Citations

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« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

dimanche 2 février 2020

Le blasphème


Le thème du blasphème est devenu sensible depuis les tentatives de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), "voix collective du monde musulman", pour introduire en droit international la "diffamation des religions", les fatwas et attentats terroristes islamistes, notamment lors des dessins danois sur Mahomet et contre la rédaction du journal Charlie hebdo. Le 3 février 2020, sortira "Enfin libre !" co-écrit par Asia Bibi, réfugiée pakistanaise chrétienne au Canada. Adolescente française, Mila a été menacée de mort pour avoir tenu des propos hostiles à l'islam.

Le blasphème 
« La manifestation du 11 janvier 2015 - Martin Argyroglo », par Rémy Burkel
Traits d’esprit, des images pour ne pas se prosterner 
Salman Rushdie 

Le dictionnaire Larousse définit ainsi le blasphème : « Une parole ou discours qui outrage la divinité, la religion ou ce qui est considéré comme respectable ou sacré. »

Le blasphème est devenu sensible depuis les tentatives de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), "voix collective du monde musulman", pour introduire en droit international la "diffamation des religions" - une offensive menée notamment à l'ONU (Organisation des Nations unies) par l'OCI ou OIC -, les fatwas et attentats terroristes islamistes, notamment lors des dessins danois sur Mahomet et contre la rédaction du journal Charlie hebdo.


Est-ce un hasard si Arte a choisi pour illustrer le documentaire Peut-on outrager Dieu ? La question du blasphème" (Kann man Gott beleidigen? Der Streit um Blasphemie), par Werner Köhne une photographie sur des représentations offensantes du Christ en évitant tout visuel lié à l'islam ?


Qu'est-ce qu'un blasphème ?

« Qu'est ce qu'un blasphème ? » (Was ist Blasphemie?) est un documentaire réalisé par Philippe Truffault. "Il faut se défaire des fausses idées : paradoxalement, le blasphème ne concerne pas Dieu, mais consacre l'offense ressentie par le croyant. Crier au blasphème, n'est-ce pas se prendre pour l'auteur des volontés de Dieu et l'interprète de ses vexations supposées ? N'y aurait-il pas, par conséquent, un « droit au blasphème » à défendre dans un pays laïc ?" 

Raphaël Enthoven s'intéresse à "la nature du blasphème en compagnie de la jeune et brillante essayiste" Anastasia Colosimo. Pour celle-ci, « le blasphème est par essence un crime sans victime ». Elle souligne la perversité de dissimuler la volonté de faire condamner le blasphème en alléguant : "Vous offensez les croyants!" Et dénonce la manipulation politique.

"À partir de cette compréhension de la nature du blasphème, que vaut le geste qui lui oppose la « liberté d'expression » ? Que reste-t-il de Dieu quand on torture en son nom ?"

Anastasia Colosimo est l'auteur des Bûchers de la liberté (Stock, 2016). "Que nous dit Charlie, alors que se dissipent les ultimes mirages du 11 janvier ? Que le blasphème n’est pas de retour car il ne nous a jamais quittés. Qu’il n’est pas un principe religieux, mais qu’il a toujours été un instrument politique. De Rushdie à Dieudonné, d’Islamabad à Copenhague et de la Cour européenne des droits de l’homme à la Cour suprême des États-Unis, en passant par la Bible et le Coran, les caricatures de Mahomet et l’inflation des lois mémorielles, voici une plongée à travers les temps et les lieux du blasphème qui en dévoile sans concession toute l’actualité. Car, par-delà l’émotion, la question essentielle est de savoir si, aujourd’hui, la France n’a pas déjà tourné le dos, secrètement, à la liberté d’expression".

"Au début, on est sur l'offense à Dieu. Avec le processus de la sécularisation, on passe à l'offense à la religion, aux croyants. Cela date des années 1970. La loi Pleven a mis sur le même plan la religion et l'ethnie, qui sont différentes. Ce qui est une conception contemporaine de l'appartenance à la religion", a constaté Anastasia Colosimo.

Et de poursuivre : "On est dans le blasphème de l'Ancien Régime. C'est alors un concept religieux utilisé par le pouvoir politique : celui qui blasphème est un dissident qui insulte Dieu, donc le Roi car l'Eglise et l'Etat ne font qu'un. Mais l'Eglise défend le chevalier de La Barre, condamné pour impiété... Il y a toujours du politique dans le blasphème. Chez les Femen, il n'y a pas de religion, il y a l'idée marxiste que l'Eglise opprime, est un instrument de domination... L'action politique des Femen se joue dans la provocation, dans la recherche de la visibilité".

Salman Ruhdie a été visé par une fatwa de l'ayatollah iranien Khomeini pour avoir écrit Les Versets sataniques. A tort, Raphaël Enthoven compare cette violence avec celle ayant visé Spinoza. "l'ayatollah Khomeini crée un choc des civilisations et un piège pour les musulmans en Occident", considère Anastasia Colosimo qui évoque la "haine entre l'Orient et l'Occident". Un amalgame infondé.

"L'imaginaire est que un monde va gagner et un autre va perdre. Cela nous rappelle la question : dans quel camp êtes-vous ? Khomeini en appelle à tous les musulmans du monde. La liberté d'expression n'est pas faite pour protéger les paroles les plus agréables... Dans l'affaire de Charlie hebdo, on a d'un côté un argument séculier - liberté d'expression -, et de l'autre un argument religieux - le blasphème, l'offense aux croyants -. Il y a une manipulation politique, juridique. C'est dans le cadre de la sentimentalisation de la religion", explique Anastasia Colosimo.


"Le problème de Daech, c'est l'impiété", conclut Raphaël Enthoven.


Peut-on outrager Dieu ?

Arte diffusa le 16 août 2018 "Peut-on outrager Dieu ? La question du blasphème" (Kann man Gott beleidigen? Der Streit um Blasphemie), par Werner Köhne. "Liberté d'expression pour certains, critique des religions pour d'autres, la question du blasphème déchaîne aujourd'hui les passions. Illustration à travers des exemples artistiques récents."

 "Alors que la religion ne cesse de gagner en importance, le blasphème est devenu au cours des dernières années un sujet brûlant. Défenseurs de la liberté d'expression et partisans du respect des religions s'affrontent au sein d'un débat passionné. Ce phénomène n'a rien de nouveau, car les artistes et caricaturistes détournant des symboles confessionnels ou s'en prenant volontairement à des institutions religieuses ont toujours été confrontés à ce type d'accusations". Mais on peine à distinguer l'art dans certaines oeuvres dites "artistiques", tant leurs créateurs semblent ne chercher que la provocation visant quasi-exclusivement le Christ en croix ?

"Cependant, de la fatwa à l'encontre de l'écrivain Salman Rushdie à l'attentat qui a endeuillé Charlie Hebdo, en passant par les critiques suscitées par l'artiste autrichien Hermann Nitsch, les dernières décennies l'ont réactivé de façon inédite. Retraçant l'histoire du blasphème dans l'art et donnant la parole aux deux "camps", ce documentaire évoque d'autres œuvres considérées comme blasphématoires, ainsi que leurs conséquences pour leurs auteurs : poulet crucifié de l'artiste autrichienne Deborah Sengl, caricatures de Mahomet réalisées par le dessinateur danois Kurt Westergaard, films chocs d'Ulrich Seidl…"

Cour européenne des droits de l'homme

Pour la conférencière et responsable du FPÖ (Parti des libertés), Elisabeth Sabaditsch-Wolff, tout a débuté "en novembre 2009, à l'occasion d'un séminaire en trois volets sur l'islam qui a eu lieu au Freedom Education Institute, une Fondation politique liée au Parti autrichien de la liberté, membre aujourd'hui de la coalition gouvernementale autrichienne. Un hebdomadaire de gauche, News, a réussi à introduire un journaliste au sein du séminaire dans le but d'enregistrer secrètement les conférences. Les avocats de la publication ont ensuite transmis les transcriptions au parquet de Vienne comme preuves qu'un discours de haine se tenait contre l'islam en contravention de l'article 283 du code pénal autrichien (Strafgesetzbuch, StGB).

"En Autriche, lors d'une conférence intitulée « connaissance élémentaire de l'islam », Elisabeth Sabaditsch-Wolff a déclaré "à propos du mariage de Mahomet avec une fillette de 6 ans et de sa consommation sexuelle à l'âge de 9 ans : « 56 ans d'un côté et six ans de l'autre ? Si ce n'est pas de la pédophilie, qu'est-ce que c'est alors ? » Elle voulait notamment alerter sur la pratique du mariage des mineurs dans l'islam, suivant l'exemple de Mahomet", prophète de l'islam.

"La plupart des hadiths (recueils de récits concernant les paroles et les actes de Mahomet) confirment qu'Aicha était prépubère au jour de son mariage et n'avait que neuf ans quand le mariage a été consommé. Le comportement de Mahomet étant illégal en Autriche, les commentaires de Sabaditsch-Wolff étaient corrects au point de vue des faits, mais pas forcément sur le plan politique."


"Plusieurs plaintes formelles ont été déposées contre Sabaditsch-Wolff en septembre 2010 et son procès, présidé par un juge et sans jury, a démarré en novembre. Le 15 février 2011, Sabaditsch-Wolff a été reconnue coupable de « dénigrement de croyances en une religion reconnue par la loi » conformément à l'article 188 du code pénal autrichien."


"Le juge a justifié le rapport sexuel de Mahomet avec Aïcha, âgée de neuf ans, expliquant qu'il ne pouvait être de nature pédophile dans la mesure ou Mahomet est resté marié à Aicha jusqu'à sa mort. Dans cette logique, Mahomet n'a pas manifesté de désir exclusif pour les filles mineures ; étant donné qu'Aicha avait 18 ans au décès de Mahomet, il est possible d'en conclure que Mahomet était aussi attiré par les femmes plus âgées. Le juge a condamné Sabaditsch-Wolff à une amende de 480 euros ou une peine de substitution de 60 jours de prison, ainsi qu'aux dépens."


"Le 20 décembre 2011, la cour d'appel de la province de Vienne (Oberlandesgericht Wien) a confirmé le jugement de première instance. Le 11 décembre 2013, la Cour suprême autrichienne a rejeté la tenue d'un nouveau procès."

"Sabaditsch-Wolff a alors porté l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), un tribunal supranational qui veille au respect de la Convention européenne des droits de l'homme et arbitre tous les différents relatifs aux violations des droits civils et politiques énoncés dans la Convention."


"Invoquant l'article 10 (Liberté d'expression) de la Convention, Sabaditsch-Wolff a plaidé que les tribunaux autrichiens n'avaient pas examiné le contenu de ses déclarations à la lumière de son droit à la liberté d'expression. S'ils l'avaient fait, a-t-elle soutenu, les juges n'auraient pu qualifier ses propos de simple jugement de valeur, alors que ses propos étaient un jugement de valeur fondé sur des faits. Elle a plaidé par ailleurs que sa critique de l'islam avait lieu dans le cadre d'une discussion objective et animée qui contribue au débat public et que cette critique n'avait pas pour but de diffamer le prophète de l'islam. Elle argué enfin que les groupes religieux devaient tolérer les critiques même lorsque celles-ci étaient sévères."


"Alors qu'elle a contesté en 2012 cette condamnation devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), cette dernière a confirmé la décision des juges autrichiens dans un arrêt rendu public le 25 octobre 2018.


"La Cour européenne des droits de l'homme - compétente sur 47 pays européens et dont les décisions sont juridiquement contraignantes pour les 28 États membres de l'Union européenne -, a légitimé le code islamique du blasphème dans le souci de « préserver la paix religieuse » en Europe. Cette décision établit un dangereux précédent juridique qui autorise les États européens à restreindre la liberté d'expression si une parole est jugée offensante pour les musulmans et présente un risque pour la paix religieuse", a écrit Soeren Kern (Gatestone Institute, octobre 2018). « En d'autres termes, mon droit de parler librement est moins important que la protection accordée à la sensibilité religieuse d'autrui », a déploré Elisabeth Sabaditsch-Wolff.

