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mercredi 19 juin 2019

« Je compte sur vous », par Pascal Elbé


« Je compte sur vous », film de Pascal Elbé est sorti dans l'hexagone le 30 décembre 2015. Entre la France et l’Etat d’Israël, l’histoire d’un escroc qui convainc par téléphone ses proies – salariés de banques, d’entreprises ou d’administrations - de virer des sommes importantes sur des comptes bancaires. Un bon film qui suscite des interrogations.  Le 19 juin 2019 à 21 h, France 4 le diffusera. Le personnage principal est inspiré de Gilbert Chikli, spécialiste de l'arnaque au "faux président" et qui a été arrêté en Ukraine, puis extradé vers la France.


« Un homme, un téléphone portable, plusieurs millions d’euros dérobés, une quarantaine d’établissements bernés. Drogué à l’adrénaline que ses arnaques lui procurent, Gilbert Perez manipule et trompe ses victimes avec brio en se faisant passer tour à tour pour leur président puis un agent de la DGSE. Il rêve d’offrir à sa femme Barbara une vie normale, mais insatiable et sans limite, sa folie le mènera à sa perte ».

Inspiré librement d’une histoire vraie – celle de Gilbert Chikli, condamné le 20 mai 2015 pour escroquerie "au faux président" à sept ans de prison par contumace -, « Je compte sur vous » de Pascal Elbé brosse le portrait d’un escroc sympathique, égocentrique, qui s’enferme progressivement dans une pathologie. Bluffeur impénitent, longtemps sûr de son invulnérabilité, Gilbert Perez (Vincent Elbaz) aurait pu utiliser son bagout, sa force de conviction, sa finesse psychologique comme commercial et gagner aisément sa vie. Mais il a besoin d’une activité frôlant le danger, et lui insufflant une dose d’adrénaline nécessaire à son déséquilibre. Son goût pour le franchissement des frontières - géographiques, morales – s’avère tempéré par sa prudence jusqu’à…

Fertile en rebondissements, ce film est remarquablement bien réalisé et interprété. Il montre la technique de cet entourloupeur redoutable : usurper ou s’inventer une identité, inspirer la confiance par la voix, maintenir la pression, garder l’interlocuteur en état de dépendance en réduisant ses résistances physiques – sommeil tronqué –, ses réticences professionnelles – ton autoritaire, compliments, gages de sérieux, explications liées à l’actualité internationale - et son socle mental – fausse complicité/confidence par un climat de confiance -. Jouant sur l’empathie, Gilbert Perez détruit avec perversité des êtres vulnérables, parfois fragilisés dans leur estime de soi et leur vie affective. Ce qui suppose un minimum de préparation afin de connaitre l’entreprise, la banque ou l’administration ciblée, et son/sa comptable. Son plaisir réside au moins autant dans sa victoire – gain financier - que dans la recherche de la stratégie adéquate pour parvenir à ses fins : l’emprise sur un cerveau, la subjugation d’une volonté autre, la manipulation d’êtres humains en endossant des rôles fictifs.

Mobile, la caméra entoure, enserre la proie qui s’isole naturellement dans un dialogue téléphonique. Virevolte autour d’elle, transmet son vertige, capte sa fragilité. Délimite l’espace de l’entourloupe d’où la proie, captive, obéissante, ne sort que vidée de son énergie et stupéfaite.

Ce jeu du chat et de la souris se déroule en une mise en abyme. Gilbert Perez cible sa victime, tout en étant recherché par l’inspecteur Moretti (Zabou Breitman) et la juge (Catherine Mouchet), et par une mafia russe plus puissante que lui. C’est un homme-caméléon dans la fuite et l’échange d’identités.

A la lumière éblouissante d’Israël, pays d’une possible reconversion, Pascal Elbé oppose le grisâtre d’un Paris pluvieux.

On peut regretter la fin, morale et psychiatrique, filmée en gros plan fixe. Peu crédible.

