Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

jeudi 28 septembre 2023

« Images imaginaires dans le livre illustré, d’Homère à Tolkien »

La Cité de Sorèze propose l’exposition « Images imaginaires dans le livre illustré, d’Homère à Tolkien ». Un voyage intéressant dans l'imaginaire. Tapisseries, livres romanesques, d'histoire ou scientifiques, peintures... révèlent le talent d'artistes pour représenter, du XVIe au XXe siècle, les récits de la Bible ou ceux nés de l'imagination d'auteurs aussi divers que La Fontaine, Rudyard Kipling, Jules Verne... Dès le Second Empire, l'imagerie scolaire est soignée, et au début de la IIIe République, les illustrations des manuels scolaires contribuent à diffuser le "roman national".

Raymond Aron (1905-1983) 
« ENS : L'école de l’engagement à Paris » par Antoine de Gaudemar et Mathilde Damoisel
Archives de la vie littéraire sous l'Occupation 

« Monument historique classé et labellisé Grand Site d’Occitanie, l’ancienne Abbaye école, haut-lieu d’enseignement depuis le XVIIe siècle, dénommée la Cité de Sorèze abrite le musée de l’abbaye école et l’incomparable musée Dom Robert et de la tapisserie du XXe siècle. Les bâtiments classés Monuments historiques témoignent de la longue histoire du site : abbaye bénédictine au VIIIe siècle, École royale militaire au XVIIIe siècle puis collège aux XIXe et XXe siècles »

Elle présente une exposition « Images/imaginaires » sur « l’illustration dans le livre imprimé. En quatre sections, elle propose une déambulation dans l’histoire de l’illustration du XVIe au XXe siècle sans souci réel de chronologie. L’intention est de confronter les styles et de montrer comment d’un siècle à l’autre s’organise un univers fantastique propre à susciter l’imaginaire par le texte et l’image qui l’accompagne. »

– « L’illustration de textes religieux est présente par l’enluminure et la gravure avec des pièces représentatives des XVIe et XXe siècles. Ainsi, à côté d’une rare Bible du XVIe siècle, sont exposées des planches enluminées de Dom Robert et d’Hermine David. »

– « Les ouvrages de pédagogie en usage au sein de l’école de Sorèze du XVIIIe au XXe siècle sont illustrées de planches en lien avec les sciences, l’histoire, la mythologie, la littérature. Les fables d’Ésope ou de La Fontaine ont recours aux animaux pour évoquer les situations psychologique ou morales, figures illustrées par Grandville, Benjamin Rabier, Alexander Calder ou encore Jacques Lagrange. »

– « La lecture de divertissement, en particulier les livres d’aventure. Les gravures du XIXe siècle ornent les grands classiques comme Robinson Crusoë ou les romans de Jules Verne des éditions Hetzel. Elles contribuent à plonger le lecteur dans un palpitant périple initiatique. Les artistes du XXe siècle sont présents, comme Salvador Dali, avec ses lithographies pour Don Quichotte. La saga du Seigneur des anneaux de Tolkien est à l’honneur dans l’exposition grâce à deux grandes tapisseries réalisées récemment à Aubusson à partir des aquarelles de l’auteur. Paysages oniriques qui côtoient d’autres œuvres graphiques évoquant le cycle arthurien, l’Odyssée, revisités par des illustrateurs de renom. »

– « La poésie à destination des enfants est évoquée par des aquarelles originales de Jacqueline Duhême, illustrant des textes de Jacques Prévert ou Miguel Angel Asturias et même une tapisserie, ou encore par quelques œuvres de Jean et Laurent de Brunhoff, créateurs du célèbre éléphant Babar. »

« Les pièces exposées sont issues des collections des deux parcours permanents de la Cité de Sorèze (patrimoine lié à l’enseignement et tapisserie du XXe siècle) et de nombreux prêts de collections publiques et privées. En vitrine, des ouvrages anciens et contemporains avec leurs gravures et illustrations colorées dialoguent avec tapisseries, aquarelles, enluminures et lithographies. Sont également exposés des objets et de sculptures en relation avec la thématique de chaque section, comme la maquette d’une frégate du XIXe s. »

« De nombreuses illustrations sont reprises et intégrées dans une création audiovisuelle 3D originale, produite par La Maison Production. Elle est diffusée à intervalles réguliers, à l’entrée de l’exposition pour aiguiser la curiosité du visiteur. »

L’exposition « propose ainsi un parcours à la fois instructif et ludique où les images qui ont jalonné nos lectures d’enfance réactivent notre imaginaire, depuis l’Odyssée jusqu’au Seigneur des anneaux… »

Le Commissariat d’exposition est assuré par le pôle conservation du Musée Dom Robert et de la tapisserie du XXe siècle : Brigitte Benneteu, Sophie Guérin-Gasc, assistées d’Élodie Gomez-Pradier.

Autour de l'exposition sont proposés des ateliers d'écriture de conte, un spectacle de cirque déambulatoire, et les 29 et 30 septembre, un "week-end autour de Jules Verne et du mouvement Steam punk :ciné-concert le vendredi soir, Objetarium, lecture de ses œuvres et atelier de création avec lâcher de Montgolfière."

De l’enluminure à l’image imprimée
« Le mot illustration est apparu à la fin du Moyen Âge pour désigner la « lumière apportée par Dieu pour éclairer le monde ».

