En 2012, l’Institut néerlandais de Paris a présenté à l’Action
Christine (Paris) le film « Süskind » de Rudolf van
den Berg en la présence exceptionnelle du
réalisateur et de l’acteur Jeroen Spitzenberger. Personnage ambigu, homme d’affaires Juif allemand, marié et père de famille, Walther Süskind (1906-1945) « collabore avec les nazis au transport des Juifs
à Amsterdam en direction des camps, tout en organisant parallèlement le
sauvetage de 900 enfants juifs ». Depuis le 4 septembre 2015, les ayants-droits ou les familles des centaines de Juifs d'Amsterdam, survivants des camps de concentration « peuvent demander le remboursement (…) des amendes pour retard de paiement de loyer pendant la Deuxième Guerre mondiale, payées injustement » à leur retour, a indiqué la municipalité d'Amsterdam dans un communiqué.
C’est la première projection en France de ce film - la
première internationale a eu lieu à Jérusalem (Israël) - dont la presse
néerlandaise a souligné l’ambigüité du personnage principal : Walter Süskind,
surnommé à tort le « Schindler néerlandais » et interprété par Jeroen
Spitzenberger (Love Is All).
Un film qui montre "le processus qui mène de l'interdiction des Juifs dans les parcs jusqu'à la Shoah", a déclaré Rudolf van den Berg lors de la projection le 23 octobre 2012.
Ce qui effraie dans le film est le rôle tragique, terrible du Judenrat d'Amsterdam formé à l'instigation des autorités allemandes. Ce conseil de notables Juifs était chargé d'assurer l'ordre public parmi ses coreligionnaires listés, réunis dans des conditions déplorables avant leur transfert vers le camp de transit aux Pays-Bas, puis leur déportation vers le camp d'Auschwitz.
Diplômé de Sciences Politiques, Rudolf van den Berg a
débuté comme documentariste - Algerian
Times (1976), le controversé TheAlien’s Place
(1979), Stranger at Home (1985) sur le
retour à Jérusalem de l’artiste arabe palestinien Kamal Boullata - questionnant son identité juive.
Après un séjour à Rome comme assistant de Marco Ferreri dans les studios
de la Cinecittà, il s’oriente vers la fiction, et réalise des films à succès :
Bastille (1983) consacré
meilleur film néerlandais de l’année - un homme recherche son double -, Les Johnsons (1992), film
d’horreur culte, Snapshots
(2002) avec Burt Reynolds et Julie Christie, Tirza (2007), d’après le roman homonyme d’Arnon Grunberg.
Collaborateur/Sauveteur
Walter Süskind est
né à Lüdenscheid (Allemagne) dans une famille néerlandaise Juive.
Directeur des ventes d’une usine de fabrication de
margarine Bolak, victime de persécutions antisémites du régime nazi, il fuit en
mars 1938 aux Pays-Bas dans l’espoir d’immigrer aux Etats-Unis. Il y est
recruté par Unilever comme directeur des ventes. Son but : se réfugier aux
Etats-Unis pour y rejoindre un membre de sa famille, Robert Salzberg. Mais ce
projet échoue en 1941 en raison de l’interdiction d’émigrer imposée par les
Allemands.
Après l’invasion allemande des Pays-Bas en mai 1940, la
reine Wilhelmine et le
gouvernement s'exilent à Londres (Grande-Bretagne). Lors de cinq années
d’émissions radiophoniques, ils ont évoqué le sort des Juifs en cinq phrases. Selon
l’universitaire néerlandais, Manfred Gerstenfeld, ils « ne considéraient
pas les Juifs comme de vrais néerlandais ».
A l’instigation des Nazis, le Reichskommissar Arthur
Seyss-Inquart dirige le pays avec l’appui de la NSB (Alliance
nationale-socialiste).
Dès juin 1940, débutent les persécutions contre les Juifs.
Walter Süskind vit de 1942 à sa déportation à Westerbork, dans
le centre d’Amsterdam, avec son épouse Johanna Natt (1906-1944) et leur fille
Yvonne.
Pour le Conseil Juif néerlandais (Joodse Raad), il dirige le Hollandsche Schouwburg
(Théâtre néerlandais), situé dans le quartier Juif, où les Juifs d’Amsterdam
sont internés avant leur transfert vers le camp de transit de Westerbork, puis leur déportation vers les camps nazis. A
ce poste, il peut manipuler les informations fournies, notamment celles
concernant les enfants Juifs.
