Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

mardi 23 janvier 2024

« Ginette Kolinka. Itinéraire d’une survivante d’Auschwitz »

Née en 1925 dans une famille juive à Paris, Ginette Kolinka est déportée en avril 1944 au camp nazi d'Auschwitz-Birkenau (Pologne), puis au camp nazi de Bergen-Belsen et de Theresienstadt (Terezín). Libérée en mai 1945, elle retourne à Paris en juin 1945 ; sa famille est décimée. Après avoir travaillé pendant quarante ans sur un marché d'Aubervilliers, elle témoigne dès les années 2000 dans les établissements scolaires et est co-auteure de livres autobiographiquesLe Mémorial de la Shoah de Drancy présente l'exposition didactique, mais incomplète, sur « Ginette Kolinka. Itinéraire d’une survivante d’Auschwitz ». Entrée gratuite. Navette Paris-Drancy et visite gratuite les dimanches.

Raymond Aron (1905-1983) 
« ENS : L'école de l’engagement à Paris » par Antoine de Gaudemar et Mathilde Damoisel
Archives de la vie littéraire sous l'Occupation 
  
« Ginette Kolinka, survivante de la Shoah » - non rescapée de la Shoah car on ne survit pas à l’extermination, à la mort -, « a été déportée à Auschwitz en avril 1944 à l’âge de 19 ans, avec son père, son frère et son neveu. Ces derniers ont été assassinés à l’arrivée du convoi. Ginette, elle, est sélectionnée pour le travail et elle survit. » 

« Depuis plus de vingt ans, elle se rend à Auschwitz avec des groupes d’élèves. En octobre 2020, elle se trouve une dernière fois à Birkenau. Elle est accompagnée d’un journaliste, Victor Matet et d’un auteur de bande dessinée, Jean-David Morvan. De cette rencontre naît un album, dans lequel Ginette Kolinka raconte ce que fut sa vie avant, pendant et après la Shoah. » 

« Apprenant la parution de la bande dessinée intitulée Ginette Kolinka. Adieu Birkenau, le Mémorial de la Shoah initie un partenariat avec l’éditeur Albin Michel pour créer une exposition itinérante consacrée au cheminement d’une des dernières survivantes d’Auschwitz. » 

L’exposition, « tissant des liens entre les cases de la bande dessinée et les documents d’époque, archives et photographies, replace le parcours de Ginette Kolinka dans une histoire plus large de la persécution de Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale. » 

« Chaque panneau de l’exposition part d’une case de la bande dessinée éclairant une étape du parcours de Ginette Kolinka, documenté par des textes, photographies, dessins de l’époque et articles de presse. »

« À travers son itinéraire, celui de sa famille et de ses amies dont Simone Veil et Marceline Loridan, nous abordons de nombreux thèmes dont la question de la spoliation, la sélection, la question du rapport au corps, à la vie, et celle du retour… », explique Caroline François, co-commissaire de l’exposition.

« Cette exposition présente une brève partie d’un siècle de vie de Ginette Kolinka qui fut une jeune fille aimant danser et pratiquer le sport. Depuis plus de deux décennies, elle témoigne inlassablement de son itinéraire pendant la guerre. Comme elle le souligne « On a vécu quelque chose qu’aucune parole, aucun film ne peut décrire, et je ne sais pas comment on y a survécu. »

« Cette exposition existe également en version itinérante pour les établissements scolaires. »

Le commissariat de l’exposition est assuré par Tal Bruttmann, historien, et Caroline François, chargée des expositions, avec la complicité de JD Morvan et Victor Matet et le regard de Ginette Kolinka. Et en partenariat avec les éditions Albin Michel.

Elle s’inscrit dans la programmation du Mémorial de la Shoah autour du thème annuel du Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD)  : « Résister à la Déportation en France et en Europe ».

Haine
"Je ne raconte pas, je ferme les yeux et je revis ce que j'ai vécu. Et, à chaque fois, je me demande comment on a pu supporter ça. Et comment des hommes, par haine, ont pu faire ça. C'est mon cheval de bataille, la haine", a confié Ginette Kolinka à la journaliste Marion Ruggieri, qui a co-écrit deux livres sur sa vie (ELLE, 10 mai 2019) Mais c'est la haine des juifs qui a causé la Shoah.

