Arménie 1915. Centenaire du génocide
« Le génocide des Arméniens de l’Empire ottoman. Stigmatiser, détruire, exclure »
Cette exposition itinérante a été présentée au Mémorial de la Shoah, le Centre de la mémoire arménienne et la LICRA de Reims, puis à la Maison du Gardien du Parc Jouvet à Valence (3 novembre 2016-16 décembre 2016).
En 1914, la population arménienne de l'Empire ottoman est évaluée entre 1,5 million et 2,5 millions d'âmes. « D’avril 1915 à décembre 1916, environ 1 200 000 Arméniens, citoyens de l’Empire ottoman, sont assassinés sur ordre du Comité Union et Progrès ». L’exposition désigne les Arméniens comme « citoyens » ou « sujets ». Le visiteur peine à distinguer la réalité de la condition des Arméniens qui, comme les Juifs ou les Assyriens, étaient réduits au statut de dhimmis. La « charîa détermine, en fonction des modalités de la conquête, les droits et les devoirs des peuples conquis qui gardent leur religion à condition de payer une capitation mentionnée dans le Coran et donc obligatoire. Le Coran précise que cet impôt dénommé la jizya doit être perçu avec humiliation (Coran, 9, 29). Les éléments caractéristiques de ces infidèles conquis (dhimmis) sont leur infériorité dans tous les domaines par rapport aux musulmans, un statut d’humiliation et d’insécurité obligatoires et leur exploitation économique » (Bat Ye’or). Curieusement, l’exposition ne lie pas la dhimmitude à l’islam, principalement à la charîa et au djihad. Ce qui ne permet pas de comprendre pourquoi « le peuple de l’islam » le rescrit impérial Hatt-i Humayoun (3 février 1856), qui « réaffirme l’égalité de droits », suscite « des « réactions » de la communauté musulmane qui était auparavant la communauté religieuse dominante [et qui] est à présent privée de son droit sacré. Pour le peuple de l’islam, c’est un jour de larmes et de deuil » (Ahmed Djevded Pacha (1822-1895) historien et juriste ottoman).
Ce « génocide fut perpétré pour des raisons à la fois idéologiques et politiques. La Guerre aidant, le projet de turcisation de l’espace anatolien, d’homogénéisation ethnique de l’Asie Mineure, caressé par les chefs du Comité Union et Progrès (CUP), se transforme en entreprise d’extermination des Arméniens. Quels événements ont conduit à la destruction de cette population ? L’exposition propose d’en comprendre les causes et la genèse, fait le récit de son déroulement d’un point de vue tant historique que géographique, et enfin, aborde l’après-génocide ».
Ce génocide a été décrit avec précision et analysé avec pertinence dans Ambassador Morgenthau's Story (1918) de Henry Morgenthau, ambassadeur des Etats-Unis à Constantinople (1913-1916), qui a aussi évoqué celui des Grecs et des Assyriens.
« Accompagnant depuis quelques années la société civile turque quant au processus mémoriel du génocide arménien, le Mémorial de la Shoah met également en exergue à travers cette exposition le déni dont il continue à faire l’objet ».
Quid du génocide commis, au même moment, selon le même modus operandi – déportations, massacres, viols, rapts -, à l’égard des Assyriens vivant dans l’empire Ottoman ? Dénommé Sayfo ou Seyfo (épée), le génocide assyrien ou araméen / chaldéen / syriaque a un lourd bilan : 500 000 à 750 000 Assyriens tués, soit environ 70 % de la population assyrienne en ce début de XXe siècle. La chute du royaume assyrien date de 605 avant l'ère commune. A la fin du XIXe siècle, les Assyriens de l'Empire ottoman sont composés de Nestoriens, Chaldéens, Jacobites et Orthodoxes.
En 1895, Arméniens et Assyriens ont été les cibles de massacres hamidiens - plusieurs centaines de milliers de morts assassinés - organisés par le sultan Abdülhamid II, surnommé "Grand saigneur" ou "Sultan rouge", à fin d'extermination. Ce qui a suscité l'indignation notamment du président américain Cleveland. En Iran, les Assyriens ont été alors victimes de massacres similaires.
Combien de Grecs d'autres régions de cet Empire ont subi les mêmes massacres ?
"En 1919, les Pontiques sont environ 600 000 dans les provinces ottomanes riveraines de la Mer Noire. En 1924, 400 000 ont été expulsés vers la Grèce en application du Traité de Lausanne de 1923 prévoyant des « échanges de populations » sur la base du nouveau découpage des frontières. Seuls 260 000 sont arrivés à destination. A l’instar du sort réservé dès 1915 aux Arméniens, le régime a organisé un génocide : 350 000 disparaissent entre 1919 et 1923, succombant aux massacres, aux travaux forcés ou aux déportations. Les 50 000 survivants doivent la vie à leur conversion à l’islam et à l’abandon de leur langue au profit du turc. La Turquie n'a jamais reconnu ce génocide, pas plus que le génocide arménien".
Quid des exactions - massacres, spoliations, viols - à l'égard des 100 000 Grecs de Phocée, dénommée en turc Eski Foça, et de ses environs, contraints par des Turcs ottomans à l'exil, en juin 1914, avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale ? Des crimes dont Félix Sartiaux (1876-1944), polytechnicien, ingénieur et archéologue français alors en Asie mineure, a livré un témoignage poignant :
Quid du génocide des Yézidis de 1915 à 1918 ? En 1914, plus de 750 000 Yézidis vivaient dans l'Empire ottoman. "Dans le Yezdistan, territoire au nord de l'Iraq, des Turcs ont massacré les Yézidis. Sinjar, Sinoun, Gobal, Dgour, Gali Ali Bage, Dhok, Zorava, Karse and Bare, Siba, Tlizer, Tlzafe, Khrbade Kavala, Grzark, Rmbousi, Sharok, Tlkazar, Tlbanta, Kocho, Khotmi, Mosoul, Rndavan, Amadia... Plus de 200 000 Yézidis y ont été assassinés".
Les Yézidis ont aussi été tués par des soldats turcs dans l'Ouest de l'Arménie : région de Van - 100 000 victimes innocentes -, région de Moush - plus de 60 000 victimes -, région d'Erzroum - 7 500 victimes -, région de Kars - 5 000 victimes -, Sourmalu - 10 000 victimes Yézidis… Cette liste n'est pas exhaustive.
Outre les massacres et les déportations, le gouvernement turc a contraint des Yézidis, dont la religion est liée au Soleil, à se convertir à l'islam. L'historien turc Katib Tchelebi estime qu'entre 1915 et 1918 environ 300 000 Yézidis ont été massacrés dans l'empire ottoman. D'autres sources évaluent à 500 000 le nombre de victimes Yézidies de ce génocide commis par des Turcs et Kurdes.
Environ 250 000 Yézidis ont été déportés et ont trouvé un refuge en :
- Iraq, près de Sinjar Mountain : 100 000 ;
- Turquie, dans les régions de Batman et Diarbeqir : 12 000 ;
- Syrie, dans la localité de El-Kamishli : 15 000 ;
- Arménie : 12 500 ;
- Géorgie : 3000.
Des génocides à l'écho douloureux dans une actualité marquée par les crimes commis par les islamistes, notamment l'Etat islamique (ISIS) dans ce Moyen-Orient.
Quid du Kafno (famine, faim, en syriaque) ou Grande Famine ayant causé dans le Mont Liban entre 1915 et 1918 la mort d'environ un tiers de sa population rurale. Pour certains, cette famine s'explique par des circonstances naturelles et des facteurs politiques. Mais des sources historiques incitent à évoquer une famine génocidaire provoquée et exécutée par les Ottomans. Un événement historique tragique traumatisant et longtemps occulté. En 2018, a été construit le Mémorial de la Grande Famine 1915-1918 à Beyrouth devant l’université Saint-Joseph, sous l'impulsion de l'historien libanais Christian Taoutel, conservateur du Mémorial, et de l'écrivain libanais Ramzi Toufic Salamé.
Quid de l'action des dirigeants Ottomans et allemands à l'égard des Juifs vivant en Eretz Israël, ligne de front en 1917 ? Quid de l'action d'Ahmed Djemal Pacha - Ahmet Cemal Paşa en turc -, (1872-1922), maire d'Istanbul, chef militaire ottoman et membre du triumvirat militaire ayant dirigé l'Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale. Avec Talaat Pacha et Enver Pacha, il est l'un des « Trois pachas ». Pour les historiens, Djemal est un des organisateurs du génocide des Arméniens, Assyriens et Grecs Pontiques. Ce qui lui valu le surnom de « Djemal Pacha le Boucher » - en arabe « Al Saffâh » - dans le monde arabe. Quid de l'expulsion en avril 1917 de 9 000 Juifs de Jaffa et de Juifs de la jeune cité sioniste Tel-Aviv. Les Juifs de ces villes ont organisé un Comité de migration dirigé par Meir Dizengoff et Rabbi Menachem Itzhak Kelioner ? Ces Juifs trouvèrent refuge à Jérusalem, Petah Tikva, Kfar Saba, et en Basse Galilée : Zichron Yaacov, Tiberias et Safed. Un grand nombre est mort de faim, de maladies contagieuses lors de l'hiver 1917-1918. Les biens, dont les maisons, de ces Juifs de Jaffa et MouTel Aviv ont été confisqués par les autorités ottomanes. Quid du réseau Nili co-fondé en 1916 par Sarah Aaronsohn de Zichron Ya’acov, et son frère Aaron, célèbre agronome. Lors de son voyage par train de Turquie en Eretz Israël en novembre 1915, Sarah Aaronsohn avait vu le génocide des Arméniens. Le réseau Nili a fourni des informations aux Alliés. Dans ses Mémoires, Aaron Aaronsohn a écrit : “L'ordre des Turcs de confisquer nos armes était un mauvais signe. Des mesures similaires avaient été prises avant le massacre des Arméniens, et nous craignions que notre peuple ne subisse le même genre de destin”. Quid de l'action du Col. Kress von Kressenstein, chef de la mission militaire allemande, de Schabiner, vice-consul allemand à Haifa, du général Erich Georg Anton Sebastian von Falkenhayn (1861-1922) et du général Friedrich Kress von Kressenstein (1870-1948) ainsi que d'Eugenio Pacelli (1876-1958) ? Si les Juifs ont pu échapper au sort des Arméniens, ils le doivent notamment à l'action d'organisations juives en Suisse qui ont alerté le pape Benoit XV. Celui-ci s'en est ouvert auprès d'Eugenio Pacelli, sous-secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, futur nonce apostolique à Munich et futur pape Pie XII. Pacelli a organisé une rencontre entre le Pape Benoit XV et Nahum Sokolow, dirigeant sioniste. C'est le Vatican qui a intercédé auprès de l'Allemagne pour éviter les massacres des Juifs en Eretz Israël. Le 27 novembre 1917, le ministère allemand des Affaires étrangères a envoyé un télégramme diplomatique sur les Juifs d'Eretz Israël à son allié turc. Quant aux généraux allemands von Kressenstein et von Falkenhayn, ils se sont opposés aux mesures ottomanes les plus dures malgré leur antisémitisme, et par crainte des conséquences.
Ainsi, l'Etat d'Israël devrait reconnaître non seulement le génocide des Arméniens, mais que ce génocide commis par les Ottomans visait les groupes ethnico-religieux tels que les chrétiens - orthodoxes, assyriens, etc. -, et le Yichouv constitué des Juifs vivant en Eretz Israël. Et évoquer cette entreprise génocidaire dans ses manuels scolaires.
