Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

lundi 22 janvier 2024

« Gertrude Stein et Pablo Picasso. L’invention du langage »

Le musée du Luxembourg présente « Gertrude Stein et Pablo Picasso. L’invention du langage » (Gertrude Stein and Pablo Picasso. The invention of language). Une exposition qui explore l'influence de l'amitié entre la collectionneuse d'art et essayiste lesbienne cultivée 
juive américaine Gertrude Stein (1874-1946) et le peintre espagnol cubiste Pablo Picasso (1881-1973), ainsi que l'influence de Gertrude Stein sur des artistes durant les décennies suivant son décès. Peu convaincante, d'autant plus que la chronologie occulte le rôle ambigu de Gertrude Stein sous l'Occupation.

Picasso, Léger, Masson : Daniel-Henry Kahnweiler et ses peintres
21 rue La Boétie. Picasso, Matisse, Braque, Léger... 
Le monde d'Albert Kahn. La fin d'une époque
« Le monde d’Albert Kahn. Moyen-Orient : la naissance des nations » de David Okuefuna 
« Une élite parisienne. Les familles de la grande bourgeoisie juive (1870-1939) » par Cyril Grange
La collection Jonas Netter. Modigliani, Soutine et l'Aventure de Montparnasse

« Un écrivain devrait écrire avec ses yeux et un peintre peindre avec ses oreilles »
« A writer should write with his eyes and a painter paint with his ears » (Gertrude Stein, What Are Masterpieces, Los Angeles,
Conference Press, 1940, notre trad.).

« L’amitié entre l’artiste Pablo Picasso et l’écrivaine Gertrude Stein s’est cristallisée autour de leur travail respectif, fondateur du cubisme, à partir de ce qui constitue leur pratique littéraire et picturale : décomposition analytique des objets du quotidien, du langage et de la peinture, sérialité, circularité et répétition – autant de formulations et de trouvailles fondatrices des avant-gardes picturales et littéraires du XXe siècle. »

« Gertrude Stein est une immigrée américaine, juive, homosexuelle, installée à Paris, rue de Fleurus, peu après l’arrivée en 1901 de Pablo Picasso, jeune artiste espagnol. Leur position d’étrangers, maîtrisant approximativement le français, leur marginalité fondent leur appartenance à la bohème parisienne et leur liberté artistique. »

« Leur postérité est immense. Examiner leur complicité, leur inventivité et suivre le parcours de Gertrude Stein entre Paris et les États-Unis, permet d’esquisser une traversée des approches conceptuelles, performatives et critiques de l’art, de la poésie, de la musique et du théâtre à travers de grandes figures de l’art américain : John Cage, Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Merce Cunningham, Nam June Paik, Yvonne Rainer, Lucinda Childs, Trisha Brown, Ray Johnson, Bruce Nauman, Carl Andre, James Lee Byars, Joseph Kosuth, Hanne Darboven, Andy Warhol, Glenn Ligon, Ellen Gallagher, Gary Hill, Deborah Kass, Felix Gonzalez-Torres... »

« Ainsi l’exposition, organisée par la Réunion des musées nationaux - Grand Palais avec la collaboration et le soutien exceptionnel du Musée national Picasso-Paris,  entend porter un éclairage inédit et documenté sur l’oeuvre poétique mal connue de Gertrude Stein, en regard des peintures et des sculptures de Picasso, le « Paris Moment » (rue de Fleurus et rue Christine, à deux pas du musée du Luxembourg qu’elle fréquente assidument). La postérité américaine de ce dialogue forme la seconde partie du parcours, l’« American Moment », avec des œuvres emblématiques issues de l’écriture steinienne, des années 1950 à nos jours : depuis le Living Theater et les expérimentations musicales, plastiques et théâtrales néo-dada et fluxus, en passant par l’art minimal autour du langage et du cercle, jusqu’aux œuvres néo-conceptuelles et critiques. »

« Une série de portraits et d’œuvres hommages, comme le fameux polyptique Ten Portraits of Jews of the Twentieth Century d’Andy Warhol ou des photographies de Cecil Beaton, évoque l’icône Gertrude Stein. »

« Cette exposition est programmée dans le cadre de la Célébration Picasso 1973-2023, coordonnée par le Musée national Picasso-Paris, qui à cette occasion partage sa collection par le prêt exceptionnel de 26 œuvres de sa collection essentiellement centrées autour des années héroïques des Demoiselles d’Avignon et du cubisme, ainsi qu’un ensemble d’archives remarquable. La Célébration Picasso et l’exposition sont placées sous le haut patronage de la Présidence de la République. »

« Un programme de performances conçues par le metteur en scène Ludovic Lagarde accompagne l’exposition pour faire entendre l’écriture cubiste de Gertrude Stein. Ces performances de 30 à 40 minutes auront lieu à l’occasion des nocturnes du lundi à 19h et 20h30, pendant toute la durée d’ouverture au public de l’exposition (hors vacances scolaires et 2 octobre) dans la salle Tivoli adjacente aux espaces d’exposition (sur simple présentation du billet de l’exposition). »

La commissaire générale est  Cécile Debray, Présidente du Musée national Picasso, Paris, et la commissaire associée Assia Quesnel, historienne de l’art.