En 2023, quand je l'ai interrogée sur ses liens avec le judaïsme, Ginette Kolinka a répondu une réponse qu'elle a du peaufiner depuis des années pour exprimer son détachement du judaïsme.

Dans un éditorial, Marion Ruggieri a écrit dans le magazine ELLE (26 octobre 2023) : 
"Ginette Kolinka a appris ce qu’il s’était passé en Israël le 7 octobre par un neveu. Les exactions, les atrocités, les femmes, les enfants, les bébés… Les représailles, la vengeance. La haine qui appelle la haine. C’est justement de ça qu’elle parle aux élèves de troisième, qui ont la Seconde Guerre mondiale et la Shoah au programme : « la haine ». Ginette Kolinka est l’une des dernières à pouvoir encore témoigner de ce passé. Elle le fait inlassablement pour dire que ça a existé – elle en est la preuve (sur)vivante – et dans l’espoir que d’autres paroles ne viennent pas effacer la sienne.
Depuis ce jour, le 7 octobre, elle s’est préservée en évitant de trop regarder les informations. En se refusant à parler politique, partisanerie, récupération. En continuant à raconter son histoire à des élèves qui ont désormais la guerre dans leur portable, à portée de main. Un flot ininterrompu d’images souvent insoutenables, parfois trafiquées, qui les percutent, comme elles nous percutent, toute la journée. Sans filtres, sans intermédiaires. Que dire ? Que faire ? Elle redoute la surenchère, que ce conflit israélo-palestinien sans fin et débordant ne s’installe ici. Alors, elle répète des phrases simples : « Nous sommes tous humains, toi, ton voisin de table ; on n’est pas obligés de s’aimer, mais on doit s’accepter ; le fanatisme, la haine, voilà où ça mène. » À nous de prendre le relais. À nous de veiller. À nous d’expliquer. De trouver les mots justes face à la terreur, d’où qu’elle vienne. C’est notre devoir, en quelque sorte. Notre dignité".
Marion Ruggieri n'ose pas dénommer le djihad du 7 octobre 2023 pour ce qu'il est. C'est le même djihad qui vise Israël et la France, et qui lui imposerait le port de la burka, et lui interdirait toute vie sociale. Et Marion Ruggieri n'a rien compris : "Les représailles, la vengeance. La haine qui appelle la haine" ? "À nous d’expliquer. De trouver les mots justes face à la terreur, d’où qu’elle vienne" ? Non, on ne doit pas mettre sur le même plan l'Etat Juif et le Hamas & autres djihadistes, civils ou membres de groupes islamistes. Et Israël est un Etat qui défend sa population dans une guerre existentielle, en respectant le droit international.  "C’est justement de ça qu’elle parle aux élèves de troisième, qui ont la Seconde Guerre mondiale et la Shoah au programme : « la haine ». Mais, la Shoah, c'est l'extermination du peuple Juif par les nazis et leurs complices. 

Carences
C’est une exposition claire, didactique, mais qui n’aborde pas les questions spécifiques aux femmes déportées : la difficulté de trouver du linge pour absorber le flux menstruel, l’émotion quand les règles ont disparu, la crainte d'une stérilité, la prise de conscience que peut-être un produit avait été administré par les nazis pour provoquer ces aménorrhées, l’éventuelle prise en charge médicale au retour des camps, la joie quand réapparaissent les règles, etc. C'est d'autant plus important que les Nazis avaient considérablement réduit la féminité des déportées, au bras tatoué.

