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« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

vendredi 10 novembre 2023

Mathieu Kassovitz

Né en 1967, Mathieu Kassovitz est un acteur - "Regarde les hommes tomber" de Jacques Audiard (1994), "La Cité des enfants perdus" de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet (1995), "Un héros très discret" de Jacques Audiard (1996), "Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain" de Jean-Pierre Jeunet (2001), 
« Amen. »"Munich" -, scénariste, monteur, producteur et réalisateur - "Métisse", "La Haine" - français d'origine juive hongroise. Politiquement engagé, il a multiplié les déclarations controversées. Arte diffusera le 12 novembre 2023 à 21 h00 « Amen. » (Der Stellvertreter), film réalisé par Constantin Costa-Gavras (2002) avec Ulrich Tukur, Mathieu Kassovitz et Ulrich Mühe.


Mathieu Kassovitz est né en 1967 à Paris dans une famille d'artistes. 

Son père 
Peter Kassovitz, Juif hongrois, acteur, réalisateur et producteur né en 1938 à Budapest (Hongrie), fils du dessinateur hongrois Félix Kassowitz, a fui la Hongrie lors de l'insurrection de Budapest (Hongrie) en 1956. Après avoir débuté à l'ORTF, il a réalisé "Au bout du bout du banc" (1979) avec Jane Birkin, Victor Lanoux et Georges Wilson, "Drôles d'oiseaux" (1991) avec Bernard Giraudeau, Patrick Chesnais, Ticky Holgado et "Jakob le menteur" (Jakob the liar) (1998) avec Robin Williams, Armin Mueller-Stahl, Alan Arkin, adapté avec Didier Decoin d'un roman de Jurek Becker.

Son grand-père Félix Kassowitz (1907-1983) était un dessinateur hongrois qui signe « Kasso ». Il a débuté comme dactylographe pour divers journaux. De 1930 à 1932, à Paris, il est caricaturiste pour Le Rire, Marianne, Le Petit Journal et L'Intransigeant. Puis, il revient à Budapest où il illustre le Vasárnapi Ujság. Vers 1935, avec Gyula Macskássy, il est un des pionniers du film d'animation hongrois, en particulier pour la publicité. Dans le milieu avant-gardiste budapestois, il côtoie György Szénásy et János Halász, se lie avec les artistes de Szentendre - Jenő Barcsay et Dezső Korniss -, noue des liens d'amitié avec Lajos Vajda et Endre Bálint. Durant la Deuxième Guerre mondiale, il est détenu dans un camp de travail en 1943, puis déporté avec son épouse comme Juifs. Rescapé de la Shoah, le couple retourne dans la capitale hongroise. Félix Kassowitz devient membre du Parti des travailleurs hongrois. Dès la fin des années 1940, il entre dans les rédactions des revues Ludas Matyi et Képes Hét, et crée des dessins pour les journaux Füles, Népszabadság, Szabad Száj et TükörEn 1956, il abandonne le parti communiste et se concentre sur sa carrière de dessinateur. En 1957, est publié le recueil de caricatures Dessins de Kasso, et, dès les années 1960, il crée des affiches publicitaires. Il reçoit le Prix Munkácsy 1968.

Sa mère 
Chantal Rémy est une monteuse de films française catholique. 

Au début des années 1990, Mathieu Kassovitz mène une carrière d'acteur et de réalisateurs de courts-métrages, Fierrot le Pou, Cauchemar blanc et Assassins.

Premier long métrage qu'il réalise, "Métisse" (1993), est influencé par Do the Right Thing (1989) de  Spike Lee,

Succès critique et commercial, récipiendaire de trois César, dont celui du Meilleur film et du Meilleur montage, "La Haine" rend Mathieu Kassovitz célèbre comme réalisateur.

