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dimanche 26 octobre 2025

La Nuit de cristal

Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 et le 10 novembre 1938, les juifs vivant dans le territoire du IIIe Reich - Allemagne, Autriche, Sudètes de Tchécoslovaquie -  sont victimes d'un pogrom dénommé "nuit de Cristal" (Reichskristallnacht). Destiné à accélérer l'émigration juive rendue difficile par des politiques occidentales d'immigration restrictives, ce pogrom a préludé la Shoah. Arte diffusera le 28 octobre 2025 à 21 h « La nuit de cristal, les pogroms de novembre », passionnante série documentaire de Marie-Pierre Camus et Guillaume Vincent.

« Descendants de nazis. L’héritage infernal » de Marie-Pierre Raimbault et Michael Grynszpan 

Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 et le 10 novembre 1938, les juifs vivant dans le territoire du IIIe Reich - Allemagne, Autriche, Sudètes de Tchécoslovaquie -  sont victimes d'un pogrom dénommé "nuit de Cristal" (Reichskristallnacht ou Novemberpogrome). Les dirigeants nazis ont présenté ce pogrom comme la réaction spontanée de la population à la mort le 9 novembre 1938 d’Ernst vom Rath, secrétaire de l'ambassade allemande à Paris, grièvement blessé deux jours auparavant par Herschel Grynszpan, jeune Juif polonais d'origine allemande.

Ordonné par le chancelier du IIIe Reich, le führer Adolf Hitler, ce pogrom a été organisé par Joseph Goebbels et commis par des membres de la Sturmabteilung (SA), de la Schutzstaffel (SS) et de la Jeunesse hitlérienne, soutenus par le Sicherheitsdienst (SD), la Gestapo et d'autres forces de police.

"Malgré les apparences de violence spontanée et le caractère local que prit parfois le pogrom dans plusieurs régions du Reich, les ordres transmis par Heydrich ne pouvaient être plus clairs : les émeutiers « spontanés » ne devaient prendre aucune mesure mettant en danger la vie ou les biens des Allemands non juifs, ni exercer de violences sur les étrangers (même s'ils étaient Juifs) ; de plus, ils devaient s'emparer des archives avant de vandaliser les synagogues ou d'autres propriétés de la communauté juive et les transférer au Service de sécurité (SD, Sicherheitsdienst). Les ordres indiquaient également que la police devait arrêter autant de Juifs que les prisons locales pouvaient en contenir, de préférence des hommes jeunes et en bonne santé."

"En Allemagne, en Autriche et dans les Sudètes, les émeutiers détruisirent des centaines de synagogues et d'institutions juives. Beaucoup d'entre elles brûlèrent toute la nuit sous les yeux du public et des pompiers, qui avaient reçu l'ordre de n'intervenir que si les flammes menaçaient les bâtiments voisins... Des cimetières juifs furent profanés dans de nombreuses régions. Les pogroms furent particulièrement dévastateurs à Berlin et Vienne, où vivaient les communautés juives les plus importantes du Reich. Parcourant les rues, les trublions de la SA attaquaient des Juifs jusque chez eux et soumettaient ceux qui se trouvaient sur leur chemin à des scènes d'humiliation publique... Les archives de police de l'époque rapportent également un grand nombre de viols et de suicides survenus à la suite des violences."

Le bilan est dramatiquement élevé : deux cent soixante sept synagogues et lieux de culte détruits, 7 500 commerces et entreprises dirigés par des Juifs saccagés, une centaine de Juifs assassinés, des centaines d'autres ayant choisi le suicide ou décédés des suites de leurs blessures, près de 70 000 déportés en camps de concentration, notamment Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen - beaucoup sont décédés lors d'une épidémie de typhus et leurs cadavres ont été incinérés sur place, la plupart des survivants furent libérés "dans les trois mois qui suivirent, mais durent s'engager à quitter l'Allemagne". Le pogrom et les déportations ont induit la mort de 2 000 à 2 500 juifs. Tournant dans la persécution antisémite de l'Allemagne nazie dès l'arrivée des nazis au pouvoir en janvier 1933, la « nuit de Cristal » prélude la Shoah.

Les nazis ont voulu accélérer l'exil des Juifs en vue d'un IIIe Reich jüdenrein - le nombre cherchant à fuir a alors augmenté fortement. Mais ces juifs se sont heurtés au refus de pays de les accueillir - 937 passagers juifs du paquebot Saint-Louis, conférence d'Evian, Livres Blancs concernant la Palestine mandataire, etc. -, malgré la pitié éprouvée envers eux et l'indignation suscitée par la violence nazie. Les dirigeants nazis ont pu alors constater la faible solidarité des non-juifs envers les juifs persécutés.

