifs étaient décrits comme fourbes, traîtres. On nous disait : « Les Juifs fabriquent des gâteaux avec le sang des enfants Arabes ». On ne nous indiquait jamais les liens des Juifs dans cette région. J’étais antisémite. Enfants, nous souhaitions mourir en shahada", a déclaré Nonie Darwish.

Après la défaite face à Israël, lors de la guerre des Six-jours (1967), la « rue égyptienne » refuse pourtant sa démission.

« Quatre ans plus tard, sa mort soudaine laisse le pays orphelin » de son Raïs qui les a plongés dans la misère en raison de mauvais choix politiques, diplomatiques et économiques : dirigisme à la soviétique, construction du barrage d’Assouan qui "devait rendre les terres cultivables, éviter les inondations et produire de l'électricité". Un barrage "symbole de l'indépendance" du pays.

Comment retracer l'histoire de l'Egypte sous ses derniers "Pharaons" en débutant vers 1950 ? Il s'avère nécessaire de remonter à la fin du califat qui a inspiré la création des Frères musulmans par Hassan al-Banna (1906-1949).

Quid des relations entre Nasser et le FLN (Front de libération nationale) algérien ?

Quid des raisons islamiques, essentiellement la dhimmitude, statut cruel et humiliant des minorités non-musulmanes sous domination islamique, si bien analysée par Bat Ye'or, du refus de reconnaître l'Etat d'Israël ?

Quid des persécutions subies par les Coptes, chrétiens égyptiens ? Quid du statut de la femme ?

Quid des sympathies de Nasser pour les Nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale ? Quid de ses relations avec le grand mufti de Jérusalem Mohammed Amin al-Husseini (1897-1974), collaborateur de Hitler, qu'il accueille après sa fuite de France le 29 mai 1946 ?

Quid de l'accueil en Egypte nassériste de Nazis ? En Egypte, « Exil nazi : la promesse de l'Orient » de Géraldine Schwarz « retrace également le parcours de Johann von Leers » (1902-1965), universitaire « ancien expert de la propagande nazie recruté parmi d’autres sous Nasser. Antisémite fanatique, Von Leers avait travaillé » durant le IIIe Reich avec le grand mufti de Jérusalem Mohamed Amin al-Husseini  « à un rapprochement idéologique du national-socialisme et de la religion musulmane ». En décembre 1942, von Leers a publié un article dans Die Judenfrage, journal antisémite, intitulé “Judaism et islam comme opposés”. Cet idéologue proche de Goebbels séjourne incognito en Italie pendant cinq ans, puis se fixe en Argentine en 1950. Après la chute de Perón en 1955, il rejoint l’Egypte où il est conseiller politique au ministère de l’Information sous Muhammad Naguib, et actif dans la propagande contre l’Etat d’Israël. Il fréquente le grand mufti, se convertit à l’islam et prend les noms de Omar Amin et Mustafa Ben Ali. Il finance la publication en arabe des Protocoles des Sages de Sion, un faux antisémite forgé par la police tsariste à Paris au début du XXe siècle et décrivant un complot Juif pour dominer le monde, ravive le blood libel et promeut les émissions radiophoniques antisémites en diverses langues. Selon une source, von Leers a l’idée de mettre en avant, dans le cadre de la guerre contre Israël, une nationalité palestinienne distincte.

Au Caire (Egypte), « grâce à des témoignages inédits, « Exil nazi : la promesse de l'Orient », documentaire de Géraldine Schwarz, suit la trace de plusieurs d’entre eux : comme Artur Schmitt, général-major de l’Afrikakorps recruté par la Ligue arabe. Ou Gerhard Mertins, ancien Waffen-SS, trafiquant d’armes et spécialiste des combats de guérilla, qui sera plus tard impliqué dans la secte néonazie « Colonia Dignidad » au Chili ».

 "Nasser du rêve au désastre"
Dans le cadre des Journées du cinéma politique (14-16 mars 2018) a été diffusé le 16 mars 2018 "Nasser du rêve au désastre", film réalisé par Ben Salam.

"La vie secrète des lacs - Le lac Nasser, l'eau au cœur du désert" 

Le 10 juin 2018, à 13 h 45, Arte diffusa "La vie secrète des lacs - Le lac Nasser, l'eau au cœur du désert" (Stille Wasser sind tief - Der Nassersee - Wasser in den Weiten der Wüste), réalisé par Florence Tran (France, 2014, 43 min). "Endormis en apparence, les lacs cachent une vie secrète, et obéissent à des cycles naturels".


"Dans ce volet, découverte du lac Nasser, un impressionnant lac artificiel situé au cœur du désert égyptien et qui possède un écosystème remarquable. Le lac Nasser, lac de barrage, contrôle depuis quarante ans le Nil. Cette immense étendue d'eau au milieu du désert est en fait un lac artificiel qui s'étend sur plus de 500 kilomètres. Sa création, en bouleversant le territoire, a fait naître un nouvel écosystème unique."

« Un bonheur hydroélectrique »
Arte diffusera le 10 septembre 2024 à 00 h 30 « Un bonheur hydroélectrique  » d’Alexander Markov.

« Dans les années 1960, un ingénieur soviétique part en mission sur le chantier du barrage d'Assouan. À partir de ses films amateurs et d’archives de l’époque, une reconstitution poétique qui fait état des dommages causés par le progrès humain. »

« Dans les années 1950, pour satisfaire des besoins en énergie qui ne cessent d’augmenter, les constructions de barrages se multiplient dans le monde industrialisé. »

« En URSS, on se lance dans la quête du "bonheur hydroélectrique" : des camions déversent des blocs de béton dans les fleuves, des forêts et des villages sont submergés, les habitants contraints de se déplacer brûlent leurs maisons... »

« Soucieux d’étendre son influence, le pays participe aussi à des projets étrangers. L’ingénieur Vadim Rudenko, à l’institut Lenhydroproject, apprend qu’il est affecté à la construction du barrage d’Assouan. Il doit se séparer de Véra, une biologiste qu’il vient de rencontrer. Cinéaste amateur, il emporte en Égypte sa caméra super-8 et filme son quotidien, son travail sur le chantier, ses escapades au Caire. Ses images n’ont rien à voir avec les discours officiels diffusés à la radio ou à la télévision… »

« Le réalisateur Alexander Markov a retrouvé les films de l’ingénieur Vadim Rudenko, ainsi que sa correspondance avec sa fiancée. Ce matériau intime, habilement mêlé à des archives d’époque, lui permet de tisser une singulière reconstitution de la construction du barrage d’Assouan et de son contexte historique, mettant en lumière le décalage entre les discours officiels et la réalité. 

« De fait, à l’instar des prisonniers employés par le régime soviétique pour ses grands chantiers, les paysans égyptiens travaillaient à Assouan pour une bouchée de pain, au mépris de toute sécurité – sacrifiés à l’édification d’un bonheur futur, tout comme les 40 000 Nubiens expulsés des rives du Nil et bon nombre de vestiges antiques à jamais disparus. »

« Entre les films amateurs et les extraits de lettres, une personnalité, celle de Vadim, se dessine en creux. Cet ingénieur consciencieux, pris entre la nécessité de faire carrière et un certain sentiment d’absurdité, se fait le témoin d’une époque où la destruction de l’environnement sur l’autel du progrès a atteint des sommets d’inconscience. »

    
REPÈRES CHRONOLOGIQUES

1950-1951-1953-1956 : Lois de la nationalité. Les Juifs  autochtones deviennent apatrides : 40 000 personnes deviennent des « étrangers ». L’Egypte dénaturalise ses ressortissants impliqués dans des actions en faveur d’Etats ennemis ou sans relations avec l’Egypte (« en 1956 elles sont définies » comme « sionistes »)
1952 - 26 janvier 1952 : Samedi noir (émeutes et violences antisémites)
Après « des manifestations de masse contre le roi Farouk, en janvier, le Mouvement des officiers libres, fondé par Gamal Abdel Nasser, prend le pouvoir à la faveur d’un coup d’État. »
1954 – « Numéro 2 du régime, Nasser profite d’une tentative d’assassinat contre lui pour écarter son trop populaire rival, le président Mohammed Naguib, et prendre sa place. L’organisation des Frères musulmans est interdite ».
1956 - Nasser « nationalise le canal de Suez et obtient la protection des superpuissances américaine et soviétique contre l’offensive conjointe du Royaume-Uni, de la France et d’Israël lors de la guerre de Suez ».
 23 novembre 1956. L’Egypte déclare que les Juifs sont des « sionistes » et des « ennemis de l'État », et annonce leur prochaine expulsion. Environ 25 000 Juifs, près de la moitié de la communauté juive est contrainte de fuir l'Égypte pour l’Europe, notamment la Grande-Bretagne et la France, pour les États-Unis, l’Amérique du Sud, et l’Etat d’Israël, après avoir signé un document indiquant qu'ils quittent le pays de leur plein gré et acceptent leur spoliation. Un millier de Juifs sont interpellés et mis en prison.
1967 – « Après la déroute de la Guerre des Six Jours, infligée par Israël aux armées arabes, largement supérieures en nombre, Nasser annonce sa démission, puis la retire sous la pression des manifestations populaires ».
Nouvelle spoliation de Juifs égyptiens dont une partie est arrêtée, emprisonnée et torturée pendant trois ans.
1970 – « Nasser meurt subitement dans son sommeil, à l’âge de 52 ans, laissant la place à son vice-président Anouar El-Sadate ».


« Un bonheur hydroélectrique » d’Alexander Markov
France, 2024, 61 min
Production : Petit à Petit Production, en association avec ARTE France-La Lucarne
Sur Arte le 10 septembre 2024 à 00 h 30
Sur arte.tv du 02/09/2024 au 03/10/2025

« Les Pharaons de l’Égypte moderne » de Jihan El Tahri 
ARTE France, Big Sister France, 2012, 58 min
Sur Arte les 19 janvier à 20 h 55, 24 janvier à 14 h 30, 27 janvier à 16 h 20 et 1er février 2016 à 16 h 20, 9 septembre à 9 h 25 et 20 septembre 2016 à 9 h 25
Sur Histoire les 6 février 2019 à 19 h 35, 15 février 2019 à 10 h 40 et 21 février 2019 à 10 h 50
Visuels : © Bibalex

"La vie secrète des lacs - Le lac Nasser, l'eau au cœur du désert", réalisé par Florence Tran 
 France, 2014, 43 min
Sur Arte le 10 juin 2018, à 13 h 45
Visuels :
Le lac Nasser est un lac artificiel situé à la frontière entre l'Égypte et le Soudan. Créé à l'issue de la construction du haut barrage d'Assouan, entre 1958 et 1970, il est alimenté par les eaux du seul Nil.
Pêcheurs sur le lac Nasser
© ZED
Les citations viennent d'Arte. L'article a été publié le 19 janvier 2016, puis les 8 septembre 2016, 14 mars et 8 juin 2018, 6 février 2019.

vendredi 6 septembre 2024

« Olympisme. Une histoire du monde »

Au Palais de la Porte Dorée, le Musée national de l’histoire de l’immigration présente l’exposition « Olympisme. Une histoire du monde ». Une exposition qui omet des points importants concernant des personnages juifs, présente de manière partiale ou incomplète les Jeux olympiques de Munich en 1972, et s'avère précautionneuse sur l'histoire présente. 
Ce projet a été labélisé par Paris 2024 dans le cadre de l’Olympiade Culturelle.


A Paris, le musée national de l’histoire de l’immigration est particulièrement idéologisé, "politiquement correct".

Il présente l'exposition « Olympisme. Une histoire du monde ». Quelle modestie !

Une exposition où l'on retrouve les caractéristiques regrettables du musée et de certains de ses commissaires.

Elle se déroule selon un ordonnancement chronologico-thématique. Une courte chronologie présente la période regroupant plusieurs Olympiades. Pour l'année 1948, la recréation de l'Etat d'Israël est omise. 

Concernant les Jeux Paralympiques, l'exposition indique qu'ils ont été "créés par le médecin allemand Ludwig Guttmann", mais occulte sa judéité. 

Rien sur les Maccabiades et sur le sport perçu comme permettant de créer un « Juif nouveau » rompant le stéréotype antisémite du Juif difforme, et perçue comme facteur de régénération physique (Muskeljudentum ou « judaïsme du muscle  », Max Nordau, 1898). Et ce, alors que l'exposition évoque les premiers Jeux Internationaux Silencieux.

