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mardi 1 mars 2022

« En guerre(s) pour l'Algérie » de Raphaëlle Branche et Rafael Lewandowski

Arte diffusera à partir du 1er mars 2022 « En guerre(s) pour l'Algérie » (
Der Algerienkrieg), série documentaire partiale, en reprenant souvent la terminologie des indépendantistes, en six parties de Raphaëlle Branche et Rafael Lewandowski. « En 1954, la guerre de libération algérienne commence, ébranlant le régime colonial français installé depuis 1830. C'est le début de huit longues années de conflit acharné, un des plus traumatisants du siècle. A l'occasion des 60 ans des accords d'Evian, cette série documentaire livre un récit aussi éclairant que touchant, en alliant archives et témoignages de celles et ceux qui ont vécu cette guerre, en Algérie, en France ou en exil. »

La « colonisation française » suscite des polémiques récurrentes
« Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974) » par Ben Salama 
« Alger confidentiel » de Frédéric Jardin

« Ils sont civils algériens, Français d’Algérie, appelés du contingent, engagés et militaires de carrière français, militants indépendantistes du FLN et du MNA, combattants de l’ALN, intellectuels et étudiants, réfractaires, employés de l’administration française en Algérie, membres de l’OAS, supplétifs de l’armée française, porteurs de valises… Soixante ans après, toutes et tous, certains pour la première fois, racontent, avec une émotion intacte, la guerre telle qu’ils l’ont vécue, à hauteur de jeunes adultes ou d’enfants : les douleurs subies, les actes de violence commis, les illusions brisées, les regrets et les espoirs aussi ».

« Au-delà des mythes entretenus et des a priori tenaces, leurs récits croisés, souvent poignants, surprenants parfois, tissés avec d’extraordinaires archives dont plusieurs inédites, dénouent les fils emmêlés d’une histoire qui encombre encore les mémoires et nourrit les passions des deux côtés de la Méditerranée ». 

« Exposant avec précision l’engrenage du conflit, les concurrences de légitimité dans chacun des camps et les points de bascule conduisant de l’Algérie française à l’Algérie indépendante, ces six épisodes éclairent aussi avec acuité les traces laissées par ces années de violences dans les sociétés et les systèmes politiques des deux pays. »

« Soixante ans après les accords d’Évian, cette ambitieuse série documentaire retrace l’un des plus traumatisants conflits coloniaux du XXe siècle. En archives et à travers l’expérience intime de celles et ceux qui l’ont vécu en France et en Algérie, un récit aussi éclairant que touchant. » 

Une série qui reprend la terminologie biaisée des Algériens et ne qualifie pas la guerre d'Algérie de djihad ! Les Algériens contre le "colonialisme" "prennent le maquis" - une phraséologie évoquant la résistance durant la Deuxième Guerre mondiale. Rien sur le racket imposé par le FLN aux Algériens. Ce sont la France, l'Angleterre et Israël qui "suscitent la colère du monde Arabe" en intervenant en Egypte en 1956 !? Quid de la nationalisation du canal de Suez par Nasser ? Le discours en voix off culpabilise la France, mais révèle la taqîya des anciens fedayins ainsi que leur absence de remords.

Le reste est à l'avenant.

1ère partie : « Crépuscule colonial » (Götterdämmerung)
« Brahim, chauffeur de car, assiste dans les Aurès, le 1er novembre 1954, à l’assassinat de deux passagers. Cet attentat, signé par le FLN, compte parmi les dizaines qui éclatent ce jour-là sur tout le territoire algérien. Il marque le début de la guerre de libération. Installée depuis 1830 en Algérie, la France coloniale est restée sourde aux alertes. Après le Manifeste du peuple algérien de Ferhat Abbas publié en 1943, et malgré les massacres des environs de Sétif et Guelma en 1945, cette dernière ignore encore qu’elle est condamnée, se berçant de l’illusion que "la Méditerranée traverse la France comme la Seine, Paris". Entre richesse de la plaine de la Mitidja et misère de l’immense majorité de la population, entre discriminations et insouciance, l’histoire de chacun ne paraît pas raconter le même pays. » 


« Pour répondre à la révolte qui gronde sur le territoire algérien, la France veut réagir vite et fort. Elle se lance dans des opérations de répression sans précédent et engage le contingent dans la guerre. »
« Exécutions sommaires, tortures, rafles, déplacements de populations… : au nom de la "pacification", la France réprime violemment la révolte en Algérie, galvanisant plus encore le combat indépendantiste. Après l’attaque de villages coloniaux en août 1955 qui cause 120 morts, les massacres de quelque 10 000 civils algériens attisent le feu de l’insurrection. Tandis que Camus appelle en vain à une trêve, le Parlement vote au gouvernement de Guy Mollet les pouvoirs spéciaux et permet la mobilisation du contingent. Rivalisant avec le MNA (Mouvement national algérien) de Messali Hadj, le FLN (Front de libération nationale), clandestin, fédère de plus en plus en Algérie comme en métropole. Il organise son premier congrès en août 1956. »


