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lundi 16 décembre 2019

« Colonies fascistes » par Loredana Bianconi


Arte diffusera le 17 décembre 2019 « Colonies fascistes » (Als mein Onkel für den Duce nach Afrika ging ; Oltremare), documentaire réalisé  par Loredana Bianconi. « Des années 1930 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'aventure coloniale de l'Italie fasciste racontée par ceux qui l'ont vécue. Un documentaire intimiste et émouvant ».

« Les routes mythiques de l'Europe. La via Cassia en Italie », par Jeremy J.P. Fekete  
« Funérailles juives » d'Alessandro Magnasco au musée d'art et d'histoire du Judaïsme
Trésors du ghetto de Venise
« Italie, une simple histoire d’amour. Témoignages d’un ambassadeur d’Israël » de Mordechaï Drory 

De la fin du XIXe siècle à 1943, de la monarchie constitutionnelle du roi Humbert  Ier à la dictature fasciste de Mussolini, l’Italie a constitué un empire colonial formé de possessions en mer Méditerranée, en Afrique  : Somalie italienne créée en 1889-1890, l’Erythrée en 1889, l’Ethiopie en 1935-1936, la Tripolitaine et la Cyrénaïque en 1911 unies en 1934 dans la Libye ; en 1936, l'Érythrée et la Somalie italienne et l'Abyssinie (Éthiopie) forment L'Afrique orientale italienne (AOI).

En Asie, l'Italie détient une concession dans la ville de Tianjin en Chine (1901-1943. Et dans les Balkans, les territoires qu'elle contrôle sont l'archipel du Dodécanèse (Îles/possessions italiennes de l'Égée), composé de douze îles et situé en Mer Égée, au sud-ouest de la Turquie, de 1912 à 1943 (de facto) ou 1947 (de jure), le royaume albanais annexé en 1939, ainsi qu'une partie des actuels Monténégro, Croatie, Slovénie, Kosovo et Macédoine annexée en 1941.

Si les conquêtes originelles s’inscrivaient dans la rivalité coloniale des puissances européennes, essentiellement la France et le Royaume-Uni, les colonies italiennes sous l’ère fasciste correspondent davantage au rêve de domination en Méditerranée, la Mare Nostrum de la Rome antique, ainsi qu'à un impératif démographique et économique.

« En Italie, la conquête et la colonisation de l’Afrique se sont inscrites dans la littérature pour l’enfance au fur et à mesure de l’occupation des territoires, en correspondance avec l’évolution idéologique qui l’accompagna. Dans les dernières décennies du XIXe siècle, lorsque l’Italie libérale entreprend l’occupation de la corne de l’Afrique, en Érythrée puis en Somalie, la colonisation trouve quelques échos dans les romans de Salgari. On trouve aussi des textes qui célèbrent l’héroïsme des soldats tombés au combat en affrontant des indigènes barbares et cruels, et d’autres qui critiquent la politique coloniale de l’État. Au début du XXe siècle, les ambitions coloniales semblent avoir été mises entre parenthèses ; des romans africains d’aventures, écrits sur le mode de la parodie, tournent en ridicule les Africains pour faire rire les plus petits. Ensuite la guerre de Libye (1911-1912) marque un tournant, et dans les ouvrages publiés au moment de la campagne perce la nouvelle idéologie nationaliste. Après la Grande Guerre, le fascisme au pouvoir veut créer la « conscience coloniale » des Italiens, en y associant la littérature pour l’enfance. Lors de la guerre d’Éthiopie paraissent de nombreux contes et romans qui racontent la campagne militaire sous diverses formes fictionnelles, allant du conte au roman. Cette production présentera la conquête éthiopienne comme une aventure enthousiasmante pour les enfants italiens, et la colonisation comme un immense bienfait pour les enfants indigènes. » (Mariella Colin, « Des colonies à l’Empire fasciste. La conquête de l’Afrique racontée aux enfants italiens », Strenæ [En ligne], 3 | 2012, mis en ligne le 04 mai 2016, consulté le 15 décembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/strenae/322 ; DOI : 10.4000/strenae.322)

Cette histoire coloniale est marquée par l’établissement de camps d’internement  en Cyrénaïque (1930-1933).

