Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

jeudi 25 juin 2015

La peintre Ruth Barabash


 Peintre israélienne, Ruth Barabash a étudié la philosophie à l'université de Tel Aviv. Un regard critique et désillusionné sur la société contemporaine. Dans son atelier à La Ruche, célèbre cité d'artistes à Montparnasse (Paris), Barabash crée des œuvres picturales faussement douces ou naïves.


Née à Petah Tikva (Israël) en 1963, Ruth Barabash  a étudié la philosophie à l’université de Tel Aviv.

Diplômée avec les félicitations du jury de l’Ecole nationale supérieures des Beaux-arts (Ensb-a) de Paris en 1995, elle se partage entre la France et Israël, et expose depuis 1993 notamment en France, en Italie et en Suisse, en Allemagne, en Pologne, en Chine.

En 2003, la Galerie Eric Dupont avait présenté des œuvres de Ruth Barabash  qui peignait, d’après photographies, l’image projetée par la société via des jouets ou des mannequins. Cette artiste israélienne y a présenté des cartes européocentristes, des poupées-enfants vêtues, coiffées et maquillées comme des adultes ou des avions. Ses gouaches étaient assemblées comme les éléments d’un puzzle...

Ce qui surprenait, c’était le contraste entre la candeur des couleurs ainsi que la simplicité des dessins et la violence du propos, la transposition dans le monde de l’âge tendre d’un univers guerrier et la fragilité des supports papier.

« Chaque image, motif ou espace recréé par l’artiste semble lentement émerger ou bien, se rendre là, à la surface du papier, sans jamais se définir tout à fait. Ce n’est pas une question de flou, encore moins d’inachevé. On pourrait appeler cela une qualité d’incertitude qui rend chaque « sujet » si présent, quand bien même il ne perçoit que quelques tâches posées l’apparence de la désinvolture. Les gouaches s’abandonnent sous nos yeux, elles se liquéfient parfois au point de devenir de simples évocations d’un monde que nous connaissons et qu’elle réinvente avec justesse. Ruth Barabash nous restitue une vision absente ou disparue sans nommer d'histoire(s) : ses « Top model » évoquent le monde de la mode et des défilés ; ils possèdent une puissance évocatrice d’une violence sourde, une violence que l’on ressentait déjà dans ses paysages d’Israël ou dans ses grandes compositions où des enfants jouent à côté d’un hélicoptère. Ses sujets, ses jouets par exemple, ne sont pas seulement des jouets, mais des machines de guerre. Ses grandes Mappemondes colorées (168 x 228 cm) deviennent des lieux énigmatiques, ouverts au sens, ils témoignent de notre univers en complète mutation », écrivait le galeriste Eric Dupont en 2003.

Paradis rêvé
Ruth Barabash « assemble différents petits formats formant des compositions dont les éléments se répondent. Par exemple, lorsque les phrases d'une chanson (No Matter What I Do, I'm Still In Love With You) inscrites au marqueur sur du plastique transparent côtoient une carte touristique de Cuba et un dessin de papillon. Leur mise en présence évoque notamment l'aveuglement touristique, avec un amour inconditionnel pour ces destinations lointaines cependant si évanescent — comme le papillon », analysait Marie-Jeanne Caprasse  lors de l’exposition Sweet Dreams are Made of these Fears, en 2004.

L’évolution de sa technique ? « Alors que dans mes précédents travaux, je rassemblais des feuilles de papier pour élaborer une seule peinture, le travail actuel réunit différents supports et techniques. J’utilise la toile, plusieurs qualités de papier mais aussi le plastique. J’emploie différentes techniques comme la peinture à l’huile, les encres, les feutres et puis de la peinture pour vitrail et pour céramique. Procéder ainsi me permet par ailleurs de détruire les frontières entre les matériaux nobles et ordinaires (j’utilise même des assiettes en plastique), entre les durables et les éphémères ».

A l'occasion de la FIAC 2004 et pour le 6e prix Fondation d'entreprise Ricard, celle-ci a présenté à l'Espace Paul Ricard l’exposition collective Prosismic, avec notamment des œuvres de la peintre israélienne Ruth Barabash et d’Adel Abdessemed. « Bien qu'elle implique des artistes aux parcours et démarches différents, tous sont animés d'une sensibilité commune de réaction aux complexités et contradictions de la réalité qu'ils traitent dans une gamme d'expressions aussi distinctes et variées que la peinture, la sculpture, l'installation, la vidéo, la photographie, la performance, l’action de rue ou encore la musique ».

