Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

jeudi 25 novembre 2021

Joséphine Baker (1906-1975)

Meneuse de revue, aviatrice, « chanteuse, danseuse et actrice, Joséphine Baker (1906-1975) « avait tous les talents. Adulée en Europe, elle se heurte au racisme de l'Amérique ségrégationniste, son pays natal » et résiste au nazisme. Elle a adopté des enfants orphelins de toutes origines et religions. Arte rediffusera le 28 novembre 2021 « Joséphine Baker - Première icône noire » (Josephine Baker, Ikone der Befreiung) par Ilana Navaro. 
Le 30 novembre 2021, Joséphine Baker entrera au Panthéon. Le Théâtre de Passy propose "Joséphine B", spectacle musical (1h30) de et mise en scène par Xavier Durringer avec Clarisse Caplan et Thomas Armand.

Le siècle du jazz 
« La révolution du 78 tours » par Dagmar Brendecke 
Martial Solal, pîaniste de jazz 
« Keren Ann au Festival Rudolstadt 2016 » par Axel Ludewig
« Enfant pauvre du Missouri, Joséphine fuit, à 13 ans, la famille de Blancs qui la traite en esclave pour suivre une troupe de théâtre ».

« Après une incursion dans le music-hall à New York, elle saisit au vol la proposition d'un producteur qui monte un spectacle à Paris ».

En 1925, Josephine Baker est programmée en première partie dans la "Revue nègre" au Théâtre des Champs-Élysées. Elle est vêtue d'un pagne de fausses bananes et danse sur un air de charleston — rythme inconnu en Europe — lors du tableau "La Danse sauvage". Le public est partagé entre l'enthousiasme et la stupéfaction devant ce qui semble scandaleux. Il adore vite celle qui devient synonyme de jazz, de liberté, de naturel, d'inventivité. Josephine Baker devient la muse des cubistes qui apprécient son style et ses formes. Elle recrute Georges Simenon comme secrétaire.

« Avec son animation et sa plus grande tolérance, la Ville lumière la conquiert ».

« Ses habitants, et bientôt toute l'Europe, s'entichent de cette tornade scénique, dont l'ébouriffante danse et les multiples talents (chant, danse, comédie) collent à la frénésie des Années folles. » Parmi les revues dont elle assure le succès : Un vent de folie (1927).

L’une de ses chansons les plus célèbres ? J'ai deux amours composée par Vincent Scotto sur des paroles de paroles de Géo Koger (1931). Citons aussi sa reprise en 1930 de La Petite Tonkinoise (Henri Christiné/Vincent Scotto) créée en 1906 par Polin.

En 1937, à Crèvecœur-le-Grand, Joséphine Baker épouse Jean Lion, courtier juif français de vingt-sept ans enrichi par le commerce du sucre et né dans une famille dont le nom était Lévy. Joséphine reçoit la nationalité française, poursuit sa carrière et fait une fausse couche. Le couple divorce en 1940.

« À une époque où l'on exhibe les "indigènes" comme des bêtes de foire, Joséphine devient l'objet d'une sincère adulation mais aussi de fantasmes coloniaux peu reluisants. Ses tournées américaines ravivent en outre les traumatismes de l'enfance : elle se fait refouler des hôtels et la critique la prend de haut. Quant à la communauté noire, elle l'accuse de n'avoir rien fait pour les siens. Désemparée, la star comprend qu'elle trouvera sa voie dans l'engagement politique ».

« La guerre de 1940 lui en donne l'opportunité. Avec courage, Joséphine Baker entre dans la Résistance en qualité d'espionne ».

En 1947, Joséphine Baker épouse Jo Bouillon, compositeur, chef d'orchestre et violoniste français (1908-1984). C’est son quatrième mariage.

Le couple acquiert le château des Milandes, dans le Périgord Noir (Dordogne) qu'elle loue depuis 1937. Joséphine Baker y résidera jusqu'en 1969. 

En acquérant les terres près de son château, elle conçoit de créer un vaste parc de loisirs pour enfants et adultes.