« Une enluminure est une décoration exécutée à la main qui orne un manuscrit. Le terme « enluminure » est souvent associé à celui de « miniature », qui désigne une illustration. »

« La technique de l’enluminure comporte trois activités : l’esquisse, le mélange des pigments de couleurs avec la colle animale et le coloriage par couche. Beaucoup d’enlumineurs ont recours à la dorure. »

« Cette illustration se mêle au texte et tantôt s’en éloigne. Elle se présente sous la forme de scènes figurées, de compositions décoratives ou de lettrines. »

« Les techniques de l’imprimerie et de la gravure font presque disparaître l’enluminure au 15e siècle. »

« Cependant, elle reste une pratique dans les monastères et certains artistes de renom au 20e siècle y ont eu recours, comme Dom Robert ou Hermine David. »

« Les ouvrages illustrés des XVᵉ et XVIᵉ siècles sont pour la plupart des textes d’enseignement religieux et moral. Ils se répandent en Europe, constituant un répertoire d’images que l’on retrouve dans l’ensemble de l’expression artistique du temps. »

« À partir du milieu du XVIᵉ siècle, apparaissent des livres de recensement de la nature : la figuration d’animaux et de plantes, dans les livres d’histoire naturelle, fait part égale avec leur description écrite. »

Vers une lecture plus populaire
« À la fin du XVIIIe siècle, de nouveaux procédés de reproduction enrichissent la diversité des images. Le XIXe siècle devient l’âge d’or de l’illustration qui envahit la diffusion écrite destinée à un public plus large. »

« Au XVIIIe siècle, des manuels pratiques, des vies des saints, des contes et almanachs sont largement diffusés par les colporteurs. L’illustration a alors pour fonction de donner à voir et de souligner les temps forts de l’histoire. »

« Dans le même temps, la fable ou le roman illustré connaissent une grande vogue auprès du public lettré. »

« Les auteurs participent souvent au choix des illustrateurs. La gravure devient partie prenante du texte romanesque chez Jean-Jacques Rousseau, Rétif de la Bretonne, ou encore Bernardin de Saint-Pierre par exemple. »

« Certaines images sont même visiblement choisies pour le potentiel de séduction qu’elles peuvent exercer sur le lecteur. »

« Les relations entre l’illustration et la peinture du XVIIIe siècle ne sont pas sans rappeler parfois celles qui, aujourd’hui, lient la publicité au cinéma, avec notamment la mise en valeur d’une fonction commerciale de l’image, et surtout le recyclage de clichés qui puisent dans le répertoire pictural des grands peintres. »

Illustration et enseignement
« Le XIXe siècle voit la naissance de la littérature scolaire avec les libraires d’éducation. Mais l’éducation par l’image doit vaincre bien des préjugés. Synonyme de facilité, l’image est tolérée dans les livres de contes ou les fables et utilisée dans les livres de géographie, de sciences. »

« Au XIXe siècle l’illustration éducative est encore reléguée dans les images d’Épinal à qui le ministre de l’Instruction publique de Napoléon III, Victor Duruy, commande des planches pour les écoles, en même temps qu’il fait entrer l’image dans le matériel pédagogique avec un Atlas (1840) et une Histoire grecque illustrée en 1851. »

« En 1880, le ministre de l’Instruction publique, Ferdinand Buisson, crée une commission de la décoration des écoles et de l’imagerie scolaire. Les manuels scolaires répondent à un programme. Les illustrations ont alors pour but de faciliter la compréhension du texte lié aux sciences par exemple. Les illustrations des livres d’histoire contribuent à diffuser le roman national. »

« En 1882, l’enseignement des sciences à l’école primaire devient obligatoire et dans le même temps, la pédagogie par l’image se développe toujours plus en milieu scolaire. »

« Dans les livres de littérature, les illustrations ponctuent un moment-phare de l’histoire. Une légende accompagne souvent l’image. »

Illustration et aventure
« Le roman d’aventures se développe au XIXe siècle avec l’alphabétisation croissante. Longtemps étiqueté comme un genre populaire de second ordre, il doit aussi son succès aux illustrations qui l’accompagnent. Héritier des récits de chevalerie que l’on retrouve dans Don Quichotte, le roman se déploie dans les romans-feuilletons d’Alexandre Dumas, d’Émile Zola. Les romans de Jules Verne, toujours très documentés, prennent en compte les technologies de l’époque. »

« Louis Hachette mise sur l’édition de loisir à partir de 1850 que l’on se procure dans les kiosques de gares. La Comtesse de Ségur nourrit la Bibliothèque rose de petits volumes illustrés par Gustave Doré ou Bertall. L’éditeur Pierre-Jules Hetzel fait collaborer savants, écrivains et illustrateurs. Il cherche à réconcilier science et fiction et à mettre l’imagination au service de la pédagogie. Hetzel considérait l’enfant comme un lecteur à part entière et sa rencontre avec Jules Verne concrétise ses projets. »

« Dans les ouvrages destinés au jeune public, les images remplissent un rôle majeur qui va s’accentuer  au XXe siècle. Réparties dans l’ouvrage à des moments-clés de l’histoire, elles sont un jeu de piste qui accompagne le lecteur dans la magie du rêve. »

« L’illustration développe l’imaginaire des enfants, elle est une façon d’ouvrir l’esprit. Dans le même temps, elle traduit la sensibilité de l’illustrateur, son univers, et ses références culturelles. Elle est témoin de son temps. »

Comédie animale
« L’analogie entre l’homme et la bête remonte à une période très ancienne. La tradition classique voit dans cette ressemblance la preuve de l’existence de propriétés communes entre le corps et l’esprit. Le totem animal devient le symbole de caractères humains. On dit alors « fort comme un lion », « malin comme un singe », « rusé comme un renard »…

« La fable, genre très riche dans l’Antiquité, naît de cette tradition. Ces personnages amusants sont propices à développer le goût de la lecture, notamment chez les enfants. Cette pratique est reprise notamment par Jean de La Fontaine (1621-1695). »

« Grandville (1803-1847), illustrateur et caricaturiste, dessine les expressions humaines transposées sur une figure animale. Il dessine les Scènes de la vie privée et publique des animaux (1840-1842), des satires initiées par Jules Hetzel en référence à La Comédie humaine d’Honoré de Balzac. »

