Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

dimanche 30 avril 2023

Ossip Mandelstam (1891-1938)

Ossip Mandelstam (1891-1938) est un poète - 
Pierre (1912), Tristia (1922), Les Cahiers de Voronèj -, représentant de l’acméisme, et essayiste polyglotte russe. Son livre Épigramme contre Staline (1933) suscite l’ire de dirigeants l’Union soviétique. Ossip Mandelstam est arrêté, exilé, et décède lors de sa déportation vers la Kolyma au camp de transit de Vladperpunkt près de la gare de Vtoraïa Retchka à Vladivostok. Arte diffusera le 28 avril 2023 à 18 h 05 dans le cadre d’« Invitation au voyage », « Ossip Mandelstam, poète du crépuscule russe ». 

Raymond Aron (1905-1983) 
« ENS : L'école de l’engagement à Paris » par Antoine de Gaudemar et Mathilde Damoisel
Archives de la vie littéraire sous l'Occupation 

Ossip Mandelstam (1891-1938) est né dans une famille juive bourgeoise à Varsovie, alors dans l'empire russe.

Il étudie à Saint-Pétersbourg, à l'école Tenichev (1900-1907), puis à la Sorbonne à Paris (octobre 1907-mai 1908) où il a pour professeurs Joseph Bédier et Henri Bergson et apprécie le poète Verlaine. Interdit d'accès à l'université de Saint-Pétersbourg par des quotas d'étudiants juifs, il se rend en septembre 1909 dans l'empire allemand. Jusqu'en 1910, il suit des cours de littérature française ancienne et l'histoire de l'art à l’université de Heidelberg.

Il se fait baptiser selon le rite méthodiste-épiscopal, peu important en Russie tsariste, en 1911 pour étudier, jusqu'en 1917, la philosophie à l’université de Saint-Pétersbourg.

Dès 1911, Ossip Mandelstam adhère à la Guilde des poètes : la revue Apollon publie ses premiers poèmes.

De janvier à juin 1916, il vit une histoire d'amour avec Marina Tsvetaïeva.

Il fait la connaissance de Boris Pasternak.

Hostile au symbolisme russe, il représente l'école acméiste, définie comme « la nostalgie de la culture universelle », créée par Nikolaï Goumilev et Sergueï Gorodetski et qui réunit aussi Anna Akhmatova et Mikhaïl Kouzmine. Il conçoit ses poèmes comme une architecture dont « les mots sont des pierres, "voix de la matière" autant que matière de la voix ».

Citons ses trois recueils : Pierre (en russe « Камень », Kamen), qui le rend célèbre en 1912, Tristia (1922), qui le consacre, Les Cahiers de Voronèj, écrits entre 1935 et 1937, durant son exil.

Dans La Quatrième prose, Ossip Mandelstam répond à l'accusation, notamment par Arkadi Gornfeld, de plagiat qu'il subit et désigne le groupe littéraire stalinien. 

Dans les années 1920, il gagne sa vie comme auteur de livres pour enfants et traducteur des œuvres d'Upton Sinclair, de Jules Romains, de Charles De Coster. 

Ossip Mandelstam se perçoit comme un marginal dont la destinée présenterait des points communs avec celle de Pouchkine. Il se soucie de la pérennité de la culture russe menacée par le bolchevisme. Ce qui nourrit des soupçons d'« activité contre-révolutionnaire ».

En 1930, Mandelstam se rend en Arménie avec son épouse Nadejda. Il y écrit Voyage en Arménie. Il se lie d'amitié avec l'entomologiste et poète Boris Kouzine. s'intéresse à la théorie de l'évolution et aux formes évolutives de la nature. Il avait écrit « l'étude de la poésie ne deviendrait une science que lorsqu'on y appliquerait les méthodes de la biologie »

De retour en Union soviétique, il retourne à l'expression poétique. À l'automne 1933, il écrit un poème satirique de seize vers, Epigramme contre Staline, Le Montagnard du Kremlin.

Dans la nuit du 16 au 17 mai 1934, trois agents de la Guépéou arrêtent à son domicile Mandelstam, effectuent une perquisition sur le fondement du mandat d’arrêt signé de Guenrikh Iagoda. A 7 heures du matin, Mandelstam est amené à la Loubianka. Tous ses manuscrits, lettres, carnet d’adresses, sont pris.

En dépit d'interventions de ses proches et d'intellectuels, le 26 mai 1934 est annoncée la condamnation à trois ans de relégation à Tcherdyne, dans la région de Perm (Oural). Son épouse est autorisée à l'accompagner. Après une tentative de suicide dans la nuit du 3 au 4 juin 1934, le verdict est modifié : le quadragénaire Mandelstam aura la faculté de choisir son lieu de relégation, sauf douze villes de l’URSS. Sa santé se fragilise.

