Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

mardi 30 janvier 2024

« We could be heroes » de Raphaël Barontini

Le Centre des monuments nationaux (CMN) présente au Panthéon l’exposition de Raphaël Barontini « We could be heroes » (Nous pourrions être des héros). « Raphaël Barontini met en scène des figures héroïques de cette lutte contre l’esclavage, connues ou méconnues, ayant contribué à jouer un rôle marquant dans son abolition, et qui forment son « panthéon imaginaire ». Le contexte historique n'apparait pas, le rôle des Européens dans cette abolition est occulté, et la personnalité complexe de certains "héros" est omise.

« Esclaves blancs - maîtres musulmans » par Lisbeth Jessen 
« Les routes de l'esclavage » par Daniel Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant

« Le Centre des monuments nationaux invite l’artiste Raphaël Barontini pour une exposition carte blanche au Panthéon du 19 octobre 2023 au 11 février 2024 dans le cadre de son programme « un artiste, un monument » : We could be heroes. »

« Raphaël Barontini investit le Panthéon avec des œuvres évoquant l’histoire et la mémoire des combats contre l’esclavage. Dans le lieu de la mémoire républicaine, qui honore plusieurs personnalités ayant œuvré en faveur de l’abolition de l’esclavage, comme Condorcet, l’abbé Grégoire, Toussaint Louverture, Louis Delgrès ou Victor Schoelcher, Raphaël Barontini met en scène des figures héroïques de cette lutte contre l’esclavage, connues ou méconnues, ayant contribué à jouer un rôle marquant dans son abolition, et qui forment son « panthéon imaginaire ».

Aucun panneau ne présente le contexte historique des faits relatés et des personnes représentés. A gommer l'Histoire, on la rend inintelligible, on ne combat pas l'ignorance et on culpabilise la France, à partir d'œuvres souvent moches. Serait-ce le but ?

« L’exposition prend la forme d’une installation monumentale, composée de drapeaux, de bannières et d’oeuvres textiles. Dans le contexte du Panthéon et de ses décors, Raphaël Barontini crée une fresque à la fois historique et sensible, évoquant d’une part la traite transatlantique et, d’autre part, les actrices et acteurs des combats pour la liberté. »

« La première partie de l’installation textile et picturale est constituée d’une haie d’honneur qui accueille le visiteur. Des bannières et drapeaux de grand format déployés de chaque côté de la nef présentent les portraits stylisés de figures historiques du combat pour l’émancipation et l’abolition de l’esclavage : Anchaing & Héva (La Réunion), Sanité Bélair (Haïti), Louis Delgrès (Martinique et Guadeloupe), Dutty Boukman (Haïti), etc. »

« La partie centrale de l’installation est présentée dans les transepts nord et sud du monument. En dialogue avec les grandes peintures historiques du Panthéon évoquant certains épisodes de l’histoire de France - Jules-Eugène Lenepveu, Alexandre Cabanel ou encore Pierre Puvis de Chavannes -, les textiles de Raphaël Barontini revêtent une dimension narrative, de la période sombre de la traite et de l’esclavage jusqu’aux puissantes batailles pour son abolition. »

« Les œuvres de Raphaël Barontini conçues pour le Panthéon relèvent, dans le prolongement de ses précédents travaux, mais à une échelle inédite, d’un subtil art du collage et du montage : superposant les techniques et les couleurs, l’artiste assemble des fragments de paysages, de corps, de parures et de motifs puisés dans des langages visuels de différentes périodes, cultures et géographies. Alliant des questionnements artistiques, historiques et sociétaux, elles sont autant d’occasions de « créoliser les imaginaires » (Raphaël Barontini). »

« Une performance, proposée au Panthéon le 22 octobre à 16h30, accompagna l’exposition. Elle se déployait en deux actes : une pièce sonore originale composée par l’artiste et producteur de musique Mike Ladd, suivie d’une procession collective du Mas Choukaj, groupe de musiciens de carnaval antillais basé en Seine-Saint-Denis, mettant à l’honneur les figures historiques honorées sur les bannières. Les costumes de la performance ont été conçus et réalisés en collaboration avec les étudiantes et étudiants des Masters Stylisme et Textile de l’Ecole d’Art Appliqué Duperré à Paris lors d’un workshop dans l’atelier de Raphael Barontini. »

