Citations

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samedi 25 avril 2020

Rose Valland (1898-1980)

Rose Valland (1898-1980), attachée de conservation au musée du Jeu de Paume à Paris, a contribué à préserver des œuvres du patrimoine national convoitées par les nazis. Rose Valland a recueilli des informations sur celles pillées dans les collections de Juifs français. A la Libération, elle a été chargée de retrouver et a permis le rapatriement en France et la restitution aux ayants-droit d’une partie de ces œuvres. La plaque apposée sur une façade du Jeu de Paume en hommage à Rose Valland commence à se dégrader : certaines lettres s'estompent. L'exposition intéressante La dame du jeu de Paume, Rose Valland sur le front de d'art au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD), deux bandes dessinées remarquables pour la jeunesse et L'espionne aux tableaux Rose Valland face au pillage nazi, documentaire de Brigitte Chevet lui rendent hommage.  Le musée Dauphinois présente l'exposition "Rose Valland en quête de l'art spolié". 

En 1995, le livre-enquête d’Hector Feliciano Le musée disparu, enquête sur le pillage des œuvres (éd. Austral) évoquait un sujet tabou : le pillage des œuvres d’art – tableaux, manuscrits, meubles, etc. – appartenant à des marchands d’art - Paul Rosenberg et Bernheim-Jeune - ou collectionneurs Juifs - banquiers David-Weill, dynastie Rothschild, famille Schloss, Alphonse Kann, financier Fritz Gutmann, Jacques Stern, Alfred Lindon - par les Nazis, aidés par des commissaires-priseurs ou des marchands, et suivant un plan établi avant la Seconde Guerre mondiale. Le journaliste Hector Feliciano décrivait les difficultés des familles Juives spoliées sous l’Occupation pour récupérer leurs œuvres, les oppositions de musées français à ses recherches, l’absence de diligence de certaines institutions culturelles pour rechercher après-guerre les ayants-droit à qui restituer les œuvres, etc. Un livre passionnant réédité dans une version augmentée en 2009.

A la suite du débat ouvert par les révélations de ce livre, la France instituait en 1997 une Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, dite « Mission Mattéoli », et restituait des œuvres d’art.

En 2008, le MAHJ accueillait l’exposition À qui appartenaient ces tableaux ? Spoliations, restitutions et recherche de provenance : le sort des œuvres d'art revenues d’Allemagne après la guerre conçue à l’initiative de la Direction des musées de France. Y étaient présentées « 53 œuvres (Pieter Claesz, Petrus Christus, Pieter de Hooch, Vouet, Courbet, Delacroix, Ingres, Monet, Manet, Cézanne, Degas, Matisse, Ernst...) en grande majorité issues des œuvres d’art dites « MNR » (d’après l’abréviation des inventaires intitulés « Musées nationaux récupération »), œuvres rendues à la France par l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale et confiées, au début des années 1950, à la garde des Musées de France, faute d’avoir retrouvé leurs légitimes propriétaires ». Cette exposition relatait « le processus des spoliations nazies durant la Seconde Guerre mondiale, leur condamnation par les Alliés dès 1943, les opérations de restitution massives engagées à l’issue du conflit, et les nouvelles mesures individuelles de restitution rendues possibles ces dix dernières années ».

En 2009, l’exposition Le Louvre pendant la guerre Regards photographiques 1938-1947 au Louvre montrait 56 photographies de la vie quotidienne en puisant dans le fonds du photographe Pierre Jahan acheté par le musée en 2005 et des documents provenant des archives allemandes. Le célèbre musée réquisitionné avait alors été transformé alors en zone de tri des biens confisqués aux juifs.

Au domaine de Chambord, l’exposition 1939-1945 Otages de guerre à Chambord soulignait le rôle de Chambord dans la protection de 1938 à 1949 des chefs d’œuvre des musées français dont La Joconde.

« Sauver un peu de la beauté du monde » (Rose Valland)
C’est à Rose Valland, « modèle de résistance civile et figure emblématique de l’histoire de la récupération des œuvres d’art spoliées durant la Seconde Guerre mondiale, demeure souvent méconnue du grand public », que le CHRD a rendu hommage avec le soutien des membres de l’association La Mémoire de Rose Valland.