La CEDH "a déclaré que les États sont en droit de restreindre la liberté d'expression « lorsque des déclarations formulées en vertu de l'article 10 outrepassent les limites d'un rejet critique, et assurément lorsque ces déclarations sont susceptibles d'inciter à l'intolérance religieuse ». La cour a ajouté :

« La Cour relève que les juridictions nationales ont expliqué de façon exhaustive en quoi elles considéraient que les déclarations de la requérante étaient susceptibles de provoquer une indignation justifiée ; elles ont indiqué en particulier que ces propos n'avaient pas été tenus d'une manière objective contribuant à un débat d'intérêt général (par exemple sur le mariage d'un enfant), mais pouvaient uniquement être compris comme ayant visé à démontrer que Mahomet n'était pas digne d'être vénéré. La Cour souscrit à l'avis des tribunaux nationaux selon lequel Mme S. était certainement consciente que ses déclarations reposaient en partie sur des faits inexacts et de nature à susciter l'indignation d'autrui. Les juridictions nationales ont estimé que Mme S. avait subjectivement taxé Mahomet de pédophilie, y voyant sa préférence sexuelle générale, et qu'elle n'avait pas donné à son auditoire des informations neutres sur le contexte historique, ce qui n'avait pas permis un débat sérieux sur la question. Dès lors, la Cour ne voit pas de raison de s'écarter de la qualification que les tribunaux nationaux ont donnée aux déclarations litigieuses, à savoir celle de jugements de valeur, qualification qu'elles ont fondée sur une analyse détaillée des propos tenus.La Cour juge en conclusion qu'en l'espèce les juridictions nationales ont soigneusement mis en balance le droit de la requérante à la liberté d'expression et les droits d'autres personnes à voir protéger leurs convictions religieuses et préserver la paix religieuse dans la société autrichienne.La Cour ajoute que, même dans le cadre d'une discussion animée, il n'est pas compatible avec l'article 10 de la Convention de faire des déclarations accusatrices sous le couvert de l'expression d'une opinion par ailleurs acceptable et de prétendre que cela rend tolérable ces déclarations qui outrepassent les limites admissibles de la liberté d'expression.Enfin, dès lors que Mme S. a été condamnée à verser une amende d'un montant modeste et que cette amende se situait dans le bas de l'échelle des peines, la sanction pénale en question ne saurait passer pour disproportionnée. Dans ces conditions, et eu égard au fait que Mme S. a formulé plusieurs déclarations accusatrices, la Cour considère qu'en l'espèce les juridictions autrichiennes n'ont pas excédé leur ample marge d'appréciation lorsqu'elles ont condamné Mme S. pour dénigrement de doctrines religieuses. En conséquence, il n'y a pas eu violation de l'article 10. »
"Cette décision constitue bien évidemment un dangereux précédent qui autorise les États européens à restreindre le droit à la liberté d'expression si une parole est jugée offensante pour les musulmans et constitue donc une menace pour la paix religieuse."

"La décision de la CEDH sera saluée par l'Organisation de la coopération islamique (OCI), un bloc de 57 pays musulmans qui, depuis longtemps, fait pression pour que l'Union européenne limite la liberté de critiquer l'islam. L'OCI fait en effet pression sur les démocraties occidentales pour qu'elles appliquent la résolution 16/18 du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, laquelle invite tous les pays à lutter contre « l'intolérance, les stéréotypes négatifs et la stigmatisation de la religion et des croyances ». L'adoption de la résolution 16/18, le 24 mars 2011, par le Conseil des droits de l'homme de Genève, a été considérée comme une avancée significative de l'OCI qui depuis longtemps poussait la communauté internationale à reconnaître et adopter le concept juridique de diffamation de l'islam. L'ancien Secrétaire général de l'OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu, a salué la décision de la CEDH, qui « montre que le manque de respect, les insultes et de haïssables inimitiés n'ont rien à voir avec la liberté d'expression ou les droits de l'homme ». Il a ajouté : "La lutte contre l'islamophobie et les points de vue que nous exprimons depuis de nombreuses années ont été adoptés et reconnus par la CEDH. Sur tous les points, cette décision est satisfaisante. »

Dans un communiqué, Elisabeth Sabaditsch-Wolff "a critiqué le jugement et espère que le public européen se rendra compte des menaces qui pèsent sur sa liberté d'expression" :

« Jeudi 25 octobre, la CEDH a jugé que la condamnation par un tribunal autrichien de ma perception du mariage du prophète Mahomet et d'une fille de six ans, Aisha, ne portait pas atteinte à ma liberté d'expression.
« Je n'ai pas eu la courtoisie d'être informée de cette décision. Comme tout le monde, j'ai découvert le jugement dans les médias.
« La CEDH a estimé qu'il n'y a pas eu violation de l'article 10 (liberté d'expression) de la Convention européenne des droits de l'homme et que le droit à la liberté d'expression doit être mis en balance avec le droit à la protection de la sensibilité religieuse d'autrui et ne doit pas attenter à la paix religieuse en Autriche.
« En d'autres termes, mon droit de parler librement est moins important que la protection de la sensibilité religieuse d'autrui.
« Ce jugement doit résonner comme un signal pour tous mes concitoyens du continent. Nous devons tous être extrêmement sensibles au fait que le droits des musulmans d'Europe à NE PAS être offensés est plus importants que mon droit de femme chrétienne européenne, de parler librement.
« Je suis fière d'être la femme qui a sonné l'alarme.
« Je suis également optimiste. Depuis mes séminaires de 2009 en Autriche, un très long chemin a été parcouru.
« Il y a dix ans, la presse m'avait qualifiée de « prophète confuse » et me comparait à Oussama Ben Laden. Désormais, on discute de l'islam dans tous les domaines de la vie et les gens prennent progressivement conscience de la réalité d'une culture si opposée à la nôtre.
« La menace culturelle et politique que l'islam fait peser sur les sociétés occidentales est désormais un sujet de discussion admis. La société européenne et le monde politique ouvrent progressivement les yeux et sont plus conscients que jamais de la nécessité de défendre notre propre culture judéo-chrétienne.
« Je crois que mes séminaires de 2009 et mes travaux ultérieurs ont contribué à contrecarrer une culture islamique totalement contraire à la nôtre. Je note avec intérêt que, sur plus de 12 heures de séminaire sur l'islam, une seule phrase a été jugée passible de poursuites. Je suppose que le contenu restant est désormais officiellement approuvé par les maîtres de notre Establishment.
« Il me parait évident que l'éducation publique et un discours sur l'islam peuvent avoir un impact fondamental et de grande portée, même si notre État ou nos autorités supranationales tentent de l'étouffer ou de le faire taire, dans le but d'apaiser une culture aussi étrangère à la nôtre.
« Le combat continue. Ma voix ne sera pas et ne pourra pas être réduite au silence. »
L'ECLJ (Centre européen pour le droit et la justice) est intervenu dans cette affaire pour défendre la plaignante." Directeur de l'ECLJ, docteur en droit, Grégor Puppinck a déclaré au Figaro (26 octobre 2018) : "Le seul véritable motif de cette décision est la peur des musulmans. La Cour le dit expressément: les autorités autrichiennes ont eu raison de condamner ces propos pour préserver la «paix religieuse» et la «tolérance mutuelle» dans la société autrichienne. Selon la Cour, les États auraient à présent, et c'est nouveau, «l'obligation d'assurer la coexistence pacifique de toutes les religions et de ceux n'appartenant à aucune religion, en garantissant la tolérance mutuelle». La Cour développe plusieurs arguments à l'appui de sa conclusion. D'abord, elle juge l'intention même de la conférencière, et la condamne en estimant qu'elle n'a pas tant cherché à informer le public qu'à «dénigrer» Mahomet et à démontrer «qu'il n'est pas digne d'être vénéré», et par suite à inciter à la violence. Ainsi, dénigrer Mahomet n'est pas protégé par la liberté d'expression: il ne faudrait en parler qu'avec respect et des bonnes intentions! La Cour a jugé ensuite - de façon incroyable - que ces propos n'étaient pas l'expression d'un fait mais d'un jugement de valeur personnel et hostile, car la conférencière n'aurait pas resitué les faits dans leur contexte historique, ni précisé que la première épouse de Mahomet était bien plus âgée que lui. Dès lors, elle aurait «généralisé» la pédophilie de Mahomet de façon malveillante. Pour la Cour, alors, la conférencière était de mauvaise foi, et c'est «légitimement» que les musulmans auraient pu se sentir «offensés» par ces propos et que les juridictions autrichiennes les ont condamnés".

Et d'ajouter : "Cette décision est grave à mes yeux. D'abord parce qu'elle se résigne à l'intolérance et même à la violence des musulmans face à la critique, et qu'elle renonce à défendre fermement la liberté d'expression sur l'islam. En fait, c'est la violence même des musulmans qui justifierait et exigerait que leurs croyances soient davantage protégées contre les critiques. Plus profondément, cette décision est aussi très grave car elle fait primer les objectifs de «tolérance mutuelle» et de «coexistence pacifique» sur la liberté de pensée et d'expression en matière religieuse. Elle permet de museler la critique de l'islam au nom du vivre-ensemble. Cela va à rebours de la modernité occidentale qui exige au contraire de soumettre l'islam à la critique historique, sans peur de bousculer les croyances de ses adeptes et même de provoquer des tensions."

Et d'analyser : "Mais pour estimer et protéger le débat critique et la controverse, il faut encore croire en la vérité et en la vertu. Ce n'est malheureusement pas le cas de cette décision qui est purement relativiste. Faire de la tolérance et de la coexistence des valeurs et des objectifs en soi est une abdication de l'esprit. La société européenne ne doit pas renoncer à être fondée sur la justice et la vertu qui sont, par définition, intransigeantes.Ultimement, la logique de la coexistence et du vivre-ensemble repose sur le dogme absurde de l'égalité des religions. Pour ma part, je suis convaincu qu'il est urgent de détruire ce dogme, de critiquer et de comparer les religions par rapport à leur contribution au bien de l'humanité. Quant à la liberté d'expression, je pense que seule la diffusion d'obscénités gratuitement offensantes et inutiles au débat ainsi que les propos incitant à la violence immédiate peuvent être restreints. Tout autre propos - surtout lorsqu'il s'appuie sur des faits réels - devrait être protégé au titre de la liberté d'expression. La décision rendue par la CEDH aurait justifié la condamnation des caricatures de Charlie Hebdo, mais aussi de Voltaire, Ernest Renan ou encore Auguste Comte. La Cour européenne des droits de l'homme n'est pas vraiment Charlie..."


Et de poursuivre : "Depuis 2009, les instances internationales et européennes se sont toutes déclarées en faveur de l'abolition du délit de blasphème. C'est pourquoi il a été retiré du droit local alsacien en 2016, et que les Irlandais s'apprêtent à faire de même prochainement. Cette décision de Strasbourg va donc à contre-courant. En fait, cette tendance est une réaction de défense face à l'offensive menée à l'ONU par l'Organisation de la Conférence Islamique pour créer en droit international un délit de blasphème sous l'appellation de «diffamation de l'islam». Il y a donc eu un conflit en droit international entre les conceptions musulmane et occidentale de la liberté d'expression en matière religieuse. La Cour, dans cette affaire, a opté pour la conception musulmane… conforme à la charia"

Et de conclure : "Force est de constater que dans deux jugements récents, la Cour a adopté une position inverse en accordant sa protection à des blasphèmes contre la religion chrétienne. Il ne s'agissait pas, dans ces affaires, de débat historique, mais de simples publicités commerciales et d'activisme politique. Il y a d'abord eu l'affaire des publicités représentant le Christ et la Vierge Marie comme des junkys tatoués et lascifs. La Cour de Strasbourg n'a pas admis la condamnation de ces publicités, alors même qu'elles choquaient gratuitement, dans un seul objectif commercial. Elle a condamné la Lituanie. Il y a ensuite eu l'affaire des «Pussy Riot», ce fameux groupe d'agitatrices punk qui avait été lourdement condamné en Russie pour avoir organisé un concert sauvage dans le chœur de la Cathédrale orthodoxe de Moscou. Ici encore, la CEDH a protégé leur liberté d'expression, reconnaissant tout au plus qu'une réaction au manquement à des règles ordinaires de conduite dans un lieu de culte aurait pu être justifiée. On peine à s'expliquer la divergence d'approches de la Cour entre ces différentes affaires. L'ECLJ dispose d'un bureau au Pakistan qui y défend courageusement les nombreux chrétiens persécutés, tels qu'Asia Bibi. Face à l'islam, nous avons aussi besoin en Europe de défenseurs courageux des droits de l'homme. Ce n'est pas le signal que donne la Cour européenne avec cette décision... J'espère que cette affaire sera rejugée, en appel, devant la Grande Chambre de la Cour européenne, et que celle-ci saura alors faire preuve du courage qu'exigent les circonstances actuelles".