"Dès l’arrivée au camp, les détenues recevaient des vêtements informes et avaient la tête rasée. Elles maigrissaient. Les témoignages oraux et écrits montrent que ces changements les poussaient à s’interroger sur leur identité. Erna Rubinstein, une Juive polonaise déportée à 17 ans, écrit à propos de son séjour à Auschwitz dans ses Mémoires publiés en 1986 : “Qu’est-ce qu’une femme sans splendeur sur la tête, sans cheveux ? Une femme qui n’a pas de règles ?” Il était difficile de ne pas voir ou de dissimuler les règles dans les camps. Nombre de femmes ont été surprises et se sont senties aliénées par cette publicité soudaine. À cela s’ajoutait le manque de tissu et de possibilité de se laver... La difficulté de trouver du tissu accentuait encore l’humiliation". (Courrier international, 23 août 2019)

"Il y avait toute une économie parallèle autour de ces bouts de tissu. Ils se volaient, se donnaient, s’empruntaient et s’échangeaient. Le témoignage d’Elizabeth Feldman de Jong met en lumière leur valeur. Ses règles s’étaient arrêtées peu après son arrivée à Auschwitz mais sa sœur continuait à les avoir tous les mois. Les expériences médicales comprenant des injections dans l’utérus étaient courantes mais si une femme avait ses règles, les médecins refusaient souvent de la toucher parce qu’ils trouvaient ça dégoûtant. Certaines femmes ont échappé au viol grâce à l’idée que les règles sont une chose répugnante... "Certaines adolescentes avaient leurs premières règles dans les camps, seules, alors qu’elles avaient été séparées de leur famille ou rendues orphelines. Les détenues plus âgées apportaient alors aide et conseils". (History Today, 5 mai 2019) 

Lors du vernissage presse, seule une journaliste a interrogé Ginette Kolinka sur ce sujet sensible. 

Les commissaires de l'exposition n'ont pas assuré ce travail historique de recherche en amont de l'exposition afin de l'abonder par les réponses de Ginette Kolinka. Par manque d'intérêt ? Par ignorance ? Par indifférence ? C'est pour le moins regrettable.

C'est d'autant plus curieux que certaines thématiques, telles les violences sexuelles dont ont été victimes les femmes juives, en particulier dans les ghettos et dans les camps nazis, constituent des thèmes de recherche explorés aux Etats-Unis par des historiens, spécialistes de l'Histoire de la Shoah.

Livres
En 2019, les éditions Grasset ont publié « Retour à Birkenau » de Ginette Kolinka et Marion Ruggieri. Un "récit de Ginette Kolinka, dans la lignée de "Et tu n'es pas revenu" de Marceline Loridan-Ivens."

"Moi-même je le raconte, je le vois, et je me dis c'est pas possible d'avoir survécu..." "Arrêtée par la Gestapo en mars 1944 à Avignon avec son père, son petit-frère de douze ans et son neveu, Ginette Kolinka est déportée à Auschwitz-Birkenau : elle sera seule à en revenir, après avoir été transférée à Bergen-Belsen, Raguhn et Theresienstadt. Dans ce convoi du printemps 1944 se trouvaient deux jeunes filles  dont elle devint amie, plus tard : Simone Veil et Marceline Rosenberg, pas encore Loridan – Ivens."

"Aujourd’hui, à son tour, Ginette Kolinka raconte ce qu’elle a vu et connu dans les camps d’extermination. Ce à quoi elle a survécu. Les coups, la faim, le froid. La haine. Les mots. Le corps et la nudité. Les toilettes de ciment et de terre battue. La cruauté. Parfois, la fraternité. La robe que lui offrit Simone et qui la sauva. Que tous, nous sachions, non pas tout de ce qui fut à Birkenau, mais assez pour ne jamais oublier ; pour ne pas cesser d’y croire,  même si Ginette Kolinka, à presque 94 ans, raconte en fermant les yeux et se demande encore et encore comment elle a pu survivre à "ça"..."

En 2020, l'éditeur Rageot a publié "Ginette Kolinka, survivante du camp de Birkenau" de Ginette Kolinka et Marion Ruggieri, avec une postface de Jean-Pierre Lauby. L'adaptation en bande dessinée du livre précédent. "Arrêtée à 19 ans par la Gestapo en mars 1944 avec son père, son petit frère et son neveu, Ginette Kolinka est déportée à Auschwitz-Birkenau. Elle sera seule à survivre, malgré la faim, le froid, les coups et le travail forcé. Après une vie de silence, elle a choisi de témoigner et, désormais, selon ses mots, elle va «  dans les établissements scolaires pour montrer où mène la haine  ». Le livre a été réédité en 2023.

