Citations

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« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
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vendredi 2 septembre 2022

« / Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander / »

Le Centre Pompidou propose « / Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander / ». Une exposition sur ce mouvement artistique, postérieur à l'expressionnisme, attaché à la réalité quotidienne, à l'essor durant la République de Weimar, et représenté notamment par 
Max Beckmann, Otto Dix, George Grosz, Carl Grossberg, Alexandre Kanoldt et August Sander (1876-1964) à l'oeuvre photographique artistique et socio-historique (typologie de sept groupes sociétaux).


« Cette première grande exposition sur l’art et la culture de la Neue Sachlichkeit (Nouvelle Objectivité) en Allemagne rassemble près de 900 œuvres et documents permettant de dresser un panorama inégalé de ce courant artistique jamais montré dans cette ampleur en France. Articulé autour du chef-d’œuvre du photographe August Sander, Menschen des 20. Jahrhunderts [Hommes du 20e siècle] qui constitue une « exposition dans l'exposition », le propos se décline singulièrement en deux volets et fait dialoguer la typologie des groupes sociaux de Sander avec tous les arts d'une époque. »

« Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander » renoue avec l’esprit pluridisciplinaire du Centre Pompidou tout en proposant un format innovant par son double parcours, une exposition thématique sur un courant d’art historique, d’un côté, et un projet monographique sur l’un des plus influents photographes du 20e siècle, de l’autre. Le parcours offre ainsi une double perspective sur la société et l’art allemands de la fin des années 1920. »

« Associant la peinture et la photographie mais aussi l’architecture, le design, le cinéma, le théâtre, la littérature et la musique, les huit sections de l'exposition, Standardisation − Montages − Les choses − Persona froide − Rationalité − Utilité − Transgressions – Regard vers le bas, dialoguent avec les sept groupes et catégories socio-culturels créés par August Sander dans son grand recueil de portraits : « Le paysan », « L’ouvrier », « La femme », « Les États », « Les artistes », « La grande ville » et « Les derniers hommes ».

« Développée dans un espace scénographique singulier, spécifiquement réalisé pour permettre cette lecture pluridisciplinaire (plan de l'exposition page suivante), l'exposition « Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander » présente la production culturelle sous la République de Weimar (1918-1933), à la veille du nazisme. Entre fascination pour la rationalisation de l’époque moderne et critique d’une fonctionnalisation de toutes les conditions de vie, l'exposition offre un regard sur une période qui entre en résonance avec le contexte d'une Europe contemporaine traversée par des mouvements populistes, invitant à des rapprochements politiques et des analogies médiatiques entre les situations d'hier et d'aujourd'hui. »

Un mouvement apparut après la Première Guerre mondiale - hécatombe, bouleversements scientifiques et sociaux - et qui s'est achevé avec l'avènement au pouvoir du nazisme, qui a contraint nombre d'artistes à l'exil.

« La partie consacrée à August Sander permet de contextualiser encore davantage cette époque et montre a quel point son œuvre-jalon, particulièrement influente dans l'histoire de la photographie, n'a pas été une conception monolithique mais bien un processus organique, qui comme beaucoup d'œuvres de son temps, proposait une coupe transversale de la société allemande, reflétant les bouleversements et les distorsions de son histoire. Chaque chapitre est complété par un ensemble de documents rarement montres, qui mettent en lumière les enjeux de chaque section et montrent August Sander au travail. Une double forme de contextualisation se produit ainsi, tant sur le plan de l’histoire de la photographie, qu’en lien avec l’exposition environnante, surtout à travers les échanges de Sander avec les artistes progressistes de Cologne. »

« Le parcours s'achève avec une projection de l’artiste Arno Gisinger qui retrace le destin des œuvres qui, d’un jour à l’autre, perdent leur statut d’avant-garde, pour devenir des œuvres « dégénérées », posant la question de la suite, de l'après 1933... »

« L’exposition réalisée en collaboration avec le Louisiana Museum of Modern Art à Humlebaek  au Danemark, y sera présentée du 14 octobre 2022 au 19 février 2023 », sous le titre « Det Kolde Øje Tyskland I 1920'erne » (« Germany In The 1920s – Neue Sachlichkeit »).

Le Commissariat est assuré par Angela Lampe, conservatrice au service de la collection moderne, Musée national d’art moderne, Florian Ebner, conservateur et chef de service du cabinet de la photographie, Musée national d’art moderne, assistés de Sophie Goetzmann, chargée de recherches au Musée national d’art moderne et Katharina Täschner, boursier du programme « La photographie aux musées » de la fondation Krupp.


Description des sections
(Extraits du catalogue de l’exposition)

1. Introduction
« Au début des années 1920, la question du devenir de l’art après la Première Guerre mondiale occupe les débats esthétiques en Allemagne. L’expérience concrète du front, la lourde défaite puis l’échec de la révolution (1918-1919) ont eu raison des utopies de la génération expressionniste et de son art visionnaire, spirituel et psychologique. Dégrisés de leurs illusions idéalistes, notamment au sujet d’un conflit que certains avaient d’abord sublime en épopée héroïque, les artistes se tournent vers le réel ; en peinture, ce changement de paradigme se traduit par l’apparition d’un style figuratif plus neutre et moins expressif, tendant vers une plus grande Sachlichkeit [objectivité]. »
« La critique allemande cherche alors un nom pour désigner ce qu’elle identifie comme un retour à une figuration réaliste. Tantôt qualifiée de nouveau naturalisme (Paul Westheim), de post expressionnisme ou de réalisme magique (Franz Roh), cette tendance est finalement baptisée Neue Sachlichkeit [Nouvelle Objectivité] par l’historien de l’art Gustav Friedrich Hartlaub. »
« Sous ce titre, il organise en 1925 une exposition à la Kunsthalle de Mannheim, dont il est le directeur ; elle rassemble 32 artistes, parmi lesquels Otto Dix, George Grosz, Alexander Kanoldt, Georg Scholz ou Georg Schrimpf. »
« Le large écho rencontré par l’exposition participe à la diffusion de l’appellation Neue Sachlichkeit. »
« Rapidement, elle devient un slogan culturel à la mode pour évoquer le Zeitgeist [l’esprit du temps] de l’Allemagne weimarienne de la seconde moitié des années 1920 ; on la retrouve notamment dans des pièces de théâtre populaire ou dans des revues de cabaret. Se détachant du seul courant de peinture, le terme finit par désigner l’esthétique de toute une époque fondée sur la sobriété, la rationalité, la standardisation et le fonctionnalisme. Trois ans après son exposition à la Kunsthalle de Mannheim, Hartlaub revient sur la définition de la Nouvelle Objectivité et constate que la nouveauté du mouvement tient avant tout à sa grande pluridisciplinarité, puisqu’il touche aussi bien les domaines de l’architecture, du design, de la musique, de la poésie ou du théâtre. Ses représentants partagent une même esthétique de l’objectivité, aspirent à dépasser une conception élitiste et individualiste de l’art pour élaborer une culture populaire et collective. »

