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jeudi 18 mars 2021

La toilette, naissance de l’intime

Le Musée Marmottan Monet a présenté l’exposition "La toilette, naissance de l'intime". Une centaine d’« œuvres - tableaux, sculptures, estampes, photographies, images animées (« chronophotographies ») - d’artistes  majeurs du XVe  siècle à nos jours, concernant les rites de la propreté, leurs espaces et leurs gestuelles ». Arte diffusera le 20 mars 2021 "L’hygiène à travers les âges" (Auf Leben und Tod - Meilensteine der Hygiene) de Claudia Spoden.


« L’exposition La Toilette. Naissance de l’intime s’inscrit dans cette perspective. Une centaine d’œuvres – tenture, peintures, sculptures, photographies, gravures – décrivent une pratique nouvelle – la toilette – l’évolution de rituels corporels et l’apparition, à terme, d’un espace dédié. Un lieu se ferme, des gestes s’inventent, l’individu s’approprie un temps n’appartenant qu’à lui. Le parcours aborde également l’impact de ce thème nouveau sur les arts, à la fin du XIXe siècle, avec notamment la naissance du nu moderne. Le XXe siècle marque un tournant. Le thème de la toilette offre aux avant-gardes l’occasion de rendre compte, par des formes déstructurées, de souffrances intimes et collectives. Il questionne la société de consommation. Le XXIe siècle s’interroge sur la collusion de notions telles qu’intimité et exhibition », écrit Patrick de Carolis, directeur du musée Marmottan Monet.

Pour la première fois, une exposition aborde ce sujet : l’intimité, la toilette. 

L’exposition débute par des gravures de Dürer, de Primatice, de peintures de l’Ecole de Fontainebleau, dont un Clouet, Femme à la puce de Georges de La Tour, un ensemble surprenant de François Boucher, révélant « l’invention de gestes et de lieux spécifiques de toilette dans l’Europe d’Ancien Régime ».

Élément de la tenture des Épisodes de la vie seigneuriale, au XVIe siècle, une tapisserie du musée de Cluny, représente « un bain somptueux : des domestiques s’empressent auprès de la baigneuse, une nature luxuriante entoure la cuve de pierre, les instruments de musique, les parfums, les couleurs évoquent l’alerte des sens. Le bain serait plénitude, plaisir, l’occasion de représenter le nu aussi, un corps fin et délié triomphant dans un décor sublimé. Cette image est particulière, quasi irréelle dans sa perfection : aucun cadre quotidien n’y est indiqué, aucun geste d’ablution ou d’entretien. Elle rejoint une tradition : celle qui, vers 1500, représente des femmes au bain, au milieu d’une nature prolifique associant fontaines et ciels, liquides et fleurs, linges et chairs, et campant des corps hiératiques, affirmés en majesté. C’est le nu, à vrai dire, qui est ici célébré, l’idéal des formes, leur achèvement, et moins la gestuelle toute prosaïque de l’ablution. Le bain n’est que prétexte. La scène gagne en idéalité ce qu’elle perd en réalité, le recours fréquent aux personnages de la Bible ou à ceux de la mythologie permet de s’affranchir des codes vestimentaires, tout en dévoilant ce que le quotidien peut cacher. Le peintre révèle le « dessous », celui des lignes « parfaites » offertes au regard du spectateur : démarche marquante dans une époque où le profane prend une importance plus considérable et où Vénus tend insensiblement à concurrencer la Vierge. D’où ces corps aux carnations laiteuses, délicates, aux formes magnifiées, dont les Suzanne au bain de Tintoret, au XVIe siècle, celle du Louvre ou celle du Kunsthistorisches Museum de Vienne, demeurent un exemple privilégié. Une manière de faire exister la beauté dans une Renaissance s’interrogeant comme jamais sur l’excellence physique. Une manière de faire exister la pudeur aussi, celle de Suzanne surprise par les vieillards, par exemple, ou celle Bethsabée au bain entrevue par David, symbolisant dans leurs expressions et leurs voilements toute la délicatesse attendue du féminin. La scène traditionnelle du bain vise ainsi le corps plus que la pratique, la beauté, la pudeur, plus que l’ablution ».