Si cette exposition semble convaincante dans sa première partie traitant vraiment le titre de l'exposition, la deuxième partie sur la postérité de Gertrude Stein écarte Picasso. Ce qui suscite une impression gênante.

En outre, la chronologie de la vie de Gertrude Stein occulte son rôle ambigu durant l'Occupation. 


Textes des salles

« Gertrude Stein / Pablo Picasso
L’invention du langage »

« A writer should write with his eyes and a painter paint with his ears »
« Un écrivain devrait écrire avec ses yeux et un peintre peindre avec ses oreilles »
Gertrude Stein, 1940

« Gertrude Stein (1874-1946), première collectionneuse de Pablo Picasso (1881-1973), est une des grandes figures de la littérature d’avant-garde américaine du XXe siècle. Le portrait que Picasso réalise en 1906, quelques mois après leur rencontre, scelle aux yeux de la postérité leur alliance amicale et artistique autour du cubisme, entre peinture et écriture. L’histoire de leur amitié est bien connue, grâce notamment au récit de Gertrude Stein dans l’Autobiographie d’Alice Toklas (1933). »  Celle-ci était sa compagne, et une essayiste juive américaine d'origine polonaise (1877-1967)

« Paris Moment ». La genèse croisée de leurs œuvres respectives a fondé en grande partie le cubisme dont les œuvres auront des répercussions majeures durant la seconde moitié du XXe siècle sur l’art moderne et contemporain – l’expressionnisme abstrait, l’art conceptuel et minimal, les scènes performatives. »

« American Moment ». La radicalité poétique de Gertrude Stein, qui s’est élaborée à travers un dialogue avec la peinture et surtout avec Picasso, est la pierre angulaire des premières avant-gardes de la culture américaine sur laquelle se fondent les mouvements expérimentaux performatifs et musicaux des années 1950 et 1960, autour de John Cage et de Merce Cunningham, du Living Theater, de Fluxus, du Pop Art, de l’art minimal.

« Jusqu’à aujourd’hui, Gertrude Stein, qui a ouvertement affirmé son homosexualité, fait figure d’icône et irrigue des relectures conceptuelles et queer très actuelles, depuis Warhol jusqu’à Felix Gonzalez-Torres, Ellen Gallagher ou Glenn Ligon. »

« Cette exposition est organisée en collaboration avec le musée national Picasso-Paris dans le cadre de la Célébration Picasso 1973-2023, à l’occasion des cinquante ans de la disparition du peintre. »

Paris Moment
« America is my country and Paris is my hometown. »
« L’Amérique est mon pays et Paris est ma ville. »
G. Stein, 1936

« Pablo Picasso arrive à Paris en 1902, Gertrude Stein, deux ans plus tard. Le peintre espagnol, s’installe à Montmartre, dans un atelier précaire au Bateau-Lavoir, l’écrivaine américaine dans une petite maison d’artisan, rue de Fleurus à deux pas du musée du Luxembourg. L’un et l’autre sont des étrangers attirés par la métropole artistique et libérale qu’est Paris. La question de leur identité culturelle – espagnole ou américaine – est au cœur de l’oeuvre de Stein, dès son arrivée alors qu’elle imagine son grand livre The Making of Americans. Elle est d’abord sous-jacente chez Picasso, pour s’affirmer franchement lorsque l’artiste se placera en exil de l’Espagne franquiste. La position d’extériorité et de liberté de la jeune Américaine, loin de l’atavisme du bon goût de la vieille Europe, mais aussi ses propres recherches sur la langue initiées lors de ses études en psychologie auprès de William James à Harvard, la rendent très réceptive aux explorations les plus radicales en art. Ainsi, elle achète avec son frère Leo la toile qui fait scandale au Salon d’automne de 1905, La Femme au chapeau de Matisse, et rédige Three Lives face au Portrait de Madame Cézanne à l’éventail, quand Picasso entrevoit de nouvelles voies pour sa peinture face aux tableaux de Cézanne et de Matisse accrochés rue de Fleurus. »

Portraits cubistes
« Pablo is doing abstract portraits in painting. I am trying to do abstract portraits in my medium, words. »
« Pablo fait des portraits abstraits en peinture. J’essaie de faire des portraits abstraits avec mon médium, les mots. »
G. Stein, 1945

« Préoccupés par la question du réel et de sa représentation, Picasso et Stein partagent la même volonté de ramener l’attention aux choses vues, ancrée dans l’expérience sensible du présent. Les Demoiselles d’Avignon et The Making of Americans marquent le début de leurs recherches autour du registre du portrait qui les a conduits respectivement vers le cubisme et les Word Portraits (« portraits de mots »). Chacun développe sa propre écriture ; l’une, littéraire, fondée sur « l’insistance » syntaxique, sonore et lexicale, et l’autre, picturale, sur la simplification et la décomposition des formes. À partir de quelques traits, Stein suggère, par le rythme oral ou visuel de la répétition aux variations infimes, la pulsation de vie de son modèle, tandis qu’avec quelques signes reconnaissables, Picasso restitue, par l’ordonnance des volumes condensés, l’essence de ses figures. »

« Gertrude Stein accompagne les grandes étapes du cubisme de Picasso, en acquérant des œuvres de chaque période et en construisant, en parallèle, son écriture selon des approches formelles voisines. »