2. Standardisation
« Dans les années 1920, l’exaltation de l’individu qui caractérisait l’esthétique expressionniste est remplacée par un idéal de standardisation : les singularités sont effacées au profit d’un recours à des modèles, des types normes, des formes simples reproduites en série. »
« En peinture, George Grosz et Anton Raderscheidt représentent des figures humaines schématiques, sans visage ou aux expressions neutres, dans des décors urbains étrangement vides et impersonnels. Les empâtements et les vives couleurs de l’expressionnisme disparaissent dans une facture plus lisse, des couleurs sourdes. »
« Davantage que sur les particularités physiques, l’attention des artistes se porte sur l’appartenance sociale des individus. A Cologne, les artistes Gerd Arntz, Heinrich Hoerle et Franz Wilhelm Seiwert forment le groupe des Kolner Progressive [Progressistes de Cologne], avec lequel expose August Sander. Portes par leurs utopies socialistes, ils réalisent des compositions mettant en scène exploiteurs et exploités, représentés selon une typologie les rendant immédiatement reconnaissables. Dans sa série de gravures Zwölf Häuser der Zeit [Douze maisons de notre temps] (1927), Gerd Arntz représente les classes sociales selon un ensemble de codes aisément identifiables ; ce recours à la schématisation doit générer une prise de conscience chez le prolétaire, en lui révélant à travers des formes simples la réalité de son oppression. »
« Il travaille ensuite à Vienne avec le philosophe et économiste Otto Neurath à l’élaboration d’un langage visuel universel : l’Isotype. Ces pictogrammes aux couleurs simples, lisibles par tous, permettent de classifier et de faire comprendre des données politiques ou économiques complexes. En urbanisme, la pénurie de logements sans précédent au sortir de la Première Guerre mondiale conduit a la construction de grands ensembles immobiliers. Dans le cadre du programme « Das Neue Frankfurt » [Le Nouveau Francfort], l’architecte Ernst May est recruté par le maire de la ville et construit en cinq années près de 10 000 logements. Ceux-ci sont regroupés dans des cités-lotissements uniformisées, aux formes simples et identiques, conçues à partir d’éléments standards préfabriqués. Le fonctionnalisme triomphe par ailleurs dans les intérieurs modernes : en 1927, Marcel Breuer fonde la société Standard Mobel [meubles standards], et conçoit un mobilier en acier tubulaire aux formes pures, facilitant sa reproduction à une échelle industrielle. »

3. Montages
« Dès la fin des années 1910, les artistes du mouvement Dada ont recours a la technique du montage pour créer dans leurs œuvres des associations insolites et humoristiques, souvent doublées d’un discours politique. Loin d’abandonner ce procédé, la Nouvelle Objectivité le reprend pour le mettre au service de l’analyse de la société : le mélange de motifs ou d’informations dissocies dans la réalité permet aux artistes de proposer une forme de synthèse visuelle de l’époque, à travers différents supports (photographie, collage, peinture ou film). »
« Le montage est notamment la technique privilégiée pour intégrer le quotidien au sein des œuvres. Les films de Walter Ruttmann sont constitués d’un assemblage d’images ou de sons hétérogènes, captes directement dans la grande ville ou sur les lieux de travail, et qui figurent une journée type a Berlin ou la routine d’une fin de semaine. En 1929, Alfred Doblin publie son roman Berlin Alexanderplatz, dont le texte polyphonique est compose d’un entrelacs d’éléments hétérogènes parfois collés à même le manuscrit (slogans, chansons, publicités, articles) qui synthétisent toute la rhétorique de l’époque. »
« Dans les portraits, la pratique du montage permet de rassembler dans une même œuvre plusieurs facettes d’une même personne, dans une démarche quasi analytique : Karl Hubbuch peint quatre versions contrastées de son épouse Hilde, Sasha Stone compose un portrait de l’actrice Helene Odilon à deux âges différents. L’individu réifié est dispose dans des compositions fictives créées par l’artiste comme dans Graf St. Genois d’Anneaucourt [Portrait du Comte St-Genois d’Anneaucourt] (1927), par Christian Schad, ou l’aristocrate viennois côtoie un travesti berlinois devant une rue de Montmartre. La presse illustrée devient pour des photographes comme Sasha Stone ou Alice Lex-Nerlinger un réservoir d’images à assembler. Traités comme des objets interchangeables, les paysages des grandes villes mondiales se confondent, les technologies modernes font face à des animaux sauvages dans des photomontages factices. Dans les peintures d’Otto Dix ou d’Albert Birkle, l’association au sein d’une même œuvre de motifs disparates ouvre la voie à des visions plus politiques de la ville, montrée comme un espace socialement hétérogène, dans lequel la bourgeoisie jouxte la plus grande pauvreté. »

4. Les choses
« Les artistes de la nouvelle objectivité s’intéressent particulièrement au genre de la nature morte et représentent les objets avec une grande netteté, leur regard étant tout à la fois scrutateur et tranchant. En raison de sa prétendue objectivité, la photographie parait particulièrement adaptée au rendu précis des choses dans leur matérialité. Inspirés par cette fidélité hyperréaliste, les peintres s’emparent du langage visuel photographique, et un intense dialogue s’établit alors entre les deux mediums. Aucun ne présente néanmoins les objets selon une logique purement mimétique : ceux-ci sont souvent figures dans des espaces étranges, qui semblent à la fois vides et sous tension, dans des compositions aux perspectives incohérentes prenant un aspect énigmatique. »
« Les cactus et figuiers à caoutchouc sont très populaires dans les années 1920 en Allemagne, ou ils sont recherches pour leur exotisme. Les artistes se passionnent pour ces plantes alors perçues comme l’équivalent végétal de la pierre cristalline : architecturées, géométriques, abstraites. Xaver Fuhr et Alexander Kanoldt peignent des ficus avec une grande méticulosité, dans des compositions épurées qui font apparaitre leur structure nette. Georg Scholz valorise la raideur du cactus, en résonance avec le style pictural rigide de la Nouvelle Objectivité. »
« Tous semblent également fascinés par l’aspect énigmatique de ces plantes, souvent rendu par leur insertion dans un environnement gagné par le vide. Dans Urformen der Kunst [Formes originelles de l’art] (1928), Karl Blossfeldt photographie des végétaux en gros plan sur fond neutre ; ceux-ci apparaissent alors inanimés, étrangement inertes. »
« Cette nature réifiée s’inscrit dans une fascination plus large pour le monde des objets. »
« Dans son album Die Welt ist schön [Le monde est beau] (1928), Albert Renger-Patzsch saisit les produits industriels standardisés, fabriqués en série. Casseroles en aluminium ou embauchoirs vernis sont montrés en plan rapproché, disposés en rang ou empilés sous un éclairage unilatéral qui souligne leur éclatante nouveauté. Photographes et peintres s’intéressent également aux objets en verre, ampoules et vaisselles, souvent figurés dans des perspectives plongeantes ou inhabituelles. Cette fascination pour la transparence, que l’on retrouve également dans les films d’Ella Bergmann-Michel sur l’architecture moderne, témoigne d’une volonté de représenter les objets sans filtre, avec objectivité. »

