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jeudi 29 août 2019

« Les chevaliers Teutoniques » de Krzysztof Talczewski


Histoire rediffusera les 24 août 2019 à 2 h 10, 29 août 2019 à 19 h 40, 10 septembre 2019 à 19 h 40 « Les chevaliers Teutoniques  » (Die Deutschen Ordensritter), docu-fiction de Krzysztof Talczewski (2011) sur un ordre militaire chrétien (Deutschritter-Orden) créé, par des pèlerins allemands, en 1189-1190, sous la forme d’un hôpital de campagne près de Saint-Jean d’Acre (Acco) assiégé lors de la IIIe croisade. En 1191, le pape Clément III le reconnait comme ordre. Caritatif, cet ordre devient militaire en 1197-1198 et contribue à la christianisation des peuples slaves, baltes païens, tout en constituant brièvement son Etat, une principauté gouvernée pendant deux siècles. 


En 1189-1190, en Terre Sainte, après la prise de Jérusalem (1187) par Saladin, les chrétiens habitent essentiellement dans le comté de Tyr et dans la principauté d'Antioche.

Les Croisés font le siège d'Acco (Saint-Jean d'Acre). La situation est délicate pour les malades, les pauvres. Des bourgeois financent alors la création d'un hôpital pour les assister.

Est créé “l'ordre Teutonique, confrérie hospitalière de marchands et d'artisans allemands destinée à soutenir les chrétiens au cours de la troisième croisade, partie reconquérir Jérusalem à la demande du pape Innocent III. C'est la première fois qu'une frange de la société autre que la noblesse accède à la chevalerie”.

Cet hôpital de campagne se trouvait près de Saint-Jean d’Acre (Acco) assiégé lors de la IIIe croisade. En 1191, le pape Clément III reconnait comme ordre la maison de l'hôpital des Allemands de Sainte Marie de Jérusalem (Domus hospitalis Sancte Marie Theutonicorum Hierosolomitani). A l’égal de celui des Templiers. Dans leur aide aux malades, l'ordre Teutonique s'inspire de celui des Hospitaliers. Le siège des trois ordres religieux se trouve à Acco.


Caritatif, cet ordre  des chevaliers Teutoniques de l’hôpital Sainte-Marie de Jérusalem devient aussi militaire en 1197-1198 reconnu comme tel en 1199 par le pape Innocent III.

En 1198, un grand maître des chevaliers Teutoniques est élu.

Financé par des malades et princes allemands, il lutte contre les Maures. Il fait édifier une église et un hôpital en Terre Sainte.

Parmi ses modèles : des figures de la Bible hébraïque, tels Davi, les maccabées, famille Juive qui lutta contre la politique d’hellénisation imposée par les Séleucides au IIe siècle avant l’ère commune. 

“Très vite, cependant", après la chute de Saint-Jean d'Acre (1291), "l'ordre quitte la Terre Sainte et se consacre à la christianisation de la Prusse”. 

Ordre religieux et militaire, Etat, et christianisation de païens
L’Ordre Teutonique essaime en Suisse (1199), Thuringe (1200), dans le sud du Tyrol (1202), à Prague et en Bohême (1202), et à Liège (1259). En 1220, une douzaine de maisons en Terre sainte, en Grèce, en Italie méridionale et en Germanie relèvent de cet Ordre.

Cet Ordre, dont le quatrième grand maître (1209-1239) est Hermann von Salza (1179-1239), fin diplomate et politicien avisé, intermédiaire indispensable, s’impose “bientôt une puissance respectée de ses voisins”. Il soutient l'empereur des Romains, Frédéric II, bien que celui-ci ait été excommunié par le pape.

Suivant l’appel du pape Innocent III lançant les Croisades baltes, les Chevaliers teutoniques conquièrent les provinces de Warmie, de Natangie et de Bartie et établissent l’Etat monastique des chevaliers Teutoniques.