L’exposition La dame du Jeu de Paume, Rose Valland sur le front de l'art est conçue par Emmanuelle Polack, commissaire invitée, en charge des archives historiques du musée des Monuments français au sein de la Cité de l’architecture et du patrimoine et chercheuse associée au musée de Montparnasse, et Marion Vivier, attachée de conservation au CHRD.

« L’itinéraire de Rose Valland, attachée au musée du Jeu de Paume durant la guerre, constitue un témoignage marquant de la résistance qu’a su opposer le monde des musées aux convoitises allemandes sur le patrimoine artistique français. Cette histoire permet d’apporter un nouvel éclairage sur les enjeux économiques et culturels de la collaboration et met en évidence l’importance des spoliations subies par les familles juives. Courageuse et déterminée face à l’Occupant, Rose Valland réussit à se maintenir en poste au cœur même du lieu de transit des œuvres en partance pour l’Allemagne. Sa ténacité permettra de mener à bien la politique de récupération de ce patrimoine après la guerre, contribuant ainsi à la restitution des biens des victimes juives et à la reconstitution des collections nationales », écrit Isabelle Doré-Rivé, directrice du CHRD.

L'espionne aux tableaux Rose Valland face au pillage nazi, documentaire de Brigitte Chevet (2014, 55 min) soutenu par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Ce film a été diffusé le 4 mai 2015 à 23 h 45 sur France 3. "Assistante au Musée du Jeu de Paume durant la guerre, Rose Valland a documenté les spoliations artistiques nazies au péril de sa vie. Puis, elle a sillonné l’Allemagne en ruine pour retrouver les oeuvres disparues. Nommée Capitaine Beaux-Arts de l’Armée française, elle s’est entêtée, souvent seule, à "sauver un peu de la beauté du monde".  Des 100 000 œuvres d’art expédiées en Allemagne, 60 000 reviendront en France grâce à son inlassable activité. Encore aujourd’hui, ses archives sont décisives pour les restitutions aux propriétaires, pour la plupart descendants de familles juives spoliées sous Vichy. Résistante reconnue aux Etats-Unis, une des femmes les plus médaillées de France de son vivant, elle est longtemps restée dans l’oubli dans son propre pays, comme le sont restées ces milliers de familles spoliées. Pourquoi ? Que fallait-il oublier ? Que fallait-il taire ?"

Une historienne de l’art
Rose Valland est née le village de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs (Isère). A Grenoble et Lyon, cette élève studieuse et déterminée se destine à l’enseignement et aux Beaux-arts. Ses peintures révèlent ses qualités artistiques, précieuses pour apprécier les œuvres d’art.

École des Beaux-arts de Paris, École du Louvre, Institut d’art et d’archéologie et École pratique des hautes études : tels sont les institutions dont elle sort diplômées.

« C’est un esprit distingué, ferme, ouvert et bien doué pour nos études ». Ainsi la décrit un de ses maîtres les plus éminents, Henri Focillon, en 1936. Quant à Gabriel Millet, il est sensible à son dévouement désintéressé : « Elle aime sa tâche, elle est de celle sur qui l’on peut compter ».

Une attachée de conservation à la veille de la guerre
En 1932, Rose Valland entre à 34 ans comme attachée de conservation bénévole au musée du Jeu de Paume. Situé sur la terrasse surplombant la place de la Concorde, c’est un musée consacré aux avant-gardes de l’art contemporain, notamment aux écoles étrangères.

Rose Valland coorganise de grandes expositions et renforce progressivement sa position dans le musée.

Dès 1936, la France se prépare à une guerre qu’elle pressent. Sous l’impulsion de Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-arts du Front populaire, est élaboré un plan pour protéger ses œuvres d’art. La mise en œuvre de ce plan est confiée à Jacques Jaujard, sous-directeur et futur directeur des musées nationaux (1940-1944), qui a participé au plan de sauvetage des œuvres du musée du Prado (Madrid) lors de la guerre civile espagnole (1936-1939).

Des « listes de châteaux, monastères ou abbayes pouvant accueillir les collections publiques sont dressées ; des plans d’évacuation, des itinéraires sont définis. On prévoit d’accueillir certaines grandes collections privées dans les lieux de refuge des collections nationales. Le départ du premier convoi d’œuvres du Louvre a lieu en septembre 1938, un an plus tard, grâce à une incroyable logistique, une quarantaine de camions quittent Paris ».