5. Persona froide
« Les quatre années meurtrières de la guerre soldées par une défaite engendrent en Allemagne une forme de désillusion générale. Selon l’historien de la littérature Helmut Lethen, l’humiliation infligée par les vainqueurs fait naitre une culture de la honte, caractérisée par un embarras généralisé vis-à-vis des utopies d’avant-guerre. Si la culpabilité implique une démarche introspective et suppose de s’interroger sur ses torts, la honte relève de l’extériorité et requiert avant tout de préserver son image auprès des autres. Dans les années 1920 apparait alors ce que Lethen nomme la « persona froide », nouveau type social qui consiste à chercher à se dérober au sentiment d’humiliation en affichant un masque de froideur, d’indifférence. »
« Ce nouveau comportement modifie en profondeur la pratique du portrait. Auparavant tourne vers l’intériorité et l’expression psychologique du modele, il se concentre désormais sur les signes extérieurs des individus. Les artistes de la Nouvelle Objectivité figurent ainsi moins des personnalités que des types sociaux, définis par leur profession. Souvent affichée dans le titre même de l’œuvre (homme d’affaires, marchand de textiles, médecin), elle est également identifiable à travers des attributs qui permettent de la reconnaitre. »
« Dans Menschen des 20. Jahrhunderts [Hommes du 20e siècle], August Sander consacre un groupe aux « Catégories socioprofessionnelles », photographiant moins des caractères individuels que des métiers. »
« A l’instar de Julius Bissier, qui se représente forgeant sa propre image sans émotion ni affect, les portraits apparaissent froids, vides de tout sentiment, en résonance avec leurs arrière-plans souvent neutres et déserts. Les sujets y figurent seuls et arborent une expression détachée, un regard absent, voire vide. Comme la jeune fille représentée par Lotte Laserstein, ils semblent chercher à maquiller leurs ressentis derrière une apparence impénétrable. »
« Les artistes s’intéressent également aux changements des normes de genre, à l’image d’August Sander, qui photographie « La femme » dans Menschen des 20. Jahrhunderts. »
« Avec un œil quasi sociologique, ils construisent une typologie de la Neue Frau [nouvelle femme] émancipée : Bubikopf (variante courte de la coupe au carre), cigarette, port de la chemise voire de la cravate deviennent des attributs récurrents dans les portraits féminins de l’époque. »

6. Rationalité
« A la crise économique et a l’inflation spectaculaire d’après-guerre succède une période de stabilisation et de croissance relative, favorisée notamment par le plan Dawes et l’injection de capitaux américains en 1924. Une fascination pour l’Amérique et son modèle de société vu comme méthodique et harmonieux, gouverne par la technique, nait alors en Allemagne. »
« La rationalisation du travail mise au point par Taylor s’importe au sein des entreprises allemandes, entrainant une industrialisation rapide et une mécanisation des taches. »
« Ce mode de production s’immisce jusque dans les spectacles et divertissements : pour le critique Siegfried Kracauer, les Tiller Girls, une troupe de danseuses qui effectuent des chorégraphies synchronisées dans un rythme mécanique, constituent l’expression visuelle du travail à la chaine. »
« L’esthétisation de machines se retrouve chez les artistes de la Nouvelle Objectivité, qui en louent la beauté. Les photographies d’Albert Renger-Patzsch et les tableaux de Carl Grossberg montrent des sites industriels étincelants de propreté dans des compositions épurées, méticuleusement détaillées. Le culte de la technique se poursuit avec l’apparition de la radio, nouvelle machine domestique perçue par le peintre Max Radler ou le dramaturge Bertolt Brecht comme un potentiel outil d’émancipation. »
« Le principe de rationalisation devient bientôt une nouvelle norme qui structure la vie sociale et culturelle. Le graphiste Paul Renner met au point la police de caractères Futura, basée sur des formes géométriques élémentaires. L’aménagement intérieur du logement de petites dimensions est étudié par les architectes et designers pour optimiser l’espace. »
« Dans cette même optique, Marcel Breuer et Franz Schuster mettent au point un mobilier épuré et peu encombrant, qui libère le maximum de place. L’architecte Margarete Schutte-Lihotzky conçoit à Francfort une cuisine moderne et fonctionnelle, organisée comme un espace de travail permettant de limiter les déplacements de la ménagère. Ce souci d’amélioration du quotidien des femmes s’inscrit dans un désir général d’émancipation : les années 1920 sont celles de l’apparition d’une Neue Frau [nouvelle femme] financièrement indépendante, qui sort de son rôle traditionnel pour se confronter à la technologie moderne ou aux sports jusque-là réservés aux hommes. »

7. Utilité
« Liée à la Nouvelle Objectivité, la notion de Gebrauch [utilité] apparait dans l’Allemagne des années 1920 dans les domaines du théâtre, de la musique et de la littérature. Ce nouveau concept favorise l’émergence d’œuvres à caractère didactique, pensées pour un large public. »
Censées être utiles à la société, elles doivent être ancrées dans leur temps et immédiatement compréhensibles. »
« A l’instar du célèbre reporter Egon Erwin Kisch, l’écrivain moderne adopte désormais un style neutre, constitue de phrases simples et concises, et privilégie le récit des faits sur l’exploration des sentiments. Dans la Gebrauchslyrik [poésie utilitaire], la prose prend le pas sur le lyrisme. »
« Inspiré par la littérature des Lumières, Erich Kastner confère à la poésie un but éducatif et écrit dans une langue simple et compréhensible, dénue de toute psychologie. Le journaliste Kurt Tucholsky rédige des poèmes ouvertement politiques adressés au prolétariat, qui s’éloignent des préoccupations des tenants de l’art pour l’art. »
« Importés d’Amérique, de nouveaux styles musicaux apparaissent en Allemagne et deviennent très populaires, notamment le jazz et les musiques de danse comme le fox-trot. Les compositeurs Ernst Křenek, Kurt Weill ou Paul Hindemith s’en inspirent pour créer un genre musical nouveau, le Zeitoper [opéra d’actualité]. Les intrigues se déroulent dans le monde contemporain, les décors intègrent les technologies et machines modernes (trains, voitures, téléphones). L’opéra tourne le dos à la tradition romantique et s’adresse a un vaste public, puisant ses références dans la culture populaire. »
« Aux antipodes des épanchements lyriques de l’expressionnisme, les metteurs en scène Erwin Piscator et Bertolt Brecht développent le théâtre épique. Déjouant la fiction, ils introduisent dans leurs pièces des dispositifs scéniques permettant au spectateur d’analyser l’intrigue, et ainsi contribuer à son éveil politique. L’introduction de narrateurs ou la rupture de l’unité de l’action sont autant d’éléments engendrant une distanciation propice à la réflexion. »
« Les décors conçus par Traugott Muller ou George Grosz contribuent au développement de ces ambitions anti-illusionnistes. Tout en demeurant un divertissement, le théâtre devient ainsi un lieu d’éducation et un moyen d’information. »

8. Transgressions
« En Allemagne, les rôles genrés traditionnels sont redéfinis à l’issue de la Première Guerre mondiale. »
« Apres avoir occupé les postes vacants durant le conflit, les femmes sont désormais implantées sur le marché du travail, et obtiennent le droit de vote des 1918. Cette nouvelle position les conduit à adopter une apparence androgyne en s’appropriant les codes de la masculinité : cheveux courts, chemise, cravate et torse plat, comme le montre Selbstbildnis als Malerin [Autoportrait en peintre] (1935) de Kate Diehn-Bitt. Lotte Jacobi photographie les frère et sœur Erika et Klaus Mann, enfants de l’écrivain Thomas Mann, qui portent les mêmes vêtements et apparaissent sur l’image presque indistingables. »
« A Berlin, dans le célèbre cabaret de l’Eldorado, les artistes travestis poussent plus loin encore cette confusion des genres. Une importante subculture homosexuelle se développe dans ces clubs tolérés par la police. La peintre et dessinatrice Jeanne Mammen réalise des aquarelles croquant le quotidien des lieux de rencontre lesbiens, figurant les relations entre femmes avec une certaine tendresse, tout comme Christian Schad, qui dessine deux jeunes garçons amoureusement enlacés. Les portraits d’Otto Dix sont en revanche davantage empreints des stéréotypes homophobes de l’époque. La danseuse Anita Berber, vedette ouvertement bisexuelle aux multiples frasques, est caricaturée comme une personnification du péché. Le bijoutier Karl Krall apparait avec des hanches démesurément creusées et larges, en écho aux idées du scientifique Eugen Steinach sur les « hommes féminisés ». Dans son film médical, qui connait alors un grand succès, le physiologiste défend l’idée d’un déterminisme biologique de l’homosexualité, qui pourrait se déceler à la largeur du bassin ou des épaules ».
« Transgressions de l’hétérosexualité et décloisonnement des genres génèrent chez certains artistes masculins une angoisse qui se traduit dans leurs œuvres par un rappel violent à la norme. »
« Rudolf Schlichter, Karl Hubbuch ou Otto Dix multiplient les représentations de Lustmörder, crimes sexuels montrant des femmes violemment assassinées par arme blanche ou pendaison. »
« Pour ces jeunes peintres d’une vingtaine d’années, l’émancipation féminine, notamment sexuelle, est perçue comme une menace que ces représentations permettent de conjurer. »