Portraits de choses
« Exact resemblance to exact resemblance the exact resemblance as exact as a resemblance, exactly as resembling, exactly resembling, exactly in resemblance exactly a resemblance, exactly and resemblance. For this is so. Because.. »
« Exiger ressemblance à l’exacte ressemblance l’exacte ressemblance aussi exacte qu’une ressemblance, exactement comme ressemblant, exactement ressemblant, exactement en ressemblance, exactement une ressemblance, exactement et ressemblance. Car ceci est ainsi. Parce que. »
G. Stein, « If I told him. A Completed Portrait of Picasso », 1930

« Dans les années 1910, Stein et Picasso entreprennent, à partir du registre de la nature morte, un tournant radical. Leurs réflexions sur la relation qui unit les mots ou les images aux choses les mènent à élaborer une écriture expérimentale relativement hermétique. Ils opèrent une déconstruction de la syntaxe, pour la poète, et des volumes et plans, pour le peintre, aboutissant à l’éclatement final de la phrase et de la forme. Stein rédige alors Tender Buttons, recueil de poèmes en prose sur la vie quotidienne, mais qui ne nomment rien, suggérant davantage un état par le verbe et l’adverbe. Picasso et Braque explorent les voies du cubisme analytique, frôlant l’illisibilité, avant d’intégrer littéralement des objets et matériaux ordinaires dans leurs collages et assemblages du cubisme synthétique. »

« Si Stein soutient aussi Braque et Gris, elle témoigne d’une admiration sans faille pour Picasso qui est le seul, selon elle, à être en relation avec l’objet même. Bien qu’il ne la lise pas, le peintre catalan la considère comme son double littéraire et est respectueux de son travail d’écriture, ce qui lui vaut d’être surnommée « la cubiste des lettres ».

American Moment
« It has always seemed to me a rare privilege, this, of being an American, a real American, one whose tradition it has taken scarcely sixty years to create. »
« Il m’a toujours semblé que c’était un rare privilège que d’être une Américaine, une vraie Américaine, une dont la tradition a mis à peine soixante ans à se créer. »
G. Stein, The Making of Americans, 1925

« La réception américaine de l’oeuvre de Stein a été lente, en dépit de la réputation de son Salon de la rue de Fleurus et de son rôle de marraine de guerre pour les GI’s engagés dans la Grande Guerre. La reconnaissance arrive avec l’Autobiographie d’Alice Toklas (1933), qui met en scène son amitié avec le désormais célèbre Picasso, avec aussi, le succès, en 1934, de sa pièce Four Saints in Three Acts, mise en musique par Virgil Thomson, le « Satie américain ». Elle effectue une tournée triomphale de conférences à travers l’Amérique (Lectures in America, 1935). Au même moment, le cubisme est présenté à l’exposition du MoMA de New York, « Cubism and Abstract Art » (1936), comme mouvement fondateur dans la généalogie de l’art moderne américain. Les Demoiselles d’Avignon entrent, l’année suivante, dans les collections. »

« Il faut attendre les années 1950-1960 et l’influence majeure de John Cage et de son cercle sur l’avant-garde new-yorkaise pour que la radicalité formelle et conceptuelle des écrits de Stein soit saisie. Son statut d’écrivaine majeure de la littérature moderniste américaine est progressivement reconnu. En s’appropriant son image et son langage, les artistes américains de la seconde moitié du XXe siècle ont contribué à réactiver son oeuvre. »

Grammaire
« The grammar is the meaning »
« La grammaire est le sens. »
Merce Cunningham

« À la suite des expérimentations initiées à l’université libre du Black Mountain College par le couple formé par John Cage et Merce Cunningham, Stein s’impose comme modèle de référence de l’avant-garde américaine, celle de l’anti-art et de la contre-culture, notamment dans les milieux du théâtre, de la musique et de la danse du New York des années 1950-1960. Dans un contexte d’effervescence artistique, sociale et politique contestataire, resserré autour de Greenwich Village, émerge une constellation de lieux et groupes alternatifs, notablement le Living Theater, le Judson Poets’ Theater et le Judson Dance Theater, foyer de la danse postmoderne, Fluxus et le Pop Art. »

« Ils diffusent les écrits de Stein par le biais de performances théâtrales ou musicales et s’identifient à son esthétique, laquelle autorise, sinon coïncide avec leur démarche critique et expérimentale : pur présent et pure présence des formes, rejet de la narration linéaire, exploration de la matérialité de leur médium (le corps et le mouvement pour la danse ; le son pour la musique), manipulation de la syntaxe, du processus, en utilisant la répétition, la sérialité ou en intégrant le quotidien à partir d’un lexique épuré. »

Géographie et jeux
« Play, play every day, play and play and play away, and then play the play the play you played today, the play you play everyday, play it and play it.»
« Jouez, jouez tous les jours, jouez et jouez et jouez encore, et puis jouez la pièce la pièce que vous avez jouée aujourd’hui, la pièce que vous jouez tous les jours, jouez-la et jouez-la. »
G. Stein, Portraits and Prayers, 1934

« À partir de la fin des années 1950, les artistes de l’avant-garde new-yorkaise qui gravitent à Greenwich Village autour de Cage-Cunningham – notamment depuis leurs études au Black Mountain College – et de la Judson Memorial Church, cherchent à remettre l’art au coeur de la vie et de la société en s’interrogeant sur la capacité du langage visuel à saisir le réel. Ils fondent une esthétique du collage, parfois qualifiée de néodada : une hybridation de techniques et de matériaux, objets du quotidien et images de la culture populaire, selon une approche ludique et ironique de la société de consommation et de spectacle américaine. Cette conception de l’art, en opposition à l’expressionnisme abstrait dominant, prend ses sources tant dans les collages et assemblages cubistes de Picasso, les ready-mades de Duchamp et Dada que dans les écrits de Stein. Quatre des ouvrages de la poète ont ainsi été réédités entre 1966 et 1972 par Something Else Press, maison d’édition associée au mouvement Fluxus. xus.

