Ilya Trauberg (1905-1948) était un réalisateur et scénariste russe juif. Arte diffusera le 21 avril 2020 « Le train mongol » (Der blaue Express), film d'aventures sur fond politique réalisé par Ilya Trauberg.
Ilya Trauberg (1905-1948)
Des studios Pathé-Albatros à l’Espace Albatros
Ilya Trauberg (1905-1948) est né dans une famille juive à Odessa : son père est journaliste et éditeur. Son frère ainé, scénariste et réalisateur de 17 films (1924-1961), auteur du Manifeste pour le théâtre excentrique et Prix Staline (1941), Leonid Trauberg (1902-1990) est attaqué cruellement par les autorités soviétiques durant la période « anti-cosmopolite » après la Deuxième Guerre mondiale.
En 1919, lycéen, Ilya Trauberg organise un studio d’art dramatique.
La famille Trauberg s'installe à Petrograd.
En 1920, Ilya Trauberg mène une carrière de journaliste et comédien amateur.
« De sa rencontre et son amitié avec Grigori Kozintsev et Sergueï Youtkevitch, tous deux ses cadets, naîtra la FEKS (Fabrique de l'acteur excentrique), en 1921 ».
Après ses études, il évolue dans le milieu théâtral et co-crée l’Institut de l’Histoire de l’art de Leningrad. « Pédagogue déjà pour la FEKS, il a enseigné à l'Institut d'art scénique de Leningrad ou Institut d’Etat pour l’histoire de l’art de Leningrad (1926-1934) puis dirigé les cours de mise en scène de l'Union des cinéastes de l'URSS ».
« Sa première approche du cinéma se fait par le biais de l’essai et de la critique, en particulier sur le cinéma américain. En 1927, Ilya Trauberg entre au Sovkino de Leningrad. »
Ilya Trauberg débute comme assistant réalisateur en 1927 dans Octobre : Dix jours qui secouèrent le monde (Oktyabr) d’Eisenstein.
Après avoir réalisé deux documentaires dont Léningrad aujourd'hui, il tourne L'Express bleu ou Le Train mongol (Goluboy ekspress).
Suivent notamment des films dont Ilya Trauberg signe la réalisation et le scénario : Nous travaillons pour vous (Dlya vas naydyotsya rabota) en 1932, Chastnyy sluchay en 1934, Son of Mongolia (Syn Mongolii) en 1936, God devyatnadtsatyy en 1938, My zhdem vas s pobedoy et Kontsert-vals en 1941, Boyevoy kinosbornik en 1942.
« Dans le tandem Kozintsev-Trauberg, l'apport de Trauberg semble avoir surtout concerné le scénario, le découpage, les dialogues, le dessin des caractères, la dynamique visuelle de la création incombant plus particulièrement à Kozintsev. Les deux cinéastes se séparent en 1945, après qu'a été interdit Des gens simples (Prostye ljudi), qui sortira seulement en 1956, à la suite du XXe Congrès, et dans un montage désavoué par Kozintsev. Juif, soupçonné de « cosmopolitisme », Trauberg ne tournera pas pendant quatorze ans. »
Dès 1945, Ilya Trauberg s’oriente vers l’enseignement dans une école de comédiens à la Mosfilm.
Il décède prématurément à Berlin.
Lors de sa convention de 2018 à Boston, l’Association for Slavic, East European, and Eurasian Studies a projeté « Son of Mongolia », film d’Ilya Trauberg présenté, en une version restaurée, par Darya Khrenova, petite-fille du réalisateur qui a commencé la production d’un film sur son grand-père. Un film dont l’équipe technique est soviétique, le Lenfilm Studio, et l’équipe artistique comprend des acteurs d’Oulan-Bator. L’histoire du combat du berger mongol Tseven contre des seigneurs féodaux et les occupants japonais. En 1941, le film avait été interdit en Mongolie et la version doublée avait disparu de l’Union soviétique. Le New York Times a qualifié la projection « d’événement de l’année » et l’a inclus dans sa liste des meilleurs films jamais réalisés.
En 2019, Les collections Blackhawk Films et Lobster films ont tenté le crowdfunding pour financer « le projet Trains & Cinéma, la première numérisation complète de 100 films sur l’univers ferroviaire », dont The Great Train Robbery (Le Vol du grand rapide, 1903) d'Edwin S. Porter, The Iron Horse (Le Cheval de fer, 1924) de John Ford, Le Train Mongol (Goluboy ekspress, 1929) d' Ilya Trauberg, et Pacific 231 (1931). Les deux entreprises espéraient 133 000 €, mais n’ont obtenu que 8 118 €.