La présentation des Jeux olympiques 1972 est lamentable : "Mort sur les Jeux" ! Ainsi, comme le Mémorial de la Shoah, ce musée refuse de recourir à l'expression "attentat terroriste palestinien". Et il élude l'incompétence dangereuse de la police allemande, l'explication du nom du groupe palestinien islamiste "Septembre noir", le combat des familles des athlètes israéliens pour obtenir une indemnisation, la construction d'un Mémorial, la réaction de soutien de nombreux gauchistes tel le journaliste Edwy Plenel, qui sous le pseudonyme à consonance juive « Joseph Krasny », écrivait dans Rouge : « L’action de Septembre Noir a fait éclater la mascarade olympique, a bouleversé les arrangements à l’amiable que les réactionnaires arabes s’apprêtaient à conclure avec Israël. (…) Aucun révolutionnaire ne peut se désolidariser de Septembre Noir. Nous devons défendre inconditionnellement face à la répression les militants de cette organisation. » (Rouge, numéro 171).

Durant les Jeux Olympiques de 2024 à Paris, une cérémonie à la mémoire des athlètes israéliens assassinés par les terroristes islamistes palestiniens a eu lieu... à l'ambassade d'Israël en France, et non dans le village olympique. Et durant les Jeux paralympiques, le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) a honoré leur mémoire lors d'une cérémonie... aux Salons Hoche.

Pascal Blanchard, commissaire de l'exposition, indique qu'en 1936, le régime nazi avait évacuer les pauvres hors de Berlin pour donner l'image la plus avantageuse de la ville accueillant les Jeux Olympiques. Avec l'approbation de la majorité (parti socialiste, parti communiste, écologistes) du Conseil de Paris, le pouvoir macronien a évacué hors de la capitale les immigrés vivant dans les rues parisiennes, en imposant leur accueil à des villes de province. Ce que des associations ont qualifié de "nettoyage social".  

Le champion de natation Alfred Nakache est présenté comme "Juif algérien déchu de sa nationalité française" durant la Deuxième Guerre mondiale. Aucun document ne mentionne qu'il serait devenu "algérien" après la révocation du décret Crémieux (1870) ayant octroyé la nationalité, et citoyenneté française, aux juifs nés en Algérie. Auteur de « Dépouiller en toute légalité. L'aryanisation économique des biens juifs en Algérie par le régime de Vichy (1941-1942) », l'historien Jean Laloum m'a écrit : des "Juifs déchus de leur citoyenneté, c'est-à-dire de leur capacité politique comme le droit de vote, conservent néanmoins leur nationalité française. Sur leur papier d'identité figurent parfois l'inscription  "Française israélite indigène d'Algérie" (voir page 174 de mon ouvrage sur l'aryanisation que vous avez). Ils sont plus communément qualifiés de "sujets français". La carte d'identité de Mme Josette Francine Benattar, reproduite en p. 174, mentionne "juive algérienne" pour nationalité. Et le passeport en p. 145 de M. Pierre Armand Djian indique "sujet israélite algérien". Il semble qu'il y ait confusion ou ignorance de la part des fonctionnaires français, notamment de la manière dont ce retrait de citoyenneté se combine avec le statut d'indigénat pour les juifs. C'est dommage que Pascal Blanchard n'ait pas produit une photocopie des papiers d'identité de ce grand sportif ni indiqué qu'il a fait partie d'une tournée en Afrique du nord de la délégation du commissaire général à l'éducation physique et aux sports du gouvernement de Vichy, Jean Borotra.

Un objet exposé suscite le sourire : une chaussure d’un porteur de flamme olympique !?

Quant aux Jeux Olympiques à Paris en 2024, l'exposition ne mentionne pas le dépassement du budget, le problématique centre aquatique de Saint-Denis, la corruption avérée d'instances olympiques, le problème du voile islamique, des transgenres, les mesures liberticides tel le QR code,  la vidéosurveillance algorithmique à titre expérimental, etc. Curieux pour des commissaires spécialistes d'histoire contemporaine.

Pour un chercheur en sciences sociales, il n'y a pas de "crise migratoire" ni d'"invasion migratoire", mais une « crise de l’accueil »

« Raconter l’histoire du monde, une autre histoire du monde, à travers la saga des Jeux Olympiques d’été, depuis ceux d’Athènes en 1896 jusqu’aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024, telle est l’ambition de cette exposition. »

« C’est à une lecture de l’histoire au présent qu’invitent les riches œuvres, objets et documents rassemblés pour la première fois en France au Palais de la Porte Dorée alors que la France reçoit en 2024, pour la troisième fois de son histoire, les Jeux Olympiques et les Jeux Paralympiques d’été. En suivant la chronologie des Olympiades modernes de 1896 à 2024, leur géographie qui sillonne densément l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie de l’Est, effleure l’Amérique du Sud et l’Océanie et contourne encore l’Afrique, le public est invité à regarder autrement cette histoire mondiale. »

« Depuis 130 ans, les Jeux Olympiques agissent comme une caisse de résonance de tous les combats, rêves et conflits politiques qui fondent les relations entre les Nations. Les conflits majeurs et les bouleversements géopolitiques y trouvent un écho particulier, comme les enjeux liés aux circulations, aux migrations, aux liens entre les individus et leur pays. Les mouvements sociaux, féministes, antiracistes et anticoloniaux s’y invitent régulièrement. L’émergence des nationalismes au début du XXe siècle puis la Guerre froide mais également la lutte contre l’apartheid ou plus récemment les crises sanitaires ou climatiques font partie intégrante de l’histoire des Jeux Olympiques. »

« L’exposition aborde aussi le futur des Jeux Olympiques : comment seront traités à l’avenir par le CIO les questions des droits humains, de l’écologie, de la durabilité et de la démocratie ? » Quid du voile islamique ? Quid des athlètes trans ? Quid de la participation aux compétitions féminines de sportifs masculins ?

« Le modèle olympique est également repris par des collectifs ou des communautés pour revendiquer leurs droits. Longtemps exclues d’une partie des épreuves, les femmes s’en saisissent pour affirmer leur statut d’athlètes à part entière. Parallèlement, le mouvement paralympique, d’abord pensé pour réparer les corps, rend visible aujourd’hui des sportifs de haut niveau en situation de handicap. »

« L’Olympisme est aussi affaire d’individus. Chaque athlète porte, parfois malgré lui, les espoirs d’une jeune nation ou les symboles d’une dictature, les luttes des peuples discriminés et des minorités. Chaque ville qui accueille les Jeux Olympiques, événement sportif le plus médiatisé, devient provisoirement l’épicentre du monde. Leur organisation s’accompagne désormais d’intenses débats sociétaux, éthiques, politiques, économiques et environnementaux. »

Ce projet a été labélisé par Paris 2024 dans le cadre de l’Olympiade Culturelle.

« Le Palais de la Porte Dorée a, dans le paysage culturel, une place singulière : à travers l’ensemble de notre programmation, et en particulier nos expositions temporaires, notre ambition est toujours d’apporter au visiteur un éclairage sur le temps présent et les grandes questions qui traversent notre société. La mise en perspective qu’offre la profondeur historique, les connaissances transmises grâce à un travail scientifique de longue haleine, le décentrage des regards et la beauté qu’apportent les œuvres d’art, ainsi que le sentiment d’intimité avec des hommes et des femmes au parcours exceptionnel, tout cela contribue à rendre possible des débats éclairés et apaisés sur des sujets difficiles ou méconnus. La grande exposition à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, participe pleinement de cette ambition : la perspective choisie - croiser l’histoire des jeux avec les grands évènements du monde depuis la fin du XIXe siècle, permet de comprendre pourquoi aujourd’hui encore ils sont la chambre d’écho des soubresauts géopolitiques, sociétaux, environnementaux de notre époque contemporaine. Célébration de la diversité et du brassage, hommage aux personnes qui ont lutté pour plus d’égalité, l’exposition est aussi l’occasion de remettre en lumière les croisements entre sport et immigration, et de redécouvrir des grands sportifs immigrés qui furent parfois les premiers à apporter des médailles olympiques à leurs pays d’adoption. La scénographie lumineuse, met en valeur ce croisement auquel nous tenons entre art contemporain, données scientifiques et parcours de vie. Le contenu scientifique, très pédagogique et rythmé, accompagnant plus de 600 objets, films, photos documents d’époque, et accessible à tous les publics dès 8 ans, pourra réconcilier celles et ceux qui ont hâte que les compétitions commencent comme celles et ceux qui attendent la mi-septembre avec impatience. Pendant 4 mois, nous vivons au rythme des Jeux, avec des débats, des soirées, des rencontres, des visites dédiées à une meilleure compréhension de leur histoire et des enjeux actuels, mais aussi avec des concerts, une terrasse animée aux couleurs de l’olympisme, et des activités pour les enfants. Pour participer, dans le cadre des olympiades culturelles, à ce que les Jeux de Paris soient un moment festif, populaire, ouvert à toutes et tous. Et ouvrir sur deux questions : à quoi ressembleront les Jeux de demain ? Et puisque les Jeux sont toujours un miroir grossissant de leur époque, quelle image gardera-t-on de Paris 2024 ? Bonne visite ! », a écrit Constance Rivière, Directrice générale du Palais de la Porte Dorée.

LE PARCOURS ENFANTS ET L’ESPACE MÉDIATION

« Un espace de médiation vient compléter le parcours de cette exposition : le Petit Dojo. Pensé comme un lieu de respiration en cours de visite, le Petit Dojo rassemble des dispositifs ludiques à manipuler pour décrypter, quel que soit les âges, un siècle d’Olympiades. Afin d’interroger et de permettre l’échange entre générations, petits et grands sont invités à profiter d’un mur de connaissances, d’une mappemonde représentant l’ensemble des villes hôtes des Jeux Olympiques et d’un espace lecture thématique en libre consultation. »

« Un dispositif interactif inspiré de la boccia permettra aux publics de découvrir ce sport exclusivement paralympique et l’un des plus inclusifs qui soit. »

« Le Petit Dojo est un espace en autonomie et accessible en continu sur les horaires d’ouverture. Les ateliers de médiation « Nos Jeux du futur » se tiennent dans cet espace aux horaires dédiés. »

« Le parcours d’exposition regroupe également une dizaine de cartels spécifiquement rédigés pour les 8-12 ans. »

« Par ces axes de médiation créés spécifiquement pour la saison Olympisme, l’Établissement affirme sa volonté de rendre le musée accueillant pour les jeunes publics. Le Musée national de l’histoire de l’immigration présente déjà, depuis sa réouverture en 2023, une visite sonore et narrative à hauteur d’enfant ainsi que de nombreuses activités. »

PARCOURS DE L’EXPOSITION

La (re)naissance de l’olympisme (1896-1920) 
Athènes 1896 | Les premiers Jeux
Paris 1900 | Les Jeux Olympiques à l’heure de la modernité technique et industrielle
St Louis 1904 | Une Olympiade américaine
Londres 1908 | Les Jeux au service de l’Entente cordiale
Stockholm 1912 | Un modèle d’organisation
Berlin 1916 | Les Jeux annulés
Le temps des nationalismes (1920-1945) 
Anvers 1920 | Les Jeux de la Paix
Paris 1924 | Paris, capitale mondiale de l’olympisme
Amsterdam 1928 | Des Jeux neutres ?
Los Angeles 1932 | Les Jeux de la crise économique
Berlin 1936 | Les Jeux de l’Allemagne hitlérienne
Guerre froide et décolonisation (1945-1970) 
Londres 1948 | Reconstruire l’Europe, retrouver l’olympisme
Helsinki 1952 | Des Jeux sous le signe de la Guerre froide
Melbourne 1956 | Les premiers Jeux de l’hémisphère sud
Rome 1960 | Oublier le fascisme ?
Tokyo 1964 | Un nouveau Japon
Mexico 1968 | Révoltes et répressions
Vers un monde olympique multipolaire (1970-1990) 
Munich 1972 | De la joie à la terreur
Montréal 1976 | Boycott contre Apartheid !
Moscou 1980 | Los Angeles 1984 | Deux Jeux, une Guerre froide
Séoul 1988 | La preuve par la Corée
Un nouveau siècle olympique (1990-2010) 
Barcelone 1992 | Un nouveau monde olympique
Atlanta 1996 | Une ville aux deux visages
Sydney 2000 | Le vernis de l’unité
Athènes 2004 | Retour aux sources
Pékin 2008 | Démonstration de force
Olympisme et société aujourd’hui (2010-2024) 
De Londres à Tokyo | Les Jeux du XXIe siècle
Le pari des Jeux Olympiques de 2024
Les Jeux de demain ? 


