Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

jeudi 12 décembre 2024

William Shakespeare (1564-1616)

William Shakespeare (1564-1616) était un dramaturge - Hamlet, Othello, Le Roi Lear, Macbeth, le Marchand de Venise -, poète et comédien anglais sous les règnes de la reine Élisabeth I et du roi Jacques IerDans ses œuvres, il a illustré les problèmes religieux et politiques de son temps. Arte diffusera le 14 décembre 2024 dès 20 h 50 « William Shakespeare », série en trois parties de Julian Jones.


William Shakespeare (1564-1616) était un dramaturge, poète et acteur anglais né et mort à Stratford-upon-Avon (Warwickshire) qui accueille dans son théâtre The Royal Shakespeare Company.

« Barde d'Avon », « barde immortel », « le barde »... Ces surnoms louent l'un des auteurs majeurs de langue anglaise. Principalement écrite de 1589 à 1613, son œuvre - 39 pièces (comédies et pièces historiques, puis tragédies comme Hamlet, Othello, Le Roi Lear et Macbeth, enfin tragi-comédies), 154 sonnets et des poèmes - s'avère à dimension universelle. Shakespeare a aussi co-écrit des pièces de théâtres. Ses pièces sont publiées alors qu'il est vivant dans des livres peu chers. En 1623, deux de ses amis publient le « Premier Folio », recueil de la quasi-totalité de son œuvre théâtrale. Dans sa préface, Ben Jonson prévoit l'intemporalité de l'oeuvre éditée.

Marié à 18 ans avec Anne Hathaway, Shakespeare a trois enfants. De 1585 à 1592, il débute sa carrière de comédien et d'auteur à succès à Londres dans la troupe Lord Chamberlain's Men, dont il est actionnaire. Vers 1613, il semble être retourné vivre à Stratford. 

Le Marchand de Venise (The Merchant of Venice) est une pièce de théâtre de William Shakespeare créée entre 1596 et 1597. Rangée comme comédie dans le premier in-folio de 1623, elle présente des aspects de comédies romantiques shakespeariennes, et des scènes tragiques. Elle demeure problématique en raison du personnage de Shylock, usurier juif qui prête de l'argent au marchand Antonio par contrat stipulant qu'en cas de défaut de paiement, le prêteur prélèvera une livre de chair... Shylock est perçu par certains comme véhiculant les clichés antisémites (cruauté, cupidité), et par d'autres comme une victime blessée par la société chrétienne et aspirant à être traitée avec dignité.

En 2014, dans le cadre des célébrations du 450e anniversaire de William Shakespeare, le musée d'art et d'histoire du Judaïsme a proposé la rencontre "Shylock, scélérat ou victime ? Lectures du Marchand de Venise". Une table-ronde animée par Dominique Goy-Blanquet, professeur émérite de littérature élisabéthaine à l’université de Picardie, coordinatrice de la manifestation « Shakespeare 450 », avec la participation de Gisèle Venet, professeur émérite à l’université Paris III, Jean-Michel Déprats, professeur à l’université Paris X, spécialiste et traducteur de l’œuvre de Shakespeare, et Stéphane Braunschweig, metteur en scène. Lectures par Gérard Desarthe avec Alice Vannier. "Autrement complexe que le monstrueux Barabas du Juif de Malte, imaginé par Christopher Marlowe (1564-1593) (dramaturge, poète et traducteur anglais de l'ère élisabéthaine, Ndlr), le Shylock de Shakespeare prononce, dans Le Marchand de Venise, l’un des plus vibrants plaidoyers du répertoire au nom de l’humanité commune, et les plus sanguinaires cris de vengeance. Face à la société vénitienne qui affiche les principes de saint Luc, « faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour », le juif démasque les hypocrisies : « Vous avez parmi vous de nombreux esclaves... ». Mais sa fille Jessica jette par les fenêtres l’argent de l’usure pour payer son passage dans le monde chrétien. Le dénouement « offre » à Shylock la même porte de salut, en le convertissant de force et en le dépouillant de ses biens. Antisémitisme ou antijudaïsme ? Cette question et d’autres ont été posées à Gisèle Venet, éditrice du texte dans la Pléiade, et à Stéphane Braunschweig, metteur en scène du Marchand, à la lumière d’extraits de plusieurs adaptations cinématographiques de la pièce et de moments de lecture".