« Il s’agit en fait de la même approche présentée sous un angle différent. Si j’ai peint pendant deux ans des machines de guerre à partir d'images trouvées dans les catalogues de jouets pour enfants, c’est parce que ceux-ci expriment selon moi les valeurs et le vrai désir de nos sociétés. Aujourd’hui, je me sers de cartes postales et d'images de catalogues de vente de vacances parce qu'elles véhiculent la même contradiction. Ce monde sur papier glacé vendu par l'industrie du tourisme, avec ses clichés hautement séduisants et léchés est le monde que nous habitons, celui des conflits, des guerres, des violence et misère sociales. Un monde utopique en quelques sortes, construit de toutes pièces et dans des contextes parfois très pauvres afin d’attirer des milliers de touristes et les arracher à leur quotidien. C’est tout ce paradoxe que j’essaie de montrer dans ma série actuelle. Les paroles de chansons d'amour qui accompagnent les peintures ont la même fonction. Ce sont des chansons que j’ai pu entendre pendant que je travaillais, captées sur les ondes radio les plus populaires. Comme les paysages de vacance, comme les papillons qui agrémentent aussi cette série, elles renvoient à l'utopie, à l'effet de mode, à l’éphémère », a confié Ruth Barabash le 22 juillet 2004 à Evelyne Jouanno, critique d’art et commissaire de l’exposition Prosismic.

Et d’ajouter : « Israël des années 70 était noyé dans l’utopie. On nous a élevés avec des valeurs socialistes en matière d'écologie, de partage, d’égalité et de fraternité (sans comparaison avec le slogan français). C'était une éducation très patriotique basée sur l’amour de notre pays. On nous a appris le nom de chaque oiseau et de chaque plante, chaque colline était admirée pour son appartenance à Israël. Il s'agissait d'une utopie mêlée d'une grande naïveté puisque pour les enfants, Israël était présenté comme un vrai paradis. Une construction purement imaginaire, de fait, qui n'a bien sûr rien à voir avec la réalité et que seul le touriste pourra trouver en découvrant Israël, depuis l’extérieur. C'est pourquoi j'ai ajouté « beautiful Israël » sur cette peinture. Une ironie en effet, qui renvoie à celle des médias et à la manière qu'ils ont de nous imposer un regard « mystificateur » sur le monde. Repeindre ces images d'un monde présenté comme idyllique par nos sociétés me permet ainsi de pousser à l'extrême l'ironie qu'il y a derrière le mythe, et par là, de le « démystifier ». Regarder mes paysages ne pourra se faire sans que la réalité vienne s'y coller, dans la conscience de chacun. Il s'agit en même temps d'interpeller le rêve de territoire parfait que chacun de nous a en soi ».


Dans son atelier à La Ruche, célèbre cité d'artistes à Montparnasse (Paris), pendant les vacances scolaires 2015, Ruth Barabash crée ces œuvres picturales faussement naïves, mais doucement profondes.


Du 12 octobre 2004 au 19 novembre 2004
12, rue Boissy d'Anglas. 75008
9, rue Royale. 75008 Paris
Galerie Royale 2
Tél. : 01 53 30 88 00
Du mardi au samedi de 11h à 19h

Visuels :
Ruth Barabash, "Chaatnez Fata-Morgana", 2004, technique mixte sur rouleau de papier, 152 cm x 12 m, Courtesy Galerie Eric Dupont, Paris

Ruth Barabash, sans titre, gouache/papier, 116/160

Ruth Barabash, sans titre, gouache/papier, 224/370

Ruth Barabash, sans titre, gouache/papier, 160/220

Ruth Barabash, I remember how you use to love me, 56/76, vitrail/papier glacé

Ruth Barabash, You told me you love me how did you..., gouache/papier, 40/60

Ruth Barabash, "Chaatnez Fata-Morgana", 2004, Technique mixte sur rouleau de papier, 152 cm x 12 m, Courtesy Galerie Eric Dupont, Paris

Ruth Barabash, La Havane, 56/76, céramique/papier glacé

Ruth Barabash, "Beutifull Israel", 40/50, gouache/papier

A lire sur ce blog :
Articles in English   

Cet article avait été publié en une version concise dans Actualité juive. Il a été publié sur ce blog le 6 novembre 2014.

mardi 23 juin 2015

Hommage à David G. Littman (1933-2012)



David Littman (1933-2012) est né dans une famille Juive britannique.  Jeune époux et père d'un bébé, il est le protagoniste déterminant de l'opération Mural qui permet, avec l'aide du Mossad, en 1961, à des centaines d'enfants Juifs marocains de rejoindre clandestinement l'Etat d'Israël, via la Suisse. Ce qui lui a valu la distinction émérite de Héros du silence décernée en 2009 par l'Etat Juif. Historien, il est l'auteur de brillants articles  et livres sur les Juifs, dont l'excellent « L’exil au Maghreb. La condition juive sous l’islam 1148-1912 » avec Paul B. Fenton. Cet ardent défenseur des droits de l'homme s'est illustré en un orateur incisif au Conseil des droits de l'homme,  et il a représenté des ONG : World Union for Progressive Judaism (WUPJ), dès 1997, l'Association of World Citizens (AWC) etthe Association for World Education (AWE). Avec son épouse Bat Ye'or qu'il a constamment soutenue, ce Sioniste a participé à la fondation de WOJAC (World Organization of Jews from Arab Countries) en 1974-1975. Leur fille Ariane Littman vient de publier, malheureusement à titre posthume, Opération Mural, de David Littman.


De sa haute taille, David Gerald Littman a arpenté avec élégance les continents.


Le jour de leur mariage, sa femme, la future Bat Ye’or, lui avait enjoint de « parler le français avec humour » ? David G.Littman s’était exécuté à la perfection, pour le plus grand bonheur des spectateurs de ses conférences.