« Au début du XXe siècle, la représentation zoomorphe déferle sur l’imagerie enfantine. Après Beatrix Potter (1866-1943), Rudyard Kipling (1865-1936) reprend le procédé en 1902 avec ses Histoires comme ça, des récits expliquant par le texte et les dessins de l’auteur de façon imaginaire un phénomène ou une situation courante. »

« Benjamin Rabier (1864-1939) se révèle l’héritier d’une morale qui autorise la pédagogie de la carotte et du bâton, oppose la France rurale à celle de la modernité. »

Le triomphe de l’illustration
« L’invention de la photographie ouvre la voie aux procédés photomécaniques du XXe siècle, qui industrialisent la réalisation de la forme imprimante. Au XXe siècle, l’album change de forme pour devenir ce que l’on connaît aujourd’hui. La création graphique s’amplifie avec les avancées technologiques de l’offset. »

« La traditionnelle image d’Épinal et les recueils de contes en images relancent après la Première Guerre mondiale l’intérêt pour la lecture. »

« Durant l’entre-deux-guerres, les albums du Père Castor ou Les Contes du chat perché de Marcel Aymé, deviennent des bestsellers de la littérature à destination des enfants. »

« Les albums des aventures de Babar de Jean et Laurent de Brunhoff connaissent un succès phénoménal dès leur parution dans les années 1930. En passant du statut d’enfant à celui d’adulte, le héros effectue des rites de passage. Le grand format de l’album est une nouveauté, de même que l’usage des aplats d’aquarelle. »

« Cette technique est largement utilisée par les illustrateurs. C’est le cas de Jacqueline Duhême (née en 1927) qui laisse libre cours à son imagination pour illustrer des textes de poètes tels que Jacques Prévert. »

« Après la seconde guerre mondiale, l’illustration prend le pas sur le texte pour emplir toute la surface de la page ou de la double page. Au même moment, la bande dessinée prend son envol et connaît un grand succès… mais c’est une autre histoire ! »


Du 18 mai au 8 octobre 2023
1, rue Saint-Martin. 81540Sorèze
Tél. : 05 63 50 86 38
Tous les jours de 10 h à 12 h 30 et 14 h à 18 h
Visuels :
Affiche 
Tapisserie
Halls of Manwë - Taniquetil
(Palais de Manwë sur les Montagnes du monde - Taniquetil)
J.R.R Tolkien (1892-1973)
Tapisserie de basse lisse, laine et coton,
Felletin, Tissage Atelier Pinton, 2018
H. 318 cm, l. 248 cm
D’après une aquarelle originale de J. R. R. Tolkien pour The Silmarillion, Book II, Settings of Middle Earth, 1927-1928,
Collection Cité de la tapisserie Aubusson
© The Tolkien Trust 1977. Photo Studio Nicolas Roger

Vue aérienne Cité de Sorèze côté clocher Saint-Martin
©Philippe Roux

Extrait d’ouvrage
Grant Bible en françois historiee
L’Apocalypse de Jean, f.96 v°-97
Claude Davost, imprimeur
Lyon, 1506
In folio, 494 f.
Collection Abbaye-école de Sorèze. Bibliothèque ancienne

Extrait d’ouvrage
Ésope en belle humeur
D’après Ésope (fin VIIe – début VIe s. av. J-C.)
Adapté par Bruslé de Montpleinchamp et Antoine Furetière
François Foppens, 1700
Collection privée

Oeuvre picturale
Houpi et la lune (Houpi le gentil kangourou)
Jacqueline Duhême (née en 1927)
Encre, gouache, aquarelle sur papier
18,5 x 48 cm
1964
Une des illustration du texte Houpi le gentil kangourou de Claude Roy (1915-1997), première parution : éditions Delpire, 1964
Collection J. Duhême
© J. Duhême, ADAGP, Paris, 2023

Portfolio d’ouvrage
Le Philosophe scythe
Salvador DALI (1904-1989)
20 Fables de La Fontaine
Éditions Cristobal de Acevedo, 1970
Lithographie
Collection privée

Extrait d’ouvrage
La Reine de Sabah
Ouvrage L’Histoire sainte
Paul de Pitray
Illustrations de A.E. Marty (1862-1942)
Paris, édition Hachette, 1938
Collection privée

Extrait d’ouvrage
Scènes de la vie privée et publique des animaux
Études de moeurs contemporaines
Sous la direction de P-J.Stahl (pseudo de J.Hetzel)
Vignettes de Jean-Jacques Grandville (1803-1842)
Paris, Editions Hetzel, 1842
Collection privée

Extrait d’ouvrage
Les Contes du lapin vert
Benjamin Rabier (1864-1939)
Paris, Éditions Jules Tallandier, 1931
Collection privée

Oeuvre picturale
Arrivée de Babar et Céleste chez la vieille dame
(Le Voyage de Babar)
Jean de Brunhoff (1899-1937)
Aquarelle, gouache sur papier, 24 x 24 cm
1932
Une des illustrations de l’album Le Voyage de Babar, Éditions
du Jardin des Modes, 1932.
Collection privée
© Héritiers de Brunoff, 2023

Le Dr Yehuda David, Clément Weill-Raynal et Actualité juive condamnés pour avoir diffamé Jamal al-Dura


Le 29 avril 2011, la XVIIe chambre du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris a condamné le Dr Yehuda David, chirurgien, Clément Weill-Raynal, journaliste, et Actualité juive à payer solidairement 5 000 euros en dommages et intérêts à Jamal al-Dura pour l'avoir diffamé dans deux articles publiés en 2008 par cet hebdomadaire. Le Tribunal a jugé diffamatoires des propos alléguant que, le 30 septembre 2000, ce Gazaoui avait participé à une mise en scène diffusée par France 2, puis avait imputé à tort à des tirs israéliens la mort de son fils Mohammed et ses anciennes blessures afin de berner l'opinion publique, et ce, avec la complicité de médecins palestiniens. Ce jugement laisse entières certaines questions, voire en suscite d'autres notamment sur la date de l'hospitalisation à Amman de Jamal al-Dura et la "foi" de magistrats en un "rapport" médical jordanien. Ce qui affaiblit la crédibilité en ces images télévisées. Article republié en ce 23e anniversaire de la diffusion par France 2 de ce "blood libel" (allégation infondée de meurtre rituel d'un enfant non-juif par des Juifs). 