Ossip Mandelstam retient la ville de Voronej, « dans la région des Terres noires, en Russie centrale, à six cents kilomètres au sud de Moscou ». Vers le 25 juin 1934, le couple Mandelstam arrive dans cette région où la vie est difficile pour le couple (La mendiante). Mandelstam écrit les Cahiers de Voronej, « des poèmes d’une beauté et d’une forces indicibles » selon Anna Akhmatova (Feuillet du Journal, 1957)

Ossip Mandelstam y meurt à quarante-sept ans – « Ma santé est très mauvaise. Je suis maigre et complètement épuisé, presque méconnaissable, je ne sais si cela vaut la peine d’envoyer des vêtements et de l’argent » – le 27 décembre 1938, lors d’une séance de traitement de poux par grand froid, chez les zeks. Il est enterré dans une fosse commune.

Nadejda Mandelstam a relaté les difficultés pour avoir des informations sur le décès de son époux dans ses mémoires Contre tout espoir. Souvenirs

La réhabilitation de cet auteur a débuté en 1956, durant le « dégel » de la déstalinisation : il a été disculpé des accusations remontant en 1938. Le 28 octobre 1987, sous le gouvernement de Mikhaïl Gorbatchev, Ossip Mandelstam est entièrement lavé des accusations de 1934.

En 1977, une petite planète découverte par l'astronome soviétique Nikolaï Stepanovitch Tchernykh est dénommée Mandelstam.

La renommée du poète croit dans les années 1970, avec la publication de ses œuvres en Occident et en Union soviétique.

L'œuvre de Mandelstam a influencé de nombreux poètes, parmi lesquels Paul Celan qui lui dédie son recueil La Rose de personne, André du Bouchet ou Philippe Jaccottet, Serge Venturini.

« Ossip Mandelstam, poète du crépuscule russe »
« Invitation au voyage » est « le magazine de l'évasion culturelle ». « Du lundi au vendredi à 18h10, Linda Lorin nous entraîne autour du monde à la découverte de lieux qui ont inspiré des artistes, de cités et de cultures uniques et nous invite dans les cuisines et les restaurants du monde entier. Le samedi à 16h35, "Invitation au voyage spécial" propose une escapade à la découverte d'une ville, d'une région ou d'un pays. »

Arte diffusera le 28 avril 2023 à 18 h 05 dans le cadre d’« Invitation au voyage », « Ossip Mandelstam, poète du crépuscule russe ». 

« Au tournant du XXe siècle, l’architecture fastueuse de Saint-Pétersbourg frappe l’imaginaire du poète Ossip Mandelstam alors qu’il est encore enfant. » 

« Lorsque la révolution bolchévique s’abat sur la ville, elle perd sa quintessence aux yeux du poète. À travers ses recueils La Pierre et Tristia, il retranscrit cette transformation à la fois brutale et tragique durant la montée du communisme. »


France, 2022, 14 min
Sur Arte le 28 avril 2023 à 18 h 05
Disponible du 22/04/2022 au 22/04/2024


jeudi 27 avril 2023

« Lost Luggage » de Nathalie Basteyns, Kaat Beels et Ibbe Daniëls

Arte diffusera, dès le 27 avril 2023 à 20 h 55, « Lost Luggage » de Nathalie Basteyns, Kaat Beels et Ibbe Daniëls. « Après les attentats à la bombe de 2016 à Bruxelles, une policière  affectée à la sécurité de l’aéroport a pour mission de restituer aux familles endeuillées les effets personnels des victimes. Un drame poignant porté par l’actrice et rockeuse Lara Chedraoui. » 


Le 22 mars 2016, trois attentats terroristes islamistes à la bombe ont eu lieu à Bruxelles dans la région de Bruxelles-Capitale et dans la province du Brabant flamand (Belgique) : deux à l'aéroport de Bruxelles à Zaventem et le troisième dans une rame du métro  à la station Maelbeek, dans le quartier européen à Bruxelles. Bilan : 32 morts (hors islamikazes) et 340 blessés.

Revendiqués par l'organisation terroriste État islamique, ses attentats sont les plus meurtriers en Belgique. 

Originaires de la commune de Schaerbeek, proches de Salah Abdeslam, l
es frères Ibrahim et Khalid El Bakraoui sont deux des auteurs de ces attentats : le premier s'était fait exploser à l'aéroport de Bruxelles, et le second dans la station de métro de Maelbeek. 