« La (re)naissance de l’olympisme » 1896-1920
« Pierre de Coubertin est à l’origine de la renaissance des Jeux Olympiques antiques et de la création du Comité International Olympique (CIO), fondé le 23 juin 1894. L’objectif du CIO est de promouvoir l’éducation physique de la jeunesse et un universalisme sportif au service de la paix. Le choix originel de l’amateurisme traduit l’élitisme d’une aristocratie à l’origine du projet et limite la participation des athlètes issus des classes populaires. »

« Les premiers Jeux Olympiques organisés à Athènes en 1896 suscitent l’engouement d’un public nombreux. Ce succès est favorisé par l’implication de la famille royale grecque, qui entend affirmer la place de la Grèce sur la scène européenne. Les trois éditions suivantes à Paris (1900), puis outre-Atlantique à St. Louis (1904) et, enfin, à Londres (1908), sont diluées dans le programme de grandes expositions universelles ou internationales. Malgré cette confusion, les comités d’organisation successifs posent peu à peu les jalons d’un projet olympique universaliste, qui exclut les femmes puis limite leur participation à certaines épreuves. En 1912, les premiers Jeux véritablement autonomes se tiennent à Stockholm en Suède. Des délégations venues des cinq continents y participent. »

« Le déclenchement de la Première Guerre mondiale provoque l’annulation des Jeux de 1916 prévus à Berlin. Le rêve d’une compétition capable de dépasser les conflits, semble alors s’effondrer. »

ATHÈNES 1896
« Les premiers jeux »
« L’accueil des premiers Jeux modernes est perçu par la couronne grecque comme une opportunité exceptionnelle d’affirmation nationale. Le 6 avril 1896, le roi George Ier lance la compétition dans l’antique stade panathénaïque rénové pour l’occasion. 241 concurrents issus de quatorze nations, uniquement des hommes, s’affrontent dans 43 épreuves. Le coût du trajet et l’absence de comités olympiques nationaux entraînent une faible participation d’athlètes non-grecs. Seuls les sportifs hongrois obtiennent de leur gouvernement le financement du voyage. Parmi eux, le jeune Alfréd Hajós remporte deux titres olympiques lors des épreuves de natation organisées en pleine mer Égée. Certaines tensions politiques se révèlent sur le terrain sportif, à l’image de la rivalité des gymnastes français et allemands. »

Spyrídon Loúis (1873-1940), héros du marathon
« Le 10 avril 1896, le berger grec Spyrídon Loúis, remporte la course dite « de Marathon ». L’épreuve, imaginée par le linguiste Michel Bréal, ravive la légende du parcours du messager Philippidès entre Marathon et Athènes au Ve siècle av. J.-C. La victoire sert aussi l’ambition de reconnaissance internationale de la jeune nation grecque, indépendante depuis 1830. Au moment de recevoir sa récompense, Spyrídon Loúis porte une fustanelle, jupon traditionnel marqueur de l’identité nationale. Il devient le premier champion olympique du marathon lors des 

L’exclusion des femmes
« Même si la culture physique fait désormais partie de l’éducation des filles, la participation des femmes n’est pas au programme des premiers Jeux Olympiques. Le mouvement féministe a beau prendre de l’ampleur avec ses nouvelles revendications d’égalité sociale et politique, la culture olympique, elle, assume son caractère genré. Fidèle aux convictions de son fondateur, Pierre de Coubertin, le CIO considère que le sport est une activité « contre-nature » pouvant nuire à la « féminité » et à la capacité reproductrice. Les femmes sont ainsi cantonnées à des rôles d’épouses et de mères. »

PARIS 1900
« Les Jeux Olympiques à l’heure de la modernité technique et industrielle »
« Dès 1894, les artisans de la renaissance olympique ont imaginé la deuxième édition des Jeux à Paris, dans le cadre de l’Exposition universelle de 1900. Cet événement spectaculaire érige, durant six mois, la capitale en phare de la modernité technique et artistique du monde. Il attire 50 millions de visiteurs, garantissant un succès populaire aux Olympiades. Cependant, le modèle élitiste coubertinien du sportsman amateur fortuné se heurte aux idéaux républicains d’Alfred Picard, commissaire général de l’Exposition. Ce dernier choisit d’écarter le CIO du comité d’organisation et favorise la tenue de « concours internationaux d’exercices physiques de sports », populaires et patriotiques. Les nombreuses épreuves, parfois cocasses, sont dispersées dans l’espace et le temps et rassemblent près de 60 000 participants. »

Constantin Henriquez, champion olympique haïtien et français
« En octobre 1900, deux victoires contre l’Allemagne et l’Angleterre permettent à l’équipe de France de rugby d’être sacrée championne olympique. Constantin Henriquez, étudiant en médecine haïtien arrivé à Paris en 1893, devient le premier médaillé afro-antillais. Joueur du Stade Français, sa présence en équipe de France, est rendue possible par l’absence de réglementation sur la nationalité des athlètes. De retour à Haïti, Constantin Henriquez devient, en 1906, le premier président du comité olympique du pays. »

Les premières olympiennes
« Une quarantaine de femmes seulement participent aux Jeux lors des épreuves, exclusivement féminines, de tennis, voile, croquet, équitation et golf. Le 11 juillet 1900, la joueuse de tennis britannique Charlotte Cooper devient la première championne olympique. Cette féminisation naissante reste limitée et suscite toujours des réticences. Les affiches de promotion des concours d’escrime sont trompeuses, car la discipline, comme bien d’autres, demeure exclusivement masculine. »

ST. LOUIS 1904
« Une Olympiade américaine »
« Afin d’armer la dimension internationale des Jeux Olympiques, le CIO souhaite organiser la troisième édition de la compétition outre-Atlantique. Contre la volonté de Pierre de Coubertin, la ville de St. Louis est retenue et intègre à nouveau l’événement  dans le programme d’une exposition universelle. Cette édition enregistre la plus faible participation d’athlètes de l’histoire. L’absence de nombreuses délégations, incapables de financer le voyage, favorise la large victoire des États-Unis et l’éveil d’une conscience sportive nationale. Les Jeux de St. Louis confortent également la société blanche étatsunienne dans une conception racialiste et hiérarchisée du monde, en particulier du fait de l’organisation de « Journées Anthropologiques » faisant s’affronter de prétendus « sauvages » dans des épreuves sportives. »

Albert Corey et George Eyser, immigrés aux États-Unis
« Le Français Albert Corey et l’Allemand George Eyser ont émigré aux États-Unis comme des millions d’autres Européens. Bien qu’arrivé tout récemment, Albert Corey, originaire de Franche-Comté, remporte la médaille d’argent au marathon sous la nationalité étatsunienne. La « restitution » de sa médaille au bénéfice de la France n’interviendra qu’en 2021, mais le titre reste à l’Amérique. George Eyser, amputé d’une jambe après avoir percuté un train, concourt avec les valides et remporte six médailles en gymnastique dont trois en or. »

Les Journées Anthropologiques
« Les Journées Anthropologiques visent à démontrer la supériorité de la « race blanche » sur les prétendus « peuples sauvages ». Sans entraînement pour des épreuves dont ils ignorent les règles, les « indigènes » exhibés dans le cadre de l’Exposition universelle établissent de faibles performances. Le jeune Pygmée Mbuti Ota Benga, kidnappé en 1904 au Congo est l’un d’eux. Il est à nouveau exhibé au zoo de New York après les Jeux en 1906, avant de se suicider quand il perd tout espoir de retour en Afrique. »

LONDRES 1908
« Les Jeux au service de l’Entente cordiale »
« En 1906, l’éruption du Vésuve plonge l’Italie dans une grave crise économique. Originellement attribuée à Rome, l’organisation des Jeux de 1908 est finalement confiée à Londres. La compétition est intégrée à l’Exposition franco-britannique qui célèbre avec faste l’Entente cordiale entre les deux pays. La Britannic Olympics Association imagine une édition moins dispersée que les précédentes. Le White City Stadium construit pour l’occasion accueille le premier défilé des nations. Lors de la journée d’ouverture y sont aussi présentées des démonstrations sportives, dont un match de  polo-vélo. Alors que le mouvement suffragiste en faveur du droit de vote des femmes mobilise les foules au cœur de Londres, la participation des femmes reste cantonnée aux épreuves de patinage, tennis, voile et tir à l’arc. »

John Taylor, premier athlète noir étatsunien
« En 1908, les colonies britanniques d’Afrique du Sud participent pour la première fois aux Jeux Olympiques. La délégation ne compte aucun athlète noir ou métis. En remportant l’épreuve du 100 mètres, Reggie Walker, un Blanc, est le premier champion olympique issu du continent africain. Trois jours plus tard, l’équipe étatsunienne gagne le relais olympique avec, en son sein, John Taylor, premier sportif africain-américain à représenter les États-Unis dans une compétition internationale. »

Un marathon royal
« À la demande de la famille royale, le départ du marathon est donné devant le château de Windsor, fixant ainsi à 42,195 km la distance du parcours, inchangée depuis. Le public, peu présent sur l’ensemble de la compétition, est estimé ce jour-là à deux millions de spectateurs. En tête à l’issue de la course, l’Italien Dorando Pietri est à bout de force et doit bénéficier d’une aide extérieure pour passer la ligne d’arrivée. Il est disqualifié mais reçoit, en compensation, une coupe en argent des mains de la Reine. »

STOCKHOLM 1912
Un modèle d’organisation
« Pour la première fois depuis 1896, les Jeux Olympiques ne sont pas rattachés à une exposition internationale. Ils sont organisés de manière autonome, sur une période plus courte qu’auparavant, entre le 6 et le 22 juillet 1912. La Suède, pays du théoricien de la gymnastique Pehr Henrik Ling, « nation sportive » aux avant-postes de la diffusion des sports modernes, apparaît au CIO comme l’hôte idéal. Le roi Gustave V, sportif passionné de tennis, récompense lui-même les athlètes victorieux. Deuxième en nombre de titres remportés, la Suède termine première en nombre de médailles, devançant les États-Unis. Ce duel Europe-Amérique accroît l’intérêt de l’événement dans un contexte international marqué par des tensions qui font craindre un embrasement généralisé. »

Jim Thorpe, un Amérindien au cœur des Jeux
« Athlète aux capacités prodigieuses, Jim Thorpe devient en 1912 champion olympique de décathlon et de pentathlon. Son sacre, célébré par toute la nation étatsunienne, survient douze ans avant que la citoyenneté ne soit accordée aux populations « natives » américaines dont il est issu. L’année suivante, le CIO lui retire ses titres car il aurait transgressé les règles de l’amateurisme en participant, contre de l’argent, à des matchs de baseball. Cette sanction, jugée raciste, ne sera levée qu’en 1983. »

Les premiers Jeux des cinq continents
« À Stockholm, l’universalisation des Jeux progresse. Pour la première fois, les cinq continents sont représentés. L’Égypte, l’Islande, le Luxembourg, le Portugal, la Serbie et le Japon font leur apparition dans l’arène olympique. Les athlètes extra-européens brillent dans les épreuves de natation qui admettent désormais les femmes. Les épreuves du 100 mètres nage libre sont remportées par l’Australienne Fanny Durack et le surfeur hawaïen Duke Kahanamoku. Il utilise la technique peu connue du crawl. »

BERLIN 1916
« Les Jeux annulés »
« En 1912, l’organisation des sixièmes Jeux Olympiques est attribuée à Berlin. Ce choix vise à permettre la tenue d’un rassemblement pacifique, afin d’empêcher la guerre dans un contexte d’exacerbation nationaliste en Europe. Il vise également à transformer la culture sportive du pays, dominée par la gymnastique et éloignée du modèle compétitif anglo-saxon. En Allemagne, ces Jeux sont surtout perçus comme une opportunité de démontrer la puissance de l’Empire. Le Deutsches Stadion en est le symbole. Mais le 31 juillet 1914, la Grande Guerre commence et les Jeux Olympiques sont annulés en 1915. C’est alors que, face au risque d’une progression allemande jusqu’à Paris, Pierre de Coubertin transfère le siège du CIO à Lausanne pour bénéficier de la neutralité de la Suisse. »

Au sport comme à la guerre
« La guerre est comparée dans la presse sportive à un « grand match ». La mort, dès le début du conflit, du champion français Jean Bouin, médaillé d’argent sur le 5 000 mètres en 1912, renforce l’image de sportifs valeureux et héroïques. Le sport est intégré à la préparation militaire. Des pratiques, comme le lancer de grenade, sont promues mais sans grand succès ; les soldats qui sont sur le front préfèrent jouer notamment au football afin d’échapper à la discipline militaire et à l’horreur de la guerre. »

Le temps des nationalismes 1920-1945

« Pendant l’entre-deux-guerres, les Jeux Olympiques participent à l’engouement pour les sports-spectacles médiatiques. Ils attirent davantage de délégations et un public toujours plus nombreux et s’affirment progressivement comme un événement mondial dont la portée géopolitique se renforce. »

