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vendredi 1 décembre 2023

Lewis Milestone (1895-1980)

Lewis Milestone (1895-1980) 
était un réalisateur - Two Arabian Knights (1927) et All Quiet on the Western Front (1930) lui valent l’Oscar du Meilleur réalisateur, The Front Page (1931), The General Died at Dawn (1936), Of Mice and Men (1939), Ocean's 11 (1960), Mutiny on the Bounty (1962) -, scénariste et producteur juif américain. Arte diffusera le 4 décembre 2023 à 13 h 35 « À l'Ouest, rien de nouveau » de Lewis Milestone avec Lewis Ayres, Louis Wolheim et John Wray.


« Durant tout la durée de ma carrière je n'ai jamais essayé d'exprimer une philosophie particulière, mais d'adapter au cinéma les œuvres d'auteurs qui me plaisaient...», a dit Lewis Milestone.

Lewis Milestone (1895-1980) est né Leib ou Lev Milstein dans une famille juive aisée et cultivée à Chișinău (alors dans l’empire russe, maintenant en Moldavie qui lui a consacré un timbre postal). Il est scolarisé dans des écoles juives. 

Bien qu'il se sente attiré par le théâtre, il étudie, à la demande de ses parents, en Allemagne afin de devenir ingénieur. Mais sa passion s'avère si grande qu'il fréquente les milieux théâtraux et échoue à ses examens.

En 1913, il émigre aux Etats-Unis où il exerce divers métiers, dont celui de photographe portraitiste en 1915.

Durant la Première Guerre mondiale, ce citoyen russe s'engage dans le Service des Transmissions de l'armée américaine, où il est assistant-réalisateur pour des films sur l'entraînement des soldats ; dans ce Signal Corps sont affectés les réalisateurs Josef von Sternberg et Victor Fleming. En 1919, il obtient la nationalité américaine.

Dès 1918, à Hollywood, Lewis Milestone travaille comme assistant monteur et réalise The Toothbrush. 

En 1920, il est assistant du réalisateur Henry King.

En 1922, il poursuit en parallèle une carrière de scénariste : Up and at 'Em de William A. Seiter (1922), Amour, quand tu nous tiens... (The Yankee Consul, 1924) de James W. Horne... Et écrit des gags pour Harold Lloyd. Il acquiert la réputation d'un "film doctor".

Two Arabian Knights (1927) et À l'Ouest, rien de nouveau (1930) lui valent l'Oscar du Meilleur réalisateur.

Lewis Milestone contribue à créer un syndicat pour défendre les réalisateurs face aux studios hollywoodiens.

En 1935, il épouse l'actrice Kendall Lee, née Kendall Lee Glaezner, qu'il avait rencontrée en 1932 lors du tournage de son film Rain.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il travaille dans des unités de propagande de l'industrie du film.

Lors de la Guerre Froide, cet auteur liberal, de gauche, revendique ses droits constitutionnels devant le House Un-American Activities Committee (HUAC). Bien que suspecté d'avoir des sympathies pour le communisme, il poursuit sa carrière cinématographique.

Dans sa filmographie de réalisateur, citons 
The Front Page (1931), Pluie (Rain, 1932), Le capitaine déteste la mer (The Captain Hates the Sea, 1934), Paris in Spring (1935), Transatlantic Follies (Anything Goes,1936), Le général est mort à l'aube (The General Died at Dawn, 1936), The Night of Nights (1939), Des souris et des hommes (Of Mice and Men, 1939), Our Russian Front (1942), L'Ange des ténèbres (Edge of Darkness, 1943), L'Étoile du Nord (The North Star, 1943), L'Emprise du crime (The Strange Love of Martha Ivers, 1946), La Vérité nue (No Minor Vices, 1948), Okinawa (1950)Les Misérables (1952),  L'Inconnu de Las Vegas et Les Révoltés du Bounty.

Lewis Milestone a aussi réalisé des films pour la télévision américaine, notamment en 1957 des épisodes de la série Alfred Hitchcock Presents.

En 1960, Lewis Milestone inaugure son étoile sur le Walk of Fame.