« Le train mongol »
Arte diffusera le 21 avril 2020 « Le train mongol » (Der blaue Express) réalisé par Ilya Trauberg. « Embarquement à bord d’un train chinois lancé à vive allure sur fond de révolution sociale... Réalisé en 1929 par le Russe Ilya Trauberg, un film considéré comme un classique du cinéma d’aventure avec une bande sonore ciselée par Edmund Meisel. »
« En Chine, dans les années 1920, l’Express bleu (le titre original du film) s’apprête à partir avec, à son bord, répartis en trois classes, des voyageurs d’origines sociales diverses et aux intérêts opposés. Retardé à cause d’un diplomate anglais, qui a promis à un général chinois de l’aider dans sa lutte contre les révoltes populaires secouant le pays, le train devient le théâtre d’une véritable rébellion face à la violence des soldats. Ouvriers et paysans s’emparent alors du convoi lancé à toute vitesse, symbole vivant du cheminement de la révolution. »
« Inspiré des mises en scène d’Eisenstein, dont le frère du réalisateur – également cinéaste – a été l’assistant, ce film est considéré comme un classique du cinéma soviétique. La bande sonore ciselée par Edmund Meisel, à qui l’on doit les partitions de nombreux films et pièces de théâtre de l’époque, constitue le testament artistique de ce compositeur autrichien, qui mourut peu de temps après l’enregistrement, à l’âge de 36 ans. »
« L’Express bleu/ Le train mongol » connaît un succès commercial et artistique. « C’est un film très élaboré stylistiquement, d’une surprenante abstraction ».
« [...] Un film muet, depuis sa conception jusqu'à sa présentation, d'une structure massive et puissante, qui assène des coups brutaux. Un film qui réveille et flagelle, il était temps [...] Le titre, L'Express bleu, peut prêter à confusion. On imagine un train glissant au bord de la mer, éclairée, idyllique : roulant de manière douce et rapide au service d'une élite... Pourquoi ne pas l'appeler «L'Express jaune», afin que l'on sente sa progression constante, comme une rivière qui entraîne avec elle tout ce qu'elle peut arracher de la terre où elle passe, la boue, la crasse...; riche, puissante, irrésistible et dangereuse. Potemkine en 1926. Tempête sur l'Asie en 1928, L'Express bleu en 1930. Dispersez entre ces sommets quelques drames sociaux d'une qualité apparentée, quelques théorèmes sous forme de drame, quelques documentaires plus dramatiques que des histoires d'amour, et vous avez le cinéma russe actuel. Ouvert sur la mer. ce cycle silencieux finit à l'intérieur des terres comme un assaut victorieux... Des symboles, des symboles. Tout y est symbolique. Mais sans trop d'insistance. Il n'y a rien là qui rappelle l'ouragan à la fin de Tempête sur l'Asie. Un scénario intense, soutenu par une interprétation de première qualité. Il est possible que l'on regrette un certain manque d'extérieurs. Les Russes sont plus à l'aise lorsqu'ils manient le sable, le vent, les steppes que les wagons de la compagnie internationale des wagons-lits. En dépit du scénario, intelligemment tendancieux mais qui ne trompe personne, L'Express bleu nous parvient au début de l'hiver comme un tonique, un régénérateur des phagocytes dont nous avons tant besoin pour apprécier les "grandes histoires cent pour cent." » (Claude Martin. Close up. 1930) ».
« En cette année 1929 où le parti bolchevik est encore tout secoué par les discussions à propos de la révolution chinoise, trahie par Staline et massacrée par Tchang Kaï-Chek, le film de Trauberg arrive pour jeter un peu de baume sur les masses tenues à l'écart du débat. Il apparaît donc comme une soupape, un acte de propagande à distance. Mais il est, et reste, un grand film révolutionnaire éclairé aujourd'hui d'une exaltante lumière d'espoir. Dans un train qui traverse la Mongolie, toutes les classes sont représentées et, dans les wagons de 1ère classe, les agents occidentaux, français et anglais, fomentent des troubles et préparent le sabotage du train du progrès. Les Chinois parqués dans les wagons de dernière classe montent à l'assaut. Le train poursuit sa route. On tente de le détourner de la bonne voie. La bagarre bat son plein, le train fonce, emporté dans l'immensité par un élan furieux. Les riches voyageurs, les saboteurs et les traîtres dégringolent au fur et à mesure. L'express reste enfin aux mains du prolétariat et les sous-titres grandissent jusqu'à l'immense LA VOIE EST LIBRE ! 1929. Le sentiment est profond que la... "voie est libre", et qu'il ne reste plus qu'à édifier le paradis socialiste. Après l'étape de la révolution armée, s'achève la deuxième étape de l'histoire de l'U.R.S.S., celle de la conquête du pouvoir par l'appareil du parti. Staline et les bureaucrates sont solidement installés, l'opposition est bâillonnée, dispersée, exilée. Le parti se monolithise. La culture aussi. » (Marcel Oms. Positif, 1965)
« L’Express bleu/ Le train mongol » connaît un succès commercial et artistique. « C’est un film très élaboré stylistiquement, d’une surprenante abstraction ».