« Le bilan tragique de la Grande Guerre encourage le CIO à poursuivre son œuvre pacifiste. En 1920, à Anvers, l’introduction du drapeau et du serment olympiques constituent des symboles de la concorde des nations. Néanmoins, les vaincus de la Première Guerre mondiale sont exclus et l’Allemagne le sera aussi en 1924. Les éditions suivantes, à Paris (1924) puis Amsterdam (1928), sont le théâtre d’exploits sportifs réalisés par des athlètes de tous horizons, notamment issus des « minorités » ou des empires coloniaux. L’avènement des premières stars médiatiques ébranle le principe de l’amateurisme, toujours défendu fermement par le CIO. En 1932, en pleine crise économique, les Jeux de Los Angeles sont marqués par les victoires des athlètes italiens érigés en ambassadeurs du régime fasciste et par le financement des Jeux par les sociétés privées. Quatre ans plus tard, la politisation de l’événement franchit un cap lors des Jeux de Berlin, au service de la propagande nazie. Malgré l’exclusion des athlètes juifs allemands au mépris des valeurs fondamentales de l’olympisme, l‘organisation et la modernité affichée des Jeux de Berlin apparaissent comme autant de succès pour Adolf Hitler. La Seconde Guerre mondiale empêche la tenue des éditions de 1940 et 1944. »

ANVERS 1920
« Les Jeux de la Paix »
« Huit ans après les Jeux de Stockholm, la flamme Olympique est ravivée à Anvers en Belgique, pays martyr de la Première Guerre mondiale. Ces « Jeux de la Paix » introduisent de nombreux symboles qui imprègneront durablement le mouvement olympique, tel le lâcher de colombes. Le sportif belge Victor Boin prononce le premier serment olympique, véritable code d’honneur du sportif, au nom de tous les participants réunis. Patriote, nageur et escrimeur, il a combattu pendant la guerre et incarne, par sa polyvalence, la figure de l’athlète amateur. Le drapeau olympique, conçu par Pierre de Coubertin, est hissé pour la première fois, avec sur un fond blanc, cinq anneaux entrelacés, représentant tous les continents unis par l’olympisme, tandis que les couleurs sont celles des drapeaux du monde. »

Suzanne Lenglen, première star internationale
« En 1920, Suzanne Lenglen, jeune Française de 21 ans a déjà gagné deux fois le tournoi de Wimbledon. À Anvers, elle décroche trois médailles dont deux en or. Sa grande popularité, sa détermination mais également l’attention portée à son style la transforment en une icône des Années folles, inspirant écrivains et artistes. Habillée par le couturier Jean Patou, à l’affiche, elle bouscule les codes vestimentaires de l’époque par le port de jupes plissées, plus courtes que les tenues de ses concurrentes. »

Les premiers Jeux féminins (1922)
« Pionnière du féminisme, Alice Milliat est une sportive accomplie. Elle est à l’origine du premier championnat de France et de la première équipe de France de football féminin en 1920. Elle se bat pour que les femmes puissent participer aux Jeux Olympiques dans toutes les disciplines. Devant le refus du CIO, elle décide d’abord d’organiser des « Olympiades féminines » à Monaco entre 1921 et 1923, puis les « Jeux Olympiques féminins » à Paris en août 1922, rassemblant cinq pays dans onze disciplines. »

PARIS 1924
« Paris, capitale mondiale de l’olympisme »

« En 1924, Paris devient la première ville au monde à accueillir les Jeux pour la deuxième fois. Le comité d’organisation veut prouver que le pays est capable d’une telle organisation après les destructions de la Première Guerre mondiale. Il fait appel au patriotisme au travers d’une souscription nationale, pour compléter les subventions de l’État et de la ville. Le Racing Club de France met à sa disposition le stade de Colombes. La réussite populaire contribue à rétablir la France dans son rang de grande puissance. Avec la participation de 43 délégations dont 18 extra-européennes, les Jeux de Paris embrassent un peu plus la diversité du monde. Afin de renforcer leurs chances de médailles, les grandes puissances impériales commencent à aligner des athlètes issus de leurs colonies ou des minorités ethniques. »

« C’est un réel succès : plus de 600 000 spectateurs se pressent dans les tribunes. Les bénéfices économiques sont importants. Les ventes de produits dérivés, tels des vases, éventails, briquets, cendriers ou encore timbres et cartes postales, se développent, tout comme les marchands ambulants. »

« S’ajoute une large couverture médiatique avec la présence de plus de 1 000 journalistes. Pour la première fois, l’événement est diffusé en direct à la radio. »

Johnny Weissmuller, une star sans papiers
« Né à Freidorf dans l’actuelle Roumanie, émigré aux États-Unis, Johnny Weissmuller ne dispose pas de papiers en règle et emprunte ceux de son frère pour se rendre à Paris. Il remporte quatre médailles dont trois en or, notamment sur le 100 mètres nage libre. Ses succès lui permettent d’obtenir la nationalité américaine et d’entamer une carrière à Hollywood où il incarne Tarzan dans douze films. Celui qui n’a jamais perdu u »ne seule course en compétition devient alors une star mondiale du grand écran. »

1924. Première organisation des « Jeux Silencieux », futurs Deaflympics
« Les premiers Jeux Internationaux Silencieux sont organisés du 10 au 17 août 1924 au stade Pershing à Paris. Ils réunissent près de 150 sportifs sourds représentants neufs pays. Cette compétition témoigne de la vitalité du mouvement sourd qui se structure au début du XXe siècle, cherchant à combattre les représentations sociales stigmatisantes de l’époque. Officiellement reconnus par le CIO en 1955, ces jeux sont aujourd’hui appelés Deaflympics et organisés tous les quatre ans. »

AMSTERDAM 1928
« Des Jeux neutres ? »

« Organisés dans un pays resté neutre pendant la Première Guerre mondiale, au cours d’une période de relative accalmie sur le plan international, les Jeux Olympiques d’Amsterdam agissent comme un révélateur des dynamiques à l’oeuvre au sein de la sphère sportive internationale. Ainsi, en dépit des réticences de Pierre de Coubertin, la féminisation des Jeux franchit une nouvelle étape. Les femmes, désormais admises dans les épreuves d’athlétisme et de gymnastique, représentent près de 10% des participants. Le développement des compétitions professionnelles, qui attirent les athlètes les plus performants tout en leur interdisant de participer aux Jeux Olympiques qui restent réservés aux amateurs, contraint le CIO à supprimer certaines disciplines de son programme ; c’est le cas du tennis en 1928. »

Ahmed Boughéra El Ouafi, symbole des immigrations en France
« Engagé dans l’armée française puis ouvrier des usines Renault de Boulogne-Billancourt, Ahmed Boughéra El Ouafi, champion de France de Marathon, brille à Amsterdam. Le natif d’Ouled Djellal dans le Sud algérien remporte l’épreuve et la première médaille d’or pour un Maghrébin. Malgré sa victoire, le manque d’argent le conduit à signer un contrat professionnel pour participer à des spectacles sportifs aux États-Unis. Il est, par conséquent, exclu des compétitions amateures et olympiques et il termine sa vie dans l’anonymat et la misère. »

La contestation de Jeux bourgeois et mondains
« Les membres du CIO appartiennent aux élites européennes. Certains sports, comme la voile, sont l’apanage de cette catégorie de privilégiés à laquelle appartient Virginie Hériot, championne olympique. Dénonçant les « sports bourgeois », l’Internationale communiste organise à Moscou, parallèlement aux Jeux d’Amsterdam, des Spartakiades, en référence à l’esclave romain rebelle, Spartacus. Quatre mille sportifs soviétiques et 600 étrangers de douze pays participent à un programme qui ressemble aux Jeux« officiels ».

LOS ANGELES 1932
« Les Jeux de la crise économique »

« Confiée à Los Angeles dès 1923, l’organisation des Jeux Olympiques de 1932 divise. En effet, au lendemain du krach boursier de 1929, l’opinion américaine et le président Herbert Hoover considèrent l’accueil de cet événement comme une dépense injustifiée. À ces réticences s’ajoutent les doutes des sportifs européens sur la nécessité d’organiser un tel événement à l’autre bout du monde. Finalement, les Jeux sont financés à l’aide de capitaux privés et le coût du séjour est réduit pour les participants grâce à la construction d’un village olympique – réservé aux hommes, alors que les femmes sont installées à l’hôtel. Le cérémonial de remise des médailles sur un podium, avec levée de drapeau et hymne apparaît pour la première fois. Dans une ville en plein essor, la magie opère : la présence dans le stade de stars hollywoodiennes – telles Gary Cooper ou Buster Keaton – apporte faste et glamour à l’événement. »

Judy Guinness, la gentlewoman irlandaise
« Plus connue sous le nom de Judy Guinness, Heather Seymour Guinness est issue d’une famille irlandaise bourgeoise qui l’initie très tôt à l’escrime, comme le veut la tradition. À 21 ans, elle se qualifie pour les Jeux Olympiques de Los Angeles, où elle représente les couleurs du drapeau britannique contre 17 concurrentes de 11 nationalités différentes. Le 4 août 1932, en finale, Judy Guinness se fait un nom lors de sa rencontre avec l’Autrichienne Ellen Preis. Si elle termine sur la deuxième marche du podium, son attitude exemplaire marque les esprits. Alors que les juges la sacrent championne olympique, Judy Guinness leur mentionne deux touches de son adversaire qui n’ont pas été comptabilisées. Cet esprit de fair-play devient alors une qualité essentielle des escrimeurs du monde entier. »

Miroir de la montée du fascisme et de l’impérialisme
« En se classant au deuxième rang des nations derrière les États-Unis, les athlètes italiens contribuent à la propagande du fascisme. Ils incarnent « l’homme nouveau » que le régime totalitaire entend façonner, notamment par le sport. La montée des nationalismes et des impérialismes en Europe et ailleurs trouve aussi un écho dans la performance des sportifs japonais, comme celle du cavalier Nishi Takeichi, officier d’une armée qui vient d’envahir la Mandchourie (1931). »

BERLIN 1936
« Les Jeux de l’Allemagne hitlérienne »

« Organisés trois ans après l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler, les Jeux Olympiques de Berlin servent opportunément la propagande du régime nazi. Les dirigeants allemands entretiennent l’illusion d’un « pays normal », cherchant à effacer toute trace d’antisémitisme. Pourtant, et en dépit des consignes édictées par le CIO, tous les athlètes juifs allemands sont exclus de la compétition. Moyennant des dépenses colossales, Berlin organise la plus grande rencontre sportive jamais tenue. Le nouveau stade olympique, monumental, accueille des cérémonies grandioses dans un décorum qui multiplie les références à l’Antiquité, prise comme une des références de l’idéologie raciale nazie. Malgré la bonne performance des athlètes allemands, tous les regards se portent sur un athlète noir, le sprinteur africain-américain Jesse Owens. »

Jesse Owens, courir contre le racisme
« Jesse Owens remporte quatre titres : 100 mètres, saut en longueur, 200 mètres et relais 4x100 mètres. Cet exploit, réalisé sous les yeux d’Adolf Hitler, discrédite les théories racistes du IIIe Reich et la prétendue supériorité physique des « aryens » blancs. Le triomphe d’Owens, petit-fils d’esclave, contribue à la fierté des Africains-Américains encore privés de droits civiques dans le système ségrégationniste étatsunien. Contrairement à la tradition, il n’est pas invité à la Maison Blanche à son retour de Berlin. »

Les Olympiades populaires de Barcelone
« L’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne en 1933 provoque un vaste mouvement international de boycott des Jeux Olympiques prévus en 1936 à Berlin. Le mouvement sportif ouvrier international se mobilise pour l’organisation de jeux alternatifs à Barcelone. Plus de 6 000 athlètes s’inscrivent à ces Olympiades populaires. Les compétitions sont cependant annulées en raison du déclenchement de la guerre civile opposant en Espagne les Républicains et les troupes putschistes du général Franco. »

Les Jeux annulés de 1940 et 1944
« La Seconde Guerre mondiale provoque l’annulation de deux éditions consécutives des Jeux Olympiques. Tokyo qui aurait dû accueillir la XIIe Olympiade en 1940 renonce finalement à les organiser car le Japon, engagé dans une politique impérialiste, entre en guerre contre la Chine en 1937. Les Jeux sont alors programmés à Helsinki, qui doit renoncer à son tour en 1939 en raison de la guerre et de l’invasion soviétique. Le conflit mondial empêche aussi la tenue des Jeux Olympiques prévus à Londres en 1944. »

Guerre froide et décolonisation
1945-1970
« Marquées par la Guerre froide, les décennies d’après-guerre se caractérisent par une expansion du mouvement olympique vers l’Océanie, puis l’Asie et l’Amérique latine. Malgré la volonté de neutralité affichée par le CIO, les Jeux Olympiques forment un espace d’affrontements géopolitiques mais aussi de revendications politiques et sociales de la part de minorités opprimées. Les déclinaisons du modèle olympique se multiplient, favorisant notamment une meilleure reconnaissance des athlètes en situation de handicap. »