Asia Bibi

Le 31 octobre 2018, la Cour suprême du Pakistan "a acquitté en appel la chrétienne Asia Bibi, condamnée à mort pour blasphème en 2010. « Elle a été acquittée de toutes les accusations », a déclaré le juge Mian Saqib Nisar lors de l’énoncé du verdict, ajoutant qu’elle allait être libérée « immédiatement ».

"Chrétienne du Pendjab, Asia Bibi, ouvrière agricole, ramassait des baies rouges le 14 juin 2009 dans le village d’Ittan Wali, lorsqu’elle commit l’irréparable aux yeux de ses voisines : boire de l’eau dans un puits supposé réservé aux musulmans. Parce qu’elle a répondu aux femmes qui l’accusaient d’avoir sali l’eau, cette mère de cinq enfants a été accusée de « blasphème », un acte passible de la peine de mort au Pakistan".

"Aussitôt jetée en prison, Asia Bibi a été jugée en novembre 2010 et condamnée à la peine capitale par pendaison. Cette mère de famille, qui clame son innocence, avait fait appel de cette décision. Lors de l’examen de son recours, début octobre, les juges de la Cour suprême avaient semblé s’interroger sur le bien-fondé de l’accusation. « Je ne vois aucune remarque désobligeante envers le Coran dans le rapport d’enquête », avait observé le juge Saqib Nisar, tandis qu’un second juge, Asif Saeed Khan Khosa, relevait plusieurs points de non-respect des procédures."


"Son cas avait eu un retentissement international, attirant l’attention des papes Benoît XVI et François. En 2015, l’une des filles d’Asia Bibi avait rencontré le pontife argentin. Ce verdict pourrait susciter la fureur des milieux religieux fondamentalistes, qui appelaient de longue date à l’exécution d’Asia Bibi. Des islamistes radicaux avaient ces dernières semaines menacé les juges statuant sur son cas en cas de jugement favorable".


« Les musulmans pakistanais prendront les mesures adéquates face aux juges (…) et les conduiront à une fin horrible », avaient fait savoir des responsables du Tehreek-e-Labaik Yah Rasool Allah Pakistan (TLY), un groupe religieux extrémiste devenu parti politique, qui fait de la punition du blasphème sa raison d’être. « Les adorateurs du Prophète ne reculeront face à aucun sacrifice », avaient-ils lancé."

"Face à ces menaces, le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, a appelé le 31 octobre 2018 au respect de la décision de la Cour suprême. Lors d’une intervention télévisée, le chef du gouvernement a appelé ses compatriotes à « ne pas céder » à ceux qui appellent à rejeter ce verdict car ils le font « pour leur propre intérêt politique » et « ne rendent pas service à l’islam ». Ce langage est celui « des ennemis du Pakistan », a-t-il lancé. « Ne nous forcez pas à agir », a-t-il ajouté à l’adresse de ceux qui « incitent à la violence » dans le pays."


"Le blasphème est un sujet extrêmement sensible dans ce pays très conservateur où l’islam est religion d’Etat. La loi prévoit jusqu’à la peine de mort pour les personnes reconnues coupables d’offense à l’islam. La capitale Islamabad avait été placée sous haute sécurité, avec des barrages sur les routes notamment à proximité des quartiers où vivent les magistrats et la communauté diplomatique, a constaté l’Agence France-Presse".


Des manifestations massives ont eu lieu afin de marquer l'hostilité populaire à l'égard de cet acquittement.


Le 6 novembre 2018, Le Figaro a publié "L'appel des intellectuels : « Liberté pour Asia Bibi ! » "À l'initiative du philosophe Daniel Salvatore Schiffer, plus de 40 personnalités*, dont Élisabeth et Robert Badinter, Luc Ferry, Robert Redeker, Pierre-André Taguieff ainsi que Jean-Claude Zylberstein invitent à se mobiliser pour sauver la Pakistanaise chrétienne toujours incarcérée et menacée de mort par les islamistes dans son pays... Il semble que, face à la violence des protestations, dans les principales villes du Pakistan, qui ont suivi ce verdict, le gouvernement ait finalement décidé, après avoir trouvé un supposé «accord» avec ces mêmes fondamentalistes islamistes qui l’avaient outrancièrement condamnée dès le départ, de repousser, sinon d’annuler, sa libération. Chacun comprendra donc aisément notre profonde indignation morale, en plus de notre légitime incompréhension intellectuelle, face à ce qui apparaît ainsi là, de la part du gouvernement pakistanais, comme une malheureuse capitulation. Davantage: une négation, sinon un outrage, au droit lui-même. D’autant que, comble de notre étonnement (c’est un euphémisme) devant pareille contradiction, le président et le premier ministre actuels du Pakistan sont les illustres fondateurs, dans leur pays, du «Mouvement du Pakistan pour la justice», parti qui les a portés au pouvoir".

"Ainsi, au nom de ces mêmes valeurs de justice et d’éthique que prétend défendre ce mouvement politique, demandons-nous instamment de respecter cet ultime verdict émis par la Cour suprême du Pakistan, en remettant effectivement en liberté, toutes affaires cessantes, Mme Asia Bibi. «Nous nous honorons de prôner la tolérance religieuse, la pluralité des idées et, osons-nous dire également en cette circonstance, l’égalité entre les sexes». Outre une question d’humanisme, c’est un enjeu de civilisation. Conformément à ce que nous enseignèrent les esprits les plus cultivés et charitables du siècle des Lumières, nous nous honorons de prôner, quant à nous, la tolérance religieuse, la pluralité des idées et, osons-nous dire également en cette circonstance, l’égalité entre les sexes."


La Grande-Bretagne n'a pas offert l'asile politique à Asia Bibi par craintes de potentiels troubles à l'ordre public sur le territoire britannique ainsi que d'attaques contre ses ambassades et ses civils. Idem pour la France. Asia Bibi vit au Canada avec sa famille, dans un lieu maintenu secret.


Le 16 janvier 2020, "un tribunal pakistanais a condamné plus de 80 islamistes à une peine de 55 ans de prison chacun pour leur participation à de violentes manifestations contre l'acquittement de la chrétienne Asia Bibi. Le jugement, inhabituellement sévère pour ce genre d'affaires au Pakistan, où la question du blasphème est particulièrement sensible, a été prononcé jeudi par un tribunal de Rawalpindi, a déclaré vendredi Pir Ejaz Ashrafi, un cadre du parti islamiste Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP). Les 86 condamnés, à l'issue d'un procès qui a duré plus d'un an, étaient membres de ce parti. Le mouvement extrémiste avait organisé de violentes manifestations à travers le pays pour dénoncer l'acquittement de la chrétienne Asia Bibi, condamnée à mort pour blasphème en 2010 puis acquittée fin 2018. Après son acquittement, des milliers de membres du TLP avaient bloqué trois jours durant les principaux axes du pays pour exiger sa pendaison. Le TLP avait appelé à assassiner les juges de la Cour suprême ayant pris la décision, et à des mutineries dans l'armée. Les autorités avaient ordonné l'arrestation du chef du parti, Khadim Hussain Rizvi, pour calmer les esprits. Il avait été remis en liberté en mai 2019".

"C'est une parodie de justice, avec des peines particulièrement lourdes", a dénoncé Pir Ejaz Ashrafi, qui a assuré que le parti allait faire appel du jugement. Le blasphème est un sujet incendiaire au Pakistan, où de simples accusations suffisent parfois à entraîner des lynchages meurtriers. Mme Bibi, ouvrière agricole d'une cinquantaine d'années et mère de famille, avait été condamnée à mort à la suite d'une dispute avec des villageoises musulmanes au sujet d'un verre d'eau. S'en était suivie une longue saga judiciaire qui avait divisé le pays et ému la communauté internationale, attirant l'attention des papes Benoît XVI et François. Après avoir passé plus de huit ans dans les couloirs de la mort au Pakistan, Asia Bibi vit désormais au Canada. Les chrétiens, qui comptent pour environ 2% de la population pakistanaise majoritairement musulmane, constituent l'une des communautés les plus déclassées du Pakistan. Ils vivent souvent dans des bidonvilles et se voient offrir des emplois peu rémunérés de balayeurs, d'agents d'entretien ou de cuisiniers".

"A l’occasion de la journée internationale de l’avocat en danger consacrée au Pakistan, le Conseil de l’ordre a attribué à l’unanimité la qualité d’avocat d’honneur du Barreau de Paris à Maître Saïf ul-Malook, l’avocat qui a défendu Asia Bibi jusqu’à son acquittement en janvier dernier. L’annonce lui a été faite de manière solennelle dans la soirée du 21 janvier 2020, dans un amphithéâtre de la Maison du Barreau de Paris, par le bâtonnier Olivier Cousi : venu témoigner dans la capitale française à l’occasion de la Journée internationale de l’avocat en danger consacrée au Pakistan, Maître Saïf ul-Malook a appris avoir été nommé à l’unanimité des membres du Conseil de l’ordre membre d’honneur du Barreau de Paris. Comme l’indique le Règlement intérieur du Conseil de l’ordre de Paris, les membres d’honneur proviennent de barreaux étrangers et sont placés sous la protection du bâtonnier de Paris, sans pour autant bénéficier des droits et être contraints aux mêmes obligations que les avocats inscrits au Tableau du Barreau. Maître Saïf ul-Malook rejoint ainsi une douzaine d’avocats de barreaux de capitales étrangères comme Tunis, Niamey, Téhéran, Istanbul ou Pékin, devenus également avocats d’honneur les années précédentes."

"Au cours du témoignage poignant qu’il a livré avec discrétion devant quelques dizaines de personnes présentes, qui ne cachaient pas leur admiration, Maître Saïf ul-Malook a notamment évoqué la personnalité d’Asia Bibi, qu’il a défendue à partir de 2014 alors qu’elle venait de perdre son procès en appel devant la Haute Cour de Lahore, confirmant sa condamnation à mort pour « blasphème ». Évoquant une personne « exceptionnelle », toujours joyeuse et confiante lors de ses rencontres avec elle en prison où elle passa dix ans, l’avocat pakistanais a évoqué la force de sa foi. « Le 10 octobre 2018, je lui ai dit qu’on avait gagné et elle m’a répondu qu’elle avait fait un rêve la nuit passée dans lequel les portes de sa cellule s’ouvraient ; c’était un rêve prémonitoire, un message du Christ. »  Rappelant que la législation pakistanaise prévoyant la peine de mort en cas de blasphème a été introduite dans les années 1980, l’avocat pakistanais a indiqué qu’il défendait aujourd’hui un autre cas similaire au Pakistan, celui d’un couple accusé d’avoir envoyé des SMS blasphématoires. Le courage de cet homme qui connaît les risques qu’il encourt mais semble prêt à sacrifier sa vie pour défendre les personnes condamnées à mort pour cette raison a été salué à plusieurs reprises par les personnes présentes. Répondant à une question de la salle sur ce sujet, il a rappelé que la grande majorité des cas de procès pour blasphème concernaient des musulmans. Enfin, Maître Saïf ul-Malook est revenu sur l’origine de son engagement, citant en exemple Salman Taseer, gouverneur du Penjab assassiné en 2011 par un de ses gardes du corps en réaction à ses propos critiques à l’égard de la législation sur le blasphème et qui avait rendu visite à Asia Bibi en prison."