En 2016, le Centre Simon Wiesenthal (CSW) a dénoncé « l’acharnement sur et contre Israël » dans une adaptation de la pièce de théâtre Roméo et Juliette de Shakespeare. "Situé dans le Jérusalem Est contemporain, la production met en scène des soldats israéliens en uniforme maltraitant des Palestiniens". "La pièce jouée au Theatricum Botanicum, au Topanga Canyon en Californie, se situe dans le Jérusalem Est contemporain et un personnage est présenté comme un soldat israélien exécutant une femme palestinienne désarmée à bout portant. « L’histoire d’amour classique de Shakespeare a été détournée pour diaboliser l’Etat d’Israël. Nous ne croyons pas à la censure, mais cette production a dégradé une pièce classique pour en faire une plate-forme de propagande anti-Israël très à charge. Comme la pièce est actuellement mise en scène, Roméo et Juliette est une proposition ‘perdant-perdant. La pièce perd, le public perd et la vérité perd. Le génie de Shakespeare devrait être employé pour illuminer la condition humaine et promouvoir la compréhension de questions, et pas pour changer la réalité  », a déclaré le rabbin Abraham Cooper, dirigeant du CSWLe rabbin Yitzchok Adlerstein, directeur des Affaires interreligieuse du CSW, a porté plainte contre la production, et a déclaré : "La décision de présenter Israël comme une bête féroce était mauvaise, et ne devrait pas être présentée aux spectateurs de théâtres de LA ».  "Les responsables du deuxième plus grand district scolaire du pays ont approuvé les conclusions du CSW et ont estimé que la production actuelle de Roméo et Juliette au Theatricum Botanicum « ne méritait pas le soutien du LAUSD », déclarant que « le contenu de cette production n'est pas soutenu par le LAUSD pour ses étudiants ». Après une réunion entre des représentants du CSW et du théâtre, le Theatricum Botanicum "a accepté les objections du CSW concernant la manière inexacte et nuisible dont les soldats israéliens étaient représentés dans une scène. Cette mise en scène a été modifiée".

En 2015, le festival Shakespeare de l’Oregon "a annoncé qu’il avait commandé à trente-six dramaturges la traduction de toutes les pièces de Shakespeare en anglais moderne". Une décision vivement critiquée.

Série de Julian Jones
« La vie et l’œuvre de William Shakespeare, le plus grand dramaturge de l'histoire de son pays, à travers les témoignages d'historiens et de comédiens, pour qui sa plume de génie est toujours aussi populaire. En trois volets, cette reconstitution spectaculaire retrace sa carrière mouvementée, de Stratford-upon-Avon, où il naît en 1564 dans une famille modeste, à la cour du roi d’Angleterre des années plus tard. »

« Comment a vécu celui qui, dans une œuvre à la richesse inépuisable, a su faire vivre le bruit, la fureur et la beauté du monde ? Éclairé par les plus grands spécialistes et brillamment mis en images, un voyage biographique qui se savoure comme un film d’aventures. »

« Parce que, hormis ses trente-neuf pièces et plus de cent cinquante poèmes, l’existence du grand William Shakespeare (1564-1616) a laissé peu de traces, il a fallu de l’audace, mais aussi beaucoup de rigueur et de talent à Julian Jones pour la mettre en scène au fil de ces trois heures passionnantes. »

« Éclairé par les plus grands spécialistes, ponctué d’interventions d’acteurs de renom (Judi Dench, Brian Cox, Martin Freeman, Helen Mirren…) et brillamment mis en images grâce à l’iconographie élisabéthaine et des reconstitutions convaincantes, ce voyage biographique en trois épisodes se savoure comme un film d’aventures. »