« Lewis Milestone, Rien de nouveau ? » 
« On ne parle plus beaucoup de Lewis Milestone. Peut-être n’a-t-on jamais parlé de lui vraiment. Pourtant c’est un bon cinéaste, honnête, persévérant. Il peut se vanter d’une certaine constance dans sa filmographie, pourtant très variée et éclectique. En effet, on lui doit quelques-uns des meilleurs films de guerre américains, l’une de ses spécialités depuis le coup d’éclat de son plus célèbre titre, À l’ouest rien de nouveau (All Quiet on the Western Front, 1930) », a constaté Olivier Père pour Arte.

Et Olivier Père de rappeler : « La vie de Lewis Milestone se fond avec celle d’Hollywood. Juif russe né dans l’empire tsariste à Kishinev en 1895, de son vrai nom Lev Milstein, Milestone grandit à Odessa puis part étudier en Belgique et à Berlin. D’une grande culture littéraire, il se passionne très jeune pour le théâtre avant de s’embarquer pour les Etats-Unis avec six dollars en poche. Petits boulots, armée et courts métrages réalisés avec des soldats. Après la guerre il arrive à Hollywood où il apprend tous les métiers du cinéma et gravit un à un les échelons des studios avant de devenir metteur en scène, avec un premier film Seven Sinners (1925) produit par Howard Hughes. Cinq ans plus tard, À l’ouest rien de nouveau gagne l’Oscar du meilleur film et l’installe comme l’un des cinéastes les plus respectés d’Hollywood. »

« Pendant la Première Guerre mondiale, du côté allemand, de très jeunes engagés volontaires, galvanisés par leur professeur patriote, font la dure expérience du front et perdent leurs illusions, et la vie pour la plupart », a poursuivi Olivier Père.

Olivier Père a analysé : « Adapté d’un roman à succès d’Erich Maria Remarque, À l’ouest rien de nouveau est l’un des premiers grands films parlants du cinéma américain et surtout un pamphlet antimilitariste dont la force et le courage ne furent que rarement égalés. Il faudra attendre Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick pour retrouver la violence et l’intensité des scènes de combats et d’assaut des tranchées, ainsi qu’un discours anti belliciste d’une telle virulence. Le film est encore impressionnant aujourd’hui grâce aux moyens mis en œuvre et la virtuosité des mouvements de caméra lors des scènes d’action. À l’ouest rien de nouveau demeure une date dans l’histoire du cinéma, un exemple de l’audace des grands producteurs hollywoodiens des années 30 (en l’occurrence Carl Laemme) prêts à défier les modes et les préjugés pour mener à bien des projets ambitieux, voire démesurés, par leur budget mais aussi leur propos politique ou social. »

« Avec une carrière riche d’une quarantaine de titres, Milestone s’illustre dans presque tous les genres, de la comédie au mélodrame en passant par les adaptations littéraires à prestige. On lui doit notamment la première version cinématographique de The Front Page en 1931, d’après la pièce de Ben Hecht qui sera ensuite adaptée par Hawks, Wilder et Ted Kotcheff. Nous n’avons pas encore vu en DVD Le général est mort à l’aube (The General Died at Dawn, 1936) avec Gary Cooper et L’Emprise du crime (The Strange Love of Martha Ivers, 1946) film noir avec Kirk Douglas et la grande Barbara Stanwyck », a précisé Olivier Père.

Et Olivier Père de comparer : « Mais c’est pour ses films de guerre (trois conflits différents : Première et Seconde guerres mondiales – incluant les fronts européen et Pacifique, Guerre de Corée) qu’il attire encore aujourd’hui l’attention, comme en témoigne la réédition récente de deux films en Blu-ray en France : Okinawa (Halls of Montezuma, 1950) avec Richard Widmark et La Gloire et la Peur (Pork Chop Hill, 1959) avec Gregory Peck. Des films honnêtes et bien interprétés mais dont le mélange de patriotisme et de souci vériste, de conventions hollywoodiennes et de valeur documentaires les placent en dessous d’œuvres beaucoup plus percutantes signées Robert Aldrich, Samuel Fuller, William Wellman ou Stanley Kubrick. Sans parler de Raoul Walsh. 
Ces deux films ont la particularité de voir leur star (Widmark pour l’un, Peck pour l’autre) entourée d’une pléiade d’acteurs dans des petits rôles, « gueules » ou jeunes premiers souvent venus de la télévision et de la série B et qui allaient presque tous accéder au vedettariat les années suivantes : Jack Palance, Robert Wagner, Richard Boone, Neville Brand, Karl Malden, Rip Torn, George Peppard, Robert Blake… sans oublier le magnifique Woody Strode qui joue dans La Gloire et la Peur un soldat lâche et mort de peur au combat, ce qui peut sembler une hérésie si l’on se souvient des figures héroïques et nobles qu’il incarna dans les films de son mentor John Ford, davantage en symbiose avec son impressionnante stature physique. »