Pendant la Première Guerre mondiale, Mohamed Amin al-Husseini, futur grand mufti de Jérusalem, a servi comme officier d’artillerie dans l’armée de l’Empire ottoman, allié de l’Empire allemand. Il a été assigné à la 47e Brigade stationnée dans et autour de Izmir, ou Smyrne, port situé sur la mer Egée. En novembre 1916, il a obtenu une permission de trois mois et est retourné à Jérusalem. Que savait Mohamed Amin al-Husseini du génocide des Arméniens ? Quel a été son éventuel rôle ?
Ces imprécisions, minorations et omissions historiques dans l’exposition s’avèrent d’autant plus surprenantes que le Mémorial de la Shoah est « investi depuis une dizaine d’années dans la sensibilisation du public aux génocides du XXe siècle ». Et d’autant plus graves qu’elles entravent la compréhension de l’Histoire, de cette « épuration ethnico-religieuse » et du projet génocidaire global du Comité Union et Progrès visant l’édification d’un Etat-nation turc, ainsi que du sort des majorités ethnico-religieuses devenues, au fil des massacres dont elles ont été victimes, minoritaires sous domination islamique. Des minorités dont le rôle économique et social s'avère déterminant dans le fonctionnement des empires islamiques. Il serait souhaitable que les historiens dressent des parallèles comparatifs entre les génocides, et entre les "épurations ethnico-religieuses" liées à l'avènement/indépendance des Etats-nations islamiques.
On comprend d’autant moins ces fautes historiques que le Commissariat scientifique de l’exposition est assuré par Claire Mouradian, directrice de recherche, CNRS, Raymond Kévorkian, directeur émérite de recherche, Institut français de géopolitique, université Paris 8, et Yves Ternon, docteur en histoire à l’université Paris 4.
Dédié à l’exposition, un mini-site réunit des images et des repères historiques en ligne.
Les couvertures du catalogue et du communiqué ne reflètent pas la violence barbare de ce génocide.
Stigmatiser
Selon une légende, les Arméniens ont pour ancêtre Haïk, arrière-arrière-petit-fils de Noé par Japhet. Ils constitueraient « une des tribus thraco-phrygiennes qui, arrivées des Balkans en Asie Mineure vers 1200 avant J.-C., ont conquis l’antique royaume d’Ourartou et imposé leur langue indo-européenne. Leur présence est attestée dès le VIesiècle avant J.-C. par les sources perses et grecques ».
« Échangerais histoire grandiose contre meilleur emplacement géographique » : localisé à un carrefour stratégique entre l’Europe et l’Asie, sur les voies de commerce et d’invasions, ce bastion montagneux a vu se succéder « des phases d’indépendance et de soumission, d’unification et de morcellement, d’âges d’or et de pages sombres ».
« L’adoption précoce du christianisme (IVe siècle), une Église nationale et la création d’un alphabet (Ve siècle) ont forgé une identité forte, qui a survécu même en l’absence d’État. Le dernier, le royaume de Cilicie, disparaît en 1375 ». L’Arménie a été dépecée par les empires ottoman et persan.
À l’aube du XIXe siècle, « environ 3 000 000 d’Arméniens de l’Empire ottoman restent encore fortement implantés dans leur territoire ancestral. En tant que non-musulmans, ils sont soumis au statut discriminatoire de dhimmi, « protégés » comme gens du Livre, mais sujets de seconde zone. S’ils bénéficient d’une relative liberté religieuse et culturelle, ils ne peuvent ni porter des armes ni monter à cheval, ils sont soumis à des impôts spécifiques et, entre autres, à des codes vestimentaires distinctifs appliqués de façon plus ou moins stricte selon les époques et les lieux ».
« Face à l’expansion de la puissance rivale russe dans les Balkans et au Caucase et à la pression internationale, l’Empire ottoman tente d’enrayer son déclin par des réformes institutionnelles, fiscales et militaires. Les premières chartes visant à établir l’égalité des droits de tous les sujets, tel le Hatt-i Humayoun, rescrit impérial » mettant un terme « à la guerre qui oppose l’Empire russe à une coalition formée par la France, l’Angleterre et le royaume de Sardaigne et venue au secours de l’Empire ottoman, dont la souveraineté et l’intégrité vont bénéficier désormais d’une garantie internationale -, sont adoptées à la veille du traité de Paris (30 mars 1856) ».
Les « nouveaux règlements des millet, « nations » ethno-confessionnelles, chrétien et juif garantissent leur autonomie culturelle et religieuse ».
Mais « le coût des réformes paupérise la population rurale, tandis que s’accroissent la pression sur la terre et l’insécurité dans les provinces orientales, du fait des tribus kurdes et de l’arrivée massive de réfugiés musulmans chassés par la conquête russe. Le Congrès de Berlin (13 juin-13 juillet 1878), en posant la nécessité de réformes pour l’amélioration du sort des Arméniens de l’Empire ottoman, que la Russie vient de battre dans les Balkans et au Caucase, internationalise la Question arménienne qui entre sur la scène internationale comme élément de la Question d’Orient. De 1774 à 1923 se déroule le déclin de l’Empire ottoman qui s’achève par son éclatement, en raison de son mode de gouvernance et de son incapacité à se réformer, et du fait de l’intervention – militaire, économique, culturelle, humanitaire – des puissances européennes en rivalité pour le partage des dépouilles ».
« Hanté par le danger révolutionnaire et la montée des séparatismes des Balkans aux provinces arabes, Abdülhamid II, Sultan de l'Empire ottoman et calife des musulmans, de la déposition de son frère Mourad V le 31 août 1876 à sa propre destitution par les Jeunes-Turcs le 27 avril 1909, suspecte une éventuelle tentation indépendantiste des Arméniens qui aurait l’appui de l’ennemi russe et des puissances européennes. Il suspend la constitution de 1876 à peine promulguée, opte pour un régime policier et une politique panislamiste ».
Institués « sur le modèle des Cosaques, les régiments de cavalerie tribaux hamidiye font régner la terreur. Déçus par les promesses de réformes non appliquées, les Arméniens commencent à s’organiser autour de partis politiques qui prônent l’émancipation sociale et nationale ainsi que l’autodéfense ».
Le sultan « réplique par des massacres de masse : plus de 200 000 morts, des milliers d’orphelins, des conversions forcées, l’exode vers le Caucase russe, la Perse ou les États-Unis. L’opinion publique européenne s’indigne et un large mouvement arménophile mobilise des personnalités issues de tous les courants politiques. Le sultan promet à nouveau des réformes, tout en jetant l’opprobre sur les victimes, relayé par une presse achetée et quelques intellectuels « amis ».
« D’autres Ottomans s’insurgent aussi contre la politique du sultan. Des membres du mouvement jeune-turc, apparu en 1889, se rapprochent des partis arméniens dans l'exil. Tandis que l’Empire continue de se déliter, le rétablissement de la Constitution en juillet 1908 par des officiers de l’armée de Macédoine suscite l’enthousiasme. La population fraternise. L’égalité des droits est réaffirmée. Les non-musulmans entrent au Parlement ».
Mais « dès avril 1909, les massacres d’Adana, attribués aux combats d’arrière-garde des partisans d’Abdülhamid II, créent le doute. L’aile nationaliste la plus radicale des Jeunes-Turcs impose bientôt sa dictature par la terreur. La perte des territoires balkaniques et le flot de nouveaux réfugiés musulmans sanctuarisent l’Anatolie comme ultime espace impérial à préserver. Le Comité Union et Progrès (CUP), créé en 1907, opte pour la turquification de l’espace, des hommes et de l’économie, et pour le panturquisme, alliance des peuples turcophones des Balkans à l’Asie centrale ».
« Au printemps 1914 déjà, les persécutions des Grecs des îles de l'Égée orientale et des zones côtières, et leur déportation vers le centre de l'Anatolie sous le couvert de la sécurité, sont de mauvais augure ».
Détruire
La « Première Guerre mondiale a inauguré de nouvelles pratiques de violence visant les populations civiles, des massacres de masse légitimés au nom d’idéaux supérieurs. La guerre s’est affirmée comme un cadre propice. Le cas emblématique des Arméniens, visant les propres sujets d’un État décrétés « ennemis intérieurs » par l'État dont ils sont les citoyens, a inauguré ».
« Parti unique, contrôlant tous les rouages administratifs et militaires, le Comité Union et Progrès (CUP) entrera en guerre en novembre 1914 aux côtés de l’Allemagne avec la claire conscience qu’il se créait ainsi l’opportunité de réaliser son projet de construction d’un État-nation turc, en éradiquant tous les groupes susceptibles de l'entraver ».
« Dès le 3 août 1914, un décret de mobilisation générale, incluant les Arméniens, avait été promulgué. Le Comité central du CUP décide aussi de la formation d’une organisation spéciale (OS), la Teşkilât-ı Mahsusa, un groupe paramilitaire chargé de la lutte contre les « tumeurs internes ». L’entrée en guerre permet également de légitimer les réquisitions militaires, s’apparentant à un pillage, visant entrepreneurs arméniens et grecs ».
La « terminologie des Unionistes, qualifiant les Arméniens de « tumeurs internes », porte l’empreinte de leur idéologie de darwinisme social, doctrine politique inspirée de la théorie de Darwin sur l’évolution des espèces par la sélection naturelle et appliquée à l’homme et aux relations sociales ».
La « guerre aidant, le projet de turcisation de l’espace anatolien se transforme en entreprise d’extermination des Arméniens, étendue à d’autres communautés de chrétiens d’Orient, dont les syriaques. Le CUP parvient à mobiliser autour de lui les notables de province, les chefs tribaux et les cadres de l’administration et de l’armée, presque tous membres du parti ».
Le « désastre militaire de Sarıkamış sur le front du Caucase face aux Russes, les 2 et 3 janvier 1915, a certainement décidé le Comité central jeune-turc à compenser ces revers cinglants par une politique intérieure encore plus radicale à l’égard des Arméniens, avec l’appui de l’OS ».
« L’offensive ottomane sur le front caucasien s’accompagne déjà de massacres localisés, le long de la frontière avec la Russie et la Perse. La population arménienne d’une vingtaine de villages est massacrée, y compris en Azerbaïdjan persan, où des chefs tribaux kurdes se joignent aux contingents de l’armée ottomane ».
Enver Pacha (1881-1922) « est un des chefs du mouvement jeune-turc et de la révolution constitutionnelle de 1908. Acteur de la radicalisation ultra-nationaliste et dictatoriale du régime, il est ministre de la Guerre de l’Empire ottoman pendant le premier conflit mondial, qu’il choisira de mener aux côtés de l’Allemagne. Sur ordre du ministre de la Guerre Enver Pacha, le 28 février 1915, les dizaines de milliers de conscrits arméniens servant dans la IIIe Armée sont désarmés et versés dans des bataillons de travail ou exécutés. À partir de mai, c’est au tour des hommes de 16 à 60 ans ».
« D’abord télégraphiste à Salonique, Talaat Pacha adhère au mouvement jeune-turc et devient, après la révolution de 1908, ministre des Postes, puis ministre de l’Intérieur et Grand Vizir. Il est l’un des architectes principaux du génocide des Arméniens. Le 24 avril, sur ordre du ministre de l’Intérieur, Talaat Pacha (1874-1921), les élites arméniennes de Constantinople sont arrêtées et éliminées quelques semaines plus tard ».
