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mercredi 25 août 2021

« Journal d'un médecin de ville » de Nicolas Mesdom

Arte diffusera le 25 août 2021, dans le cadre de « La vie en face 2021 », « Journal d'un médecin de ville » (Der Hausarzt) de Nicolas Mesdom. « Après plus de trois décennies d’exercice en région parisienne, un médecin généraliste s’apprête à prendre sa retraite. Le tableau éclairant d’une société fragilisée et d’un système de santé défaillant ».

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Les médecins Juifs militaires ou dans les Armées
Nouveaux vols impunis dans des hôpitaux publics français
L’affaire Krief, exemple d’antisémitisme d’Etat (version courte)

Maillon essentiel dans le système de santé français, le médecin de famille,  de ville ou généraliste est dédaigné par les pouvoirs publics. Un signe récent : dans sa gestion catastrophique de la pandémie de coronavirus début 2020, le gouvernement français du Premier ministre Edouard Philippe a écarté les médecins généralistes de la prise en charge des malades et a, avec l'accord de l'Ordre des médecins, annihilé leur liberté de prescrire certains médicaments. Ce qui a induit l'arrivée, après sélection par le SAMU, de patients à l'état grave dans des services de réanimation engorgés et la mort de médecins manquant de masques début 2020.

Un médecin de famille, si recherché, si rare que des moteurs de recherche tel HapiCare aide à le grand public à en trouver un et à prendre rendez-vous en ligne.

"Selon le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM), les effectifs en médecine générale n’ont cessé de reculer depuis 2007, soit une baisse de -10,3 % et cette tendance devra se poursuivre jusqu’en 2020. En 2015, le Cnom a recensé 58 104 médecins généralistes en 2015, contre 64 778 sept ans plus tôt. Le constat est donc sans appel : les généralistes seront de moins en moins nombreux dans certains territoires."

"En 2007, près de la moitié des praticiens exerçaient pour leur propre compte. Ce chiffre est tombé à 44 % aujourd'hui. Beaucoup d’observateurs redoutent ainsi la fin des médecins de famille, bien que de nombreux experts jugent ce discours trop alarmiste."

Les déserts médicaux ne caractérisent pas seulement des territoires ruraux ou les villes moyennes. Même dans certains quartiers bourgeois de grandes villes, dont Paris, il s'avère très difficile, long et fastidieux, de convaincre un médecin généraliste d'accepter un énième patient. 
Ne parlons même pas de gériatres acceptant d'effectuer des visites à domicile auprès de personnes âgées à la mobilité réduite...  Cette pénurie inquiète patients, Ordre des médecins et pouvoirs publics.

Les raisons ? Elles sont multiples : politique catastrophique de numerus clausus réduisant drastiquement durant des décennies le nombre des médecins et induisant l'exil en Belgique ou Roumanie d'étudiants français, insuffisante valorisation des généralistes, féminisation croissante du métier accompagnée de la volonté de mener une vie familiale normale malgré un métier absorbant, perte d’attractivité de la profession libérale et 
aspirations au salariat, faible attractivité de certaines spécialités, poids de charges sociales, coût du loyer, réglementations croissantes, insécurité - vols, agressions -, disparition de dispensaires, etc. 

Les solutions appliquées, parfois avec l'aide de municipalités : réunion  de médecins en centres médicaux, multiplication de cabinets pluridisciplinaires associant médecins et kinésithérapeutes ou infirmiers, recrutement des médecins étrangers francophones venant de Roumanie ou d'Afrique du nord, desserrement du numerus clausus.

Quant à la récente réforme des études de médecine, elle se traduit en 2021, pour passer en deuxième année, par l'hécatombe d'excellents étudiants ayant réussi brillamment les épreuves écrites, et se trouvant recalés par un jury d'une épreuve orale, "comptant pour 70% du résultat final", de nature différente selon les facultés, "avec des sujets pour le moins décalés : la situation de la Grande Barrière de corail, par exemple". 
"Un oral de dix minutes sur un sujet qui n'a rien à voir avec la médecine, censé évaluer les capacités oratoires du candidat, sa personnalité et son empathie. Un oral auquel les étudiants jugent avoir été à peine préparés et qui pourtant, côté coefficient, valait à Tours autant que l'écrit. Patrice Diot est le président de la faculté de médecine de Tours et président des doyens de médecine. Selon lui, les étudiants n'étaient pas jugés sur leurs connaissances sur la barrière de corail. "On n'attend pas d'un étudiant de connaître la problématique de la barrière de corail, assure-t-il. On attend de lui qu'il manifeste un intérêt pour l'état du monde dans lequel on vit et dans lequel on va vivre, d'être capable de prendre des positions, d'argumenter, mais pas de connaître le fond. Ce n'était pas du tout cela."