En 1997, sort "Assassin(s)" de Mathieu Kassovitz qui réalise aussi des clips publicitaires - pour le parfum Miracle de Lancôme (2001), "Protégeons les humains, pas les frontières" pour le Collectif pour une Nation Refuge (CNR) en 2017 -, en 2000 "Les Rivières pourpres", thriller avec Jean Reno et Vincent Cassel et en 2003 "Gothika", thriller fantastique avec Halle Berry et Penélope Cruz, et en 2011 "L'Ordre et la Morale". Mécontent de l'accueil public de ce film et de son unique nomination aux Césars, il twitte : « J'encule le cinéma français. Allez vous faire baiser avec vos films de merde. »

Dans sa filmographie d'acteur : "Au bout du bout du banc" de Peter Kassovitz (1979), "L'Année prochaine... si tout va bien" de Jean-Loup Hubert (1981), "Maigret chez les Flamands" de Serge Leroy (1992), "Regarde les hommes tomber" de Jacques Audiard (1994) - l'interprétation de Mathieu Kassovitz est distinguée par le César du Meilleur espoir masculin 1995 -, "La Cité des enfants perdus" de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet (1995), "Un héros très discret" de Jacques Audiard (1996), "Mon homme" de Bertrand Blier (1996 ), "Le Cinquième Élément" de Luc Besson (1997), "Le Plaisir (et ses petits tracas)" de Nicolas Boukhrief (1998 ), "Jakob le menteur" de Peter Kassovitz (1999), "Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain" de Jean-Pierre Jeunet (2001), "Nadia" (Birthday Girl) de Jez Butterworth (2001), "Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre" de Alain Chabat (2002), "Amen." de Costa-Gavras (2002), "Munich" de Steven Spielberg (2005), "Avida" de Gustave Kervern et Benoît Delépine (2006), "Piégée" (Haywire) de Steven Soderbergh (2012), "Le Guetteur" de Michele Placido (2012), "Angélique" d'Ariel Zeitoun (2013), "Vie sauvage" de Cédric Kahn (2014), "Valérian et la Cité des mille planètes" de Luc Besson (2017), "Happy End" de Michael Haneke (2017), "Banlieusards" de Kery James et Leïla Sy (2019), "Les Choses humaines" de Yvan Attal, "The Way of the Wind" de Terrence Malick et "Lui" de Guillaume Canet (2021).

Pour la télévision, Mathieu Kassovitz, également producteur (MNP Entreprise) a tourné dans "Maigret chez les Flamands" de Serge Leroy (1992), "Guerre et Paix" (War & Peace) de Tom Harper (2015) et dans Le Bureau des légendes (BDL), série télévisée française créée et produite par Éric Rochant diffusée depuis 2015 sur Canal+ - il interprète le rôle principal, celui de Guillaume Debailly alias Malotru, agent de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE).

Des déclarations politiques de Mathieu Kassovitz ont suscité des polémiques. En 2009, il a exprimé des théories complotistes concernant les attentats terroristes islamistes du 11 septembre 2001 et a rencontré au Liban Thierry Meyssan. Le 15 octobre 2009, durant l’émission de radio « Les Grandes Gueules » sur RMC, Mathieu Kassovitz a déclaré concernant l’avion AA77 qui s'était écrasé sur le Pentagone : « Si vous connaissiez bien le sujet, vous devriez savoir combien il y avait de passagers dans cet avion… Il y avait 49 passagers dans cet avion dont les deux tiers étaient des gens affiliés au gouvernement d’une certaine façon, soit au FBI, soit à Lockheed Martin, soit au monde de l’aviation ». Quelques secondes plus tard, Kassovitz persistera à déclarer que « cet avion était rempli de 49 personnes », ajoutant que cela « est extrêmement rare pour un avion qui fait ce genre de vols [car] normalement ils sont remplis »…

Le 26 octobre 2015, Mathieu Kassovitz a twitté : "Netanyahu est un mauvais juif". Devant les commentaires d'Israéliens francophones favorables au Premier ministre israéliens, il a supprimé son twitt.

"Qui a tué ces enfants juif? Sommes nous certain que c'est Merah et doit on croire la version officielle malgré les zones d'ombre?», a twitté Mathieu Kassovitz [en juin 2012]. Cette sortie fait suite à la plainte du père de Mohamed Merah déposée lundi pour meurtre. Son avocate, Zahia Mokhtari affirme détenir des preuves, notemment avec deux vidéos amateurs, de la «liquidation» de Merah par le Raid... Mathieu Kassovitz réunit ensuite sur internet plusieurs coupures de presse et s'adresse une fois de plus à la communauté web: «Assez d'éléments troublants réunis en 10 mn pour s'autoriser à poser des questions sans se faire traiter de conspirationiste ou d'antisémite.»