« Le FLN recourt à la guérilla et au terrorisme aveugle en ville. Pour briser cette révolution en marche, l’armée française est prête à tout... »
« La répression ne suffit pas. La France tente de "conquérir les âmes et les cœurs" en confiant des missions sociales aux SAS (sections administratives spécialisées). Côté indépendantiste algérien, l’ALN (Armée de libération nationale) recourt à la guérilla et au terrorisme pour affronter l’armée française, l’une des plus puissantes du monde. Prête à tout pour briser la révolution qui s’organise, celle-ci adopte des moyens de lutte illégaux que certains généraux légitiment pourtant, en particulier la torture – "gégène" et "baignoire". Pour s’imposer comme unique représentant du peuple algérien, le FLN et le MNA se livrent à une lutte fratricide. La communauté internationale, qui s’émeut du bombardement du village frontalier de Sakiet Sidi Youssef en Tunisie, soutient de plus en plus la voie de l’indépendance. La France est fragilisée et la IVe République vacille. »

 
« De retour au pouvoir, Charles de Gaulle, accueilli en homme providentiel par les partisans de l’Algérie française, lance à Alger son fameux et ambigu "Je vous ai compris !"
« La Ve République est proclamée par un président qui veut moderniser l’Algérie tandis que le FLN crée un Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Il ouvre aussi un second front en métropole et refuse la "paix des braves" proposée par de Gaulle. Sous le commandement du général Challe, l’armée française asphyxie l’ALN au prix du déplacement forcé d’un quart de la population algérienne dans des camps de regroupement dont les conditions de vie sont dénoncées, notamment par Michel Rocard. Zones interdites, ratissage, recours au napalm… : si la victoire militaire française se dessine, elle a conduit à de nombreux renoncements. Fin 1959, le calme semble revenir. Pour combien de temps ? »


« Tandis que l’armée française maintient la pression, de Gaulle décide de laisser aux Algériens le choix de leur destin – une proposition qui sera soumise à référendum. »
« Mais à Alger, des ultras de l’Algérie française, s’estimant trahis, se révoltent. Ils organisent des manifestations. Cette "semaine des barricades" s’avère sanglante. La guerre tourne au conflit entre Français. Les premières négociations du gouvernement gaulliste avec le GPRA sont dans l’impasse. En métropole, la société change : artistes, intellectuels, militants et étudiants dénoncent une guerre absurde et manifestent dans les rues. Quelques réseaux de soutien au FLN – les "porteurs de valises" – voient le jour. Le 8 janvier 1961, l’adoption du projet d’autodétermination de l'Algérie ouvre la voie à l’indépendance. »


6e partie : « L'indépendance » (Unabhängigkeit)
« La victoire du "oui" au référendum exaspère une partie de l’armée et des Français d’Algérie. »
« Les partisans les plus radicaux de l’Algérie française fondent l’OAS (Organisation Armée Secrète), qui multiplie les attentats et se renforce après l’échec du putsch d’Alger en avril 1961. La population algérienne reste mobilisée pour l’indépendance mais de Gaulle refuse de céder sur le Sahara, riche en gaz et en pétrole, récent théâtre des premiers essais nucléaires français. À Paris, la marche pacifique du 17 octobre 1961 vire au massacre. À la suite des négociations entre la France et le GPRA, qui se concluent par les accords d’Évian, le cessez-le-feu entre en vigueur le 19 mars 1962. Français d’Algérie, militaires et harkis quittent le territoire – pour beaucoup dans la précipitation. En juillet, sur fond de fractures au sein du FLN, l’indépendance de l’Algérie est proclamée. Une nouvelle histoire commence… »



« Mosaïque de poignants témoignages, En guerre(s) pour l’Algérie raconte à hauteur d’homme et de femme ce conflit majeur du XXe siècle. Coauteure de la série, l’historienne Raphaëlle Branche insiste sur la pluralité des luttes qui l’ont traversé. Propos recueillis par Sylvie Dauvillier. »

Soixante ans après l’indépendance de l’Algérie, quel nouveau regard porte la série sur cette guerre de libération ? 
Raphaëlle Branche : Il s’agissait d’abord de prendre en charge l’historiographie récente de ces dix dernières années. Nous voulions, ensuite, que les témoins interrogés nous immergent dans leur expérience quotidienne de la guerre, pour la raconter par le bas. Des archives et films privés permettent aussi d’incarner ce vécu par les corps, et pas seulement par les voix. L’objectif de la série était de privilégier la diversité des points de vue. Les réalités historiques sont connues mais elles sont ici racontées par des gens ordinaires et cela permet de confronter les différences de perception. Pour ne citer qu’un exemple, l’usage du napalm par l’armée française est ici évoqué aussi bien par un pilote français que par une maquisarde algérienne.
 