« En 1948, les Jeux de Londres consacrent les démocraties anglaise et américaine. Quatre ans plus tard à Helsinki, l’URSS participe pour la première fois aux Jeux, transformant l’événement en un nouveau front de la Guerre froide. En 1956, la répression de la révolte de Budapest par l’URSS s’invite aux Jeux de Melbourne où une bagarre éclate entre athlètes Russes et Hongrois. »

« Dans les années 1960, l’organisation des Jeux Olympiques à Rome (1960) et Tokyo (1964) traduit le renouveau des pays hôtes. Pour l’Italie, il s’agit d’oublier le fascisme, et pour un Japon hanté par les bombardements atomiques, la défaite. Ces deux éditions sont le reflet du mouvement de décolonisation et accueillent les premières participations de pays africains nouvellement indépendants. Les Jeux de 1968 à Mexico font écho aux luttes de la jeunesse à travers le monde. Une image domine : sur le podium du 200 mètres, Tommie Smith et John Carlos lèvent leur poing ganté de noir pour soutenir les droits civiques aux États-Unis. »

LONDRES 1948
« Reconstruire l’Europe, retrouver l’olympisme »

« Les membres du CIO désignent à l’unanimité Londres pour accueillir les Jeux de 1948. Symbole de la résistance européenne au nazisme, la capitale anglaise est en pleine reconstruction. Malgré l’inconfort des logements et les difficultés d’approvisionnement alimentaire, le mouvement olympique renoue avec ses valeurs et son optimisme. »

« Le succès de l’événement réside notamment dans sa retransmission. Les caméras de la BBC permettent à 500 000 téléspectateurs de suivre les épreuves en direct. Plusieurs anciennes colonies britanniques nouvellement indépendantes participent pour la première fois aux Jeux Olympiques. C’est le cas de l’Inde qui obtient la médaille d’or en hockey sur gazon mais également du Pakistan et du Sri Lanka (Ceylan). La Jamaïque — qui fait encore partie de l’Empire — présente aussi une délégation. »

Alfred Nakache, Juif, déporté, héros
« Au mois de novembre 1943, Alfred Nakache, champion de France de natation ayant participé aux Jeux de Berlin en 1936, est arrêté par la Gestapo. Juif algérien déchu de la nationalité française par le régime de Vichy, il est déporté avec sa femme et sa fille au camp d’Auschwitz. Seul rescapé, il revient en France en 1945. Au prix d’une obstination sans pareille, il retrouve son meilleur niveau au point d’être sélectionné pour les Jeux Olympiques de Londres en 200 mètres brasse et dans l’équipe de water-polo. »

Les États-Unis, grande puissance sportive
« Composée de 332 athlètes aux Jeux Olympiques de Londres, la délégation américaine termine première du classement par nation avec 84 médailles dont 38 en or, laissant derrière elle la Suède, avec 44 médailles, la France prenant la troisième place. Cette domination écrasante, notamment en athlétisme, en natation et en haltérophilie, est le reflet d’un pays dynamique qui, depuis la fin de la guerre, s’impose comme une puissance hégémonique sur le plan militaire, économique et culturel. »

HELSINKI 1952
« Des Jeux sous le signe de la Guerre froide »

« Lorsqu’en 1947 l’organisation des Jeux Olympiques est confiée à Helsinki, cela fait plus de 10 ans que la capitale finlandaise se prépare à recevoir l’événement. Le stade olympique avait en e¨et été construit pour les Jeux annulés de 1940. Alors que les tensions géopolitiques de la Guerre froide s’intensifient, les Jeux se déroulent dans un pays neutre. La Russie tsariste avait participé aux Jeux de 1912, mais c’est la première fois que l’URSS communiste envoie des athlètes aux Jeux, véritable aubaine pour le CIO qui voit l’intérêt de la compétition redoubler. Les délégations communistes logent dans un village olympique séparé du reste des participants. L’URSS se hisse à la deuxième place du podium, juste derrière l’équipe américaine rivale : c’est le début d’une confrontation sportive est/ouest sans merci. »

Emil Zátopek, la locomotive tchèque
« À Helsinki, le militaire tchécoslovaque Emil Zátopek accomplit l’exploit jamais égalé de remporter le 5 000 mètres, le 10 000 mètres et le marathon. Ce succès lui vaut d’être promu commandant et renforce sa grande popularité de part et d’autre du Rideau de fer. À l’Ouest, il est admiré pour ses qualités humaines et ses capacités physiques. À l’Est, il incarne les valeurs d’effort, de travail et d’organisation chères aux régimes communistes, ses victoires confirmant de leur point de vue l’efficience du modèle soviétique. »

L’équipe d’URSS et la nouvelle stratégie sportive soviétique
« Avec 71 médailles, l’URSS talonne les États-Unis lors des Jeux Olympiques d’Helsinki. La lanceuse de disque Nina Romashkova est la première médaillée d’or soviétique et symbole d’une URSS qui ambitionne de démontrer sa puissance au monde à travers le sport. Il s’agit aussi de véhiculer une bonne image de « l’homo sovieticus », comme en témoigne les scènes de fraternisation entre l’athlète soviétique Petro Denisenko et l’Américain Bob Richards en saut à la perche ou les cadeaux échangés par les rameurs des deux pays. »

MELBOURNE 1956
« Les premiers Jeux de l’hémisphère sud »

« En 1956, la localisation inédite de l’événement contraint les organisateurs à adapter le format de la compétition. Les épreuves équestres sont dissociées et déplacées en Suède pour éviter la mise en quarantaine des chevaux, obligatoire en Australie. Par ailleurs, en raison de l’inversion des saisons d’un hémisphère à l’autre, les Jeux se déroulent du 22 novembre au 8 décembre. Devant son public, l’équipe australienne brille, portée par les exploits de la sprinteuse Betty Cuthbert qui remporte trois titres, et se hisse à la troisième place du classement général. Les tensions internationales, notamment les répressions dans les États satellites de l’URSS, conduisent le comité d’organisation à transformer la cérémonie de clôture en un défilé sans distinction nationale, pour donner à voir une utopique unité du monde. »

Alain Mimoun, vainqueur du marathon
« À Melbourne, le Français Alain Mimoun participe pour la troisième fois aux Jeux Olympiques. Les précédents ont été le théâtre d’une rivalité sportive saisissante avec le Tchécoslovaque Emil Zátopek, obligeant le coureur originaire d’Algérie à se contenter par trois fois de la médaille d’argent. L’Oranais, qui avait été engagé en 1939 dans un régiment de tirailleurs algériens de l’armée française, remporte en 1956 le marathon à l’issue d’une course éprouvante et  conquiert en Australie un statut de héros national. »

L’affrontement Hongrie-URSS
« À l’automne 1956, Budapest est envahie par les chars soviétiques venus réprimer une révolte populaire contre le régime communiste hongrois. Le conflit s’exporte jusqu’à Melbourne où la demi-finale de water-polo opposant l’URSS et la Hongrie dégénère en un « bain de sang » à la suite d’une bagarre qui met un terme au match. Après les Jeux, 45 athlètes, dont la quadruple championne olympique de gymnastique Agnès Keleti, décident de ne pas rentrer en Hongrie et obtiennent l’asile politique en Australie. »

ROME 1960
« Oublier le fascisme ? »

« Les Jeux Olympiques de la XVIIe Olympiade organisés à Rome dévoilent une image, largement médiatisée par la télévision, d’un pays organisateur à la fois ancré dans un passé patrimonial et porté par la vitalité de son « miracle économique ». Des épreuves se déroulent ainsi sur des sites antiques tandis que la modernité est incarnée par de nouvelles installations sportives. Si les Jeux ont aussi vocation à célébrer le retour de la démocratie en Italie, les traces du fascisme et de ses ambitions impérialistes peinent à s’effacer. Ainsi le stade olympique trône au milieu d’un complexe érigé par Mussolini dans le but de forger les corps de « l’homme nouveau » fasciste. L’architecture, la statuaire et les inscriptions à la gloire du fascisme forment un environnement qui tranche avec les aspirations contemporaines de l’Italie. »

Abebe Bikila, une victoire impériale
« Soldat de la garde de l’empereur éthiopien Haïlé Sélassié, Abebe Bikila, qui n’a jamais participé à une compétition internationale, prend part aux Jeux à la suite de la défection d’un compatriote blessé. C’est donc à la surprise générale qu’il s’impose, pieds nus, dans le marathon. Il franchit la ligne d’arrivée sous l’Arc de Constantin où, en 1935, Benito Mussolini avait déclaré la guerre à l’Éthiopie. Cette première médaille d’or olympique pour un État africain indépendant apparaît comme une revanche sur la domination coloniale. »

Premiers Jeux Paralympiques
« Une semaine après les Jeux Olympiques, les neuvièmes Jeux de Stoke Mandeville réunissent 400 athlètes en situation de handicap issus de 23 délégations, dans huit disciplines. Créés par le médecin allemand Ludwig Guttmann, ces Jeux sont organisés depuis 1948. À Rome, ils se tiennent pour la première fois dans le cadre d’une Olympiade, principe qui perdure dès lors. Dans les années 1980, avec la création des instances officielles paralympiques, cette édition sera reconnue comme la première des Jeux Paralympiques. »

TOKYO 1964
« Un nouveau Japon »

« Les Jeux Olympiques de Tokyo sont les premiers à être organisés en Asie. Vaincu lors de la Seconde Guerre mondiale, le Japon entend montrer sa puissance économique, la troisième du monde, et réhabiliter son image internationale. Des investissements colossaux sont consentis pour l’accueil des Jeux. Le programme des épreuves intègre le judo, sport emblématique de la culture nippone. Remportant trois titres sur quatre dans cette discipline, et forte d’autres succès en lutte, en gymnastique ou encore en volley-ball — nouvellement introduit —, le Japon se hisse au troisième rang du tableau des médailles olympiques. »

Yoshinori Sakai, quand le symbole dépasse le sport
« Le choix du dernier porteur de la flamme, Yoshinori Sakai, est hautement symbolique car cet athlète est né le 6 août 1945, jour du bombardement atomique d’Hiroshima par les États-Unis. Dix-neuf ans plus tard, celui que l’on surnomme « le garçon de la bombe atomique » est choisi pour incarner la reconstruction et la paix dans un Japon qui se relève difficilement de la Seconde guerre mondiale. »

L’Afrique, puissance olympique
« Les décolonisations, dont le rythme s’accélère depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, entraînent la reconnaissance de nouveaux Comités nationaux olympiques. Quatorze pays récemment indépendants, africains en majorité, sont présents à Tokyo. Le Ghana, l’Éthiopie, le Kenya, le Nigeria et la Tunisie récoltent des médailles. L’influence de l’Afrique se fait sentir dans le processus menant à l’exclusion, en 1963, juste avant les Jeux Olympiques, de l’Afrique du Sud, gouvernée par le régime raciste de l’apartheid. »

MEXICO 1968
« Révoltes et répressions »

« Le monde est agité par la multiplication de mouvements de contestation animés par la jeunesse, en France, au Japon, aux États-Unis et dans le pays hôte des Jeux. Par le  choix d’une nation « émergente », le CIO veut prouver l’universalisme des Jeux. Mais, à cette époque, le Mexique est sous le joug d’un régime répressif. Des voix tentent en vain de s’élever en faveur d’un boycott. Dix jours avant la cérémonie d’ouverture, une sanglante répression s’abat sur une manifestation d’étudiants et d’ouvriers, entraînant une polémique internationale. »

Tommie Smith et John Carlos, la lutte contre les discriminations raciales
« Aux États-Unis, la ségrégation raciale prend fin officiellement entre 1956 et 1968, mais les discriminations envers les Africains-Américains persistent. Sur le podium du 200 mètres, Tommie Smith et John Carlos lèvent le poing, en référence au Black Panther Party qui lutte pour l’égalité raciale. Ils sont suspendus par le Comité olympique étatsunien et expulsés des Jeux. Sur la deuxième marche du podium, l’Australien Peter Norman arbore un badge « Olympic Project for Human Rights ». Cette marque de soutien déplait au Comité australien qui l’écarte des compétitions suivantes. »

Des Olympiades inclusives
« Membre de la famille Kennedy, Eunice Shriver crée la première organisation dédiée à l’épanouissement par le sport des personnes qui vivent avec un handicap mental, en particulier les enfants. La première compétition des Special Olympics se tient à Chicago en 1968. L’une des figures majeures du mouvement est l’athlète africaine-américaine Loretta Claiborne. Aujourd’hui présents dans 172 pays, les Special Olympics rassemblent plus de 5 millions de sportifs et sont reconnus par le CIO. »