Le 3 février 2020, les éditions du Rocher publieront "Enfin libre !" co-écrit par Asia Bibi, réfugiée pakistanaise chrétienne, et Anne-Isabelle Tollet, grand reporter et Secrétaire générale de l'association Comité international Asia Bibi. « Je n'ai pas la mémoire des dates, mais il y a des jours qu'on n'oublie pas. Comme ce mercredi 9 juin 2010. Je suis arrivée, avant que le soleil ne se couche, pour la première fois au centre de détention de Shekhupura, où j'ai passé trois années avant de changer de prison comme on change de maison... Mon histoire, vous la connaissez à travers les médias, vous avez peut-être essayé de vous mettre à ma place pour comprendre ma souffrance… Mais vous êtes loin de vous représenter mon quotidien, en prison, ou dans ma nouvelle vie et c'est pourquoi, dans ce livre, je vous dis tout ». Dans la République islamique du Pakistan, la chrétienne Asia Bibi a été condamnée à mort pour avoir bu de l'eau dans un puits utilisé par les musulmans. Elle a passé neuf années en prison, neuf années à être humiliée et torturée pour avoir « blasphémé ». Voici le témoignage exclusif d'une simple mère de famille devenue le symbole mondial de la lutte contre l'extrémisme religieux."

Le 25 février 2020, Anne Hidalgo, maire socialiste de Paris, a remis la citoyenneté d'honneur de la ville à Asia Bibi.

Le 28 février 2020, Asia Bibi, qui a demandé à la France le statut de réfugiée, a été reçue à l'Elysée par le Président de la République Emmanuel Macron. “Comme nous l’avons toujours dit, la France est prête à accueillir Mme Asia Bibi et sa famille en France si tel est leur souhait”, a d’ores et déjà répondu la présidence française à l’AFP, en annonçant que la Pakistanaise serait reçue à l’Élysée. “Depuis sa condamnation en 2010 pour délit de blasphème, la France a été mobilisée aux côtés d’Asia Bibi”, ajoute l’Élysée. “Nous avons plaidé pour son acquittement et agi, avec nos partenaires européens et canadiens, pour sa libération effective”.

Cette rencontre a été critiquée par "les islamistes de tous bords, qui multiplient les réactions polémiques depuis quelques jours. Parmi eux, l’un des avocats du CCIF, mais aussi un certain Idriss Sihamedi, fondateur et président salafiste de l’association humanitaire BarakaCity. Sur Twitter, cet islamiste très controversé s’est fendu d’un tweet du plus mauvais goût à propos de cette entrevue. « Une Pakistanaise vivant au Canada acquittée au Pakistan pour ‘blasphème’ reçoit une invitation du président Emmanuel Macron qui lui offre ‘l’asile politique’ comme pour la remercier de sa haine de l’islam. La France déteste profondément l’islam », a-t-il écrit. Fondateur de l’association humanitaire Barakacity, ce musulman salafiste a choqué l’opinion publique à de nombreuses reprises par ses déclarations controversées." L'eurodéputé (LR) François-Xavier Bellamy et la journaliste Caroline Fourest

Frédéric Fromet
Le 10 janvier 2020, sur France Inter, Frédéric Fromet, "chansonnier comique", il a chanté « Jésus est pédé » : « Jésus, Jésus, Jésus est pédé, membre de la LGBT, du haut de la croix pourquoi l’avoir cloué, pourquoi l’avoir pas enculé ». "Si une partie de la gauche s’est insurgée du caractère homophobe de sa chanson, la majorité des critiques venaient de sa charge contre le catholicisme, qui traitait notamment, sous couvert de pseudo-transgressisme, de la sexualité débridée du Christ. Pourtant, le chanteur a battu sa coulpe uniquement pour le premier motif. La médiatrice de Radio France relaie ainsi ses propos : « Je constate que ma chronique est ratée. Elle n’avait pour but que de dénoncer l’homophobie. J’ai été si mal compris que j’ai même heurté une association LGBT. C’est ma faute, donc. Je le reconnais volontiers », explique-t-il… tout en « revendiquant [son] droit à l’erreur dans un exercice qui reste très périlleux (!) ». "Les "rebelles" de notre époque : pleutres, soumis, sans talent. Et puis, à taper comme un sourd sur la religion catholique, on ne risque pas la rafale de kalashnikov ou l'égorgement... #Franceinter #Jesus", a twitté Robert Ménard, maire de Béziers. 

"Pire encore, la patronne de France Inter Laurence Bloch a assorti ce commentaire d’une déclaration complaisante, soutenant l’humoriste et n’évoquant, elle non plus, pas une seule seconde les propos anti-catholiques. Si elle reconnait que « la crudité de certaines expressions ne [lui] semble pas appropriée », elle salue d’abord « la liberté de ton » de celui « dont [elle] estime le travail ». La directrice de la radio présente ensuite, à son tour, ses excuses aux auditeurs que cette chronique qui visait « clairement à dénoncer l’homophobie » avait pu choquer. Puis, comme Charline Vanhoenacker en conclusion de la chronique de Frédéric Fromet, elle invoque l’esprit de Charlie, en guise de justification : « Je voudrais aussi redire combien il est important que nous continuions toutes et tous à défendre le principe de la liberté d’expression, le doit à l’outrance, à la caricature, à la satire. Nous le devons aux victimes de Charlie Hebdo ».  

Mila
« En France, la liberté de blasphème est protégée. Nous ne nous lasserons jamais de défendre la liberté d’expression, dans toute sa plénitude » a affirmé le 15 janvier 2020 le Président de la République Emmanuel Macron, lors des vœux à la presse.

Le 18 janvier 2020, adolescente homosexuelle française, "passionnée par le chant", Mila a évoqué dans un live sur Instagram avec ses abonnés les préférences amoureuses, son maquillage et sa nouvelle couleur de cheveux. Ses directs attirent entre dix et trente personnes. Le site Bellica présente une chronologie des faits : “On parlait de tout un tas de chose, et on a parlé à un moment de nos styles de filles et de gars, et une de mes abonnés a dit que son style de mec, c’était pas vraiment les rebeus, et j’ai répondu que c’était pareil pour moi, pas mon style”. Mila a décliné les avances lourdes d'un dragueur sur Internet. "Le dragueur éconduit entre dans une rage folle, se met à la traiter de "raciste et de pute au nom d'Allah" et il rameute plusieurs amis à lui pour insulter Mila. Elle reçoit de plus en plus de messages la traitant de “Salope“, “Sale française”, “Française de merde“, “Sale pute“, “Sale gouine“, “chiennasse” et on la menace de mort en invoquant Allah : “La putain tes morts on va te retrouver tu vas mourir“, “Inchallah tu meurs sale pute que tu es”. Elle fait une story.

"La suite du live porte sur les religions. Mila déclare rejeter toutes les religions. Plusieurs individus, vraisemblablement des amis du dragueur vexé, montent encore d’un cran et se mettent alors à l’accuser de blasphème, à lui proférer des injures homophobes, misogynes et anti-françaises, et à la menacer de mort : “Pétasse, d’où tu dis ça notre dieu Allah c’est le seul et l’unique, j’espère tu vas brûler en enfer”, “sale keh” (“pute” en arabe), “va mourir en enfer grosse pute sale lesbienne“. Mila est ciblée comme lesbienne, en raison du drapeau arc-en-ciel sur son profil, de sa coupe de cheveux courte et des mentions qu’elle fait parfois lors de ses lives au sujet de sa préférence personnelle pour les femmes."

"Le harcèlement s’amplifie façon boule de neige, les intimidations, menaces et injures sont violentes, dans le but de pousser la jeune fille identifiée comme lesbienne et blasphématrice à présenter ses excuses aux religieux offensés. Mila refuse d’obéir et poste une mise au point en story sur Instagram. “Je déteste la religion, le coran, il n’y a que de la haine là-dedans, c’est de la merde, c’est ce que j’en pense. On ne peut pas être raciste d’une religion. L’islam est une religion, j’ai dit ce que j’en pensais, vous n’allez pas me le faire regretter. Votre religion c’est de la merde.” Pour Mila, “le coran est rempli de haine et d’incitation à la violence“, tout simplement, et l’attitude des “défenseurs” de cette religion tend à le confirmer."

"La dimension homophobe du harcèlement contre Mila est particulièrement forte. Outre les injures lesbophobes, elle a été abreuvée de reproches du genre “Tu attaques l’islam alors que nous on ne peut rien dire sur les gays“. Or, comme elle le répète, captures d’écran à l’appui : “Contrairement à eux, je n’ai insulté personne, ni menacé, ni appelé à la violence envers qui que ce soit. Ce que j’ai fait, c’est du blasphème, c’est une critique générale des religion, et rien d’autre.” Ce qui frappe en effet dans les nombreuses captures d’écran que Mila nous a fournies, c’est le calme de ses réponses par rapport à la haine débridée qui se déversait sur elle."

"Alors qu’elles étaient une réponse à un violent harcèlement par des musulmans misogynes et homophobes, les paroles de Mila sur l’islam ont été capturées et diffusées sorties de leur contexte sur Twitter, Instagram et Snapchat, pour organiser une vaste campagne de haine contre elle. Résultat : des milliers d’appels au meurtre, appels au lynchage, menaces physiques, divulgation d’informations personnelles et de photos privées, injures misogynes, homophobes et anti-françaises. “Je recevais 200 messages de pure haine à la minute”, se confie Mila." 

"Des internautes se concertent pour la lyncher dans son lycée : “Elle est dans mon lycée, c’est une seconde et lundi on va régler ça“, “T’es au lycée Vincy (sic) attends-toi au pire, ça va te niquer ta mère“. Le flot d’injures et menaces, tant en public qu’en message privé, est impressionnant : “Wesh sale pute sur le coran tu fous la haine INSHALLAH tu meurs sale lesbienne (…) t’es qui pour insulter notre religion sale folle passe ton adresse j’vais t’égorger“, “On va te retrouver et t’égorger sale chienne“, “Je te vois t’es morte sale chienne“, “espèce de pute de LGBT“, “t’es morte on sait où t’habites“, “Sale trou du cul de lesbienne on va te niquer toi“, “Crari tu parles des arabes toi ptite babtou (blanche), wallah on va venir avec des pelo, t’inquiète pas on va t’attraper“.

Pour préserver sa sécurité, car le nom de son lycée a été divulgué, Mila a été contrainte de ne plus se rendre à son établissement scolaire et de vivre cachée.

Placé sous la hiérarchie de la ministre de la Justice, le parquet a ouvert deux enquêtes : l'une contre Mila pour provocation à la haine raciale, l'autre pour menaces de mort.

Le 23 janvier 2020, Abdallah Zekri, délégué du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), a commenté sur Sud Radio les propos de Mila menacée de mort : “Qui sème le vent récolte la tempête”. Enseignant et vice-président du Comité Laïcité, Guylain Chevrier a répliqué : "Jusqu'à être égorgée ?" Ce qui a suscité une polémique et l'indignation.

Le 28 janvier 2020, la secrétaire d’Etat à l’Égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, a dénoncé sur France Inter ces « propos criminels » : « Je trouve que ce sont des propos criminels, ce sont des propos coupables, et je me bats contre cette idée selon laquelle une femme, une jeune fille en l’occurrence mais qui que ce soit, qui serait victime de violence, de cyberharcèlement, ce serait parce que cette personne l’aurait cherché... [Ces mots sont] indignes d’un responsable, qui est un leader d’opinion et qui a une parole dans le débat public ».

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a alors publié un communiqué de son président Mohammed Moussaoui :
« Le CFCM rappelle qu’il s’est officiellement exprimé, le 23 janvier, par la voix de son président Mohammed MOUSSAOUI pour réaffirmer que “Rien ne saurait justifier les menaces de mort à l’égard d’une personne quel que soit la gravité des propos qu’elle aurait tenus” ».
Pour M. Moussaoui, si ces propos relèvent de la provocation et de l’incitation à la haine, c’est à la justice et à la justice seule que revient leur qualification et le pouvoir de prononcer les mesures ou sanctions prévues par la loi dans ce type d’affaires.
« Il convient de rappeler que M. Abadllah Zekri, qui intervenait dans une émission de Radio Sud le 23 janvier 2020, a clairement condamné les menaces de mort dont l’adolescente a fait l’objet. Toutefois l’expression “Elle l’a cherché”, utilisée par Abdallah Zekri et sortie de son contexte, pour pointer la responsabilité de la jeune fille face aux propos qu’elle a tenus, n’était pas appropriée ».
M. Zekri s’est expliqué sur cette expression et a réaffirmé qu’il parlait de la responsabilité de la jeune fille devant la justice qui a ouvert une enquête sur ses propos et, en aucun cas, il n’avait cautionné les menaces ou insultes visant la jeune fille. »
« Aussi accuser cet homme, lui-même régulièrement objet de menaces de mort et d’insultes, de verser dans l’extrémisme, est injuste et inacceptable ».
« En occultant la position officielle du CFCM sur cette affaire, certains médias ont voulu entretenir la polémique au lieu de faire écho à la parole juste et responsable de l’instance représentative du culte musulman ».
Le CFCM admettait qu'il trouvait normal une réaction judiciaire du parquet contre Mila.