Il se lie d’amitié avec le SS Ferdinand aus der Funten,
alors numéro deux au Bureau central pour l’émigration juive à Amsterdam. Et est
perçu comme un collaborateur.
Face au Hollandsche Schouwburg, se dresse la crèche dans
laquelle les Nazis dirigeaient les enfants Juifs. Elle est la plaque-tournante
du système de sauvetage de ces enfants mis en place par la directrice de cet
établissement, Henriette Henriques Pimentel, l’économiste Felix Halverstad et Süskind
avec le concours de résistants, dont Johan van Hulst,
directeur du Hervormde Kweekschool : plusieurs centaines d’enfants sont dissimulés
dans des sacs, transportés clandestinement par train et tramway vers Limburg et
Friesland, cachés dans la campagne hollandaise, tandis que Süskind et Felix
Halverstad effacent leurs noms des listes d’enregistrement au Théâtre.
Süskind est brièvement arrêté et emprisonné en septembre
1943.
La famille Süskind est envoyée en 1944 au camp de transit
de Westerbork - Süskind ne parvient pas à faire sortir des Juifs de ce camp -,
puis à Theresienstadt.
Sa femme et sa fille sont assassinées au camp d’Auschwitz
en octobre 1944.
Süskind meurt le 28 février 1945 dans des circonstances non
élucidées : lors de marches de la mort eu Europe centrale ou tué par des
déportés néerlandais qui le prenaient pour un collaborateur. Il a sauvé environ
900 enfants Juifs.
« Le mythe du
bon Hollandais »
« Les Juifs qui sont revenus des camps n’étaient pas
les bienvenus. Certains d’entre eux n’ont pas été indemnisés pour la spoliation de leurs biens et d’autres ont même du
payer une taxe municipale et des factures de services publics correspondant à
leur période de déportation », a déclaré Van Hulst en 2012.
Les Pays-Bas n’ont jamais présenté d’excuse pour
leur participation aux étapes préparatoires à la destruction des Juifs pendant
la Seconde Guerre mondiale, et pour le manque d’intérêt du gouvernement
hollandais exilé à l’égard du sort des Néerlandais Juifs, ainsi que pour le traitement des Juifs survivants de la Shoah et internés. Interrogé par le
parlementaire Geert Wilders du Parti pour la liberté, le Premier ministre Mark
Rutte a refusé en janvier 2012 de reconnaître la responsabilité de son pays.
« En raison du paradigme Anne Frank, le
mythe du bon Hollandais a perduré en donnant l’impression que de larges fractions
de la population hollandaise ont résisté aux Nazis et aidé les Juifs. Beaucoup
d’attention est donnée aux remarquables Hollandais qui l’ont cachée, et aucune
à ceux qui l’ont trahie », écrit Manfred Gerstenfeld,
auteur de Judging the Netherlands: The Renewed Holocaust Restitution Process, 1997-2000 qui
décrit le contexte des persécutions antisémites pendant la guerre, leur accueil glacial aux Pays-Bas
après le conflit mondial, et la procédure problématique des restitutions de leurs biens volés.
Süskind de Rudolf van den
Berg (2012)
118 minutes
En avant programme En observation, de Eché Janga (8 mn)
Un couple séparé se retrouve à l’hôpital où leur fils a été placé en observation. Subtil et délicat. Compétition Festival International de Contis 2012
Le 23 octobre 2012, à 20 h
A l’Action Christine
4, rue Christine. 75006 Paris
Information au +33 1 53 59 12 40
Articles
sur ce blog concernant :
Cet article a été publié les 22 octobre 2012, 6 février et 30 avril 2013 alors que, ce 30 avril 2013, le prince Willem-Alexander est devenu roi des pays-Bas sous le nom de Guillaume IV, le premier homme à monter sur le trône d'Orange depuis 120 ans. Le 28 janvier 2013, la reine Beatrix des Pays-Bas avait annoncé son abdication au profit de son fils Willem-Alexandre. Problème : le 14 septembre 2013, est prévu un rassemblement visant à souhaiter une joyeuse retraite à la reine Beatrix. Or, ce sera le Jour de Kippour (Jour du Grand pardon), fête Juive la plus importante.
Republié les 18 juillet et 30 juillet 2013, 20 avril 2014 et 9 septembre 2015, il a été modifié le 9 septembre 2015.
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