« L’élimination des Arméniens des six vilayet, subdivision administrative équivalente à une province, orientaux, leur territoire historique, apparaît comme une priorité. Les convois de déportés – femmes, enfants, vieillards – sont méthodiquement supprimés en cours de route. Peu d’entre eux arrivent jusqu’aux « lieux de relégation ». En revanche, un plus grand nombre de ceux d’Anatolie occidentale ou de Thrace, expédiés vers la Syrie de juillet à septembre 1915, souvent par train, parviennent au moins jusqu’en Cilicie ».
« L’ultime étape du processus de destruction a pour cadre les vingt-cinq camps de concentration de Syrie et de Haute-Mésopotamie mis en place à partir d’octobre 1915, et qui accueillent environ 800 000 déportés. D’avril à décembre 1916, quelque 500 000 Arméniens qui y survivent encore sont systématiquement massacrés, en particulier sur les sites de Ras ul-Ayn etDeir es-Zor ».
Au « lendemain de l’armistice de Moudros (30 octobre 1918), on recense quelque 300 000 rescapés, principalement des femmes et des enfants, qui pourront retourner dans leurs foyers ou seront recueillis dans des refuges et des orphelinats gérés par des organisations caritatives arméniennes ou étrangères, dont le Near East Relief américain ».
Le bilan :
« Environ 2 millions d’Arméniens dans l’Empire ottoman en 1914.
Victimes
Environ 1,3 million de morts :
• 120 000 soldats arméniens mobilisés dans la IIIeArmée (couvrant les six vilayet orientaux), tués par petits groupes, entre janvier et février 1915, ou versés dans des bataillons de travail.
• Plusieurs centaines de représentants de l’élite arménienne arrêtés le 24 avril 1915, à Constantinople comme dans les villes de province, internés puis assassinés.
• Des dizaines de milliers d’hommes, âgés de 40 à 60 ans, massacrés entre avril et août 1915, principalement dans les six vilayet arméniens.
• 1 040 782 Arméniens, essentiellement des femmes, des enfants et des vieillards, déportés entre avril et le début de l’automne 1915 en 306 convois.
• Près de 400 000 morts dans les camps de concentration d’octobre 1915 à juin 1916.
• Près de 300 000 autres internés des camps massacrés entre juillet et novembre 1916.
Rescapés
Environ 700 000 Arméniens ottomans :
• Plusieurs dizaines de milliers, en dehors des provinces orientales, à ne pas avoir été déportés (80 000 à Constantinople, 10 000 à Smyrne).
• Plusieurs dizaines de milliers à avoir fui vers le Caucase russe.
• Des milliers d’artisans et leurs familles convertis et maintenus sur place.
• Environ 100 000 rescapés des camps ou des lieux de relégation retrouvés en Syrie, en Mésopotamie, en Palestine, en Jordanie, au Sinaï ».
Exclure
Edité à Constantinople en 1916 « alors que s’achève l’extermination des Arméniens de l’Empire ottoman », Vérité sur le mouvement révolutionnaire et les mesures gouvernementales « pose la première pierre de l’édifice négationniste ».
Avec « la création de la République de Turquie en 1923, les preuves du programme d’extermination administrées lors des Procès par des tribunaux turcs, au lendemain de la guerre, des principaux responsables du génocide des Arméniens, et condamnés à mort par contumace (1919-1920).procès de Constantinople sont effacées, et les rescapés revenus dans leurs foyers à nouveau chassés ».
Le « premier recensement de la Turquie républicaine en 1927 ne comptabilise plus que 65 000 Arméniens. Dans l’histoire officielle de la Turquie, rédigée dans les années 1930, l’Arménie n’est pas mentionnée, comme si les Arméniens n’avaient existé que comme rebelles et traîtres à la patrie. Les assassins de la mémoire prennent le relais des tueurs ».
En 1948, l'apparition du vocable « génocide » - forgé par Raphaël Lemkin en 1943 - « comme infraction du droit pénal international », inspire les revendications des Arméniens, en diaspora et en Union soviétique dont l'Arménie est une des "républiques socialistes soviétiques".
Dès 1965, des associations arméniennes réclament la « reconnaissance du génocide perpétré en 1915-1916. La Turquie met alors en place un négationnisme d’État centré sur la récusation de l’intention criminelle, la réduction du nombre des victimes, voire, dans une forme extrême, le retournement de l’accusation : ce sont les Arméniens qui ont perpétré un génocide des Turcs ! »
« À toute reconnaissance du génocide par un État, un parlement, une ville, le gouvernement turc réplique par des mesures diplomatiques, économiques (et juridiques à l’encontre de ses citoyens) ».
« Tandis que la recherche scientifique conduite par historiens et juristes confirme la réalité d’un génocide, l’obstination à nier cette évidence des gouvernements turcs successifs est de plus en plus dénoncée par une société civile turque consciente que le rétablissement de la vérité historique est un gage de démocratie ».
L’exposition offre les regards contemporains de deux photographes : Pascaline Marre avec sa série de photographies réalisées de 2005 à 2012 Fantômes d’Anatolie, regard sur le génocide Arménien, et Bardig Kouyoumdjian avec ses clichés (1998-2002) réunis dans Deir-es-Zor, sur les traces du génocide arménien de 1915 (avec Christine Simeone).
Reconnaissance par l'Allemagne
Le 24 avril 2016, diverses cérémonies ont marqué, principalement en Arménie, en France, aux Etats-Unis et en Israël, le 101e anniversaire du génocide des Arméniens.
Le 2 juin 2016, la quasi-totalité des députés allemands ont adopté à main-levée une résolution sur la « commémoration du génocide des Arméniens et autres minorités chrétiennes dans les années 1915 et 1916 ». Et ce, en l'absence de la chancelière Angela Merkel, du vice-chancelier, président du Parti social-démocrate (SPD), Sigmar Gabriel et du ministre des affaires étrangères allemand Frank-Walter Steinmeier.
"Rédigée par Cem Özdemir, coprésident du groupe écologiste au Bundestag – et lui-même d’origine turque –, cette résolution était non seulement portée par les Verts mais aussi par l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et le SPD. Lors de la réunion de son groupe parlementaire, mardi 31 mai, Angela Merkel a d’ailleurs approuvé le texte. On peut notamment y lire" que le Bundestag « déplore les actes commis par le gouvernement Jeunes-Turcs de l’époque, qui ont conduit à l’extermination quasi totale des Arméniens ». Le texte déplore également « le rôle déplorable du Reich allemand qui, en tant que principal allié militaire de l’Empire ottoman (…) n’a rien entrepris pour arrêter ce crime contre l’humanité ». « L’Empire allemand porte une part de responsabilité dans ces événements. »
Pendant le débat au Bundestag, "plusieurs intervenants ont tenu à rappeler que « le gouvernement turc actuel n’est pas responsable du génocide ». Dans une tribune publiée dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung de jeudi, Volker Kauder, le président du groupe CDU-CSU au Bundestag, explique qu’« aucun reproche » n’est fait au peuple turc, mais que le Bundestag ne fait que « décrire un crime contre l’humanité », reconnu comme tel par les historiens. Il exprime « l’espoir que la Turquie et l’Arménie se réconcilient ». Ce qu’a aussi souhaité Cem Özdemir dans son discours au Bundestag".
« La reconnaissance par l’Allemagne de certaines allégations infondées et déformées constitue une erreur historique », a réagi le porte-parole du gouvernement turc, Numan Kurtulmus, sur son compte Twitter, ajoutant que « pour la Turquie, cette résolution est nulle et non avenue ». La Turquie a rappelé son ambassadeur à Berlin. "Ce vote risque en effet de compliquer encore les relations déjà tendues avec Ankara, notamment sur l’application d’un accord controversé entre l’Union européenne (UE) et la Turquie, porté par Berlin, qui a permis de réduire considérablement l’afflux de migrants en Europe. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, menace de ne pas appliquer ce pacte, faute d’obtenir à ses conditions une exemption de visa Schengen pour ses concitoyens".
L’Arménie a salué « un apport appréciable de l’Allemagne à la reconnaissance et à la condamnation internationale du génocide arménien ».
« La Turquie a réagi (...), et j’espère que nous arriverons dans les jours et les semaines à venir à éviter qu’il y ait des réactions excessives », a déclaré Frank-Walter Steinmeier, en visite en Argentine.
"En juin 1915, l’attaché naval allemand, Hans Humann, écrivait notamment : « En raison de leur complot avec les Russes, les Arméniens sont plus ou moins exterminés. C’est dur mais nécessaire. » Les Arméniens estiment à 1,5 million le nombre de victimes de ce génocide, reconnu par une vingtaine de pays, dont la France. Ce rôle de Berlin dans le génocide – longtemps sous-estimé – explique en partie que l’Allemagne ait tardé à le reconnaître officiellement". Dans une Allemagne où vivent des millions d'habitants turcs ou originaires de Turquie, ces faits sont tabous. "Ainsi, 537 associations turques ont récemment écrit aux députés en leur demandant de ne pas approuver la résolution. Lors de l’ouverture du débat, le président du Bundestag, Norbert Lammert, a fait part de « menaces de mort », « inacceptables », reçues par des députés, notamment issus de l’immigration".
La "troisième raison pour laquelle le texte est sensible est bien sûr la crise des migrants. Depuis octobre 2015, Angela Merkel a mis la Turquie au centre de la stratégie européenne pour tenter d’en limiter l’arrivée dans l’UE. Ces efforts ont abouti à l’accord conclu en mars qui prévoit notamment le renvoi en Turquie des réfugiés se rendant en Grèce. La résolution des Verts aurait initialement dû être débattue en février. C’est sous la pression de la CDU et du SPD que la discussion a été reportée à juin. En contrepartie, la CDU avait assuré aux Verts qu’elle l’approuverait".
Ces "derniers jours, le président Erdogan a téléphoné à Angela Merkel, la mettant en garde contre les conséquences d’un tel vote sur les relations bilatérales. C’est une des raisons pour lesquelles le ministre des affaires étrangères, M. Steinmeier, est très réservé sur le texte".
Cependant, "Berlin semble espérer qu’au-delà de protestations formelles, Ankara ne décidera pas des représailles concrètes contre l’Allemagne. Le pays est trop isolé sur la scène internationale, et son nouveau premier ministre, Binali Yildririm, aurait comme objectif, selon le quotidien turc" Hürriyet, d’avoir « plus d’amis et moins d’ennemis ».
« Le génocide des Arméniens de l’Empire ottoman. Stigmatiser, détruire, exclure »
« La vengeance des Arméniens. Le procès Tehlirian », de Bernard George
Sassoun, association arménienne d’amitié entre les peuples Juifs et Arméniens
Le Seyfo, génocide des Assyriens
« La fin des Ottomans », par Mathilde Damoisel
À l’occasion du centième anniversaire du génocide des Arméniens par les "Jeunes-Turcs" et leurs complices, le Mémorial de la Shoah a dédié l’exposition « Le génocide des Arméniens de l’Empire ottoman. Stigmatiser, détruire, exclure » et des manifestations – colloque, projections de documentaires – « à ce meurtre de masse qui préfigure ceux qui se sont produits au cours de ce siècle ». Pourtant ce génocide revêt des spécificités le différenciant par exemple de la Shoah : les Turcs génocidaires ont épargné certains enfants arméniens qui ont été adoptés et islamisés par des familles turques musulmanes.Sassoun, association arménienne d’amitié entre les peuples Juifs et Arméniens
Le Seyfo, génocide des Assyriens
« La fin des Ottomans », par Mathilde Damoisel
Cette exposition itinérante a été présentée au Mémorial de la Shoah, le Centre de la mémoire arménienne et la LICRA de Reims, puis à la Maison du Gardien du Parc Jouvet à Valence (3 novembre 2016-16 décembre 2016).