9. Regard vers le bas
« La fascination pour l’industrie et les machines se heurte à la dure réalité du quotidien des populations les plus modestes. Mus par une volonté de représenter le revers du capitalisme triomphant, certains artistes de la Nouvelle Objectivité tournent leur regard vers ces invisibles que le progrès technique exclut ou reprouve. Bien que prétendant à une représentation objective du monde social, ils refusent la neutralité politique, la plupart étant engagés au parti communiste. »
« L’apparition d’une presse ouvrière richement illustrée comme l’Arbeiter Illustrierte Zeitung (AIZ), à l’approche objective voire sociologique, contribue à médiatiser le quotidien des travailleurs ; des films documentaires dénoncent par ailleurs leurs logements exigus et insalubres. A Berlin, le journaliste Siegfried Kracauer publie Die Angestellten [Les Employés] (1930), vaste enquête sur ce groupe social soumis à la même mécanisation du travail que les prolétaires dont ils se sentent pourtant éloignés ».
« Cet essor du documentaire, du reportage ou de l’enquête nourrit la pratique des photographes et des peintres, qui adoptent la même approche analytique et distancée. Karl Volker et Oskar Nerlinger réalisent des portraits des foules anonymes de travailleurs dans l’environnement oppressant de l’architecture industrielle : désindividualisés, ils ne sont plus que de simples rouages de la machine économique capitaliste. L’exploitation de ces masses laborieuses profite aux plus aisés : dans son photomontage Arm und Reich [Pauvre et riche] (1930), Alice Lex-Nerlinger montre, à l’aide d’une composition simple, que le confort de quelques riches s’obtient au détriment de la masse de pauvres. »
« A l’aide d’un style détaché, les artistes figurent les populations précaires vivant en bordure des grands centres urbains modernes, vitrines du capitalisme allemand. Dans Menschen des 20. Jahrhunderts, August Sander consacre un groupe à « La grande ville », dont il représente les populations marginales : gens du voyage et gitans menant une vie d’itinérance, mais aussi chômeurs, mendiants et miséreux. Loin des boulevards animes et de leurs enseignes lumineuses, Hans Baluschek et Hans Grundig peignent les exclus des divertissements urbains, les familles pauvres évoluant dans des terrains vagues à la périphérie des villes. »

Parcours August Sander
« Vue en perspective : August Sander, entre l’élan révolutionnaire des artistes progressistes et l’enracinement dans le terroir »

« En dialogue avec les huit thématiques développées précédemment, les sept groupes sociétaux d'August Sander prennent place au cœur du parcours (voir plan page 3). Chaque chapitre est complété par un ensemble de documents rarement montrés, qui mettent en lumière les enjeux de chaque section et montrent August Sander au travail. Une double forme de contextualisation se produit ainsi, tant sur le plan de l’histoire de la photographie, qu’en lien avec les œuvres de la Nouvelle Objectivité, surtout à travers les échanges de Sander avec les artistes progressistes de Cologne. La rencontre met en évidence à quel point cette œuvre-jalon, particulièrement influente dans l’histoire de la photographie, n’a pas été une conception monolithique, mais un processus organique qui, comme beaucoup d’œuvres de son temps, proposait une coupe transversale de la société allemande, tout en reflétant les bouleversements et les distorsions de son histoire. »
« La première salle thématique – Standardisation – présente les relations étroites qu’August Sander entretenait avec le groupe des « Kolner Progressive [Progressistes de Cologne] ». De nombreux documents et lettres témoignent de leurs échanges. Le schématisme avec lequel les progressistes représentent les acteurs sociaux de l’Allemagne des années 1920 confirme l’intention d’August Sander de dresser le portrait de sa société par un ensemble de typologies photographiques. Exposé pour la première fois en 1927 au Kolner Kunstverein, cet ensemble est annoncé sous le titre Menschen des 20. Jahrhunderts [Hommes du 20e siècle]. Un premier tapuscrit de l’époque prévoit la répartition de la société en sept groupes contenant une quarantaine de portfolios – tentative ambitieuse qui s’avère irréalisable avec l’avènement du nazisme. Monument (et non monolithe) de l’histoire de la photographie, les Hommes du 20e siècle restent une grande construction, basée sur les négatifs et tirages que le photographe a pu sauver après la Seconde Guerre mondiale. »
« Une ouverture entre les cimaises offre une vue sur le parcours August Sander, notamment sur le groupe I « Le paysan ». Cette perspective révèle les deux forces antagonistes et sources d’inspiration de cette œuvre : le photographe est à la fois électrisé par l’esprit révolutionnaire des jeunes artistes, mais il est aussi enraciné dans le terroir par son travail sur les paysans. »

Groupe I : Le paysan
« C’est à partir de 1910, au moment où il s’installe a Cologne, qu’August Sander commence à parcourir les villages du Westerwald en tant que photographe ambulant. Ses nombreux portraits des paysans constitueront une décennie plus tard la base de son grand projet sur les Hommes du 20e siècle. Il définit sept portfolios – Le jeune paysan (1), L’enfant de paysan et la mère (2), La famille paysanne (3), Le paysan - sa vie et son travail (4), Types de paysan (5), L’habitant d’une petite ville (6), Le sport (7) – censés suivre le modèle de sa Stammappe, portfolio type compose de douze images, ce qui représente pour lui une structure idéale et qu’il expose pour la première fois au Kolner Kunstverein en 1927. »
« Une longue vitrine – la première d’une série de tables-vitrine, un dispositif de monstration accompagnant chacune des sept sections – fait découvrir pour la première fois les tirages commerciaux du photographe. Elle permet de comprendre que le travail d’August Sander consistait aussi à « éditer » ses archives et à transformer ses portraits de commandes en documents photographiques représentant un type social. »