« A partir du 9 novembre 2023, une deuxième exposition historique et pédagogique investit également le monument à l’initiative du Centre des monuments nationaux et de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, Oser la liberté. Figures des combats contre l’esclavage. L’exposition retrace la généalogie universelle d’un combat qui traverse les époques et les continents : celui de la liberté contre l’esclavage. »

LE PARCOURS DE L’EXPOSITION

« L’exposition prend place dans trois espaces du Panthéon : la nef, le transept nord et le transept sud. »

LA NEF
Sanité Bélair
« Sanité Bélair (v. 1781 - 1802) est née en esclavage à Saint-Domingue. Affranchie et révolutionnaire, elle joue un rôle majeur dans les affrontements qui mènent à l’indépendance haïtienne en combattant les troupes du général Leclerc, venues reprendre le contrôle de Saint-Domingue sur ordre de Napoléon Bonaparte en 1802. Depuis 2004, bicentenaire de l’indépendance d’Haïti, le portrait de Sanité Bélair est imprimé sur les billets de dix gourdes haïtienne, la monnaie du pays. »

Joseph Ignace
« Joseph Ignace (v. 1770 – 1802) est l’un des premiers hommes à s’insurger en Guadeloupe en 1802. Il devient le chef d’un des bataillons affrontant les troupes françaises du général Richepance, venues remettre en place l’ordre esclavagiste sous l’autorité de Napoléon Bonaparte. Tout comme Louis Delgrès, il a fait le choix de se suicider au combat plutôt que de renoncer à la liberté. »

Anchaing et Héva
« A la croisée du réel et de la légende, l’histoire d’Anchaing et Héva, couple de marrons qui aurait vécu dans la colonie de l’Île de Bourbon, actuelle Île de la Réunion, incarne les résistances et les projets des communautés de marrons établies dans les cirques à l’intérieur des terres de La Réunion. L’un des sommets du cirque de Salazie, où ils se réfugièrent, est aujourd’hui connu comme le Piton d’Anchaing. »

Toya
« Victoria Montou (milieu du XVIIIe siècle - 1805), dite « Toya », est née au Royaume du Dahomey (actuel Bénin) où elle apprend les techniques de combat qui lui vaudront sa renommée. Capturée et réduite en esclavage, elle est déportée à Saint-Domingue où elle se rapproche du futur empereur d’Haïti, Jean-Jacques Dessalines, qu’elle rencontre dans une plantation. Elle l’initie au combat et partage avec lui des idées révolutionnaires. Dans les années 1790, elle mène un groupe d’une cinquantaine d’insurgés, contribuant grandement à faire advenir la révolution en Haïti. »
Ainsi que...
Le Mars Vaudou – Dutty Boukman
Le Jacobin noir
La Mambo de Bois-Caïman - Cécile Fatiman
Ormerod
Claire, La maronne de la Montagne-Plomb 
À l’univers entier, le dernier cri de l’innocence et du désespoir - Louis Delgrès

LE TRANSEPT NORD
« L’installation textile du transept nord est composée de quatre oeuvres qui forment un ensemble. »

« La plus grande pièce, La Traversée, évoque la traite dans le cadre du commerce triangulaire : le déracinement du continent africain, la déportation à travers l’océan Atlantique et la réduction en esclavage de millions d’hommes et de femmes. Sur la partie gauche de l’oeuvre figure l’une des plantations les plus anciennes de Guadeloupe, située à Marie Galante. »

« Le Gouffre évoque métaphoriquement la chute dans les abysses de l’esclavage. D’innombrables personnes en situation d’esclavage ont perdu la vie durant leur trajet vers les Amériques en raison des conditions de transport inhumaines dans les cales des bateaux : suicides, insurrections, maladies. Le personnage qui chute est Joseph, célèbre modèle noir des ateliers parisiens de peintres au XIXe siècle. Peint pour la première fois par Théodore Chassériau, il fut aussi immortalisé par les peintres Jacques-Louis David et Théodore Géricault. »

« Le Marron rend hommage aux masses anonymes de personnes en situation d’esclavage, qui ont tenté de fuir leur asservissement. Depuis les montagnes et les mornes de la Guadeloupe, de La Réunion ou encore dans la forêt amazonienne en Guyane, ces personnes en fuite sont les premiers héros de la résistance contre l’esclavage ».