Tout le personnel des musées nationaux est mobilisé pour ces actions de préservation. Au musée du Jeu de Paume, Rose Valland et ses collègues participent à cette action.

Chambord devient une « gare régulatrice » à partir de laquelle les œuvres des musées nationaux – La Joconde, la victoire de Samothrace, la Vénus de Milo - sont confiées à des lieux de dépôts moins célèbres, parfois privés, afin de les protéger des bombardements ou de la convoitise de l’ennemi.

Au matin du 28 août 1939 débute le grand déménagement de pièces à la valeur inestimable. En quatre mois, 5 446 caisses contenant des collections de musées parisiens et de propriétaires juifs ayant confié leurs collections aux Musées nationaux quittent Paris dans 199 camions répartis en 51 convois, vers 11 abbayes et châteaux de l’ouest et du centre de la France .

Un patrimoine artistique national et privé convoité et pillé pendant la guerre
Les troupes allemandes entrent dans Paris le 14 juin 1940.

Les nazis visent à s’emparer des œuvres d’art des pays occupés d’Europe de l’Ouest : le Luxembourg, la Belgique, les Pays-Bas et la France.

Dès son arrivée au pouvoir en 1933, Adolf Hitler « fait des arts un enjeu majeur de la politique national-socialiste ».

Désireux d’imposer l’esthétique du IIIe Reich, le Führer stigmatise l’art moderne « dégénéré » (« Entartete Kunst » - peinture, musique, etc. - et l’exclut des cimaises des musées allemands. Les œuvres « dégénérées » confisquées sont détruites (autodafé berlinois du 20 mars 1939) ou vendues pour obtenir des devises étrangères alimentant les caisses du Parti nazi.

Hitler ambitionne de créer un immense musée des Beaux-arts à Linz (Autriche). « Pour alimenter ses collections, les services culturels nazis sous les ordres de Goebbels rédigent un catalogue des réclamations des objets culturels d’origine germanique, connu sous le nom de rapport Kümmel. Les pays conquis sont considérés comme un formidable réservoir d’œuvres aptes à nourrir les ambitions du Führer ».

Les collections appartenant à des juifs – Paul Rosenberg, les Rothschild, David-Weil, Schloss, Wildenstein, musée Camondo, Seligmann, Jacques Bacri, Alphonse Kann, Jacobson, Leven, Roger Lévy, Reichenbach, Kapferer, Erlanger, Raymond Hesse, Simon Lévy, Léonce Bernheim, Veil-Picard, etc. -, dont celles confiées aux Musées nationaux, et des francs-maçons sont systématiquement pillées par le service d’Alfred Rosenberg, l’ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, Équipe d'intervention du Reichsleiter Rosenberg) et Otto Abetz, ambassadeur d’Allemagne. L’ERR réquisitionne le Jeu de Paume comme siège de ses opérations et centre de transit. Là, les marchands français et allemands se servent en œuvres pour leurs trafics.

Dès novembre 1940, Rose Valland indignée assiste pendant quatre ans à « la vaste entreprise de spoliation du patrimoine artistique français » : au musée, sont triées des œuvres dérobées destinées en particulier au musée d’Adolf Hitler, à la collection d’Hermann Goering, qui se rend à 21 reprises au Jeu de Paume, ou aux musées allemands.

En 1943, un autodafé de 500 à 600 œuvres « dégénérées » signées notamment par Picasso, Kisling et Mané Katz, a lieu dans un lieu isolé du jardin des Tuileries, à l’abri du regard de curieux.

Ne pouvant entraver ce pillage, Rose Valland, germanophone, se rend indispensable pour les Allemands tout en établissant secrètement, « dans des conditions périlleuses les listes détaillées des œuvres qu’elle voit défiler dans les salles du musée avant leur expédition en Allemagne. Ces renseignements, transmis régulièrement » à Jacques Jaujard, à « la Direction des musées nationaux, s’avéreront capitaux pour l’établissement d’une stratégie de récupération après guerre ». Un rôle d’autant plus important que le conservateur du Jeu de Paume, André Dezarrois, est malade depuis 1938.