« Vers un monde olympique multipolaire 1970-1990 »
« Dans les années 1970 et 1980, les stratégies d’image et les événements qui entourent les Jeux Olympiques témoignent de l’émancipation politique et économique de nouvelles nations, ainsi que de la multiplication des tensions internationales. »

« En 1972, les Jeux de Munich, censés représenter une nouvelle Allemagne en voie de réconciliation entre l’Est et l’Ouest, sont endeuillés par un attentat perpétré dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Jamais les Jeux n’avaient pris une dimension aussi tragique. Quatre ans plus tard à Montréal, les Jeux Olympiques sont l’objet du premier boycott massif de l’histoire olympique : pour s’opposer à la présence de la Nouvelle-Zélande, qui a accueilli l’équipe de rugby de l’Afrique du Sud de l’Apartheid, la quasi-totalité des pays africains refusent d’y participer. La puissante chambre d’écho médiatique des Jeux permet alors l’obtention d’une audience internationale pour lutter contre le système raciste sud-africain. »

« Les Jeux Olympiques de Moscou en 1980 sont à leur tour boycottés par les États-Unis et leurs alliés afin de protester contre l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1979. Quatre ans plus tard, l’URSS et leurs alliés refusent de se rendre à Los Angeles en 1984. Sur fond de tensions Nord-Sud en Corée, les Jeux de Séoul en 1988 préfigurent paradoxalement la fin de la Guerre froide et annoncent l’ère de la mondialisation marchande des Jeux Olympiques. »

MUNICH 1972
« De la joie à la terreur »
« Les Jeux Olympiques de 1972, attribués à Munich, doivent faire oublier les Jeux de 1936 organisés par les nazis. Sous le slogan des « Jeux de la joie », l’identité graphique proclame l’avènement d’une Allemagne de l’Ouest moderne et démocratique. Le premier objet mascotte olympique, le teckel Waldi, est décliné à l’envi : peluche, jouet à roulettes, portemanteau… La République fédérale d’Allemagne investit massivement pour rénover les infrastructures existantes et en construire de nouvelles, comme le parc olympique. Sur le plan politique, le chancelier Willy Brandt considère que les Jeux doivent permettre un rapprochement avec la République démocratique allemande, s’inscrivant dans l’Ostpolitik lancée en 1969, qui, tout en reconnaissant l’existence de deux États allemands, vise à normaliser leurs relations. »

Mark Spitz, un requin en or
« Remportant sept médailles d’or, le nageur américain Mark Spitz s’impose comme la grande figure sportive de ces Jeux. Après des résultats en demi-teinte à Mexico, Mark « The Shark » (« le requin ») arrive à Munich avec un esprit revanchard illustré par sa moustache, qu’il arbore en réaction à l’interdiction de la porter dans son université. Après l’attentat contre l’équipe israélienne, Mark Spitz est exfiltré par les services de sécurité de son pays, craignant que sa confession juive en fasse une cible. »

Mort sur les Jeux
« L’attaque terroriste du 5 septembre 1972, perpétré par le commando palestinien « Septembre noir » contre la délégation israélienne, constitue un traumatisme à la mesure de la sidération qu’elle provoque. La mort de onze athlètes israéliens suscite un émoi international accru par la décision du président du CIO, Avery Brundage, de poursuivre les compétitions. Sa formule, « The Games must go on » est perçue comme du cynisme face à la gravité des événements et du mépris à l’égard des victimes. »

MONTRÉAL 1976
« Boycott Apartheid ! »

« Depuis 1963, la voix des pays africains, récemment indépendants, est portée par l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Celle-ci lutte contre le régime sud-africain et sa politique raciste, l’Apartheid. Sur le plan sportif, le CIO a exclu l’Afrique du Sud des Jeux Olympiques depuis plusieurs années, mais ne sanctionne pas les pays qui poursuivent des relations sportives avec elle. C’est le cas de la Nouvelle-Zélande, dont l’OUA demande, quelques jours avant le début de l’événement, l’exclusion des Jeux de Montréal, menaçant d’un boycott des pays membres de l’organisation. De nombreuses délégations sont déjà sur place et, la demande d’exclusion n’aboutissant pas, ce sont finalement 22 gouvernements africains qui imposent à leur équipe de plier bagages sans prendre part aux épreuves. »

Nadia Comăneci, perfection sous contrôle
« À seulement 14 ans, la gymnaste roumaine Nadia Comaneci est l’héroïne des Jeux de Montréal. Remportant cinq médailles, dont trois d’or, elle obtient pour la première fois 10, la note parfaite, à sept reprises. L’affichage n’ayant pas été conçu pour une telle note, l’écran affiche 1.0. Étroitement encadrée et érigée en modèle par la dictature de Nicolae Ceausescu, qui lui décerne la médaille d’« Héroïne du travail socialiste », elle ouvre la voie à la participation de très jeunes gymnastes aux Jeux Olympiques. »

Une facture scandaleuse
« Les Jeux de Montréal ont coûté 1,65 milliard de dollars, somme que la ville ne finira de payer que trente ans plus tard, en 2007. Une partie des dépenses est consacrée à la sécurité, considérablement renforcée depuis l’attentat de Munich. Mais surtout, le maire Jean Drapeau veut faire de sa ville une capitale mondiale, avec des infrastructures sportives gigantesques. Cette ambition est vivement critiquée, d’autant que seule une partie des installations, surdimensionnées pour une ville comme Montréal, pourra encore être exploitée après les Jeux. »

MOSCOU 1980
LOS ANGELES 1984
« Deux Jeux, une Guerre froide »

« Les Jeux Olympiques de Moscou en 1980 et ceux de Los Angeles en 1984 correspondent à l’apogée de la Guerre froide sportive. Cet affrontement politique est largement mis en scène. Les États-Unis envisagent, dès 1978, de boycotter les Jeux de Moscou, afin de dénoncer le non-respect en URSS des droits humains. L’invasion soviétique de l’Afghanistan, en décembre 1979, en fournit le prétexte. »

« En 1984, les Soviétiques annoncent en retour, à la dernière minute, leur non-participation aux Jeux Olympiques de Los Angeles. Souvent premiers au tableau des médailles lors des Olympiades depuis 1952, ils auraient tout intérêt à venir triompher en Californie, mais ils craignent le passage à l’Ouest de leurs athlètes. »

« De part et d’autre, les modèles économiques s’opposent. À Moscou, les Jeux sont organisés par l’État, qui investit massivement et autorise des concessions, pour combattre l’image austère de la vie en URSS : 478 magasins sont ouverts et de nombreux produits dérivés siglés de l’ours Mischa sont commercialisés. À Los Angeles, les Jeux sont les premiers à être financés uniquement par le secteur privé et les professionnels sont autorisés à participer. Démonstration de la puissance du système capitaliste, les Jeux de Los Angeles sont économiquement profitables. Les cérémonies d’ouverture incarnent également ces stratégies. Toutes deux grandioses, celle de Moscou présente de majestueux tableaux célébrant l’Union soviétique, alors que celle de Los Angeles déploie, dans une ambiance hollywoodienne, une ode au mode de vie américain et à la conquête de l’Ouest, avec une modernité pleinement assumée. »

LOS ANGELES
Neroli Fairhall, une athlète paralympique et olympique
« Paralysée après un accident, Neroli Fairhall participe en 1972 aux Jeux Paralympiques dans plusieurs disciplines, sans monter sur le podium. Elle choisit ensuite le tir à l’arc et remporte une médaille d’or aux Jeux Paralympiques de 1980. Elle voudrait participer la même année aux Jeux Olympiques, mais son pays, la Nouvelle-Zélande, les boycotte. C’est donc à Los Angeles en 1984 qu’elle devient la première personne porteuse de handicap à concourir aux Jeux Olympiques après avoir pris part aux Jeux Paralympiques. »
Les premiers Gay Games, des Jeux pour tous
« Les Gay Olympics s’ouvrent le 28 août 1982 à San Francisco mais le comité olympique américain interdit l’usage du mot « olympique ». Ils deviennent, dans l’urgence, les Gay Games. Durant dix jours les rencontres sportives rassemblent 1 350 athlètes venus d’une dizaine de pays sans distinction d’âge, de performance, d’origine ou de genre. L’idée de leur initiateur, Tom Waddell, qui a participé aux Jeux de 1968, est de lutter contre la haine et les discriminations envers les personnes gays et lesbiennes. »

MOSCOU 
Władysław Kozakiewicz, un geste qui en dit long
« À Moscou, le polonais Władysław Kozakiewicz remporte le concours du saut à la perche en battant le record du monde face au Soviétique Konstantin Volkov. Au public hostile, il adresse un bras d’honneur qui fera le tour du monde. L’URSS voit dans ce geste une insulte et demande au CIO de retirer sa médaille au champion. Le gouvernement polonais refuse de sanctionner celui qui est élu sportif polonais de l’année. À l’Ouest, cette image symbolise la contestation qui bruisse dans cet État du bloc de l’Est. »

SÉOUL 1988
« La preuve par la Corée »

« La candidature de Séoul est portée par la forte croissance économique du pays. En revanche, l’instabilité politique de la Corée suscite des doutes. La Corée du Nord perçoit l’attribution des Jeux au Sud comme un a¨ront et demande à coorganiser l’événement. Devant l’échec des négociations, elle annonce son boycott et tente de déstabiliser son voisin du Sud par un attentat qui provoque l’explosion d’un avion de la Korean Air en novembre 1987. Le régime sud-coréen doit également faire face à un mouvement de contestation interne qui revendique la démocratie et l’accès aux libertés essentielles. Pour calmer la situation, des élections sont organisées, qui conduisent le pays sur une voie démocratique et libérale. Les Jeux Olympiques de Séoul sont placés sous le signe de la paix et de l’unité, comme l’exprime le thème musical officiel. »

Carl Lewis : un scandale qui ouvre les yeux
« Le sprinteur canadien Ben Johnson fait sensation lorsqu’il remporte la médaille d’or et bat le record du monde du 100 mètres, devant la star Carl Lewis. Mais deux jours après, il est disqualifié après un contrôle antidopage positif. Des cas de dopage sont décelés aux Jeux Olympiques depuis la mise en place des tests à Mexico en 1968, mais jusqu’alors la complaisance était de mise. Cette fois la résonance médiatique du scandale contribue au renforcement des sanctions à l’égard des athlètes dopés, considérés comme des tricheurs. »

Un champion à quatre jambes
« Cheval à priori trop petit pour le saut d’obstacle et doté d’un caractère difficile, Jappeloup de Luze déplaît de prime abord au cavalier français Pierre Durand, avant que celui-ci ne décide finalement d’en devenir le propriétaire. Si le couple parvient à se qualifier aux Jeux de Los Angeles, Jappeloup y refuse un obstacle et s’enfuit vers les écuries, laissant son cavalier à terre. En revanche, à Séoul, quatre ans plus tard, Jappeloup réalise un sans-faute magistral, offrant la médaille d’or à son cavalier. Il devient une star à l’égal des athlètes humains. »


Un nouveau siècle olympique 1990-2010

« La chute du mur de Berlin en 1989, suivie de la réunification des deux Allemagnes, marque la fin de la Guerre froide. Après l’éclatement du bloc soviétique, les États-Unis reprennent la tête du palmarès des nations sportives. L’entrée dans une nouvelle ère résulte aussi de l’abolition de l’Apartheid et de la libération de Nelson Mandela en Afrique du Sud, tandis que les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 consacrent un modèle commercial et médiatique. Les Jeux d’Atlanta, organisés en 1996, constituent à cet égard un tournant majeur de l’organisation des Jeux Olympiques, avec une présence accrue des marques. »

« Le XXe siècle se termine avec les Jeux de Sydney en 2000, qui doivent manifester la réconciliation avec les peuples aborigènes. Un an plus tard s’ouvre une nouvelle phase de tensions internationales, avec les attentats du 11 septembre 2001 à New York. Soumis à une forte pression sécuritaire, les Jeux Olympiques d’Athènes en 2004 se révèlent un fardeau qui plombe une économie déjà fragile. »

« Épargnés par la crise financière qui frappe l’Occident, les Jeux de Pékin en 2008 sont le théâtre d’une démonstration de force de la Chine. Le choix contesté d‘un pays qui réprime les populations ouïghours et tibétaines comme ses opposants politiques, place le CIO devant une question restée longtemps tabou : peut-on encore défendre l’apolitisme olympique ? »

BARCELONE 1992
« Un nouveau monde olympique »

« Modernisée par les investissements engagés pour accueillir les Jeux, Barcelone accueille en 1992 un monde transfiguré. La fin de la Guerre froide avec la dislocation de l’URSS a pour conséquence de réunir douze anciennes Républiques socialistes soviétiques sous le drapeau olympique et l’appellation de Communauté des États indépendants (CEI). Le régime communiste de Cuba, qui sou¨re de l’arrêt de l’aide économique de Moscou mais poursuit un politique sportive volontariste, envoie une délégation qui ramène 31 médailles. Un autre pays retrouve sa place au milieu des nations olympiques : l’Afrique du Sud. Celle-ci est réintégrée quand les lois piliers de l’apartheid sont abolies à l’été 1991. Libéré après 27 ans de détention, Nelson Mandela siège à la tribune de la cérémonie d’ouverture. »

Derartu Tulu et Elana Mayer, deux femmes pour un espoir
« La finale du 10 000 mètres féminin délivre l’une des images les plus fortes de l’histoire des Jeux Olympiques. La victoire se joue entre la Sud-Africaine blanche Elana Meyer et l’Éthiopienne noire Derartu Tulu, qui remporte l’épreuve. Après l’arrivée, les deux femmes tombent dans les bras l’une de l’autre et improvisent un tour d’honneur commun. Cette image de fraternité devient symbolique dans le monde entier. L’Afrique du Sud y trouve l’occasion de marquer une nouvelle ère, celle de la « nation arc-en-ciel ».