Historien et militant des droits de l’homme
David G. Littman est né dans une famille britannique Juive bourgeoise.

Licencié en histoire moderne et sciences politiques de Trinity College Dublin (BA & MA), ce sportif accompli a continué ses études à l’Institut d’archéologie, Université de Londres.


De son éducation et de son tempérament affirmé, émanaient chez David G. Littman une rectitude, un respect à l’égard d’autrui, un flegme qui n'excluait pas la passion, une pudeur à l'égard de drames intimes, une grande exigence morale, un scrupule manifeste jusque dans les détails, une franchise et une chaleur à l’égard de ceux qu’il respectait et aimait. Magna est veritas, et praevalebit / La vérité est puissante, et triomphera, telle était la maxime latine par laquelle il dédicaçait son ultime livre magistral L’exil au Maghreb, la condition juive sousl’islam 1148-1912 (Presses universitaires de Paris Sorbonne, 2010) présenté notamment lors d’une conférence de presse au CAPE (Centre d’accueil de la presse étrangère) à Paris. L’indicatrice aussi de son objectif, de sa combattivité et de son optimisme.

David G. Littman a épousé Gisèle Orebi, contrainte de quitter, avec sa famille Juive, son Egypte natale. Et c’est lui qui a conçu son nom de plume d'essayiste, Bat Ye’or (fille du Nil, en hébreu). Tous deux ont contribué à fonder WOJAC (World Organization of Jews from Arab Countries) en 1974-75 : ils ont milité pour faire reconnaître l’« exode oublié » d’environ un million de réfugiés Juifs du monde arabe, de Turquie et d’Iran.

David G. Littman a encouragé, soutenu et admiré le travail pionnier de Bat Ye’or sur la dhimmitude, Eurabia et la marche vers le califat. Dans ce couple d’intellectuels et de militants dévoués, chacun s’est épanoui en produisant ses travaux originaux et passionnants dans une émulation sans nuage ainsi que dans une entente profonde, en défrichant des domaines méconnus, voire inconnus, et hors cadre universitaire – tout en s’imposant tous les critères intellectuels des chercheurs. Il a affronté avec courage et détermination l’hostilité, y compris parmi les communautés juives institutionnalisées, suscitée par leurs écrits historiques sur des sujets sensibles.

Il découvre dans des livres l’horreur et l’histoire de la Shoah. Horrifié, il est décidé à agir en faveur du peuple Juif persécuté.


En 1961, alors que l’immigration des Juifs du Maroc était interdite, David G. Littman a contribué avec le Mossad, sous le nom de code de « Mural », à la sortie clandestine de 530 enfants Juifs marocains vers l’Etat d’Israël, via la Suisse (« Opération Mural » : Casablanca1961, film documentaire de Yehuda Kaveh, 2007).


Grâce à lui, le passeport collectif a permis l’aliyah des Juifs du Maroc.



En 2009, ce Sioniste a été distingué comme le sixième Héros du silence d’Israël lors d’une cérémonie présidée par Shimon Peres. Tous les bénéfices du DVD sont « destinés aux enfants mentalement handicapés en Israël ».



En 2015, est publié à titre posthume son livre souvenir sur l'Opération Mural, préfacé par son épouse Gisèle Littman.

Dès 1969, David G. Littman a entrepris des recherches dans les archives de l’Alliance israélite universelle (AIU) et du Quai d’Orsay à Paris et au Foreign Office à Londres, publiant jusqu’en 1985 de nombreux articles sur les Juifs du Maghreb et de l’Orient.

Avec Bat Ye’or, il a fondé à Genève le Center for Information and Documentation on the Middle East.


Depuis 1986, il s’était consacré à la défense des Droits de l’homme aux Nations unies à Genève à la Commission des droits de l’homme et la Sous-commission, et depuis 2006 au Conseil des droits de l’homme, en tant que représentant d’ONG, principalement l’Union mondiale pour le judaïsme libéral (WUPJ, http://wupj.org) en 1986-1991 et depuis 2001, et l’Association pour une éducation mondiale (AWE) depuis 1997. Atrocités au Soudan, terrorisme jihadiste et charte du Hamas, sharia attentatoire aux droits des femmes, Déclaration des droits de l’homme en islam (Le Caire, 1990) visant à miner la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948)… Tous ces thèmes ont été dénoncés avec vigueur par David G. Littman dans cette enceinte onusienne biaisée, partiale.

A la demande de la New York Public Library, Bat Ye'or et David G. Littman lui ont confié tous les manuscrits de leurs livres - de la première ébauche à l'édition originale et rééditée, via les épreuves -, leurs articles, leurs correspondances avec des personnalités ainsi que leurs photocopies d'archives, souvent traduites et dactylographiées, des pays d'Afrique du Nord du Moyen-Orient. Ils lui ont remis aussi leur documentation sur l’Opération Mural et sur l’ONU. 