Ministre de la Justice, Nicole Belloubet a déclaré le 29 janvier 2020 : « Dans une démocratie, la menace de mort est inacceptable, c'est absolument impossible, c'est quelque chose qui vient rompre avec le respect que l'on doit à l'autre, c'est impossible, c'est inacceptable... Insulter les religions, c’est porter atteinte à la liberté de conscience ».

L'enquête judiciaire contre Mila et la déclaration de la Garde des Sceaux ont soulevé l'indignation de politiciens et d'intellectuels choqués du rétablissement du blasphème en France. Nicole Belloubet a alors considéré s'être exprimée avec "maladresse" et le Procureur a clos sans suite l'enquête incriminant Mila.

La position de Nicole Belloubet s'avère d'autant plus surprenante que cette ancienne édile socialiste, agrégée de droit, a obtenu un DEA d'histoire du droit, a été professeur des universités et membre du Conseil constitutionnel (2013-2017) : elle a enseigné et appliqué le droit au plus haut niveau.

Le 29 janvier 2020, Me Richard Malka a déclaré au Figaro

Les propos de Nicole Belloubet « sont tout simplement gravissimes! Ils participent à la mise en danger de Mila, une jeune fille qui a vu sa scolarité et sa vie sociale brisées après le harcèlement et les menaces dont elle a fait l’objet. Et Nicole Belloubet a fait montre ce matin à la radio de son inculture juridique, ce qui est extrêmement inquiétant! On aimerait qu’elle lise davantage les fiches que lui préparent ses conseillers, et pas la propagande de la Ligue islamique mondiale qui milite partout en Europe pour l’interdiction du blasphème. Car c’est la terminologie exacte de cette organisation prosélyte, qui a plusieurs fois déposé des demandes en ce sens auprès de l’ONU: empêcher les injures envers l’islam au nom de la liberté de conscience.Ce que dit la ministre de la Justice est parfaitement inepte. Toute la jurisprudence française en la matière dément ses propos. En 2007, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’AGRIF à la suite de la publication par Libération d’un dessin représentant le Christ nu avec un préservatif sur le sexe. Le juge n’a pas reconnu l’existence d’une injure envers un groupe de personne en raison de leur religion. Idem lors du procès des caricatures de Mahomet publiées par le journal Charlie Hebdo. Et ainsi de suite. Jamais un seul juge français n’a reconnu que des propos, même vulgaires, même injurieux, envers une religion ou des symboles religieux pouvaient constituer une «atteinte à la liberté de conscience». Jamais!Et que Nicole Belloubet l’affirme au micro d’une émission de radio est irresponsable. Il faut qu’elle présente des excuses. Ou alors, je la mets au défi de trouver une quelconque décision de justice qui corrobore ses propos!Mila n’a empêché personne de croire en l’islam ! La liberté de conscience, c’est de croire dans ce que l’on veut. On y fait entrave en privant quelqu’un de cette liberté. Pas en injuriant sa religion. C’est au contraire la liberté de conscience de Mila qui est ici en jeu, car elle a le droit de penser ce qu’elle veut de l’islam, et de le dire, même sur les réseaux sociaux. C’est ça le droit français. Et prétendre le contraire, lorsqu’on est ministre de la Justice, c’est comme un ministre de l’Économie qui ne saurait pas compter.La laïcité est de moins en moins bien connue et comprise. Ses termes juridiques échappent à beaucoup de nos concitoyens. On peut le déplorer, mais c’est hors sujet ici: on parle ce matin de la Garde des Sceaux! Elle n’a pas le droit, elle, de se tromper à ce sujet. C’est trop grave. »
Le 30 janvier 2020, sur CNews, Odon Vallet, historien des religions, a déclaré : « La jeune fille de seize ans qui pourrait avoir l'excuse de minorité a parlé de ce qu'elle aimait... et un jeune semble-t-il d'origine musulmane l'a maltraitée du point de vue verbal. Il y a eu des phrases incroyables qu'elle a prononcées... En 2005, lorsqu'il y a eu des caricatures dans les journaux danois, j'ai annoncé des attentats. Il y a eu des attentats au Pakistan contre des intérêts du Danemark. J'ai dit "Si on fait pareil en France, dans dix ans il y a aura des morts". Il y a eu Charlie hebdo. Je vous annonce aujourd'hui que si on continue comme cela, à injurier l’islam, on aura prochainement des attentats contre des Français en France et dans des pays d'Afrique ». "Si on avait quelque doute sur les penchants d’Odon Vallet, voici une phrase de lui à méditer. « Si je vivais au Nigéria et si j’avais 18 ans, je serais sans doute Boko Haram ». Hélas pour lui l’historien des religions n’a plus 18 ans et ne vit pas au Nigéria, ce qui le prive des joies ineffables du viol et l’égorgement", a rappelé Benoît Rayski, journaliste et essayiste.

La pétition "Protection policière pour Mila, 16 ans, en danger de mort pour avoir critiqué l’islam" est revêtue de 16 111 signatures au 31 janvier 2020.


Le 3 février 2020, sur le plateau de l’émission Quotidien de TMC, Mila a déclaré
"Je regrette d'avoir dit sur les réseaux sociaux car je ne me suis pas rendue compte de l'ampleur que cela pouvait prendre, et de l'avoir dit d'une manière aussi vulgaire, car j'aurais pu argumenter... J'aurais pu dire ça sur une autre religion... J'ai toujours été athée... J'ai toujours su faire la différence entre une religion et des personnes... Ma vidéo a été reprise par des gros comptes... Ma vie est en pause... J'étais pas en sécurité dans mon établissement [scolaire] vues les menaces reçues des personnes de mon lycée, j'aurais pu être brûlée à l'acide... J'étais menacée d'être enterrée vivante... Je remercie toutes les personnes qui me soutiennent... J'ai arrêté les réseaux sociaux... Je ne regrette absolument pas mes propos, je n'ai pas à m'arrêter de vivre pour ca, c’était vraiment ma pensée. Je m’excuse un petit peu pour les personnes que j’ai pu blesser, qui pratiquent leur religion en paix, et je n’ai jamais voulu viser des êtres humains, j’ai voulu blasphémer, j’ai voulu parler d’une religion, dire ce que j’en pensais... ".
Le 4 février 2020, Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur et chargé des Cultes, a déclaré lors des Questions d'actualité au gouvernement à l'Assemblée nationale : "Mila et sa famille font l’objet d’une vigilance particulière, pour les protéger, de la part de la police nationale. Ce n’est pas une sécurité permanente parce que rien n’indique qu’elle en ait besoin. Ce que je lui dois, c’est de défendre son droit qui est son droit fondamental de critiquer une religion. Dans notre pays le droit au blasphème existe mais il n’est pas revendiqué". Sur BFM TV, il a précisé : "Depuis le 22 janvier, quand il y a eu cette haine sur les réseaux sociaux contre elle, il y a eu un contact avec la gendarmerie nationale, elle a fait l’objet d’une vigilance renforcée. Ce n’est pas une sécurité permanente parce que rien n’indique qu’elle en ait besoin".

Les personnalités féministes - Clémentine Autain, Caroline de Haas - et les organisations féministes - Osez le féminisme ! -, les associations de lutte contre le racisme, les organisations LGBT et les mouvements de gauche sont demeurés silencieux, sans apporter leur soutien à Mila. Nombre de politiciens et d'intellectuels, de droite ou de gauche, ont déplacé le débat vers la laïcité présentée comme la solution.

Le 4 février 2020, Charlie hebdo, "journal satirique, a publié un sondage, réalisé par l’Ifop et intitulé "Etes-vous Mila ? Les Français, l'affaire Mila et le droit au blasphème". "Réalisé auprès d’un échantillon national représentatif de taille conséquente (2000 personnes), cette enquête montre que l’opinion soutient majoritairement la jeune fille tout en désavouant Nicole Belloubet et le parquet qui a lancé une information judiciaire à l’encontre de l’adolescente. Cependant, le droit au blasphème, acquis depuis la loi de juillet 1881 sur la liberté de la presse, est loin de faire l’unanimité : l’opinion se partageant en deux parties strictement égales sur le sujet".
"Mila soutenue par une petite majorité de Français
Depuis l’éclatement de cette polémique, deux hashtags sont apparus sur les réseaux sociaux comme Twitter : #JesuisMila pour exprimer son soutien à la jeune fille et #JesuispasMila pour lui exprimer sa désapprobation. S’il étaient obligés de choisir, une petite majorité de Français (53%) répondent qu’ils se positionneraient sur le hashtag #JesuisMila, sachant que ce soutien à la jeune lesbienne tend à croître avec leur niveau social, culturel et économique.

#JesuispasMila : Ségolène Royal en porte à faux avec les électeurs socialistes
L’ancienne ambassadrice des pôles Ségolène Royal, qui a récemment affirmé qu’il était « absolument pas » question pour elle d’afficher le hashtag #JeSuisMila (mot-dièse créé sur les réseaux sociaux en soutien à la jeune homosexuelle) apparaît en porte à faux avec la majorité des sympathisants de gauche qui, du PS (58%) a la LFI (53%) en passant par EELV (53%), expriment tous majoritairement leur soutien à la jeune fille menacée de viol et de morts.

Un positionnement étroitement lié à son degré d’affranchissement de la religion
Mais la variable qui joue le plus dans la position des Français sur le sujet est leur appartenance religieuse et plus précisément leur degré de pratique religieuse : seule une minorité des catholiques pratiquants soutiennent Mila alors que c’est le cas de la majorité des catholiques non pratiquants (56%) et des athées (58%). Les musulmans se positionnent en revanche massivement (à 82%) sur le hashtag #JesuispasMila, tout comme une majorité de jeune (52%) et de sympathisants macronistes (53%).

Belloubet désavouée
Une nette majorité de Français (56%) expriment leur désaccord à l’égard de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui avait affirmé que les insultes de la jeune fille à l’encontre des religions constituaient « une atteinte à la liberté de conscience ».

Des propos qui ne sont pas perçus comme racistes dans l’opinion publique
De même, le motif pour lesquels les services de son ministère avaient, via le parquet de Vienne, lancé une information judiciaire pour « appel à la haine raciale » à l’encontre de l’adolescente apparaît infondé aux yeux d’une large majorité de l’opinion : 58% des Français estiment que les propos tenus par Mila ne relèvent pas de la « provocation à la haine à l’égard d’un groupe de personnes, à raison de leur appartenance à une race ou une religion déterminée ».

Des Français néanmoins très partagés sur le droit au blasphème
Cette affaire, qui a soulevé la question du droit au blasphème posé depuis plusieurs années par Charlie Hebdo, montre en revanche que l’opinion publique est très clivée sur ce droit pourtant acquis depuis la loi de juillet 1881 sur la liberté de la presse : 50% des Français se disent favorables à ce droit de critiquer, même de manière outrageante, une croyance, un symbole ou d’un dogme religieux, contre 50% qui y sont opposés.

Dans le détail des résultats, il est intéressant de noter que les Français les moins favorables au droit au blasphème sont, après les musulmans (34%) et les protestants (32%), les jeunes de moins de 25 ans (41%), les personnes ayant un faible capital social et culturel ainsi que les sympathisants des Républicains (39%).

 Le point de vue de Gérard Biard, rédacteur-en-chef de Charlie Hebdo :
Cette enquête révèle une énorme confusion entre l’injure contre une religion et ses symboles – qui est légale – et l’appel à la haine contre les croyants – qui est puni par la loi. Encore plus grave, elle montre aussi que la moitié des Français, majoritairement les plus jeunes, pensent que la France est toujours la fille aînée de l’Église – ou, pour certains, qu’ils voudraient quelle devienne la petite sour de la mosquée."