En 1914, la population arménienne de l'Empire ottoman est évaluée entre 1,5 million et 2,5 millions d'âmes. « D’avril 1915 à décembre 1916, environ 1 200 000 Arméniens, citoyens de l’Empire ottoman, sont assassinés sur ordre du Comité Union et Progrès ». L’exposition désigne les Arméniens comme « citoyens » ou « sujets ». Le visiteur peine à distinguer la réalité de la condition des Arméniens qui, comme les Juifs ou les Assyriens, étaient réduits au statut de dhimmis. La « charîa détermine, en fonction des modalités de la conquête, les droits et les devoirs des peuples conquis qui gardent leur religion à condition de payer une capitation mentionnée dans le Coran et donc obligatoire. Le Coran précise que cet impôt dénommé la jizya doit être perçu avec humiliation (Coran, 9, 29). Les éléments caractéristiques de ces infidèles conquis (dhimmis) sont leur infériorité dans tous les domaines par rapport aux musulmans, un statut d’humiliation et d’insécurité obligatoires et leur exploitation économique » (Bat Ye’or). Curieusement, l’exposition ne lie pas la dhimmitude à l’islam, principalement à la charîa et au djihad. Ce qui ne permet pas de comprendre pourquoi « le peuple de l’islam » le rescrit impérial Hatt-i Humayoun (3 février 1856), qui « réaffirme l’égalité de droits », suscite « des « réactions » de la communauté musulmane qui était auparavant la communauté religieuse dominante [et qui] est à présent privée de son droit sacré. Pour le peuple de l’islam, c’est un jour de larmes et de deuil » (Ahmed Djevded Pacha (1822-1895) historien et juriste ottoman).
Ce « génocide fut perpétré pour des raisons à la fois idéologiques et politiques. La Guerre aidant, le projet de turcisation de l’espace anatolien, d’homogénéisation ethnique de l’Asie Mineure, caressé par les chefs du Comité Union et Progrès (CUP), se transforme en entreprise d’extermination des Arméniens. Quels événements ont conduit à la destruction de cette population ? L’exposition propose d’en comprendre les causes et la genèse, fait le récit de son déroulement d’un point de vue tant historique que géographique, et enfin, aborde l’après-génocide ».
Ce génocide a été décrit avec précision et analysé avec pertinence dans Ambassador Morgenthau's Story (1918) de Henry Morgenthau, ambassadeur des Etats-Unis à Constantinople (1913-1916), qui a aussi évoqué celui des Grecs et des Assyriens.
« Accompagnant depuis quelques années la société civile turque quant au processus mémoriel du génocide arménien, le Mémorial de la Shoah met également en exergue à travers cette exposition le déni dont il continue à faire l’objet ».
Quid du génocide commis, au même moment, selon le même modus operandi – déportations, massacres, viols, rapts -, à l’égard des Assyriens vivant dans l’empire Ottoman ? Dénommé Sayfo ou Seyfo (épée), le génocide assyrien ou araméen / chaldéen / syriaque a un lourd bilan : 500 000 à 750 000 Assyriens tués, soit environ 70 % de la population assyrienne en ce début de XXe siècle. La chute du royaume assyrien date de 605 avant l'ère commune. A la fin du XIXe siècle, les Assyriens de l'Empire ottoman sont composés de Nestoriens, Chaldéens, Jacobites et Orthodoxes.
En 1895, Arméniens et Assyriens ont été les cibles de massacres hamidiens - plusieurs centaines de milliers de morts assassinés - organisés par le sultan Abdülhamid II, surnommé "Grand saigneur" ou "Sultan rouge", à fin d'extermination. Ce qui a suscité l'indignation notamment du président américain Cleveland. En Iran, les Assyriens ont été alors victimes de massacres similaires.
Quid du génocide commis à l’égard des Grecs pontiques - 350 000 Grecs originaires du Pont et d’Asie mineure (Micrasiates) tués - de 1916 à 1923 dans l’Empire ottoman ?
Les Pontiques ont pour ancêtre des populations hellénophones - grecques ou hellénisées - des territoires autour de la mer Noire, dénommée Pont-Euxin durant l''Antiquité.
Combien de Grecs d'autres régions de cet Empire ont subi les mêmes massacres ?
"En 1919, les Pontiques sont environ 600 000 dans les provinces ottomanes riveraines de la Mer Noire. En 1924, 400 000 ont été expulsés vers la Grèce en application du Traité de Lausanne de 1923 prévoyant des « échanges de populations » sur la base du nouveau découpage des frontières. Seuls 260 000 sont arrivés à destination. A l’instar du sort réservé dès 1915 aux Arméniens, le régime a organisé un génocide : 350 000 disparaissent entre 1919 et 1923, succombant aux massacres, aux travaux forcés ou aux déportations. Les 50 000 survivants doivent la vie à leur conversion à l’islam et à l’abandon de leur langue au profit du turc. La Turquie n'a jamais reconnu ce génocide, pas plus que le génocide arménien".
Quid des exactions - massacres, spoliations, viols - à l'égard des 100 000 Grecs de Phocée, dénommée en turc Eski Foça, et de ses environs, contraints par des Turcs ottomans à l'exil, en juin 1914, avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale ? Des crimes dont Félix Sartiaux (1876-1944), polytechnicien, ingénieur et archéologue français alors en Asie mineure, a livré un témoignage poignant :
En mars 2015, le parlement arménien a condamné, donc reconnu, ces deux génocides.
« J’observe nos agresseurs. […] Ce ne sont ni des émigrés de Macédoine, ni des bandits de profession : c’est la population, d’ordinaire si calme, si paisible et si honnête, dont la tranquillité et la douceur sont proverbiales […]. Ils n’agissent pas de leur propre mouvement ; eux-mêmes nous le disent : « Nous avons reçu des ordres, nous les exécutons, ce n’est d’ailleurs que justice ». Ils pillent, incendient, tuent froidement, sans haine, en quelque sorte avec méthode. À leur tête sont deux individus bien connus dans le pays comme membres actifs du Comité local Union et Progrès. Ils remplissent un programme, qui leur a été tracé au nom des intérêts supérieurs de l’empire et de la religion. Le pillage, les vengeances individuelles, le viol sont leur salaire ».
« Le facteur essentiel de ce mouvement doit être cherché dans l’esprit profondément nationaliste qui anime le gouvernement turc depuis la Révolution de 1908. Dès le début, son programme a été de gouverner en Turc, pour les Turcs seulement au détriment des autres populations ottomanes. M. Victor Bérard a exposé, dans les derniers chapitres de La mort de Stamboul, l’une des formes qu’a prises cette politique panislamique : la concentration, par voie d’immigration, de l’élément musulman dans les régions où il ne possédait pas la prépondérance. Les amputations de la guerre balkanique n’ont fait qu’exaspérer cet esprit et fortifier cette partie du programme […] le problème de la concentration et de l’hégémonie de la race turque sur les côtes d’Asie Mineure n’a paru pouvoir être résolu que par l’extirpation des Grecs ».
« C’est le 12 juin que les amis de l’Allemagne sont venus montrer aux Phocéens, comment elle a entendu accomplir en Turquie son œuvre de civilisation et leur faire apparaître la Culture allemande sous ses véritables traits. Le but poursuivi par l’Allemagne était de vider l’Empire ottoman de tous les éléments qui pouvaient arrêter son expansion ou contrecarrer ses projets. Elle a trouvé un auxiliaire dans le panislamisme des Jeunes-Turcs . Les moyens mis en œuvre sont ceux que nous connaissons : la terrorisation, la déportation en masse, le brigandage et l’assassinat »
Quid du génocide des Yézidis de 1915 à 1918 ? En 1914, plus de 750 000 Yézidis vivaient dans l'Empire ottoman. "Dans le Yezdistan, territoire au nord de l'Iraq, des Turcs ont massacré les Yézidis. Sinjar, Sinoun, Gobal, Dgour, Gali Ali Bage, Dhok, Zorava, Karse and Bare, Siba, Tlizer, Tlzafe, Khrbade Kavala, Grzark, Rmbousi, Sharok, Tlkazar, Tlbanta, Kocho, Khotmi, Mosoul, Rndavan, Amadia... Plus de 200 000 Yézidis y ont été assassinés".
Les Yézidis ont aussi été tués par des soldats turcs dans l'Ouest de l'Arménie : région de Van - 100 000 victimes innocentes -, région de Moush - plus de 60 000 victimes -, région d'Erzroum - 7 500 victimes -, région de Kars - 5 000 victimes -, Sourmalu - 10 000 victimes Yézidis… Cette liste n'est pas exhaustive.
Outre les massacres et les déportations, le gouvernement turc a contraint des Yézidis, dont la religion est liée au Soleil, à se convertir à l'islam. L'historien turc Katib Tchelebi estime qu'entre 1915 et 1918 environ 300 000 Yézidis ont été massacrés dans l'empire ottoman. D'autres sources évaluent à 500 000 le nombre de victimes Yézidies de ce génocide commis par des Turcs et Kurdes.
Environ 250 000 Yézidis ont été déportés et ont trouvé un refuge en :
- Iraq, près de Sinjar Mountain : 100 000 ;
- Turquie, dans les régions de Batman et Diarbeqir : 12 000 ;
- Syrie, dans la localité de El-Kamishli : 15 000 ;
- Arménie : 12 500 ;
- Géorgie : 3000.
Des génocides à l'écho douloureux dans une actualité marquée par les crimes commis par les islamistes, notamment l'Etat islamique (ISIS) dans ce Moyen-Orient.
Quid du Kafno (famine, faim, en syriaque) ou Grande Famine ayant causé dans le Mont Liban entre 1915 et 1918 la mort d'environ un tiers de sa population rurale. Pour certains, cette famine s'explique par des circonstances naturelles et des facteurs politiques. Mais des sources historiques incitent à évoquer une famine génocidaire provoquée et exécutée par les Ottomans. Un événement historique tragique traumatisant et longtemps occulté. En 2018, a été construit le Mémorial de la Grande Famine 1915-1918 à Beyrouth devant l’université Saint-Joseph, sous l'impulsion de l'historien libanais Christian Taoutel, conservateur du Mémorial, et de l'écrivain libanais Ramzi Toufic Salamé.
Ainsi, l'Etat d'Israël devrait reconnaître non seulement le génocide des Arméniens, mais que ce génocide commis par les Ottomans visait les groupes ethnico-religieux tels que les chrétiens - orthodoxes, assyriens, etc. -, et le Yichouv constitué des Juifs vivant en Eretz Israël. Et évoquer cette entreprise génocidaire dans ses manuels scolaires.