Avant le second tour de l'élection présidentielle de 2017, il a appelé à voter pour Emmanuel Macron, candidat de La République en marche. Apprenant le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, à Marine Le Pen, présidente du FN, Mathieu Kassovitz a qualifié, sur Twitter, de « trou du cul » Nicolas Dupont-Aignan. Celui-ci a annoncé qu'il allait porter plainte contre ce genre de « donneurs de leçons qui se comportent comme des racailles ».

Le 24 décembre 2017, des forces de l'ordre nantaises saisissent sept grammes de résine de cannabis dans un hôpital, et Mathieu Kassovitz a qualifié sur Twitter les policiers de « bons à rien » et de « bande de bâtards ». Le député Éric Ciotti (Les Républicains) exhorte dans une lettre ouverte que l'Etat poursuive judiciairement l'auteur de ce twitt, et reçoit les insultes du réalisateur. Celui-ci est condamné le 18 septembre 2019 pour injure publique à une amende de 1 000 euros et à verser un euro de dommages et intérêts à chacun des dix-sept agents, parties civiles, par le Tribunal correctionnel de Paris. Lors de l'audience, Mathieu Kassovitz a regretté la "susceptibilité" des policiers, a déclaré n'avoir pas voulu "blesser" : "Moi, j'ai été éduqué beaucoup dans la rue. La 'bande de bâtards', ce n'est pas une insulte, je l'utilise aussi pour les amis". Il a ajouté subir "des violences policières" depuis ses 25 ans et lutte dans ses films pour inviter à un "respect" mutuel entre jeunes et policiers.

15 mai 2018. Arno Klarsfeld et Mathieu Kassovitz "débattent. Via Twitter, l'avocat et le comédien montrent un avis contrasté. Arno Klarsfeld, Franco-Israélien, estime que « si des dizaines de milliers de Palestiniens excités par le Hamas détruisaient la clôture et passaient en Israël ce serait un carnage et Israël, sans frontières, cesserait d'exister ». Ce à quoi le comédien Mathieu Kassovitz a réagi : « aucune légitimité à ce massacre, aucune excuse pour le justifier. L'armée a tiré et tué des civils non armés qui se révoltent pour demander à être entendus. Enfants compris ».

"Dans une interview accordée au Parisien ce mardi 4 août 2020, le créateur du film ‘La Haine’ est revenu sur les émeutes racialistes liées à Black Lives Matter et à Adama Traoré, décédé en 2016 lors d’une interpellation policière. Selon lui, « il y aurait un film à faire sur l’histoire d’Assa Traoré (la sœur d’Adama), son combat, la violence étatique autour de cette histoire, le manque d’éthique et de respect pour des gens qui souffrent… » Pour Mathieu Kassovitz, ces sujets n’auraient « pas changé depuis vingt-cinq ans ». 

"Il revient notamment sur sa rencontre avec le réalisateur Ladj Ly, « dont (il est) fan et dont le travail de photographe a été inspiré par l’affiche de ‘La Haine’ », dit-il. Pour rappel, Ladj Ly, qui a connu le succès avec Les Misérables en novembre dernier, avait été condamné à trois ans de prison pour « complicité d’enlèvement et séquestration » dans une affaire remontant à janvier 2009. Mathieu Kassovitz qualifie son confrère de « Noir de quartier, qui a fait de la prison, qui s’en est sorti ». D’après le raisonnement du réalisateur de La Haine, « si son film (celui de Ladj Ly) résonne autant – plus que le (s)ien » – Les Misérables a en effet reçu onze nominations aux Césars, « c’est parce que les mecs des quartiers ont enfin leur voix », pense-t-il."

"Toutefois, lorsque Le Parisien lui rappelle qu’il a signé en février dernier une tribune « dénonçant la sous-représentation des acteurs afro descendants dans le cinéma français », Mathieu Kassovitz regrette. « Je n’aurais pas dû » car selon lui, « ce n’était pas la bonne année ». En effet, le franco-marocain Roschdy Zem avait remporté le César du meilleur acteur et « Les Misérables » celui du meilleur film. Cependant, il se reprend en assurant que c’est un « problème de manière générale ». « En France, contrairement aux Etats-Unis, on ne peut pas obliger les gens à en engager d’autres parce qu’ils sont Noirs. Mais l’intégration se fera de manière organique. » Mais Mathieu Kassovitz pense que la situation serait apparemment courue d’avance… « De toute façon, la France est métissée : les racistes ont perdu leur combat, leur discours est obsolète », lâche-t-il."