Puis, l’exposition évoque le XIXe siècle, période d’affirmation du « renouvellement en profondeur des outils et des modes de la propreté. L’apparition du cabinet de toilette, celle d’un usage plus diversifié et abondant de l’eau inspirent à Manet, à Berthe Morisot, à Degas, à Toulouse Lautrec et encore à d’autres artistes, et non des moindres, des scènes inédites de femmes se débarbouillant dans un tub ou une cuve de fortune. Les gestuelles sont bouleversées, l’espace est définitivement clos et livré à une totale intimité, une forme d’entretien entre soi et soi se lit dans ces œuvres, d’où se dégage une profonde impression d’intimité et de modernité ».

Le parcours s’achève par « l’image à la fois familière et déconcertante de salles de bains modernes et « fonctionnelles » qui sont aussi, avec Pierre Bonnard, des espaces où il est permis, à l’écart du regard des autres et du bruit de la ville, de s’abandonner et de rêver ».

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les efforts d’entrepreneuses comme Helena Rubinstein, Estée Lauder ou Elisabeth Arden, achèvent d’imposer le concept de « maison de beauté » et de diffuser les premières « lignes » cosmétiques. Désormais, les bourgeoises se maquillent. Dix ans plus tard, la photographie publicitaire naissante vient soutenir les campagnes en faveur des « produits et soins de beauté ».

"Dans les années 1980, des émissions télévisées gomment la distinction entre vie privée et vie publique. Elles recueillent les confidences intimes de personnes, célèbres ou anonymes. Produits de beauté, eau minérale... Des produits variés montrent bébés et adultes nus, dans l'espace privé de la douche..."

"Aux alentours de l’an 2000, le rapport au corps, à la nudité omniprésente dans des affiches publicitaires, change de nouveau. La « relation à la mode et à la publicité se combine avec les progrès technologiques, suggère des expériences insolites et stimule des recherches nouvelles : ainsi chez Erwin Blumenfeld au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ou au seuil du XXIe siècle chez Bettina Rheims ».

"Un nouvel agencement des appartements abolit l’intimité par des espaces ouverts, d’où sont exclues cloisons ou portes, où l’espace s’avère éclaté en espaces dévolus à des activités différentes – cuisiner, lire -, et n’échappant pas au regard. La baignoire trône dans cet espace, bien visible de tous."

Cependant, la douche la supplante souvent dans les logements aux surfaces étroites. Et le bidet tend à disparaître des salles de bains.

"La dame au bain"
Le 13 décembre 2015, Arte diffusa dans le cadre des Petits secrets des grands tableaux, "La dame au bain", 1571 - François Clouet, documentaire de Carlos Franklin. "Réalisé alors que les guerres de Religion déchirent la France", ce tableau "donne une image apaisée de l’époque et impose de durables et drastiques canons de beauté. Peintre officiel de Charles IX, François Clouet est considéré comme le maître français du portrait. En cette année 1571, il vient de mettre la touche finale à une toile aussi belle qu’énigmatique : assise dans sa baignoire, à demi-nue, figure une femme à la beauté diaphane ; derrière elle, une nourrice aux traits grossiers allaite un nourrisson ; au fond de la pièce s’active une servante. Peinture galante ? Portrait ? Scène de genre ? L’identité de la belle naïade demeure inconnue : s’agit-il de Diane de Poitiers ou de Marie Stuart ? Ou d’une autre maîtresse du roi ?" L'époque célèbre cette beauté charnelle inspirée par l'Antiquité, alors que l'Eglise adopte une position opposée.

"L’hygiène à travers les âges"
Arte diffusera le 20 mars 2021 "L’hygiène à travers les âges" (Auf Leben und Tod - Meilensteine der Hygiene) de Claudia Spoden.