Militant LGBT, Mehdi Aifa a résumé dans Valeurs actuelles (4 février 2020) :
"Le bras gauche de la fachosphère, c’est la muslimsphère, très active sur les réseaux sociaux, ce sont eux qui ont donné un tel écho à cette affaire, ils ont contribué à rendre visible la vidéo de Mila et par extension les propos dont ils se plaignent aujourd’hui. C’est par eux également que sont venus les injures, les appels aux viols, les menaces de mort, l’homophobie, le racisme anti-blanc… Une réaction en chaîne qui ne s’est pas limitée aux réseaux sociaux. En effet, Mila, sous le poids des menaces, a dû être déscolarisée d'urgence de son établissement scolaire, son intégrité physique n’étant plus garantie par l'École de la République...
Ces soldats d’Allah, cette communauté musulmane qui hurle au racisme quand on s'attaque à leur religion, sont symptomatiques d’une conscientisation ratée. Ces musulmans considèrent que les propos sur leur religion de la « pute lesbienne qu’il faut brûler » sont dirigés contre leur personne car ceci ferait partie intégrante de leur identité. Or, l'islam n'est pas une race. On ne naît pas musulman, on le devient
L’affaire Mila révèle deux choses : la lâcheté de nos institutions, de nos politiques et de nos personnalités publiques qui, sous couvert de ne pas vouloir stigmatiser une population ou de faire « le jeu de l'extrême droite », brillent par leur silence, laissant Mila dans la gueule du loup. Enfin, que l’islam comme « religion de paix et d’amour » n’est qu’un mantra répété par nos ayatollahs et autres soldats d’Allah. Ces derniers, par leur haine, leurs menaces et leurs injures ne font pourtant que valider les propos de Mila : « Le Coran, il n'y a que de la haine là-dedans… »
Le 5 février 2020, dans Touche pas à mon poste animée par Cyril Hanouna sur C8, "l’ancien « Monsieur Banlieues » de l’Elysée Yassine Belattar est revenu sur une chanson que la jeune fille a récemment écrite en réaction aux menaces et insultes dont elle a fait l’objet. « Les gens avant, ils avaient une envie artistique, car a minima, ils avaient du talent. Ils faisaient pas une polémique pour entrer dans le monde artistique. Être artiste, c’est du travail », a-t-il commencé. « Cette fille-là, si aujourd’hui on avait pas croisé ce fait-divers atroce avec tout ce qui s’est passé… », laisse-t-il ensuite entendre avant de s’adresser directement à la lycéenne : « Faut peut-être se poser les bonnes questions au bon moment et je vois pas comment une carrière peut commencer ». L’humoriste conclut ensuite la séquence en estimant que la jeune fille « va se retrouver dans tous les congrès du Front National en 2022, ça va lui faire tout drôle ».

Le 6 février 2020, Jean-Michel Blanquer a annoncé qu'une solution visant la rescolarisation de l'adolescente avait été trouvée. "L'adolescente ne retournera pas dans son ancien lycée Léonard-de-Vinci de Villefontaine (Isère) qui scolarise 1 435 élèves, et «tout le monde est appelé à la discrétion» pour garantir sa sécurité". L'Etat a ainsi reconnu que cet établissement scolaire faisait partie des "territoires perdus de la République" où les élèves ayant menacé Mila imposent leur charia.

Le Parisien, Le Point et Libération ont publié des reportages en se rendant au lycée Léonard-de-Vinci à Villefontaine construit en 1977. Ils ont interrogé lycéens et adultes sur les propos de Mila, et non sur les insultes racistes (“Sale française”), sexistes et hostiles aux homosexuels l'ayant visée. Ils ont modifié, en les francisant ou en les judaïsant, les prénoms des adolescents interviewés. "Villefontaine, 19 000 habitants, n'est pas une ville connue. C'est d'ailleurs à peine une ville : Lyon est tout proche, mais on est par endroits presque à la campagne. Il y a le vieux village, en haut de la colline, avec son église, son ancienne mairie, des maisons de maître et des fermes autour. Et puis, au bas, des immeubles par blocs, des lotissements, beaucoup de parkings : la « ville nouvelle », sortie de terre dans les années 1970 et dont le centre souffre un peu. Il y a un grand casino et des kebabs, une ou deux pharmacies, une ou deux boucheries hallal. Villefontaine, en somme, est une ville simple, et se serait passé de la notoriété que lui vaut « l'affaire Mila... Monsieur le maire ne souhaite pas s'exprimer. Le lycée non plus, où l'on a prudemment conseillé aux élèves de ne pas répondre aux journalistes, le temps que les choses s'apaisent – «  La pauvre proviseure, on peut la comprendre : elle est arrivée en septembre et a déjà eu droit à un blocus pendant les grèves et à des tirs d'artifice dans la cour », raconte un élève ».

Libération décrit ainsi le lycée : "Une passerelle couverte de tags relie le lycée à la dalle en rénovation où s’alignent l’hôtel de ville, les vitrines des bailleurs sociaux, quelques commerces et la paroisse Saint-Paul. La mosquée, la deuxième plus importante du département, se trouve à 2 km, dans une zone d’activités. Le lycée est le lieu qui brasse les enfants des cités de Villefontaine (52 % d’habitants en HLM en 2016), ceux des campagnes environnantes (comme Mila, dont la famille réside dans un village) et les étudiants venus parfois de plus loin... En ville, la boulangère est moins philosophe : « Franchement, j’aurais préféré qu’elle dise juste un truc raciste sur les Arabes, mais pas qu’elle parle de mon dieu. C’est normal qu’elle ne puisse pas revenir, elle l’a bien cherché, personne ne l’a obligée à raconter ça, à aller aussi loin pour deux ou trois trucs dits par des idiots.» A côté"

Le Point relate les débuts de l'affaire Mila : "Dans la meute qui s'abat alors sur l'adolescente figure un compte Instagram tenu par un élève anonyme du lycée et auquel tous les jeunes de Vinci sont abonnés. Il commente d'ordinaire la vie de l'établissement – on donne le menu de la cantine, on raconte les voyages scolaires, on facilite les histoires de cœur. Ce jour-là, il publie ce message : « Allez [la] signaler pour ces story islamophobe (sic), faites-lui sauter son compte. » « Ça a été retiré assez vite, mais tout le monde l'a vu. Le lundi, l'ambiance était très tendue, on se demandait ce qui allait se passer », raconte un élève."

"Ce jour-là, Mila ne revient pas en classe. Alertée par un enseignant pendant le week-end, la proviseure a appelé ses parents et convenu avec eux que le risque était trop grand. De fait, la violence est inouïe. E-Enfance, une association de protection des mineurs sur Internet agréée par l'Éducation nationale, tâche d'éteindre l'incendie, signale et fait supprimer à mesure le tombereau d'insultes et de menaces, essaye d'endiguer aussi la diffusion des données personnelles de Mila : son adresse, son numéro de téléphone. « On lui a conseillé de suspendre pour un temps tous ses comptes, de se protéger de tels contenus, mais toutes les victimes de cyberharcèlement sont prises entre le besoin de se soustraire à l'agression et celui d'aller voir ce qui se dit, témoigne Justine Atlan, présidente de l'association. Personne n'est prêt à vivre ça, personne n'est outillé psychologiquement contre une telle violence, encore moins un mineur. » E-Enfance elle-même reçoit des menaces, depuis que son nom a été associé à l'affaire.

Pour Le Parisen, "l'incident a donné lieu à des discussions houleuses en classe, selon le jeune homme. Le blasphème aurait également été un peu abordé, mais au sein de l'établissement aucun des élèves que nous avons rencontrés ne revendique ce droit et aucun ne soutient Mila dans ce combat-là. « On en a parlé, mais même le prof ne semblait pas trop savoir de quoi il parlait », décrit-il. « On nous a surtout dit de ne pas parler aux journalistes », rigolent les garçons".

"Selon Le Point, qui s’est aussi rendu à la rencontre des élèves, tout le monde s’accorde à dire que la jeune fille « est allée trop loin », que « ça ne se fait pas » d’insulter une religion. « Je ne comprends pas, elle traînait avec des musulmans, des Noirs, des Arabes, elle n'était pas raciste », s’étonne une élève de seconde. « Moi, je suis neutre », avance une autre, plus réservée. « Elle a eu ce qu’elle a cherché, elle devait s’y attendre », lâche un « petit blond » auprès de l’hebdomadaire. « Il y a 70 % de musulmans ici, ça ne pouvait pas bien se passer ». Pas étonnant, alors que comme le repère Le Parisien, la deuxième plus grande mosquée du département, se situe à quelques rues à peine du lycée Villefontaine."

« Elle a eu ce qu'elle a cherché, elle devait s'y attendre, lâche un petit blond en reniflant. Il y a 70 % de musulmans ici, ça ne pouvait pas bien se passer ». « Le pire, c'est que les gens qui la menacent finissent en un sens par lui donner raison », se désole une jeune fille, qui se dit elle-même musulmane. « Il y a ceux qui ont été choqués, blessés par ce qu’elle a dit. Ceux qui ont peur d’être associés à elle, et de payer les frais. Et quelques-uns qui pensent pareil, mais ne l’avoueront jamais », résume une autre étudiante au Point. « Pour le soutien, maintenant, elle a [le hashtag] #JeSuisMila. Qu’elle ne compte pas sur nous », ajoute-t-elle. « Elle n’aurait jamais pu revenir. […] Ce qui est triste, c’est qu’elle sera toujours identifiée à cette histoire », regrette une jeune fille auprès du Parisien, ajoutant ne pas comprendre « pourquoi elle est allée dire tout ça ». « Personne ne lui a dit d’insulter personne. Elle a reçu des menaces, certes. Si elle ne peut plus revenir, tant pis pour elle », tranche une élève de seconde. « Si elle était revenue, elle se serait fait tuer ».

Le 8 février 2020, la ministre Nicole Belloubet a écrit dans Le Monde une tribune où elle regrettait une "expression maladroite" en se défaussant sur le temps réduit qui lui avait été accordé et stigmatisait le judaïsme :
"J'ai eu une expression qui était non seulement maladroite – ce qui est regrettable –, mais surtout inexacte – ce qui l’est plus encore. [...] Pour dire les choses simplement, chacun peut critiquer comme bon lui semble une religion, une idée, un concept, avec les mots de son choix. C’est non seulement heureux, mais aussi salutaire. [...] Je regrette de ne pas avoir pu l’exprimer aussi clairement dans les quelques secondes qui m’étaient imparties ce matin-là.
L’affaire Mila a remis en lumière la question du droit au blasphème. Ce droit existe. Dans notre pays, chacun est libre de blasphémer. [...] La France n’est pas une terre de fatwas. Nous ne sommes plus au temps de Moïse, où le blasphémateur devait mourir lapidé par la communauté.
"La bêtise, l’ignorance, l’obscurantisme nous guettent à chaque pas et ne nous lâchent pas, avec une force démultipliée sur les réseaux sociaux. Une adolescente en a fait la terrible expérience et nous devons tous contribuer à la protéger et à lui permettre de retrouver le fil d’une vie normale, celle d’une jeune adulte qui s’ouvre au monde."
Et de déplorer "la caricature et à la polémique, que mes mots ont pu alimenter mais que je trouve décalées au regard de mes convictions" ainsi que "le brouhaha des réseaux sociaux et des chaînes d’information".
Dans cette affaire si sensible, le discours de la ministre a-t-il été soumis préalablement au Président Macron pour approbation ? Cynisme ? La ministre de la Justice Nicole Belloubet a évité de nommer l'islam, tout en évoquant la peine de mort au blasphémateur au temps de Moïse, une sanction révolue depuis des siècles dans le judaïsme qui a la même époque recevait le commandement "Tu ne tueras point", et le catholicisme. Deux dommages collatéraux visant les seuls judaïsme et catholicisme. Aucun dirigeant du Consistoire ou de l'Eglise catholique de France n'a à ce jour réagi publiquement pour rétablir la vérité.

Déscolarisée depuis le 20 janvier 2020, Mila devrait pouvoir poursuivre sa scolarité dans un lycée dans la semaine du 10 février 2020.

Le 11 février 2020, "à la veille de son déplacement au Mont-Blanc en Haute-Savoie pour exposer son plan pour la biodiversité", le Président de la République Emmanuel Macron a déclaré au Dauphiné Libéré : "Dans ce débat, on a perdu de vue que Mila est une adolescente. On lui doit donc une protection à l’école, dans sa vie quotidienne, dans ses déplacements. L’Etat a pris ses responsabilités. Les enfants sont vulnérables face à ces nouvelles formes de haine et de harcèlement en ligne qui peuvent être destructeurs sur les réseaux sociaux. Ils doivent en être mieux protégés."