"Au lendemain du pogrom, de nombreux dirigeants allemands, comme Hermann Goering, critiquèrent les lourdes pertes matérielles produites par les émeutes antisémites, soulignant que si rien n'était fait, les compagnies d'assurance allemandes (et non les compagnies appartenant à des Juifs) " dont Allianz, "devraient supporter le coût des dégâts. Goering et d'autres dirigeants du parti décidèrent néanmoins de saisir l'occasion pour prendre des mesures d'élimination des Juifs et leur prétendue influence sur la sphère économique allemande. Le gouvernement allemand prit alors une mesure immédiate attribuant aux Juifs eux-mêmes la responsabilité de la Nuit de cristal et infligea une amende d'un milliard de reichsmarks (soit 400 millions de dollars au taux de change de 1938) à la communauté juive allemande. Le Reich confisqua toutes les indemnisations des assurances qui auraient dû être versées aux Juifs dont les établissements ou les habitations avaient été pillés ou détruits, et les propriétaires juifs durent prendre à leur charge les frais des réparations."

"Dans les semaines qui suivirent, le gouvernement allemand promulgua toute une série de lois et de décrets visant à exproprier les Juifs de leurs biens et à les priver de leurs moyens de subsistance. Ainsi fut mise en place une politique d'« aryanisation » (le transfert à des propriétaires non juifs) des entreprises et des propriétés immobilières appartenant à des Juifs, généralement pour un faible pourcentage de leur valeur réelle. Les Juifs, déjà exclus du secteur public, se virent interdits d'exercer la plupart des professions du secteur privé. Puis de nouvelles lois les chassèrent de la vie publique. Les enfants juifs qui fréquentaient encore des écoles allemandes en furent expulsés. Les Juifs n'eurent plus le droit de posséder de voiture, leurs permis de conduire leur furent retirés et leur accès aux transports en commun fut rigoureusement réglementé. Les théâtres, salles de concert et cinémas « allemands » leur furent interdits."

"Les violences firent les gros titres de la presse américaine, qui rapporta l'attaque nazie sur la population juive en première page et dans de nombreux articles au fil des semaines. Au cours de la période nazie, aucun autre événement lié à la persécution des Juifs ne suscita l'intérêt des journaux aussi largement et avec autant d'attention. La censure allemande tenta de bloquer les photos de Kristallnacht afin qu'elles ne soient pas diffusées dans la presse américaine. Life Magazine parvint tout de même à en publier dans son numéro du 28 novembre 1938. Et de toutes les unes parues à l'époque, c'est peut-être celle du Los Angeles Examiner du 23 novembre qui résume le mieux le danger que couraient les Juifs sous le régime nazi : « Les nazis alertent le monde : les Juifs seront éliminés si les démocraties ne les évacuent pas ».

Des manifestations de protestation sont organisées aux Etats-Unis en particulier à New York en présence du rabbin Stephen S. Wise. Le président démocrate Franklin D. Roosevelt a rappelé l'ambassadeur américain en Allemagne.

"L'ambassade de Bulgarie a écrit qu'il semblait que « rien ne pourra empêcher une solution permanente à la « question juive » ». Même l'Italie, futur allié de l'Allemagne nazie dans l'Axe, a été choquée par les événements, écrivant qu'il était « tout simplement inimaginable qu'un jour, 500 000 personnes soient mises contre un mur, condamnées au suicide ou enfermées dans d'immenses camps de concentration ». Quant à Charles Bewley, diplomate irlandais en poste à Berlin, il a rédigé un rapport de 13 pages où il exprime son antisémitisme.

En 2014, Des militants antiracistes en Norvège ont refusé de participer à une commémoration de l'Holocauste parce que des membres de la communauté juive y étaient également invités, selon un blog norvégien cité par l' International Business Times (IBT).

Selon le blog « Norvège, Israël et les Juifs », l'organisation norvégienne New SOS Racisme "a exigé que les « Juifs sionistes de Bergen » soient interdits de participer à la cérémonie commémorative de la Nuit de Cristal qui s'est tenue plus tôt cette semaine. Elle a « refusé de participer à la commémoration de la Nuit de Cristal, car un représentant de la Congrégation mosaïque [une congrégation juive conservatrice] y avait été invité. Oui, ils ont refusé qu'un Juif y participe », a commenté le blog. L'IBT a noté que l'incident s'est produit « quelques jours après que la cérémonie organisée au Danemark dans le district de Norrebro, commémorant l'Holocauste, ait été utilisée pour collecter des fonds pour Gaza, suite à la guerre entre Israël et Gaza de 2014 ». Un dirigeant local de la communauté juive a critiqué la décision de lever des fonds pour Gaza. "Quand les profits de l'événement de Norrebro vont à Gaza, dont le gouvernement est en guerre avec Israël, je pense qu'il y a une confusion inappropriée", a déclaré Dan Rosenberg Asmussen, président de la communauté juive de Copenhague, au journal Kristelig Dagblad".