Cet article a été publié en une version américaine plus concise par Ami magazine.
That article was published in American English and in a more concise version by Ami magazine.
Les blessures de Jamal al-Dura étudiées par le Tribunal correctionnel de Paris
La Cour d’appel de Paris a évoqué les blessures de Jamal al-Dura 
« Le fusillé du mur des cons » par Clément Weill-Raynal


C'est un jugement de 13 pages à la motivation sévère, mais il ne convainc pas et ne clôt pas l'affaire al-Dura.

Des images aux "blessures"
L'affaire al-Dura a débuté le 30 septembre 2000, quand France 2 a diffusé le reportage de Charles Enderlin, son correspondant permanent à Jérusalem, déclarant en voix off sur des images signées par le cameraman palestinien Talal Abu Rahma :
« Près de l’implantation de Netzarim (bande de Gaza)… Jamal et son fils Mohamed (12 ans) sont la cible des tirs venus des positions israéliennes. Son père tente de le protéger... Une nouvelle rafale. Mohamed est mort et son père gravement blessé ».
Jamal al-Dura a été filmé alité dans un hôpital à Gaza le 1er octobre 2000, puis à Amman (Jordanie) le 5 octobre 2000 lors de la visite du roi Hussein de Jordanie.

L’image du « petit Mohamed » devient l’icône de l’Intifada II.

Ce reportage suscite des doutes, et des enquêtes dès fin 2000 de Nahum Shahaf, physicien israélien, de Stéphane Juffa, rédacteur en chef de l’agence de presse Mena (Metula News Agency). Nahum Shahaf et la Ména contestent l'authenticité des faits allégués dans ce reportage, et concluent à la mise en scène.

Au sein de la Ména, Gérard Huber, psychanalyste, et Luc Rosenzweig, journaliste confirmé, poursuivent leurs investigations. Gérard Huber publie un livre au titre significatif.

Dans son documentaire Trois balles et un enfant mort. Qui a tué Mohamed al-Dura ? diffusé en 2002 par ARD, Esther Schapira, documentariste allemande, soutient que l'enfant serait mort vraisemblablement par des balles palestiniennes. 

C'est Richard Landes, historien américain, qui parvient à interviewer Charles Enderlin, et forge le néologisme Pallywood pour désigner l'industrie audiovisuelle palestinienne de propagande

La polémique sur ce reportage controversé est alimentée par le long refus de France 2 de rendre publics les rushes du reportage, et les versions successives et contradictoires de Talal Abu Rahma qui, le 3 octobre 2000, affirme sous serment, au Centre palestinien des droits de l’homme : « L’enfant a été tué intentionnellement et de sang-froid par l’armée israélienne », puis se rétracte le 30 septembre 2002, soit deux ans plus tard, dans un fax adressé à France 2 Jérusalem : « Je n’ai jamais dit à l’Organisation palestinienne des droits de l’homme à Gaza que les soldats israéliens avaient tué intentionnellement et en connaissance de cause Mohamed al-Dura et blessé son père ».

Le 23 octobre 2004, Talal Abu Rahma a filmé (13'04") Jamal al-Dura à son domicile Gazaoui en train de montrer les cicatrices censées remonter à l'incident du 30 septembre 2000. France 2 a diffusé ce film lors d’une conférence de presse le 18 novembre 2004 afin de mettre un terme à cette controverse.

Le 19 octobre 2006, la XVIIe chambre du TGI de Paris a condamné Philippe Karsenty, directeur de l'agence de notation des médias Média-Ratings, pour diffamation à l’égard de France 2 et de Charles Enderlin : il avait évoqué une « mise en scène » de ces images. Un jugement infirmé par la Cour d’appel de Paris qui a relaxé Philippe Karsenty le 21 mai 2008.

Les 4 septembre et 25 septembre 2008, Actualité juive (1) a publié l'interview du Dr Yehuda David, chirurgien à l’hôpital Tel ha Shomer à Tel-Aviv, par Clément Weill-Raynal - article titré Les blessures de Jamal al-Dura existaient déjà en 1993 sans la moindre ambiguïté possible ! -, puis une réponse de ce journaliste à un droit de réponse de Charles Enderlin.

Le Dr Yehuda David y affirmait que Jamal al-Dura, victime en 1992, de blessures au couteau lors d’une rixe entre Palestiniens, avait d'abord été opéré dans la bande de Gaza : ces coups avaient sectionné des nerfs médian et cubital ; ils avaient induit une paralysie de la main droite. En 1994, le Dr David a opéré Jamal al-Dura à l'hôpital Tel ha Shomer à Tel-Aviv : pour restaurer la flexibilité des doigts de cette main droite, il a prélevé un tendon dans le pied et la jambe gauches du patient pour les transférer dans sa main droite. Ce chirurgien a d'une part reconnu dans des cicatrices de Jamal al-Dura au pied et à la jambe gauches ainsi qu'à la main et à l'avant-bras droit les cicatrices de blessures originelles et celles de son opération, et d'autre part, douté de l'authenticité de faits allégués par Jamal al-Dura, en particulier l'imputation à des balles israéliennes d'autres blessures (artère fémorale).