Avec minutie, courage et dévouement, Rose Valland enquête, recueille la moindre information, interroge gardiens et transporteurs… Ses notes retracent la chronologie, la nature et l’ampleur des pillages et en dessinent la cartographie européenne par les lieux de destinations des œuvres d’art volées.

Ainsi, en juin 1944, elle informe Jacques Jaujard, directeur du Louvre, que les derniers convois doivent se rendre au château de Nikolsburg, alors en Tchécoslovaquie. Ce directeur en informe le réseau de Résistance-Fer. Le train est arrêté en gare d’Aubervilliers et les œuvres d’art, notamment celles du collectionneur Paul Rosenberg, sont récupérées. « Il ne faut pas oublier qu’à cette époque des trains de juifs – convoi du 17 août 1944 avec les 50 derniers juifs -, et de déportés politiques – convoi du 15 août 1944 avec en particulier Germaine Tillon – partaient de Drancy », insiste Emmanuelle Pollack, interviewée par Vincent Lemerre, lors de l’émission Mémoires vives, le 6 décembre 2009.

Protéger et rapatrier les œuvres dans l’immédiat après-guerre
Créée le 24 novembre 1944 sous l’impulsion du ministère de l’Éducation nationale, la Commission de récupération artistique (CRA) est chargée de rechercher les œuvres d’art emportées en Allemagne. Sa mission : étudier les problèmes liés à la récupération des objets et œuvres d’art et recueillir, en collaboration avec l’Office de la récupération des biens, les déclarations des propriétaires spoliés.

Rose Valland devient la secrétaire de la CRA en raison de l’importante documentation qu’elle a rassemblée pendant les quatre années d’Occupation.

Listes des œuvres, listes des propriétaires, localisation des dépôts en Allemagne... Ces informations communiquées aux armées alliées permettent de sauvegarder des dépôts dissimulés menacés par les opérations militaires (bombardements) contre l’Allemagne nazie.

Nommée lieutenant puis capitaine dans la Première armée française, Rose Valland devient l’agent de liaison entre la CRA et le gouvernement français de la zone d’occupation en Allemagne. Dans une Allemagne en ruines, dès le 11 mai 1945, « elle est alors chargée de retrouver, en lien avec les Alliés, les pièces appartenant à des collections françaises [dans les dépôts dissimulés des zones d’occupation française, britannique et américaine] et de veiller à leur retour ». L’officier Beaux-arts américain James J. Rorimer la décrit « rude et déterminée ».

La CRA disparaît par décret du 30 septembre 1949. Son action, ainsi que celle des Alliés, aura permis de rapatrier en France environ 60 000 œuvres d’art, provenant majoritairement d’Allemagne et d’Autriche. En 1950, 45 000 œuvres d’art ont été restituées à leurs propriétaires légitimes spoliés ou à leurs ayants-droit quand les propriétaires avaient été assassinés lors de la Shoah. A noter que, sous l’Occupation, 100 000 œuvres d’art avaient été emmenées hors de France, vers l’Allemagne. Deux mille MNR ont été mis en dépôt.

Rose Valland est « à l'origine du sauvetage de plus de la moitié du patrimoine culturel juif, dès l'immédiat après-guerre ».

Une « expérience donnée en partage »
Le ministère de l’Éducation nationale et des Beaux-arts, administration de tutelle, récompense Rose Valland pour ses actions de récupération des œuvres d’art et de la mise en sécurité des collections au service de la Nation et de l’Etat. En 1952, à 54 ans, Rose Valland obtient le statut de conservateur de musée, auquel elle aspirait depuis longtemps, et se voit confier de nouvelles missions.

Certes, le contexte a changé – c’est la guerre froide -, mais des menaces pèsent sur le patrimoine artistique national.

Il importe de nouveau de concevoir de nouveaux plans de sauvetage de ce cher patrimoine. L’expérience de ceux ayant œuvré en ce but lors de la Seconde Guerre mondiale revêt alors un intérêt particulier.

Rose Valland est chargée de mettre en place un plan d’évacuation des chefs d’œuvre des musées français. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de l’accord international de La Haye sur la protection des biens artistiques (1907).

En 1961, est publié Front de l’art, Défense des collections françaises, 1939-1945 (Plon). Rose Valland y retrace l’histoire du sauvetage des collections particulières des familles juives et « l’âpre combat des services des musées nationaux face aux exigences allemandes ». Un livre salué par la presse. Et qui reste « jusque dans les années 1990 une référence sur l’histoire de la récupération des œuvres d’art ». Un livre republié par la RMN en 1997.