“Je n'aime pas Macron, je n’aime pas du tout le Premier ministre. Ce sont des ordures, ces gens-là. Ce sont des gens qui n’ont rien compris, qui n’ont aucune empathie, qui ne font jamais évoluer la société. S’ils ne se font pas virer et remplacer par des gens qui ont une humanité en eux, on ne va aller nulle part. Sauf que dans cette pandémie [de coronavirus], je suis juste content parce que s’ils avaient rouvert les cinémas, les restaurants, juste pour que l’économie aille mieux, pour qu’on vote pour eux, pour qu’on soit heureux, et que mon père meurt, je leur en aurait voulu. Donc, heureusement qu’ils ont fait fermer ces lieux”, a déclaré Mathieu Kassovitz sur RMC (16 décembre 2020). 

« J'ai l'impression d'être en 1990, j'ai l'impression d'avoir déjà eu cette conversation et de l'avoir déjà vu à la télé des centaines de milliers de fois. [...] Tout ce dont vous parlez là ce sont des faits divers», a défendu le réalisateur de La Haine», [en mai 2021] regrettant qu'il y aura toujours des actes similaires commis par «des fous, des criminels» dans notre société. Relancé par David Pujadas à propos des «caillassages» de véhicules de pompiers, Mathieu Kassovitz a estimé qu'il s'agissait «d'un autre niveau de frustration» de la part de jeunes des quartiers, en insistant sur le fait qu'il s'agissait d'une minorité d'entre eux".

"Outre la réponse cinglante de Mathieu Vallet, le secrétaire national adjoint du Syndicat indépendant des commissaires, en plateau, le point de vue du cinéaste de 53 ans a fait réagir. «Mathieu Kassovitz est l'archétype du grand bourgeois se prenant pour un révolté. Gosse de riches, études dans des établissements cotés entre privilégiés, maintenant millionnaire. C'est un idéologue fasciné par la #Racaille qu'il n'a jamais côtoyée», estime le syndicat Synergie Officiers sur Twitter."

«Non monsieur #Kassovitz les caillassages de #pompiers et de #policiers ne sont pas un “moyen d'expression d'une frustration” mais l'attaque physique de femmes et d'hommes au service des autres et de la paix publique», a écrit de son côté le Syndicat majoritaire des Cadres de la Sécurité Intérieure.

"La Haine"
Arte diffusera le 1er octobre 2021, dans le cadre de la programmation spéciale "culture hip-hop",  « La haine » (Hass) de Mathieu Kassovitz (1995). Musique signée par Assassin, groupe de hip-hop français.  

« Ce matin-là, les Muguets, cité de la banlieue parisienne apparemment sans problèmes, se réveille en état de siège... Le film culte de Mathieu Kassovitz, fable urbaine qui cristallise les tensions sociales des cités,  toujours d'actualité. Avec Vincent Cassel, Hubert Koundé et Saïd Taghmaoui. »

« 10 h 38 du matin. Les Muguets, cité de la banlieue parisienne apparemment sans problèmes, se réveille en état de siège. Toute la nuit, les jeunes du quartier se sont battus contre les forces de l’ordre. La veille, au cours d’un interrogatoire, Abdel Ichah, 16 ans, a été blessé par un inspecteur de police. Il est depuis dans le coma. Galvanisés par la haine du système, Hubert, Saïd et Vinz, trois amis qui ne se quittent jamais, vont vivre la journée la plus importante de leur vie... »

« Avec ses plus de 2 millions d’entrées en France, ses trois César, son prix à Cannes et la vive polémique qu’il suscite – La haine serait un film "antiflics", fait largement démenti par certains personnages policiers du film –, le deuxième long métrage de Mathieu Kassovitz devient immédiatement culte ».

«"Il ne nous appartient plus", résume dès sa sortie le cinéaste, alors âgé de 28 ans ». 

« Pourtant, même si vingt-six ans après sa sortie La haine reste un manifeste social qui fait puissamment écho aux violences policières et aux tensions dans les cités, c'est son esthétique qui saute désormais aux yeux ». 