Le 9 septembre 2008, le professeur israélien Raphaël Walden a écrit un "rapport" d'une page en se fondant seulement sur "le dossier médical pour l'hospitalisation de Jamal al-Dura à l'Al-Hussein Medical City Hospital" à Amman le "1er octobre 2000". Il a listé les blessures de Jamal al-Dura selon leur localisation : "membre supérieur droit", "membre inférieur droit" et "membre inférieur gauche" en évoquant des "blessures par balles" dans les seuls deux membres inférieurs.

Le 8 février 2011, le Dr Yehuda David et Clément Weill-Raynal, journaliste à Actualité juive, ont comparu et, Serge Bénattar, directeur de cet hebdomadaire français, était représenté, devant la XVIIe chambre du Tribunal de grande instance (TGI) de Paris.  Ils étaient poursuivis pour diffamation par Jamal al-Dura, A Dura ou Dura, absent de l'audience.

10 000 euros à verser à Jamal al-Dura
Le Tribunal n'a donc pas suivi les réquisitions de relaxe des prévenus proposées par Dominique Lefebvre-Ligneul, représentant le Parquet.

Il a condamné chaque défendeur à une amende de 1 000 euros, assortie d'un sursis total, et tous trois solidairement à verser à Jamal al-Dura 5 000 euros au titre des dommages et intérêts, ainsi que 5 000 euros au titre de ses frais de justice.

Il a aussi ordonné la publication par Actualité juive d'un communiqué sur ce jugement dans le mois suivant sa notification.

Il a débouté Jamal al-Dura du surplus de ses demandes.

Une diffamation établie
La diffamation est une « allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne » (article 29 de la loi du 29 juillet 1881).

Le Tribunal estime que les six passages incriminés de ces deux articles sont diffamatoires car ils allèguent que Jamal al-Dura a participé à un incident mis en scène et qu'il a rendu "des tirs émanant de l'armée israélienne" responsables de "blessures anciennes", dans le but de tromper l'opinion publique "en faisant croire que des blessures venaient de lui être infligées au cours d'une fusillade qui avait fait perdre la vie à son fils", et avec le concours de complices médecins palestiniens.

Poursuivis pour diffamation, les prévenus peuvent être relaxés s’ils prouvent la vérité des faits allégués - exception de vérité -, ou s'ils démontrent leur bonne foi.

La « preuve des faits diffamatoires doit être parfaite, complète et corrélative aux imputations diffamatoires dans leur matérialité et toute leur portée ». Le Tribunal estime que celle des trois défendeurs ne l'est pas, et n'examine pas celle de Jamal al-Dura. Ainsi, il écarte des articles de presse et l'arrêt de la Cour d'appel de Paris de 2008 tançant Charles Enderlin au motif qu'ils ne "sont pas probants au regard des imputations dont la vérité est recherchée", ainsi que les témoignages de Richard Prasquier, président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), et de Luc Rosenzweig, journaliste ayant enquêté sur l'affaire car "ils n'ont pas permis d'établir la preuve recherchée par les prévenus". Quant à l'attestation du Dr Stéphane Romano du 7 juin 2010, certes elle reconnaît que "l'aspect de la main et le handicap au membre supérieur de ce patient sont consécutifs à un traumatisme précédent son éventuelle implication dans la fusillade d'octobre 2000", mais "la description des blessures ne permet pas d'identifier celles qui proviennent des interventions précédentes et celles qui seraient nouvelles".

Par contre, le Tribunal retient le "document médical" que Jamal al-Dura "avait présenté lors de l'entretien télévisé du mois d'octobre 2004, ainsi que la capture d'écran du rapport médical (avec sa traduction), établi par les docteurs Ahmaed Abdallah, Mohamed al Zaher et Hakem al Kadi, médecins de la cité médicale Al Hussein à Hamman en Jordanie où il avait été hospitalisé le 4 décembre 2000" et qui "constate :
- un état anémique grave dû à l'hémorragie,
- une double fracture (avec effritement osseux) au niveau de l'humérus droit,
- une fracture au niveau du bassin plus l'os de la "hanche droite",
- une section de l'artère, de la veine et du nerf au niveau de la cuisse droite (une intervention ayant été pratiquée dans la bande de Gaza),
- des blessures multiples par balles de différents calibres au niveau des deux jambes,
- d'anciennes séquelles au niveau de la main droite, avec ancienne section du nerf cubital droit".

Ces "constatations distinguent clairement des blessures anciennes de la main droite d'autres blessures dont il n'est pas dit qu'elles seraient anciennes et dont il y a lieu de croire, sur la foi de ce rapport, qu'elles auraient été constatées lors de l'admission de Jamal al-Dura à l'hôpital Al Hussein d'Hammam".

Ces constatations "n'excluent nullement l'existence de blessures survenues ultérieurement à l'intervention du docteur Yehuda David et ne permettent donc pas de rapporter la preuve des imputations diffamatoires".

Pour résumer cet extrait du jugement fondé sur un argument chronologique : sur la base de ce "rapport médical", les "constatations" lors de l'admission de Jamal al-Dura dans cet hôpital "le 4 décembre 2000" ne permettent pas, selon le Tribunal, d'exclure l'hypothèse de blessures postérieures à 1994.

Sur la bonne foi, la jurisprudence requiert la réunion de quatre conditions : l’absence d’animosité personnelle, un but légitime, la prudence dans l’expression et une enquête préalable sérieuse.

Certes, le Tribunal reconnaît l'absence d'animosité du journaliste et du chirurgien à l'égard de Jamal al-Dura, ainsi que la nécessité d'informer sur un reportage ayant donné lieu à un "débat public et la polémique" et ayant généré une "affaire internationale particulièrement médiatisée", les "images de la mort du jeune Mohammed ayant fait le tour du monde et étant devenues emblématiques de la cause palestinienne".