Elle y élève onze enfants de toutes origines et religions - juif, chrétien, musulman, etc. -, adoptés et surnommés sa « tribu arc-en-ciel ». Elle consacre à ce domaine des sommes importantes provenant de récitals dans le monde.

Le couple se sépare en 1957 et divorce en 1961.

En 1951, lors d'une tournée en Floride, Joséphine Baker « exige l'ouverture des salles de concert au public noir, et dénonce le racisme ambiant au point de s'attirer les représailles du FBI. »

La « marche pour les droits civiques, à Washington, demeure « le plus beau jour de [sa] vie ». En ce 28 août 1963, vêtue de l'uniforme de la France libre, Joséphine Baker est la seule femme à s'exprimer, aux côtés de Martin Luther King, devant une foule mêlant Blancs et Noirs. Ce discours est l'aboutissement d'une vie de succès mais aussi de brimades et de luttes ».

En 1960, Joséphine Baker est initiée dans la loge maçonnique « La Nouvelle Jérusalem » de la Grande Loge féminine de France.

En 1964, endettée notamment envers le fisc, Joséphine Baker sollicite l’aide du public. Parmi ceux qui l’aident : la star Brigitte Bardot.

Le château est cependant vendu pour un dixième de sa valeur en 1968. Joséphine Baker le quitte le 15 mars 1969.

Grâce à l'acteur Jean-Claude Brialy, elle se produit dans son cabaret La Goulue, à Paris, et effectue des tournées.

La princesse Grace de Monaco, qui avait été témoin du racisme ayant visé Joséphine Baker aux Etats-Unis, lui permet de se loger à Roquebrune et la programme à Monaco pour des soirées de gala sur le Rocher.

En 1968, après les manifestations estudiantines ayant fait vaciller le pouvoir du Président Charles de Gaulle, elle se tient au premier rang du défilé en soutien au Président sur l'avenue des Champs-Élysées, à Paris.

Le 24 mars 1975, pour ses cinquante ans de carrière, elle débute la rétrospective Joséphine à Bobino. Dans la salle : le Prince Rainier III et la Princesse Grace de Monaco, Alain de Boissieu, gendre de Charles de Gaulle, Sophia Loren, Mick Jagger, Mireille Darc, Alain Delon, Jeanne Moreau, Tino Rossi, Pierre Balmain... Un succès critique et public.

Le 10 avril, Joséphine Baker, victime d'une attaque cérébrale, est transportée dans un coma à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Elle y décède deux jours plus tard, âgée de 68 ans.

« Nourri d'extraits parfois poignants de ses mémoires, d'entretiens et d'un riche fonds d'archives, où la star apparaît débordante d'énergie et toujours souriante – elle aimait donner le change – mais plus sereine à mesure qu'elle trouve sa voie, ce film « Joséphine Baker - Première icône noire » brosse l'émouvant portrait de la première icône noire. Serti de superbes archives, le récit du destin hors du commun de la première star noire et de ses combats ».



"Joséphine Baker. Du music-hall au Panthéon"
En novembre 2021, les éditions Tallandier ont publié "Joséphine Baker. Du music-hall au Panthéon" de Gérard Bonal. "2 octobre 1925, sur la scène du théâtre des Champs-Élysées, le public, venu en nombre, découvre Joséphine Baker dans La Revue nègre. Elle a 19 ans, c’est un triomphe. Elle danse le charleston, vêtue de sa seule peau brune, portant sa nudité comme une panthère noire sa fourrure. En 1931, elle chante J’ai deux amours. Une star internationale est née."

"Gérard Bonal, dans une approche personnelle et presque sentimentale, liée à ses souvenirs d’enfance, livre un portrait par touches de la « Vénus noire ». Il nous entraîne sur ses traces, de l’enfance pauvre à Saint-Louis, Missouri, jusqu’à la lutte pour les droits civiques aux côtés de Martin Luther King. On embarque avec elle en 1925 sur le paquebot qui l’emmène vers l’Europe, dans un voyage qu’elle espère sans retour, pour fuir la misère et la ségrégation. On l’escorte dans le Paris nocturne des Années folles, celui des théâtres de music-hall – le Casino de Paris, les Folies Bergère –, des night-clubs de Pigalle, au bras de ses amants, Georges Simenon ou Giuseppe Abatino, dit Pepito, son impresario et mentor pendant dix ans. Dès 1941, l’icône des Années folles rejoint les services secrets de la France libre. Militant inlassablement pour la fraternité universelle, elle adoptera après la guerre douze enfants venus du monde entier, sa fameuse « tribu arc-en-ciel », qu’elle installera dans le château des Milandes, en Dordogne."