« Restituée dans un sublime noir et blanc – fabriqué au montage –, la banlieue est ici "fantasmée". » 

« Une vision positive que l’on reprochera au réalisateur, qui fait de Paris le réel théâtre de la violence sociale ». 

« Son trio composé d’un Noir, d’un Juif et d’un Arabe, jugé improbable par les critiques, a une vocation universelle, et sa réalisation, une ambition tout américaine : plans-séquences inspirés de Scorsese, multiplication des effets, soin minutieux apporté au verbe des personnages et à la musique, dont le fameux mix, signé Cut Killer, entre "Fuck la police" de NTM et "Je ne regrette rien" de Piaf… » 

"C'est la mort de Makomé, dans un commissariat du 18e, qui a tout déclenché. Je me suis demandé comment un mec pouvait se lever, le matin, et mourir, le soir, de cette façon. La Haine n'est pas un film sur la banlieue, mais sur les bavures policières ou, plus exactement, sur la société qui autorise et suscite ces bavures. C'est pour cela que j'ai choisi ce trio, pour bien montrer que ce n'est pas les Arabes ni les Noirs contre la police, mais toute une jeunesse de banlieue qui n'en peut plus", a expliqué Mathieu Kassovitz (Télérama, 31 mai 2015).

Il a réfuté avoir choisir un trio "politiquement correct" : "Si on calculait tout, on ne ferait plus de film. Non, je n'ai pas cherché à établir un panel. Vinz aurait pu être portugais, mais il se trouve que je ne connais pas du tout les Portugais. Pour les flics, si tu ne montres que des Blancs, on pourrait croire que toute la police est blanche. Or c'est faux. Il faut donc mettre un peu de tout, mais sans trop réfléchir. Juste pour qu'on comprenne que ce n'est pas les Français de souche contre les autres, mais la police contre les jeunes. Sans distinction de race... Que ce soit Saïd Taghmaoui, qui vient de la cité des 3 000, Hubert Koundé, qui vient aussi de banlieue, Vincent Cassel et moi, qui n'y avons pas grandi, le langage, on le connaît tous. On le tient, pas de problème. En revanche, aucun d'eux ne correspondait à son personnage... Je n'ai pas eu l'Avance sur recettes, parce qu'ils m'avaient demandé de réécrire le scénario. Je leur ai dit d'aller se faire voir. Ces gens qui ne te connaissent pas et qui se permettent de critiquer ton scénario, c'est ordurier. Un scénario, c'est rien, c'est bon à jeter à la poubelle, une fois écrit".

"Ce film, il a coûté 15 millions de francs. On aurait pu le faire pour 300 000 francs, mais ç'aurait été un autre film. Moi, je ne voulais pas un « film de cité », tourné avec des bouts de ficelle. Je voulais que le sujet soit pris au sérieux, que le spectateur sente qu'il n'a pas affaire à des rigolos qui mettent leur casquette de travers et qui font « yoyo ». C'est une fiction très travaillée, pas un reportage sur la vie des cités... Je ne voulais pas d'une cité infernale, avec de la came, où tu ne peux pas filmer, parce que des mecs te tirent dessus. Je n'avais pas besoin de cette pression. Je ne voulais pas non plus d'immeubles défoncés. On connaît ces images-là. La cité où j'ai tourné est en meilleur état. Mais ce n'est pas parce qu'on installe des paniers de basket dans une cité que les jeunes sont moins énervés, au contraire. On leur met des paniers en métal, incassables. Les immeubles sont ravalés, mais la vie est la même. On a simplement repeint la cage du zoo. Et quand on approche, on voit des mômes en armes", a poursuivi Mathieu Kassovitz.

Et le réalisateur de préciser : "On est arrivé trois mois à l'avance, on dormait sur place. Trois mois, c'était le temps nécessaire pour faire comprendre qu'on n'était pas une équipe de Navarro [série policière télévisée (1989-2007), Ndlr]. Les jeunes des cités en ont forcément ras le bol de l'image qu'on donne d'eux. Certains n'ont pas voulu entrer en contact avec nous. Mais la confiance s'est installée petit à petit. J'espère qu'il ne le regretteront pas. Bien sûr qu'on a eu quelques galères, mais je n'ai pas envie d'en parler. L'important, c'est les trois cents figurants et la dizaine de mecs pour la régie, qu'on a embauchés sur place. Ça a été une sacrée expérience, pour eux comme pour nous".