Pendant la Première Guerre mondiale, Mohamed Amin al-Husseini, futur grand mufti de Jérusalem, a servi comme officier d’artillerie dans l’armée de l’Empire ottoman, allié de l’Empire allemand. Il a été assigné à la 47e Brigade stationnée dans et autour de Izmir, ou Smyrne, port situé sur la mer Egée. En novembre 1916, il a obtenu une permission de trois mois et est retourné à Jérusalem. Que savait Mohamed Amin al-Husseini du génocide des Arméniens ? Quel a été son éventuel rôle ?
Ces imprécisions, minorations et omissions historiques dans l’exposition s’avèrent d’autant plus surprenantes que le Mémorial de la Shoah est « investi depuis une dizaine d’années dans la sensibilisation du public aux génocides du XXe siècle ». Et d’autant plus graves qu’elles entravent la compréhension de l’Histoire, de cette « épuration ethnico-religieuse » et du projet génocidaire global du Comité Union et Progrès visant l’édification d’un Etat-nation turc, ainsi que du sort des majorités ethnico-religieuses devenues, au fil des massacres dont elles ont été victimes, minoritaires sous domination islamique. Des minorités dont le rôle économique et social s'avère déterminant dans le fonctionnement des empires islamiques. Il serait souhaitable que les historiens dressent des parallèles comparatifs entre les génocides, et entre les "épurations ethnico-religieuses" liées à l'avènement/indépendance des Etats-nations islamiques.
On comprend d’autant moins ces fautes historiques que le Commissariat scientifique de l’exposition est assuré par Claire Mouradian, directrice de recherche, CNRS, Raymond Kévorkian, directeur émérite de recherche, Institut français de géopolitique, université Paris 8, et Yves Ternon, docteur en histoire à l’université Paris 4.
Dédié à l’exposition, un mini-site réunit des images et des repères historiques en ligne.
Les couvertures du catalogue et du communiqué ne reflètent pas la violence barbare de ce génocide.
Stigmatiser
Selon une légende, les Arméniens ont pour ancêtre Haïk, arrière-arrière-petit-fils de Noé par Japhet. Ils constitueraient « une des tribus thraco-phrygiennes qui, arrivées des Balkans en Asie Mineure vers 1200 avant J.-C., ont conquis l’antique royaume d’Ourartou et imposé leur langue indo-européenne. Leur présence est attestée dès le VIesiècle avant J.-C. par les sources perses et grecques ».
« Échangerais histoire grandiose contre meilleur emplacement géographique » : localisé à un carrefour stratégique entre l’Europe et l’Asie, sur les voies de commerce et d’invasions, ce bastion montagneux a vu se succéder « des phases d’indépendance et de soumission, d’unification et de morcellement, d’âges d’or et de pages sombres ».
« L’adoption précoce du christianisme (IVe siècle), une Église nationale et la création d’un alphabet (Ve siècle) ont forgé une identité forte, qui a survécu même en l’absence d’État. Le dernier, le royaume de Cilicie, disparaît en 1375 ». L’Arménie a été dépecée par les empires ottoman et persan.
À l’aube du XIXe siècle, « environ 3 000 000 d’Arméniens de l’Empire ottoman restent encore fortement implantés dans leur territoire ancestral. En tant que non-musulmans, ils sont soumis au statut discriminatoire de dhimmi, « protégés » comme gens du Livre, mais sujets de seconde zone. S’ils bénéficient d’une relative liberté religieuse et culturelle, ils ne peuvent ni porter des armes ni monter à cheval, ils sont soumis à des impôts spécifiques et, entre autres, à des codes vestimentaires distinctifs appliqués de façon plus ou moins stricte selon les époques et les lieux ».
« Face à l’expansion de la puissance rivale russe dans les Balkans et au Caucase et à la pression internationale, l’Empire ottoman tente d’enrayer son déclin par des réformes institutionnelles, fiscales et militaires. Les premières chartes visant à établir l’égalité des droits de tous les sujets, tel le Hatt-i Humayoun, rescrit impérial » mettant un terme « à la guerre qui oppose l’Empire russe à une coalition formée par la France, l’Angleterre et le royaume de Sardaigne et venue au secours de l’Empire ottoman, dont la souveraineté et l’intégrité vont bénéficier désormais d’une garantie internationale -, sont adoptées à la veille du traité de Paris (30 mars 1856) ».
Les « nouveaux règlements des millet, « nations » ethno-confessionnelles, chrétien et juif garantissent leur autonomie culturelle et religieuse ».
Mais « le coût des réformes paupérise la population rurale, tandis que s’accroissent la pression sur la terre et l’insécurité dans les provinces orientales, du fait des tribus kurdes et de l’arrivée massive de réfugiés musulmans chassés par la conquête russe. Le Congrès de Berlin (13 juin-13 juillet 1878), en posant la nécessité de réformes pour l’amélioration du sort des Arméniens de l’Empire ottoman, que la Russie vient de battre dans les Balkans et au Caucase, internationalise la Question arménienne qui entre sur la scène internationale comme élément de la Question d’Orient. De 1774 à 1923 se déroule le déclin de l’Empire ottoman qui s’achève par son éclatement, en raison de son mode de gouvernance et de son incapacité à se réformer, et du fait de l’intervention – militaire, économique, culturelle, humanitaire – des puissances européennes en rivalité pour le partage des dépouilles ».
« Hanté par le danger révolutionnaire et la montée des séparatismes des Balkans aux provinces arabes, Abdülhamid II, Sultan de l'Empire ottoman et calife des musulmans, de la déposition de son frère Mourad V le 31 août 1876 à sa propre destitution par les Jeunes-Turcs le 27 avril 1909, suspecte une éventuelle tentation indépendantiste des Arméniens qui aurait l’appui de l’ennemi russe et des puissances européennes. Il suspend la constitution de 1876 à peine promulguée, opte pour un régime policier et une politique panislamiste ».
Institués « sur le modèle des Cosaques, les régiments de cavalerie tribaux hamidiye font régner la terreur. Déçus par les promesses de réformes non appliquées, les Arméniens commencent à s’organiser autour de partis politiques qui prônent l’émancipation sociale et nationale ainsi que l’autodéfense ».
Le sultan « réplique par des massacres de masse : plus de 200 000 morts, des milliers d’orphelins, des conversions forcées, l’exode vers le Caucase russe, la Perse ou les États-Unis. L’opinion publique européenne s’indigne et un large mouvement arménophile mobilise des personnalités issues de tous les courants politiques. Le sultan promet à nouveau des réformes, tout en jetant l’opprobre sur les victimes, relayé par une presse achetée et quelques intellectuels « amis ».
« D’autres Ottomans s’insurgent aussi contre la politique du sultan. Des membres du mouvement jeune-turc, apparu en 1889, se rapprochent des partis arméniens dans l'exil. Tandis que l’Empire continue de se déliter, le rétablissement de la Constitution en juillet 1908 par des officiers de l’armée de Macédoine suscite l’enthousiasme. La population fraternise. L’égalité des droits est réaffirmée. Les non-musulmans entrent au Parlement ».
Mais « dès avril 1909, les massacres d’Adana, attribués aux combats d’arrière-garde des partisans d’Abdülhamid II, créent le doute. L’aile nationaliste la plus radicale des Jeunes-Turcs impose bientôt sa dictature par la terreur. La perte des territoires balkaniques et le flot de nouveaux réfugiés musulmans sanctuarisent l’Anatolie comme ultime espace impérial à préserver. Le Comité Union et Progrès (CUP), créé en 1907, opte pour la turquification de l’espace, des hommes et de l’économie, et pour le panturquisme, alliance des peuples turcophones des Balkans à l’Asie centrale ».
« Au printemps 1914 déjà, les persécutions des Grecs des îles de l'Égée orientale et des zones côtières, et leur déportation vers le centre de l'Anatolie sous le couvert de la sécurité, sont de mauvais augure ».
Détruire
La « Première Guerre mondiale a inauguré de nouvelles pratiques de violence visant les populations civiles, des massacres de masse légitimés au nom d’idéaux supérieurs. La guerre s’est affirmée comme un cadre propice. Le cas emblématique des Arméniens, visant les propres sujets d’un État décrétés « ennemis intérieurs » par l'État dont ils sont les citoyens, a inauguré ».
« Parti unique, contrôlant tous les rouages administratifs et militaires, le Comité Union et Progrès (CUP) entrera en guerre en novembre 1914 aux côtés de l’Allemagne avec la claire conscience qu’il se créait ainsi l’opportunité de réaliser son projet de construction d’un État-nation turc, en éradiquant tous les groupes susceptibles de l'entraver ».
« Dès le 3 août 1914, un décret de mobilisation générale, incluant les Arméniens, avait été promulgué. Le Comité central du CUP décide aussi de la formation d’une organisation spéciale (OS), la Teşkilât-ı Mahsusa, un groupe paramilitaire chargé de la lutte contre les « tumeurs internes ». L’entrée en guerre permet également de légitimer les réquisitions militaires, s’apparentant à un pillage, visant entrepreneurs arméniens et grecs ».
La « terminologie des Unionistes, qualifiant les Arméniens de « tumeurs internes », porte l’empreinte de leur idéologie de darwinisme social, doctrine politique inspirée de la théorie de Darwin sur l’évolution des espèces par la sélection naturelle et appliquée à l’homme et aux relations sociales ».
La « guerre aidant, le projet de turcisation de l’espace anatolien se transforme en entreprise d’extermination des Arméniens, étendue à d’autres communautés de chrétiens d’Orient, dont les syriaques. Le CUP parvient à mobiliser autour de lui les notables de province, les chefs tribaux et les cadres de l’administration et de l’armée, presque tous membres du parti ».
Le « désastre militaire de Sarıkamış sur le front du Caucase face aux Russes, les 2 et 3 janvier 1915, a certainement décidé le Comité central jeune-turc à compenser ces revers cinglants par une politique intérieure encore plus radicale à l’égard des Arméniens, avec l’appui de l’OS ».
« L’offensive ottomane sur le front caucasien s’accompagne déjà de massacres localisés, le long de la frontière avec la Russie et la Perse. La population arménienne d’une vingtaine de villages est massacrée, y compris en Azerbaïdjan persan, où des chefs tribaux kurdes se joignent aux contingents de l’armée ottomane ».
Enver Pacha (1881-1922) « est un des chefs du mouvement jeune-turc et de la révolution constitutionnelle de 1908. Acteur de la radicalisation ultra-nationaliste et dictatoriale du régime, il est ministre de la Guerre de l’Empire ottoman pendant le premier conflit mondial, qu’il choisira de mener aux côtés de l’Allemagne. Sur ordre du ministre de la Guerre Enver Pacha, le 28 février 1915, les dizaines de milliers de conscrits arméniens servant dans la IIIe Armée sont désarmés et versés dans des bataillons de travail ou exécutés. À partir de mai, c’est au tour des hommes de 16 à 60 ans ».
« D’abord télégraphiste à Salonique, Talaat Pacha adhère au mouvement jeune-turc et devient, après la révolution de 1908, ministre des Postes, puis ministre de l’Intérieur et Grand Vizir. Il est l’un des architectes principaux du génocide des Arméniens. Le 24 avril, sur ordre du ministre de l’Intérieur, Talaat Pacha (1874-1921), les élites arméniennes de Constantinople sont arrêtées et éliminées quelques semaines plus tard ».
