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mardi 28 janvier 2020

« Main basse sur l’art. La méthode nazie » d’Oliver Halmburger et de Thomas Staehler


Histoire diffusera les 7 janvier 2020 à 22 h 20, 8 janvier 2020 à 01 h 20, 16 janvier 2020 à 01 h 55 et 28 janvier 2020 à 02 h 20 « Main basse sur l’art. La méthode nazie » (Unter dem Hammer der Nazis), documentaire d’Oliver Halmburger et de Thomas Staehler (2014). Une enquête sur Adolf Weinmüller (1886-1958), marchand d’art munichois ayant joué un rôle majeur dans la spoliation de ses rivaux, ainsi que de collectionneurs et galeristes Juifs allemands, autrichiens et tchécoslovaques sous l’ère nazie. 

Sur les spoliations par les Nazis de milliers d’œuvres d’art détenues par des musées, galeristes ou collectionneurs européens souvent Juifs, Arte a diffusé au cours des dernières années plusieurs documentaires, dont « Monsieur Gurlitt et le secret du trésor nazi », par Maurice Philip Remy, « Les œuvres volées par Hitler ou l'incroyable sauvetage » de Petra Dorrmann et Gerhard J. Rekel, et « Le musée d’Hitler » de Jan Lorenzen et Hannes Schuler.

Documentaire d’Oliver Halmburger et de Thomas Staehler, « Main basse sur l’art. La méthode nazie  » s’intéresse à Adolf Weinmüller, dont des catalogues de sa société de ventes aux enchères devenue Neumeister  à Munich ont été découverts incidemment en mars 2013. Jalousie, cupidité, opportunisme et cynisme se traduiront par des spoliations massives… Les deux réalisateurs ont interviewé des ayants-droits de propriétaires Juifs spoliés et Harry Ettlinger, ultime survivant des « Monuments Men  » représentés dans le film éponyme de George Clooney.

Adolf Weinmüller
En avril 1958, Rudolf Neumeister, ancien pilote de chasse, et Christa Neumeister ont acheté la maison de ventes aux enchères d’Adolf Weinmüller, sise à Munich.

Mars 2013. Dans « la cave de la société de ventes aux enchères Neumeister, une employée découvre dans un placard oublié quarante-quatre catalogues originaux répertoriant des ventes effectuées entre 1936 et 1944, dont 33 000 transactions avec la provenance de l’objet vendu et le nom de son acheteur ». Parmi les acquéreurs : Hermann Göring et Martin Bormann. Certains catalogues étaient liés ensemble, et indiquaient le nom de l’expéditeur : la Gestapo. Weinmüller avait allégué à la Libération que ces documents avaient été détruits lors d'un raid aérien des Alliés, avait minimisé son rôle, occulté ses relations avec des dirigeants nazis et avait pu diriger 35 ventes aux enchères jusqu'à son décès en 1958.

Adolf Weinmüller, « commissaire-priseur de l’époque avait fait une carrière fulgurante en récupérant à bas prix les sociétés de ses concurrents Juifs, voire une partie de leurs collections, par le biais du processus d’aryanisation ou de vols manifestes” visant à enrichir le futur, mais jamais construit, Führermuseum (musée du Führer) à Linz. « Considéré après la guerre comme simple « collaborateur », le commissaire-priseur avait pu rouvrir sa maison ». 

Dès 1931, Adolf Weinmüller, alors marchand d’art, adhère au parti Nazi. L’avènement d’Hitler comme chancelier d’Allemagne en 1933, accélère sa carrière professionnelle : Weinmüller devient alors président de l’association fédérale des marchands d’art et d’antiquités. Une fonction qui lui permet d’éliminer ses rivaux Juifs en leur refusant les licences les autorisant à organiser des ventes aux enchères et en bénéficiant de l’aryanisation de ce domaine artistique. « Fin 1938, après les pogroms de la Nuit de Cristal, les 628 marchands d’art et d’antiquités Juifs ont été évincés de leurs affaires et leurs inventaires pillés. Fondée en 1936, la maison organisant des enchères d’Adolf Weinmüller devint l’affaire la plus florissante. Un de ses meilleurs clients était le dirigeant de haut rang nazi Martin Bormann, mandaté pour acheter des peintures anciennes de valeur pour la collection personnelle d’Hitler. Rapidement, Weinmüler réussit, dans certaines villes, à établir un quasi-monopole dans la vente aux enchères des œuvres d’art dont les Juifs étaient spoliés après 1938. Dès l’été 1941, il se rend régulièrement à Prague avec Hans Posse, directeur du Führermuseum, choisit dans les quartiers généraux de la Gestapo les tableaux et meubles volés aux collectionneurs et marchands d’art Juifs. A Vienne, il a dirigé l’aryanisation de la galerie Juive Kunsthaus Kende, et a ouvert une filiale de sa société. En 1944, il a rassemblé une collection impressionnante de biens artistiques. Après la guerre, les Monuments Men ont récupéré 34 500 œuvres dans ses sociétés organisant des ventes aux enchères… Découverts en mars 2013, les documents de Weinmüller ont révélé que, de 1936 à 1943, il avait enregistré 51 ventes aux enchères ayant induit la publication de 93 catalogues, ainsi que le prix exact et les détails de chaque oeuvre vendue ». 