Et de conclure : "Je n'ai pas fait un film contre les policiers, mais contre le système policier. Ils devraient avoir dix ans de formation, les flics, avant qu'on leur donne un flingue. Il faudrait qu'ils soient bien payés, qu'ils aient des locaux vivables. Il y a parmi eux un taux de suicides énorme. Ceux qui entrent dans la police parce qu'ils veulent faire régner l'ordre, au sens noble du terme, s'aperçoivent très vite que ça ne marche pas comme ça. Entre les jeunes et la police, entre les jeunes et la société, le respect s'est perdu. Si les politiques respectaient la banlieue, la banlieue respecterait les politiques."

"Œuvre culte en citant deux autres – Scarface et Taxi DriverLa Haine reste néanmoins un film d’avant 2000, et pas seulement parce qu’on n’y voit pas un seul téléphone portable. Encore dans l’euphorie de l’idéal black-blanc-beur, le film n’évoque pas une seule fois la question religieuse. Pas l’ombre d’une fille voilée – pas de filles du tout d’ailleurs – pas l’ombre d’un barbu ou d’un Coran", a analysé Marie-Claude Martin (Le Temps,19 juillet 2016).

« Prix de la mise en scène, Cannes 1995 – Meilleurs film, montage et producteur, César 1995. À revoir, pour agiter les consciences tout autant que pour le plaisir du cinéma. »

Quelques décennies plus tard, ce trio "Black Blanc/Juif Beur" d'une cité de banlieue, un de ces territoires perdus de la France ou de la République, semble peu crédible. Le film accrédite l'idée infondée de "violences policières". Des policiers sont caillassés ou brûlés vifs dans leur voiture. La justice relaxe les groupes musicaux appelant à tuer des policiers. 


« Amen. »
Arte diffusera le 12 novembre 2023 à 21 h00 « Amen. » (Der Stellvertreter), film réalisé par Constantin Costa-Gavras (2002). 

« Pendant la guerre, un officier de la Waffen SS tente d'alerter le pape Pie XII du génocide dont les Juifs sont victimes... Un pamphlet poignant signé Costa-Gavras, avec Ulrich Tukur, Mathieu Kassovitz et Ulrich Mühe, éblouissants ».
   
« Kurt Gerstein est un officier de la Waffen SS, spécialisé dans la chimie et ses applications sanitaires. En Pologne, il découvre avec horreur que le gaz avec lequel il approvisionne les camps, le Zyklon B, sert en réalité à exterminer les Juifs en masse. Il décide d'alerter le Vatican pour que le pape condamne ouvertement ces crimes. Il trouve à Berlin une oreille attentive en la personne d'un jésuite, dont le père est haut placé dans la hiérarchie laïque de l'Église. Ils se rendent tous deux à Rome... »

Prix Lumières 2003 du Meilleur film, « César du meilleur scénario original ou adaptation en 2003, important succès public et critique à sa sortie, Amen est un véritable choc, dans la lignée des grands films politiques de Costa-Gavras (Z, L'aveu, Porté disparu) ». 

La pièce de théâtre Le vicaire (Der Stellvertreter) du dramaturge Rolf Hochhuth (1963), a été créée au théâtre de l'Athénée (Paris) dans une adaptation de Jorge Semprun.  Adapté de cette oeuvre, « le film dénonce la passivité de l'Église catholique et du pape Pie XII face au génocide des Juifs ».

« Pour autant, Costa-Gavras ne charge pas uniquement le Vatican et critique également l'attitude des puissances alliées, informées elles aussi des crimes nazis ». 

« Si les autorités religieuses l'ont accusé de fausser la réalité historique et de faire l'amalgame entre catholicisme et nazisme (en raison de l'affiche controversée du film, ornée d'un symbole mêlant croix chrétienne et croix gammée), Amen, notamment grâce à ses deux interprètes principaux, est une œuvre poignante et juste sur la lâcheté ». 