Quels sont, au fond, les enjeux à l’œuvre dans ce conflit ? 
C’est bien sûr la souveraineté : française au début de la guerre, elle est devenue algérienne quand le conflit s’achève. Mais à l’intérieur de l’opposition franco-algérienne, qui avait la légitimité pour parler au nom de la France et de l’Algérie ? Cette question génère une pluralité de luttes violentes enchâssées les unes dans les autres. La série donne la parole aux porteurs des différentes options, aux minoritaires et aux vaincus aussi, afin de saisir les nuances de cette histoire, qui a connu plusieurs moments de bifurcation. Rien n’était écrit en 1954. Ni la suprématie du FLN – qui réussit à évincer l’homme fort du mouvement nationaliste, Messali Hadj –, ni le départ massif des Français − précipité par la violence de l’OAS et le chaos de la transition algérienne − n’étaient inéluctables. 
À l’indépendance, les militaires vont aussi imposer leur loi aux politiques dans l’Algérie nouvelle… 
Membres du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), les négociateurs des accords d’Évian ne sont pas les hommes qui vont prendre le pouvoir. L’"armée des frontières", constituée hors d’Algérie, remporte progressivement le rapport de force interne au sein du FLN et son poids va se révéler déterminant jusqu’à nos jours. 

C’est aussi l’époque des premiers essais nucléaires au Sahara… 
Absolument, et c’est celle de la découverte du gaz et du pétrole dans la région. La prise de conscience que cette immense étendue de sable concentre un extraordinaire potentiel économique et stratégique en fait aussi une pierre d’achoppement qui entraîne même une tentative de séparation du Sahara dans les négociations. 

Comment avez-vous procédé pour recueillir les témoignages et collecter ces archives inédites ? 
Un appel à témoins a été lancé par plusieurs canaux. Certains – messalistes, membres de l’OAS ou encore représentants de l’État français – ne s’étaient encore jamais exprimés publiquement. Au regard de l’âge de ces témoins, il y avait urgence à recueillir leur mémoire. Il est bouleversant de penser que cette guerre les a transformés si jeunes, et cela explique qu’elle ait tant marqué les sociétés française et algérienne. Pour les archives, nous avons puisé dans des dizaines de centres, en France et à l’étranger : je pense à la BBC ou à la télévision suédoise où nous avons retrouvé des reportages passionnants.

En quoi la mémoire de cette guerre structure-t-elle aujourd’hui les sociétés des deux pays ? 
Il est essentiel de comprendre que cette guerre constitue la dernière séquence d’une histoire coloniale emplie d’injustices et d’inégalités, qui sont devenues des ferments de révolte. La trace de ce lien centenaire entre Français et Algériens infuse encore notre présent. Les destructions ont surtout marqué le territoire algérien, théâtre de la violence, avec un quart de la population déracinée et déplacée dans des camps, ou encore les forêts brûlées par le napalm. Mais l’histoire coloniale a nourri de multiples influences et références culturelles, l’imaginaire, la langue (le français en Algérie et les mots d’arabe en français...). En France, des millions de personnes ont un rapport, familial ou autre, avec l’Algérie. Donner à voir ce qui s’est réellement passé permet de s’emparer de cette histoire et de dépasser les fantasmes.
 
Que pensez-vous du chantier lancé par le président Macron pour réconcilier les mémoires ? 
Le chantier présidentiel, qui a évolué, vise surtout désormais à assumer, du point de vue de l’État français, des éléments du passé et à valoriser les différentes mémoires présentes sur le sol national. C’est plus compliqué concernant la relation franco-algérienne puisqu’il faut être deux pour un dialogue. Mais ce qui est entrepris de chaque côté de la Méditerranée rejaillit sur cette relation. Je pense par exemple à la reconnaissance mémorielle de l’existence de camps comme celui du Larzac, où des milliers d’Algériens "suspects" ont été détenus administrativement pendant des années. Cela s’adresse aussi à l’Algérie. 

Qu’en est-il du côté algérien ? 
Si l’État n’est pas engagé dans la même démarche, la jeunesse se saisit aujourd’hui de questions qui restent sans réponses. Le Hirak a ainsi tenté d’affirmer la supériorité du politique sur le militaire. Je me réjouis que la série soit aussi vue en Algérie, où la guerre de libération est un référentiel très présent et partagé, mais pas toujours raconté dans sa complexité. J'espère que ce travail contribuera à ébranler quelques certitudes en Algérie aussi. » 


« En guerre(s) pour l'Algérie » de Rafael Lewandowski
France, 2022, 6 x 52 mn
Coproduction : ARTE France, INA 
Auteurs : Raphaëlle Branche et Rafael Lewandowski
Commentaire dit par Lyna Khoudri
1ère partie  (53mn) : le 1er mars 2022 à 20 h 50
2e partie (51 mn) : le 1er mars 2022 à 21 h 45
3e partie (54 mn) : le 1er mars 2022 à 22 h 35
4e partie (53 mn) : le 2 mars 2022 à 21 h
5e partie (52 mn) : le 2 mars 2022 à 21 h 50
6e partie (58 mn) : le 2 mars 2022 à 22 h 40
Sur arte.tv du 22/02/2022 au 27/08/2022

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