Cependant, le Tribunal reproche au Dr David d'avoir manqué de prudence dans ses déclarations, de n'avoir pas examiné récemment Jamal al-Dura ni lu ses dossiers médicaux à Gaza et en Jordanie avant de s'exprimer sur certaines blessures. Quant à Clément Weill-Raynal, le Tribunal blâme son "engagement rédactionnel", son "acquiescement" aux propos du chirurgien, et une rétention d'informations à l'égard de celui-ci et des lecteurs, sans "donner au lecteur des éléments contradictoires lui permettant d'apprécier "la thèse de la mise en scène" développée".

Les trois défendeurs ont interjeté appel de leur condamnation.

Des avocats interrogés, seule Me Orly Rezlan, avocate de Jamal al-Dura, m'a répondu. Le 1er mai 2011, Me Orly Rezlan s'est réjouie de cette décision qui "reflète le contenu des débats à l’audience. Le docteur David a admis que son dossier médical ne pouvait expliquer les cicatrices les plus impressionnantes constatées sur le corps de Jamal al-Dura et en particulier, la cicatrice à l’aine... Il est ainsi démontré que les blessures de Jamal al-Dura ne préexistaient pas à la fusillade. Ce procès aura permis de poser à ce médecin des questions précises et de montrer les limites de son propos”.

Carences informatives et contradictions
Pourtant, le jugement laisse dubitatif par certaines assertions - notamment l'avis négatif sur l'enquête sérieuse menée par Clément Weill-Raynal -, ses contradictions et ses carences informatives, ainsi que ses partis pris non motivés : le Tribunal cite des déclarations officielles israéliennes anciennes (octobre et novembre 2000), mais non celles plus récentes, par exemples la lettre de la Direction nationale de l'Information auprès du Premier ministre le 21 octobre 2010 réfutant toute responsabilité israélienne dans la "mort de Mohamed al-Dura" ou les déclarations de Daniel Seaman, alors responsable du Bureau de presse gouvernemental (GPO), affirmant fin septembre 2007 au cabinet israélien d’avocats Shurat HaDin que "le cameraman Talal Abu Rahma a mis en scène tout l’incident" et précisant en 2008 que ce cameraman s'était vu retirer sa carte de presse par le GPO "car il était impliqué "dans la mise en scène d'évènements dans la bande de Gaza". On pourrait donc retourner au Tribunal le reproche de rétention d'informations qu'il adresse à Clément Weill-Raynal.

A cet égard, on comprend mal les louvoiements du gouvernement israélien entre deux thèses inconciliables : celle de la "mise en scène de l'incident al-Dura" et celle de la "mort de Mohamed al-Dura" selon "une forte probabilité" par des "balles palestiniennes". Il conviendrait qu'il fixe enfin sa position, et en tire toutes les conséquences.

Ce jugement du Tribunal suscite de nombreuses questions.

1. A quelle date Jamal al-Dura a-t-il été hospitalisé dans "la cité médicale Al Hussein à Hamman en Jordanie" ?
            - "sur la foi" du rapport jordanien d'hospitalisation de Jamal al-Dura à Amman, le Tribunal écrit que ce patient y "avait été hospitalisé le 4 décembre 2000".
            - se fondant sur le "rapport médical d'hospitalisation" de Jamal al-Dura à Amman, le professeur Raphaël Walden mentionne, dans son "rapport" évoqué devant le Tribunal, une autre date d'hospitalisation : le "1er octobre 2000".
            - le film montré par France 2 devant la Cour d'appel de Paris le 27 février 2008 et sur son site Internet, indique que "le lendemain des faits", donc le 1er octobre 2000, "Jamal al-Dura est allongé sur son lit d'hôpital à Gaza" (11'13").
            - le rapport médical jordanien traduit par la Metula News Agency (ou Mena) est signé par les docteurs Issam Albshari, Mohamed Altihar et Hakim Alkadi. Il indique que Jamal al-Dura a été admis dans cet hôpital al-Hussein " le 1er octobre 2000 après avoir été transféré de la bande de Gaza, Camp de El Burej, des suites de blessures par balles deux jours avant son transfert", soit le 29 septembre 2000. Or, le reportage de France 2 sur l'incident al-Dura date du 30 septembre 2000.
            - Stéphane Juffa, rédacteur en chef de la Mena (1), a indiqué :
"en date du 26 novembre 2000, la Direction de la Coordination et des Liaisons de l’armée israélienne fait parvenir par courrier au chef de la Commission d’enquête sur les événements du 30 septembre 2000 à Nétzarim, Nahum Shahaf, un compte-rendu des "Mouvements de sorties à l’étranger de Jamal Mohamed Ahmed Dura – carte d’identité 942395930". Le rapport des mouvements de sorties est signé par Yekhezkel Dgani, le coordinateur de l’Enregistrement de la population – Mirsham Ha-okhluzinn -, l’administration israélienne en charge du Contrôle de l’Habitant. Le compte-rendu référencie les cinq derniers mouvements de Jamal. Or ce document mentionne spécifiquement que c’est le 4 octobre qu’A-Dura [Nda : "La carte d’identité israélienne et le rapport jordanien mentionnent Dura et A Dura, ce qui est équivalent", précise Stéphane Juffa] a quitté le territoire alors contrôlé par l’Etat d’Israël, au poste de l’aéroport de Dahanya, dans le sud de la Bande de Gaza".
            - le roi Hussein de Jordanie a été filmé le 5 octobre 2000 au chevet de Jamal al-Dura qui a été interviewé par deux journalistes israéliens.

C'est d'autant plus étrange qu'il ressortait des débats que Jamal al-Dura avait été hospitalisé une seule fois dans cet hôpital jordanien en 2000.