« Léwoz évoque les traditions de musiques et de danses nées dans les plantations en Guadeloupe et Martinique. Le Léwoz est une pratique de chant et de percussion (le Ka), un acte artistique de résistance apparu dans le contexte des plantations. »

LE TRANSEPT SUD
« Les œuvres présentées dans le transept sud évoquent un événement majeur des luttes pour la liberté : la bataille de Vertières qui s’est déroulée en 1803 en Haïti. »

La Bataille de Vertières
« Tournant décisif dans la lutte pour l’indépendance haïtienne, la bataille de Vertières (18 novembre 1803) marque la victoire des insurgés sur les troupes napoléoniennes et permet à Haïti de devenir la première République noire en 1804. Haïti est la seule colonie française caribéenne qui parvient à gagner son indépendance par les armes. »

Solitude
« Figure historique, devenue héroïne de roman sous la plume d’André Schwarz-Bart, Solitude (1772 – 1802) combat en 1802 les troupes napoléoniennes alors qu’elle est enceinte. Arrêtée, elle est emprisonnée et son exécution est programmée au lendemain de son accouchement. Quelques mois plus tard, l’esclavage est de nouveau instauré sur l’île. Solitude est une figure emblématique de la résistance guadeloupéenne. »

Le Triomphe de Toussaint
« Toussaint Louverture (1743-1803) est l’un des héros de l’indépendance haïtienne et de la lutte pour l’abolition de l’esclavage. Né dans la plantation de Bréda, à Saint-Domingue (actuelle Haïti), il est affranchi en 1776. Après l’abolition de l’esclavage dans les colonies, il combat aux côtés de la France pour l’indépendance de l’île face aux Espagnols. En 1801, il est nommé général mais s’autoproclame « gouverneur à vie ». L’année suivante, il se rallie aux insurgés pour lutter contre les troupes napoléoniennes venues rétablir l’ordre colonial. Il est capturé et emprisonné en France, au Fort de Joux, où il meurt 1803, un an avant l’indépendance d’Haïti. »
Des travaux historiques ont révélé que Toussaint Louverture, propriétaire de plantations, était propriétaire aussi d'esclaves, et avait une conception autoritaire du pouvoir. 

BIOGRAPHIE DE L’ARTISTE

« Raphaël Barontini (né en 1984 à Saint-Denis, France, vit et travaille à Saint-Denis) trouve son inspiration dans l’hommage rendu aux figures des mouvements historiques de libération. Mêlant photographie, sérigraphie, peinture et impression numérique, Raphaël Barontini déploie une peinture en mouvement qui pose un nouveau regard sur l’histoire tout en questionnant le statut même de la peinture dans le musée et l’espace public.

Pour Barontini, la remise en question des canons de l’histoire autour des cultures et des territoires qui ont connu l’esclavage ou la colonisation reste une priorité. Son travail établit une « contre-histoire » à travers la représentation de héros et héroïnes, réels ou imaginaires.

Le travail de Raphaël Barontini a été exposé dans des institutions du monde entier, notamment au MAC VAL (Vitry-sur-Seine, France), au MO.CO (Montpellier, France), au Museum of African Diaspora (San Francisco, États-Unis), au New Art Exchange Museum (Nottingham, Royaume-Uni) et au Museum of Arts and Design (New York, États-Unis). Il a également participé aux biennales internationales de Bamako (Mali), Casablanca (Maroc), Lima (Pérou) et Thessalonique (Grèce). Il sera prochainement artiste en résidence à la Villa Albertine, à la Nouvelle-Orléans. »

Entretien avec l’artiste Raphaël Barontini et Barbara Wolffer, l’administratrice du Panthéon

