Citations

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« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

jeudi 17 septembre 2015

Le peintre Charles Lapicque (1898-1988)


Première rétrospective depuis 40 ans (Musée de La Poste, 2008), hommages - exposition itinérante labellisée d’intérêt national aux musées de l’Hospice St Roch à Issoudun, Unterlinden à Colmar (2009), et de l’Abbaye-Sainte-Croix aux Sables d’Olonne (jusqu’au 14 février 2010), livres se sont succédées pour honorer le peintre Charles Lapicque, reconnu Juste parmi les Nations, à l’occasion du 110e anniversaire de la naissance de ce peintre et du 20e anniversaire de sa mort. Un « dérangeur » à l’œuvre diverse et singulière. A Besançon, la Citadelle présente, dans le cadre de l'exposition Bêtes d'expo ! des félins peints par Charles Lapicque.


Rattaché à la Nouvelle Ecole de Paris, Charles Lapicque est « un des artistes les plus originaux du XXe siècle, un novateur, notamment dans son utilisation de la couleur et de l’espace ».

Grâce à sa formation scientifique, cet ingénieur a assimilé et effectué des études complexes sur l’optique et en a retranscrit dans son art novateur les conclusions.

Recherches chromatiques
Orphelin, le jeune Charles Lapicque est confié à ses grands-parents, puis pris en charge par un oncle professeur.  Ses vacances en Bretagne lui font découvrir la mer, la navigation.

Pendant la Première Guerre mondiale, il sert dans l’artillerie.

Ce Centralien épouse Aline Perrin, fille de Jean Perrin, Prix Nobel de physique (1926). Il travaille en Normandie dans la distribution électrique, et commence à peindre en 1920. Au Salon des Indépendants où il expose, il est remarqué par le sculpteur Jacques Lipchitz qui lui fait rencontrer en 1925 la galeriste Jeanne Bucher.

Fort de son contrat avec deux galeristes, Jeanne Bucher et Pierre Loeb, il démissionne de son poste d’ingénieur pour se consacrer à la peinture. Jeanne Bucher « lui organise sa première exposition en 1929 ». Le krach de 1929 bouleverse sa vie : son contrat est rompu.

Charles Lapicque est engagé en 1931 au laboratoire de physique de la faculté des sciences de Paris. Il y expérimente « les contrastes de valeurs, la perception de l’échelonnement dans l’espace ».

Il rencontre les philosophes Gabriel Marcel et Jean Wahl en 1936. Il peint cinq panneaux du Palais de la Découverte pour l’Exposition universelle de 1937.

En 1938, il soutient avec succès sa thèse de doctorat d’Etat ès sciences sur L’optique de l’œil et la vision des contours. Il  estime « n'être entré en peinture qu'en 1939, année où ses recherches antérieures sur l'échelonnement des couleurs dans l'espace trouvent leur aboutissement personnel ».

Charles Lapicque « participe au renouveau de l’art abstrait ». Mobilisé en 1939-1940, il devient en 1941 un des théoriciens du groupe des jeunes peintres de Tradition française et influe ses pairs : Bazaine, Tal Coat… Il démissionne de la faculté pour s’engager à partir de 1943 dans la seule peinture en étant lié à la galerie Louis Carré.

Charles et Aline Lapicque, tous deux résistants, accueillent le 16 juillet 1942, Fanny Weisbuch, licenciée ès-science juive, son bébé Gérard et sa sœur cadette. Le couple Lapicque et ses fils fournissent des faux papiers et cachent aussi des aviateurs anglais et des émissaires venus de Londres. Après s’être engagé dans l’armée française et moultes pérégrinations, Abraham Weisbuch, mari de Fanny, reste en Auvergne. Dénoncée, arrêtée, la sœur de Fanny meurt à Bergen-Belsen. Le couple Lapicque est distingué en 2000, à titre posthume, comme Juste parmi les Nations. Le 5 juin 2001, sont remis au Sénat (Paris) à leurs ayants-droits le diplôme et la médaille de Justes parmi les Nations.

De 1948 à 1966, il est peintre officiel du Département de la Marine.

Une œuvre narrative, « figurative à la limite de l’abstrait » (Daniel Abadie)
Cet artiste « inventif, audacieux », curieux, voyageur, joueur de tennis et musicien amateur, peint des sujets de la vie quotidienne - automobiles, bouchère, paysages, locomotive, natures mortes -, des sujets historiques : Henri III (1950), La Bataille de Waterloo (1949). Dans ce tableau, il insère un espace, comme une bulle de bande dessinée, pour représenter la vision d’un personnage.

Ses recherches esthétiques et son observation des « vitraux, des émaux médiévaux et des faïences rouennaises du XVIIIe siècle » l’amènent à s’opposer à la « théorie classique en cours depuis la Renaissance, qui veut que le bleu éloigne alors que le rouge rapproche » (Josette Rasle).

Charles Lapicque écrit, ou conseille : « Mettez du rouge, de l’orangé, du jaune pour tout ce qui est impalpable et lointain, notamment le ciel, et du bleu pour tout ce qui est solide, compact, rapproché, la terre par exemple ». Bref, une utilisation originale des couleurs froides – bleu, vert, violet – et chaudes - rouges, jaune, orangé – pour jouer sur les perspectives, créer l’espace. Des couleurs portées en flambeaux.

Charles Lapicque est le premier à recevoir le Grand prix national de la peinture. Ses œuvres ont été acquises par le centre Pompidou, les musées d’art moderne de la Ville de Paris, de Dijon et de Besançon.


Visuels :
Timbre-poste reproduisant en 1989 le tableau « Régates vent arrière » de 1952

Henri III, 1950 (huile sur toile, 120 x 60 cm).
Collection particulière, courtesy Nathan Fine Art, Berlin-Zurich
© Jean-Louis Losi

L’Adieu, 1947 (huile sur toile, 80 x 65 cm). Collection particulière
© Nathan Fine Art, Berlin-Zurich / Droits réservés

Pour en savoir plus :
Charles Lapicque (1898-1988), une rétrospective. Musée de La Poste et Beaux-arts de Paris, les éditions, collection Un timbre - Un artiste, 2008. 112 pages. ISBN : 9 782840 562726. 20 euros.
Charles Lapicque, le dérangeur. Thalia Edition, 2009. 320 pages. ISBN : 978-2-35278-045-8. 39 euros.
Cet article a été publié en une version plus concise dans L’Arche. Il a été publié dans ce blog le 6 janvier 2010, puis le 30 juin 2015.

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