Dissymétrie
L'avocate d'une victime a loué ce film en considérant qu'il montrait le phénomène, et permettait ainsi de prévenir les gens. On peut en douter. Le dirigeant d'une entreprise avait alerté ses salariés à propos de l'"escroquerie au président". Cependant, son comptable s'est laissé prendre à cette arnaque. Ce qui a induit le dépôt de bilan de l'entreprise.

France 2 et France Télévisions ont coproduit « Je compte sur vous », par Pascal Elbé. Elles avaient refusé  de coproduire 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi d’Alexandre Arcady en alléguant que le projet de ce film ne correspondait pas à la « ligne éditoriale » du groupe public audiovisuel. Leur « ligne éditoriale » agrée un film sur un escroc Juif, sur les difficultés d’intégration en Israël de Français Juifs et leur déclassement professionnel ainsi que social, et non celui sur un assassinat antisémite. Le groupe France Télévisions coproduirait-il un film sur la spoliation dont sont victimes, en ce début de XXIe siècle, des Français Juifs, tels le Dr Lionel Krief et des copropriétaires parisiens, et ce, par des décisions judiciaires aberrantes, leur déniant les droits de la défense et un procès équitable ?

Dans ce dossier d’arnaque, l’inspectrice de police et la magistrate manifestent un sérieux et un investissement remarquables. On aimerait que la Brigade financière et des magistrats de la rue des Italiens (Paris) accordent aux justiciables français Juifs ayant porté plainte pour abus de confiance et autres malversations financières, voire antisémitisme, ne serait-ce qu’un centième de ces qualités. Exemple ? Ce juge d’instruction qui, lors d’une audition de ses concitoyens Juifs, demande à l’un d’eux son… certificat de décès !? Avant d’annoncer qu’il clôturera son instruction dans quatre mois. Quelques semaines après l'audition des plaignants, il leur annonçait par courrier que son instruction était achevée !? Alors que ces plaignants évoquaient en particulier des abus de confiance, faux et usages de faux publics, et l'existence de comptes bancaires à l'étranger. Ce qui aurait permis de rapatrier en France des montants importants dans un pays où la dette publique frôle les 100% du PIB.

Enfin, il serait bon que des artistes français Juifs réalisent des documentaires notamment sur les finances d’organisations communautaires. Sur Radio J, le 27 décembre 2015, un dirigeant communautaire n’avait pas de mots assez durs pour qualifier la déplorable gestion financière de ses prédécesseurs.

Gilbert Chikli
Le personnage principal est inspiré de Gilbert Chikli, spécialiste de l'arnaque au "faux président". "Considéré comme le pionnier des arnaques «  au faux président  », qui consistent à contacter de grandes entreprises en se faisant passer pour le président de la société, puis pour un agent des services secrets, Gilbert Chikli est très persuasif. Il se faisait remettre des sommes importantes en invoquant notamment la lutte contre le blanchiment ou le terrorisme. L'aigrefin avait été condamné en son absence en mai 2015 à sept ans de prison par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir arnaqué des entreprises telles que Accenture, Alstom, HSBC, la Banque postale, le Crédit lyonnais et Thomson Technicolor."

"Recherché par la France, Gilbert Chikli, 51 ans, a été interpellé le 18 août en Ukraine en compagnie d'un ressortissant franco-israélien. Il avait été remis en liberté une première fois le 20 septembre, mais cette mesure avait été assortie d'une assignation à résidence très stricte en attendant une décision sur une éventuelle extradition vers la France. Il avait alors été replacé en détention le lendemain, après avoir été interpellé non loin de l'aéroport de Kiev-Boryspil, hors de la zone autorisée".

Le 25 septembre 2017, "le Franco-Israélien, condamné par la justice française pour ses arnaques «  au faux président  » avait été remis en liberté. Le 26 septembre 2017, le célèbre escroc a été réincarcéré sous écrou extraditionnel sur décision d'un tribunal de Kiev". Extradé d'Ukraine, il a été incarcéré à son arrivée en France, le 23 novembre 2017.