Agrandissant leur domaine, ils construisent des villes : Kronstadt (Brasov en Roumanie) en Transylvanie (1211), Thorn (1231), Königsberg (1255) et Marienbourg (1280), leur capitale dès 1309, après l’abandon de leur siège à Venise. Intéressés par la Hongrie, puis par la Pologne, ils sollicitent des territoires contre la sécurité qu'ils assurent, et pour ce faire, soignent leurs relations avec le Pape. Ils édifient aussi des fortins le long de la Vistule, ce qui constitue une "base de conquête et une ligne, puis vont vers l'Est et s'avancent vers le Nord, vers la mer Baltique". Ils construisent de grands terrains - commanderies - fortifiés, surveillent bien leur territoire, des châteaux souvent dotés de quatre ailes, disposent d'un "service de courriers efficace : en deux jours, on peut correspondre  d'un bout à l'autre de l'Etat". Ce qui renforce leur administration. Dotés de finances saines, battant monnaie, les chevaliers teutoniques exercent le commerce de grains ou d'ambre, recourent à "la pierre, matériau pourtant réservé aux édifices du pouvoir royal". Soucieux d'hygiène, ils conçoivent un "système ingénieux de chauffage par circulation d'air chaud dans le sol". Ils tiennent des tablées conviviales, accueillant la chevalerie européenne. L'occasion de festoyer et montrer son courage lors de razzias, pillages chez leurs voisins paiens.

Leur puissance ? Elle s’affirme au fil de l’absorption et de fusion d’autres Ordres, des terrains accordés par des princes, notamment de Pologne divisée et convoitée par les païens, de leur activité de commerçants liés à la Ligue Hanséatique. Et par la pratique des razzias. Une "bourgeoisie urbaine se développe sur tout le territoire". Grâce à l'abondance des poissons et des épices, à leur fabrication de bières et à l'importation de vins italiens, la gastronomie se sophistique.

Cet Ordre des Chevaliers Teutoniques n’accueille parmi ses rangs que des Allemands.

En 1242, la "lourde défaite" des moines-chevaliers teutoniques lors de la bataille du lac gelé Peïpous contre le prince russe Alexandre Nevski, "devenu un personnage mythique", marque un terme à leur projet de convertir la Russie chrétienne orthodoxe  au catholicisme. Un fait historique qui inspirera en 1938 Sergueï Eisenstein pour Alexandre Nevski, film commandé par Staline et dont Sergueï Prokofiev a signé la musique. L'expansion des Chevaliers Teutoniques à l'Est est ainsi stoppée.

Arrêtés à l'Est, les chevaliers teutoniques s'orientent vers l'Ouest, la Pologne. En un an, ils conquièrent la Poméranie.

Par le traité de Christburg (1249), la noblesse prussienne obtient de l’Ordre des privilèges.

Leur remarquable organisation, leur richesse économique – fermages, moulins, scieries, commanderies, commerce du grain (Dantzig), de l’ambre, des mines – inspirent la confiance des souverains pontifes et des empereurs pour la conquête et la christianisation, notamment des Etats baltes (Lituanie).

En 1309, régnant sur la Prusse orientale, les Chevaliers à la croix noire interdisent aux Juifs de pénétrer dans leur territoire. Sous domination polonaise dès le XVe siècle, les Juifs sont autorisés à y commercer, mais non à s’y fixer. Ce n’est qu’au début du XVIe siècle, sous le règne d’Albert 1er de Prusse que deux médecins Juifs  peuvent s’installer temporairement à Koenigsberg (1538-1541).

“Filmé avec des moyens dignes d’un film de fiction, ce docudrame historique allie reconstitutions et évocation documentaire pour retracer les grands moments de l’histoire des chevaliers Teutoniques au cours du Moyen-âge. Au centre du récit, la bataille de Tannenberg, en 1410, qui marque l’apogée de l’ordre et le début de son déclin. Ce docu-fiction jette une lumière nouvelle sur le sort de l'ordre aux XIIIe et XIVe siècles, au fil des forteresses et des palais qu’il nous a laissé, depuis les hauteurs du Liban actuel jusqu'au bord de la Baltique…”

Déclin
Un déclin causé par l’alliance lituano-polonaise, qui, dirigée par Ladislas II Jagellon, .grand-duc de Lituanie (1377-1392), et roi de Pologne (1386-1434), défait en 1410 les Chevaliers teutoniques lors de la bataille de Grunwald (ou Tannenberg, en Pologne), au cours de laquelle décède le grand maître Ulrich von Jungingen et "de hauts dignitaires de l'Ordre", ainsi que par l’endettement de l’Ordre, les différends avec les nobles et les villes.