"Le but de la réforme, de ces nouvelles études, est justement d'élargir, de diversifier les profils des futurs médecins. "On nous reprochait de ne pas prendre en compte les compétences et les qualités humaines dans l'évaluation et dans l'entrée dans les études de santé, poursuit-il. C'est vraiment cela, la motivation de la réforme de l'entrée dans les études de santé. Il était donc assez naturel de donner la possibilité aux étudiants d'exprimer leurs qualités au travers d'oraux et entretiens." Une forme de discrimination positive déguisée ?

"Le ministère de l'Enseignement supérieur vient tout juste d'ouvrir des places supplémentaires en deuxième année de médecine dans une quinzaine d'universités. Certains recalés de Tours pourraient donc finalement être admis".

"Le ministère de l’Enseignement supérieur assure au Figaro Etudiant, la plus-value de ces oraux qui ont «pour objectif d’évaluer par d’autres moyens que l’écrit et les QCM (Questionnaire à choix multiple), les capacités d’un étudiant à exercer un métier en santé». Il rappelle que l’ensemble de la communauté universitaire, élèves y compris, ont participé à l’élaboration des textes concernant cette nouvelle épreuve. Puis, en réaction aux témoignages d’Elyes, Esther et Elsa [étudiantes ayant témoigné auprès du journal, Ndlr], sur les différences entre les facultés, il objecte: «L’essentiel est bien qu’une même cohorte d’étudiants ait des modalités de sélection identiques. » Et de souligner : « La sélection PACES (Première année commune aux études de santé) avait d’ailleurs des modalités différentes d’une université à l’autre. »

"La vie en face"
« Pour le troisième été consécutif, ARTE ausculte les mutations de nos sociétés au travers d’une collection documentaire diffusée chaque mercredi, en deuxième et troisième parties de soirée, du 16 juin au 25 août » 2021. 
En cet été 2021 où nos vies sont bouleversées depuis plus d’un an par la crise du COVID-19, ARTE prend  le temps de se pencher sur des histoires singulières qui racontent les mutations profondes en jeu dans nos sociétés contemporaines en proposant une collection de 17 documentaires de société. Des films humains qui regardent leurs personnages avec respect et tendresse ».

Un médecin généraliste
« À quelques mois de la retraite, un médecin généraliste se prépare à laisser ses patients à son jeune successeur. Jamais la réalité du désert médical n'a été plus palpable que dans ces derniers mois de consultations où Jean-Paul et ses associés affrontent les carences d'une médecine de ville devenue le parent pauvre du système de santé français. »

« Il connaît par cœur tous ses patients. Il a vu grandir leurs enfants, suit parfois aussi leurs petits-enfants. Au fil des ans, le docteur Mesdom a aidé chacun à traverser les épreuves de la vie, à affronter les maladies saisonnières ou chroniques, les accidents en tous genres et les rappels de vaccins ». 

« Installé en région parisienne, il partage un cabinet avec deux confrères. Régulièrement présent à leurs côtés depuis quatorze mois, Thomas, qui achève sa thèse, lui succédera à son départ ». 

« Mais en attendant ce jour, le médecin de ville ne désarme pas. Les visites à domicile s’enchaînent à bon rythme et le cabinet ne désemplit pas. Auscultant les âmes qui vacillent parfois autant que les corps douloureux, le praticien aspire, lui aussi, au repos ». 
« Mais pas simple de quitter cette patientèle avec laquelle se sont noués des liens de respect et souvent d’affection ». 

« Le docteur Mesdom sait que les choses seront différentes pour son jeune remplaçant. L’époque où les médecins de ville avaient besoin d’avoir de nombreux patients, pour lesquels ils ne comptaient pas leurs heures, est révolue. Aujourd’hui, ce sont les patients qui, désespérément, cherchent un généraliste ».