Cercles et mots
« When I said. A rose is a rose is a rose is rose. And then later made that into a ring I made poetry. »
« Quand j’ai dit. Une rose est une rose est une rose est une rose. Et ensuite fait de cela un anneau j’ai fait de la poésie.»
G. Stein, Lectures in America, 1935

« Comme Fluxus, l’art minimal et conceptuel pose la question de la définition de l’art et de ses pratiques, affirmant le primat de l’idée et de l’environnement de l’oeuvre plutôt que de sa réalisation. Cela ouvre à une multitude de formes artistiques à partir de modes alternatifs, tels que le langage et le discours, l’action corporelle, le son, les chiffres, la documentation non-artistique ou l’architecture. D’autres, notamment Joseph Kosuth, défendent une vision tautologique et littérale de l’art, à savoir « l’art est la définition de l’art ». Cette acceptation plus restreinte trouve un précédent dans la pensée steinienne incarnée par son célèbre vers « Rose is a rose is rose is rose ». Car, si le rôle de Marcel Duchamp en tant que source de l’art conceptuel est pleinement reconnu, la poésie expérimentale de Stein a également ouvert un champ d’explorations artistiques et poétiques, centrales dans les démarches conceptuelles, notamment autour de la plasticité du langage, la dimension performative, et la matérialité visuelle et sonore des mots. Aussi, les formes et procédés institués par l’écriture épurée, répétitive, sérielle et circulaire de Stein trouvent de nombreuses affinités avec les œuvres minimalistes. Dès 1965, la critique Barbara Rose met en avant, dans un article fondateur, le rôle de Stein dans l’émergence du minimalisme qu’elle qualifie de « ABC Art », en réaction au mouvement romantique et subjectif de l’expressionnisme abstrait. »

Conceptuelle excentrique
« And identity is funny being yourself is funny as you are never yourself to yourself except as you remember yourself and then of course you do not believe yourself. »
« Et l’identité c’est drôle d’être toi-même c’est drôle car tu n’es jamais toi-même pour toi-même sauf quand
tu te rappelles toi-même et alors bien sûr tu ne te crois pas toi-même. »
G. Stein, Everybody’s Autobiography, 1937

« Ancrée dans sa vie, l’écriture de Gertrude Stein mêle fiction et réalité pour déployer une longue interrogation sur l’identité – mouvante et insaisissable si ce n’est indicible – des choses, des lieux, des êtres. Elle s’intéresse aux individus tant dans leur dimension collective (l’américanité dans The Making of Americans ou les spécificités françaises dans Paris-France) qu’intime (la vie quotidienne, la relation à l’autre, l’amour et l’érotisme, l’homosexualité, le genre, ou encore le rapport de l’écrivain à son oeuvre). Jouissant d’une aura incontestable depuis son portrait peint par Picasso, Stein est devenue une véritable icône pop (Andy Warhol) – américaine et juive –, héroïne des historiographies féministes et queer. Si son influence peut se faire parfois plus diffuse, parfaitement assimilée dans les sources de l’art contemporain par le prisme de John Cage (Gary Hill), nombre d’artistes continuent de se confronter à son esthétique, tant de son image que de son langage. Qu’ils s’emparent directement et plastiquement de ses écrits (Glenn Ligon) ou revendiquent clairement la filiation (Hanne Darboven, Félix Gonzalez-Torres, Deborah Kass, Ellen Gallagher), tous attestent de l’actualité de son oeuvre et de sa place tutélaire dans l’art américain. »

Citations
« This one was one, some were quite certain, one greatly expressing something being struggling. This one was one, some were quite certain, one not greatly expressing something being struggling. »
« Celui-là était quelqu’un, certains en étaient tout à fait certains, quelqu’un qui exprimait grandement quelque chose en train de combattre. Celui-là était quelqu’un, certains en étaient tout à fait certains, quelqu’un qui n’exprimait pas grandement quelque chose en train de combattre. »
G. Stein, « Henri Matisse », 1909

« This one was one who was working. This one was one being one having something being coming out of him. This one was one going on having something come out of him. This one was one going on working. This one was one whom some were following. This one was one who was working. »
« Celui-là était quelqu’un qui travaillait. Celui-là était quelqu’un en train de faire sortir quelque chose de lui. Celui-là continuait à faire sortir quelque chose de lui. Celui-là était quelqu’un qui continuait à travailler. Celui-là était quelqu’un que certains suivaient. Celui-là était quelqu’un qui travaillait. »
G. Stein, « Pablo Picasso », 1909