Le 12 février 2020, sur RTL, Brigitte Macron, épouse du Président, s'est dit "persuadée que l'on peut parler de tout, il n'y a pas de sujet tabou. Attention peut-être à la manière dont on en parle. La parole est tellement virulente que l'on arrive vite à l'insulte. Mais je suis persuadée que l'on peut parler et rire de tout". "Sur le harcèlement scolaire, la première dame qui est très mobilisée aux côtés de Jean-Michel Blanquer dénonce le fait que "sur les réseaux sociaux, l'anonymat tourne en toute impunité". "Si vous recevez une lettre ou que vous avez des menaces de mort, la personne qui vous menace va être poursuivie. Sur les réseaux sociaux, qu'est-ce qu'on fait de ceux qui menacent ? Rien. Cette impunité n'est pas gérable. Cette violence ordinaire, qui était une violence digitale, est en train d'arriver dans la vie", ajoute Brigitte Macron. D’ailleurs, la première dame préfère le terme de souffrance à celui de harcèlement. "Ce ne sont pas seulement des moqueries. Ça s’installe dans la durée et à partir de ce moment, il y a une immense faille. Cette faille se manifeste par une souffrance qui fait qu'ils ont du mal à dormir, à manger, les résultats scolaires baissent et ils ont le regard fuyant (...) Il faut que nous, professeurs, soyons sensibilisés davantage".

Le mot "islam" est soigneusement évité par le Président et son épouse. Un vocable "tabou" ?

Le 14 février 2020, Le Monde a publié la tribune de la femme rabbin Delphine Horvilleur « L’affaire Mila interroge : quel Dieu se vexerait d’être ainsi malmené ? » "Le véritable blasphème consiste à croire que l’Eternel, ses prophètes ou ses envoyés seraient si vulnérables et susceptibles qu’ils auraient besoin qu’on prenne leur défense, écrit Delphine Horvilleur"
"Que l’on croie en Dieu ou pas, qu’importe, on est bien forcé d’admettre que « ses » livres parfois ne manquent pas d’humour. Prenez la Bible par exemple. On y raconte, dès la Genèse, l’histoire de procréations divinement assistées qui offrent à des nonagénaires stériles la possibilité de devenir parents. On y narre aussi les pérégrinations d’un peuple qui va mettre plus de quarante ans à traverser à peine quelques kilomètres de désert. On y rencontre un homme, Moïse, choisi pour porter la parole de Dieu auprès des hommes et qui vit avec un étrange handicap : il est bègue ! Parmi tous les candidats éligibles au porte-parolat divin, l’Eternel s’est donc choisi le seul qui souffre d’un problème d’élocution. L’effet comique est garanti.
Le référent d’un monde ancien
Et on pourrait multiplier les exemples. Certes, on objectera, à raison, que la loi biblique ne prête pas à rire, loin de là. Elle punit et sanctionne, lapide et condamne, de la femme adultère au fils rebelle, de l’homosexuel au profanateur, en passant bien sûr par le blasphémateur. Et celui-là vit aujourd’hui son moment « warholien ». Il surgit dans le débat national et fait l’objet de toutes les attentions. La polémique autour du droit sacré au « blasphème » en terre de laïcité fait soudain de la loi religieuse son anti-modèle, le référent d’un monde ancien que l’on a su (grâce à Dieu ?) quitter.
C’est d’ailleurs précisément en ces termes que la garde des sceaux l’énonce, quand elle réaffirme – et c’est heureux – dans une tribune publiée sur le site du Monde le 8 février, ce qui devrait aller de soi en République : le droit de se moquer de toute croyance et le devoir de protéger tout croyant ou non-croyant, sa légitimité et sa pleine sécurité.
Et Nicole Belloubet l’affirme ainsi : « Nous ne sommes plus au temps de Moïse, où le blasphémateur devait mourir lapidé par la communauté. » Mais la référence est-elle pertinente ? Puisqu’on nous parle d’un temps que les moins de 3 000 ans ne peuvent pas connaître, peut-être n’est-il pas inutile de clarifier le contexte et l’interprétation des versets convoqués, et dire ce que l’exégèse traditionnelle a su faire de cette « loi de Moïse », qu’on évoque soudain comme un anti-modèle républicain.
Dans la Bible, le blasphémateur habite le livre du Lévitique, en son chapitre 24. Il surgit au cœur d’un épisode a priori sans lien thématique : Moïse reçoit dans ce récit l’ordre de disposer sur l’autel consacré à l’Eternel des pains en l’honneur de Dieu, et de les changer chaque semaine. Immédiatement après cette description rituelle, nous est contée l’histoire d’un homme que l’on surprend un jour en train de blasphémer. On le conduit devant Moïse pour qu’il soit jugé, et il est effectivement condamné à être lapidé.
Le blasphémateur rend son Dieu tout petit
Mais, demandent les commentateurs, quel était exactement le tort de cet homme ? De quoi cherchait-on à se débarrasser, à travers lui ? Réponse de la littérature rabbinique : le blasphème portait précisément sur l’existence de ces pains, disposés sur l’autel chaque semaine, dont la Bible vient de parler. L’homme se serait offusqué qu’on ose disposer des pains chaque semaine et ne pas les changer quotidiennement. A ses yeux, Dieu méritait mieux que des brioches desséchées et Son honneur était ainsi bafoué. Tel était précisément le blasphème : non pas dire du mal du divin ou se moquer de lui, non pas l’insulter ou le désapprouver… mais au contraire s’imaginer que l’honneur de Dieu dépendait d’un peu d’eau et de farine.
Blasphémer, pour les commentateurs de la Bible, héritiers de Moïse et de sa loi, c’est imaginer que Dieu attend que l’on venge son honneur ou qu’on lui offre du pain frais. C’est croire que l’Eternel, ses prophètes ou ses envoyés seraient si vulnérables et susceptibles qu’ils auraient besoin qu’on prenne leur défense. Le blasphémateur, en voulant venger son Dieu si grand, le rend précisément tout petit et sans envergure. Et c’est de cela que Moïse aurait souhaité se débarrasser.
La force de la laïcité dans sa non-reconnaissance du blasphème ne dit pas l’inverse de cela. Elle arrive en fait à des conclusions similaires à partir d’un principe radicalement différent. Là où Moïse dit que Dieu n’a pas besoin d’être défendu, la laïcité dit que ceux qui se moquent de Dieu doivent être défendus en toutes circonstances, tout autant que ceux qui le louent, ou s’en remettent à lui. L’affaire Mila semble soudain ressusciter un peu cette histoire et interroge : qui, de cette jeune fille à la provocation adolescente, ou de ceux qui la menacent de mort, est en train de « blasphémer » ? Quel Dieu se vexerait d’être ainsi malmené ? Pas celui de Moïse, me semble-t-il… sauf s’il a perdu son sens de l’humour.
Lutter contre l’obscurantisme, dans notre République comme au sein de nos traditions religieuses, passe par une capacité à rire de nous-mêmes et même parfois de nos croyances et de Dieu qui, s’il existe, à mieux à faire que de s’en offusquer."
Inertie de l'école
"Trois mineurs âgés de 16 à 17 ans ont été mis en examen dans l'affaire Mila, a-t-on appris auprès du parquet de Vienne (Isère) ce mercredi 17 juin. Ces derniers sont notamment poursuivis pour « harcèlement électronique » et « vol de données informatiques ». trois mises en examen ont eu lieu dans le cadre des investigations en cours pour « menaces de mort » et « harcèlement ». Un mineur de 16 ans, originaire de Besançon (Doubs), a d'abord été interpellé le 20 février 2020. « Il lui était reproché d'avoir été à l'origine de la diffusion d'informations personnelles relatives à la jeune fille », indique le procureur de la République de Vienne. Déféré le lendemain, il a reconnu « avoir lui-même diffusé les informations personnelles de la victime » et a été mis en examen des chefs de recel de vol, harcèlement électronique et usage de données d'identification d'autrui. L'adolescent a été placé sous contrôle judiciaire."

"Deux autres mineurs âgés de 17 ans, cette fois originaires de l'Isère et du Rhône, ont été déférés mercredi 10 juin devant le juge d'instruction de Vienne. « Ils reconnaissaient avoir récupéré les données personnelles de Mila avant de les transmettre au mineur de Besançon », poursuit le procureur. Tous deux ont été mis en examen pour vol et recel de vol de données informatiques et placés sous contrôle judiciaire."

"Quelques semaines auparavant, précise encore le communiqué, un auteur présumé des menaces de mort avait été interpellé par la section de recherches de Grenoble. « Les investigations se poursuivent désormais en vue de l'identification d'autres auteurs de menaces sur la jeune fille », conclut le magistrat."

Le 17 juin 2020, Le Point a publié "Mila : « face à la terreur », les parents dénoncent l'inertie de l'école", article de Nicolas Bastuck. "L'un des auteurs des appels à la violence et au meurtre de Mila, cette jeune lycéenne de 16 ans littéralement lynchée sur les réseaux sociaux pour avoir osé critiquer l'islam dans une vidéo postée sur son compte Instagram, en janvier dernier, a été identifié, entendu par un juge et poursuivi. Marjolaine Chezel, juge d'instruction au tribunal judiciaire de Vienne, l'a mis en examen juste avant le confinement, le 9 mars, retenant contre lui les qualifications de « menaces de mort », « usurpation d'identité d'un tiers » et « envoi réitéré de messages malveillants ». L'individu, mineur, a été placé sous contrôle judiciaire avec, notamment, interdiction d'entrer en contact avec la victime. Bravache, se filmant à la sortie du palais de justice, ce dernier aurait indiqué au magistrat « assumer totalement » ses faits et gestes, estimant avoir « fait le boulot que les juges et la police ne font pas… ou trop lentement ».

"Mila a été entendue il y a quelques jours par le service d'enquête saisi de l'affaire ; les officiers de police judiciaire lui ont signifié que les personnes qui avaient piraté son compte Instagram venaient d'être identifiées."

"La justice semble donc s'activer dans ce dossier qui, partout en France, avait ému les défenseurs de la liberté d'expression et choqué ceux qui revendiquent simplement le droit, pour une jeune fille, de s'exprimer sur une religion sans être menacée de lapidation, de viol et d'attentat à l'acide."

"Si la justice suit son cours, il en va tout autrement de l'Éducation nationale. Dans un courrier à la proviseure de l'ancien lycée de leur fille, le lycée Léonard-de-Vinci de Villefontaine (Isère), les parents de Mila s'inquiètent de l'inertie de l'institution. « Cela fait maintenant quatre mois que notre fille a dû être déscolarisée en raison des risques pour sa sécurité et devant l'ampleur des menaces provenant d'élèves de votre établissement. Or, à ce jour, nous n'avons pas été informés des dispositions prises à l'encontre de ses harceleurs », s'étonnent-ils dans cette lettre datée du 8 juin, transmise, en copie, au ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, et à la rectrice de Grenoble, Hélène Insel, et que Le Point a pu consulter. « Nous souhaitons savoir quelles actions pédagogiques portant sur la laïcité, la liberté d'expression au sujet de toutes les religions et la prévention du harcèlement ont été mises en place en direction de vos élèves. Nous savons que vous connaissez une grande partie des élèves impliqués. Nous n'accepterons pas que des mesures fermes et exemplaires ne soient pas prises », préviennent-ils.

"Les parents de Mila disent également savoir, sur la foi de « témoignages », que des « événements similaires » s'étaient déjà produits dans le même lycée, avant que leur fille n'en fasse les frais, sans qu'aucune suite n'ait jamais été donnée. « Les parents d'élèves nous ont indiqué que l'administration en poste à cette époque avait fermé les yeux », poursuivent-ils dans leur missive, déclarant agir « au nom de la liberté d'expression » et « de la sérénité de nos enfants, pour les années à venir ». Et d'ajouter : « L'enseignement ne doit plus être en échec face à un sentiment d'appartenance religieuse, tellement fort dans certains quartiers et dans certains établissements, que l'idée de mettre à mort une adolescente de 16 ans pour des propos tenus sur l'islam paraît justifiée aux yeux d'un grand nombre. L'école de la République ne peut pas vivre sous le régime de la terreur religieuse. L'Éducation nationale se doit d'être intransigeante au sujet de la laïcité. » « L'Éducation nationale pourra-t-elle, à l'avenir, sauver d'autres Mila de la vindicte religieuse ? » s'interrogent enfin ses parents."