2. Quelles blessures ? Quelles cicatrices de quelles blessures ?
Il est regrettable qu'après les dix heures d'audience du 8 février 2011, et même en reprenant la teneur du "rapport médical" de trois médecins de l'hôpital Al Hussein à Amman, le Tribunal ne fournisse pas des données essentielles et indispensables : nombre, nature et localisations exacts des blessures de Jamal al-Dura attribuées aux tirs israéliens le 30 septembre 2000 au carrefour de Netzarim. De même, manquent les comparaisons entre les blessures de 1992, celles opérées en 1994 et celles datant du 30 septembre 2000.

Selon le Tribunal, ce "rapport médical" jordanien évoque des "blessures multiples par balles de différents calibres au niveau des deux jambes", et pour elles seules. Pourquoi les trois auteurs de ce "rapport médical" jordanien ont-ils tenu à spécifier la nature des blessures - "par balles" - pour ces seuls membres ? Par cette précision, ses trois auteurs ont opéré une distinction parmi toutes les blessures, selon leur nature.

A contrario, et ipso facto, les autres blessures constatées - "une double fracture (avec effritement osseux) au niveau de l'humérus droit, une fracture au niveau du bassin plus l'os de la "hanche droite", une section de l'artère, de la veine et du nerf au niveau de la cuisse droite (une intervention ayant été pratiquée dans la bande de Gaza)" et "d'anciennes séquelles au niveau de la main droite, avec ancienne section du nerf cubital droit" - ne résulteraient donc pas de balles si l'on suit la distinction opérée par ces trois médecins. Et elles ne pourraient donc pas avoir été causées par des balles israéliennes le 30 septembre 2000.

Poursuivons ce raisonnement respectueux du sens littéral du "rapport médical" rédigé par trois praticiens jordaniens :
- ce "rapport médical" jordanien exclut ipso facto toute nouvelle blessure "au niveau de la main droite" et toute nouvelle "section du nerf cubital droit". L'état de la main droite de Jamal al-Dura se trouve donc en l'état résultant de l'opération chirurgicale effectuée par le Dr Yehuda David dans un hôpital réputé de Tel-Aviv en 1994.

- pourquoi le bras droit jusqu'à la main de Jamal al-Dura, hospitalisé le 1er octobre 2000 à Gaza, est-il entouré d'un plâtre ou bandage taché de rouge (surtout au niveau de la main, 11'12'') ? Surtout si seul "l'humérus droit" a subi une "double fracture" ?

- quand "l'intervention à la cuisse droite" a-t-elle été pratiquée "dans la bande de Gaza" ? Et dans quel hôpital ?

- quid du petit rond sur la fesse droite de Jamal al-Dura présenté comme la cicatrice d'une "blessure par balle" du 30 septembre 2000, filmé par Talal Abu Rahma le 23 octobre 2004 (13'40'') et omis par ce "rapport médical" jordanien et par le Tribunal qui a vu ce film ? Admettons qu'un médecin de cet hôpital d'Amman n'ait pas vu cette "blessure par balle" sur la fesse droite de Jamal al-Dura. Mais trois !? Ces trois médecins de l'hôpital d'Amman ont-ils ausculté leur patient à son arrivée ou se sont-ils fiés au dossier médical de l'hôpital palestinien en en recopiant une partie ? De quand date ce petit rond ? A l'audience, le Dr Yehuda David avait informé le Tribunal que des Palestiniens tirent une balle dans la fesse de ceux présumés avoir collaboré avec l’Etat d’Israël.

- Combien de "blessures par balles" ? "Neuf" selon des "sources médicales palestiniennes". Le Tribunal évoque, "sur la foi" du "rapport médical" jordanien, "des blessures multiples par balles de différents calibres au niveau des deux jambes". Dans le film tourné par Talal Abu Rahma pour France 2 le 23 octobre 2004 sur les cicatrices provoquées par des "blessures par balles" le 30 septembre 2000, Jamal al-Dura dirige son index le long de tracés de ce qui semble de longues et fines cicatrices sur sa jambe gauche (13'47'') puis désigne dans sa jambe droite ce qu'il présente aussi comme deux cicatrices : une petite zone que l'on peine à distinguer et qui semble au-dessous d'un rond foncé près du genou (14'22''), et un petit rond près du pied (14'28'').

- Jambe gauche. Selon le "rapport" du professeur Walden, Jamal al-Dura a " deux blessures par balles" situées " au milieu et au tiers supérieur". Cependant, Jamal al-Dura désigne de son index ce qui semble des cicatrices qui parcourent sa jambe du genou jusqu'au pied, donc bien au-delà du "milieu" de la jambe (13'47''-14'19''). Le Dr Yehuda David affirme que certaines cicatrices datent de son opération chirurgicale en 1994.
- Jambe droite. Selon le "rapport" du professeur Walden, Jamal al-Dura aurait de "multiples blessures par balles" et une "blessure par balle au tiers supérieur du tibia". Jamal al-Dura ne désigne que deux zones de cicatrices de "blessures par balles". Pointée par l'index de Jamal al-Dura, la zone du petit rond près du pied droit apparaît dépourvue de plâtre ou bandage et sans aucune blessure le 1er octobre 2000 dans le film de France 2 (11'21'') ; elle ne peut donc pas correspondre à une blessure par balle israélienne le 30 septembre 2000, au carrefour de Netzarim. Comment Jamal al-Dura a-t-il pu se tromper ? Reste donc une "blessure par balle au tiers supérieur du tibia". Cette prétendue cicatrice est peu visible, et la caméra de Tala Abu Rahma la quitte rapidement pour se déplacer vers le petit rond près du pied.

- Quels calibres de balles ? A la différence du "rapport médical" jordanien cité par le Tribunal, le "rapport" du professeur Raphael Walden ne distingue aucune différence de calibre dans les balles censées avoir blessé Jamal al-Dura. Comment des balles de même calibre, provenant du même endroit, tirées par les mêmes soldats, peuvent elles provoquer des blessures tantôt aux "cicatrices" minuscules et rondes et tantôt aux cicatrices longues et fines ?