En 1411, le traité de paix entre la Pologne, encore faible, et l'Ordre ressemble à un "compromis".

En 1414-1918, le  concile de Constance se réunit pour résoudre divers problèmes, dont le Schisme. Les propos du maître de l'Ordre en particulier sur la conversion des Lituaniens qu'il estimait non sincère, sont jugés diffamatoires.

1454 marque une défaite militaire de l’Ordre contre la Pologne.

Symbole de cette mutation de l’Ordre : lors de la Réforme, sa division en 1525 entre les chevaliers aux blancs manteaux convertis au protestantisme luthérien, tel le grand maître Albrecht de Brandebourg élevé duc de Prusse luthérienne, mais vassal de Pologne, et ceux, moins nombreux, demeurés catholiques.

En 1809, l’empereur Napoléon 1er énonce la dissolution de l’Ordre, qui reparaît en 1834 sous tutelle autrichienne.

Né à Vienne en 1857, Alexander Fränkel  obtient son diplôme de médecin en 1880, et rejoint le corps sanitaire de l’armée autrichienne. Ce chirurgien des Chevaliers teutoniques participe à la guerre serbo-bulgare en 1885-1886. Il démissionne de l’arme en 1890. Il enseigne la chirurgie à l’université de Vienne et exerce au Karlinen Kinderspital de Vienne. Ce rédacteur en chef du Wiener Klinische Wochenschrift se convertit au christianisme.

Ultime mutation : en 1929, cet Ordre se transforme en institut religieux clérical de droit pontifical.

Dans « l’Allemagne du XIXe siècle, l'Ordre des Chevaliers Teutoniques avait une image romantique. La Prusse, leur territoire, avait une allure de terre de héros. Si bien qu’Hitler avait été tenté d'utiliser leur « image » comme symbole de l'identité nationale ; leur discipline et leur esprit de combat comme modèle pour une mentalité de vainqueurs ». Après avoir exalté ces « conquérants des peuples slaves », Hitler spolie l’Ordre et en fait assassiner le grand maître. Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’Ordre des Chevaliers teutoniques protège les résistants communistes et les enfants Juifs. En 1945, il s’attache à ce que les soldats de la Wehrmacht bénéficient des droits de la défense.

A l’aube du XXIe siècle, les Chevaliers teutoniques sont au nombre d’un millier, et assurent des actions de bienfaisance. Leur ancien Etat a été le berceau de la Prusse.

Docu-fictions
« Les chevaliers Teutoniques » (Die Deutschen Ordensritter) est un docu-fiction de Krzysztof Talczewski (2011). "La plus grande bataille du Moyen Age a eu lieu le 15 juillet 1410 à Tannenberg, une localité de Prusse orientale, opposant les chevaliers Teutoniques à une coalition de Polonais et de Lituaniens qui vont bientôt les écraser et marquer le début du déclin de l'Ordre. Sanguinaire et violent pour les uns, civilisateur pour les autres, l'histoire de l'Ordre et l'image de ses chevaliers ont été souvent utilisés pour servir différentes réécritures de l'histoire complexe de l'Europe centrale. Les Polonais de l'époque moderne dénonçaient leur violence et l'illégitimité de leurs conquêtes. Dans l'Allemagne du XIXe siècle, ils acquièrent une image romantique et leur territoire, la Prusse, prend les allures d'une terre de héros, modèle idéal de l'Allemagne moderne. L'Ordre des chevaliers Teutoniques a ainsi connu une destinée étonnante, passant de la protection des pèlerins à la création d'un Etat conquérant. Mais qui étaient vraiment ces chevaliers ? Ce docu-drama historique, alliant reconstitutions et évocations documentaires, se propose de retracer les grands moments de l'histoire de l'Ordre, du XIIIe au XIVe siècle et d'éclairer ainsi une image bien trouble pour beaucoup de nos contemporains".


Le 25 septembre 2017 à 17 h 30, Arte diffusa, dans le cadre d'Enquête ailleurs, Vienne : les Chevaliers teutoniques (Magische Orte in aller Welt - Wien: Die Kreuzritter), documentaire de Dominique Adt (2012, 27 min).