En 1964, Suzanne Flon incarne Rose Valland dans Le train (The Train) réalisé par John Frankenheimer et Bernard Farrel, avec Burt Lancaster, Paul Scofield, Jeanne Moreau, Suzanne Flon et Michel Simon. "Après le débarquement allié, les Allemands veulent emporter par le train des tableaux de grande valeur en Allemagne". Le colonel Franz von Waldheim veut envoyer par un train spécial en direction de l'Allemagne les oeuvres d'art stockées au musée du Jeu de Paume. "Mais la conservatrice du musée alerte la résistance-fer. Sous la direction tenace de Labiche, sous-chef du secteur ferroviaire, toute la ligne où le convoi doit passer est sur le pied de guerre".

A sa retraite en 1968, Rose Valland continue de classer le fonds d’archives de la Commission de récupération artistique (« fonds Rose Valland »). En octobre 1979, elle donne ses archives personnelles à la Réunion des musées nationaux. En 2005, est apposée une plaque à son nom sur un mur du Jeu de Paume.

Cette exposition et les deux livres pour la jeunesse sur Rose Valland éclairent une forme peu connue de résistance : la résistance civile et administrative, via le parcours d’une « femme qui fit le choix de lutter contre la mainmise des nazis sur les collections privées et publiques du patrimoine artistique français ». Une dame qui fit partie, selon ses mots, de « ceux qui luttèrent pendant la dernière guerre, pour sauver un peu de la beauté du monde ».

On aurait aimé avoir des informations sur l’intérêt de Rose Valland pour d’autres sujets que l’art, et par exemple, les juifs persécutés.

On s’interroge aussi pour savoir si la menace terroriste islamiste aurait inspiré un plan de protection de joyaux du patrimoine artistique mondial.

Addendum :
Le colloque international Fair and just solutions? Alternatives to litigation in Nazi looted art disputes: status quo and new developments, s'est tenu le 27 novembre 2007, à La Haye (Pays-Bas).

Le Président François Hollande s'est rendu en visite officielle en Algérie (19-20 décembre 2012). La Biche morte de Gustave Courbet est un "M.N.R., c’est-à-dire un bien Juif volé pendant la " Seconde Guerre mondiale "mais dont on n’a pas réussi à retrouver le propriétaire. Bien que revendiquée également par l’Algérie - à laquelle elle n’appartient pourtant pas - elle est restée en France, au Musée d’Orsay, demeurant disponible pour une éventuelle restitution aux descendants des collectionneurs spoliés pendant la guerre".

Rue 89 a publié l'enquête de Philippe Sprang sur les Juifs spoliés de leurs bibliothèques, soit 18 000 volumes précieux conservés dans de grandes bibliothèques publiques françaises.

En janvier 2013, 2 600 catalogues de ventes aux enchères de 1930 à 1945 en Allemagne, Autriche et Suisse, avec près d'un million de données dont 250.000 sont déjà en ligne. Ils sont consultables dans German Sales 1930-1945. C'est un projet de la bibliothèque d’art du Musée national de Berlin, la bibliothèque de l’université Heidelberg et Getty Research Institute à Los Angeles.

Le 19 mars 2013, les ministères français de la Culture et des Affaires étrangères ont restitué sept chefs d'œuvre picturaux aux ayants-droit de Richard Neumann et de Josef Wiener, deux collectionneurs Juifs, l'un viennois, l'autres praguois. A l'initiative d'Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, un "groupe de travail chargé de rendre des œuvres spoliées à leurs propriétaires" et la démarche de la France sera désormais "proactive dans laquelle la France va engager des moyens pour rechercher les propriétaires, qu'il y ait ou non une demande formelle".

Dans la maison de vente aux enchères  munichoise Weinmüller, 44 carnets ont été découverts. Une liste d'œuvres confisquées, aryanisées ou vendues sous la contrainte dans les années 1930 et pendant la Seconde Guerre mondiale. 