"Dans un article du 2 juin 2019 intitulé « Comment le gang des « faux Le Drian » a piégé le gotha mondial », Le Figaro revenait sur une affaire dans laquelle « pendant plusieurs années, des escrocs se faisant passer pour le ministre Jean-Yves Le Drian ont soutiré des millions à de riches personnalités françaises ou étrangères ». Le quotidien national écrivait :
"Aujourd’hui, le chef du gang, Gilbert Chikli, 51 ans, un Juif franco-tunisien ayant grandi à Belleville, qui adolescent préférait la rue aux bancs de l’école et possède une double nationalité, franco-israélienne, dort en prison, à Fresnes."
"Alerté par une lectrice, InfoEquitable a contacté Le Figaro en émettant les remarques suivantes. Tout d’abord, comme indiqué dans la seconde partie de la phrase, l’homme détient deux nationalités – française et israélienne. Cela n’en fait pas un « Franco-tunisien », mais une personne ayant simplement des origines tunisiennes. Surtout, la formulation de l’article pouvait laisser entendre que le comportement amoral de cet escroc aurait découlé de ses origines. En quoi le fait que Gilbert Chikl soit juif aurait-il eu une incidence sur ses actions ? La mention de la judéité de M. Chikli ne nous paraissait donc pas pertinente à moins de concevoir que ces origines soient nécessaires pour expliquer son comportement – ce qui, même si cela n’avait pas été l’intention, aurait constitué une allégation franchement antisémite.

InfoEquitable a "suggéré au Figaro de retirer la caractérisation de Gilbert Chikli comme « un Juif franco-tunisien ». Le journal a reconnu la validité de notre remarque puisqu’il a rapidement rectifié la version électronique de l’article, qui se lit désormais ainsi" :
"Aujourd’hui, le chef du gang, Gilbert Chikli, 51 ans, un franco-israélien d’origine tunisienne ayant grandi à Belleville, qui adolescent préférait la rue aux bancs de l’école et possède une double nationalité, franco-israélienne, dort en prison, à Fresnes."
 Quid de la présomption d'innocence ? La photographie illustrant l'article semble être prise lors d'une audience judiciaire, et mine considérablement aussi ce principe auquel tous les justiciables ont droit. Il est louable de veiller à la terminologie, mais il semble aussi utile d'analyser les visuels illustrant les articles critiqués.

Quand un terroriste islamiste commet un attentat en France, les médias évoquent généralement un "assaillant", un "Français", voire "une voiture folle". Pourquoi ce "deux poids, deux mesures" ?

L'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy "avait pris l'habitude d'utiliser avec son avocat Thierry Herzog des "téléphones occultes" ou "toc" pour communiquer ensemble sans crainte d'être écouter, révèlent les écoutes policières versées au dossier de l'affaire de trafic d'influence... Le Canard Enchaîné a eu accès aux 136 pages du réquisitoire et souligne que l'ex chef de l'Etat avait eu un "toc" non seulement au nom de Paul Bismuth, mais aussi auparavant de "Gilda Atlan"... Des fausses identités que les deux hommes "balançaient" tous les trois mois, explique l'hebdomadaire qui a fouillé dans les 69 pages du réquisitoire consacrées à la retranscription d'écoutes policières qui ont mené à l'affaire de trafic d'influence". Nul journal n'a évoqué la religion et les origines de l'ancien chef de l'Etat.


« Je compte sur vous », par Pascal Elbé
Vito Films, 1 h 38
Scénario : Pascal Elbé en collaboration avec Isaac Sharry 
Musique originale : Pascal Lengagne
Montage : Stratos Gabrielidis, Théo Carrere
Image : Romain Lacourbas
Décors : Pierre Quefféléan
Avec Vincent Elbaz, Julie Gayet, Zabou Breitman, Ludovik, Anne Charrier, Nicole Calfan, Lionel Abelanski.
Sur France 4 le 19 juin 2019 à 21 h
Visuels : © Hugo Cohen

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La citation provient du dossier de presse. Cet article a été publié le 29 décembre 2015, puis le 27 septembre 2017.

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