"À sa mort, le 12 avril 1975, une vague d’émotion submerge le pays, des funérailles nationales sont décrétées. Aujourd’hui, la petite danseuse de Saint-Louis qui a conquis Paris en une soirée sera la première femme noire à reposer au Panthéon."

Panthéon
Le Président de la République Emmanuel Macron a accueilli favorablement une demande soutenue par une pétition revêtue de signatures prestigieuses.

Le 23 août 2021, l'Elysée a publié un communiqué de presse annonçant la "Panthéonisation de Joséphine Baker" : 
"Sur décision du Président de la République, Joséphine Baker sera honorée au Panthéon le 30 novembre prochain. 
À travers ce destin, la France distingue une personnalité exceptionnelle, née américaine, ayant choisi, au nom du combat qu’elle mena toute sa vie pour la liberté et l’émancipation, la France éternelle des Lumières universelles. 
Artiste de music-hall de renommée mondiale, engagée dans la Résistance, inlassable militante antiraciste, elle fut de tous les combats qui rassemblent les citoyens de bonne volonté, en France et de par le monde. 
Pour toutes ces raisons, parce qu’elle est l’incarnation de l’esprit français, Joséphine Baker, disparue en 1975, mérite aujourd’hui la reconnaissance de la patrie."
Le 30 novembre 2021, Joséphine Baker entra au Panthéon qui a accueilli "un cénotaphe (c'est-à-dire un tombeau vide) signalé par une plaque, comme pour Aimé Césaire et d'autres personnalités. Le corps de la célèbre meneuse de revue, résistante et militante antiraciste, restera toutefois à Monaco, au cimetière marin où elle est enterrée depuis 1975." 

Joséphine Baker a été "la première femme noire à faire son entrée dans le temple républicain du Panthéon, à Paris". 