Le 26 novembre 2015 à 19 h 30, dans le cadre du Mois du film documentaire, le Mémorial de la Shoah a projeté, en présence de la réalisatrice et d’Emmanuelle Polack, chercheur accueilli à l’INHA, "Espionne aux tableaux, Rose Valland face au pillage nazi" de Brigitte Chevet (France, Documentaire, 52 mn, Aber Images, France 3, 2015, avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah) : "Assistante au musée du Jeu de Paume durant la guerre, Rose Valland a documenté les spoliations artistiques nazies au péril de sa vie. Puis, elle a sillonné l’Allemagne en ruine pour retrouver les oeuvres disparues. Des 100 000 oeuvres d’art expédiées en Allemagne, plus de la moitié reviendront en France grâce à son inlassable activité. Encore aujourd’hui, ses archives sont décisives pour les restitutions aux propriétaires".



La plaque apposée sur une façade du Jeu de Paume en hommage à Rose Valland commence à se dégrader : certaines lettres s'estompent.

Le 8 février 2016, à 18 h, l'INHA (Institut national d'histoire de l'art) proposa dans son auditorium  la rencontre Autour de Rose Valland (1898–1980), suivie de l'inauguration de l’espace Rose Valland dans le hall de l’INHA. Lors de cette rencontre, s'exprimeront Antoinette Le Normand-Romain (INHA), Chantal Georgel (INHA) "Le marché de l’art à Paris pendant la Seconde Guerre mondiale, un programme en cours", Emmanuelle Polack (INHA) "Les catalogues de la bibliothèque Jacques Doucet au service de l’histoire des spoliations", Iris Lauterbach (Zentralinstitut für Kunstgeschichte, Munich), à l’occasion de la parution de : "Der Central Collecting Point in München. Kunstschutz, Restitution, Neubeginn.

"Rose Valland est une figure marquante de la Résistance : grâce à elle des milliers d’œuvres d’art spoliées par l’occupant pendant la Seconde Guerre mondiale, principalement aux familles juives, ont pu être, depuis la fin du conflit, retrouvées, récupérées et, pour 45 000 d’entre elles, restituées à leurs propriétaires ou ayants droit. Attachée de conservation bénévole au musée des Écoles étrangères contemporaines du Jeu de Paume à partir de 1932, Rose Valland se forme à l’enseignement du dessin et à l’histoire de l’art, à Lyon, puis à Paris (à l’École des beaux-arts, à l’École du Louvre et à l’Institut d’art et d’archéologie), et soutient sa thèse en 1942 à l’École pratique des hautes études sous la direction de Gabriel Millet – elle la publiera en 1963 sous le titre Aquilée ou les origines byzantines de la Renaissance. Sous l'Occupation, le Jeu de Paume devient le lieu de stockage et de transit des œuvres pillées. Rose Valland réussit à établir, dans des conditions périlleuses, des listes détaillées, d’œuvres, de propriétaires et de dépôts en Allemagne. Ce travail lui permettra, ainsi qu’à la Commission de récupération artistique (CRA), mise en place à la Libération et soutenue par les Alliés, de retracer et de retrouver plus de 60 000 objets culturels. Nommée conservateur des Musées nationaux en 1952, Rose Valland publie en 1961 Le Front de l’art, un ouvrage qui contribue à faire connaître son combat au service de l’art et des oeuvres d’art. Le fonds de la CRA est conservé au Centre des Archives diplomatiques de La Courneuve. Le site Rose Valland / Musées Nationaux, composé de fiches renseignant les œuvres Musées Nationaux Récupération (MNR), est aujourd’hui mis en ligne par le ministère de la Culture et de la Communication. Par la documentation historique qu’il réunit et les points juridiques qu’il développe, il constitue pour les chercheurs une ressource inestimable afin que se poursuive le travail de restitution de milliers d’œuvres".

Le 25 juin 2017, à 14 h 20, Planète + diffusa L'Espionne aux tableaux, documentaire de Brigitte Chevet : "Assistante au musée du Jeu de Paume pendant la Seconde Guerre mondiale, Rose Valland a suivi la trace des oeuvres dérobées par les nazis à leurs propriétaires juifs. Ensuite, elle a sillonné l'Allemagne en ruine pour retrouver leur trace. Des 100 000 oeuvres d'art expédiées en Allemagne, 60 000 reviendront en France grâce à son inlassable activité. Aujourd'hui encore, ses archives sont précieuses pour les restitutions qui se poursuivent. Résistante reconnue aux Etats-Unis, Rose Valland est longtemps restée dans l'oubli dans son propre pays, comme le sont restées ces milliers de familles spoliées". Ce film a été projeté lors de la 18e édition du Mois du film documentaire le 25 novembre 2017 au LAAC de Dunkerque.