« Brack, Brack is the one who put up the hooks and held the things up and ate his dinner. He is the one who did more. He used his time and felt more much more and came before when he came after. He did not resemble anything more. »
« Braque, Braque est celui qui a mis les crochets et a accroché des choses et a pris son dîner. Il est celui qui a fait plus. Il a utilisé son temps et s’est senti plus beaucoup plus et est arrivé avant quand il arrivait après. Il ne ressemblait à rien de plus. »
G. Stein, « Braque », 1913

« J’étais à cette époque seule à comprendre Picasso, peut-être aussi parce que j’exprimais la même chose en littérature […] »
« I was alone at this time in understanding Picasso, perhaps because I was expressing the same thing in literature […] »
G. Stein, Picasso, 1938

« Juan Gris formally knows me. Juan Gris and I. Juan Gris and I and formally and knows me. When this you see remember me, remember him to me. When this you see.
Many secrets many secrets, many many and no secrets. »
« Juan Gris me connaît officiellement. Juan Gris et moi. Juan Gris et moi et officiellement et il me connaît. Quand cela vous verrez, souvenez-vous de moi, souvenez-vous de lui à moi. Quand cela vous verrez.
Beaucoup de secrets beaucoup de secrets, beaucoup beaucoup et pas de secrets. »
G. Stein, « Pictures of Juan Gris » (1924)

« Pain soup, suppose it is question, suppose it is butter, real is, real is only, only excreate, only excreate a no since. »
« Soupe de douleur, supposez que ça fait question, supposez que c’est du beurre, réel c’est, réel c’est seulement, seulement excréer, seulement excréer un pas depuis. »
G. Stein, Tender Buttons: Objects – Food – Rooms, 1914

« A Carafe, that is a blind glass.
A kind in glass and a cousin, a spectacle and nothing strange a single hurt color and an arrangement in a system to pointing. All this and not ordinary, not unordered in not ressembling. The difference is spreading. »
« Une carafe, c’est un verre aveugle.
Une sorte en verre et sa cousine, un spectacle et rien d’étrange la simple couleur d’un coup et un dispositif dans un système de visée. Tout ça et rien d’ordinaire, rien d’inordonné dans le non ressemblant. La différence se répand. »
G. Stein, Tender Buttons: Objects – Food – Rooms, 1914

« Everything in modern theater has been touched by Stein’s reorganization of the English language. She freed the theater in every dimension. She simply plowed everything under and it allowed us to experiment with new forms. And the seeds she planted have continued to grow. »
« Tout dans le théâtre moderne a été touché par la réorganisation de la langue anglaise opérée par Stein. Elle a libéré le théâtre dans toutes ses dimensions. Elle a simplement tout labouré, ce qui nous a ouvert un vaste champ pour expérimenter de nouvelles formes. Et les graines qu’elle a plantées ont continué́ de pousser. »
Judith Malina fondatrice avec Julian Beck du Living Theater

« What did he do. He met boys of every nationality and they played together. »
« Qu’a-t-il fait. Il a rencontré des garçons de toutes les nationalités et ils ont joué ensemble. »
G. Stein, Geography and Plays, 1922

« White and black is black and white. What I recollect when I am there is that words are not birds. How easily I feel thin. Birds do not. So I replace birds with tin-foil. Silver is thin. / Life and letters of Marcel Duchamp. / Quickly return the unabridged restraint and mention letters. / My dear Fourth. »
« Blanc et noir sont noir et blanc. Ce dont je me souviens quand j’en suis là est que les mots ne sont oiseaux. Avec quelle facilité je me sens mince. Les oiseaux non. Alors je range les oiseaux avec les feuilles d’étain. L’argent est mince. / Vie et lettres de Marcel Duchamp. / Redonne vite la contrainte absolue et mentionne les lettres. / Mon cher Quatrième. »
G. Stein, « Next. Life and Letters of Marcel Duchamp », vers 1920

« Five words in a line.
Bay and pay make a lake.
Have to be held with what.
They have to be held with what they have to be held.
Dependent of dependent of why.
With a little cry.
Make of awake. »
« Cinq mots dans un vers.
La baie et l’étang forment un lac.
Doivent être contenus avec quoi.
Ils doivent être contenus ce avec quoi ils doivent être contenus.
Dépendants de la dépendance de pourquoi.
Avec un petit cri.
Donner forme à l’éveil. »
G. Stein, « Five words in a line », 1930

« There are many men and women who have queerness in them, sometime there will be a history of all the kinds of them. »
« Il y a beaucoup d’hommes et de femmes qui ont un caractère queer, un jour il y aura une histoire de tous ces types d’hommes et de femmes. »
G. Stein, The Making of Americans, 1925

« Chronologie extraite de Gertrude Stein, une chrono-anthologie »

« 1874. Gertrude Stein naît le 3 février à Allegheny (Pennsylvanie). Elle est la dernière d’une fratrie de cinq enfants. Sa famille est juive, non pratiquante et de milieu aisé, grâce aux affaires menées par son père, Daniel. Personnage singulier, il passe d’une idée à l’autre concernant l’éducation des enfants, quitte à se montrer tyrannique. Sa mère, Amelia, est très effacée.

1874-1878. La famille Stein s’installe à Vienne (Autriche).