« La fin de carrière de Milestone est problématique, à l’image du cinéma hollywoodien des années 60 qui cherche dans le monumentalisme la solution de la concurrence avec la télévision, et oblige des cinéastes vétérans à signer souvent leurs plus mauvais films. L’Inconnu de Las Vegas (Ocean’s Eleven, 1960) réunit tous les ingrédients du film de hold-up, auparavant fixés par quelques classiques comme Quand la ville dort ou Du rififi chez les hommes : la réunion d’une équipe de spécialistes, l’élaboration d’un plan infaillible, la réalisation sans bavure et l’erreur fatale qui réduit tous les efforts à néant. Hélas, L’Inconnu de Las Vegas, malgré sa popularité, ne figure pas parmi les meilleures réussites du genre ni même les formidables divertissements des sixties comme Le Carnaval des truands. Milestone semble bien fatigué et son film se révèle d’une grande platitude. Le problème réside principalement dans le fait que le suspense et le rythme sont totalement absents, sacrifiés à l’extrême désinvolture de Sinatra livré à lui-même et de sa bande du rat pack au grand complet. Frankie et ses potes se sont sans doute beaucoup amusés sur le tournage, mais leurs blagues n’épatent plus personne. Certes, les chansons fredonnées par Dean Martin ou Sammy Davis Jr procurent toujours leur petit frisson. Mais Il faut subir cinquante minutes d’introduction poussives pour que l’intrigue veuille démarrer et la prétendue scène d’anthologie du casse simultané des cinq casinos de Las Vegas le soir du 31 décembre est filmée par-dessus la jambe. Seule la pirouette finale est toujours aussi amusante. On en vient à regretter la version 2001 d’Ocean’s Eleven de Steven Soderbergh, certes totalement vaine et vide, mais quand même moins laborieuse que son ancêtre », a relevé Olivier Père.

Et Olivier Père de conclure : « Son ultime film est un flop colossal, le remake en couleur des Révoltés du Bounty (Mutiny on the Bounty, 1962) avec Trevor Howard, Richard Harris et surtout Marlon Brando, longtemps considéré comme l’un des principaux responsables de ce coûteux désastre en raison de ses caprices et de son interprétation minaudée avec étrange accent anglais en prime, comme plus tard dans Queimada de Pontecorvo et Le Corrupteur de Michael Winner. Vu enfant à la télévision, le film conserve cependant toute notre sympathie. »

« À l'Ouest, rien de nouveau »
Arte diffusera le 4 décembre 2023 à 13 h 35 « À l'Ouest, rien de nouveau » (All Quiet on the Western Front) de Lewis Milestone avec Lewis Ayres, Louis Wolheim et John Wray.

« Allemagne 1914. La guerre vient d’être déclarée. Dans un collège, un professeur nationaliste harangue ses élèves pour les exhorter à s’engager... Adapté du best-seller d’Erich Maria Remarque, un récit froid et nu de l’horreur des tranchées et du non-sens de la guerre. Le premier grand film antimilitariste, réalisé par Lewis Milestone en 1930. »

« Allemagne 1914. La guerre vient d’être déclarée. Les civils acclament les troupes qui partent joyeusement pour le front. Dans un collège, un professeur nationaliste harangue ses élèves pour les exhorter à s’engager. Paul Baumer et six de ses amis répondent à l’appel avec l’enthousiasme de la jeunesse. »