Le Président de la République Emmanuel Macron a déclaré dans son discours à l'occasion de la cérémonie d'entrée de Joséphine Baker au Panthéon : 
"Héroïne de guerre. Combattante. Danseuse. Chanteuse.
Noire défendant les noirs, mais d’abord femme défendant le genre humain.
Américaine et Française.
Joséphine Baker mena tant de combats avec liberté, légèreté, gaieté.
Fulgurante de beauté et de lucidité dans un siècle d’égarements, elle fit, à chaque tournant de l’Histoire, les justes choix, distinguant toujours les Lumières des ténèbres.
Et pourtant, rien, rien n’était écrit.
Saint-Louis, 1906.
Naître d’une mère blanchisseuse et d’un père inconnu. Habiter une cabane au toit percé.
A seulement huit ans, servir une famille riche et blanche pour nourrir la sienne, pauvre et noire.
Être battue, maltraitée. Fuir.
Assister impuissante aux émeutes raciales et à leur cohorte de morts.
Se marier à 13 ans.
Ne pas se résigner.
Danser, danser pour vivre, vivre pour danser.
A Saint-Louis, à la Nouvelle-Orléans puis à Philadelphie, envouter le public par son énergie et son humour.
Gagner Broadway, théâtre des possibles, rencontrer Caroline Dudley créatrice de revues en Europe.
Et faire lever devant soi tous les rideaux, céder toutes les portes, tomber toutes les barrières.
Paris, 1925.
Quand Joséphine Baker arrive en France, Paris est une fête. Elle n’a pas 20 ans.
Années folles. Années de danse et de musique. Années de nuits et d’ivresse où se noie Joseph Kessel ignorant qu’un jour il écrira le Chant des Partisans.
Si dans cette France partagée entre soif de liberté et préjugés coloniaux, l’enfant de Saint-Louis se distingue, c’est parce qu’elle invente, dès le fameux soir du 2 octobre 1925 au Théâtre des Champs Elysées, un numéro qui dépasse les contradictions françaises de l’époque.
Les concepteurs de la revue Nègre imaginent-ils pour elle une danse du ventre, fantasme d’exotisme sauvage ?
Elle s’y livre, mais en gonflant les joues et en écartant les genoux, de sorte que le comique détourne bientôt le sensuel.
Lui demande-t-on de danser nue vêtue d’une simple ceinture de bananes dorées ?
Elle y consent, mais écorne l’érotisme à coup de grimaces, de gestes saccadés, balaie les clichés d’un revers de hanche et raille l’imagier nègre par ses roulements d’yeux moqueurs.
Les stéréotypes, Joséphine Baker les endosse. Mais elle les bouscule, les égratigne, les tourne en burlesque sublime. Esprit des Lumières ridiculisant les préjugés colonialistes sur des notes de Sidney Bechet.
Le triomphe est immédiat.
Folies Bergères, escalier mythique du Casino de Paris, scènes de toutes les capitales européennes : les danses syncopées de la Perle noire, contrepoint insolent à la basse continue du racisme, enchantent la France et bientôt toute l’Europe à une vitesse inouïe.
La voici un jour chanteuse sur des succès de Vincent Scotto, un autre actrice devenant Zouzou et donnant la réplique à Jean Gabin, puis dévalant les Champs-Elysées, guépard tenu en laisse au volant d’un cabriolet recouvert de cuir de serpent.
Aux côtés d’un homme une nuit, aux bras d’une femme une autre, elle qui a deux amours.
En quelques années seulement, Joséphine Baker forge sa légende.
Elle épouse la scène, impose sa liberté, entre dans l’imaginaire et dans l’intimité des Français.
Par son insouciance jamais inconsciente, son courage toujours gai, cette légèreté ourlée de tristesse qu’arborent ceux qui ont déjà vécu, l’Américaine réfugiée à Paris, devient l’incarnation de l’esprit français et le symbole d’une époque.
Crèvecœur-le-Grand dans l’Oise, 30 novembre 1937.
Il y a 84 ans jour pour jour.
Joséphine revient d’une tournée difficile aux Etats-Unis. La ségrégation y est plus sévère que jamais. Elle se marie avec Jean Lion et devient alors officiellement citoyenne française.
« Les Français m’ont tout donné. Je suis prête à leur offrir aujourd’hui ma vie » : Joséphine Baker ne considère pas sa nouvelle nationalité comme un droit, mais avant tout comme un devoir, une conquête de chaque jour.
