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mardi 31 octobre 2023

Les marches de la mort 1944-1945

Face à l'avancée des Alliés, notamment de l'Armée rouge, les dirigeants allemands nazis imposent des "marches de la mort" à des centaines de milliers de déportés, juifs pour la plupart, affaiblis par le système concentrationnaire du IIIe Reich. Une dernière étape dans la Shoah. Arte diffusera le 31 octobre  2023 ) 20 h 55 «
Les marches de la mort. Printemps 1944 - printemps 1945 » (Vernichtung im Laufschritt: Todesmärsche 1944/45 ; Nazi Death Marches: 1944 - 1945),  documentaire excellent et bouleversant de Virginie Linhart. 


Alors que les Alliés s'approchaient des camps de concentration ou/et d'internement nazis, les dirigeants nazis achèvent leur extermination d'êtres humains et suppriment des preuves de leurs crimes contre l'humanité dans des camps nazis. 

Ils contraignent des centaines de milliers de déportés, juifs pour la plupart, affaiblis par des maladies, la fatigue ou/et le travail forcé, à quitter ces camps, en Pologne, en Allemagne ou en Autriche, pour en rejoindre d'autres soit en marchant soit par wagons de fret, sans eau ni nourriture, des jours et nuits durant, sur les routes dans le froid hivernal ou l'été, d'Auschwitz vers Loslau (Wodzisław Śląski), de Monowitz-Buna vers Buchenwald, de Chelm et Hrubieszow vers Sokal et Belz, de Lublin vers Biala Podlaska et Parczew, de Belz vers Hrubieszow...

Ces marches de la mort (Todesmärsche, en allemand) visent à ramener des travailleurs forcés sur le territoire allemand pour poursuivre l'économie de guerre, continuer à supprimer des preuves de crimes contre l'humanité et à tuer des Juifs, ainsi qu'utiliser ces déportés dans leur négociations avec les Alliés. 

Des "marches" similaires avaient eu lieu en 1939 dans le cadre de la "réserve de Lublin" en Pologne (plan Nisko) puis en 1942 dans le Reichskommissariat, en Ukraine.

"Les marches de la mort – La dernière étape du génocide nazi"

"Dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’étaient évacués les camps de concentration, entre 250 000 et 300 000 détenus ont perdu la vie sur les 700 000 qui y étaient encore internés en janvier 1945. Ils ont été massivement massacrés par leurs gardiens à la veille du départ, par les escorteurs des colonnes d’évacués ainsi que par des meurtriers de provenance diverse dont un bon nombre de civils, et ce, souvent sur le territoire de l’Allemagne. Même dans l’histoire du IIIe Reich qui, malgré la brièveté de son existence, a atteint des niveaux de criminalité inédits, on trouve peu d’exemples d’un meurtre de masse aussi féroce, aussi cruel et aussi efficacement mené que celui qui fut perpétré à la veille de son effondrement final.
En quoi cette ultime période du conflit durant laquelle se joua le dernier acte du génocide nazi est-elle singulière ? S’agit-il d’une phase différente de celle qui avait précédé la fin d’octobre 1944, date à laquelle Himmler donna l’ordre de cesser les massacres à Auschwitz ? Relève-t-elle de la politique génocidaire amorcée à l’été 1941 ? Tout s’explique-t-il par le chaos lié à l’effondrement du régime ? La période des marches de la mort se distingue-t-elle des autres étapes du génocide nazi par des traits spécifiques ?"

"Ces questions n’avaient quasiment pas été débattues jusqu’à présent malgré l’abondance des travaux scientifiques sur les camps de concentration et le génocide nazi. Cette étude, qui s’appuie sur un abondant matériau d’archives en toutes langues dispersées un peu partout dans le monde, est la première à décrire et à analyser la fin du IIIe Reich sous son aspect le moins connu : sa tentative ultime pour achever sa «mission historique» en liquidant les ennemis de la «race aryenne» et ses adversaires politiques avant son propre anéantissement."