Groupe II : L’artisan
« Le groupe II est dédié au concept de « homo faber », l’homme qui sait créer ses propres outils. »
« En ce sens, la définition de « L’artisan » est large et implique une dimension temporelle, celle du progrès. Les cinq portfolios partent du Maître artisan (8) pour arriver au Technicien et inventeur (12) des annees 1920 en passant par la phase de l’industrialisation ou sont opposes L’industriel (9) et les ouvriers, à qui il consacre deux portfolios : L’ouvrier – sa vie et son travail (10) et Types de travailleurs – physiques et intellectuels (11). A travers leurs poses, les modèles y manifestent fièrement leur « Klassenbewusstein » (conscience de classe) d’être ouvrier. On ne trouve rien de misérabiliste dans ces représentations de Sander. »
« Il les photographie avec la même distance et dignité qu’il applique au paysan ou au bourgeois. »
« Ce chapitre nous présente aussi l’artisanat du photographe August Sander, de son fils Gunter Sander et son petit-fils Gerd Sander qui ont tiré et édité son œuvre après sa mort. »
« A travers deux images iconiques, Konditor [Le pâtissier], 1928 et Handlanger [Manœuvre], 1928 les différentes générations de tirages soulignent que le vrai original en photographie est le négatif, une partition qu’il faut savoir interpréter. »

Groupe III : La femme
« Consacrer une section entière au rôle de la femme dans la société semble à première vue un geste progressiste, mais celui-ci s’avère néanmoins ambigu. Dans les trois premiers portfolios, la femme n'est pas définie par son individualité, mais par ses relations aux autres : La femme et l’homme (13) et La femme et l'enfant (14). La famille (15) semble également être en premier lieu l'affaire des femmes. Ainsi, la photographie du veuf, 1914, entouré par ses deux fils ne fait que décrire l'absence de la femme. Si la conception de ces trois ensembles révèle l’attitude conservatrice d’August Sander, à l’intérieur de ces portfolios, les femmes de ses couples d’amis artistes intègrent un nouveau type féminin : la nouvelle femme des années 1920. »
« Employée et active, moderne et sure d’elle-même, on la retrouve aussi dans les portfolios La femme élégante (16) et La femme exerçant un métier intellectuel et manuel (17). Pour ces femmes, la photographie était devenue via les magazines imprimes une forme de miroir pour s’affirmer et se réinventer. »
« Dans la vitrine se trouve exposée une invention photographique datant de 1928 : les photomatons, qui permettaient de se mettre en scène soi-même dans la cabine. Les petites bandes des portraits automatisés sont juxtaposées à des séries de portraits d’August Sander provenant de la même séance de prise de vue. On voit comment les modèles travaillent leurs poses devant l’objectif, cherchant le détail significatif et le geste sophistique, ce qui montre que les portraits de Sander sont en quelque sorte des « autoportraits assistés » (Olivier Lugon). »
« Un certain nombre de ces photographies sont exposées en face et à coté des portraits peints de la section Persona froide, avec lesquels elles partagent l’importance des attributs et vêtements comme marqueurs d’un personnage.

Groupe IV : Les états
« Die Stände [Les états] – August Sander choisit un terme du système féodal pour décrire le groupe de sa structure sociétale qui contient le plus de portfolios. En effet, on y retrouve ceux qui gouvernent, ceux qui prient et ceux qui combattent, les autorités du vieux monde L’aristocrate (24), L’ecclésiastique (25) et Le soldat (23), et celles de la société moderne Le fonctionnaire (20) et L’homme politique (28) – par contre les employés et les cadres moyens, nouvelle couche sociale importante, n’y sont pas représentés par un portfolio spécifique.
« Sander met au début de ce groupe les élites intellectuelles L’étudiant (18) et Le savant (19). »
« Le portfolio 26, L’instituteur, le professeur et le pédagogue fait le pont entre le monde rural et le milieu urbain. Les professions libérales sont également représentées Le médecin et le pharmacien (21) et Le juge et l’avocat (22). Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, August Sander y rajoutera le portfolio Le national-socialiste (23a), portfolio qu’il classe auprès du portfolio sur Le soldat (23) et non à côté de celui de L’homme politique (28) et sans lequel son récit sur la société allemande du 20e siècle aurait été lacunaire (voir dernière salle de l’exposition). »
« Dans la composition de chaque portfolio, le photographe essaie de sonder les contrastes et disparités de chaque profession et de faire cohabiter les différents milieux sociaux et politiques : un Vendeur d’allumettes est dans le même portfolio que le Marchand d’art, L’herboriste côtoie Le médecin, les prêtres catholiques sont unis avec leurs homologues protestants. »
« Cette volonté de grouper et synthétiser les acteurs sociaux, tout en les différenciant en même temps, cette « sociologie sans écrire, mais en donnant des images » (Alfred Doblin) se trouve condensée en 60 images dans le livre Antlitz der Zeit (Visage du temps), publié en 1929. »
« Les dix exemplaires en vitrine illustrent en cinq paires l’art du récit par l’image, à base d’analogies et de contrastes, qui fait de ce livre un chef-d’œuvre de la photographie du 20e siècle. »

Groupe V : Les artistes
« Dans son modèle de société, August Sander attribue aux artistes un groupe à part, qui marque à la fois un point culminant et un point de basculement entre les groupes IV : Les états et VI : La grande ville. Il organise les sept portfolios en fonction des différents domaines de l'art, en commençant par la littérature et en terminant par la musique : L'écrivain (29), Le comédien (30), L'architecte (31), Le sculpteur (32), Le peintre (33), Le compositeur (34) et L’interprète musical (35). Dans ce groupe, Sander a principalement photographié des artistes qui étaient actifs au niveau local, qui faisaient partie de son milieu personnel ou qui passaient un séjour prolonge a Cologne. Ce n'est que dans quelques rares cas qu'il se rendit lui-même en voyage pour rencontrer des acteurs culturels extérieurs – comme par exemple à Berlin où il entra en contact avec Raoul Hausmann en 1929, muni des recommandations de son ami Franz Wilhelm Seiwert. Vus d'aujourd'hui, les portfolios semblent donc très hétérogènes ; ils comprennent des personnalités de premier plan comme Hans Poelzig, Otto Dix et Paul Hindemith parmi les architectes, les peintres et les compositeurs, alors que les écrivains choisis, par exemple, restent inconnus. De plus, Sander a attribué nombre de ses portraits d'artistes à d'autres groupes et donc à d'autres contextes sociaux. Il s'agit non seulement de Raoul Hausmann, qui apparait dans les groupes II, III et VI en tant qu’inventeur, dandy et bohémien, mais aussi de presque toutes les femmes artistes qui font partie du groupe III. »
« L'intérêt de Sander pour l'image de l'artiste va bien au-delà de la simple présentation des célébrités les plus importantes de son époque. Néanmoins, ses photographies se situent également par rapport aux cultures visuelles populaires qui se développent dans l'entre-deux-guerres autour des artistes, des stars et des vedettes de l'époque. La vitrine présente quelques-unes de ces formes, qui se situent entre la construction médiatique de la figure de l'artiste et l'exploitation commerciale du portrait. »