Il a coécrit et coédité trois livres :

Parmi ses articles :
·         Jews and Arabs: myths and realities, David Littman, 1973.  
  • Protected Peoples under Islam par David Littman et Bat Ye’or, Centre d'Information et de Documentation sur le Moyen-Orient, 3 éds. en anglais et français (1975-1977).
·         “Jews under Muslim Rule in the late Nineteenth Century”, Wiener Library Bulletin 28, n.s. 35/36 (1975), pp. 65-76.
·         “Jews under Muslim Rule–II: Morocco 1903-1912”, Wiener Library Bulletin 29, n.s. 37/38 (1976), pp. 3-19.
  • « Quelques aspects de la condition de dhimmi : Juifs d'Afrique du Nord avant la Colonisation », dans YOD, Revue des études hébraïques et juives modernes et contemporaines, (Publications Orientalistes de France), 2: 1, Octobre 1976.
·         « Les Juifs en Perse avant les Pahlevi », Les Temps Modernes, 395, pp. 1, 910–935, Juin 1979.
Cet homme d’une envergure exceptionnelle est décédé à l’âge de 78 ans, le 20 mai 2012, en Suisse, après avoir lutté avec courage contre une leucémie.

J’adresse à son épouse Bat Ye’or, à ses filles et petits-enfants, qu'il chérissait tant, mes condoléances émues.

J'ai rendu hommage à David G. Littman ce jeudi 24 mai 2012, vers 13 h, sur Radio Chalom Nitsan.

Articles sur ce blog concernant :

Cet article a été publié le 22 mai 2012.

mercredi 17 juin 2015

« Misgano, Juif d’Ethiopie. Retour vers la Terre promise », de Jan Willem den Bok


Arte a rediffusé « Misgano, Juif d’Ethiopie. Retour vers la Terre promise  » (« Het land van Melk en Misgano ”, « The Land of Milk and Misgano  »), documentaire de Jan Willem den Bok (2011). Descendants de la reine de Saba et du roi Salomon, ou de la tribu de Dan, les Juifs d’Ethiopie ont majoritairement pu faire leur aliyah en Israël. C'est l'espoir de Misgano et de sa famille qui attendent depuis près de huit ans l'autorisation de rejoindre la Terre Promise. Le 17 juin 2015, la mairie du IIIe arrondissement de Paris accueillera, dans le cadre du Festival des Cultures Juivesà 16 h 30 la projection du film Chronique marrane, Ethiopie 2007 de Daniel Friedmann, sociologue, chargé de recherche au CNRS, auteur de Les Enfants de la Reine de Saba, Les Juifs d’ Éthiopie (Falachas) histoire, exode, intégration (Métailié, 1994), suivie d’un débat en présence du réalisateur, puis à 18 h, le vernissage, sous le Haut Patronage de S. E. Nega Tsegaye, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République fédérale démocratique d’Éthiopie en France, de « Les Juifs d’Ethiopie, la liberté pour tout bagage », "exposition  (10-23 juin 2015) exceptionnelle de photographies et d’objets culturels (bijoux, accessoires, mobiliers, objets de culte) des Bêta Israël, les Juifs d’Ethiopie. Intermède musical avec des musiciens éthiopiens".


« L’Ethiopie est notre patrie. Israël est la terre à laquelle nous appartenons. Dieu nous appelle pour retourner à notre terre, à retrouver nos racines », explique Misgano.

Juif d'Éthiopie âgé de 30 ans, Misgano a décidé d'émigrer en Israël avec sa femme, qui parle peu, et ses deux fils, Tesfae et Abraham, âgés respectivement de six ans et de quatre ans, « vers son pays, vers la ville sainte de Jérusalem. Dieu nous guide vers la Terre promise » où vivent déjà ses parents, frère – Atalay Tatgehn n’a pu étudier, gagne difficilement sa vie comme manutentionnaire dans un entrepôt de crèmes glacées à Tel Aviv, mais sait que son avenir est en Israël, "pays promis par Dieu, le pays du miel" -, et sœurs.

Falashmuras
En 1984, débute l’Opération Moïse qui, sur un an, et par avions israéliens, amène 8 000 Juifs d’Ethiopie, appelés « falashas », puis « falashmuras », en Israël.

Dans les années 1980, l'Etat Israël met en œuvre une politique d'immigration contrôlée en direction des Juifs d'Éthiopie. Depuis, 50 000 à 60 000 d'entre eux auraient rejoint la Terre promise. Des olim qui ont rencontré, comme leurs prédécesseurs, des difficultés à s'intégrer dans la société israélienne.

Six mille attendent encore de pouvoir faire leur aliyah en 2011.

Voici près de huit ans, Misgano et sa famille ont quitté leur village éthiopien pour s’installer dans la ville de Gondar, près des centres administratifs, pour pouvoir postuler au programme d'immigration vers Israël. Sur le mur de leur maison pauvre : des dessins représentant l’étoile de David et des photos de famille.

C’est émouvant d'entendre ces Falashmuras réciter avec piété des prières en hébreu et exprimer leur amour profond pour Eretz Israël dans lequel ils aspirent à s'intégrer.
Misgano attend depuis plus de sept ans l’autorisation d’émigrer en Israël dont il cultive une image idéalisée, tout en ayant conscience que la vie y sera difficile. Est déçu lorsque, malgré ses efforts en cours d'hébreu, son nom ne figure pas sur la liste des Falashmuras autorisés à prendre l'avion jusqu'à Tel-Aviv. "Notre tour n'est pas encore venu", soupire Misgano.