Le musée Dauphinois présente l'exposition "Rose Valland en quête de l'art spolié". "L’exposition Rose Valland. En quête de l’art spolié relate le parcours hors-norme de cette figure de la Résistance. Née à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, en Isère, la jeune Rose se passionne pour les beaux-arts et l’histoire de l’art. Elle accomplit un cursus brillant, d’abord à Grenoble, puis à Lyon et enfin à Paris. À la fin des années trente, elle travaille bénévolement au Musée du Jeu de Paume où sont exposées les avant-gardes européennes".

"Rose Valland reste à son poste en 1940 alors que le musée devient le dépôt principal des œuvres enlevées par les nazis aux familles juives et aux collections publiques. Parfaitement germanophone, la conservatrice note scrupuleusement le mouvement des œuvres en partance pour l’Allemagne, où elles viennent alimenter les collections des plus hauts dignitaires nazis. À la Libération, les informations recueillies par la résistante permettent de retrouver, dans les anciens territoires du Reich, quelque 45 000 œuvres volées et de les restituer à leurs propriétaires légitimes. Nommée capitaine de l’Armée française en 1945, Rose prend part à ce travail de terrain aux côtés notamment des Monuments Men américains. Jusqu’à sa disparition en 1980, elle n’aura de cesse d’œuvrer à la restitution."


"Malgré tout, l’engagement de la conservatrice n’a pas toujours reçu la reconnaissance qu’il aurait méritée."

"Cette manifestation est l’occasion de lui rendre hommage, mais aussi d’aborder le travail de restitution, toujours en cours soixante-quinze ans après les faits. L’exposition donne à voir plusieurs de ces pièces spoliées pendant la guerre ; certaines n’ont pas encore retrouvé leur propriétaire légitime. Dans cette exposition immersive, le visiteur se fait enquêteur."

"L’exposition rappelle son rôle décisif dans le sauvetage et la récupération de plus de 60 000 œuvres d’art spoliées par les nazis aux familles juives pendant l’Occupation. Ce travail est engagé en relation étroite avec l’association La mémoire de Rose Valland qui a grandement contribué à la faire connaître, le Musée de la Résistance et de la  Déportation de l’Isère et avec le soutien de la famille de la résistante."


L'exposition est assortie d'un catalogue. "Rose Valland. Une vie à l'œuvre" par Ophélie Jouan. "Originaire de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, Rose Valland intègre le Musée du Jeu de Paume en 1932, utilisé comme lieu de transit des œuvres d’art spoliées par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Infiltrée, elle relève minutieusement les informations sur la destination des œuvres et renseigne les résistants sur les convois afin qu’ils soient épargnés lors des sabotages. Ce travail permettra la restitution de quelque 45 000 œuvres spoliées après la guerre. (Éditions Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, coll. Parcours de résistants)".


Parmi les événements autour de l'exposition : le 13 février 2020, à 18h30, "Après la guerre : les restitutions" de Catherine Bernstein (2015, 52 min) : "À la Libération, vient le temps de la reconstruction politique, sociale et économique d’une France dévastée. Pour certaines catégories de Français dépouillées de leurs biens via la politique de spoliation, tout est à rebâtir. Dès 1944, une politique de restitution est mise en place, le Pr. Émile Terroine est nommé à Paris pour diriger le Service National des Restitutions." Au Palais du Parlement, place Saint-André à Grenoble, en partenariat avec le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, dans le cadre de l’exposition Femmes des années 40, présentée du 23 novembre 2019 au 18 mai 2020


"L’exposition Rose Valland. En quête de l’art spolié, tout comme l’exposition Femmes des Années 40, présentée parallèlement au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère du 23 novembre 2019 au 18 mai 2020, s’inscrit dans la programmation culturelle du 75e anniversaire de la Libération. À travers l’exposition Femmes des années 40, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère revient sur l’histoire des femmes iséroises des années 1940, de l’entre-deux-guerres à la Libération. Leurs parcours, leurs choix et leurs rôles sont évoqués grâce à de nombreux documents – photographies, vêtements, témoignages textuels ou filmés, produits de substitution – présentés pour la première fois".