Originaire lui-aussi de Schaerbeek, l'islamikaze Najim Laachraoui semble avoir joué un rôle important dans l'organisation des attentats terroristes islamistes de Paris le 13 novembre 2015, sous le faux nom de Soufiane Kayal. Il s'est fait exploser dans le hall d'enregistrement de l'aéroport bruxellois. 

Mohamed Abrini, lui aussi impliqué dans les attentats de Paris (France), est l'« homme au chapeau », le troisième terroriste de l'aéroport de Bruxelles qui avait pris la fuite avant d'être interpelé le 8 avril à Anderlecht. 

La même cellule terroriste islamiste franco-belge, constituée à l'origine autour d'Abdelhamid Abaaoud, a élaboré, coordonné et commis les attentats de Paris le 13 novembre 2015 et ceux de Bruxelles le 22 mars 2016.

Ouvert le 30 novembre 2022, le procès de neuf accusés, dont Salah Abdeslam condamné en juin en France à la perpétuité incompressible dans le procès des attentats terroristes islamistes du 13-Novembre, comparaissant devant la Cour d'assises de Bruxelles présidée par Laurence Massart, doit s'achever en juin 2023. L'acte d'accusation tient sur environ 500 pages.
"Abdeslam, Mohamed Abrini, Sofien Ayari, Osama Krayem, etc : tous les accusés sauf Ibrahim Farisi encourent la réclusion à perpétuité pour "assassinats et tentatives d'assassinats terroristes". Dans le groupe des logisticiens présumés des attaques, ce Belgo-marocain est poursuivi pour "participation aux activités d'un groupe terroriste". Il risque jusqu'à dix ans ferme."

Arte réussit l'exploit d'éviter les mots "islam" et "musulman" dans sa présentation de la série télévisée, Lost Luggage. 

« Après les attentats à la bombe de 2016 à Bruxelles, une policière affectée à la sécurité de l’aéroport a pour mission de restituer aux familles endeuillées les effets personnels des victimes. Série d’une dramaturgie intense, Lost Luggage est "dédiée à toutes les victimes visibles et invisibles de la terreur, pour qu’elles ne soient pas oubliées". Un drame poignant porté par l’actrice et rockeuse Lara Chedraoui. »

« Un téléphone, un doudou, un sac à main, une montre… : à première vue anodins, ces objets, en provenant des victimes des attentats de l’aéroport, portent une puissante charge émotionnelle. Incarnant ce qu’il reste des destins fauchés par les explosions, ils ouvrent la béance de l’absence et de la perte. Leur accumulation dans un gigantesque hangar n’est pas sans rappeler les tas de vêtements monumentaux installés par Christian Boltanski sous la nef du Grand Palais en hommage aux victimes de la Shoah ». Un parallèle infondé et choquant, qui évite le mot "djihad".

« Infusée d’une dramaturgie intense, qui intrique des personnages meurtris au fil de l’intrigue, cette série "dédiée à toutes les victimes visibles et invisibles de la terreur, pour qu’elles ne soient pas oubliées", transforme une jeune policière d’abord impuissante en consolatrice dévouée ». 

« Interprétée avec justesse par la chanteuse de rock Lara Chedraoui, l’héroïne tait ses propres blessures jusqu’à s’oublier elle-même dans une implacable fuite en avant. Jusqu’où peut-on se perdre pour ne pas affronter la réalité ? Peut-on pardonner pour revivre ? La mise en scène nerveuse, caméra à l’épaule, de ce drame écrit avec finesse fait intelligemment écho à l’urgence d’agir pour se reconstruire. »


1ère partie
 : « 22 mars 2016. L’aéroport de Bruxelles est visé par des attentats à la bombe. Dix jours après le drame, Samira Laroussa, jeune inspectrice affectée à la sécurité des lieux, elle-même témoin du drame, est chargée de restituer à leurs proches les bagages et effets personnels abandonnés par les victimes dans le hall des départs. 
» 

« D’abord réticente à assurer cette mission, elle se ravise lorsqu’elle rencontre une famille endeuillée. En proie à des visions effrayantes, Samira, qui attend son premier enfant, ne réalise pas qu’elle aussi a perdu son insouciance dans ces attentats qui l’ont touchée de près… »

Deuxième épisode
 : « Des milliers de sacs, de valises et d’objets sans propriétaires s’amoncellent dans un gigantesque hangar. » 

« Samira, bouleversée par un drame personnel et fuyant un proche qui cherche à la revoir après une longue absence, s’active pour y retrouver les effets réclamés par les familles des victimes. Un jour, en cherchant le doudou d’une fillette, elle découvre un objet appartenant à l’une de ses amies. De son côté, Tom, le compagnon de Samira, tente d’éloigner la jeune femme de son travail qu’il juge trop éprouvant… »