Aussi se voue-t-elle tout entière à sa nouvelle patrie et à la défense de ses valeurs.
La voici militante indéfectible de la Ligue Internationale contre l’Antisémitisme dès 1938.
Puis officier de l’armée de l’air, servant comme infirmière dans le cadre d’actions organisées par la Croix-Rouge.
Sur la ligne Maginot, elle donne des concerts mémorables en soutien au moral des troupes.
Alors que la Blitzkrieg menée par l’Allemagne nazie effraie l’Europe, Joséphine Baker, elle, veut faire plus.
Troquant les feux de la rampe pour la flamme de la Résistance, elle devient, avant même le 18 juin, « honorable correspondante ». Et sert son nouveau pays, au péril de sa vie.
Protégeant résistants et Juifs dans sa propriété des Milandes transformée en antenne radio ;
Recevant sur son lit d’hôpital à Casablanca tout ce que le Maghreb compte d’officiers de la France libre ; 
Parcourant l’Afrique et l’Europe pour transmettre des informations confidentielles écrites à l’encre sympathique sur ses partitions ou cachées dans ses robes ;
Traversant le désert en Jeep pour galvaniser les soldats préparant le Débarquement de Provence ;
Joséphine joue un rôle à ce point décisif qu’elle se voit décerner la médaille de la Résistance. Surtout, l’insigne qu’elle préférera entre tous, une petite croix de Lorraine en or reçue des mains-même du Général de Gaulle en 1943 et qu’elle finit pourtant par vendre pour reverser l’argent aux œuvres de la Résistance. Puis en 1961, la Croix de guerre avec palme et la Légion d’Honneur remise par le général Valin.
C’est cela Joséphine. Un combat pour la France libre. Sans calcul. Sans quête de gloire. Dévouée à nos idéaux.
Washington, 28 août 1963.
Alors qu’icône adulée après la Libération, elle aurait pu comme beaucoup d’autres s’installer dans la célébrité, Joséphine Baker, uniforme de l’armée de l’air en étendard, prend la parole devant les milliers de militants des droits civiques qui attendent le discours du pasteur Martin Luther King.
Ce jour-là, qu’elle définit comme le « plus beau de sa vie », est pour elle l’aboutissement d’une longue lutte.
S’avançant vers le pupitre, sans doute repense-t-elle à la petite fille qui, punie par ses maîtres blancs pour avoir cassé une assiette, s’était fait ébouillanter les mains ;
Au temps où, même la vedette qu’elle était se voyait interdire l’accès à des hôtels aux Etats-Unis.
A cette soirée où, sous les yeux de Grace Kelly qui ne l’oubliera jamais, elle s’était vue refuser le service au Storck Club, un grand restaurant new-yorkais ;
Au quartier de Harlem qui avait organisé en son honneur en 1951 un Baker Day pour la remercier d’avoir ouvert ses concerts aussi bien aux Noirs qu’aux Blancs,
Aux milliers de femmes et d’hommes qui avaient rejoint ses combats.
Alors, évoquant dans son discours son invitation prochaine à la Maison Blanche, Joséphine Baker, oui, à coup sûr, se souvient de tout cela et déclare à la foule : « ce n’est pas la femme de couleur – la Noire, qui ira là-bas. C’est une femme ».
Joséphine Baker ne défendait pas une couleur de peau, elle portait une certaine idée de l’homme, et militait pour la liberté de chacun.
Sa cause était l’universalisme, l’unité du genre humain. L’Egalité de tous avant l’Identité de chacun. L’Hospitalité pour toutes les différences réunies par une même volonté, une même dignité. L’Emancipation contre l’Assignation.
En cela, en tout cela, devant le Lincoln Mémorial, médaille de la résistance agrafée sur son revers de veste, elle était plus française que jamais.
Infiniment juste. Infiniment fraternelle. Infiniment de France.
Et que nul aujourd’hui ne fasse mentir ou ne détourne son combat universel ! Ce n’était pas un combat pour s’affirmer comme noire avant de se définir comme Américaine ou Française ; ce n’était pas un combat pour dire l’irréductibilité de la cause noire, non. Mais bien pour être citoyenne, libre, digne. Complètement. Résolument.