Professeur au département d’Histoire juive et à l’Institut du judaïsme contemporain de l’Université hébraïque de Jérusalem, Daniel Blatman a publié de nombreux travaux sur l’histoire des Juifs de Pologne à l’époque moderne et contemporaine ainsi que sur la Shoah. Il est l’auteur notamment de Votre liberté et la nôtre. Le mouvement ouvrier juif Bund en Pologne, 1939-1949 (Cerf, 2002) et En direct du Ghetto. La presse clandestine juive dans le Ghetto de Varsovie (Cerf, 2005).

"Death Marches: Evidence and Memory"
En 2021, la Wiener Holocaust Library a présenté l'exposition "Death Marches: Evidence and Memory" (Marches de la mort : Preuves et Mémoire") assortie d'un catalogue et mettant en ligne des témoignages de rescapés. 

Elle permettait "de découvrir comment les preuves médico-légales et autres concernant les marches de la mort ont été rassemblées depuis 1945, et comment des chercheurs  ont tenté de retrouver les voie des marches de la mort - et ceux qui n'y ont pas survécu. Les efforts pour analyser et se souvenir des marches de la mort se poursuivent à ce jour".

Vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, "des centaines de milliers de prisonniers encore détenus dans le système concentrationnaire nazis ont été évacués de force dans des conditions terribles et sous haute surveillance. Les prisonniers sont envoyés à pied, en train, dans des wagons tirés par des chevaux, dans des camions et par bateau. Les convois se divisent, se dispersent et en rejoignent d'autres, avec des itinéraires s'étendant de plusieurs dizaines à des centaines de kilomètres. Des milliers de personnes ont été assassinées en route dans les derniers jours précédant la fin de la guerre, bien qu'il soit impossible d'en connaître le nombre exact. Nombre de ces évacuations chaotiques et brutales ont été appelées "marches de la mort" par ceux qui les ont subies. Elles constituent le dernier chapitre du génocide nazi."


« Les marches de la mort. Printemps 1944 - printemps 1945 »
Arte diffusera le 31 octobre 2023 à 20 h 55 « Les marches de la mort. Printemps 1944 - printemps 1945 » (Vernichtung im Laufschritt: Todesmärsche 1944/45 ; Nazi Death Marches: 1944 - 1945) de Virginie Linhart. 

« Du printemps 1944 à la capitulation du Troisième Reich en mai 1945, les nazis ont organisé dans le plus grand chaos le transfert des détenus depuis les camps des territoires occupés de l’Est. Dans un documentaire poignant, Virginie Linhart retrace cet épisode tragique méconnu de l'horreur concentrationnaire. » 

« Le 22 juin 1944, Himmler signe l’ordre officiel déléguant aux responsables SS des camps de concentration situés dans les territoires occupés à l’Est par le Reich – des pays Baltes à la Pologne et la Tchéquie d'alors – l’évacuation des détenus aptes au travail vers des camps éloignés du front ». 

« Pris en tenaille par l’offensive des troupes anglo-américaines et celle de l’Armée rouge, le régime nazi veut continuer à faire tourner sa machine militaro-industrielle avec sa main-d’œuvre de captifs ». 

« De Majdanek via Lublin, à partir d’avril 1944, jusqu’à Auschwitz-Birkenau, puis, entre l’été 1944 et l’hiver 1945, d’Auschwitz-Birkenau jusqu’à Dachau, près de Munich... : à mesure que le front se rapproche des camps de l’Est, les évacuations des captifs de quelque 500 camps disséminés dans toute l’Europe centrale et orientale se déroulent dans le plus grand chaos. »

« Transférés à pied ou parfois en camion jusqu’à des gares où ils sont entassés dans convois de marchandises, plus de 700 000 détenus, hommes et femmes jugés aptes au travail, vont ainsi prendre la route tout au long de la dernière année du conflit mondial pour rejoindre, de camp en camp, l’Allemagne et l’Autriche ». 