Groupe VI : La grande ville
« Dans les discours publics et les débats politiques de la république de Weimar, la grande ville est opposée au monde rural, elle est la nouvelle Babylone. Les portfolios du groupe VI révèlent que la pensée d’August Sander n’est pas dépourvue de ces topoi. Pour lui, la ville est avant tout un lieu vital dont témoignent La rue – vie et spectacles (36), Jeunesse de la grande ville (39) et Festivités (39) parmi lesquelles on compte les manifestations religieuses et politiques mais surtout le carnaval, seule forme de transgression légitime. La ville est la destination des invalides de la guerre et de l’exode rural, dont on retrouve les migrants de travail dans les portfolios sur Les servants (41) et les Types et personnages de la grande ville, ensemble hybride dans lequel figurent également l’autoportrait de Sander et la bohême artistique. »
« La ville est le lieu de la désorganisation sociale et des déracinés, et Sander leur consacre deux portfolios : Les gens du voyage – foire et cirque (37), Les gens du voyage – gitans et vagabonds (38). Malgré leur marginalisation par le titre et leur ségrégation dans un portfolio spécifique, Sander les a photographiés avec la même distance et le même respect que pour le paysan et le bourgeois. La ville est aussi le port de tous les laissés-pour-compte du capitalisme comme Les personnes qui venaient à ma porte (43), mise en abyme de la méthode photographique de Sander. Enfin, après 1945, il classera dans le même groupe VI trois portfolios dédiés aux persécutés du nazisme : le portfolio 44 sur les citoyens juifs de Cologne (dont il réalisait les photographies d’identité), les Prisonniers politiques (44a) où figurent les prises de vue de son fils Erich réalisées a la prison dans laquelle il était interne, et les Travailleurs étrangers (44b). (Voir dernière salle de l’exposition.) »
« La vitrine montre la production exubérante de recueils de portraits, témoignant de la virilité du discours physiognomonique en Allemagne, qui de nouveau oppose « le visage authentique » des paysans aux « masques » de l’homme aliéné de la ville. »

Groupe VII : Les derniers hommes
« Le titre de ce dernier groupe d’August Sander rappelle l’expression Le dernier homme qu’utilise Friedrich Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra pour désigner le déclin de l’homme passif, anxieux et sans ambition, représentant d’une civilisation auquel il oppose le modèle du surhomme. Pourtant, l’épilogue sinistre des Hommes du 20e siècle ne correspond pas tout à fait à cette idée. Son seul portfolio Idiots, malades, fous et matière (45) rassemble douze photographies de moribonds, de vieux, d’hommes et enfants aveugles ainsi que le masque de mort de son fils Erich, donnant ainsi l’idée d’un cycle de vie d’une société qui se termine par la mort et Les derniers hommes. La diction fatale du titre, qui résonne avec le discours eugénique de l’époque, et la position du groupe à la fin des Hommes du 20e siècle restent révoltants. »
« Les photographies en vitrine présentent par contre la totalité des portraits d’aveugles de Sander, et démontrent son intérêt pour ces personnes. Ses agrandissements de détails révèlent une certaine fascination, voire une forme d’empathie avec eux, transformant leurs gestes en allégories des sens. »

Retournements, Arno Gisinger, fin du parcours
Extrait du catalogue de l'exposition 

« L’histoire de l’art depuis cent ans, dès qu’elle échappe aux spécialistes, est l’histoire de ce qui est photographiable. »
André Malraux, Le Musée imaginaire, 1947

Double retournement

« Retournement : bouleversement, changement complet, et dans un sens opposé, d’une situation, d’un comportement. »*

« En organisant l’exposition « Kulturbolschewistische Bilder » [Tableaux du bolchevisme culturel] au printemps 1933, les nouveaux maitres national-socialistes tentaient d’inverser la politique progressiste de la Kunsthalle Mannheim. Huit ans seulement après « Neue Sachlichkeit. Deutsche Malerei seit dem Expressionismus » [Nouvelle Objectivité. La peinture allemande depuis l’expressionnisme], cette même institution dénonçait publiquement sa propre collection d’avant-garde. Mais l’histoire de l’art a opéré un second retournement, comme si l’histoire avait pris sa revanche : « Neue Sachlichkeit » est aujourd’hui considérée comme l’une des expositions les plus emblématiques de l’art moderne. A l’inverse, celle de 1933 est peu connue du grand public, même si elle a probablement servi de modèle à la fameuse exposition « Entartete Kunst » [Art dégénéré] de 1937. »
« L’histoire de ce double retournement se reflète dans la mémoire photographique de la Kunsthalle Mannheim : un fonds d’archives riche de quelque 9 000 négatifs noir et blanc sur plaques de verre, constitué entre 1919 et 1966 par le photographe du musée Kurt Schneyer (1901-1978). »
« C’est grâce à ses prises de vues que nous sommes en mesure de reconstituer l’exposition de 1933. A l’aide de quatre clichés des deux salles prises en diagonale, le photographe a réussi à capter l’intégralité de l’accrochage et la quasi-totalité des œuvres. Ces vues, réalisées à la chambre photographique 18 × 24 cm et recadrées au format panoramique au moment du tirage, documentent, outre les œuvres exposées, les stratégies utilisées pour priver ces dernières de leur statut d’œuvres d’art. Ces quatre photographies sont à l’origine du travail Retournements, réalisé à l’occasion de l’exposition « Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander », en étroite collaboration avec les commissaires de l’exposition et les équipes du Centre Pompidou. »

Retourner

« Retourner (verbe transitif) : tourner en sens contraire, à l’envers ; mettre la face intérieure à l’extérieur. »*

« Le principe du retournement est inhérent au fonctionnement de la photographie argentique par son système positif / négatif. L’idée d’un retournement fait ainsi allusion à l’inversion des valeurs de gris qui s’opère dans le processus photographique lors du passage du négatif au positif. Dans le cas qui nous concerne, les négatifs photographiques prennent une dimension très importante puisque, pour certains tableaux disparus ou détruits par la spoliation, ils deviennent « l’original », la seule trace matérielle, des pièces a conviction pour retrouver des œuvres disparues ou détruites. »
« Retourner (verbe intransitif) : aller au lieu d’où l’on est venu, où l’on est habituellement (rentrer) ; aller de nouveau là où l’on est déjà allé. »*
« Dans le cadre d’une carte blanche qui m’avait été donnée par la première Biennale für aktuelle Fotografie à Mannheim, Ludwigshafen et Heidelberg à l’automne 2017, j’avais eu l’occasion de mener des recherches sur cette collection et de proposer une activation des archives sous forme de projections dans l’ancien château d’eau du centre-ville de Mannheim.
Pour l’exposition au Centre Pompidou, je suis retourné dans les archives de Mannheim afin d’examiner en détail les quatre vues d’exposition ainsi que les cinq tableaux qui figuraient dans les deux expositions de 1925 et de 1933 : Christus und die Sünderin [Le Christ et la Pècheresse] (1917) de Max Beckmann, Selbstbildnis [Autoportrait] (1921) d’Heinrich Maria Davringhausen, Arbeiterjunge [Jeune ouvrier] (1920) d’Otto Dix, et Metropolis (Blick in die Großstadt)[Metropolis (Regard sur la grande ville] (1916-1917) de George Grosz, ainsi que son Porträt des Schriftstellers Max Herrmann-Neiße [Portrait de l’ecrivain Max Herrmann-Neise] (1925). »

Se retourner

« Se retourner : changer de position en se tournant. »*

« Finalement, l’idée de retournement vient d’une impulsion scénographique. Les première et dernière salles de l’exposition « Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander » sont connectées par deux grandes vitres permettant aux visiteurs d’apercevoir, dès l’entrée, la fin du parcours et, inversement, de revisiter à leur sortie le début de l’exposition en se retournant. Ces panneaux vitrés – à l’instar de deux plaques de verre photographiques surdimensionnées – jouent le rôle d’une membrane liant les deux expositions antagonistes organisées par la Kunsthalle Mannheim en 1925 puis en 1933. Le retournement du regard opéré par les visiteurs fait écho à celui de l’institution entre ces deux dates. »

* Définitions du mot « retournement » : Dictionnaire Larousse

Texte d'introduction
Angela Lampe et Florian Ebner, commissaires de l'exposition
Extrait du catalogue