« Jamais la réalité du désert médical, même dans les grandes villes, n’a été plus palpable que dans ces derniers mois de consultations où Jean-Paul Mesdom et ses associés affrontent les carences d’une médecine de ville devenue le parent pauvre du système de santé français ». 

« Suivi plusieurs mois durant dans l’exercice de sa pratique, le docteur révèle au fil des cas qui se succèdent la dureté du monde du travail, les dysfonctionnements de l'hôpital, les déboires des plus âgés face au tout numérique mis en place par l’assurance santé ». 

« Le tableau éclairant d’une société fragilisée, où la proximité et le suivi d’un généraliste se révèlent des richesses à préserver, coûte que coûte. »



« Le réalisateur Nicolas Mesdom a immortalisé les derniers mois de consultation de son père, généraliste, dans une chronique documentaire douce-amère. Entretien avec Guillemette Hervé.

Vous avez suivi votre père à quelques mois de son départ à la retraite. Comment est née l’idée ?  
Nicolas Mesdom : Certainement des nombreux récits que j'entends à table depuis l'enfance. Curieux de découvrir ce qui faisait son quotidien professionnel, cela faisait longtemps que j’imaginais un film – jamais entrepris, en partie pour des raisons de pudeur. Un an avant qu'il prenne sa retraite, je me suis retrouvé au pied du mur. C’était maintenant ou jamais. Connaissant l’engagement de mon père auprès de sa patientèle, je tenais à en laisser une trace. Je lui ai donc proposé de but en blanc de l’accompagner sur ses sept derniers mois d'exercice.

Vous vous êtes donc immergé dans l'intimité de sa relation avec ses patients... 
Il m'a suffi d'une journée de repérage pour réaliser qu'il se passait quelque chose d'extrêmement fort dans son cabinet : ce rapport intime entre un patient et son médecin raconte aussi en creux notre société. Je savais mon père très attaché à ses patients mais je n'avais pas pris la mesure de la puissance de ce lien, d'autant que la place qu'il occupe est aussi celle d'une figure paternelle symbolique : pour certains, le médecin de ville est un référent dans la famille. Si la plupart d’entre eux ont accepté d'être filmés – à notre grande surprise –, c'est certainement grâce à ce rapport de confiance. 

Pourquoi une telle sobriété dans la forme de votre documentaire ?  
Pour entrer de plain-pied dans ce rapport, justement : ce qui se joue dans son cabinet est suffisamment intense et poignant pour se passer de commentaire. Dans le respect de la modestie qui anime mon père, je devais rendre la complexité et la richesse des situations, en m’efforçant de trouver la juste place, ni effacée, ni intrusive : écouter, s’efforcer de comprendre et suspendre toute forme de jugement. Au fil des sept mois de tournage et d’une relation de confiance qui s’est tissée peu à peu, les patients ont fini par se livrer sans fard, d’autant qu’ils avaient la mainmise sur ce qui serait montré d'eux à l'écran.

Votre père semble investi d'une mission. Comment avez-vous vécu cet engagement ?  
Quand j'étais enfant, il rentrait parfois très tard le soir, épuisé et incroyablement tendu : j'ai pu mesurer à quel point il était préoccupé par son travail. Aussi loin que je me souvienne, son engagement m’a toujours rendu admiratif. Il m’a modelé, je crois. J’en suis fier et je partage ses positions, que met en lumière le documentaire. Mon père éprouve de l'amertume face à l'évolution de la médecine – le démantèlement des structures publiques d'accès aux soins, les cabinets engorgés, l'accélération inquiétante de l'exercice... Pour cette génération de praticiens, le métier est très sérieusement menacé. Cette médecine de proximité – l'engagement d'une vie – disparaît progressivement. »


« Journal d'un médecin de ville » de Nicolas Mesdom
France, 2021, 57 min
Production : Camera Lucida, Les Films du Bal, en association avec ARTE France
Sur Arte le 25 août 2021 à 23 h 05
Disponible du 04/06/2021 au 19/08/2022
L' intimité d' un cabinet médical d' un médecin de ville Jean-Paul à Romainville
© Camera lucida-Les Films du Bal

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