Historienne d’art, Meike Hopp a résumé : « Comparé à Weinmüller, Gurlitt était un petit poisson. La liste des Alliés concernant Hildebrandt Gurlitt tenait en trois pages, alors que celle de Weinmüller nécessitait un classeur entier. Après guerre, Weinmüller a fondé son affaire sur cette collection ».

 Stupéfaite par ce « cadavre dans le placard » découvert en 2013 dans ses locaux, Katrin Stoll, fille de Rudolf Neumeister, propriétaire et directrice depuis 2008 de Neumeister, a décidé d’établir la vérité. Elle a rendu publiques les informations contenues dans ces catalogues sur le site Internet Lost Art ». “Nous n’avons pas voulu hésité un jour de plus, car nous savions que chaque jour qui passait, des héritiers ou descendants des familles Juifs spoliées pouvaient décéder. Nous savions que nous devions rendre public rapidement, à la différence du cas Gurlitt, ce qui avait été gardé secré pendant deux ans”, a déclaré Katrin Stoll.

Cette base de données numérisées est dirigée par Koordinierungsstelle Magdeburg, bureau central allemand chargé de la documentation sur les biens culturels volés. Créée par le gouvernement et le Länder de la République fédérale d’Allemagne, Lost Art enregistre ces biens culturels surtout de propriétaires Juifs qui, ont été volés, déplacés, confisqués, sous la dictature nazie et la Seconde Guerre mondiale, met à jours les données, etc.

Des collectionneurs spoliés ou leurs ayants-droit peuvent y rechercher des indices sur les oœuvresd’art volées. Ainsi, la « petite-fille de l’ancien marchand d’art Siegfried Lämmle » ayant fui aux États-Unis a consulté ce site.

Autre innovation récente précieuse : le 27 janvier 2013, lors de la Journée mondiale de commémoration de l'Holocauste (Shoah), deux importantes banques de données  sur les œuvres d’art volées de 1930 à 1945, par les Nazis à des Juifs ont été mises en ligne par le Getty Research Institute de Los Angeles, le Kunstbibliothek—Staatliche Museen zu Berlin, l’Universitätsbibliothek Heidelberg, le Forschungsstelle "Entartete Kunst " de l’université de Hamburg. Ces "German Sales 1930-1945" représentent 3 000 catalogues de ventes aux enchères de tableaux, dessins et sculptures en Allemagne, Autriche et Suisse, soit environ un million de données dont plus de 250 000 sont numérisées.

« Soixante-dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les découvertes relatives aux oeuvres d’art volées par les nazis réservent encore bien des surprises ». Mais si tardivement, si partiellement.

Les 25 février, 2, 4, 8, 14 mars 2016, 17 septembre 2017 à 13 h 50, Histoire diffusa A la recherche de l'art perdu. Les Monuments Men, documentaire de Cal Saville : "Dès l'arrivée d'Hitler au pouvoir, les spoliations se sont multipliées en Allemagne. Pendant toute la guerre, les nazis se sont servis dans les collections des pays européens qu'ils soumettaient. Hitler et Goebbels ont littéralement pillé l'histoire de l'art. Aussi, dès 1943, les Monuments Men, experts d'art, se donnèrent pour mission de parcourir l'Europe à la recherche des œuvres manquantes pour les recenser et les rendre à leurs propriétaires. Des mines souterraines aux châteaux isolés qui les abritaient, ils ont tout fait pour sauver les oeuvres. Les recherches continuent encore aujourd'hui, l'ensemble du trésor volé des nazis n'ayant pas été intégralement localisé".

     
  
« Main basse sur l’art. La méthode nazie » d’Oliver Halmburger et de Thomas Staehler
Allemagne, 2014, 52 min
Visuels :
Le commissaire-priseur Adolf Weinmüller (à gauche) à une vente aux enchères
© Stiftung F.C. Gundlach

L’ancien Monuments Man Harry Ettlinger (à gauche) devant un autoportrait du jeune Rembrandt
© National Archives Washington

Adolf Weinmüller (à gauche) a-t-il été impliqué dans le vol d’art des nazis ?
© Stiftung F.C. Gundlach

Catalogue de vente annoté,Adolf Weinmüller, 6.-7. 12. 1939

Hildebrand Gurlitt inaugure une exposition en 1954
© Archiv Kunstverein für die Rheinlande und Westfalen

Un G.I. américain dans une église détruite à Acera en Italie
© National Archives Washington

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Les citations proviennent d'Arte et des sites cités. Cet article a été publié le 17 décembre 2014, puis les 24 février 2016, 17 septembre 2017 et 1er février 2018.

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