« Sachlich sein, heißt deutsch sein! [Être […], c’est être allemand ! ]», écrit Heinrich Mann, dans Der Untertan1. Comment traduire cette phrase, comment traduire ce mot « sachlich », qui semble si bien caractériser les Allemands, et qui apparaît comme une vertu selon Diedrich Heßling, le héros du roman de Heinrich Mann, vertu maintes fois évoquée dans cette fresque sur l’empire wilhelminien agonisant, à l’aube de la Première Guerre mondiale ? L’adjectif « sachlich » peut-il se traduire en français par « sobre », « fonctionnel », « pratique », « prosaïque », « neutre », « sans émotion » ou « objectif » ou définit-il toutes ces qualités en même temps ? Qu’est-ce qui distingue la « Neue Sachlichkeit », qui voit le jour dans les années 1920, cette modernité allemande avec sa clarté et sa fonctionnalité, sa froideur et sa distance par rapport aux humains et aux choses – traduite depuis toujours par « Nouvelle Objectivité » en français ? Notre projet, qui conjugue deux expositions évoquant ces années 1920, avec une perspective à la fois thématique et monographique, cherche à dresser le portrait composite de la société weimarienne. »
« Après le carnage de la Grande Guerre, les soliloques destructeurs des expressionnistes ne trouvent plus d’écho dans un monde désillusionné. Dès 1920, Bertolt Brecht évoque une « joie face au figuratif » (« eine Freude am Gegenständlichen2 »). Deux ans plus tard, le rédacteur en chef du Kunstblatt, Paul Westheim, lance une enquête sur l’art de son temps tendant vers « Un nouveau naturalisme ».
« Participant à cette investigation, le jeune conservateur de musée Gustav Friedrich Hartlaub, après sa nomination comme directeur de la Kunsthalle de Mannheim en 1923, se met alors à travailler sur un projet regroupant ces différents courants réalistes. Son exposition, qui ouvre en 1925 sous l’appellation inédite « Neue Sachlichkeit », rapidement traduite en français par « Nouvelle Objectivité », fera date. Grâce à une itinérance à travers l’Allemagne et un accueil critique très favorable, le titre se répand vite, se muant au fil des mois en un slogan à la mode. En un seul mot s’est cristallisé l’air du temps. » 
« En 1928, dans un article publié dans une revue grand public, son instigateur revient sur ce phénomène de mode : pour Hartlaub, « la Nouvelle Objectivité formulait en premier lieu ce nouvel état d’esprit dans lequel la déception, le renoncement, le cynisme […], mais aussi une volonté nouvelle de reconstruction se conjuguaient à parts égales ». Il s’agissait avant tout « face à une abstraction incontrôlable, de s’exprimer de nouveau de manière réaliste, avec l’exactitude du dessin, […] on commençait à se souvenir de l’objet, de la chose, des faits, dans toute leur nudité et leur sobre réalité, dans leur intelligibilité collective ». Cette objectivité était selon lui nouvelle « par les parallèles et les confirmations qu’elle trouvait dans les autres arts, avant tout dans l’art de l’espace et l’architecture d’orientation technique, mais aussi en musique et en littérature, et qui la faisaient doublement apparaître comme requise par l’époque »3. Déjà en 1925, Franz Roh avait consacré le dernier chapitre de son livre phare sur le postexpressionnisme à la « reconversion dans d’autres domaines », évoquant l’architecture (du Bauhaus), la littérature et la musique4. »
« Enfin, Hans von Wedderkop, rédacteur en chef de la revue Der Querschnitt [La Coupe transversale], souligne l’année suivante que les éléments de la nouvelle esthétique sont les mêmes dans le sport, la technique, le journal et le cinéma5. On retiendra de ces observations contemporaines que la Nouvelle Objectivité correspond moins à un mouvement classique d’artistes, avec manifeste et foyers, qu’à une nouvelle façon de voir le monde. Elle apporte un regard précis et dénué d’affect sur la civilisation moderne. »
« C’est ce même regard qu’adopte August Sander, dont l’approche photographique n’est pas considérée par la doxa classique de l’histoire de la photographie et par Walter Benjamin comme une oeuvre relevant de la Nouvelle Objectivité à l’instar de celle d’un Albert Renger-Patzsch, par exemple. Pourtant, ce qualificatif de « sachlich », employé dès les premiers articles sur son exposition au Kölner Kunstverein de Cologne en 1927, constitue bien une référence directe à la « nouvelle mode de la Sachlichkeit ». L’opus Menschen des 20. Jahrhunderts [Hommes du xxe siècle] instaure comme principe structurel la méthode néo-objective des années 1920, celle d’une grande coupe transversale, au sens d’une véritable vivisection, de la société de la République de Weimar. En tant qu’« exposition dans l’exposition », les Menschen des 20. Jahrhunderts reprennent cette forme de la coupe, qui traverse les différentes sections thématiques comme une sorte de casting show introduisant les protagonistes de ce grand panorama de l’art allemand des années 1920. »
« Prenant Hartlaub au mot, notre exposition sur l’art et la culture de la Nouvelle Objectivité en Allemagne sera la première vue d’ensemble sur ce courant en France. Si, en 1974, le Musée de Saint-Étienne consacre une première exposition aux « Réalismes en Allemagne, 1919-1933 » et si, trente ans plus tard, celui de Grenoble explore sa production graphique, jamais une manifestation sur la Nouvelle Objectivité n’aura réuni jusque-là outre la peinture, les dessins et la photographie6, l’architecture, le design, le cinéma, le théâtre, la littérature et la musique, dans un vrai esprit de pluridisciplinarité. Notre projet vise à relire la production culturelle de la République de Weimar à travers le prisme du mot clé « sachlich », dont le caractère idiomatique souligne bien la spécificité du concept. »
« L’exposition se concentre particulièrement sur les années 1925-1929, période durant laquelle l’Allemagne a connu une certaine stabilité économique, dans le but de faire ressortir la dialectique entre, d’un côté, la fascination pour la rationalisation de l’époque moderne et, de l’autre, la critique d’une fonctionnalisation froide et aliénante. »
« Il s’agira donc moins de proposer une reconstruction historique du courant de la Nouvelle Objectivité – de sa gestation et de son développement – que d’analyser le style ou plutôt l’esprit d’une société allemande soumise à une mutation rapide sur les plans social, politique et surtout médiatique. » 
« Les huit grandes sections thématiques qui structurent cette exposition pluridisciplinaire – « Standardisation », « Montages », « Les choses », « Persona froide », « Rationalité », « Transgressions », « Utilité », « Regard vers le bas » – sont mises, de façon inédite, en correspondance avec les sept groupes socio-culturels créés par August Sander sur la société allemande Le Paysan, L’Artisan, La Femme, Les Corps sociaux, L’Artiste, La Grande Ville, Les Derniers des hommes. »
« Tout en suivant leur propre parcours, les deux expositions se croisent et fusionnent à trois reprises. Ainsi, on découvre les féconds échanges et relations, voire les liens d’amitié, entre August Sander et le groupe des Kölner Progressive [progressistes de Cologne], un dialogue qui permet au photographe de conceptualiser son approche. On voit combien son art du portrait résonne avec la peinture de la « persona froide », à travers la caractérisation d’un individu par son habitus et ses attributs extérieurs, Enfin, dans la section « Regard vers le bas », on constate son intérêt pour les Types et personnages de la grande ville, une fascination qu’il partage avec nombre de ses contemporains, qu’ils soient artistes, écrivains ou intellectuels. L’idée de la coupe transversale amène Sander à créer une forme d’épopée photographique de son époque, rappelant l’ambition cinématographique de Berlin: Die Sinfonie der Großstadt [Berlin, symphonie de la grande ville] (1927) de Walter Ruttmann ou le roman Berlin Alexanderplatz (1929) d’Alfred Döblin, auteur de la préface du livre de Sander, Antlitz der Zeit [Visage de ce temps] (1929). »
« Outre ces dialogues et résonances, une deuxième forme de contextualisation, cette fois sur le plan de l’histoire de la photographie, vise à reconsidérer les pratiques d’August Sander et nous fait découvrir le photographe au travail. Chacun des sept groupes socioculturels sera accompagné d’un autre récit qui présente au plus près un aspect précis de son travail7. Cette oeuvre, qui apparaît tout d’abord comme un monolithe de l’histoire de la photographie en sept tomes8, s’est en fait construite de manière organique, en recourant au processus d’« éditing » des archives de Sander issues d’un travail quotidien de commande qui prend son point de départ dans son travail de photographe ambulant dans la Westerwald (la forêt au sud-est de Cologne) au début des années 1910. Ce double enracinement, à la fois dans le terroir et dans l’élan révolutionnaire des progressistes de Cologne, cette tension entre deux forces antagonistes qui traversent l’oeuvre, invitent à la considérer davantage comme un monument. Ce dernier est érigé sur deux coupes : la première donne à voir la société et les classes sociales d’une société polarisée, tandis que la seconde souligne les temporalités qui lient les années 1920 au monde d’avant, l’époque wilhelminienne, et au monde d’après, le nazisme9. »
« Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander » – deux expositions qui en forment une seule – présente aussi la production culturelle d’un pays à la veille du nazisme. »
« Deux salles à la fin de l’exposition posent la question de l’après. Dans son œuvre-projection, l’artiste Arno Gisinger revient à la Kunsthalle de Mannheim, huit ans après l’exposition de la « Neue Sachlichkeit »,  pour nous présenter l’accrochage diffamatoire d’avril 1933, intitulé « Kulturbolschewistische Bilder » [Tableaux du bolchevisme culturel]. »
« Il retrace le destin des œuvres qui du jour au lendemain perdent leur statut avant-gardiste, pour devenir, elles aussi, des œuvres « dégénérées ». La toute dernière salle rappelle les photographies prises par Sander entre 1933 et 1945 des « persécuteurs » et des persécutés10 », et sans lesquelles son récit ne serait que lacunaire. »
« Un tel regard sur cette histoire allemande, dans le contexte d’une Europe contemporaine, qui voit l’expansion des mouvements populistes et de sociétés fracturées alors que s’impose la révolution numérique, ne peut manquer de souligner les résonances politiques et analogies médiatiques entre les situations d’hier et d’aujourd’hui. »
« Les nouveaux médias de leur époque respective – par exemple la radio dans les années 1920 et Internet depuis les années 1990 – ont suscité un véritable espoir d’une démocratisation de la culture. »
« La radio, notamment, avait fait naître une vraie utopie, celle d’une participation équivalente de l’émetteur et du récepteur. On sait combien les nationaux-socialistes, plus tard, ont pu profiter de la radio mue en « Volksempfänger » [récepteur du peuple] pour diffuser leur propagande haineuse. Si elle s’efforce avant tout d’apporter un éclairage sur les thèmes et les acteurs de cette période si féconde et si mouvementée, la présente exposition sera également accompagnée d’un grand nombre d’événements – conférences, lectures, spectacles – afin d’éclairer le présent grâce à une meilleure compréhension du passé. »