L'Etat d'Israël réduit le nombre d'olim arrivant chaque mois - de 200 à 150 - car les capacités des centres d'accueil et d'intégration sont pleines.

Enfin, Misgano est informé de l'autorisation qui est accordée à sa famille pour faire son aliyah. Une nouvelle accueillie par des réjouissances familiales pudiques. "Aujourd'hui, nous allons enfin pouvoir vivre notre rêve. Le mois prochain, nous serons en Israël. Dieu ne nous a pas oubliés, Il s'est souvenu de nous", chuchote presque Misgano à son épouse. Il promet de revenir un jour dans son village natal auquel il demeure attaché et où vit encore une moitié de sa famille, l'autre moitié ayant choisi Israël.

Jan Willem den Bok filme Misgano et sa famille au cours de la dernière année précédant le départ, un peu à la manière d'un road-movie entre Gondar et Tel-Aviv : les réunions au cours desquelles on leur présente grâce à des diapositives leur futur Etat et son histoire, leur dialogue avec un responsable de l'Agence Juive, “les démarches administratives, les cours d'hébreu, les réunions à la synagogue, la longue attente, l'annonce de l'acceptation du dossier, le retour au village pour dire adieu aux proches et aux amis...” et à la vie simple de paysan et d'apiculteur qu'il a menée - "Cette terre a nourri des générations de familles et continuera à le faire pendant encore longtemps" - et de membre d'une communauté villageoise soudée, affectueuse, solidaire, reconnaissante. On s'interroge sur l'avenir de ces Juifs ayant décidé de demeurer en Ethiopie. L'un d'eux, chef de famille et grand-père, se trouve trop vieux pour partir en Israël...

Misgano promet à ses enfants de travailler dur en Israël pour qu'ils puissent faire des études, les conjure au travail, à faire des études, leur dit son amour pour eux. A l'aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv, son épouse et lui embrassent le sol israélien. Prudemment, Misgano et sa famille empruntent l'escalator de l'aéroport. Ils sont accueillis par des membres de leur famille.

Le documentaire montre aussi les manifestations de Juifs d'Ethiopie pour que cessent les discriminations à leur égard. Des doléances exprimées par Atalay Tatgehn : "Nous sommes trop pauvres pour eux. Nous essayons de nous intégrer. Mais ils ne veulent pas nous aider". Manque le contrepoint gouvernemental.

ADDENDUM
En juin 2015, le policier israélien qui a battu en avril 2015 un soldat israélien falashmura ne sera pas poursuivi, car le soldat a usé le premier de violence à l'égard du policier. La vidéo de la scène montrant le policier frappant le soldat avait été filmée et diffusée sur Internet.

Le 17 juin 2015, la mairie du IIIe arrondissement de Paris accueillera, dans le cadre du Festival des Cultures Juives, à 16 h 30 la projection du film Chronique marrane, Ethiopie 2007 de Daniel Friedmann, sociologue, chargé de recherche au CNRS, auteur de Les Enfants de la Reine de Saba, Les Juifs d’ Éthiopie (Falachas) histoire, exode, intégration (Métailié, 1994), suivie d’un débat en présence du réalisateur, puis à 18 h, le vernissage, sous le Haut Patronage de S. E. Nega Tsegaye, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République fédérale démocratique d’Éthiopie en France, de « Les Juifs d’Ethiopie, la liberté pour tout bagage », "exposition  (10-23 juin 2015) exceptionnelle de photographies et d’objets culturels (bijoux, accessoires, mobiliers, objets de culte) des Bêta Israël, les Juifs d’Ethiopie. Intermède musical avec des musiciens éthiopiens".

« Misgano, Juif d’Ethiopie. Retour vers la Terre promise  », de Jan Willem den Bok
Pays-Bas, 2011, 50 mn
Diffusions les 
9 décembre 2013 à 18 h 10 et 21 novembre 2014 à 15 h 35.

A lire sur ce blog :
Articles in English
 Cet article a été publié le 9 décembre 2013. Il a été republié le :
-  22 mai 2014. Sur Arte, Tracks a diffusé les 24 et 31 mai 2014 le reportage Le blues des Falashas : "Plongée au cœur de la scène musicale de la communauté falasha, ces Israéliens d'origine éthiopienne, dont les artistes revendiquent en chanson le retour à leurs racines. Parmi eux : Surafel Chanie, qui mixe R'n'B et pop moderne éthiopienne, ou Ester Rada, espoir de la world music, élue miss Israël en 2013" ;
- 27 novembre 2014.

lundi 15 juin 2015

Interview de David Arzi, président de l’IEICI en 2009


L’Institut israélien de coopération internationale et d’exportation (IEICI) joue un rôle-clé dans l’économie israélienne : la part des exportations dans la production intérieure (PIB) s’élève à 38%, contre 21% pour la France. Interview de David Arzi, alors son président, réalisée pour L'Arche lors du 48e Salon international de l’aéronautique et de l’espace au Bourget, le 17 juin 2009. Par son importance, le pavillon israélien figure parmi les six premiers exposants lors de ce 48e Salon. L'année du centenaire de ce Salon. Le Salon international de l'aéronautique et de l'Espace du Bourget se tient du 15 au 21 juin 2015.