Dordogne, 15 mars 1969.
Malgré les tournées répétées, malgré le courage et l’appel télévisé de Brigitte BARDOT, malgré le soutien de généreux donateurs, Joséphine Baker est expulsée de sa célèbre propriété du Périgord noir : le Château des Milandes. Loin des plumes et des paillettes, elle se réfugie avec ses enfants à Paris, avant de gagner, Monseigneur, la principauté de Monaco où la princesse, à nouveau, devenue sa protectrice et son amie, lui offre l’asile et l’héberge généreusement avec toute sa famille.
Ce jour de mars 1969, elle ne dit pas seulement adieu à un enracinement, à ce paysage qu’elle aime tant, à son « Château sur la lune » qu’elle adorait et occupait depuis plus de trente ans.
Elle dit adieu à un rêve fou, celui d’installer aux Milandes un « collège de la fraternité universelle » où elle souhaite que soit enseignés à des enfants venus du monde entier la tolérance, la laïcité, le goût de l’égalité et de la fraternité.
Si ce collège ne vit donc jamais le jour, l’adoption avec Jo Bouillon de 12 enfants - Akio et Teruya venus du Japon ; Luis de Colombie ; Jari de Finlande ; Jean-Claude, Moïse et Noël de France ; Brian et Marianne d’Algérie ; Koffi de Côte d’Ivoire ; Tara du Venezuela : et Stellina du Maroc, oui, ces douze enfants, cette famille permit à Joséphine Baker de prouver aux yeux du monde que les couleurs de peau, les origines, les religions pouvaient non seulement cohabiter mais vivre en harmonie. Vous êtes là ce soir. Fidèles à ses rêves.
Sa « tribu arc en ciel » comme elle l’appelait est le plus beau des manifestes humanistes. Epiphanie de l’universalisme auquel elle croyait tant.
Joséphine Baker a quitté la vie en même temps qu’elle quittait la scène, quelques heures après la seconde représentation d’une revue consacrée à sa vie. C’était à Bobino, au cœur de ce quartier de la Gaité dont le nom lui allait si bien.
Quelques jours plus tard, le 15 avril 1975, des milliers de Parisiennes et de Parisiens remontaient la rue Royale pour accompagner son cercueil, déjà drapé de bleu-blanc-rouge, vers cette église de la Madeleine où la France enterre ses artistes.
Aujourd’hui, nous sommes encore là, même bleu-blanc-rouge. Pour la faire entrer dans notre Panthéon.
Alors ce soir, Joséphine Baker entre ici avec tous ces artistes qui l’accompagnent, tous ces artistes qui ont aimé le jazz, la danse, le cubisme, la musique, la liberté de ces années.
Elle entre ici avec tous ceux qui, comme elle, ont vu dans la France une terre à vivre, un lieu où l’on cesserait de se rêver ailleurs, une promesse d’émancipation.
Elle entre ici avec tous ceux qui ont choisi la France, qui l’ont aimée et l’aiment, charnellement, qui l’ont vue trébucher et ont continué de l’aimer, qui l’ont vue à terre et se sont battus pour la relever.
Français par le sang versé, les combats menés, l’amour donné.
Elle entre ici pour nous rappeler à tous, pour nous rappeler à nous-mêmes, qui mettons quelquefois tant d’entêtement à vouloir l’oublier, l’insaisissable beauté de notre destin collectif : nous qui sommes une Nation de combat, fraternelle, que l’on désire, que l’on mérite, qui n’est elle-même que lorsqu’elle est grande et sans peur.
Joséphine Baker,
Vous entrez dans notre Panthéon où s’engouffre avec vous un vent de fantaisie et d’audace. Oui, pour la première fois ici, c’est une certaine idée de la liberté, de la fête, qui entre aussi.
Vous entrez dans notre Panthéon parce que vous avez aimé la France, parce que vous lui avez montré un chemin qui était le sien véritable mais dont elle doutait pourtant.
Vous entrez dans notre Panthéon parce que, née américaine, il n’y a pas plus française que vous.
Et alors qu’à la fin de votre carrière, adaptant les paroles de votre plus grand succès, vous clamiez : « Mon pays, c’est Paris »,
Chacun de nous ce soir murmure ce refrain, sonnant comme un hymne à l’amour : « Ma France, c’est Joséphine ».
Vive la République.
Vive la France."