"Même aujourd'hui, l'Allemagne n'a aucune loi pour récupérer les objets judaïques pillés pendant la Nuit de Cristal. Contrairement aux œuvres d'art acclamées, des milliers d'objets volés lors de la Nuit de Cristal sont légalement détenus et vendus... Pendant la guerre, les nazis ont envoyé à Prague les objets juifs pillés dans toute l'Europe de l'Est. Le projet était d'y créer un anti-musée juif une fois la Shoah terminée. En 1950, selon un rapport du Spiegel de 1988, une cinquantaine d'entrepôts de Prague étaient remplis à ras bord de Judaica, tous aux mains du nouveau régime communiste tchécoslovaque. Mais dans un effort pour obtenir des devises fortes, le gouvernement a employé les quelques hommes juifs survivants pour transporter les objets à travers le rideau de fer et les déverser sur le marché des antiquités en échange de devises occidentales", a écrit François Rolland (The Jewish Chronicle, 8 novembre 2018).

En novembre 2019, en souvenir de la Nuit de cristal, les joueurs du club des Corinthians, équipe de football brésilienne, ont porté une étoile jaune de David cousue au-dessus du logo du club sur leurs maillots. "Adoré par la communauté juive de Sao Paulo forte de 60 000 membres,  est engagé dans la lutte contre l'antisémitisme et le racisme. L’équipe a également ouvert une exposition de photo sur la Shoah... Les Corinthians ont été fondés à Bom Rerito, le quartier de Sao Paulo qui abritait autrefois une grande communauté d’immigrants juifs qui sont arrivés au début du 20e siècle. Le quartier accueille encore plusieurs institutions juives, dont le mémorial de la Shoah".

« La nuit de cristal, les pogroms de novembre »
Arte diffusera le 28 octobre 2025 dès 21 h « La nuit de cristal, les pogroms de novembre », remarquable série documentaire de Marie-Pierre Camus et Guillaume Vincent.

Les documentaristes évoquent les premières lois antisémites, mais pas la loi du 21 avril 1933 sur l’abattage des animaux suivie notamment par celles du 24 novembre 1933 sur la protection des animaux et du 8 septembre 1938 interdisant le transport des animaux par chemin de fer. Dans la loi sur la protection des animaux, un chapitre est consacré à la « barbarie juive » qui aurait présidé à l’abattage rituel, interdit par le nazisme.

"En trois ans, entre 1933 et 1936, 15% des Juifs allemands ont fui le pays, parmi eux des intellectuels, des artistes... Mais la grande majorité des Juifs allemands s'adapte, se regroupe dans les grandes villes, se réfugie dans la vie familiale, ou renoue avec une pratique religieuse, espérant que cela va "s'arranger", d'autant qu'avec les Jeux olympiques de 1936 une pause dans la politique antisémite a été décrétée par Goebbels et le pouvoir nazi." 

Le documentaire évoque l'annexion de l'Autriche au Troisième Reich (Anschluss) en 1938 comme un évènement brutal dans un pays pacifié. Or, l'entre-deux guerres a été marquée par une grave crise économique et politique : assassinat du chancelier Engelbert Dollfuss en 1934, évolution du régime vers l'autoritarisme, entrisme nazi dans le parti unique, le Front patriotique, attentats fomentés par les Nazis

« Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, dans tout le Reich allemand, les juifs sont la cible d’une vague de violence antisémite sans précédent. Grâce à des centaines d’images et des films retrouvés dans les archives, ce documentaire retrace la « Nuit de cristal » au cours de laquelle 30 000 juifs sont déportés dans des camps de concentration. Ce pogrom reste lourdement gravé dans la mémoire allemande aujourd’hui encore. »

« Après les avoir exclus de toute vie sociale, les nazis déchaînent leur violence contre les juifs lors des pogroms des 9 et 10 novembre 1938. Commentées par des historiens, des archives rares permettent de raconter ces journées terribles, qui témoignent de la radicalisation de la politique antisémite du IIIe Reich. »