« La «décolonisation» de l’histoire du fascisme en Libye semble avoir été plus longue qu’ailleurs, ne permettant l’émergence d’un débat scientifique qu’au cours des années 1980,sur la violence coloniale et les responsabilités. Ces polémiques ont laissé place aujourd’hui à une histoire qui peine à s’affirmer institutionnellement.Pourtant nombre de questions incitent à réévaluer le poids des difficultés économiques et des tensions sociales locales,contre l’idée d’un fascisme imposé d’en haut. Le PNF apparaît ainsi comme l’instrument de réaffirmation du pouvoir colonial hors des cadres juridiques. Mais il fut aussi envisagé comme le vecteur d’une nouvelle politique méditerranéenne devant «unifier» Italiens et musulmans lorsque se pose la question raciale.Jusqu’où dès lors fasciser la société coloniale? Comment concilier les organisations fascistes pour les colonisés et l’inégalité croissante entre Libyens et Italiens? », a étudié François Dumasy (Dumasy François, « Le fascisme est-il un « article d'exportation »? Idéologie et enjeux sociaux du Parti National Fasciste en Libye pendant la colonisation italienne  », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2008/3 (n° 55-3), p. 85-115. DOI : 10.3917/rhmc.553.0085. URL : https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2008-3-page-85.htm)

« Dans l'Italie fasciste des années 1930, le village de Borgo voit une partie de ses habitants, poussés par la misère ou l'esprit d'aventure, émigrer dans les colonies de l’"Empire italien d’Afrique", soit la Libye, l'Érythrée, l'Éthiopie et la Somalie ».

« Ces exilés volontaires vont chercher l’eldorado que la propagande fasciste leur a promis, notamment grâce à ses images d'actualité vantant de l'or à profusion ».

« Mais leur rêve se brise après quelques années, la guerre et la chute du régime entraînant la perte des colonies ».

« Ils sont alors contraints de revenir à Borgo, ruinés ».

« À partir de lettres trouvées dans un tiroir et de fragments de son passé familial, Loredana Bianconi construit le récit à la fois intime et choral d'une période aujourd'hui encore taboue dans l'histoire italienne ».

« C'est l'envers frelaté du rêve qui se dessine avec précision, grâce à la primauté donnée aux images d'archives et aux témoignages des acteurs de l'époque ».

« Une utopie nourrie par l'idéologie raciste, que l'on voit ici de l'intérieur se fracasser contre la réalité brute (conditions de vie difficiles, travail laborieux) et les soubresauts de l'histoire ».

En 1947, le traité de Paris met un terme à l’empire colonial italien. Exeunt les territoires conquis durant la Deuxième Guerre mondiale. Cession à la Yougoslavie de l’Istrie, d’une partie de la Vénétie julienne et de la région de Zara. Administration franco-britannique de l’ancienne Libye italienne devenue en 1951 le Royaume Uni de Libye. Administration par l’Italie disposant d'un mandat de l’Organisation des Nations unies (ONU) de la Somalie italienne (1949-1960).

GENÈSE DU DOCUMENTAIRE
PAR LOREDANA BIANCONI

« Je découvre d'anciennes photos enfouies au fond d’une boîte. Les poses, les regards, les vêtements, les décors exotiques : faute de repères, mon imagination s’égare.
Je découvre aussi quelques lettres, des cartes postales avec dédicace et « salutations africaines » inscrites au dos, datées des années 30 et signées par un oncle que je n’ai jamais connu. De cet « exploit » africain, j’ignore alors quasiment tout. En famille le sujet n'était pour ainsi dire jamais abordé, même si j’ai beaucoup interrogé les miens sur les différentes migrations familiales tout au long de mon travail de cinéaste.
Sur une minuscule photo, avec pour légende « Asmara, 1939 », un groupe de personnes fête Noël sous le soleil d'Afrique. Je crois y reconnaître des visages entrevus à Borgo, le village italien de ma famille dans la région de l’Emilie Romagne.
Je décide alors de mener mon enquête au village, avec mes photos et lettres comme support. Je rencontre des personnes qui vécurent cette expérience coloniale et des héritiers d’anciens colons aujourd’hui décédés.
Ces personnes ouvrent à leur tour leurs tiroirs pour y retrouver un journal intime, des phrases consignées dans un carnet, un contrat de travail daté de 1935, du courrier venu d’Afrique, un cahier d’école des années 30. Autant de traces visuelles et sonores d’une propagande fasciste sur ces colonies qui aura profondément marqué deux générations d'italiens.
Histoire tue mais sans cesse intensément remémorée, teintée de nostalgie, de rancœur, de pitié, de deuil, de sourires doux et d’humour. D’orgueil, aussi. Histoires singulières qui au-delà de leur côté tragique et de l'idéologie fasciste, sont aussi celles d'une rencontre avec l’Ailleurs et l’Autre. Ils sont les personnages et la matière de ce film ».


« Colonies fascistes » par Loredana Bianconi
France, 2015, 1 h 21
Production / Diffusion : CVB (Centre Vidéo de Bruxelles), Stella Films, Altara Films, Istituto Luce Cinecittà, ARTE France
Participation : Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Fédération Wallonie-Bruxelles - FWB, Région Wallonne, CNC, Procirep, Angoa-Agicoa, Europe Créative, Programme MEDIA, Gsara
Image : Els van Riel
Son : Marco Parollo
Montage : Rudi Maerten
Musique originale : Sylvie Bouteiller
Sur Arte le 17 décembre 2019 à 02 h 15. Disponible du 16/12/2019 au 23/12/2019
Visuels : © DR

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Les citations sur le film sont d'Arte.

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