« [...] Un film muet, depuis sa conception jusqu'à sa présentation, d'une structure massive et puissante, qui assène des coups brutaux. Un film qui réveille et flagelle, il était temps [...] Le titre, L'Express bleu, peut prêter à confusion. On imagine un train glissant au bord de la mer, éclairée, idyllique : roulant de manière douce et rapide au service d'une élite... Pourquoi ne pas l'appeler «L'Express jaune», afin que l'on sente sa progression constante, comme une rivière qui entraîne avec elle tout ce qu'elle peut arracher de la terre où elle passe, la boue, la crasse...; riche, puissante, irrésistible et dangereuse. Potemkine en 1926. Tempête sur l'Asie en 1928, L'Express bleu en 1930. Dispersez entre ces sommets quelques drames sociaux d'une qualité apparentée, quelques théorèmes sous forme de drame, quelques documentaires plus dramatiques que des histoires d'amour, et vous avez le cinéma russe actuel. Ouvert sur la mer. ce cycle silencieux finit à l'intérieur des terres comme un assaut victorieux... Des symboles, des symboles. Tout y est symbolique. Mais sans trop d'insistance. Il n'y a rien là qui rappelle l'ouragan à la fin de Tempête sur l'Asie. Un scénario intense, soutenu par une interprétation de première qualité. Il est possible que l'on regrette un certain manque d'extérieurs. Les Russes sont plus à l'aise lorsqu'ils manient le sable, le vent, les steppes que les wagons de la compagnie internationale des wagons-lits. En dépit du scénario, intelligemment tendancieux mais qui ne trompe personne, L'Express bleu nous parvient au début de l'hiver comme un tonique, un régénérateur des phagocytes dont nous avons tant besoin pour apprécier les "grandes histoires cent pour cent." » (Claude Martin. Close up. 1930) ».
« En cette année 1929 où le parti bolchevik est encore tout secoué par les discussions à propos de la révolution chinoise, trahie par Staline et massacrée par Tchang Kaï-Chek, le film de Trauberg arrive pour jeter un peu de baume sur les masses tenues à l'écart du débat. Il apparaît donc comme une soupape, un acte de propagande à distance. Mais il est, et reste, un grand film révolutionnaire éclairé aujourd'hui d'une exaltante lumière d'espoir. Dans un train qui traverse la Mongolie, toutes les classes sont représentées et, dans les wagons de 1ère classe, les agents occidentaux, français et anglais, fomentent des troubles et préparent le sabotage du train du progrès. Les Chinois parqués dans les wagons de dernière classe montent à l'assaut. Le train poursuit sa route. On tente de le détourner de la bonne voie. La bagarre bat son plein, le train fonce, emporté dans l'immensité par un élan furieux. Les riches voyageurs, les saboteurs et les traîtres dégringolent au fur et à mesure. L'express reste enfin aux mains du prolétariat et les sous-titres grandissent jusqu'à l'immense LA VOIE EST LIBRE ! 1929. Le sentiment est profond que la... "voie est libre", et qu'il ne reste plus qu'à édifier le paradis socialiste. Après l'étape de la révolution armée, s'achève la deuxième étape de l'histoire de l'U.R.S.S., celle de la conquête du pouvoir par l'appareil du parti. Staline et les bureaucrates sont solidement installés, l'opposition est bâillonnée, dispersée, exilée. Le parti se monolithise. La culture aussi. » (Marcel Oms. Positif, 1965)
« Le train mongol » par Ilja Trauberg
Russie, 1929
Auteur : Sergej Trejakow
Décors de film : Moissei Lewin, Dubrovsky-Eshke
Scénario : Ilja Trauberg, Leonid Ijerichonow
Production : Sovkino-Studio
Image : Jurij Stilyanudis, Boris Khrennikovy
Musique : Edmund Meisel
Avec Jakow Gudkin, Chai Wan Sen, Chu Chai Wan, Iwan Saweljew, San Bo Yan, Sergej Minin, Chiang Kai
Sur Arte le 21 avril 2020 à 00 h 10
Disponible du 20/04/2020 au 26/04/2020
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Les citations sont extraites du site d'Arte.
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