Troisième épisode 
: « Alors qu’elle recherche les affaires d’Astrid, une adolescente qui a dû être amputée des jambes, Samira se rapproche intimement d’une personne qui a perdu sa femme dans les explosions. »

« Toujours très ébranlée par l’épreuve qu’elle a traversée, elle ne conserve pourtant que des souvenirs fragmentaires des événements, qui la laissent paralysée de terreur. Tom, lui, demeure impuissant à réconforter sa compagne, hantée par des images de chaos. Un jour, Younes, le jeune frère de Samira, lui demande l’hospitalité… »

Quatrième épisode
: « Samira se réveille dans le hangar où elle a passé la nuit lorsque deux agents de l’aéroport lui annoncent qu’ils prendront désormais en charge la restitution des bagages et des objets réclamés. » 

« Furieuse, Samira s’insurge contre cette décision prise par la nouvelle commissaire, qui la prive d’une mission devenue vitale pour elle. Dans le même temps, elle s’éloigne de Tom auquel elle reproche de ne pas la comprendre…? »

Cinquième épisode
: « Dans le hangar où elle a finalement réintégré ses fonctions, Samira reçoit deux agents de propreté de l’aéroport qui ont perdu l’un de leurs collègues. »

« Mohammed, qui a vu son coéquipier Moussa mourir dans ses bras, demeure mutique. Son collègue prie Samira de retrouver le téléphone portable de leur ami disparu afin de prouver à la compagnie d’assurances sa présence sur les lieux du drame. De son côté, Tom découvre que Samira l’a trahi…? »

Dernier épisode
 : « Samira trouve un abri et du réconfort auprès de Younes... Mais lorsque celui-ci tente de lui faire comprendre que son travail dans le hangar constitue une fuite en avant qui masque ses propres blessures, Samira se braque. 
»

« Peu de temps après, Frieda, une employée du parquet, propose à la jeune policière de rencontrer une fillette présente dans l’aéroport au moment du drame. Samira hésite…? »


« Lost Luggage » de Nathalie Basteyns, Kaat Beels et Ibbe Daniëls
Belgique, 2022, 53 min
Scénario : Tiny Bertels, Michel Sabbe, Edith Huybrechts
Production : De Mensen, ARTE F, VRT
Producteurs : Pieter Van Huyck, Ivy Vanhaecke
Image : Anton Mertens, Jordan Vanschel
Montage : Bert Jacobs, Koen Timmerman
Musique : Peter Baert
Costumes : Catherine Marchand
Décors de film : Hubert Pouille
Chargée de programme : Virginie Padilla
Avec Lara Chedraoui (Samira), Jeroen Van der Ven (Tom), Mattias Van de Vijver (Glen), Isabelle van Hecke (Blanche), Elias Vandenbroucke (Peter)
Thierry Hellin (Jean), Elena Sanchez (Babs), Yves Degryse (Benny Goossens), Jaak Van Assche (Dirk Goossens), Frieda Pittoors (Yvonne Goossens), Eline Amouzou (Neheisha Goossens), Babetida Sadjo (Adamma Lukoki), Babetida Sadjo (Addama Lukoki)
Sur Arte
1ère partie (52 mn) : le 27 avril 2023 à 20 h 55
Visuel :
Lara Chedraoui (Samira) et Jeroen Van der Ven (Tom), " Lost Luggage" , épisode 1
© Jo Voets

2e partie (52 mn) : le 27 avril 2023 à 21 h 50
Visuel :
Isabelle Van Hecke (Blanche), Mattias Van de Vijver (Glenn) et Elias Vandenbroucke (Peter), " Lost luggage" 
© De Mensen

3e partie (50 mn) : le 27 avril 2023 à 22 h 45
Visuel :
Mattias Van de Vijver (Glenn), Isabelle Van Hecke (Blanche) et Lara Chedraoui (Samira), " Lost luggage" , épisode 3
© Jo Voets

4e partie (49 mn) : le 27 avril 2023 à 23 h 35
Visuel :
Abbey Hoes (Astrid) et Elias Vandenbroucke (Peter), " Lost luggage" , épisode 4
© Jo Voets

5e partie (53 mn) : le 28 avril 2023 à 0 h 25
Visuel :
Lara Chedraoui (Samira), Luc Nuyens (Alain) et Issam Dakka (Mohammad), " Lost luggage" 
© De Mensen

6e partie (52 mn) : le 28 avril 2023 à 1 h 20
Visuel :
Abbey Hoes (Astrid), " Lost luggage" , épisode 6
© Jo Voets
Disponible du 20/04/2023 au 26/05/2023

Le Centre de documentation juive contemporaine, 1943-2013 : documenter la Shoah

Le Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère accueille l’exposition itinérante "Le Centre de documentation juive contemporaine, 1943-2013 : documenter la Shoah". Photographies, lettres, journaux, livres, films et autres archives retracent l’histoire du Centre de documentation juive contemporaine  (CDJC) fondé en 1943, dans la clandestinité, à Grenoble, à l’initiative du rabbin Isaac Schneersohn (1879 ou 1881-1969), en insistant sur les premières décennies.
C’est lors de la Seconde Guerre mondiale, en avril 1943, à Grenoble, que le Centre de documentation juive contemporaine  (CDJC) a été créé, dans la clandestinité, à Grenoble, dans une France occupée par les Nazis.