« Plus d’un tiers d’entre eux mourront lors de ces terribles "marches de la mort", succombant à la faim, au froid, à l’épuisement, voire seront abattus en chemin par leurs gardiens ou les populations des villages traversés. » 

« Les images des marches de la mort sont rares : une poignée de photos prises clandestinement par des civils, des images de films amateurs comme celles qui témoignent du départ à pied, à l’automne 1944, de 50?000 juifs du ghetto de Budapest vers Vienne ». 

« Seule mémoire vivante, celle des témoignages de rescapés célèbres comme Marceline Loridan-Ivens, Simone Veil ou Primo Levi, qui ont raconté leur périple cauchemardesque, mais aussi d’anonymes, recueillis pour la télévision ou la Fondation des archives de l'histoire audiovisuelle des survivants de la Shoah, fondée par Steven Spielberg ». 

« Réunissant les éclairages des historiens Christian Ingrao, Annette Wieviorka, Johann Chapoutot et Tal Bruttmann, Virginie Linhart (Ernest Hemingway – Quatre mariages et un enterrement, Ce qu'ils savaient – Les Alliés face à la Shoah, Après les camps, la vie…) documente l’un des épisodes les plus méconnus de la folie jusqu’au-boutiste d’un Troisième Reich refusant de se résoudre à la défaite jusqu’aux derniers jours de la guerre. » 



« Plus du tiers des déportés déplacés d’un camp à l’autre par les nazis n’ont pas survécu. La réalisatrice Virginie Linhart consacre un documentaire à ces terribles marches de la mort, organisées par un Troisième Reich en plein chaos. Propos recueillis par Christine Guillemeau ».

« Pourquoi vous êtes-vous intéressée à ces tragiques déplacements de déportés orchestrés par le régime nazi à la veille de sa chute ? 
Virginie Linhart : J’aime travailler sur les pans manquants de l’histoire, ce qui n’a pas encore été traité, ou qui a été oublié, comme dans le cas de mon film Vincennes, l’université perdue, installée plus de dix ans dans le bois de Vincennes avant d’être rasée, ce que les promeneurs d’aujourd’hui ignorent ! 

Il y a plusieurs années, Carlos Pinsky, qui a coproduit mes films Jacques Derrida, le courage de la pensée et Françoise Dolto, au nom de l’enfant, m’a conseillé de lire Les marches de la mort – La dernière étape du génocide nazi (éditions Fayard, 2009) de Daniel Blatman. 

Avant cet ouvrage, ces évacuations – ou "transferts", comme les ont appelés les nazis – avaient été peu étudiées par les historiens, qui les abordaient dans le cadre plus global de l’étude de la Shoah ou du nazisme. Il m’a semblé intéressant de raconter ces marches de la mort au travers des avancées récentes de l’historiographie, ainsi que des témoignages de survivants, juifs et non juifs, qui se sont accumulés au cours des années, en tâchant de répondre à des questions simples : où, quand, comment ? Et surtout, pourquoi ces marches ont-elles fait autant de victimes ? 

À quoi répondait cette volonté des nazis de déplacer en masse les détenus d’un camp de concentration à l’autre au cours de cette dernière année de guerre ? 
Face à l’avancée de l’Armée rouge dans les territoires occupés à l’Est par le IIIe Reich, il s’agissait pour les SS d’une part, d’empêcher la libération de déportés qui auraient pu témoigner de ce qui se passait dans les camps et, d’autre part, de rapatrier dans les territoires toujours contrôlés par les nazis la main-d’œuvre dont l’appareil industriel allemand avait absolument besoin pour poursuivre l’effort de guerre.

Pour quelles raisons se sont-elles révélées aussi meurtrières ? 
L'organisation de ces "marches de la mort", comme les ont nommées leurs survivants, est laissée entre les mains de ceux qui dirigent les camps. Alors que le quotidien y était jusque-là soumis à une administration bureaucratique, pour les marches, tout vole en éclats : ce sont ceux qui gardent les prisonniers – des sous-fifres et non les hauts gradés, déjà rentrés en Allemagne pour échapper à l’Armée rouge – qui doivent procéder à ces transferts de masse. 