En 2023, les éditions Grasset ont édité "Une vie heureuse" de Ginette Kolinka et Marion Ruggieri. "Sortie du livre à l'occasion de la 78ème commémoration annuelle de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau."

"Ginette Kolinka, qui va fêter ses 98 ans, habite le même appartement depuis qu’elle a dix ans. Elle a toujours vécu là, rue Jean-Pierre Timbaud, au cœur de Paris, à l’exception de trois ans  : de 1942 à 1945. Cet appartement, c’est sa vie qui défile devant nos yeux."

"Il y a les portraits de ceux qui ne sont pas revenus de Birkenau  : son père, son petit frère, son neveu. Les disques d’or de son fils unique, Richard, batteur du groupe Téléphone. Les photos de ses cinq sœurs, Ginette est la cadette, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants. Les dessins des écoliers, à qui elle raconte désormais son histoire, tous les jours, aux quatre coins de la France. Et même les meubles qu’ont laissés les «  collabos  ». Ginette nous fait la visite. On traverse le temps  : l’atelier de confection de son père, la guerre, ce mari adorable et blagueur. Les marchés, qui l’ont sauvée. Et les camps qui affleurent à chaque page, à chaque pas. Mais Ginette, c’est la vie  ! Le grand présent. «  On me demande pourquoi je souris tout le temps, mais parce que j’ai tout pour être heureuse  !  »

En 2023, les éditions Albin Michel ont publié "Adieu Birkenau", un album de bande dessiné dont le texte est signé par Ginette Kolinka, Jean-David Morvan et Victor Matet, et les dessins par Ricard Efa, Roger Sole et Cesc. Sélection Prix BD FNAC/FRANCE INTER 2024

"En avril 1944, à 19 ans, Ginette Kolinka est déportée au camp d'extermination Auschwitz II-Birkenau. Elle n'en parle pas durant 50 ans, avant d'accepter d'être filmée pour la "Shoah Foundation", que Steven Spielberg vient de créer. À la grande surprise de la septuagénaire, les souvenirs enfouis rejaillissent. Elle se lance à corps perdu dans le témoignage. En octobre 2020, à 95 ans, elle permet à Victor Matet et Jean-David Morvan de l'accompagner lors d'un de ses voyages de groupe en Pologne, à l'issue duquel elle décide de ne plus jamais revenir."

"Dans cet album bouleversant mis en images avec pudeur et puissance par Efa, Cesc et Roger, elle fait le point entre son premier et son dernier passage dans " le plus grand cimetière du monde " avec ce mélange unique de force, d'humour et d'espoir qui la caractérise."

En 2023, les éditions Des ronds dans l'O ont publié, en partenariat avec la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, "Ginette Kolinka. Récit d'une rescapée d'Auschwitz-Birkenau" d'Aurore D'Hondt. "Arrêtée parce que Juive en mars 1944, Ginette Cherkasky est déportée dans le camp de concentration et d'extermination de Auschwitz-Birkenau. Elle en ressort vivante avec le matricule 78599 tatoué sur le bras. Seule rescapée des membres déportés de sa famille, elle nous transmet son témoignage et nous met en garde : " Voilà où mène la haine. " La haine des Juifs.



L'exposition suit l'ordre chronologique pour évoquer le parcours de Ginette Kolinka.

LA FAMILLE
Ginette Kolinka « est née Ginette Cherkasky le 4 février 1925, à Paris. Elle est la fille de Léon et de Berthe Cherkasky. Le couple a six filles : Léa (née en 1909), Suzanne (1912), Sophie (1915), Lucienne (1918), Jacqueline (1922) et Ginette, qui est la cadette, et un fils Gilbert né en 1931. » 

L’OCCUPATION
« À Paris, dès les premiers jours de l’Occupation, les Allemands favorisent le développement de l’antisémitisme. Les Allemands promulguent les premiers textes antisémites, tout comme le régime de Vichy avec le Statut des Juifs. Début octobre 1940, tous les Juifs habitant la capitale sont tenus de se faire recenser, sous peine d’amende et de prison, et de se présenter dans un commissariat. Léon Cherkasky obtempère, comme des dizaines de milliers de Parisiens. » 