- Comment une fusillade aussi nourrie dans la durée - « Les balles pleuvaient autour de nous comme de la pluie » et ce, "pendant 45 minutes" selon Talal Abu Rahma -, a-t-elle pu laisser sur le corps de Jamal al-Dura si peu d'impacts de balles, toutes étrangement focalisées "au niveau des deux jambes", alors que sa tête était visible au-dessus du baril pendant 16 secondes sans être atteinte par des balles (7'58''-8'03'' et 8'19''-8'30'') ? "Les armes utilisées [par les soldats israéliens] sont des fusils d’assaut, capables de tirer par rafales et dont la cadence de tir est de six cents à huit cents coups à la minute. En supposant même qu’un seul tireur ait tiré 50 coups à la minute, le nombre de coups de feu sur une durée de 40 minutes aurait été de DEUX MILLE...", écrit l'expert balistique mandaté par Philippe Karsenty dans son rapport du 19 février 2008.

- Comment concilier "l'hémorragie" évoquée dans ce "rapport médical" jordanien et l'absence de sang sur les vêtements, le sol et le mur derrière Jamal al-Dura, pendant et après les "tirs venus des positions israéliennes" ? "Du sang sur un tee-shirt blanc, cela se voit", a ironisé le Dr David Yehuda interviewé par Michel Zerbib sur Radio J, le 5 mai 2011. Et sur un pantalon bleu aussi, serait-on tenté d'ajouter. Le commentaire du film présenté par France 2 à la Cour d'appel de Paris en 2008 allègue qu'une tache près du bras droit serait du sang (8'14''). Mais le "rapport médical" jordanien, auquel le Tribunal accorde une telle "foi", ne relève des "blessures par balles" qu'au "niveau des deux jambes".

Quel crédit accorder à ce "rapport médical" jordanien ? C'est sur ce "rapport" que le Tribunal se fonde - "il y a lieu de croire, sur la foi de ce rapport" - avant de conclure que la "preuve des imputations diffamatoires" n'est pas apportée. En fondant ainsi sa décision sur ce "rapport médical" jordanien - certaines de ses phrases contredisent notamment un autre "rapport médical" -, le Tribunal semble avoir renoncé à son devoir de statuer en droit, avec bon sens et avec logique. A noter que la justice française offre des exemples où des magistrats motivent leurs jugements en se fondant sur des rapports d'experts - psychiatre, spécialiste en immobilier - contestables par leurs imprécisions, leurs contradictions, etc. Ce qui est préjudiciable pour les justiciables qui subissent des dommages.

Curieusement, ce Tribunal qualifie de "déclaration péremptoire" une observation du Dr Yehuda David induite par son expertise acquise en particulier sur les champs de guerres au sein d'unités de Tsahal. Ce chirurgien émérite a affirmé, notamment à l'audience, que Jamal al-Dura n'aurait pas survécu - il se serait "vidé de son sang en quelques minutes sans pouvoir atteindre l'hôpital de Gaza" - si son artère fémorale avait été touchée par des balles de M16 israéliens ce 30 septembre 2000.

Une information majeure
En qualifiant de "limitée" la portée de la révélation du Dr Yehuda David, le Tribunal minore sans raison une information majeure.

En effet, en 2000, Jamal al-Dura avait attribué toutes ses blessures à Tsahal. C'est aussi ce qui ressort de ce film de Talal Abu Rahma pour France 2 et en date du 23 octobre 2004. Un film intégré dans celui montré par France 2 et Charles Enderlin à la Cour d'appel de Paris le 27 février 2008 et visible sur le site de France 2 (13'04''). En rappelant son opération de chirurgie réparatrice de 1994, le Dr Yehuda David non seulement a annihilé les allégations de Jamal al-Dura, de Talal Abu Rahma et de France 2 en ce qui concerne les membres opérés, mais a aussi réduit le crédit à apporter à leurs allégations d'autres "blessures par balles".

Et ce chirurgien se voit conforté dans ses affirmations par ledit "rapport médical" jordanien qui évoque, aux dires mêmes du Tribunal, "d'anciennes séquelles au niveau de la main droite, avec ancienne section du nerf cubital droit", et donc, a contrario, aucune autre nouvelle blessure à cette main de Jamal al-Dura.

Enfin, on peut s'interroger sur le choix de Jamal al-Dura d'avoir judiciarisé les questions visant ses blessures, alors qu'il aurait pu répondre aux questions de Clément Weill-Raynal et de Luc Rosenzweig, venir s'exprimer devant le Tribunal et surtout accepter d'être examiné par les experts d'une commission d'enquête indépendante chargée d'établir la vérité sur ce qui s'est produit le 30 septembre 2000 au carrefour de Netzarim, et dont la constitution a été demandée par Richard Prasquier, président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) en 2008, puis en 2011.

D'autant que les autorités israéliennes ont toujours indiqué qu'elles ne mettraient "aucun obstacle à ses déplacements".

Il est désolant qu'aucune des institutions publiques françaises - notamment la direction de France Télévisions, le ministère de la Culture et de la Communication et le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) - ne soit intervenue depuis tant d'années pour mettre un terme par des réponses à ces questionnements légitimes et logiques sur "l'incident al-Dura".

21es Rendez-vous de l'Histoire
Les 21es Rendez-vous de l'Histoire à Blois ont eu pour thème "La puissance des images" (10-14 octobre 2018).


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Cet article a été modifié le 15 octobre 2011 puis les 13 mai 2011, 30 septembre 2016, 2 octobre 2018, 29 septembre 2019, 2 octobre 2020, 28 septembre 2022.