La Dream Team ou des stars professionnelles aux Jeux
« Après la suppression o§cielle de l’amateurisme en 1981, La Dream Team (équipe de rêve) est en 1992 le symbole de la professionnalisation des Jeux. Les joueurs de l’équipe des États-Unis de basketball évoluent en NBA, le championnat professionnel américain considéré comme le meilleur au monde. Elle rassemble des vedettes telles Michael Jordan, Larry Bird ou encore Magic Johnson. Ils écrasent littéralement tous leurs adversaires, contribuant à populariser le basket dans le monde et à apporter un nouvel éclat aux Jeux Olympiques. »

ATLANTA 1996
« Une ville aux deux visages »

« Choisir Atlanta plutôt qu’Athènes pour le centenaire des Jeux Olympiques fait polémique. La ville est le siège social de Coca-Cola, sponsor historique des Jeux et de nombreuses multinationales. Ce choix est stratégique pour le CIO qui souhaite lancer un « nouveau siècle olympique ». L’impression se répand que les Jeux Olympiques sont devenus principalement une affaire d’argent au détriment des moins favorisés. »

« L’aménagement des sites olympiques en centre-ville conduit au déplacement vers les périphéries de populations souvent issues des minorités. En contrepoint, la cérémonie d’ouverture célèbre la lutte pour les droits des Africains-Américains, avec un spectacle dédié à Martin Luther King, natif d’Atlanta. Mohamed Ali, militant historique pour les droits civiques, alors atteint de la maladie de Parkinson, allume la vasque. »

Marie-José Pérec et Laura Flessel, les Chanpyon’ françaises
« Alors que les femmes représentent pour la première fois plus d’un tiers des athlètes, deux Françaises marquent de leur empreinte l’Olympiade américaine : Marie-José Pérec et Laura Flessel, toutes deux natives de la Guadeloupe, où le terme « championnes » se dit en créole « Chanpyon’ ». Marie-José Pérec, porte-drapeau de la délégation française, remporte la médaille d’or sur 400 mètres et sur 200 mètres. « La Guêpe » Laura Flessel, conquiert l’or à l’épée en individuel et en équipe. »

Les Jeux pour cible
« Dans la nuit du 27 juillet 1996, une bombe artisanale explose au milieu de la foule dans le parc olympique, le Centennial Park. Le bilan est de deux morts et 110 blessés. Les Jeux continuent néanmoins, scandés par des moments de silence en hommage aux victimes. Héros puis suspect, l’agent de sécurité Richard A. Jewell est innocenté au terme d’une enquête très médiatisée. Le coupable, un terroriste d’extrême-droite, ciblait les « idéaux du socialisme mondialisé » portés, selon lui, par les Jeux Olympiques. »

SYDNEY 2000
« Le vernis de l’unité »

« Les Jeux Olympiques de Sydney sont l’occasion pour le gouvernement australien de rendre visible aux yeux du monde le processus de réconciliation engagé avec les populations natives d’Australie : les peuples aborigènes et du détroit de Torres. La cérémonie d’ouverture est un hommage à l’histoire de l’Australie et à la culture aborigène, célébration perçue par certains comme une folklorisation. Pendant les Jeux, ceux qui luttent pour les droits des peuples autochtones font entendre leur voix et dénoncent des inégalités persistantes. La cérémonie de clôture est marquée par le geste du groupe de rock Midnight Oil qui arbore des tee-shirts portant le message « Sorry », excuse à destination des Pintupi, victimes de spoliations et de massacres lors de la colonisation, évoqués dans la chanson Beds are Burning. »

Cathy Freeman, tout un symbole
« Athlète aborigène, originaire du Queensland, Cathy Freeman est l’héritière des « générations volées » auxquelles appartient sa grand-mère, arrachée à sa famille pour être élevée parmi les Blancs. Elle est choisie pour allumer la flamme et incarner une Australie réconciliée. Son geste le plus marquant, âprement discuté au préalable entre les dirigeants australiens et le CIO, est le tour d’honneur après sa victoire sur 400 mètres où elle brandit à la fois le drapeau australien et le drapeau aborigène, reconnu depuis cinq ans seulement. »

Les Jeux Paralympiques, une reconnaissance mondiale
« Les Jeux Paralympiques de Sydney en 2000 changent les regards en raison d’un niveau sportif exceptionnel et d’une reconnaissance grandissante. Si, depuis Séoul en 1988, ils se tiennent sur les mêmes sites que les Jeux Olympiques, les Jeux Paralympiques de 2000, en rassemblant 3 879 athlètes de 123 pays avec 18 sports au programme, marquent un tournant. Un million deux cent mille tickets d’entrée sont vendus tandis que 300 millions de téléspectateurs suivent les compétitions à la télévision. »

ATHÈNES 2004
« Retour aux sources »

« Comme en 1896, les Jeux Olympiques de 2004 à Athènes sont parsemés de symboles antiques. Ce souhait exprimé par le CIO et par les autorités du pays organisateur, légitime les Jeux Olympiques modernes. Des sites archéologiques sont rénovés, notamment à Olympie. L’emblème des Jeux figure un rameau d’olivier, qui récompensait le vainqueur lors des Jeux antiques ; un sponsor en offre un à chaque médaillé. Les mascottes, Phivos et Athina, représentent respectivement Apollon et Athéna. Le parcours de la flamme olympique traverse tous les pays ayant accueilli des Jeux Olympiques d’été ou d’hiver de l’ère moderne. La cérémonie d’ouverture est également un hommage appuyé à la mythologie, l’histoire et la civilisation grecques, comme berceaux de la civilisation européenne, mais aussi de l’olympisme. »

Pýrros Dímas, héros national
« Déjà porte-drapeau de la délégation grecque à Sydney, l’haltérophile Pýrros Dímas voit cet honneur renouvelé en raison de son palmarès impressionnant : triple champion du monde et triple champion olympique, il est l’athlète grec le plus titré de l’olympisme moderne. Le héros sportif de la nation est né en Albanie, pays qu’il quitte clandestinement en 1991 dans le cadre d’une migration massive d’Albanais vers la Grèce. Naturalisé dès 1992, Pýrros Dímas échappe au racisme qui touche les Albanais. »

Une crise en héritage
« Les investissements sont colossaux mais les retards s’accumulent. Les mesures pour y pallier pèsent lourdement sur les finances, comme le budget pour la sécurité de ces premiers Jeux Olympiques après le 11 septembre 2001, quelques semaines après l’attentat de Madrid de mars 2004 et alors que plusieurs attentats à la bombe sont survenus en Grèce. Après les Jeux, une grande partie des équipements sportifs construits pour l’événement sont abandonnés. L’accueil des Jeux Olympiques contribue à la crise économique qui frappe la Grèce à partir de 2008. »


PÉKIN 2008
« Démonstration de force »

« Avec l’accueil de ses premiers Jeux Olympiques, la Chine affirme par le biais du sport sa puissance économique et culturelle. La cérémonie d’ouverture, qui met en scène l’histoire chinoise, se tient au « Nid d’oiseau », le stade olympique à l’architecture remarquable et spectaculaire. Celui qui allume la vasque est l’ancien gymnaste Li Ning, fondateur de la marque éponyme, premier équipementier sportif du pays. Les investissements sont massifs et les équipements à la pointe. Une large couverture médiatique est opérée par une société créée pour l’occasion, afin de respecter les lois restreignant les investissements étrangers. Le bilan sportif est à la hauteur : la Chine termine en tête. Cette Olympiade soulève néanmoins des questions politiques et environnementales. »

Usain Bolt, éclair de génie
« Après un record du monde du 100 mètres, le Jamaïcain Usain Bolt figure parmi les favoris des Jeux de Pékin. Les médias suivent de près ce coureur hors normes que les sponsors s’arrachent. Pour sa première finale olympique, il établit un nouveau record du monde du 100 mètres à 9’’69, avec une aisance ahurissante, relâchant son effort à une vingtaine de mètres de l’arrivée. Quelques jours plus tard, il réitère en s’imposant au 200 mètres avec un nouveau record mondial en 19’’30, puis remporte la médaille d’or au relais 4x100 mètres. »

Contestations
« L’accueil des Jeux Olympiques par la Chine suscite une campagne internationale de défense des droits humains et de l’environnement. Le relais de la flamme cristallise les contestations. À Paris, des manifestations sont organisées. Dans ce cadre, un manifestant pro-tibétain bouscule violemment une paraescrimeuse pour lui arracher la torche. Cette image est reprise par le pouvoir chinois pour diaboliser ses opposants. Un an plus tard, le CIO impose que le parcours de la flamme demeure dans les frontières nationales. »

Olympisme et société aujourd’hui 2010-2024
« Une nouvelle époque commence à Londres en Grande-Bretagne et se prolonge jusqu’à Paris en France en 2024. Les Jeux Olympiques participent de la globalisation marquée par l’accélération des échanges et des communications. L’hypermédiatisation de ce méga-événement offre une caisse de résonance incomparable, y compris aux opposants. »

« Les Jeux de Londres en 2012 et de Rio de Janeiro en 2016 sont au coeur de débats environnementaux et sociétaux. La durabilité et l’inclusion deviennent des enjeux incontournables. Les organisateurs doivent apporter des réponses crédibles à une opinion dont la défiance s’accroît. La création d’une équipe olympique des réfugiés en 2016 répond aux critiques liées au traitement par le mouvement olympique de la question des droits humains. »

« La pandémie de Covid 19 oblige à décaler d’un an les Jeux de Tokyo prévus en 2020. L’absence de spectateurs, la réticence des Japonais à accueillir athlètes et o¥ciels étrangers alors que les politiques sanitaires imposent confinement et distanciation, contrastent avec le succès des audiences télévisées et sur internet. »

« Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 — l’unité des deux compétitions en une bannière unique (et une affiche en deux parties) est l’expression d’un changement majeur — ambitionnent d’être durables et inclusifs. »

« La question de leur coût et de leur héritage sera, sans nul doute, commentée, tout comme le bilan des sportifs et sportives français ou la présence des athlètes russes et biélorusses en plein conflit ukrainien. »

De Londres à Tokyo, en passant par Rio
Les Jeux du XXIe siècle
« Les compétitions sont marquées par des champions hors pair, tels le perchiste Renaud Lavillenie, titré à Londres, ou le nageur américain Michaël Phelps, qui termine sa carrière à Rio en 2016, avec 28 médailles dont 23 en or. Un record absolu obtenu sur quatre Olympiades. À Londres, pour la première fois, les organisateurs évaluent l’empreinte carbone des Jeux, et les réalisations effectuées à cette occasion en recyclant des matériaux, et en limitant l’usage de l’eau sont nombreuses. »

« Pourtant, depuis 2012, une forme de scepticisme s’est installée autour des Jeux Olympiques. Aux critiques sur les promesses non-tenues et l’héritage des Jeux de Londres pour la ville ont succédé celles, plus virulentes, sur les Jeux de Rio : surcoût, corruption, problèmes écologiques et déplacements de population sont dénoncés. »

« Quant à Tokyo, la pandémie de Covid-19 a heurté de plein fouet l’événement qui a finalement pu se tenir, mais sans public. Malgré ces vicissitudes, les Jeux Olympiques demeurent l’événement sportif mondial majeur et le moment le plus médiatique, tous les quatre ans, au coeur de l’été. »

Le pari des Jeux Olympiques de 2024
« Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 affichent l’ambition de se distinguer tant au niveau de la parité que de la diversité et de l’écologie. En effet, si Paris accueille pour la troisième fois les Jeux Olympiques (comme Londres en 2012 et Los Angeles en 2028), un comité organisateur unique des Jeux Olympiques et Paralympiques lui permet de se distinguer. Pour les Jeux Olympiques, un nouveau record du nombre d’athlètes, de pays représentés et de spectateurs est attendu. »

« Ce sont les premiers Jeux parfaitement paritaires. Parmi d’autres, la jeune pongiste française Prithika Pavade incarne cette nouvelle génération qui souhaite s’illustrer en 2024 et fait écho à d’autres succès olympiques de sportifs dont l’histoire se tisse au fil des migrations, depuis Constantin Henriquez, haïtien médaillé d’or pour la France en 1900. »

Les Jeux de demain ?