1878-1879. Après un passage à Paris, retour aux États-Unis, à Baltimore.

1880. Installation de la famille Stein à Oakland (Californie). La jeune fille se lie avec tous ses camarades d’école quels que soient leurs milieux sociaux ou origines nationales et est très proche de son frère Leo.

1888. Décès d’Amelia Stein, après une longue maladie.

1891. Décès de Daniel Stein. C’est l’aîné, Michael, qui devient chargé de famille et gère l’héritage paternel.
Sa réussite sociale, à la suite de la fusion qu’il réalise des compagnies de Railway de San Francisco, met à l’abri toute la famille, en assurant une rente à chacun.

1892. Gertrude et Bertha Stein vivent à Baltimore dans leur famille maternelle. Leo fait ses études à Harvard.

1893. Gertrude Stein devient étudiante à Radcliffe College (annexe de Harvard réservée aux femmes).

1894-1895. Mariage de Michael Stein avec Sarah Samuels. Gertrude Stein écrit ses premières ébauches de fiction, notamment In The Red Deeps [Dans les profondeurs rouges] et Temptation [Tentation]. Elle mène des travaux sous la tutelle de William James – qui enseigne la philosophie et la psychologie – et expérimente l’écriture automatique.

1896. Première et seule publication universitaire de Gertrude Stein, dans la Psychological Review.

1897. Gertrude Stein commence des études de médecine à l’université Johns-Hopkins, à Baltimore, où son frère Leo s’inscrit également, en zoologie et en biologie. Son intérêt se porte sur la neurologie. Elle rencontre May Bookstaver, dont elle tombe amoureuse alors que cette dernière est déjà attachée à une autre jeune femme, Mabel Haynes.

1900. Leo Stein quitte l’université et part pour l’Europe.

1901. En tant qu’interne à l’hôpital de Baltimore, Gertrude Stein travaille dans un service dédié aux patients noirs. Elle abandonne ses études après avoir échoué en quatrième année.

1902. Gertrude Stein séjourne dans différentes villes européennes auprès de Leo. Elle s’installe avec lui à Londres.

1903-1904. Retour ponctuel à New York et départ pour l’Europe. Gertrude Stein s’installe à Paris, chez Leo, au 27, rue de Fleurus. Ensemble, ils visitent des Salons, la galerie d’Ambroise Vollard et découvrent Paul Cézanne, Henri Matisse, Pablo Picasso. Acquisition commune de Madame Cézanne à l’éventail. Gertrude écrit Q.E.D. [C.Q.F.D.]. Elle commence Fernhurst et The Making of Americans / La Fabrication des Américains.

En 1904, Sarah et Michael Stein s’installent rue Madame, à Paris. La famille séjourne en Italie.

1905-1906. Gertrude Stein commence à écrire Three Lives / Trois Vies. Les acquisitions de la sœur et du frère s’accélèrent : Cézanne, Paul Gauguin, Matisse et Picasso. L’Américaine et l’Espagnol deviennent immédiatement proches et ce dernier est bouleversé par Cézanne, dont il découvre aussi les toiles acquises par les Stein. En 1906, Gertrude pose pour Picasso et termine d’écrire Melanctha, assise face au portrait de Cézanne. Elle rencontre Guillaume Apollinaire et Marie Laurencin.

1907. Gertrude Stein rencontre Alice B. Toklas, qui arrive à Paris. Cette dernière s’est liée à Sarah, épouse de Michael Stein, lors d’un séjour californien du couple. Picasso peint Les Demoiselles d’Avignon.

1908. Gertrude Stein rencontre Juan Gris, auquel elle sera très attachée, comme à sa peinture.

1909. Alice B. Toklas s’installe rue de Fleurus.

1910. Gertrude Stein écrit A Long Gay Book [Le Long Livre joyeux] et Many Many Women [Beaucoup beaucoup de femmes] ainsi que ses premiers portraits, dont Ada, Picasso et Matisse.

1911. Gertrude Stein termine d’écrire The Making of Americans.

1912. Alfred Stieglitz publie dans Camera Work les portraits de Picasso et de Matisse écrits par Gertrude Stein en 1909. Alice B. Toklas et Gertrude séjournent en Espagne, au Maroc puis en Italie chez Mabel Dodge, où Gertrude écrit Portrait of Mabel Dodge at the Villa Curonia [Portrait de Mabel Dodge à la Villa Curonia], publié à titre privé à 300 exemplaires.

1913. Gertrude Stein rencontre l’éditeur John Lane, à Londres. Elle prête des œuvres pour l’exposition « Armory Show » à New York, et y fait la rencontre de Carl Van Vechten. Elle commence Tender Buttons / Tendres Boutons. L’incompréhension de Leo pour le travail de sa sœur ne cesse de croître et il est en proie à de nombreuses difficultés d’ordre personnel, tant et si bien qu’il quitte la rue de Fleurus et part pour l’Italie : tous deux se partagent les œuvres de leur collection.

1914. Gertrude Stein et Alice B. Toklas rencontrent Alfred Whitehead, en Angleterre, et restent chez lui lors de l’entrée en guerre. Retour à Paris à l’automne.

1915. Elles se rendent à Palma de Majorque, où elles vivent une année durant. Gertrude Stein écrit Lifting Belly / Lève bas-ventre.

