
Après leur
exposition à Bruxelles, environ 90 manuscrits « célèbres ou inédits,
retenus comme exemplaires », provenant de collections françaises et
belges, sont montrés à la BnF I François-Mitterrand.
Parmi ces
œuvres : « le précieux manuscrit de la Vie de sainte Catherine
d’Alexandrie » par Simon
Marmion, « classé trésor national et récemment acquis par la BnF »,
indique Bruno Racine, président de la BnF.
Une apogée

Les anciens
Pays-Bas méridionaux étaient constitués de nombreux territoires qui vont
progressivement être placés sous l’autorité des ducs de Bourgogne.
Au cours du XVe
siècle, Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe le Bon et Charles le
Téméraire affermissent leur indépendance et fondent « une entité
territoriale autonome étendue, correspondant au Nord de la France et à l’actuelle
Belgique ».
L’ensemble
des œuvres produites alors sont dénommées « flamandes ». Dans son acception la plus
large, ce vocable ne désigne donc pas uniquement le comté de Flandre.
Ces « régions
fortement urbanisées » connaissent « une prospérité favorisée par
l’industrie drapière et le commerce maritime et international. Les arts
somptuaires s’y développent : orfèvrerie, tapisserie, peinture de chevalet,
manuscrits enluminés ».
La « miniature
flamande triomphe sous Philippe le Bon et Charles le Téméraire. L’exposition
embrasse donc une période qui commence sous le règne de Jean sans Peur (1404)
et s’achève avec la disparition de Marie de Bourgogne (1482), dernière
héritière de la dynastie bourguignonne ».
Jean sans
Peur, Philippe le Bon et Charles le Téméraire « sont à la fois des mécènes
et des bibliophiles actifs. Ils délaissent le foyer artistique parisien pour
s’approvisionner dans leurs possessions les plus prospères, la Flandre,
l’Artois, le Brabant et le Hainaut ».
Par « goût
personnel ou pour affirmer aux yeux de leurs voisins leurs visées politiques »,
ils recourent aux meilleurs enlumineurs, contemporains de Jan Van Eyck ou
Rogier Van der Weyden. Les manuscrits sont réalisés à Bruges, Anvers, Bruxelles,
Hesdin, Lille ou Valenciennes, en des styles particuliers et propres à ces
villes et aux artistes qu’elles attirent, et par une émulation.
Soutenu par
ces commandes royales et le mécénat ducal, cet essor de la production de livres
enluminés s’explique aussi par la demande des fonctionnaires et d’ecclésiastiques
de haut rang, de courtisans ou de bourgeois aisés.
Les « primitifs flamands »
Le XVe
siècle, siècle des « primitifs flamands » est « associé à l’invention de
la peinture à l’huile, à sa facture lisse et aux conquêtes picturales de l’illusionnisme ».
C’est aussi
l’essor similaire, dans ces Pays-Bas méridionaux, d’autres arts figurés :
la tapisserie et la miniature.

L’enluminure d’un manuscrit « suppose plusieurs tâches de difficultés variables qui
peuvent être exécutées par une même personne ou réparties entre différents exécutants,
selon la qualification de chacun ».
Il convient
de « distinguer l’image figurée (la miniature) du décor peint
(l’enluminure) ». Celui-ci « inclut les marges enluminées (bordures
et encadrements), les initiales ornées et divers signes d’écriture colorés. La
division du travail et la collaboration sont monnaie courante à l’intérieur
d’un même atelier et supposent l’apprentissage de techniques spécifiques liées
aux supports (parchemin ou papier) et aux matériaux (or, argent et pigments) ».
Ce travail est généralement assuré par des spécialistes. « Quelques
peintres de chevalet s’y adonnent ponctuellement ou de façon plus régulière »
tel Simon Marmion. Cependant, « beaucoup d’enlumineurs se livrent
exclusivement à leur art guidés par les contenus du texte et l’espace de la
page ».
A la cour de
Bourgogne, « la nécessité d’illustrer des œuvres littéraires
inédites » favorise la « création d’une iconographie nouvelle et la
qualité des commanditaires l’expression des artistes les plus doués ».
Des virtuosités stylistiques