« Par vents et marées, adulés ou contestés, les Jeux Olympiques d’été — et désormais ceux d’hiver comme les Jeux Paralympiques — demeurent un moment partagé où les regards et les espoirs convergent. Instantané du monde, façonné à son image, ils sont faits de la richesse, de la complexité et des contradictions de nos sociétés. Mais faire voyager des millions de personnes pour vivre « en vrai », ensemble, les émotions intenses que procure le sport, vouloir être émerveillé par des performances qui repoussent toujours davantage les frontières physiques et mentales… semble difficilement compatible avec l’épuisement des ressources de notre planète. »

« En outre, l’enjeu démocratique bouleverse le principe d’attribution des Olympiades. De plus en plus de voix se font entendre pour souligner les contradictions entre les ambitions croissantes des comités organisateurs et les intérêts des populations des villes hôtes. Dans ce contexte, Los Angeles en 2028 a été choisi en même temps que Paris et le choix de Brisbane en Australie, désignée d’office pour 2032, n’a pas fait l’objet d’une sélection compétitive. »

« Enfin, l’instrumentalisation des athlètes et de la compétition par les puissances nationales et les marques commerciales posent d’importants défis, éthiques, économiques et politiques qui interpellent constamment les instances olympiques et les gouvernements, sous la pression des opinions publiques. Qu’en sera-t-il des Jeux de 2040, 2044 et 2048 ? Le e-sport ou le chessboxing deviendront-ils des disciplines olympiques ? Les épreuves seront-elles dispersées entre plusieurs pays, comme pour la Coupe du monde de football en 2030 ? Les publics seront-ils réunis virtuellement ? Les catégories masculine, féminine, olympique, paralympique, seront-elles encore de mise ? Les équipes seront-elles toujours nationales, ou les athlètes seront-ils réunis sous l’étendard d’une marque, d’un continent ou d’une diaspora ? L’histoire des Jeux Olympiques montre qu’ils muent au rythme du monde et qu’ils restent toujours une caisse de résonance de conflits internationaux et nationaux, des choix individuels et des engagements collectifs. »

COMMISSARIAT DE L’EXPOSITION

Nicolas Bancel, « historien spécialiste de l’histoire coloniale et postcoloniale, de l’histoire du corps, du sport et des mouvements de jeunesse, professeur ordinaire à l’Université de Lausanne (UNIL), chercheur au Centre d’histoire internationale et d’études politiques de la mondialisation et codirecteur du Groupe de recherche Achac. Il est directeur scientifique depuis 2019 du programme « Histoire, Sport & Citoyenneté » autour de l’histoire des Jeux Olympiques. »

Pascal Blanchard, « historien spécialiste de l’immigration, de la décolonisation et du fait colonial, chercheur-associé au Centre d’histoire internationale et d’études politiques de la mondialisation (UNIL), codirecteur du Groupe de recherche Achac, spécialiste en histoire contemporaine et documentariste. Il dirige depuis 2019 le programme « Histoire, Sport & Citoyenneté » autour de l’histoire des Jeux Olympiques. »

Yvan Gastaut, « historien spécialiste de l’histoire du sport dans ses relations aux identités, aux immigrations et aux discriminations, maître de conférences à l’Université Côte d’Azur, chercheur à l’URMIS (Unité de recherche migrations et société) au sein de la Maison des Sciences de l’Homme de Nice et du Sud-Est, membre du conseil d’orientation du Musée national de l’histoire de l’immigration, membre du conseil scientifique du Musée national du sport. Il organise depuis 2011 les Rencontres sur le Patrimoine sportif. »

Sébastien Gökalp, « directeur du musée de Grenoble depuis 2024. Il a été directeur du Musée national de l’histoire de l’immigration de 2019 à 2023. Conservateur en chef du patrimoine, agrégé d’histoire, il a travaillé à la fondation Louis Vuitton, au Musée national d’art moderne de Paris et au Centre Pompidou. »

Elisabeth Jolys-Shimells, « conservatrice en chef du patrimoine, cheffe du service des collections du Musée national de l’histoire de l’immigration. Elle est spécialiste de la muséologie de société, des enjeux patrimoniaux du témoignage ainsi que de la relecture des collections au prisme des évolutions historiographiques et sociales. »

Sandrine Lemaire, « agrégée, docteure en histoire de l’Institut universitaire européen de Florence, enseignante en classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Jean Jaurès à Reims et codirectrice du Groupe de recherche Achac, elle est également spécialiste de l’histoire coloniale française. »

Stéphane Mourlane, « agrégé et docteur en histoire, ancien membre de l’École française de Rome et maître de conférences en histoire contemporaine à Aix-Marseille Université, il est spécialiste de l’Italie contemporaine et des relations internationales au travers du sport et des migrations. Chercheur au sein de l’UMR TELEMMe à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme d’Aix-en-Provence, il enseigne aussi à Sciences Po Paris. »


4 QUESTIONS aux commissaires de l’exposition, Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Yvan Gastaut, Sébastien Gökalp, Elisabeth Jolys-Shimells, Sandrine Lemaire et Stéphane Mourlane

« Pourquoi organiser une telle exposition au Palais de la Porte Dorée ?
L’idée a émergé il y a trois ans, dans une réflexion commune entre le Palais de la Porte Dorée et le Groupe de recherche Achac. À l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, notre volonté était de raconter « autrement » l’histoire des Jeux Olympiques : celle des luttes pour l’égalité menées par les femmes et les minorités mais aussi des conflits géopolitiques, à l’image de la montée en puissance des dictatures face aux démocraties durant l’entre-deux-guerres, de la Guerre froide, des décolonisations, jusqu’à notre monde multipolaire. Cette lecture de l’histoire a toute sa place au sein du Palais de la Porte Dorée, au coeur des histoires de l’immigration, des minorités et des diasporas, recelant des enjeux très contemporains. C’est aussi une histoire à échelle humaine qui, au travers de l’engagement de sportifs et sportives, prend une forme concrète et incarnée. Nous parlons de sport, d’exploits, mais aussi d’engagements et de symboles qui sont restés dans l’histoire. Tous ces combats et, en premier lieu, les luttes pour les libertés fondamentales, la démocratie, l’égalité raciale et de genre, sont au coeur de l’exposition et de son catalogue.

Comment raconter 130 ans d’Olympiades en une seule exposition ?
L’histoire des Jeux Olympiques est d’abord celle de l’une des plus anciennes organisations internationales, le Comité international Olympique, mis en place en 1894.
Pour démontrer comment l’olympisme est un écho de l’histoire mondiale, nous avons proposé un découpage en six grandes périodes au fil des grandes ruptures du XXe siècle. Œuvres et objets de musée, archives, photographies et films croisent en permanence l’histoire et la société, mettant en exergue des figures sportives, qui éclairent autrement les champions, mais aussi révèlent des personnalités moins connues. Pour offrir un angle original aux publics, nous avons assumé des choix : il ne s’agissait pas de raconter l’histoire olympique et l’histoire mondiale de manière exhaustive, mais les moments de croisements, les événements marquants et symboliques.
Cette approche donne un rythme et une profondeur discursive aux publics spécialistes, tout en préservant une accessibilité forte pour celles et ceux qui découvriront la thématique.

Comment le Palais interroge-t-il l’avenir des Jeux à travers cette exposition ? Quels enjeux de société y seront traités ? Quelle expérience est proposée aux visiteurs ?
À l’origine, les épreuves olympiques se réduisent à la rencontre de riches hommes occidentaux.
Progressivement, les femmes ont revendiqué le droit d’y participer : combat qui aboutit, après une très longue histoire scandée de résistances, à la parité en 2024. Les pays du Sud global ainsi que les minorités et les classes populaires conquièrent également, pas à pas, une place dans l’édifice olympique. L’exposition montre comment le modèle olympique est investi par celles et ceux qui luttent pour l’égalité pour affirmer leurs identités et revendiquer leurs droits.
Avec un sujet international et une liste d’œuvres foisonnante, le risque était de proposer un livre d’histoire au mur. C’est tout le contraire qui a été réalisé, notamment grâce à un travail étroit avec l’équipe de scénographie et les médiateurs culturels du Palais. Jeux de couleurs, créativité graphique et agrandissements photographiques guident les publics dans un parcours dynamique, avec des contenus dédiés aux jeunes visiteurs et un espace privilégié pour la médiation humaine et l’interactivité.

Si vous deviez ne retenir chacun qu’un visage, qu’une histoire de cette saga pour le partager avec le public ?
Il est difficile d’isoler une figure dans cette histoire intrinsèquement collective. Pour essayer de répondre à la question, si on se place il y a cent ans, la dernière fois où Paris a accueilli les Jeux Olympiques, on peut déjà repérer une diversité d’acteurs :
- Alice Milliat : pionnière du féminisme et sportive accomplie, devant le refus du CIO d’admettre les femmes dans toutes les disciplines des Jeux, elle organise des Jeux Olympiques féminins à Paris en 1922.
- Ruben Alcais : fondateur du mouvement sportif des Sourds, qui organise les premiers Jeux Internationaux Silencieux en 1924, réunissant 150 sportifs de neuf pays. Les Deaflympics sont aujourd’hui reconnus par le CIO.
- Johnny Weissmuller : émigré de l’Europe de l’Est aux États-Unis qui, devenu apatride, doit emprunter les papiers de son frère pour se rendre à Paris, où il remporte en 1924 quatre médailles dont trois en or en natation. Grâce à ses succès, il devient pleinement américain et devient une star d’Hollywood, incarnant Tarzan dans douze films !
Chaque Olympiade sera l’occasion de découvrir ainsi les figures majeures de cette autre histoire du monde. En 1928, Ahmed Boughéra El Ouafi remporte le marathon, c’est le premier Maghrébin à remporter une médaille d’or. Bien évidemment le poing levé de Tommie Smith et John Carlos en 1968 à Mexico reste une image à la portée politique phénoménale, comme le tour d’honneur de Cathy Freeman en 2000 à Sydney, parée du drapeau australien et du drapeau aborigène. »

LE GROUPE DE RECHERCHE ACHAC

« Le Groupe de recherche Achac est un collectif international de chercheurs qui travaille sur les représentations, les discours, les imaginaires, ainsi que sur les flux migratoires autour de thématiques comme l’immigration, le sport — notamment une série d’expositions autour de la diversité des joueurs et joueuses de l’équipe de France de football et une autre sur les immigrations et les outre-mer dans le sport « Sport et diversité en France » —, l’histoire militaire, l’histoire des artistes ou la période coloniale. Ses historiens, anthropologues, politologues, spécialistes en littérature ou encore historiens de l’art structurent leurs recherches autour de plusieurs programmes traitant aussi bien des personnes issues des colonies, des immigrations et des outre-mer que des personnages du patrimoine culturel français venus des quatre coins du monde. »
« C’est dans cette perspective que, depuis 1989, le Groupe de recherche Achac multiplie les outils pédagogiques et les ouvrages lui permettant de diffuser largement ses savoirs. À travers l’édition et la publication d’ouvrages, la réalisation de séries et de films documentaires ou encore à travers des colloques, des rencontres, des festivals et des expositions pédagogiques ou grand public, le Groupe de recherche Achac s’adresse au monde scientifique et institutionnel mais aussi à des publics divers et au monde associatif, notamment aux scolaires et aux publics des quartiers populaires, et enfin au grand public via les projets audiovisuels et les grandes expositions, comme celle au Musée du quai Branly en 2012 avec Exhibitions. L’invention du sauvage (qui a été primée comme l’exposition de l’année aux Globes de Cristal), ou celle au Musée de l’Homme en 2021 Portraits de France. L’Achac et la CASDEN ont imaginé et coordonnent ensemble le programme national « Histoire, sport & citoyenneté ».



Du 26 avril au 8 septembre 2024
Musée national de l’histoire de l’immigration - Aquarium tropical
293, avenue Daumesnil - 75012 Paris
Du mardi au vendredi, de 10h à 17h30.
Le samedi et le dimanche, de 10h à 19h.

Les citations proviennent du dossier de presse.