« B. W. Parmi les grands personnages honorés au Panthéon, nombreux sont ceux qui se sont élevés contre l’esclavage, tels Jean-Jacques Rousseau, Victor Schoelcher, l’abbé Grégoire, Condorcet, Toussaint Louverture ou encore Louis Delgrès. Dans le cadre de sa programmation de l’automne 2023, consacrée aux figures des combats contre l’esclavage, le Centre des monuments nationaux vous a proposé une « carte blanche » au Panthéon. Votre travail artistique a en effet d’importantes résonances avec l’histoire des luttes contre l’esclavage. Comment avez-vous réagi à cette invitation ?
R. B. Je travaille quotidiennement avec l’Histoire et ses manifestations visuelles passées comme matériaux de travail. Elles me permettent de poser un cadre, un début à la narration de mes œuvres et d’ouvrir des questionnements.
La période de l’esclavage m’intéresse depuis longtemps, car il s’agit d’un moment charnière, dont les incidences sur les relations géopolitiques, économiques, culturelles entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques persistent. Encore douloureuse et méconnue de tant de personnes, elle fut aussi le terreau d’une culture créolisée exceptionnelle qui a chamboulé les arts. Un travail pédagogique sur l’histoire et la mémoire de l’esclavage est encore à poursuivre, mon intervention s’effectue, elle, dans celui des imaginaires.
L’invitation à produire un nouveau corpus d’œuvres pour une carte blanche au Panthéon m’a permis de donner un visage aux figures caribéennes résistantes, dans l’ensemble peu connues, et de créer un moment performatif fort pour leur apparition dans ce temple républicain.
Dans un lieu qui fait « histoire », j’ai choisi de questionner la fonction même du monument et de rendre visible, à grande échelle, la période sombre de la traite de l’esclavage, mais aussi la puissance de vie, d’espoir et de liberté qui a émergé de l’action d’héroïnes et de héros, autant que d’esclaves inconnus et sans représentations. […]

B. W. Vous abordez l’histoire de la lutte contre l’esclavage sur le versant de l’héroïsme de ses protagonistes. Cet héroïsme est perceptible dans la puissance des visages et des postures des personnages que vous représentez, mais aussi dans le choix de certains supports – des bannières notamment – ou encore dans les titres de vos œuvres. Triomphes, couronnements, reines, empereurs, Venus peuplent ainsi votre univers artistique. Votre installation au Panthéon s’intitule elle-même We Could Be Heroes
Qui sont ces héroïnes et ces héros que vous avez choisi de représenter au Panthéon ? Est-il question de rendre gloire à des combattantes et combattants de la liberté méconnus ?
R. B. Les représentations du pouvoir dans l’histoire de la peinture ont une place particulière au sein de ma pratique du portrait. J’y vois un jeu formel d’inversion presque carnavalesque, qui me permet de questionner les faits historiques et d’imaginer une autre représentation des choses. Le costume, le vêtement, le décor, tout ce qui entoure le portrait est un sujet d’expérimentation et d’excitation artistique.
C’est aussi le terreau du récit que j’imagine autour de personnages qui sont parfois réels, parfois totalement fictifs.
Pour cette exposition, le courage, l’esprit de résistance, une sorte d’héroïsme collectif sont mis en avant. J’ai essayé de montrer que la lutte contre l’esclavage a pris plusieurs formes, derrière des uniformes révolutionnaires et républicains, en tant que marrons ou chefs spirituels vaudous. Ces figures résistantes émergent de différentes façons, et sont pour certaines presque des anti-héros tapis dans l’ombre, camouflés.
J’ai choisi ici de portraiturer une cosmologie de figures historiques qui, collectivement ou individuellement, se sont battues contre l’esclavage sur ces territoires des Amériques et de l’Océan indien. Même si certaines d’entre elles, comme les marrons et marronnes Anchaing et Héva (La Réunion), Claire (Guyane) ou encore Flore Gaillard (Sainte-Lucie), sont célèbres sur leurs territoires respectifs, je me suis rendu compte de l’absence de portraits qui les représentent et de la nécessité d’en imaginer. Je me suis donc attelé à créer de nouvelles effigies, des figures fières et fortes qui fassent écho à leurs combats, à leurs histoires.
[…]