Jean Boulet (1920-2011), émérite pilote d'essai sur hélicoptère
L’ALAT propose une carrière militaire... sous les cocardes et sous les rotors

Présentez-nous l’IEICI…

L’IEICI a été fondé en 1958 comme joint venture. Il est détenu à hauteur de 71 % par le secteur privé – association de producteurs, chambres de commerce, kibboutzim industriels - et de 29% par le gouvernement. Il est indépendant, et au service des exportateurs israéliens.

Nous avons plus de mille exportateurs israéliens dans les domaines de la sécurité, de la défense du territoire (Home Land Security, HLS). 

Sur plus de 6 000 entreprises israéliennes exportatrices, seules 80 sont de grandes exportatrices. Les autres n’ont pas la capacité de réaliser tout le processus pour exporter leurs produits.

Nos missions majeures consistent à identifier et localiser les opportunités d’affaires, et à former les entreprises israéliennes à l’exportation. A cette fin, nous avons créé une école pour leur enseigner le marketing et la vente.

Nous organisons aussi la participation israélienne dans les grands salons internationaux.

Votre département Aviation, Défense et Sécurité intérieure ou du territoire (Homeland Security, HLS) représente 150 compagnies. Israël propose une gamme large d’activités liées à l’aéronautique et à l’espace…

Israël est le leader mondial des véhicules sans pilotes. Dans environ 15 ans, tous les combats aériens s’effectueront en drones (Unmanned Aerial Vehicules, UAV). Israël en sera le leader.

Israël fait partie du club restreint des pays détenant la technologie de l’espace. Ce qui importe, c’est le système : le sensor (capteur) et la caméra. Ce sont les clés de l’avance technologique.

Nous assurons aussi la conversion d’avions de tourisme en appareils destinés au fret.

En 2008, les exportations liées à l’aérospatiale ont représenté un chiffre d’affaires de plus de 5 milliards de dollars, sur 60,8 milliards de dollars d’exportations de marchandises. Quels facteurs expliquent ces succès ?

Ce sont les innovations technologiques. Israël est le premier pays à investir autant dans la recherche et le développement.

Quels sont les marchés à l’exportation ?

Nous réalisons 60% de nos exportations aux Etats-Unis et en Europe.

Nous développons trois marchés : l’Inde, la Chine et le Brésil qui représentent 10 % de nos exportations. Notre but est de porter ce nombre à 30 % en raison des capacités excédentaires des marchés américain et européen, et car la Chine sera dans dix ans la 2e économie au monde après les Etats-Unis.

Ressentez-vous les effets de la crise économique ?

Non. Au pavillon israélien, nous observons un afflux de visiteurs. C’est le même accueil dans d’autres salons...

Nous avons prévu environ un millier de rencontres entre les producteurs israéliens présents et des compagnies étrangères (Business to Business). Pour les 20 compagnies du pavillon, nous avons prévu 50 réunions B to B en cinq jours.

Quels facteurs expliquent les succès de l’économie israélienne ?

Ce sont les innovations technologiques. Israël est le premier pays à investir autant dans la recherche et le développement (ratio investissement en R&D sur le PIB).

Nos systèmes sont fondés sur des algorithmes très élaborés et efficaces. Il sont incopiables.

Des organisations mènent des campagnes de boycott de produits israéliens : en France, dans les supermarchés... Ces actions vous affectent-elles (1) ?

Non. Nous négocions au plus haut niveau, en termes de business. Les hommes d’affaires ne prennent pas en compte ces actions.

Quand les gouvernements s’emparent de ces questions, nous percevons les effets des actions des organisations luttant contre Israël.

Percevez-vous une demande liée à un plus grand respect de l’environnement ?

Oui, et c’est un grand changement. Les gens sont très conscients des dommages sur l’environnement, sur la durée de vie ; ils veulent une « énergie verte »...

En réponse à ces besoins, nous vendons par exemple des technologies de traitement de l’eau.

Que prévoyez-vous dans un proche avenir ?
Je songe à deux pistes : améliorer la fiabilité des systèmes pour parachever les évolutions en cours et développer le grand potentiel lié à la HLS.

Israël développe des systèmes fondés sur l’expérience et des innovations que l’on ne trouve nulle part ailleurs.


(1) Dimanche 21 juin 2009, jour d'ouverture au public de ce Salon, une trentaine d'activistes ont manifesté devant le pavillon israélien dans le cadre de la campagne BDS (Boycott Divestment Sanction), pour le boycott d'Israël et « contre la vente d'armes à Israël assassin ». Les forces de l'ordre sont rapidement intervenues pour mettre un terme à leur action filmée.

Eurosatory est le premier salon international de la défense terrestre, aéroterrestre et de la sécurité. Le Parc des Expositions de Paris Nord-Villepinte a accueilli 1501 sociétés dont 51 israéliennes lors d'Eurosatory (16-20 juin 2014). Des militants du BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) ont crié devant le pavillon israélien : "Ici, on tue des enfants", "Boycott Israël". Ils ont été interpellés par le service d'ordre du Salon non ouvert au public.  