Ces gardiens ordinaires des camps vont déplacer sur des centaines de kilomètres des colonnes imposantes de captifs – l’évacuation d’Auschwitz-Birkenau a concerné 56 000 déportés ! Ces marches vont se faire dans une Europe qui connaît sa dernière année de guerre (printemps 1944-printemps 1945), et posent le problème du ravitaillement, du transport et de l’hébergement de détenus déjà à bout de force en raison de leur détention dans les camps. 

Le sort tragique de ces prisonniers est ainsi le dernier pan de leur cauchemar concentrationnaire. Sur 700 000 hommes et femmes évacués, environ un tiers mourront en chemin de froid, de soif, de faim, d’épuisement, quand ils n’auront pas été abattus par leurs gardes ou les civils qui voyaient passer ces cohortes de malheureux. 

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour ce film ?  
Il existait deux difficultés majeures pour réaliser cette histoire des marches de la mort : d’abord, la faible quantité de travaux des historiens du nazisme sur cette question précise, et ensuite, l’absence quasi totale d’images de ces déplacements, sauf de rares photos prises par des anonymes et deux petits bouts d’archives filmées. Le premier est un film amateur pris en Tchécoslovaquie à partir d’une fenêtre, où l’on voit passer un train destiné normalement au transport de matériaux chargés de prisonniers venant d’Auschwitz et allant vers l’Allemagne ; le second est une longue séquence, incroyablement émouvante, où l’on voit passer devant la caméra, donc devant nos yeux, une partie de la colonne des 50 000 juifs hongrois envoyés de Budapest à Vienne pour construire les fortifications de la capitale autrichienne. La grande majorité de ces femmes et hommes, qui traversent alors la petite ville hongroise de Györ, mourront en route. 

Mais pour un documentaire d’une heure et demie, j’avais besoin d’autres images ! Je me suis rendue avec mon chef-opérateur Jérôme Colin dans plusieurs camps de concentration en Pologne et en Allemagne, et dans d’anciens ghettos devenus des camps lors de l’occupation nazie en Lituanie. À partir de là, j’ai suivi les routes aux mêmes saisons que les marcheurs : en plein hiver en Pologne, au printemps en Allemagne, en été en Lituanie. Dans ces paysages désolés, dans ces campagnes et dans ces forêts, le long des chemins, des voies ferrées, des rivières et de la mer, nous avons emprunté ces portions historiques des trajets, afin de faire comprendre visuellement, charnellement presque, le calvaire enduré. »


France, 2019, 1 h 30mn
Coproduction : ARTE France, Morgane Production 
Sur Arte les 25 janvier 2022 à 20 h 50 et 27 janvier 2022 à 9 h 25,  31 octobre 2023 à 20 h 55, 16 novembre 2023 à 9 h 25, 22 novembre 2023 à 1 h 25 
Sur arte.tv du 18/01/2022 au 25/03/2022, du 24/10/2023 au 05/01/2024
Visuels :
Transit, train de la mort, à Kralupy (Tchéquie)
© Kreisarchiv Melnik

Photographie clandestine de prisonniers marchant vers Dachau
© United States Holocaust Memorial

Transit, train de la mort, à Kralupy (Tchéquie)
© Mauthausen memorial - Walter

Détenus du camp de concentration de Dachau lors d' une marche de la mort, marchant à travers Starnberg, en Bavière. (Les prisonniers des camps de concentration et des camps de prisonniers de guerre situés dans le nouveau Reichsgaue sont emmenés dans des camps en Allemagne, hors de portée des forces alliées. Le but était de faire disparaître les preuves des crimes contre l' humanité commis dans les camps et d' empêcher la libération des prisonniers de guerre détenus par les Allemands)
© Benno Gantner / AKG Images

Un groupe de prisonniers, assis sur un banc, d' un camp de concentration libérés lors d' une marche de la mort à Dachau
© United States Holocaust Memorial

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