Après le Mémorial de la Shoahl'Espace Hillel, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère accueille, dans le cadre du 80e anniversaire de la création du Centre de documentation juive contemporaine (rue Bizanet à Grenoble), l’exposition itinérante "Le Centre de documentation juive contemporaine, 1943-2013 : documenter la Shoah".  

Le CDJC "a été créé en avril 1943, à Grenoble alors dans la zone d'occupation italienne. Isaac Schneersohn, l’initiateur de ce projet, voulait « écrire le Grand livre du martyrologue [sic] du judaïsme de France » et organiser la collecte des documents disponibles sur les persécutions antisémites perpétrées par l’occupant allemand et le régime de Vichy. Installée en 1956 au sein du Tombeau du martyr juif inconnu, l’institution est devenue en 2013 le centre de documentation du Mémorial de la Shoah inauguré en janvier 2005."

Zakhor (Souviens-toi, en hébreu)
Promoteur du projet de CDJC : Isaac Schneersohn Schneersohn (1881-1960), cousin du rabbin Schneour Zalman Schneersohn, rabbin et industriel d'origine russe. Né à Kamenetz-Podolsk (actuelle Ukraine) dans une famille de rabbins, formé et officiant comme rabbin, Isaac Schneersohn s’installe en 1920 en France dont il acquiert la nationalité. A Paris, ce proche du rabbin David Feuerwerker accueille à son domicile des dirigeants Juifs, souvent sionistes - Vladimir Jabotinsky, Chaim Weizmann -, et embrasse une carrière d’industriel comme administrateur délégué de la Société anonyme de travaux métalliques (SATM). En 1939, trois de ses fils sont mobilisés comme officiers de réserve de l’armée française. Isaac Schneersohn et sa famille se réfugient à Bordeaux, puis dès 1941 à Mussidan (Dordogne). Mandaté par l'Union générale des Israélites de France (UGIF), il se rend souvent à Grenoble.

En 1943, il voulait « écrire le Grand livre du martyrologe du judaïsme de France » et « organiser la collecte des documents disponibles sur les persécutions antisémites perpétrées par l’occupant allemand et le régime de Vichy ».

De « ses premières années à la mort de son fondateur en 1969, le CDJC écrit l’histoire, constitue un fonds d’archives pour que justice soit rendue aux victimes. Parallèlement, de nombreuses initiatives et études sont menées en Europe par des survivants de la Shoah et des historiens ».

« Fondateur d’une historiographie, premier centre d’archives accessible aux chercheurs sur le sort des Juifs de France pendant la guerre, le CDJC, intégré dans ce qui est devenu depuis janvier 2005 le Mémorial de la Shoah, se confond aujourd’hui avec la mémoire de la Shoah des Juifs de France dont il est devenu le dépositaire ». 

A nuancer, tant le Mémorial de la Shoah tend à restreindre, dans de nombreuses expositions, la France de la Seconde Guerre mondiale à la Métropole, et n’a pas entrepris, en temps utile, le recueil des témoignages des Juifs ayant vécu en Afrique du Nord les persécutions antisémites : installation forcée dans un mellah (ghetto), rafle, racket, vols, horribles camps de travail forcé, etc.

Des preuves historiques
Le 28 avril 1943, quarante militants et dirigeants représentant les divers courants de la communauté juive se réunissent à l’initiative d’Isaac Schneersohn dans l’appartement qu’il loue dans la rue Bizanet, à Grenoble. Dans la clandestinité, ils créent le Centre de documentation juive contemporaine, afin « de rassembler des preuves de la persécution des Juifs afin de témoigner et demander justice dès la fin de la guerre ».

Les fondateurs du CDJC commencent à collecter des documents, à éditer le Bulletin du CDJC qui se transformera après-guerre en revue, mais ils doivent suspendre leur travail en septembre 1943 car les Allemands envahissent la zone occupée par les Italiens et où se trouvait Grenoble.