"Cette supplique va-t-elle convaincre l'Éducation nationale de sortir de son mutisme et de sa passivité ? Depuis le 18 janvier et les premiers messages d'insultes reçus sur son compte, la jeune fille et ses proches semblent abandonnés par l'institution. Contrainte de quitter son lycée où son intégrité physique était clairement menacée, la jeune fille ne s'est vu proposer aucune autre affectation dans le secteur public, tous les lycées sollicités indiquant invariablement à la famille ne pas être en mesure de l'accueillir, car dans l'impossibilité d'assurer sa sécurité. De guerre lasse, les parents de Mila ont dû se résoudre à scolariser leur fille dans un internat, en liaison avec le ministre Blanquer. « C'est le monde à l'envers : notre fille, la victime de cette affaire, a été contrainte de quitter son lycée et ses amis alors que les auteurs, contre lesquels aucune sanction n'a été prise, alors même qu'ils ont été clairement identifiés, peuvent continuer à vivre leur vie sans être inquiétés », ont-ils récemment confié à leur conseil, Me Richard Malka".

« Cette affaire illustre le renoncement général, en particulier de l'Éducation nationale, à enseigner la liberté d'opinion et d'expression. On tolère l'intolérable pour ne pas faire de vague », s'indigne cet avocat, contacté par Le Point. « On renonce aux valeurs républicaines par peur de blesser et, au final, on fait taire les victimes et on ferme les yeux sur les agissements de leurs agresseurs. Ça ne date pas d'aujourd'hui ni même des dernières années ; ce n'est pas la faute des enseignants, souvent dépassés. C'est le fruit d'une perte de repères généralisée de nos élites intellectuelles et politiques », considère Me Malka, par ailleurs avocat de Charlie Hebdo, cruellement frappé par un attentat islamiste, le 7 janvier 2015, à Paris."

"Lorsque « l'affaire Mila » a éclaté, la classe politique n'a guère brillé par son courage et son discernement. Interrogée le 29 janvier sur Europe 1, la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, avait raté son numéro de funambulisme : « Dans une démocratie, la menace de mort est inacceptable (…). L'insulte à la religion, c'est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c'est grave mais ça n'a pas à voir avec la menace », avait-elle déclaré en réinventant le délit de blasphème. Face au tollé suscité par l'ambivalence de ses propos, elle avait battu sa coulpe et reconnu une « maladresse ». Ségolène Royal avait fait pire au micro de France Info, affirmant « refuser d'ériger en parangon de la liberté d'expression une adolescence qui manque de respect ». Le 12 février, Emmanuel Macron avait fini par remettre les pendules à l'heure en défendant « le droit au blasphème » et à « la critique religieuse ». « L'État protège Mila à l'école, dans sa vie quotidienne et dans ses déplacements », assurait le chef de l'État."

"Le 18 janvier dernier, Mila avait été inondée de messages homophobes (« sale pute », « sale lesbienne »), l'accusant par ailleurs de racisme, après qu'elle eut confié à l'une de ses « amies », sur les réseaux sociaux, ne pas être attirée par les « filles rebeus ». Dans une « story » en forme de vidéo, censée ne rester visible que 24 heures sur Instagram, l'adolescente, qui ne faisait pas mystère de son homosexualité, avait ensuite critiqué l'islam en des termes provocateurs et fleuris : « Je déteste la religion. […] Le Coran il n'y a que de la haine là-dedans, l'islam, c'est de la merde. […] J'ai dit ce que j'en pensais, vous n'allez pas me le faire regretter. Il y a encore des gens qui vont s'exciter, j'en ai clairement rien à foutre, je dis ce que je veux, ce que je pense. Votre religion, c'est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul. Merci, au revoir. »

"La vidéo avait aussitôt « viralisé » ; partagée des centaines de milliers de fois, elle déclenche sur les réseaux un tombereau d'insultes, de menaces et d'appels au meurtre. L'adresse de la jeune fille et celle de son lycée, de même que son identité et sa photo sont jetées en pâture. Des hashtags #jesuismila ou #jesuispasmila apparaissent sur Twitter pour prendre sa défense ou, au contraire, lui souhaiter d'aller en enfer. Deux plaintes sont déposées par ses parents ; l'une est classée sans suite mais l'autre prospère : le procureur de Vienne engage des poursuites pour « menaces de mort ». Reprenant quasiment mot pour mot la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur la liberté d'expression et le droit à la critique religieuse, il explique alors à l'AFP : « Les propos diffusés (par Mila), quelle que soit leur tonalité outrageante, avaient pour seul objet d'exprimer une opinion personnelle à l'égard d'une religion, sans volonté d'exhorter à la haine ou à la violence contre des individus à raison de leur origine ou de leur appartenance à cette communauté de croyance. »

"Invitée le 3 février de l'émission Quotidien, sur TMC, l'adolescente, recluse chez ses parents depuis déjà quelques jours, a fait preuve d'une étonnante maturité en défendant « le droit au blasphème ». « Je n'ai jamais voulu viser des êtres humains. J'ai voulu blasphémer, parler d'une religion, dire ce que j'en pensais », se défendait-elle, assurant « ne pas regretter ses propos », tout en présentant ses excuses à ceux qui pratiquent « leur religion en paix ». « Je n'étais pas en sécurité dans mon établissement. Vu les menaces que j'ai reçues, j'aurais pu être brûlée à l'acide, frappée, déshabillée en public ou enterrée vivante », avait-elle encore expliqué."

"Quelques jours plus tôt, le 24 janvier, le délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri, considérait sur les antennes de Sud Radio qu'elle l'avait bien « cherché », tout en regrettant qu'elle ait pu être menacée de mort : « Cette fille sait très bien ce qu'elle fait. Qui sème le vent récolte la tempête », considérait ce religieux. Le président du Conseil français du culte musulman, Mohammed Moussaoui, avait tweeté en revanche : « Rien ne saurait justifier les menaces de mort à l'égard d'une personne, quelle que soit la gravité des propos tenus. C'est la justice qui doit prononcer les sanctions prévues par la loi s'il y a provocation et incitation à la haine. » Il y a quelques jours, Mila a reçu de nouvelles menaces et de nombreuses insultes sur les réseaux sociaux."

Le 16 juin 2021, Grasset a publié "Je suis le prix de votre liberté" de Mila. "A seize ans, harcelée sur les réseaux sociaux parce qu’elle est libre de ses idées, de ses choix, de sa façon d’être, une jeune fille riposte en critiquant l’islam et en se moquant du prophète." 

"Ce jour-là, Mila plonge dans un cauchemar : en quelques heures, des milliers de menaces de mort, de torture, de viol, déferlent du monde entier, mais aussi de son propre lycée."

"Elle est condamnée à vivre cachée, sous protection policière, prisonnière au pays des lumières et de la laïcité. Finis, l’école, les amis, l’insouciance, les rires."

"Aujourd’hui, elle raconte son parcours. Décrit la violence d’une époque intoxiquée aux réseaux sociaux. Dénonce les bourreaux protégés par leur anonymat. Et appelle le pays à ne pas être lâche et fragile  : à ne jamais renoncer. Si vous croyez au combat sans cesse renouvelé pour nos vies libres, lisez ce livre."

Eric Zemmour
Le 25 septembre 2020, le journaliste et essayiste Éric Zemmour a été condamné par la XVIIe chambre correctionnelle qui a considéré "que certains passages de son discours, prononcé lors de la Convention de la Droite le 28 septembre 2019 à Paris, « outrepassent les limites de la liberté d’expression puisqu’il s’agit de propos injurieux envers une communauté et sa religion ». Cette phrase, issue du jugement, est terrible de sens cachés. D’abord, la justice qualifie les Français musulmans de « communauté ». L’auteur de ce jugement ne se rend-il pas étrangement coupable d’acte de « discrimination en raison de la religion » en distinguant explicitement ces Français (musulmans) du reste de la communauté nationale ? Cocasse. Ce faisant, le juge donne néanmoins raison à Éric Zemmour qui dénonce le communautarisme intrinsèque à la religion musulmane. Mais c’est la condamnation pour « propos injurieux envers […] sa religion » qui devrait davantage inquiéter les défenseurs des libertés individuelles. En condamnant Zemmour pour avoir « injurié » la religion d’un groupe de croyants, la justice française franchit une étape qui mène vers l’interdiction plus générale de critiquer la religion, droit fondamental garantit par notre constitution. En effet, la portée de ce jugement va au-delà de la condamnation pour critique, qualifiée abusivement d’injure en l’espèce, d’un groupe de personnes en raison de leur religion. Par une subtilité sémantique, elle condamne directement la critique de la religion, en l’occurrence celle de l’islam. Ce jugement illustre un mouvement plus global et inquiétant, celui de la dérive autoritaire du pouvoir judiciaire sur le pouvoir législatif".

"Bertrand Mathieu, spécialiste du droit constitutionnel, résume parfaitement pour France info la nuance entre un acte de discrimination et le droit à la liberté d’expression, que ce jugement prononcé contre Éric Zemmour vient d’écraser : « Quand vous attaquez quelqu'un sur son physique ou sur sa religion, vous faites acte de discrimination. Mais quand vous portez un jugement sur une religion quelle qu'elle soit, vous faites état de votre liberté d'expression. » Or, le juge a condamné Eric Zemmour en considérant que ses propos « outrepassent les limites de la liberté d’expression puisqu’il s’agit de propos injurieux envers une communauté et sa religion », et non pas « en raison de sa religion ». Cette subtilité sémantique à toute son importance. Autrement dit, Zemmour a été condamné, pour des propos injurieux envers l’islam, ce qui constitue un délit de blasphème, notion supprimée du droit français par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse."

"Ce jugement illustre un mouvement plus global et inquiétant, celui de la dérive autoritaire du pouvoir judiciaire sur le pouvoir législatif. La séparation des pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire est un principe fondamental des démocraties représentatives, mais les juges, à grand renfort de pouvoir d’interprétation et de jurisprudence, contribuent à fabriquer du droit en s’appuyant sur l’idéologie progressiste dominante. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a admis, dans un arrêt Montcho du 11 juillet 1980, que le fait de faire venir une seconde épouse ne heurtait pas l’ordre public français, permettant ainsi aux polygames étrangers de bénéficier des aides sociales de toutes leurs épouses".
 
"Cette condamnation d’Éric Zemmour, contraire à la constitution, est néanmoins une pierre apportée à l’édifice progressiste qui défend les minorités revendicatrices au détriment de la majorité qui subit en silence. Le « gouvernement des juges » a encore de beaux jours devant lui.   "

A l'automne 2020, durant le procès de prévenus liés aux terroristes ayant commis les attentats terroristes islamistes contre la rédaction de Charlie hebdo, à Montrouge et à l'hypercacher de la porte de Vincennes, trois attentats terroristes islamistes se sont déroulés : devant l'ancien siège de la rédaction de l'hebdomadaire un Pakistanais a blessé deux employés de Premières Lignes, à Conflans un Tchétchène a décapité le professeur Samuel Paty, et à la basilique Notre-Dame de l'Assomption, à Nice, le 29 octobre 2020, le Tunisien Brahim Aouissaoui a tué trois fidèles.


"Peut-on outrager Dieu ? La question du blasphème" par Werner Köhne
Allemagne, 2016, 52 min
Sur Arte le 16 août 2018 à 0 h 20
Visuel :
Toujours suspect de blasphème: les œuvres du collectif d'artistes Hermann Nitsch à Vienne
© Bernd Meiners

2016, 26 minutes
Sur Arte les 25 septembre à 12 h 30 et 26 septembre 2016 à 4 h 15, 22 janvier 2017 à 12 h 30

Visuels : © A Prime Group/Gérard Figuérola

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Les citations sont d'Arte. L'article a été publié le 23 septembre 2016, puis les 21 janvier 2017 et 15 août et 12 novembre 2018, 31 janvier 2020.

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