"Joséphine B"
Le Théâtre de Passy propose "Joséphine B", spectacle musical (1h30) de et mise en scène par Xavier Durringer avec Clarisse Caplan et Thomas Armand.

"Le mythe de Joséphine Baker revient 100 ans après au Théâtre de Passy pour nous raconter son extraordinaire destin et les combats de sa vie contre toutes les formes d’intolérance et de discrimination. Sujet qui est toujours brûlant d’actualité. Retournons dans les années 20 sous les rythmes endiablés du Charleston et du Lindy Up, dans un spectacle pétillant admirablement incarné, dansé et chanté par deux comédiens uniques en leur genre.


Timbres
En 1994, La Poste a émis un timbre en hommage à Joséphine Baker. Elle l'a présenté ainsi :
« Alors entre en scène un personnage étrange... qui marche les genoux pliés, vêtu d'un caleçon en guenilles et qui tient du kangourou boxeur et du coureur cycliste. »
Ainsi le journal « Candide » décrit-il, en octobre 1925, la révélation de la dernière « Revue nègre. »
Joséphine Baker a presque 20 ans : elle est née en 1906, à Saint-Louis, aux Etats-Unis. Elle vient d'arriver à Paris, avec la compagnie « Black Birds ». Le public du théâtre des Champs-Elysées découvre, médusé, cette splendide fille presque nue, qui chante d'une voix suave et danse sur un rythme stupéfiant. D'aucuns crient au scandale et à la lubricité, mais tout Paris se bouscule.
La silhouette sculpturale de Joséphine Baker restera à jamais attachée aux années folles, période où les Français oublient la Grande Guerre en se jetant dans l'insouciance et la création. Paris est alors le centre de toutes les audaces culturelles, et Montparnasse le quartier où tout se passe. Cocteau et Aragon tiennent salon au Jockey. Picasso discute littérature avec Henry Miller. Les « Jazz bands » se déchaînent dans les cabarets. Coco Chanel habille les femmes de bleu marine et de blanc - «comme les écoliers», s'indignent les tenants du bon goût. Et Joséphine Baker promène sa panthère en laisse à la terrasse des cafés...
Artiste de music-hall, elle s'est aussi consacrée au cinéma. A l'époque du muet d'abord, dans deux films tournés en 1927 par Mario Nalpas : « La Revue des revues » et « La Sirène des Tropiques ». Puis, après l'arrivée du parlant, dans « Zou-zou » de Marc Allégret, avec Gabin (1934), « Princesse Tam-tam » (1935) et « Fausse alerte » (1939), où elle tient un rôle de second plan. Sa carrière à l'écran, exclusivement française, s'est arrêtée là. Sans doute le cinéma n'a-t-il pas su lui proposer des rôles sortant de l'exotisme facile où la cantonnait sa peau noire.
Joséphine Baker a consacré la fin de sa vie aux nombreux enfants qu'elle avait adoptés et au milieu desquels elle vivait dans son château des Milandes, en Périgord. Près de vingt ans après sa mort, en 1975, sa plus célèbre chanson, qui fit les grandes heures du casino de Paris, est encore sur beaucoup de lèvres : « J'ai deux amours, mon pays et Paris »...
Pour la panthéonisation de Joséphine Baker, La Poste vendra, en avant-première, le 27 novembre 2021, à Boulazac quatre timbres collector, en édition limitée. "9.600 timbres ont été imprimés à Philaposte à Boulazac en Dordogne", en raison des liens affectifs profonds ayant lié l'artiste à cette région française. Ouverture exceptionnelle du Carré d’Imprimerie, de 10h à 19h

"Les quatre photos choisies pour illustrer les timbres ont été sélectionnées par Brian Bouillon-Baker, l'un des 12 enfants de Joséphine Baker et de Jo Bouillon." 


« Foisonnant d’images d’archives inédites, le documentaire d’Ilana Navaro retrace le combat intime et politique de la première star noire. Précisions avec la réalisatrice. Propos recueillis par Laetitia Moller. »

« Vous livrez un portrait méconnu de Joséphine Baker. Comment l’avez-vous abordée ?
Ilana Navaro : J’avais le sentiment que son image était largement réductrice. Je m’interrogeais sur ce qui se cachait derrière le souffle du scandale et les danses avec sa fameuse ceinture de bananes. Comment avait-elle vécu la façon dont les gens la percevaient ? Véritable phénomène de société, Joséphine Baker s’est imposée comme la première star noire. Je voulais montrer comment elle avait occupé cette place. Je suis partie des nombreux témoignages qu’elle a publiés sur sa vie, dès 1929. Mettre en avant son point de vue, celui d’une femme noire sur la société blanche des Années folles, permettait de renverser la perspective. La dramaturgie du documentaire est construite sur ce jeu de regards, le sien d’un côté, et ceux, fascinés, qui se posent sur elle.