« L’élimination des Arméniens des six vilayet, subdivision administrative équivalente à une province, orientaux, leur territoire historique, apparaît comme une priorité. Les convois de déportés – femmes, enfants, vieillards – sont méthodiquement supprimés en cours de route. Peu d’entre eux arrivent jusqu’aux « lieux de relégation ». En revanche, un plus grand nombre de ceux d’Anatolie occidentale ou de Thrace, expédiés vers la Syrie de juillet à septembre 1915, souvent par train, parviennent au moins jusqu’en Cilicie ».
« L’ultime étape du processus de destruction a pour cadre les vingt-cinq camps de concentration de Syrie et de Haute-Mésopotamie mis en place à partir d’octobre 1915, et qui accueillent environ 800 000 déportés. D’avril à décembre 1916, quelque 500 000 Arméniens qui y survivent encore sont systématiquement massacrés, en particulier sur les sites de Ras ul-Ayn etDeir es-Zor ».
Au « lendemain de l’armistice de Moudros (30 octobre 1918), on recense quelque 300 000 rescapés, principalement des femmes et des enfants, qui pourront retourner dans leurs foyers ou seront recueillis dans des refuges et des orphelinats gérés par des organisations caritatives arméniennes ou étrangères, dont le Near East Relief américain ».
Le bilan :
« Environ 2 millions d’Arméniens dans l’Empire ottoman en 1914.
Victimes
Environ 1,3 million de morts :
• 120 000 soldats arméniens mobilisés dans la IIIeArmée (couvrant les six vilayet orientaux), tués par petits groupes, entre janvier et février 1915, ou versés dans des bataillons de travail.
• Plusieurs centaines de représentants de l’élite arménienne arrêtés le 24 avril 1915, à Constantinople comme dans les villes de province, internés puis assassinés.
• Des dizaines de milliers d’hommes, âgés de 40 à 60 ans, massacrés entre avril et août 1915, principalement dans les six vilayet arméniens.
• 1 040 782 Arméniens, essentiellement des femmes, des enfants et des vieillards, déportés entre avril et le début de l’automne 1915 en 306 convois.
• Près de 400 000 morts dans les camps de concentration d’octobre 1915 à juin 1916.
• Près de 300 000 autres internés des camps massacrés entre juillet et novembre 1916.
Rescapés
Environ 700 000 Arméniens ottomans :
• Plusieurs dizaines de milliers, en dehors des provinces orientales, à ne pas avoir été déportés (80 000 à Constantinople, 10 000 à Smyrne).
• Plusieurs dizaines de milliers à avoir fui vers le Caucase russe.
• Des milliers d’artisans et leurs familles convertis et maintenus sur place.
• Environ 100 000 rescapés des camps ou des lieux de relégation retrouvés en Syrie, en Mésopotamie, en Palestine, en Jordanie, au Sinaï ».
Exclure
Edité à Constantinople en 1916 « alors que s’achève l’extermination des Arméniens de l’Empire ottoman », Vérité sur le mouvement révolutionnaire et les mesures gouvernementales « pose la première pierre de l’édifice négationniste ».
Avec « la création de la République de Turquie en 1923, les preuves du programme d’extermination administrées lors des Procès par des tribunaux turcs, au lendemain de la guerre, des principaux responsables du génocide des Arméniens, et condamnés à mort par contumace (1919-1920).procès de Constantinople sont effacées, et les rescapés revenus dans leurs foyers à nouveau chassés ».
Le « premier recensement de la Turquie républicaine en 1927 ne comptabilise plus que 65 000 Arméniens. Dans l’histoire officielle de la Turquie, rédigée dans les années 1930, l’Arménie n’est pas mentionnée, comme si les Arméniens n’avaient existé que comme rebelles et traîtres à la patrie. Les assassins de la mémoire prennent le relais des tueurs ».
En 1948, l'apparition du vocable « génocide » - forgé par Raphaël Lemkin en 1943 - « comme infraction du droit pénal international », inspire les revendications des Arméniens, en diaspora et en Union soviétique dont l'Arménie est une des "républiques socialistes soviétiques".
Dès 1965, des associations arméniennes réclament la « reconnaissance du génocide perpétré en 1915-1916. La Turquie met alors en place un négationnisme d’État centré sur la récusation de l’intention criminelle, la réduction du nombre des victimes, voire, dans une forme extrême, le retournement de l’accusation : ce sont les Arméniens qui ont perpétré un génocide des Turcs ! »
« À toute reconnaissance du génocide par un État, un parlement, une ville, le gouvernement turc réplique par des mesures diplomatiques, économiques (et juridiques à l’encontre de ses citoyens) ».
« Tandis que la recherche scientifique conduite par historiens et juristes confirme la réalité d’un génocide, l’obstination à nier cette évidence des gouvernements turcs successifs est de plus en plus dénoncée par une société civile turque consciente que le rétablissement de la vérité historique est un gage de démocratie ».
L’exposition offre les regards contemporains de deux photographes : Pascaline Marre avec sa série de photographies réalisées de 2005 à 2012 Fantômes d’Anatolie, regard sur le génocide Arménien, et Bardig Kouyoumdjian avec ses clichés (1998-2002) réunis dans Deir-es-Zor, sur les traces du génocide arménien de 1915 (avec Christine Simeone).
Reconnaissance par l'Allemagne
Le 24 avril 2016, diverses cérémonies ont marqué, principalement en Arménie, en France, aux Etats-Unis et en Israël, le 101e anniversaire du génocide des Arméniens.
Le 2 juin 2016, la quasi-totalité des députés allemands ont adopté à main-levée une résolution sur la « commémoration du génocide des Arméniens et autres minorités chrétiennes dans les années 1915 et 1916 ». Et ce, en l'absence de la chancelière Angela Merkel, du vice-chancelier, président du Parti social-démocrate (SPD), Sigmar Gabriel et du ministre des affaires étrangères allemand Frank-Walter Steinmeier.
"Rédigée par Cem Özdemir, coprésident du groupe écologiste au Bundestag – et lui-même d’origine turque –, cette résolution était non seulement portée par les Verts mais aussi par l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et le SPD. Lors de la réunion de son groupe parlementaire, mardi 31 mai, Angela Merkel a d’ailleurs approuvé le texte. On peut notamment y lire" que le Bundestag « déplore les actes commis par le gouvernement Jeunes-Turcs de l’époque, qui ont conduit à l’extermination quasi totale des Arméniens ». Le texte déplore également « le rôle déplorable du Reich allemand qui, en tant que principal allié militaire de l’Empire ottoman (…) n’a rien entrepris pour arrêter ce crime contre l’humanité ». « L’Empire allemand porte une part de responsabilité dans ces événements. »
Pendant le débat au Bundestag, "plusieurs intervenants ont tenu à rappeler que « le gouvernement turc actuel n’est pas responsable du génocide ». Dans une tribune publiée dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung de jeudi, Volker Kauder, le président du groupe CDU-CSU au Bundestag, explique qu’« aucun reproche » n’est fait au peuple turc, mais que le Bundestag ne fait que « décrire un crime contre l’humanité », reconnu comme tel par les historiens. Il exprime « l’espoir que la Turquie et l’Arménie se réconcilient ». Ce qu’a aussi souhaité Cem Özdemir dans son discours au Bundestag".
L’Arménie a salué « un apport appréciable de l’Allemagne à la reconnaissance et à la condamnation internationale du génocide arménien ».
« La Turquie a réagi (...), et j’espère que nous arriverons dans les jours et les semaines à venir à éviter qu’il y ait des réactions excessives », a déclaré Frank-Walter Steinmeier, en visite en Argentine.
"En juin 1915, l’attaché naval allemand, Hans Humann, écrivait notamment : « En raison de leur complot avec les Russes, les Arméniens sont plus ou moins exterminés. C’est dur mais nécessaire. » Les Arméniens estiment à 1,5 million le nombre de victimes de ce génocide, reconnu par une vingtaine de pays, dont la France. Ce rôle de Berlin dans le génocide – longtemps sous-estimé – explique en partie que l’Allemagne ait tardé à le reconnaître officiellement". Dans une Allemagne où vivent des millions d'habitants turcs ou originaires de Turquie, ces faits sont tabous. "Ainsi, 537 associations turques ont récemment écrit aux députés en leur demandant de ne pas approuver la résolution. Lors de l’ouverture du débat, le président du Bundestag, Norbert Lammert, a fait part de « menaces de mort », « inacceptables », reçues par des députés, notamment issus de l’immigration".
La "troisième raison pour laquelle le texte est sensible est bien sûr la crise des migrants. Depuis octobre 2015, Angela Merkel a mis la Turquie au centre de la stratégie européenne pour tenter d’en limiter l’arrivée dans l’UE. Ces efforts ont abouti à l’accord conclu en mars qui prévoit notamment le renvoi en Turquie des réfugiés se rendant en Grèce. La résolution des Verts aurait initialement dû être débattue en février. C’est sous la pression de la CDU et du SPD que la discussion a été reportée à juin. En contrepartie, la CDU avait assuré aux Verts qu’elle l’approuverait".
Ces "derniers jours, le président Erdogan a téléphoné à Angela Merkel, la mettant en garde contre les conséquences d’un tel vote sur les relations bilatérales. C’est une des raisons pour lesquelles le ministre des affaires étrangères, M. Steinmeier, est très réservé sur le texte".
Cependant, "Berlin semble espérer qu’au-delà de protestations formelles, Ankara ne décidera pas des représailles concrètes contre l’Allemagne. Le pays est trop isolé sur la scène internationale, et son nouveau premier ministre, Binali Yildririm, aurait comme objectif, selon le quotidien turc" Hürriyet, d’avoir « plus d’amis et moins d’ennemis ».
TROIS QUESTIONS À CLAIRE MOURADIAN, co-commissaire de l’exposition
« Que signifie la date du 24 avril fixée pour la commémoration du génocide des Arméniens ?
Si le processus du génocide a déjà commencé dans les provinces (désarmement des conscrits arméniens affectés à des bataillons de travail puis exécutés, destitution des fonctionnaires, massacres dans les villages de la zone du front caucasien), c’est dans le contexte de la bataille des Dardanelles, à la veille du débarquement des troupes franco-anglaises à Gallipoli que, le 24 avril 1915, les élites arméniennes de la capitale Constantinople (plusieurs centaines : députés, leaders politiques, journalistes, écrivains, médecins, avocats, intellectuels, marchands, etc.), sont arrêtées, déportées, puis assassinées par vagues successives. La nation arménienne est décapitée symboliquement.
Pouvez-vous retracer les dates clés et les grandes phases du génocide ?
Le génocide est un processus. Il s’inscrit dans la continuité des massacres de masse de l’époque hamidienne (1894-1896), puis d’Adana (1909). Sur le temps court, il se déroule dans le contexte des défaites ottomanes dans les guerres balkaniques qui ont réduit l’empire à l’Anatolie, et surtout de la Grande Guerre. L’échec cuisant de l’offensive lancée par le ministre de la Guerre, Enver Pacha, sur le front caucasien à l’hiver 1914-1915, détermine la recherche de boucs-émissaires. Vivant de part et d’autre de la frontière entre deux empires ennemis, et stigmatisés de longue date, les Arméniens sont tout désignés. Après l’exécution des soldats désarmés dès fin février 1915, puis des élites de la capitale (24 avril) et des grandes villes, commencent les massacres sur place ou les déportations de la population civile, d’abord dans les provinces orientales (printemps-été 1915), puis celles de l’ouest loin du front (été-automne 1915). Les rescapés des longues marches de la mort vers les déserts de Syrie et d’Irak y sont regroupés dans des camps de concentration, avant d’être exterminés systématiquement entre avril et décembre 1916. Une ultime phase d’éradication de la population arménienne aura lieu en 1920- 1922, lorsque les rescapés qui ont tenté de revenir dans leurs foyers avec le soutien de l’Entente victorieuse, en sont chassés par l’armée de Mustafa Kémal.