« Dans les mois qui suivent, les interdictions et mesures vexatoires décidées par les Allemands se succèdent : interdiction d’entrer dans les jardins publics, confiscation des postes de radio, interdiction de sortir entre20 h et 6 h, obligation de monter dans le dernier wagon du métro, le seul autorisé pour les Juifs. En avril 1941, l’occupant interdit aux Juifs tout emploi les mettant en contact avec du public. Puis, au cours de l’été 1941, ce sont Léon et sa fille Léa qui ne peuvent plus travailler, à la suite de la loi promulguée par le gouvernement de Vichy pour déposséder les Juifs de leurs biens, à commencer par les entreprises. » 

« Léon Cherkasky et Léa perdent ainsi leur atelier, qui passe sous le contrôle d’un administrateur provisoire nommé par le commissariat général aux Questions juives. Fin mai 1942, une nouvelle mesure est décrétée par les Allemands : le port obligatoire de l’étoile jaune pourles Juifs en zone occupée. Les Cherkasky se présentent donc au commissariat du XIe arrondissement pour se soumettre à l’obligation. Ginette porte dès lors la marque imposée par l’occupant. »

LA ZONE LIBRE
« Début juillet 1942, les Cherkasky fuient Paris pour se réfugier en zone libre. En quelques jours, ils se procurent de faux papiers avec de nouvelles identités et trouvent un moyen de franchir la ligne de démarcation. »
 
« La famille se sépare en plusieurs groupes et tous doivent se retrouver à Aix-les-Bains une fois la ligne franchie. Les Cherkasky se rendent dans le Vaucluse et s’installent à Avignon. Léon réussit à se procurer de faux certificats de baptême. Afin de subvenir aux besoins de la famille, toutes les filles se mettent en quête d’un emploi. Ce répit est bref. En novembre 1942, l’armée allemande entre en zone libre. La Wehrmacht, comme la police allemande, s’installent à Avignon, faisant à nouveau planer le danger. »

L’ARRESTATION 
« Le 13 mars 1944, Ginette, Léon, Gilbert et Georges sont arrêtés à leur domicile. Tous les quatre sont emmenés et détenus durant deux jours, avant d’être transférés à Marseille, à la prison des Baumettes. Ginette est séparée de Léon, Gilbert et Georges, et détenue dans une cellule avec d’autres jeunes filles juives. Leur détention dure quinze jours : le 1er avril, les Allemands extraient tous les Juifs de la prison des Baumettes. Cinquante-cinq personnes, dont Ginette, Léon, Gilbert et Georges, sont conduites à la gare Saint-Charles pour être transférées au camp de Drancy, dans la banlieue de Paris. »

LE CAMP D’INTERNEMENT ET DE TRANSIT DE DRANCY
« À Drancy, camp d’internement et de transit, hommes et femmes sont séparés et logent dans des chambrées distinctes. Ginette, qui a été affectée aux cuisines du camp et effectue des corvées de pluches, retrouve parfois son père, son frère et son neveu dans la cour du camp, quand les prisonniers sont autorisés à s’y rendre. D’autres membres de la famille, du côté de Berthe, se trouvent aussi détenus à Drancy au même moment. »

LE CONVOI 71
« Le 13 avril, à 5 heures du matin, les 1 502 personnes désignées pour la déportation sont rassemblées dans la cour de Drancy et embarquées dans des autobus qui les emmènent jusqu’à la gare de marchandise de Bobigny. C’est là que les attend le convoi 71. » 

« Les prisonniers, sous la surveillance d’Allemands en armes, sont embarqués dans les wagons de marchandises. Dans ce convoi, parmi les 295 enfants, se trouvent, outre le frère de Ginette et son neveu, 34 des enfants arrêtés lors de la rafle contre la maison d’Izieu dans l’Ain et 12 des enfants arrêtés lors de la rafle contre le refuge clandestin de la Martellière à Voiron (Isère). »

BIRKENAU 
« Ce n’est que dans la nuit du 15 au 16 avril 1944 que le train atteint sa destination et arrive à Auschwitz. Après le débarquement chaotique sur la Judenrampe, les SS séparent les hommes et les femmes pour la« sélection ». 