1. Heinrich Mann, Der Untertan [Le Sujet de l’Empereur], Leipzig/Vienne, Wolff, 1918, cité d’après Helmut Lethen, Neue Sachlichkeit, 1924-1932, Studien zur Literatur des « Weißen Sozialismus » [1975], Stuttgart, J. B. Metzlersche Verlagsbuchhandlung, 2000, p. 11.
2. Bertolt Brecht, « Notiz, 20. August 1920 », dans Werke. Grosse kommentierte Berliner und Frankfurter Ausgabe, t. XXVI, Journale I, 1913-1941, éd. par Werner Hecht et al., Francfort-sur-le Main, Suhrkamp, 1994, p. 146 ; cité d’après Sabina Becker, Experiment Weimar, Eine Kulturgeschichte Deutschlands, 1918-1933, Darmstadt,
Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2018, p. 322.
3. Gustav Friedrich Hartlaub, « Schlagworte unserer Zeit. Neue Sachlichkeit », UHU, 4e année, no 10, juillet 1928, p. 19-20 ; éd. française : 
« Slogans de notre époque. Nouvelle Objectivité », dans La Nouvelle Objectivité. Textes critiques (1925-1935), éd. par Angela Lampe et Sophie Goetzmann, trad. de l’allemand par Jean Torrent, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2022.
4. Franz Roh, « Umstellung auf andere Gebiete », Nach-Expressionismus, Magischer Realismus. Probleme der neuesten europäischen Malerei, Leipzig, Klinkhardt & Biermann, 1925, p. 107-118 ; édition française : Franz Roh, Postexpressionnisme. Réalisme magique. Problèmes de la peinture européenne la plus  récente, trad. de l‘allemand par Jean Reubrez, Dijon, Les Presses du Réel, 2013.
5. Hans von Wedderkop, « Wandlungen des Geschmacks », Der Querschnitt, Cahier 7, 6e année, juillet 1926, p. 497.
6. Deux expositions récentes sur la Nouvelle Objectivité ont proposé un dialogue entre l’œuvre pictural et photographique ; voir les catalogues d’exposition suivants Stephanie Barron (dir.), New Objectivity. Modern German Art in the Weimar Republic, 1919-1933, Los Angeles County Museum of Art, 2015, et Kathrin Baumstark et Ulrich Pohlmann (dir.), Welt im Umbruch. Kunst der 20er Jahre, Hambourg, Bucerius Kunst Forum, 2019.
7. Voir la publication spécifique sur August Sander qui paraîtra à l’occasion de cette exposition, Florian Ebner (dir.), August Sander. Éditer la société, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2022.
8. August Sander, Hommes du xxe siècle.
Une oeuvre culturelle de photographies divisée en sept groupes, éd. par Susanne Lange, Gabriele Conrath-Scholl et Gerd Sander, Die Photographische Sammlung/SK Stiftung Kultur, 7 tomes, allemand/anglais/français, Munich,
Schirmer Mosel, 2002.
9. Voir le texte d’Oliver Lugon, « Les Visages du temps. August Sander, l’avant-garde et la vieille photographie », dans August Sander. Éditer la société, op. cit.
10. August Sander. Persécutés/persécuteurs des Hommes du XXe siècle, Paris, Mémorial de la Shoah/Göttingen, Steidl, 2018.


Du 11 mai au 5 septembre 2022
Galerie 1, niveau 6
75191 Paris cedex 04
Tél. : + 33 (0)1 44 78 12 33
Tous les jours de 11 h à 21 h, sauf le mardi, nocturne le jeudi jusqu’à 23 h.
Visuels :
Anonyme
Brochure Isotype
vers 1935
Feuille, verso
University of Reading,
Otto and Marie Neurath Isotype Collection

Heinrich Jost
« Für Fotomontage Futura »
[Pour le photomontage : Futura]
dans la revue Gebrauchsgraphik
vol. 6, n°3, mars 1929
Annonce presse en quatre pages encartées
Archiv der Massenpresse P. Rössler

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