Articles sur ce blog concernant :
Cet article a été commandé, et non publié, par L'Arche. Il a été publié sur ce blog les 24 décembre 2010, 19 juin 2014.

mardi 9 juin 2015

« Un été en Allemagne nazie », par Michael Kloft


Arte diffuse « Un été en Allemagne nazie » (Innenansichten-Deutschland 1937, March of Time: Inside Nazi Germany), documentaire par Michael Kloft (2012). Des « images édifiantes restées intactes » de la vie quotidienne dans l’Allemagne sous férule nazie prises par Julien Hequembourg Bryan (1899-1974), documentariste américain, brièvement montrées en 1938.


Julien Hequembourg Bryan (1899-1974) a manifesté tôt son intérêt pour la découverte du monde à travers les voyages dont il ramène photographies et films destinés à ses conférences, livres, etc. 

Journaliste-reporter
En 1917, âgé de 18 ans, Julien Hequembourg Bryan sert comme ambulancier en France lors de la Première Guerre mondiale, conduisant les soldats blessés des champs de bataille aux hôpitaux derrière les lignes. Il en tire un livre, Ambulance 464 illustré par ses photographies.

Lycéen, il finance ses voyages par des conférences relatant ses séjours à l’étranger.

Diplômé de Princeton en 1921 et de l’Union Theological Seminary, il renonce à être ordonné pasteur. Il dirige YMCA (Young Men's Christian Association), mouvement chrétien de jeunesse, à Brooklyn, à New York.

En 1930 et 1935, avec sa caméra 35 mm, ce journaliste américain parcourt l’Union soviétique, de Moscou au Caucase, s’intéressant au théâtre Juif et d’avant-garde.

Au milieu des années 1930, en Pologne, Bryan filme des scènes de vie Juive à Varsovie et à Cracovie.

À l'été 1937, il « obtient une permission spéciale pour parcourir l'Allemagne et filmer ce qu'il s'y passe. Il veut montrer à ses compatriotes la réalité du IIIe Reich ».

Manifestants, dirigeants nazis, vie quotidienne dans les villes et les fermes, mesures antisémites… Pendant deux mois, il photographie et « filme sans a priori, dans un style aux antipodes de celui de Leni Riefenstahl, réalisatrice officielle du IIIe Reich. S'il n'a pas l'autorisation de tourner partout, il réussit néanmoins à capter ici et là des scènes sur le vif qui ne sont guère à l'avantage des dignitaires nazis ».

L'Allemagne "compense ses manques par une économie planifiée et la mise en place d'une puissante machine de guerre", constate William L. Shirer  (1904-1993), journaliste américain.

William Burghardt DuBois, journaliste dramaturge américain (1903-1997), dresse le même constat.

John F. Kennedy séjourne en Allemagne. Il "trouve les Nazis insupportables", mais il pense que le fascisme a sa place en Italie et en Allemagne, comme la démocratie a la sienne en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis".

Bryan filme l'exposition sur l'"art dégénéré" à Munich.

Nuremberg. L'écrivain Samuel Beckett "est indigné par l'instrumentalisation de lieux symboliques". Sur l'ordre de Julius Streicher, directeur de l'hebdomadaire antisémite Der Stürmer (1923-1945), la synagogue sera détruite en 1938. Bryan est autorisé à filmer les coulisses du congrès nazi dans cette cité. William Dodd alerte son gouvernement sur la montée des périls, notamment sur le rôle de ce congrès.

Land de Thuringe. Bryan part sur les traces de Martin Luther. Il visite Weimar, mais n'est pas autorisé à se rendre au camp proche de Buchenwald. Les opposants au régime sont persécutés par le régime nazi en raison de leurs convictions religieuses. Ce régime fonde le mouvement des Chrétiens allemands, symbiose du christianisme et du nazisme. Le pasteur Martin Niemöller stigmatise dans ses sermons les mesures antisémite. Il est interpellé et détenu au camp de Sachsenhausen.

Dans Le Journal du voleur, l'écrivain Jean Genet relate ses impressions de son séjour en Allemagne. A Berlin, il se prostitue.

Berlin.  Les autorités préparent la venue de Mussolini, la ville est pavoisée d'oriflammes nazis. Des bancs et des écoles sont réservés pour les Juifs. Der Stürmer est placardé sur les murs. Des enfants Juifs allemands apprennent donc l'hébreu. "A mon avis, dans les dix prochaines années, seuls quelques uns de ces 500 000 Juifs seront en vie".

« En filmant de banales scènes de vie prospère, l'Américain a capté les signes de l'antisémitisme endémique et de la préparation du régime à la guerre. Interdite à Buchenwald, la caméra s'immisce dans les camps de travail où sont forgées les Jeunesses hitlériennes, ou dans les coulisses des congrès du parti ».

Bryan ramène clandestinement ses pellicules de ses tournages aux Etats-Unis. Il avait vendu ses images à The March of Time. Les producteurs américains sont déçus. Bryan se défend : il a voulu "filmer la vie quotidienne de la manière la plus fidèle possible".