En 2021, quelle est l’actualité sur le génocide des Arméniens dans la recherche scientifique et la diffusion de cette histoire au grand public ?
Le centenaire de 1915 a été un point d’orgue de la recherche avec de multiples conférences, publications, expositions, documentaires, films, etc. en France et dans le monde. Parmi les travaux récents, on peut citer l’enquête de Taner Akçam sur l’authenticité des télégrammes envoyant les ordres de tuer du pouvoir, une remarquable biographie de Talaat Pacha, l’architecte du génocide, par Hans-Lukas Kieser, les ouvrages de Stefan Ihrig qui démontrent la filiation entre l’idéologie des Jeunes-Turcs et celle des nazis, des monographies locales, les nombreux récits de vie des survivants et de leurs descendants qui portent sur la mémoire et sa transmission. Des chercheurs turcs en nombre croissant entreprennent de travailler courageusement sur les différents aspects de ce sujet tabou dans leur pays (criminels, spoliations, transmission de la mémoire), sans toujours arrêter l’ardeur des négationnistes. Les reconnaissances officielles des événements de 1915 comme «génocide» contribuent aussi au progrès de la connaissance. C’est le cas en France décret du 11 avril 2019 instaurant le 24 avril comme «journée nationale» de commémoration du génocide des Arméniens, ou de la reconnaissance par le Congrès américain (12 décembre 2019). »
ADDENDUM
Le 2 juin 2016, la quasi-totalité des députés allemandes ont adopté à main-levée une résolution sur la « commémoration du génocide des Arméniens et autres minorités chrétiennes dans les années 1915 et 1916 ». Ce texte reconnait la responsabilité des Jeunes Turcs et de l'Allemagne, alliée de l'Empire allemand dans le génocide des Arméniens en 1915-1916.
L’orchestre symphonique de Dresde "devait se produire à Istanbul (Turquie), le 13 novembre 2016, pour présenter son projet qui prône la réconciliation entre les turcs et les arméniens. Mais la représentation "n’a pas eu lieu.
Le "ministère allemand des Affaires étrangères a annoncé l’annulation d’un concert commémorant le génocide arménien qui devait se tenir en novembre dans son consulat à Istanbul. Le spectacle intitulé Aghet – terme utilisé en arménien pour évoquer le massacre de 1915 – a été créé en 2015 par l’orchestre symphonique de Dresde pour le centenaire du génocide et prône la réconciliation des peuples en mêlant des artistes turcs et arméniens".
"Pour expliquer cette annulation, le ministère des Affaires étrangères allemand a invoqué un problème technique : « Les locaux du consulat général à Istanbul ne sont pas disponibles le 13 novembre ». L’orchestre symphonique de Dresde avait invité le président turc Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre Binali Yıldırım à venir assister à la représentation de ce concert « dédié aux plaies du passé turc et arménien ». Le gouvernement allemand a tenu à se désolidariser de cette démarche en indiquant qu’il n’avait pas participé à l’envoi de ces invitations".
"Dans le passé, la Turquie a fait plusieurs fois part de son opposition à ce projet artistique. Le pays a réclamé que le terme de génocide ne soit pas employé par l’orchestre, et a récemment décidé de se retirer du programme « Europe créative » qui finance ce spectacle".
La "question du génocide est un sujet sensible entre les deux pays. Le 2 juin 2016, l’Allemagne a adopté une résolution reconnaissant le génocide arménien, qui invoquait « le rôle déplorable du Reich allemand qui, en tant que principal allié militaire de l’Empire ottoman (…) n’a rien entrepris pour arrêter ce crime contre l’humanité ». Quelques minutes après ce vote, la Turquie avait qualifiée l’adoption de ce texte « d’erreur historique », et avait décidé de rappeler son ambassadeur à Berlin".
Le 22 avril 2017, The New York Times a révélé que Taner Akcam, historien turc à la Clark University, a découvert parmi des archives détenues par le Patriarche arménien de Jérusalem, un télégramme qui avait été présenté devant des tribunaux militaires ayant condamné des dirigeants turcs responsables de ce génocide, avait été égaré, et qui prouve la préméditation de ce génocide.
Le 24 avril 2017, a été commémoré le 102e anniversaire de ce génocide. Le Président de la République François Hollande a annoncé que les établissements scolaires consacreront chaque année, « une semaine [à] la recherche sur les génocides, les crimes contre l'humanité et les crimes de masse » ; cette semaine débutera symboliquement le 24 avril, date commémorative du génocide arménien. Et ce afin de permettre aux élèves « de réfléchir sur les violences extrêmes, à travers notamment l'exemple du génocide arménien ». The New York Times a révélé que Taner Akcam, historien turc à la Clark University, a découvert parmi des archives détenues par le Patriarche arménien de Jérusalem, un télégramme qui avait été présenté devant des tribunaux militaires ayant condamné des dirigeants turcs responsables de ce génocide, avait été égaré, et qui prouve la préméditation de ce génocide.
"Après la France, l’Italie et la Russie, les députés néerlandais ont voté massivement, le 22 février 2018, en faveur de la reconnaissance du génocide arménien et de l’envoi d’un représentant du gouvernement à Erevan, le 24 avril 2018, pour la commémoration des massacres perpétrés entre 1915 et 1917".
Lors du dîner annuel du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), le 30 janvier 2018, le Président de la République Emmanuel Macron s’est engagé à faire inscrire au calendrier une « journée pour la commémoration du génocide » arménien. Le "chef de l’Etat, qui se rendra en octobre en Arménie lors du sommet de la francophonie à Erevan, a toutefois refusé de condamner la Turquie". Le Président Emmanuel Macron a défendu "sa politique de dialogue avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, qu’il a reçu début janvier 2018. « Beaucoup doutent du bien-fondé du dialogue avec la Turquie. Mais j’estime que cela condamnerait le message de la France à n’être qu’une injonction dans le vide. » D’autant que, sur le terrorisme ou encore la crise migratoire, « nous avons besoin d’alliés, y compris ceux qui ne partagent pas nos valeurs », a souligné M. Macron. La France « soutient les voix courageuses qui s’élèvent », a-t-il argué, « condamner pour ne pas avoir à discuter, c’est les laisser seules ou obligées de quitter le pays ». Il a ensuite chaleureusement salué Garo Paylan [député turc d'origine arménienne et membre du Parti démocratique des peuples (HDP)] qu’il a promis de soutenir « pour que sa voix puise porter et l’emporter ». « J’assume ce déséquilibre, ce choix plus difficultueux, (…) moins glorieux que de grandes déclarations, mais plus utile. » Le chef de l'Etat "était l’invité d’honneur de ce rendez-vous, animé par André Manoukian et réunissant 500 personnes de la communauté arménienne dans un hôtel parisien".
« 1375 Disparition du dernier royaume arménien.
XVIe-XVIIIe s. L’Arménie est partagée entre les Ottomans et les Persans. Début de la poussée russe au Caucase.
1774 Traité de Kutchuk-Kainardji. Victorieux, les Russes imposent une clause de protection des chrétiens orthodoxes de l’Empire ottoman. Début de la « Question d’Orient ».
1828-1829 Annexion de l’Arménie orientale par les Russes.
1839 Hatt-i Shariff de Gülhane, première charte sur l’égalité des droits dans l’Empire ottoman.
1856 Traité de Paris et Hatt-i Humayoun, seconde charte.
1878 Congrès de Berlin à l’issue d’une nouvelle guerre russo-turque. Annexion par la Russie de Kars, Ardahan et Batoum au Caucase. La Question arménienne entre sur la scène internationale dans le cadre de la Question d’Orient.
1894-1896 Massacres des Arméniens par le sultan Abdülhamid II (plus de 200000 morts).
28 juillet 1908 Révolution constitutionnelle Jeune-Turque. Enthousiasme puis déception des minorités.
1909 Massacres d’Adana.
Eté 1914 Début de la Première Guerre. L’Empire ottoman entre dans le conflit aux côtés des puissances centrales début novembre et proclame le djihad.
novembre 1914-janvier 1915 L’offensive ottomane au Caucase se termine par le désastre de Sarıkamış.
1915-1916 Génocide des Arménien perpétré par le gouvernement jeune-turc (1,3 à 1,5 million de victimes).
Janvier-février 1916 L’offensive russe aboutit à la prise d’Erzerum.
Avril-juillet 1916 Prise par les Russes de Trébizonde, Bayburt et Erzincan.
Août-septembre 1916 Entrée en action de la IIe Armée ottomane, offensive en direction de Malazgirt et contre-offensive russe.
1917 Révolutions russes. Éclatement de l’empire tsariste russe (janvier et octobre).
Février-octobre 1918 Après l’abandon du front par le pouvoir bolchevik, offensive turque contre les nouvelles Républiques indépendantes du Caucase, dont l’Arménie.
28 mai 1918- 2 décembre 1920 Indépendance au Caucase d’une République d’Arménie.
1919-1921 Foyer national arménien en Cilicie sous protection française. Mouvement kémaliste contre les projets franco-britanniques de démembrement de l’Empire ottoman.
10 août 1920 Traité de Sèvres reconnaissant, entre autres, l’indépendance de la République d’Arménie avec des frontières étendues aux vilayet orientaux, et des sanctions contre les responsables des massacres. Alliance des Kémalistes et des Bolcheviks contre les alliés franco-britanniques.
2 décembre 1920 Soviétisation de l’Arménie par l’Armée rouge. Son territoire ne comprend ni le Haut-Karabagh ni le Nakhitchevan rattachés à l’Azerbaïdjan.
1920-1922 Guerre gréco-turque en Anatolie.
22 septembre 1922 Prise et incendie de Smyrne par les troupes kémalistes. Début de l’arrivée des réfugiés grecs et arméniens à Marseille.
24 juillet 1923 Traité de Lausanne annulant celui de Sèvres et créant une République turque réduite aux frontières de l’Anatolie et de la Thrace en Europe et de Constantinople devenue Istanbul. Les Arméniens sont interdits de retour. Une déclaration d’amnistie assure l’impunité aux massacreurs ».
Du 22 mars au 11 juillet 2021
Au Mémorial de la Shoah de Drancy
L’orchestre symphonique de Dresde "devait se produire à Istanbul (Turquie), le 13 novembre 2016, pour présenter son projet qui prône la réconciliation entre les turcs et les arméniens. Mais la représentation "n’a pas eu lieu.
Le "ministère allemand des Affaires étrangères a annoncé l’annulation d’un concert commémorant le génocide arménien qui devait se tenir en novembre dans son consulat à Istanbul. Le spectacle intitulé Aghet – terme utilisé en arménien pour évoquer le massacre de 1915 – a été créé en 2015 par l’orchestre symphonique de Dresde pour le centenaire du génocide et prône la réconciliation des peuples en mêlant des artistes turcs et arméniens".