Après avoir fui l’Amérique ségrégationniste, elle est accueillie en 1925 dans une France coloniale qui la glorifie tout en l’assignant au rôle de la sauvage. Quelle conscience en avait-elle ?
Son succès est lié à cette ambivalence et à sa capacité à choquer la vieille Europe, prête à toutes les excentricités pour oublier les horreurs de la Grande Guerre. En tant que femme noire venue d’ailleurs, elle était l'objet de tous les fantasmes, désirée et méprisée à la fois. Plus ou moins consciemment, Joséphine Baker a joué de cette imagerie raciste. Tour à tour icône moderne et sauvage domestiquée, posant en robe de couturier ou se promenant dans la rue avec un léopard, elle savait très bien comment faire parler d’elle. Avec son immense notoriété, elle a su s’emparer de son statut pour en faire une arme.

Son éveil politique a pourtant été un long chemin...
Je voulais raconter son émancipation progressive, le passage de son combat personnel pour être acceptée dans une société blanche à la défense d’une cause collective. Un processus qui a nécessité chez elle un temps long de maturation. Mais il faut se rappeler qu’à l’époque elle était la seule Noire à occuper cette place, avec le poids énorme que cela représentait. L’empire colonial était à son apogée, il y avait très peu de Noirs sur le territoire français et la conscience politique sur ces questions était encore embryonnaire. Joséphine Baker a dû se battre pour elle-même avant d’être en mesure de le faire pour les autres. Près de quarante ans après son départ des États-Unis, son discours à la marche des droits civiques en 1963 aux côtés de Martin Luther King a été un aboutissement personnel. Enfin, sa lutte rejoignait celle de la communauté noire de son pays. »


France, 2017, 53 min
Coproduction : ARTE France, Kepler22 Productions, Novak Prod, RTBF
Sur Arte les 24 mars 2019 à 17 h 35, 14 avril 2019 à 22 h 45, 5 janvier 2020 à 22 h 45, 28 novembre 2021 à 23 h 40, 30 novembre 2021 à 15 h 25,  04 décembre 2021 à 6 h 30
Disponible du 29/12/2019 au 11/01/2020
Sur arte.tv du 24/08/2021 au 15/06/2022
Visuels :
Josephine Baker dans une de ses fameuses tenues de scène.
Credit : © Walery / Photo Collection Bry

Josephine posant en robe de soirée pour le photographe Murray Korman, vers 1934.
Credit : © Murray Korman/Photo

Josephine Baker posant au cours d'une séance photo.
Credit : © Photo Collection Narodowe Arch


"Joséphine B" de 
Xavier Durringer
Du 28 octobre 2021 au 2 janvier 2022 
95 rue de Passy. 75016 PARIS
Tél. 01 82 28 56 40
Du jeudi au samedi à 19h00 et le dimanche à 16h00
France, 1h30
Auteur : Xavier Durringer 
Mise en scène : Xavier Durringer assisté de Constance Ponti & Emma Bazin
Musique : Cyril Giroux
Chorégraphie : Florence Lavie 
Scénographie : Orazio Trotta, Eric Durringer & Raphaël Michon 
Costumes : Catherine Gorne Achdjian
Avec Clarisse Caplan, Thomas Armand & Isabelle Lelièvre
Lumière : Orazio Trotta, Eric Durringer & Raphaël Michon

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Les citations sont d'Arte. Cet article a été publié le 22 mars 2019, puis le 3 janvier 2020.

3 commentaires:

  1. Bonjour.
    Ce ne fut pas... "lors d'une tournée en Floride", qu'en 1951 Joséphine Baker s'attira les foudres du FBI, mais à New-York et à cause d'un... juif mac-carthyste, Walter Winchell, qui n'avait pas supporté de la voir dénoncer son comportement de lâcheté lors de l'incident du Stork Club.
    Cordialement

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    1. Bonjour,
      Quelles sont vos sources ?
      Pourquoi présentez-vous Walter Winchell comme "juif mac-carthyste" ? Quelle est sa nationalité ? Quelle est sa fonction ?
      Cordialement,
      Véronique Chemla

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    2. Vous n'aurez évidemment pas de réponse...
      Au Canada ce sont jusqu'à des sites destinés au grand public (https://www.ledevoir.com/culture/ecrans/587872/ecrans-walter-winchell-the-power-of-gossip-la-machine-a-rumeurs) qui rappellent le maccarthysme de Winchell et le tort qu'il causa à Joséphine

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