« En 1587, fils d’un gantier de Stratford-upon-Avon, dans le centre de l’Angleterre, William Shakespeare a 23 ans lorsqu’il quitte sa femme et leurs trois enfants pour poursuivre ses rêves d’écriture. »

« Arrivé à Londres, une ville surpeuplée où règne la violence et où les maladies font rage, il découvre le phénoménal pouvoir de transgression du théâtre. Déterminé à y conquérir sa place, il trouve à s’employer comme régisseur. »

« À force d’observer les acteurs et le déroulement des représentations, la scène et ses coulisses n’ont plus de secrets pour lui. Peu à peu, il se rapproche des cercles de dramaturges célèbres, comme Christopher Marlowe, Robert Greene et Thomas Kyd, mais son extraction modeste et ses études inachevées jouent en sa défaveur auprès du petit monde des lettres. »

« Dix ans après son arrivée à Londres, sa première tragédie, Titus Andronicus, est un succès... »

2e partie : « Gloire et rébellion »
« Jouissant des faveurs de la reine Élisabeth Ire et débordant d’ambition, Shakespeare écrit des pièces de plus en plus audacieuses qui reflètent la société londonienne et sa monarchie. »

« En observateur et critique, il aborde des sujets tabous dans Songe d’une nuit d’été et ridiculise certains partisans du puritanisme dans Henri VI, ce qui le confronte à la toute-puissance de la noblesse et le contraint à abandonner l’idée de construire son théâtre du Globe dans les beaux quartiers de Londres. »

« En 1596, une tragique nouvelle lui parvient de Stratford-upon-Avon : la mort de son fils Hamnet. Shakespeare noie alors son chagrin dans l’écriture. De cette période prolifique, deux pièces se détachent du fait de leur résonance avec les rumeurs de complot et d’assassinat qui circulent à la cour : Jules César et Richard II. »

« Mécontent d’avoir perdu le soutien de la reine, le comte d’Essex tente d’impliquer Shakespeare dans un complot qui pourrait bien le compromettre... »

3e partie : « Au service de Sa Majesté »
« Quand Élisabeth Ire meurt en 1603, Shakespeare a 40 ans et est à la tête d’une immense fortune. Pourtant, l’incertitude demeure quant à l’avenir du théâtre à Londres.’

« Le nouveau souverain y sera-t-il aussi sensible qu’elle le fut ? Si Jacques Ier est loin d’en être un grand amateur, il en saisit néanmoins la portée et souhaite s’en servir pour conforter son règne. »

« Pour Shakespeare, c'est un grand soulagement lorsque sa troupe du théâtre du Globe est déclarée troupe royale. »

« Mais en 1613, vingt ans après son arrivée à Londres, l’incendie de son théâtre pousse le dramaturge à se retirer auprès des siens à Stratford-upon-Avon, où il meurt le 23 avril 1616. »


« William Shakespeare » de Julian Jones
 
Royaume-Uni, 2024,  3 x 55 mn
Production : 72Films, All3Media pour la BBC
Sur Arte 
1ère partie (54 mn) : 14 décembre 2024 à 20 h 50, 22 décembre 2024 à 10 h 35, 30 décembre 2024 à 9 h 25
2e partie : 14 décembre 2024 à 21 h 45, 22 décembre 2024 à 11 h 35, 30 décembre 2024 à 10 h 20
3e partie : 14 décembre 2024 à 22 h 45, 22 décembre 2024 à 12 h 30, 30 décembre 2024 à 11 h 15
Sur arte.tv du 13/12/2024 au 13/03/2025
À l'antenne à partir du 14/12/2024 à 20.50
Visuels : © 72Films/All3Media International, DR


Guillaume le Conquérant (1027 ou 1028-1087)

Duc de Normandie (1035-1087) et roi d'Angleterre (1066-1087), Guillaume le Conquérant (William the Conqueror, en anglais) a été un souverain puissant et craint de l'Occident médiéval.
 
Arte rediffusera le 14 décembre 2024 à 15 h 50 « Guillaume le Conquérant » (Wilhelm der Eroberer) de Frédéric Compain.