"Les pratiques de l’hygiène accompagnent l’humanité depuis ses origines. Destinés à préserver des maladies, les soins du corps se sont imposés comme de véritables rituels sociaux, intimement liés aux conventions culturelles, aux connaissances scientifiques et aux idéologies politiques de chaque époque."

"Des avancées également marquées par des périodes d’errements, entre superstitions et théories savantes hasardeuses, face à de terribles épidémies à l’origine incertaine. Ludique et informatif, ce documentaire retrace l’histoire de l’hygiène en Occident, depuis les thermes et réseaux d’égouts de l’Empire romain jusqu’aux révolutions hygiénistes de l’âge industriel, en passant par la parenthèse de l’âge baroque, où la peur des miasmes entraîna une véritable aversion pour l’eau…"

Le documentaire évoque le Dr Ignace Philippe Semmelweis (1818-1865, médecin obstétricien hongrois qui prôna l'hygiène des mains, et parvint ainsi à réduire le nombre des décès induits par la fièvre puerpérale des femmes après l'accouchement à l'hôpital. Auparavant, les médecins accoucheurs ne lavaient pas leurs mains après avoir disséqué un cadavre, et avant d'effectuer un accouchement. 

Le film aborde les succès de campagnes de vaccination pour éradiquer des maladies, et souligne les problèmes de maladies nosocomiales.



Allemagne, 2021
Sur Arte le 20 mars 2021 à 22 h 30
Disponible du 19/03/2021 au 17/06/2021
Visuels :
© Wikimedia Commons
© bpk

Jusqu’au 5 juillet 2015
2, rue Louis-Boilly. 75016 Paris - France 
Téléphone : +33 (0)1 44 96 50 33
Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h
Visuels
Affiche
Eugène Lomont
Jeune femme à sa toilette
1898
Huile sur toile
54 x 65 cm
Beauvais, Musée départemental de l’Oise
© RMN Grand Palais / Thierry Ollivier

Nicolas Régnier
Vanité ou Jeune femme à sa toilette
Circa 1626
Huile sur toile
130 x 105,5 cm
Lyon, Musée des Beaux-Arts
© 2014. DeAgostini Picture Library/Scala, Florence

Georges de La Tour
La Femme à la puce
1638
Huile sur toile
121 x 89 cm
Nancy, Musée Lorrain
© RMN-Grand Palais / Philippe Bernard

Pays-Bas du Sud
Le Bain, tenture de la vie seigneuriale
Vers 1500
Laine et soie
285 x 285 cm
Paris, musée de Cluny - Musée national du Moyen Age
© RMN Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Franck Raux

"La dame au bain", 1571 - François Clouet
© Les Poissons Volants

Pierre Bonnard
Nu au tub
1903
Huile sur toile
44 x 50 cm
Toulouse, Fondation Bernberg
© RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau – ADAGP, Paris 2015

Fernand Léger
Les femmes à la toilette
1920
Huile sur toile
92,3 x 73,3 cm
Suisse, Collection Nahmad
© Suisse, Collection Nahmad / Raphaël BARITHEL
ADAGP

Erwin Blumenfeld
Etude pour une photographie publicitaire
1948
Dye transfer
51 x 41,5 cm
Signé en bas à droite
Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne - Centre de création industrielle, achat en 1986
© Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Christian Bahier / Philippe Migeat (RMN)

Bettina Rheims
Karen Mulder portant un très petit soutien-gorge Chanel, janvier 1996, Paris
1996
C-print
120 x 120 cm
Signé au dos sur le cartel
Paris, collection de l’artiste
© Bettina Rheims
copyright Studio Bettina Rheims 

Articles sur ce blog concernant :
Les citations et les repères chronologiques proviennent du dossier de presse.
Cet article a été publié le 5 juillet 2015, puis le 13 décembre 2015.

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