« Des centaines de photos et de rares films, longtemps ignorés, permettent aujourd’hui de prendre la mesure des atrocités commises, qui poussèrent des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants à fuir, pour certains jusqu'en Chine – en témoignent des clichés de la communauté juive réfugiée à Shanghai. »

"C'est un traumatisme considérable qu’on n’a peut-être pas mesuré à sa juste valeur, parce qu'on l'évalue souvent au regard de ce qui va se passer après, au regard de la Shoah", analyse Diane Afoumado, du Centre de ressources sur les survivants et victimes de l’Holocauste de Washington. »

« Nourri d’éclairages d’historiens - Nicolas Patin, Christoph Kreitzmuller, Christian Ingrao, Diane Afoumado...- et d’émouvantes archives, ce documentaire en deux parties retrace les étapes qui ont précédé la "Nuit de cristal", de la ségrégation à la terreur organisée, et décrypte la portée de ces journées funestes, qui marquèrent un tournant décisif dans la politique antisémite du IIIe Reich. »

« Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, les nazis déclenchent des pogroms à travers tout le Reich. Au cours de ces heures d’horreur, 1 400 synagogues sont incendiées, des dizaines de milliers d’appartements et de magasins sont saccagés, des habitants sont assassinés, et plus de 30 000 hommes sont arrêtés puis internés dans des camps de concentration. »

« Depuis leur arrivée au pouvoir en 1933, les nazis poursuivent un objectif obsessionnel : se débarrasser des juifs. Après le boycott de leurs commerces et des autodafés, les mesures discriminatoires se sont succédé à un rythme effréné jusqu’aux lois de Nuremberg de septembre 1935, qui ont donné un cadre légal à cet apartheid racial. »

« Tandis que l’émigration des juifs allemands est néanmoins restée limitée, la politique d’expansion de Hitler, qui a annexé en 1938 l’Autriche puis les Sudètes, a jeté des milliers de familles sur les routes, effrayées par les débordements antisémites. »

« Le 9 novembre 1938, l’annonce du décès d’Ernst vom Rath, secrétaire de l'ambassade d'Allemagne à Paris, abattu par le jeune Herschel Grynszpan en signe de protestation contre l’expulsion des juifs polonais vivant outre-Rhin, sert de prétexte à un déchaînement de violence sans précédent. »

« Avec ces pogroms, appelés à l’époque "Nuit de cristal" en référence aux bris de verre qui jonchaient les rues au matin du 10 novembre, les persécutions antisémites franchissent un seuil. »

« La Nuit de cristal marque un tournant décisif dans la politique antisémite du IIIe Reich ».

« Dès le 10 novembre et dans les jours qui suivent, des convois acheminent les 30.000 hommes juifs arrêtés vers les camps de Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen, tandis que les pillages et les humiliations se poursuivent. »

« Sommet de perfidie, le régime nazi décide de faire peser la réparation financière des dégâts – colossaux – sur les victimes. Il s’agit, par la violence massive, l’intimidation et le vol légalisé, de contraindre les juifs à l'exil – condition à la libération des prisonniers –, en abandonnant leurs biens derrière eux. » Une spoliation au bénéfice de l'Etat visant un Reich Jüdenrein. De 1933 à 1939, 250 000 juifs allemands ont fui le IIIe Reich.

« Les réfugiés, qui se heurtent aux réticences de nombreux pays à les accueillir, affluent dans les ports d’Europe de l’Ouest, d’où ils embarquent parfois pour le bout du monde, » notamment à Shanghai, ville chinoise occupée par le Japon impérial.

« Pendant ce temps, Hitler poursuit sa marche en avant : après l’invasion de la Pologne, le 1er septembre 1939, et le début de la Seconde Guerre mondiale, la fureur nazie, qui change alors d’échelle, va rattraper une partie de ceux qui avaient cherché à lui échapper. »


« La nuit de cristal, les pogroms de novembre » de Marie-Pierre Camus et Guillaume Vincent
France, 2025, 59 min
Coproduction : ARTE France, Les Films en Vrac, Les Films de la Mémoire, Création et Mémoire
Conseiller historique : Nicolas Patin
Commentaire dit par Dominique Reymond
Sur Arte :
1ère partie (59 min) : les 28 octobre 2025 à 21 h, 10 novembre 2025 à 9 h 25
2e partie (58 min) : les 28 octobre 2025 à 21 h 55,10 novembre 2025 à 10 h 25
Sur arte.tv du 21/10/2025 au 26/05/2026
Visuels :
© Erlangen Stadtarchiv
© Yad Vashem
© AFP
© USHMM / NARA
© Erlangen Stadtarchiv
© Ludwigshafen Stadtarchiv


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