Ils plongent dans la clandestinité. « Mon obstination et ma persévérance, ma conviction ferme de la nécessité de recueillir cette documentation se renforçaient toujours davantage. [...] Je ne savais pas si je survivrais, aucun de nous ne croyait qu'il sortirait vivant de l'enfer. Mais je n'avais qu'un seul désir, aussi longtemps que je le pourrais, consigner ce qui se passait », se souvenait Isaac Schneersohn qui rejoint alors la résistance en Dordogne et y noue des contacts avec la Résistance française qui s'avéreront précieux.

Le comité de direction du CDJC « est composé de 7 membres : 2 représentants du Consistoire (Consistoire central), 2 représentants de la Fédération des Sociétés juives de France, 1 représentant de l'ORT  (Organisation Reconstruction Travail), 1 représentant du rabbinat et Schneersohn lui-même qui le préside. L'objectif est de rassembler les documents qui permettront, un jour, d'écrire l'histoire des Juifs de France pendant la guerre » (André Kaspi).

Alors que les combats pour la libération de la France ont débuté, Isaac Schneersohn et son équipe se pressent de rejoindre Paris pour « sauver de la destruction et de la mise sous séquestre les fonds d'archives émanant de Vichy et de l'occupant nazi ».

Grâce à l’aide des résistants et « au flair d'Isaac Schneersohn et de Léon Poliakov en charge du Service de recherches des archives, le CDJC met la main sur des archives précieuses dans des conditions souvent rocambolesques, telles que celles du Commissariat général aux questions juives (CGQJ), de l'ambassade d'Allemagne à Paris, de l'Etat-major, de la délégation générale du Gouvernement de Vichy et surtout sur celles du service anti-juif de la Gestapo, l'une des rares récupérées en Europe ».

Dès la Libération de Paris, le CDJC « entreprend de classer ses archives afin d'étudier le processus qui avait conduit à la destruction des Juifs de France ».

Léon Poliakov (1910-1997), "secrétaire de Schneersohn, en fut un témoin ironique : « Je me souviens, écrit-il dans son autobiographie L’auberge des musiciens, que, pour commencer, il [Schneersohn], avait installé un bureau à Grenoble, rue Bizanet, où une demi-douzaine de dactylos étaient chargées de dépouiller le Journal officiel pour dresser l’interminable liste des entreprises aryanisées, ce que je trouvais suprêmement ridicule, ne comprenant pas qu’il faut un commencement à tout. »

« Avec ses compagnons, Joseph Billig, Georges Wellers, Léon Poliakov, avec son ami Claude Kelman, ils ont fait une œuvre extraordinaire à une époque extrêmement difficile où le silence, la gêne étaient le lot des déportés survivants », a déclaré Éric de Rothschild, président du Mémorial de la Shoah, le 27 janvier 1945.

Le CDJC crée sa propre maison d'édition, publie ses premiers travaux sur les camps d'internement (Joseph Weill, Contribution à l'histoire des camps d'internement dans l'anti-France, Paris, CDJC). « Dès 1945 trois ouvrages importants sont publiés par le CDJC, suivis par 5 autres en 1946, 5 autres encore en 1947, au total 20 jusqu'à la fin de l'année 1951. Le CDJC est ainsi devenu la mémoire de la communauté juive, de toute la communauté ». (André Kaspi)

En 1946, le CDJC transforme son Bulletin en Le Monde Juif, première revue d'histoire de la Shoah.

Isaac Schneersohn devient alors président du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) et directeur de la Revue publiée par ce centre, jusqu'en 1969.

Le CDJC et le jugement des criminels de guerre
Le gouvernement français, par l'entremise d'Edgar Faure, demande au CDJC « d'étayer la plaidoirie française aux procès de Nuremberg  ».

Le CDJC amène « sa documentation à Nuremberg et bénéficie d'une représentation permanente pendant les procès internationaux et américains, devenant l'un des destinataires officiels de tous les documents alors en circulation ».

Son travail est si remarquable que le Procureur général Telford Taylor « autorise Léon Poliakov et Joseph Billig à puiser dans les archives de ce premier grand procès international ».

Inauguré lors des procès de Nuremberg , ce « rôle d'aide à la justice s'est poursuivi durant les procès des responsables et complices de la solution finale en Allemagne, en France et en Israël où Georges Wellers, le responsable scientifique du CDJC est appelé à déposer au procès Eichmann  ».

Dans les années 1980, le CDJC « fournit à la justice française une pièce d'archive, le télex d'Izieu, qui lui a permis de procéder à l'inculpation de Klaus Barbie, le chef de la Gestapo de Lyon, pour crimes contre l'humanité ».

Un « tombeau-mémorial »
Dans les années 1950, Isaac Schneersohn parvient « à imposer l’idée de la construction d’un tombeau-mémorial dédié aux victimes de la Shoah ».