« La désillusion sera rude. C’est d’abord l’encasernement, les brimades, l’entraînement impitoyable sous la direction du féroce Himmelstoss. Humiliés, les jeunes gens ne rêvent plus que de partir pour le front. Mais le premier contact avec le feu est atroce. Ils découvrent l’enfer des tranchées, les bombardements intensifs, la peur, la fatigue, la faim... »

« Adapté du célèbre roman d’Erich Maria Remarque publié en 1929, À l’ouest, rien de nouveau est un puissant réquisitoire contre la guerre, son horreur et son absurdité. Victime de nombreuses coupes, ce film, qui fut censuré dans plusieurs pays, a été reconstitué dans les années 1980 et complété en 1995. C’est la version "intégrale" qu’ARTE diffuse. »

« Par sa sobriété, cette fiction a presque des accents de vérité documentaire. Ici, nul didactisme ni académisme : avec une caméra très mobile, Lewis Milestone filme à hauteur d’homme une réalité atroce que les va-t-en-guerre avaient masquée : la peur qui tenaille sans répit, l’horreur des mutilations, l’impuissance face à l’agonie des compagnons d’armes, l’obligation de tuer un "ennemi" qui, en d’autres circonstances, aurait pu être un ami… »

« De tous les films sur la Première Guerre mondiale, celui-ci apparaît comme le plus authentique et le plus fidèle à ce que vécurent les soldats dans les tranchées. »

« À sa sortie, il suscite un immense intérêt… et des débats houleux dans plusieurs pays, notamment en Allemagne. »

« Lors de sa première projection à Berlin, Josef Goebbels et ses hommes de main interrompent la projection en dispersant des souris blanches dans la salle. Dès l’arrivée de Hitler au pouvoir, en 1933, le film disparaît des écrans… »

« Il constitue aujourd’hui un témoignage bouleversant sur la violence et la sauvagerie des combats. »

Meilleur film et meilleur réalisateur (Lewis Milestone), Oscars 1930

Diffusion en version restaurée et non censurée




« Comment le film
À l’ouest rien de nouveau, considéré comme le premier long métrage pacifiste américain, a été interdit ou remanié par des politiciens du monde entier, à des fins bellicistes. »

« En Allemagne, le film À l’ouest rien de nouveau est bien accueilli lors de la première, le 4 décembre 1930. Au grand dam des nazis qui lâcheront leurs hordes – et même des souris blanches – dans les cinémas et obtiendront son interdiction au bout d’une semaine. « 

« Le film ressortira brièvement en 1931 dans une version que la Deutsche Universal avait sciemment édulcorée, avant d’être banni des écrans de 1933 à 1945. »

« En France, la version projetée en 1930 est amputée de la séquence où des soldats allemands occupent brièvement un village français et fraternisent avec ses habitants. »

« En 1934, Universal coupe, pour sa distribution internationale, les scènes où l’on voit les officiers maltraiter leurs jeunes recrues. »

« Après le début de la Seconde Guerre mondiale, la major concocte en 1939 une copie "actualisée" intégrant des extraits de documentaires, pour le public d’outre-Atlantique. »

« Les Américains proposent enfin une nouvelle version du film au moment de la guerre de Corée où, en remontant images et son, ils réussissent l’exploit de rendre belliciste une œuvre antimilitariste. »

« Cette malédiction poursuivra longtemps le film, diffusé dans des versions tronquées jusque dans les années 1980. »


« À l'Ouest, rien de nouveau » de Lewis Milestone
Etats-Unis, 1930, 2 h 08
Auteur : Erich Maria Remarque
Scénario : George Abbott
Production : Universal Pictures
Producteur : Carl Laemmle Jr.
Image : Arthur Edeson
Montage : Edgar Adams
Musique : David Broekman
Avec Lewis Ayres (Paul Bäumer), Louis Wolheim (Kat), John Wray (Himmelstoss), Arnold Lucy (Kantorek), Ben Alexander (Kemmerich), William Bakewell (Albert Kropp), Scott Kolk (Leer), Harold Goodwin (Detering), Beryl Mercer (la mère de Paul), Raymond Griffith (Duval)
Sur Arte le 4 décembre 2023 à 13 h 35
Visuels © ZDF und Universal Pictures Corp. /MCA

Allemagne, 1984, 32 mn

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