« Mathieu Kassovitz se montre parfait en jésuite naïf et idéaliste, tout comme Ulrich Tukur en officier SS ambigu. Face à eux, Ulrich Mühe, l'inoubliable agent de la Stasi dans La vie des autres, incarne avec subtilité un médecin directeur de camp inspiré du tristement célèbre docteur Mengele ».

Meilleur scénario, César 2003 – Meilleur film, Prix Lumière 2003.

L’action de Kurt Gerstein a été analysée par divers historiens, en particulier Léon Poliakov, Raul Hilberg et Saül Friedlander. 

Kurt Gerstein est réapparu dans l’actualité lors de la restitution en 2008 d’un tableau de Matisse peint en 1898, Paysage, le mur rose (de l’hôpital d’Ajaccio), qui avait été volé à un Juif allemand, Harry Fuld, et qui avait été retrouvé en 1948 dans une cache de Kurt Gerstein.

A quand une œuvre cinématographique sur le rôle de dirigeants musulmans, dont le grand mufti de Jérusalem Amin al-Husseini, dans la Shoah ?


"Munich"
"Munich" est un film réalisé par Steven Spielberg (2005). 

"A Munich, en 1972, un commando de terroristes palestiniens affilié au groupe «Septembre noir» prend en otages des athlètes israéliens. L'opération tourne au carnage. Aussitôt, Golda Meir, Premier ministre israélien, prend la décision de répliquer. Avner, un jeune agent du Mossad, reçoit l'ordre de retrouver et d'éliminer les membres de «Septembre noir» qui sont considérés comme les commanditaires de l'attentat. Il change d'identité et quitte Tel Aviv en laissant sa femme enceinte. Arrivé en Europe avec un commando de quatre hommes, il tente d'entrer en contact avec le mystérieux «Papa», qui devrait lui permettre de localiser les terroristes..."



« La haine » de Mathieu Kassovitz
France, 1995, 1 h 34mn
Scénario : Mathieu Kassovitz
Production : Les Productions Lazennec, Le Studio Canal+, Kasso Inc. Productions, La Sept Cinéma
Producteur : Christophe Rossignon
Image : Pierre Aïm
Montage : Mathieu Kassovitz, Scott Stevenson
Musique : Assassin
Avec Vincent Cassel (Vinz), Hubert Koundé (Hubert), Saïd Taghmaoui (Saïd), Abdel Ahmed Ghili (Abdel), Edouard Montoute (Darty), Solo Dicko (Santo), Héloïse Rauth (Sarah), Benoît Magimel (Benoît), Choukri Gabteni (le frère de Saïd), Félicité Wouassi (la mère d'Hubert), Fatou Thioune (la soeur d'Hubert)
Sur Arte le 1er octobre 2021 à 20 h 55
Visuels :
Vincent Cassel (Vinz), Hubert Koundé (Hubert) et Saïd Taghmaoui (Saïd) dans " La Haine" de Matthieu Kassovitz
Vincent Cassel (Vinz) dans " La Haine" de Matthieu Kassovitz
Vincent Cassel (Vinz) et Hubert Koundé (Hubert) dans " La Haine" de Matthieu Kassovitz
© Le Pacte - D.R

« Amen. » par Constantin Costa-Gavras
France, Allemagne, Roumanie, 2002, 2 h 4
Scénario : Constantin Costa-Gavras, Jean-Claude Grumberg
Production : Katharina Renn Productions, TF1 Films Production, KC Medien, K.G. Productions, Canal+
Producteur/-trice : Michèle Ray-Gavras
Image : Patrick Blossier
Montage : Yannick Kergoat
Musique : Armand Amar
Auteur : Rolf Hochhuth
Costumes : Edith Vesperini
Avec Ulrich Tukur (Kurt Gerstein), Mathieu Kassovitz (Riccardo Fontana), Ulrich Mühe (Docteur), Marcel Iures, Friedrich von Thun, Sebastian Koch, Hanns Zischler, Michel Duchaussoy, Ion Caramitru
Sur Arte les 9 décembre 2019 à 01 h 55, 12 novembre 2023 à 21 h 00, 29 novembre 2023 à 13 h 30, 07 décembre 2023 à 13 h 35
Visuels :
© Studiocanal
© 2001 Pathé Films/David Koskas/
© Studiocanal

2005

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Les citations sur le film sont d'Arte. Cet article a été publié le 7 décembre 2019, puis le 27 septembre 2021.

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