"Pour expliquer cette annulation, le ministère des Affaires étrangères allemand a invoqué un problème technique : « Les locaux du consulat général à Istanbul ne sont pas disponibles le 13 novembre ». L’orchestre symphonique de Dresde avait invité le président turc Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre Binali Yıldırım à venir assister à la représentation de ce concert « dédié aux plaies du passé turc et arménien ». Le gouvernement allemand a tenu à se désolidariser de cette démarche en indiquant qu’il n’avait pas participé à l’envoi de ces invitations".
"Dans le passé, la Turquie a fait plusieurs fois part de son opposition à ce projet artistique. Le pays a réclamé que le terme de génocide ne soit pas employé par l’orchestre, et a récemment décidé de se retirer du programme « Europe créative » qui finance ce spectacle".
La "question du génocide est un sujet sensible entre les deux pays. Le 2 juin 2016, l’Allemagne a adopté une résolution reconnaissant le génocide arménien, qui invoquait « le rôle déplorable du Reich allemand qui, en tant que principal allié militaire de l’Empire ottoman (…) n’a rien entrepris pour arrêter ce crime contre l’humanité ». Quelques minutes après ce vote, la Turquie avait qualifiée l’adoption de ce texte « d’erreur historique », et avait décidé de rappeler son ambassadeur à Berlin".
Le 22 avril 2017, The New York Times a révélé que Taner Akcam, historien turc à la Clark University, a découvert parmi des archives détenues par le Patriarche arménien de Jérusalem, un télégramme qui avait été présenté devant des tribunaux militaires ayant condamné des dirigeants turcs responsables de ce génocide, avait été égaré, et qui prouve la préméditation de ce génocide.
Le 24 avril 2017, a été commémoré le 102e anniversaire de ce génocide. Le Président de la République François Hollande a annoncé que les établissements scolaires consacreront chaque année, « une semaine [à] la recherche sur les génocides, les crimes contre l'humanité et les crimes de masse » ; cette semaine débutera symboliquement le 24 avril, date commémorative du génocide arménien. Et ce afin de permettre aux élèves « de réfléchir sur les violences extrêmes, à travers notamment l'exemple du génocide arménien ». The New York Times a révélé que Taner Akcam, historien turc à la Clark University, a découvert parmi des archives détenues par le Patriarche arménien de Jérusalem, un télégramme qui avait été présenté devant des tribunaux militaires ayant condamné des dirigeants turcs responsables de ce génocide, avait été égaré, et qui prouve la préméditation de ce génocide.
"Après la France, l’Italie et la Russie, les députés néerlandais ont voté massivement, le 22 février 2018, en faveur de la reconnaissance du génocide arménien et de l’envoi d’un représentant du gouvernement à Erevan, le 24 avril 2018, pour la commémoration des massacres perpétrés entre 1915 et 1917".
Lors du dîner annuel du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), le 30 janvier 2018, le Président de la République Emmanuel Macron s’est engagé à faire inscrire au calendrier une « journée pour la commémoration du génocide » arménien. Le "chef de l’Etat, qui se rendra en octobre en Arménie lors du sommet de la francophonie à Erevan, a toutefois refusé de condamner la Turquie". Le Président Emmanuel Macron a défendu "sa politique de dialogue avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, qu’il a reçu début janvier 2018. « Beaucoup doutent du bien-fondé du dialogue avec la Turquie. Mais j’estime que cela condamnerait le message de la France à n’être qu’une injonction dans le vide. » D’autant que, sur le terrorisme ou encore la crise migratoire, « nous avons besoin d’alliés, y compris ceux qui ne partagent pas nos valeurs », a souligné M. Macron. La France « soutient les voix courageuses qui s’élèvent », a-t-il argué, « condamner pour ne pas avoir à discuter, c’est les laisser seules ou obligées de quitter le pays ». Il a ensuite chaleureusement salué Garo Paylan [député turc d'origine arménienne et membre du Parti démocratique des peuples (HDP)] qu’il a promis de soutenir « pour que sa voix puise porter et l’emporter ». « J’assume ce déséquilibre, ce choix plus difficultueux, (…) moins glorieux que de grandes déclarations, mais plus utile. » Le chef de l'Etat "était l’invité d’honneur de ce rendez-vous, animé par André Manoukian et réunissant 500 personnes de la communauté arménienne dans un hôtel parisien".
CHRONOLOGIE
« 1375 Disparition du dernier royaume arménien.
XVIe-XVIIIe s. L’Arménie est partagée entre les Ottomans et les Persans. Début de la poussée russe au Caucase.
1774 Traité de Kutchuk-Kainardji. Victorieux, les Russes imposent une clause de protection des chrétiens orthodoxes de l’Empire ottoman. Début de la « Question d’Orient ».
1828-1829 Annexion de l’Arménie orientale par les Russes.
1839 Hatt-i Shariff de Gülhane, première charte sur l’égalité des droits dans l’Empire ottoman.
1856 Traité de Paris et Hatt-i Humayoun, seconde charte.
1878 Congrès de Berlin à l’issue d’une nouvelle guerre russo-turque. Annexion par la Russie de Kars, Ardahan et Batoum au Caucase. La Question arménienne entre sur la scène internationale dans le cadre de la Question d’Orient.
1894-1896 Massacres des Arméniens par le sultan Abdülhamid II (plus de 200000 morts).
28 juillet 1908 Révolution constitutionnelle Jeune-Turque. Enthousiasme puis déception des minorités.
1909 Massacres d’Adana.
Eté 1914 Début de la Première Guerre. L’Empire ottoman entre dans le conflit aux côtés des puissances centrales début novembre et proclame le djihad.
novembre 1914-janvier 1915 L’offensive ottomane au Caucase se termine par le désastre de Sarıkamış.
1915-1916 Génocide des Arménien perpétré par le gouvernement jeune-turc (1,3 à 1,5 million de victimes).
Janvier-février 1916 L’offensive russe aboutit à la prise d’Erzerum.
Avril-juillet 1916 Prise par les Russes de Trébizonde, Bayburt et Erzincan.
Août-septembre 1916 Entrée en action de la IIe Armée ottomane, offensive en direction de Malazgirt et contre-offensive russe.
1917 Révolutions russes. Éclatement de l’empire tsariste russe (janvier et octobre).
Février-octobre 1918 Après l’abandon du front par le pouvoir bolchevik, offensive turque contre les nouvelles Républiques indépendantes du Caucase, dont l’Arménie.
28 mai 1918- 2 décembre 1920 Indépendance au Caucase d’une République d’Arménie.
1919-1921 Foyer national arménien en Cilicie sous protection française. Mouvement kémaliste contre les projets franco-britanniques de démembrement de l’Empire ottoman.
10 août 1920 Traité de Sèvres reconnaissant, entre autres, l’indépendance de la République d’Arménie avec des frontières étendues aux vilayet orientaux, et des sanctions contre les responsables des massacres. Alliance des Kémalistes et des Bolcheviks contre les alliés franco-britanniques.
2 décembre 1920 Soviétisation de l’Arménie par l’Armée rouge. Son territoire ne comprend ni le Haut-Karabagh ni le Nakhitchevan rattachés à l’Azerbaïdjan.
1920-1922 Guerre gréco-turque en Anatolie.
22 septembre 1922 Prise et incendie de Smyrne par les troupes kémalistes. Début de l’arrivée des réfugiés grecs et arméniens à Marseille.
24 juillet 1923 Traité de Lausanne annulant celui de Sèvres et créant une République turque réduite aux frontières de l’Anatolie et de la Thrace en Europe et de Constantinople devenue Istanbul. Les Arméniens sont interdits de retour. Une déclaration d’amnistie assure l’impunité aux massacreurs ».
Du 22 mars au 11 juillet 2021
Au Mémorial de la Shoah de Drancy
110-112 avenue Jean-Jaurès. 93700 Drancy
Tél. : 01 42 77 44 72
Du 3 novembre 2016 au 16 décembre 2016
A la Maison du Gardien du Parc Jouvet à Valence
26000 Valence
Tél. : 04 75 80 13 03
Au Centre de la mémoire arménienne
32 rue du 24 avril 1915. 69150 Décines
Tél. : 04 72 05 13 13
Du 25 janvier au 9 février 2016
A la Licra de Reims
122 bis rue du Barbâtre. 51100 Reims
Tél. : 03 26 85 25 18
Au Mémorial de la Shoah
17, rue Geoffroy-l'Asnier. 75004 Paris
Tél. : +(0)1 42 77 44 72
Entrée libre. Tous les jours sauf le samedi de 10 h à 18 h, et le jeudi jusqu’à 22 h
Visuels
Affiche
Les rescapées du génocide rencontrées au Liban, 1998-2001
© Bardig-Kouyoumdjian (Deir-es-Zor, sur les traces du génocide arménien de 1915)
L’Assiette au beurre, France, n° 72, 16 août 1902.
Coll. Claire Mouradian
Déclaration du djihad par le Seykh ul-Islam, en présence des dirigeants Jeunes-Turcs. Photographie Constantinople, Empire ottoman, 13 novembre 1914.
© DR, The World's Work, 1918
Ani, église Surp Pergich
© Pascaline Marre, 2014 [Fantômes d'Anatolie, regards sur le génocide arménien]
Villageois kurdes dans le quartier arménien de Van, 1916.
Photographie Aram Vrouyr
© DR, Coll. Musée d'Histoire d'Arménie.
Les rescapées du génocide rencontrées au Liban, 1998-2001
© Bardig-Kouyoumdjian (Deir-es-Zor, sur les traces du génocide arménien de 1915)
L’Assiette au beurre, France, n° 72, 16 août 1902.
Coll. Claire Mouradian
Déclaration du djihad par le Seykh ul-Islam, en présence des dirigeants Jeunes-Turcs. Photographie Constantinople, Empire ottoman, 13 novembre 1914.
© DR, The World's Work, 1918
Ani, église Surp Pergich
© Pascaline Marre, 2014 [Fantômes d'Anatolie, regards sur le génocide arménien]
Villageois kurdes dans le quartier arménien de Van, 1916.
Photographie Aram Vrouyr
© DR, Coll. Musée d'Histoire d'Arménie.
Chromolithographie publicitaire sur les massacres hamidiens de 1894-1896.
Coll. Claire Mouradian.
Chromolithographie publicitaire sur les massacres hamidiens de 1894-1896.
Coll. Claire Mouradian.
L’Assiette au beurre, France, n° 72, 16 août 1902.
Coll. Claire Mouradian
© DR Historical Institute of German Bunk, Eastern office record, 1704.
Camp de concentration de Meskene, sur la ligne de l'Euphrate.
Photograpphie Armin Wegner.
© DR Coll. des PP Mekhitaristes de Venise.
Convoi de déportés près de Susehri, près de Zara, sur la route de Sivas.
Photographie Viktor Pietschmann,
© DR, Naturhistorischen Museum, Vienne.
Déportés du camp de Abuharar, situé sur la Ligne de l'Euphrate.
Photographie Armin Wegner
© DR, Coll. des PP Mékhitaristes de Venise
Convoi d'Arméniens extraits du Konak Rouge de Mezre sous escorte pour une destination inconnue.
© DR, Coll. des PP Mékhitaristes de Venise.
Convoi d'Arméniens fuyant vers le Caucase,
photographiés à quelques kilomètres de Kizilkilise
© DE, Coll. Bibliothèque Nubar
Malatya, cimetière arménien, quartier Kiltepan
© Pascaline Marre, 2014 [Fantômes d'Anatolie, regards sur le génocide arménien]
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