B. W. Le Panthéon est le temple des grands hommes et femmes, mais c’est aussi une architecture monumentale, qui accueille de nombreuses œuvres artistiques et scientifiques : le pendule de Foucault, des peintures d’histoire de la fin du XIXe siècle, des groupes sculptés du début du XXe siècle, ainsi que des œuvres contemporaines. Comment avez-vous abordé le lieu, son échelle et ses décors existants dans votre proposition artistique ?
R. B. Le Panthéon est effectivement un édifice à l’intérieur riche et foisonnant, j’ai très vite pris conscience que, face à cette architecture et à ce lieu, ma réponse artistique devait être à la mesure de son échelle, généreuse et colorée.
J’ai donc choisi ici de réunir plusieurs facettes de mon travail, pour que l’impact soit plus fort : des bannières picturales, des œuvres en textile de grand format ou encore une performance musicale.
En miroir des nombreuses toiles peintes de Jules Eugène Lenepveu (1819-1898), Pierre Puvis de Chavanne (1824-1898) et Jean-Paul Laurens (1838-1921), j’ai pensé deux ensembles textiles narratifs qui revisitent les codes de la Peinture d’Histoire d’une façon plus composite. Ces grandes tentures suspendues viennent avec légèreté occuper l’espace des deux transepts autour du pendule de Foucault.
Dans le bras nord du transept, l’installation textile évoque la traite des esclaves, la longue traversée de l’Atlantique, mais aussi la violence et la déshumanisation au sein des plantations.
Dans le bras sud du transept, l’ensemble textile revient sur des moments ou des figures importantes de la lutte pour la liberté, comme la bataille de Vertières qui vit l’abolition de l’esclavage devenir réalité en Haïti, un portrait équestre de Toussaint Louverture ou encore le portrait monumental de Solitude, femme réduite en esclavage, insurgée de Guadeloupe.
J’ai aussi imaginé une performance, car je voulais que les rythmes des déboulés guadeloupéens de carnaval habitent les lieux et transforment le monument en place publique.

B. W. Les cohabitations sont au cœur de votre travail. La composition de vos œuvres relève en effet d’un art du collage et du montage : des fragments de paysages, de corps, de parures et de motifs puisés dans des langages visuels de différentes périodes, cultures et géographies ; des couleurs qui s’assemblent ; des techniques qui se superposent. S’agit-il de réconcilier les époques, les continents, les mémoires ?
R. B. De cette période noire de l’histoire émerge un mélange culturel unique dans les Amériques et notamment aux Antilles. Ce qu’Édouard Glissant a théorisé avec brio, c’est la rencontre imprévue, insoupçonnée de ces cultures venues de plusieurs continents.
Je me suis toujours placé dans cette logique artistique de créolisation, d’association et de percussion des imaginaires. De façon initiale et sûrement inconsciente, le choix esthétique du collage, du montage s’est imposé à moi comme un miroir de ce que je vivais depuis mon enfance entre la France, la Guadeloupe et l’Italie et surtout dans mon univers immédiat à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
Ce principe formel est donc primordial dans ma production artistique ; il me permet de réassocier des mythes, des histoires, d’inventer des nouveaux scénarii picturaux. Je croise et associe des images, des objets, des œuvres d’art de différentes époques et géographies, en particulier, ici, entre l’Europe et l’Afrique. Pour cette exposition, j’ai par exemple construit des portraits en utilisant des fragments de sculptures antiques de dieux grecs, des masques ou statuettes d’Afrique de l’Ouest ou centrale, des portraits classiques de militaires gradés du XVIIIe siècle, des portraits photographiques de fonds ethnographiques coloniaux. 
Je retisse des réalités, recompose des narrations et des pans d’histoires en créolisant des iconographies et des supports aux provenances géographiques et temporelles éloignées. Ces moments à recomposer, deviennent des fictions picturales sur toile ou sur tissu. Je tente de proposer un autre paysage historique en faisant des coupures un nouveau liant, en essayant de créer des chocs harmonieux. […] »


Du 9 novembre 2023 au 11 février 2024
Place du Panthéon. 75005 Paris
Tél. : 01 44 32 18 00
Tous les jours de 10 h à 18 h
Visuels : © Didier Plowy – Centre des Monuments Nationaux 


Les citations sont extraites du dossier de presse de l'exposition. 

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