Cette « idée suscite l'opposition d'une partie de la communauté juive qui ne voulait pas « d'une institution tournée vers le passé ».

Isaac Schneersohn constitue un comité de parrainage réunissant des personnalités. Quand David Ben Gourion, alors Premier ministre de l’Etat d'Israël renaissant, est sollicité, il se rend compte que le premier Mémorial en hommage aux victimes juives du nazisme serait édifié à Paris. Rapidement, l'Etat d'Israël fonde Yad Vashem, à Jérusalem, avec qui le CDJC noue des relations privilégiées.

Le 17 mai 1953, la première pierre du Mémorial est posée sur un terrain donné par la Ville de Paris. Par des donations d’œuvres d’art, la France, la Belgique, le Luxembourg, la Yougoslavie participent à la construction du Mémorial.

Inauguré le 30 octobre 1956 en présence de 50 délégations des communautés Juives du monde entier, de personnalités politiques et religieuses venues de toute l'Europe, le Mémorial du martyr juif inconnu « accueille naturellement dans ses murs le CDJC ».

Le 24 février 1957, des « cendres provenant des camps d'extermination et du ghetto de Varsovie sont solennellement déposées dans la crypte du Mémorial par le grand rabbin Jacob Kaplan ».

Le 8 octobre 1958, l’éminent juriste français Juif René Cassin, futur prix Nobel de la paix, remet à Isaac Schneersohn la Croix de Chevalier de la Légion d'honneur dans les salons du prestigieux hôtel Plaza Athénée à Paris.

Classé monument historique depuis 1991, le Mémorial du Martyr Juif Inconnu accueille chaque année les principales cérémonies liées à la Shoah – soulèvement du ghetto de Varsovie, découverte du camp d'Auschwitz, Hazkarah  (dédié aux victimes de la Shoah mortes sans sépulture), Journée nationale de la Déportation - organisées par l'Etat ou/et par la communauté Juive française.

Le « développement du centre de recherche sur la Shoah, devenu l'un des tout premiers en Europe, comme celui des activités du Mémorial, notamment en direction des publics scolaires, ont amené le conseil d'administration du Mémorial-CDJC à proposer une nouvelle étape : la création du Mémorial de la Shoah ».

Avec le soutien de l'Etat, de la Ville de Paris et de la Région Ile-de-France, le Mémorial a élaboré un projet en vue de l’agrandissement de son bâtiment. Les travaux sont terminés à la fin 2004.

Initié en 1997, ce « plan d’agrandissement et de regroupement de ces deux institutions d’histoire et de mémoire - le CDJC et le Mémorial du martyr juif inconnu - en une seule entité se met en place et aboutit à l’ouverture du Mémorial de la Shoah le 27 janvier 2005 ».

Cet agrandissement a « permis notamment d'offrir davantage de place aux chercheurs dans les salles de lecture, de déployer l'exposition permanente sur l'histoire de la Shoah, de créer un espace multimédia, un auditorium et d'ériger à l'extérieur du bâtiment « le Mur des noms » où ont été gravés les noms de tous les Juifs déportés de France ».

Formé de trois départements - les archives, la photothèque et la bibliothèque -, le Mémorial de la Shoah/CDJC « se positionne aujourd’hui comme le plus grand centre de documentation en Europe consacré à l’histoire de la Shoah et au sort des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ». Son fonds documentaire s’accroît régulièrement grâce à des dépôts, dons ou achats. Ce Mémorial de la Shoah gère aussi les archives d’organisations et de particuliers, célèbres et anonymes.

Sara Halperyn (1920-2002)
C’est une mémoire du CDJC qui a disparu en 2002. Responsable de la bibliothèque du CDJC, Sara Halperyn, octogénaire, est décédée le 13 février 2002. Regrettée de tous...

Sara Halperyn est née Neumann, en 1920 à Francfort, « dans une famille d’Ostjuden, des Juifs polonais installés en Allemagne », précisait Maurice Rajsfus. La famille Neumann, surtout la mère, est pratiquante. Sara et ses deux frères bénéficient donc d’une éducation religieuse.

C’est en 1936 que la famille quitte l’Allemagne nazie pour la Palestine. Seule y reste une grand-mère paternelle adorée, qui sera internée à Therezienstadt, puis mourra à Auschwitz. La famille Neuman s’installe à Jérusalem, et le père ouvre une épicerie à Herzliya.

Sara ne retourne plus en Allemagne. Plus tard elle refuse de toucher les dédommagements allemands auxquels elle a droit (Claims Conference). Son ressentiment pour l'Etat allemand ne se confond jamais avec sa perception de la génération née dans ce pays après le génocide juif. Elle accueille ainsi chaleureusement des volontaires allemands à la fin des années 1990 au CDJC.