« Léon Cherkasky et son fils Gilbert, ainsi que les 1 112 autres personnes qui n’ont pas franchi la « sélection », parcourent à pied ou en camion le plus d’un kilomètre et demi qui sépare la Judenrampe du centre de mise à mort, le site dévolu à l’assassinat de masse de la « solution finale de la question juive ». Aucune des 1 114 victimes du convoi 71 envoyées vers les chambres à gaz durant la nuit du 15 au 16 avril 1944 n’a pénétré dans le camp de concentration de Birkenau – ni même ne l’a vu. »

« Ginette, elle, a été sélectionnée pour le travail, et devient la prisonnière 78 599. Après l’enregistrement, Ginette et ses camarades de déportation sont envoyées au camp des femmes dans le secteur B Ia. Une partie d’entre-elles est affectée au block 9, un bâtiment de briques où les SS entassent 700 personnes, et souvent davantage encore. Les prisonniers dorment dans des niches, constituées de trois étages superposés – appelées dans l’argot du camp des coya. À chaque étage, de 6 à 8 prisonniers doivent prendre place chaque nuit. Ginette partage dès lors sa coya avec d’autres Françaises : Yvonne Jacob et ses deux filles, Madeleine et Simone, ainsi que deux autres jeunes filles, Marceline Rozenberg et Hélène Weinberg. Durant plusieurs mois, ces femmes vont être affectées aux mêmes corvées et travaux. Les quatre plus jeunes filles développent alors des liens de solidarité et d’amitié très forts. »

« Ginette, Marceline, Hélène et Simone creusent des tranchées, posent des rails et réalisent d’autres travaux de force, qui constituent leur quotidien de détenues de Birkenau. Puis ce sont d’autres corvées et travaux qui se succèdent au fil des semaines, comme ceux dans une carrière où les femmes doivent casser des cailloux, chargés ensuite dans des wagonnets, ou encore la construction de baraques. »

« Durant cette période, Ginette croise une cousine également déportée, qui lui dit avoir vu Georges. C’est la dernière fois qu’elle aura de ses nouvelles. Son neveu, tout comme cette cousine, ne reviendront pas de déportation. Fin octobre 1944, face à l’avancée de l’Armée rouge, les SS commencent les transferts d’évacuation d’Auschwitz. Le 28 octobre, Ginette et Marceline sont embarquées dans un convoi qui quitte Auschwitz. Parmi les 1 308 femmes juives qui le constituent, se trouvent également Anne Frank et sa soeur Margot. »

DE BERGEN-BELSEN A THERESIENSTADT
« Après plusieurs jours de transport dans des conditions très dures, les prisonnières arrivent le 8 novembre 1944 à Bergen-Belsen, où règne un immense chaos. Dans le camp, qui commence à être surpeuplé, d’immenses tentes ont été installées pour les nouvelles arrivantes. Ce sont bientôt 8 000 femmes, dont Ginette, qui s’entassent sous ces toiles, où elles doivent dormir sur de la paille, à même un sol gorgé d’eau. Durant près de trois mois, jusqu’au début de février 1945, Ginette est détenue dans ces conditions chaotiques, sans jamais être assignée à un Kommando de travail, tout en subissant régulièrement les appels et autres violences des SS. Le 4 février, jour de ses 20 ans, un appel oblige les prisonnières à rester de nombreuses heures dans la neige et le froid glacial. Trois jours plus tard, 500 femmes juives sont désignées pour aller travailler à Raguhn dans une usine dépendant du camp de Buchenwald. »

« Parmi elles, Ginette et certaines de ses camarades du convoi 71. Les prisonnières passent plus de trois jours dans le convoi qui les transfèrent vers un nouveau camp, Raguhn, distant de près de 230 kilomètres de Bergen-Belsen. »

« Les conditions de vie dans le camp de Raguhn sont, en apparence, meilleures qu’à Auschwitz ou Bergen-Belsen. Les prisonnières se voient remettre la tenue rayée des camps, ce qui est une première pour Ginette, après près d’un an dans le système concentrationnaire vêtue de hardes. Mais rapidement la nourriture vient à manquer et le camp est envahi de poux : en quelques semaines, plus de 10 % des détenues tombent malades. Début avril 1945, face à l’avancée des troupes américaines qui approchent rapidement par l’ouest, les SS décident d’évacuer le camp. » 