Cette
production des manuscrits dépend de la division des tâches dans un atelier « pour
la peinture des initiales, celle des bordures et celle des miniatures ». Souvent
un livre est illustré par des mains de style très varié. Le travail « peut
être mené de front, par un partage des cahiers, pour satisfaire rapidement une
commande. Plusieurs années d’intervalle peuvent séparer deux campagnes
d’illustration. Les ouvrages comportant plusieurs volumes autorisent la
comparaison des mains » : le Bréviaire de Philippe le Bon et les
Histoires romaines.
Les peintres
enlumineurs sont » actifs en milieu urbain et organisés en ateliers sous
la direction d’un maître, dans un cadre souvent familial. Ils sont regroupés
dans des corporations de métiers ». À Bruges, les enlumineurs « rejoignent
la corporation des libraires en 1454, preuve de l’essor de l’industrie du livre
dans cette ville ».
Les
documents réglementaires de ces corporations informent sur leur communauté et
leur organisation. Les noms des peintres sont connus, mais non leurs œuvres…
Les manuscrits ne sont pas signés par les artistes qui les enluminent. La
règle : l’anonymat. Nombre d’entre eux « portent aujourd’hui des noms
de convention forgés sur le titre d’une œuvre littéraire (Maître de la
Chronique d’Angleterre), le nom d’un commanditaire (Maître de Wavrin) ou une
caractéristique stylistique (Maître aux grisailles fleurdelisées) ».
Les œuvres
d’artistes ayant travaillé pour les ducs de Bourgogne peuvent être identifiées
par les documents de l’administration ducale : livres de comptes, ordres
de paiement ou quittances. Un peintre peut y être désigné avec le titre de l’œuvre
pour laquelle il est rémunéré. Si « le descriptif du manuscrit est assez
précis et mentionne, par exemple, le nombre de miniatures, le livre peut être
retrouvé et attribué ».
A la cour de
Bourgogne, des artistes « valets de chambre » perçoivent « une rente plus
ou moins régulière et montrent alors une certaine indépendance vis-à-vis des
corporations ».
La miniature
recourt à deux techniques. La « peinture sur parchemin, comparable à la
technique de la gouache, est à la détrempe et présente des couleurs couvrantes,
intenses et vives. La peinture sur papier privilégie le dessin aquarellé aux
couleurs liquides ». Le « choix du second support, plus économique,
peut aussi avoir des raisons esthétiques ».
A Paris, la
technique de la grisaille connaît un essor « aussi subit que brillant avec
les Heures de la reine Jeanne d’Evreux, peintes par Jean Pucelle entre
1325 et 1328, suivies d’autres œuvres majeures pendant tout le XIVe siècle. Le
flambeau est ranimé au milieu du siècle suivant à la cour de Bourgogne ». Un
phénomène général qui « concerne tous les titres et tous les artistes. Ces
images « de blanc et de noir » sont souvent rehaussées d’or ou, si ce sont des
semi-grisailles, de quelques couleurs pour les carnations et le ciel. La
grisaille est un exercice de virtuosité où le naturalisme flamand est mis à
l’épreuve d’un procédé technique hautement artificiel. La gamme des gris se
substitue à celle des couleurs, suggère la lumière et sculpte les volumes. Le
blanc est obtenu par de la céruse de plomb, le noir est une encre fabriquée à
partir de la noix de galle et des sulfates de fer. D’autres arts offrent à la
même époque des exemples de camaïeux : des émaux noirs et or, des vitraux
rehaussés de jaune, et des tableaux figurant des personnages comme statufiés ».
Du gothique à l’art
nouveau
Les volumes
sont de grand format pour la plupart, calligraphiés d’une écriture belle et
lisible, pourvus d’un décor luxueux. Leur contenu littéraire est essentiellement
de langue française, souvent profane : traités moraux, traductions de textes
antiques, hagiographies, mais aussi épopées chevaleresques et romans. Les œuvres
sont souvent inédites et leur iconographie toujours rare ».
Produits à
la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle, avant le mécénat ducal, Les
manuscrits présentent des « caractéristiques stylistiques encore
gothiques, des sujets souvent religieux et des formats variés ».
L’influence
de « l’art parisien y est sensible même si des notes plus locales
commencent à poindre : un goût pour les figures typées, des détails empruntés
au quotidien, le sens de l’anecdote mais à l’intérieur d’un cadre formel très
contraint. Antérieure à l’œuvre de Jan Van Eyck, cette production «
pré-eyckienne » « ne recherche pas les effets illusionnistes, dont ce
peintre est le plus grand initiateur » : elle précède la révolution
picturale de l’ars nova des primitifs flamands et ses artistes sont
anonymes.
Dans le
second quart du XVe siècle, « un art plus suave » apparait « avec
les Maîtres aux rinceaux d’or dont la production de livres d’heures, essentiellement
brugeoise et massive, s’exporte même à l’étranger. Des ramages souples et dorés
ou des motifs quadrillés occupent le fond de l’image dont l’espace reste
conventionnel ».
Parallèlement,
les « Maîtres de Guillebert de Mets proposent à Gand des formules plus
inventives. Leurs ciels argentés, graduellement colorés, montrent une
exceptionnelle maîtrise technique. Leur art, plus ambitieux, touche la cour de
Bourgogne. Jean sans Peur lui-même a pour libraire Guillebert de Mets, très
impliqué dans la copie et la diffusion de titres nouveaux. Une nouvelle page
s’ouvre dans l’histoire de la miniature ».
Des miniatures-tableaux
Eloges du
commanditaire, chroniques régionales, vies rêvées de héros antiques ou
légendaires, traductions, narrations originales… Les thèmes en sont divers.