1916. Gertrude Stein et Alice B. Toklas reviennent en France en juin et participent à l’effort de guerre avec le Fonds américain pour les blessés français. Gertrude obtient le permis et achète sa première Ford, pour faire des livraisons jusque dans le sud de la France.

1917. Entrée en guerre des États-Unis. Gertrude Stein et Alice B. Toklas deviennent marraines de plusieurs soldats américains, dont William Rogers, qu’elles surnomment Kiddie. Gertrude écrit « The Great American Army » [La Grande Armée américaine], qui sera l’occasion d’une première publication dans Vanity Fair, en juin 1918. Elle y publiera ensuite des entretiens et son second portait de Picasso. Elle écrit Useful Knowledge [Connaissance utile].

1918. Alice B. Toklas et Gertrude Stein découvrent la vallée du Rhône. Décès d’Apollinaire, en novembre.

1919. Alice B. Toklas et Gertrude Stein partent pour l’Alsace, missionnées par le Fonds américain pour les blessés français. Retour à Paris au printemps.

1921. Gertrude Stein retrouve Picasso à Antibes et Juan Gris à Bandol (fig. 051). Elle rencontre Sherwood Anderson, de passage à Paris. Elle écrit As Fine as Melanctha [Aussi beau que Melanctha].

1922. Gertrude Stein se lie d’amitié avec Ernest Hemingway, à qui elle prodigue avis et conseils littéraires judicieux. Elle séjourne à Saint-Rémy-de-Provence jusqu’en février 1923. Sherwood Anderson rédige la préface de Geography and Plays [Géographie et pièces], recueil de cinquante-deux portraits, pièces et « paysages », dont « Susie Asado », « Ada », « Braque », « Sacred Emily », etc., publié à compte d’auteur chez Four Seas Company. Pour remercier Anderson, elle écrit « A Valentine for Sherwood Anderson » [« Une carte de Saint-Valentin pour Sherwood Anderson »]. Elle écrit la pièce A Saint in Seven [Un saint sur sept].
Gertrude s’éloigne progressivement de Picasso, qui s’est rapproché, de son côté, du cercle de Jean Cocteau puis de celui d’André Breton.

1923. Gertrude Stein écrit Elaboration et le livret d’opéra Capital Capitals. Première publication dans la Little Review.

1924. Gertrude Stein et Alice B. Toklas découvrent et tombent sous le charme de Belley, un village de l’Ain.
Gertrude publie If I Told Him. A Completed Portrait of Picasso / Si je lui disais. Un portrait complété de Picasso.

1925. Gertrude Stein rencontre le peintre Pavel Tchélitchev et Francis Scott Fitzgerald, qui a beaucoup fait pour Hemingway et pour qu’elle soit publiée. Elle achève A Novel of Thank You [Un roman de remerciements].

1926-1927. Gertrude Stein fait la connaissance de Virgil Thomson, René Crevel, Bernard Faÿ et Georges Hugnet. Elle donne des conférences en Angleterre, où elle rencontre Virginia et Leonard Woolf. Daniel-Henry Kahnweiler, avec la galerie Simon, publie le poème A Book Concluding with As a Wife Has a Cow [Un livre qui se termine par Comme une épouse a une vache], illustré par des lithographies de Juan Gris. Il s’agit du premier ouvrage de Gertrude publié par un éditeur français. Juan Gris meurt en mai 1927 et Gertrude écrit « Vie et mort de Juan Gris », publié dans la revue transition. Période prolifique, écriture et/ou publication de : An Elucidation [Une élucidation], Composition as Explanation [Composition comme explication], Elaboration [Élaboration], Four Saints in Three Acts [Quatre saints en trois actes], Patriarchal Poetry [Poésie patriarcale], Alphabets and Birthdays [Alphabets et anniversaires], An Acquaintance with Description [Une connaissance avec description] et Lucy Church Amiably [Lucy Church aimablement].

1928. Gertrude Stein écrit un livret d’opéra dédié à Alice B. Toklas, Lyrical Opera / Made by Two / To be Sung [Opéra lyrique / Fait à deux / Afin d’être chanté]. La galerie Simon publie la pièce A Village. Are You Ready Yet Not Yet [Un village. Êtes-vous prêt pas prêt], illustrée par Élie Lascaux.

1929. Alice B. Toklas et Gertrude Stein acquièrent une maison à Billignin, où elles se rendront chaque printemps, jusqu’à l’automne.

1930. Premières traductions par Georges Hugnet et Virgil Thomson d’une sélection de portraits publiés ou inédits, dont Dix Portraits et Morceaux choisis de La Fabrication des Américains. Gertrude Stein fonde la maison d’édition Plain Edition, sous la direction d’Alice B. Toklas, et publie Lucy Church Amiably. Gertrude rencontre le peintre Francis Rose.

1931. Gertrude Stein rencontre l’écrivain-compositeur Paul Bowles. Elle achève How to Write [Comment écrire] et commence Winning His Way [Gagner sa place]. Après la rupture amicale avec Georges Hugnet, elle publie, chez Plain Edition, Before the Flowers of Friendship Faded Friendship Faded. Written on a Poem by Georges Hugnet [Avant que les fleurs de l’amitié ne se fussent fanées l’amitié s’est fanée. D’après un poème de Georges Hugnet].