"Vienne est depuis plusieurs siècles le siège de l'ordre militaire et religieux des Chevaliers teutoniques. Cette communauté de moines-soldats qui naît en Palestine ",  -  non, en Terre sainte -"pendant la troisième croisade va s'étendre en Prusse et dans les pays baltes jusqu'à fonder un véritable État monastique. Prêtre de l’ordre teutonique, Franck Bayard accompagne Philippe Charlier dans sa découverte du lieu et de ses trésors".

Les Chevaliers à la croix noire
Arte diffusa le 25 novembre 2017 à 21 h 45 le premier volet de la série documentaire Les Chevaliers à la croix noire (Unter schwarzem Kreuz: Der Deutschritterorden) par Pawel Pitera.

« Aujourd’hui, on se souvient surtout de l’ordre Teutonique sous sa facette militaire : celle des chevaliers croisés, missionnaires sanguinaires partis guerroyer en Terre sainte ».

« On connaît moins son rôle dans la fondation d’un État monastique, connu depuis le XIIIe siècle sous le nom d’État de l’ordre Teutonique ».

« Alors que le pape et l’empereur Frédéric II, conseillé par l’influent Hermann von Salza, grand maître de l’ordre, leur ont donné pour objectif de convertir des peuples païens dans la région de la Baltique, les moines armés s’affranchissent de leur mission initiale après la défaite en Palestine : ils fondent un État puissant, qui soumettra pendant deux siècles la Pologne et la Lituanie voisines ». « Palestine » ? Non. Plutôt en Terre Sainte sous domination islamique.

« De la Vistule à la mer Baltique, les chevaliers à la croix noire bâtissent des châteaux et des villes, et établissent leur siège dans la forteresse de Marienburg, dans l’actuelle Pologne. C’est le début d’un extraordinaire essor, l’influence de l’ordre dépassant de loin de simples ambitions religieuses ».

« Après deux siècles de succès politiques et militaires, mais aussi économiques, l’État de l’ordre Teutonique commence à battre de l’aile, malgré une gestion moderne et une armée puissante ».

« Suite au mariage de la reine Hedwige Ire de Pologne avec le grand-duc de Lituanie Ladislas II Jagellon, un conflit majeur éclate entre l’État monastique et la nouvelle alliance : en 1410, l’ordre subit à la bataille de Grunwald une défaite, dont il ne se relèvera jamais ».

« Cet événement marque un basculement significatif des pouvoirs en Europe orientale – d’autant qu’une crise économique précipitera une révolte populaire contre les chevaliers ».

« C’est en 1525, trois siècles après sa fondation, que l’État se sécularise en duché de Prusse, future province de Prusse-Orientale ».

 
Les Chevaliers à la croix noire, par Pawel Pitera
Pologne, Ventana Film, 2016, 51 min
Sur Arte :
- Première partie le 25 novembre 2017 à 21 h 45
- Seconde partie le 29 novembre 2017 à 1 h 30
Visuels : 
Les chevaliers de l'Ouest
Membres de la tribu balte des Prudes
Un chevalier et un Prusse au combat
Les Chevaliers Teutoniques en formation d'attaque
Chevaliers en attaque
© Ventana Film

« Les chevaliers Teutoniques  » de Krzysztof Talczewski
France, Le Point du JourGastonic Films, 2014, 53 minutes
Sur Arte les 9 avril à 16 h 25, 15 avril à 16 h 25, 28 avril 2015 à 16 h 25
Sur Histoire les 25, 27 et 30 août, 2, 6, 11 et 15 septembre 201524 août 2019 à 2 h 10, 29 août 2019 à 19 h 40, 10 septembre 2019 à 19 h 40
Visuels : © Le Point du Jour
Les chevaliers dînent aux chandelles.
Château de Lidzbark Warminski en Pologne, construit en 1240 par les chevaliers allemands
Hermann Von Salza
Forteresse teutonique de Marienbourg
Kronstadt
Tournage du film "Les chevaliers teutoniques"

Philippe Charlier et un prêtre de l'Ordre Teutonique à Vienne
A la découverte de Vienne
© Scientifilms

Articles sur ce blog concernant :
Les citations proviennent d'Arte et du Point du Jour. Cet article a été publié le 9 avril 2015, puis les 24 août 2015, 25 septembre et 25 novembre 2017.

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