Dotée d'une culture juive très étendue et de solides connaissances médicales, la jeune Sara devient infirmière. Difficile de connaître sa vie en Palestine, puis en Israël, tant la femme était était pudique et discrète. A peine sait-on que Sara Halperyn ne pratiquait plus vers la fin de sa vie et bien sûr s’inquiétait de la guerre en Israël. La cause de la paix, introuvable, lui tenait aussi beaucoup à cœur. 

Sara Halperyn rencontre à Jérusalem en 1943 Jacob Halperyn. Né à Łódź (Pologne), en 1903, intellectuel et érudit juif, Jacob Halperyn est également un talentueux polyglotte.

Le couple arrive en France en France en 1950 et se marie en 1957. Il a deux enfants, Sophie et Léon. Le second poursuit plus tard un parcours de chercheur avec une thèse de doctorat en "Langues, civilisations et sociétés orientales", soutenue en 2019 à l'université de Paris 3 - Sorbonne Nouvelle. 

Vers 1970, Sara Halperyn entre au CDJC comme assistante de la bibliothécaire, Olga Imbert. « Le centre est alors une structure encore petite, qui accueillait peu de chercheurs. Les archives et la bibliothèque se trouvaient au même niveau », précisait Maurice Rajsfus en 2002.

Sara Halperyn est nommée responsable de la bibliothèque en 1980, lorsque Mme Imbert prend sa retraite. Une fonction qu’elle exerce jusqu’au 8 février 2002.

Sara Halperyn a participé à la mise à jour de fichiers aux classements pertinents et aux résumés clairs en français. Maîtrisant l’allemand, le yiddish et l’hébreu, Sara Halperyn a traduit moultes documents pour les chercheurs. « C’était un puits de compétence et d’érudition. Elle guidait les gens pour éviter des études superficielles ou inexactes », expliquait Serge Klarsfeld en 2002. Une fois leur travail publié, de nombreux chercheurs la remercieront pour son aide, dans leur ouvrage.

Veuve depuis 1987, cette septuagénaire obtient une maîtrise d’hébreu à l'université de Paris VIII. 

Et elle est affectée par les décès récents d’un de ses frères en Israël et de sa meilleure amie.

« On riait toujours avec Sara. Elle avait un sourire, un dynamisme, une modestie... Elle était ouverte sur les autres et discrète sur sa vie. Elle disait toujours : « Tout va très bien ». Elle avait une parfaite connaissance du fonds. Elle maternait les chercheurs, les encourageant et les orientant dans leurs recherches. Sara n’aura pas vu le retour du Centre dans ses locaux agrandis en 2004. Elle laisse un grand vide... », se souvenait avec émotion Sarah Mimoun, une collègue et amie.

Affaiblie par une bronchite, Sara Halperyn meurt le 13 février 2002. 

A son enterrement au Père Lachaise le 19 février 2002, se sont retrouvés collègues, amis, chercheurs, journalistes, historiens, étudiants, etc. 

Le 21 mars 2002, Eric de Rothschild, président du CDJC, le conseil d’administration et l’ensemble du personnel du Centre, ont rappelé le souvenir de la responsable de sa bibliothèque, Sara Halperyn. Chercheurs et amis décrivent une dame dévouée, discrète, drôle, chaleureuse, polyglotte, très active et particulièrement compétente. Le Monde juif, la revue d’histoire de la Shoah du CDJC, a publié un numéro spécial en son honneur.


Du 30 mars au 30 avril 2023
Au 
Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère
14, rue Hébert 38000 Grenoble France
Tél. : 04 76 42 38 53 
Entrée libre de 10 h 00 à 18 h 00

Du 27 janvier au 6 février 2014
A l'Espace Hillel
113, boulevard Marius Vivier Merle. 63003 Lyon
Tél. : 04 37 43 15 15/04 37 57 05 70
Du lundi au jeudi de 9 h à 22 h. Le vendredi de 9 h à 14 h. le reste de la semaine en fonction des activités. Vernissage le lundi 27 janvier 2014  à 17 h. Accès Entrée libre

Jusqu’au 17 novembre 2013
17, rue Geoffroy-l’Asnier. 75004 Paris
Tous les jours sauf le samedi, de 10 h à 18 h, et le jeudi jusqu’à 22 h
Tél. : 01 42 77 44 72
Visuel :
Le CDJC en 1953 à Paris, le service des archives.
© Daniel Franck

A lire sur ce blog :
Les citations proviennent du communiqué de presse. La partie du Sara Halperyn a été publiée par Actualité juive hebdo.
Cet article a été publié le 15 novembre 2013, puis le 27 janvier 2014.