1932. Gertrude Stein écrit Stanzas in Meditation / Strophes en méditation et The Autobiography of Alice B. Toklas / Autobiographie d’Alice Toklas. Publication d’Operas and Plays [Opéras et pièces] chez Plain Edition, un recueil de vingt-deux livrets, pièces et scénarios écrits depuis 1920.

1933. Succès fulgurant de l’Autobiography. En France, publication d’Américains d’Amérique. Gertrude Stein écrit Blood on the Dining-Room Floor / Du sang sur le sol de la salle à manger et Four in America [Quatre en Amérique].

1934-1935. Convaincue par Kiddie, Gertrude Stein accepte de faire une tournée de conférences aux États-Unis, coïncidant avec la tournée de Four Saints. Nombreuses retrouvailles et rencontres, dont Thornton Wilder, à Chicago, qui sera un de ses éditeurs. Elle signe un contrat avec l’éditeur Bennett Cerf, qui s’engage à publier au moins un ouvrage de l’autrice par an. Avec lui paraît Portraits and Prayers. La traduction de l’Autobiography paraît chez Gallimard. Certains artistes vont très mal recevoir l’ouvrage : « Testimony Against Gertrude Stein » [Témoignage contre Gertrude Stein] est publié par transition, signé Georges Braque, Eugene Jolas, Maria Jolas, Henri Matisse, André Salmon et Tristan Tzara. Écrit Lectures in America / Lectures en Amérique et une brève autobiographie, And Now [Et maintenant]. Retour en France en mai 1935.

1936. Gertrude Stein écrit et publie The Geographical History of America / L’Histoire géographique de l’Amérique. Elle donne des conférences en Angleterre et écrit What Are Masterpieces [Que sont les chefsd’oeuvre] et, vraisemblablement en français, la pièce Écoutez-moi. La déception de Gertrude à découvrir les poèmes écrits par Picasso aurait pu les éloigner davantage encore, mais ils vont se rapprocher à nouveau alors que le peintre travaille à Guernica.

1937. Gertrude Stein termine et publie Everybody’s Autobiography / Autobiographie de tout le monde. Elle écrit Picasso, Ida, le livret Daniel Webster, le ballet A Wedding Bouquet [Un bouquet de mariage].

1938. Gertrude Stein et Alice B. Toklas quittent la rue de Fleurus pour la rue Christine. Gertrude écrit le livret Doctor Faustus Lights the Lights [Docteur Faust allume les lumières] et The World is Round / La Terre est ronde, illustré par Clement Hurd.

1939-1940. Gertrude Stein et Alice B. Toklas se réfugient à Billignin lorsque la guerre est déclarée. Elles emportent le portrait de Gertrude par Picasso et Madame Cézanne à l’éventail. Gertrude écrit et publie Paris France. En juin 1940, les Allemands sont dans l’Ain, quand le maréchal Pétain signe l’armistice. Gertrude écrit le livre pour enfants To Do [À faire] et commence Mrs. Reynolds.

1941. Une exposition « Gertrude Stein » est organisée à l’université Yale en février. Gertrude Stein termine et publie Ida. Four Saints est joué au MoMA.

1942-1943. Gertrude Stein et Alice B. Toklas s’installent à Culoz, près de Billignin. Gertrude, étant juive, figure dans la liste Otto, qui recense les livres interdits durant l’Occupation. Pour survivre, elle vend Madame Cézanne à l’éventail.

1944. Débarquement des Américains. Gertrude Stein finit Wars I Have Seen / Les guerres que j’ai vues
Retour à Paris en décembre.

1945-1946. Gertrude Stein rencontre de nombreux GI et écrit l’opéra The Mother of Us All / Notre mère à tous, Brewsie and Willie / Brewsie et Willie et Reflection on the Atomic Bomb [Réflexion sur la bombe atomique]. Bennett Cerf publie, chez Random House, l’anthologie Selected Writings of Gertrude Stein [Écrits choisis de Gertrude Stein]. Gertrude Stein meurt le 27 juillet 1946, d’un cancer à l’estomac. »


Du 13 septembre 2023 au 28 janvier 2024
19, rue Vaugirard. 75006 Paris
Tél. : 01 40 13 62 00
Tous les jours de 10 h 30 à 19 h
Nocturne les lundis jusqu’à 22 h 
Visuels : 
Affiche
Picasso, Femme aux mains jointes (étude pour Les Demoiselles d’Avignon)
huile sur toile, 90,5 x 71,5 cm,
Paris, printemps 1907, Musée Picasso, Paris / Photo 
© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau
© Succession Picasso 2023

Man Ray
Gertrude Stein, 1922
Image positive obtenue par inversion des valeurs de la numérisation du négatif original (tirage d’exposition),
négatif original : 9 × 12 cm
Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne /
Centre de création industrielle
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI 
© Man Ray 2015 Trust / Adagp, Paris 2023
© Succession Picasso 2023

Pablo Picasso
Journal, porte-allumettes, pipe et verre
Paris, 1911
huile sur toile
26,8 × 21,8 cm
Musée national Picasso‑Paris, dation Pablo Picasso en 1979
© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau
© Succession Picasso 2023

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