« Environ 480 femmes encore en vie, dont un nombre important est malade, sont embarquées le 12 avril dans un convoi en direction du camp-ghetto de Theresienstadt. »

« Le 4 mai, les SS fuient face à l’approche de l’Armée rouge, qui entre dans Theresienstadt le 6 mai. Entre-temps, un comité de sauvetage de médecins et d’infirmières tchèques entre en action afin de venir en aide aux milliers de malades du typhus qui ravage Theresienstadt. »

« Plus de 1 500 prisonniers en meurent en quelques jours. À l’arrivée des Soviétiques, Ginette tombe dans le coma. Elle reste alitée dans cet état pendant plusieurs semaines, jusqu’à début juin. »

LE RETOUR
« À partir de début juin 1945, les rescapés français de Theresienstadt sont rapatriés en France par avion, de Pilsen à l’aéroport de Lyon-Bron. Là-bas, Ginette, encore affaiblie, est prise en charge par le centre d’accueil des rapatriés. Elle pèse alors 26 kilos et a la tête encore rasée, à cause des poux. »

« Ginette est transférée à Paris à l’hôtel Lutetia, lieu où sont accueillis tous les déportés de retour des camps. Elle n’y reste que quelques heures et décide de rentrer à l’appartement familial rue d’Angoulême. Sa mère lui ouvre la porte et l’accueille avec émotion. Berthe espère encore que Léon, Gilbert et Georges vont eux aussi rentrer. Ginette doit lui annoncer que Léon et Gilbert ne reviendront pas. Le sort de Georges est alors inconnu, mais lui non plus ne rentrera pas de déportation, tout comme sa mère Léa, soeur de Ginette, et les autres membres de la famille déportés durant l’Occupation. »

LA TÉMOIN
« De sa déportation, Ginette Kolinka ne parlera pas durant de longues décennies. Mariée avec Albert Kolinka, avec qui elle a un fils en 1953, Richard, Ginette travaille comme marchande foraine au marché de la Porte de la Villette à Aubervilliers jusqu’aux années 1990. Ce n’est qu’une fois à la retraite qu’elle commence à raconter son histoire. D’abord en livrant son témoignage pour la première fois en 1997, lors de la collecte réalisée par la fondation Spielberg. Puis en acceptant en 2003 de suppléer l’absence d’une membre de l’Amicale qui devait accompagner des élèves lors d’une visite à Auschwitz. »

« Dès lors, durant deux décennies, Ginette accompagne inlassablement des groupes sur le site d’Auschwitz-Birkenau, témoignant de son quotidien au camp. En octobre 2020, elle effectue pour une ultime fois une visite avec des lycéens à Auschwitz. Depuis, elle continue à intervenir dans les établissements scolaires à travers la France. Elle témoigne également pour tous ceux qui ne sont pas revenus. Infatigable passeuse de mémoire, elle fait de la transmission aux jeunes générations son combat de tous les jours. »


Du 1er octobre au 28 janvier 2024
110-112 Av. Jean Jaurès. 93700 Drancy 
Tél. : 01 42 77 44 72
Tous les jours, sauf le vendredi et le samedi, de 10 h à 18 h.
Entrée gratuite
Navette Paris-Drancy et visite gratuite les dimanches 
Visuels :
Ginette sur sa photo d’identité de 1942, à Avignon.
Coll. Mémorial de la Shoah/coll. Ginette Kolinka

De gauche à droite, sa soeur Jacqueline, sa nièce Evelyne, Ginette, une amie, son neveu Georges dit Jojo, fils de Léa, leur cousin Roger, Gilbert, le frère de Ginette, et leur cousin Claude le frère de Roger.
Le Portel, Pas-de-Calais, France, 1935-1936.
Coll. Mémorial de la Shoah/
coll. Ginette Kolinka.

Prisonnières astreintes à des travaux de construction à Auschwitz.
© Yad Vashem

Une femme libérée au camp de concentration de
Bergen-Belsen. Dessin réalisé par le soldat britannique Eric Wilfred Taylor, 1945
© Imperial War Museum
(Art.IWM ART LD 5586).

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