Interview d’Emmanuelle Polack, chargée de mission au Musée des monuments français au sein de la Cité de l’architecture et du patrimoine, commissaire invité de l’exposition La Dame du Jeu de Paume, Rose Valland sur le front de l’art par Vincent Lemerre, le 6 décembre 2009, dans l’émission Mémoires vives sur RCJ.

"Le Train" de John Frankenheimer
Sur Ciné + Classic le 1er avril 2019

Emmanuelle Polack, Claire Bouilhac et Catel, Rose Valland, Capitaine Beaux-Arts. Editions Dupuis, coll. Grand public, 2009. 48 pages. ISBN : 9782800145525. 11,50 €. Extraits sur le site de l’éditeur.

Emmanuelle Polack et Emmanuel Cerisier, Rose Valland, l’espionne du Jeu de Paume. Préface de Marie-Paule Arnauld, conservateur général du patrimoine. Avant-propos d'Isabelle Rivé-Doré, directrice du Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation. Editions Gulfstream, Coll. L’histoire en images, 2009. 96 pages. Album jeunesse : dès 9 ans. 16,50 €. ISBN : 978-2-35488-046-0

L'espionne aux tableaux Rose Valland face au pillage nazi, documentaire de Brigitte Chevet
France, 2014,52 minutes,  Aber Images, avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Sur France 3 les 4 mai 2015 à 23 h 50, 9 mai 2015 à 15 h 20 et 11 mai 2015 à 8 h 50 sur France 3 Alpes, Auvergne et Rhône-Alpes.
Emission Mémoires Vives du 26 avril 2015, consacrée à ce film.


Du 5 novembre 2019 au 27 avril 2020
Au Musée dauphinois 
30 rue Maurice-Gignoux à Grenoble 
Tél. : 04 57 58 89 35 
Ouvert tous les jours de 10h à 18h du 1er septembre au 31 mai  
Visuels :
Rose Valland en compagnie d’Édith Standen, spécialiste américaine de la tapisserie intégrée au corps des Monuments Men, pose devant l’ « armure de Nuremberg », Wiesbaden (Allemagne), 1946.
Coll. Camille Garapont

La "salle des martyrs" du Jeu de Paume, Paris, 1942
 © DR

Maria BLANCHARD
Maternité, 1921.
Don Paul Rosenberg

Coll. Centre Pompidou

Musée RESISTANCE restitution©DR

Jusqu’au 2 mai 2010
Au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, Espace Berthelot :
14, avenue Berthelot, 69007 Lyon
Tél : 04 78 72 23 11
Du mercredi au vendredi, de 9 h à 17 h 30. Du samedi au dimanche, de 9 h 30 à 18 h
Visite commentée le dimanche 2 mai 2010 à 15h

Visuels de haut en bas :
Carte d’élève de l’École nationale des beaux-arts de Lyon, promotion 1922 Coll. Camille Garapont / Association La Mémoire de Rose Valland

Rose Valland dans les salles du Jeu de Paume, vers 1934
Coll. Camille Garapont / Association La Mémoire de Rose Valland

Rose Valland et André Dezarrois au musée du Jeu de Paume, vers 1935
Coll. Archives diplomatiques du Ministère des Affaires étrangères

Rose Valland, capitaine Beaux-Arts
Coll. Camille Garapont / Association La Mémoire de Rose Valland

Rose Valland, Edith Standen et Jean Rigaud ( ?), 1945
Coll. Archives des musées nationaux

Rose Valland sur le lac de Constance
Coll. Camille Garapont / Association La Mémoire de Rose Valland

A lire sur ce blog :
Cet article a été publié le 1er mai 2010 et modifié le 3 mai 2012. Il a été republié le 27 novembre 2012 et le 18 décembre 2012, les 31 janvier et 19 mars 2013 ;
- 6 novembre 2013. 1406 œuvres d'art, dont une partie provenant de la spoliation de Juifs, ont été retrouvées dans l'appartement de Cornelius Gurlitt à Munich;
- 4 mai et 26 novembre 2015, 8 février 2016, 25 juin et 25 novembre 2017, 1er avril 2019.

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