En
« plus de leur décor, les livres ont un aspect ostentatoire : très grand
format, écriture gothique grande et lisible, mise en page aérée, structure des
textes soulignée par un décor enluminé très normé »
Au-delà de
l’aspect esthétique – magnifiques miniatures -, ces manuscrits enluminés
recèlent une mine d’informations « sur leurs commanditaires et le contexte
de leur production. Ils témoignent non seulement du faste de la cour de
Bourgogne et des ambitions politiques des ducs, mais aussi de l’apparition
d’une esthétique nouvelle, sensible et picturale, à la recherche d’effets
réalistes ou expressifs ».
De « l’art
chatoyant et gracieux du Maître de Guillebert de Mets au style expressionniste
du Maître de la Chronique d’Angleterre ou la légère ironie des dessins
aquarellés du Maître de Wavrin, la richesse et la variété des œuvres dessinent
un âge d’or de la miniature flamande auquel cette exposition rend hommage ».
Après les
morts de Charles le Téméraire (1477) puis de sa fille, Marie de Bourgogne (1482),
la production de livres manuscrits se maintient sans baisse d’exigence sous
leurs héritiers de la maison de Habsbourg : Maximilien Ier et Philippe le Beau.

Auprès de
cette importante clientèle, le manuscrit, « considéré comme un objet de
prestige, souffre peu de l’essor de l’imprimerie ».
Sur un plan
artistique, une révolution s’opère par l’avènement d’un nouveau style, «
ganto-brugeois » : Gand et Bruges sont alors les deux plus importants
centres de production. Les « encadrements, dorés ou colorés, se
remplissent de fleurs coupées, d’oiseaux et d’insectes peints en trompe-l’œil ».
Les miniatures sont progressivement élaborées « selon la même esthétique
illusionniste que les tableaux de chevalet. La miniature s’affranchit du plan
de la page et devient une fenêtre ouverte sur un espace tridimensionnel. Chez
les peintres les plus doués, des couleurs plus mélangées mises au service d’une
facture très fine servent, par exemple, à l’évocation de paysages réalistes.
Gérard David, Simon Bening et bien d’autres se livrent à des exercices de
virtuosité. Autant d’évolutions qui transforment la miniature en un véritable
tableau. Une page se tourne... »
Jusqu’au 10 juin
2012
Galerie François Ier
Quai
François-Mauriac. 75013 Paris
Du mardi
au samedi de 10 h à 19 h, dimanche de 13 h à 19 h
Visuels :
Grand Armorial équestre de la Toison d’or : le duc de
Bourgogne, vers 1435-1438.
BnF, Bibliothèque de l’Arsenal
Saint Augustin, La Cité de Dieu : Nemrod fait édifier Babylone.
BnF, Bibliothèque de l’Arsenal
Saint Augustin, La Cité de Dieu : Nemrod fait édifier Babylone.
Enlumineur : Maître de Guillebert de Mets, vers 1420-1435.
Bibliothèque
royale de Belgique
Coudrette,
Roman de Mélusine : Mélusine,
transformée en dragon, survole le château
de Lusignan.
Enlumineur
: Maître de Guillebert de Mets, vers
1420-1430.
BnF, dpt
des Manuscrits
Flavius Josèphe, Antiquités judaïques : la mort d’Absalom.
Enlumineur : Maître du Boèce flamand, 1483.
BnF, dpt
des Manuscrits
René d’Anjou, Livre des tournois : revue des heaumes à l’intérieur d’un cloître.
Enlumineur : Maître du Livre de prières de Dresde, vers 1480-1488.
BnF, dpt des Manuscrits
René d’Anjou, Livre des tournois : revue des heaumes à l’intérieur d’un cloître.
Enlumineur : Maître du Livre de prières de Dresde, vers 1480-1488.
BnF, dpt des Manuscrits
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Les citations proviennent du dossier de presse.
Cet article a été publié le 8 juin 2012.
Cet article a été publié le 8 juin 2012.
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