Dans ses conférences en 1938, il alerte ses concitoyens sur le danger qui menace.

L'ambassadeur Dodd est démis de ses fonctions.

Numéro de The March of Time, Inside Nazi Germany 1938 (16’) de Jack Glenn a été diffusé aux Etats-Unis le 18 janvier 1938 « pour mettre le régime d'Hitler en accusation ». Les dirigeants nazis sont consternés de voir la réalité allemande nazie portée à la connaissance des Américains.

En 1993, Inside Nazi Germany 1938 a été sélectionné par la Library of Congress des Etats-Unis en raison de sa « signification culturelle » pour figurer dans son Registre national de films.

La « quasi-totalité des bobines 35 mm étant restées intactes, elles ont pu être adaptées à la HD pour ce documentaire. Sur « des images déjà fortes », le réalisateur Michael Kloft « appose les commentaires de Julien Bryan et ceux d'observateurs de l'époque, fins analystes ou témoins furtifs de la montée de la terreur nazie. Des voix d'une lucidité déconcertante ».

De manière surprenante, Michael Kloft occulte certains aspects gênants de personnes qu'il cite. Ainsi, il omet de relever les remarques antisémites faites en privé par l'ambassadeur américain désigné par le président Franklin D. Roosevelt dans l'Allemagne du IIIe Reich (1933-1937), William Dodd, et ses efforts pour miner les alertes des organisations Juives américaines concernant le nazisme. De plus, il occulte les sympathies initiales de Martha Dodd, fille de cet ambassadeur, pour des nazis, puis son revirement après la Nuit des Longs couteaux (1934) et son amour avec Boris Winogradov, espion soviétique, qui la conduira à trahir son pays et son père en communiquant à l'Union soviétiques des informations de l'ambassade américaine.

La bande son du documentaire est signée par le compositeur Irmin Schmidt du groupe Can. Une « musique aux accents funèbres inspirée par un chant de la guerre de Trente Ans ».

A l’été 1939, alors que le gouvernement polonais officiel et des diplomates quittent la Pologne, Bryan se rend à Varsovie. Là, il obtient le soutien de Stefan Starzynski, maire de la ville, qui lui fournit une voiture, un guide, un interprète, et l’autorisation de filmer ce qu’il souhaite. Du 7 septembre au 21 septembre 1939, Bryan filme et photographie les bombardements de la Luftwaffe et leur impact sur les habitants. A la radio polonaise, il lance un appel au Président américain Franklin D. Roosevelt afin qu’il aide les civils cibles des bombardiers.

Bryan quitte la ville lors d’une trêve, se rend en Prusse orientale où il dissimule ses films et pellicules dans un paquet de masques à gaz qu’un ami américain ramène chez lui comme souvenirs. Il les récupère six semaines plus tard à New York.

De retour aux Etats-Unis via la Suède et la Norvège, Bryan propose ses photos à divers magazines. Le 23 octobre 1939, Life magazine édite 15 de ses photos, et le 5 décembre 1939, Look magazine 26 de ses photos. Bryan relate les événements dont il a été témoin dans Siège (1940), titre de son livre et du film (RKO Radio Pictures). Nommé pour l’Oscar, ce film est en 2006 inscrit dans le Registre national du film pour ses travaux cinématographiques importants.

En 1940, le Bureau d’information de la guerre (OCIAA) demande à Bryan de réaliser 23 films sur la vie et la culture de pays d’Amérique latine afin de prévenir la haine nationale qui avait submergé l’Europe. Puis le Département d’Etat lui commande cinq films sur les Etats-Unis.

En 1945, Bryan crée l’International Film Foundation

Il réalise des films documentaires pour le marché éducatif afin d’approfondir la compréhension mondiale par des films de qualité. 

En 1946, il retourne en Pologne, où il constate les destructions à Gdańsk.

Bryan collabore avec certains des artistes et producteurs indépendants les plus innovateurs, dont Francis Thompson qui eu un Oscar en 1965 pour le meilleur documentaire et a été pionnier dans le format 70 mm Imax.

En 1974, Bryan est distingué par le Zasłużony dla Kultury Polskiej, Prix du Mérite de la culture polonaise, pour avoir montré la réalité de l’invasion de la Pologne par les Nazis.

En 1987, lors de la soirée de gala de la Martha Graham Dance Company au New York Center, le film Frontier de Julien Bryan et Jules Bucher sur la performance de Martha Graham dans Frontier, tourné en 1935, a été présenté pour la première fois.

Fils de Julien Bryan, Sam Bryan, dirige la Fondation depuis le décès de son père en 1974.

En 2003, les Archives de Steven Spielberg au Musée Mémorial de la Shoah des Etats-Unis ont acquis les collections de photos et films de Julien Bryan sur la Pologne et l’Allemagne nazie.
     

« Un été en Allemagne nazie », par Michael Kloft
2012, 53 min 

Visuels : © Spiegel TV
Kindergeburtstag, 1937
Antisemitisches Schild, 1937
Arbeitsdienst in Bayern, 1937 
Nürnberg
Segelflieger bei Berlin, 1937

Articles sur ce blog concernant :
Les citations sont d'Arte.