Chrétien pieux, plutôt grand de taille - environ 1,73 m -1,75 m -, imberbe, Guillaume le Conquérant (William the Conqueror, en anglais), dénommé aussi Guillaume le Bâtard ou Guillaume de Normandie (1027 ou 1028-1087) a été duc de Normandie sous le nom de Guillaume II (1035-1087) et roi d'Angleterre sous le nom de Guillaume Ier (1066-1087). Donc, un souverain important de l'Europe médiévale.

Vers 1050, il se marie avec Mathilde de Flandre, malgré l'opposition du pape. Sous son action, la Normandie devient un duché puissant et redouté des rois de France.

Lors de la crise de succession induite par le décès du roi Édouard le Confesseur, Guillaume le Conquérant conquiert, après sa victoire à la bataille d'Hastings (1066), la couronne d’Angleterre.  Il écrase les révoltes anglo-saxonnes contre son pouvoir.

Guillaume le Conquérant décida alors de l'installation des juifs de Rouen à Londres. Volonté de développer le commerce maritime entre ces deux villes ou d'intégrer des Juifs dans l'administration normande qui se substituait à celle anglo-saxonne ?

En 1070, Guillaume a convoqué un concile de nobles et d’ecclésiastiques afin de confirmer le statut des juifs de son royaume, et leur protection ainsi que celle de leurs biens. Lors d’un concile ecclésiastique à Rouen en 1074, il maintint l'ancienne loi d’église prohibant aux juifs toute possession de nourrices ou d'esclaves chrétiens.

« Guillaume le Conquérant »
Arte rediffusera le 14 décembre 2024 à 15 h 50 « Guillaume le Conquérant » (Wilhelm der Eroberer) de Frédéric Compain.

« Retour sur le destin hors du commun de Guillaume le Conquérant (1027-1087), ce guerrier normand dont le triomphe à la bataille de Hastings, en 1066, changea la face de l'Europe médiévale et le cours de l'histoire anglaise. »

« Juillet 1035. Guillaume "le Bâtard", fils illégitime du duc de Normandie, succède à son père, décédé lors d'un pèlerinage à Jérusalem. »

« Après une décennie de troubles, le jeune homme parvient à asseoir son autorité et fait de la cour de Normandie l'une des plus puissantes et des plus fastueuses d'Europe ». 

« Guillaume accueille de nombreux rois en exil, parmi lesquels Édouard le Confesseur, prétendant sans descendance au trône d'Angleterre. Lorsque ce dernier revient au pouvoir, il fait de Guillaume son héritier, avant de le désavouer sur son lit de mort au profit de son beau-frère Harold, qui avait pourtant juré fidélité à Guillaume ». 

« Pour récupérer le royaume qui lui était promis, le duc arme une flotte de plusieurs milliers de navires et débarque avec quinze mille hommes sur le sol anglais. Le 14 octobre 1066, les deux armées se font face à Hastings. »

« Mêlant récits d'hagiographes de l'époque, scènes de reconstitution spectaculaires – tournées pour certaines sur les lieux des événements qu'elles relatent – et témoignages de spécialistes de l'histoire médiévale de part et d'autre de la Manche, ce documentaire retrace le règne de celui qui déclencha l’une des plus célèbres batailles de l'histoire d'Angleterre ».

« On y dévoile la face sombre de ce combattant intrépide, fin stratège et politicien, grand bâtisseur – qui ordonna l'édification des abbayes aux Hommes et aux Dames de Caen ou de la tour de Londres – et mari fidèle, follement épris de son épouse Mathilde… »

« Ce seigneur de guerre impitoyable se livra aussi à de nombreux massacres et pillages pour consolider le joug normand sur l'Angleterre. Des exactions qu'il prendra soin d'effacer de la tapisserie de Bayeux, véritable outil de propagande à sa gloire, qui relate en détail sa conquête de l’Angleterre ». 

« Fondateur d'une nouvelle dynastie, Guillaume s'éteint à 60 ans après avoir fait de l'Angleterre l'un des royaumes les plus puissants d'Europe, alors qu'il ne parlait pas un mot d'anglais. Son règne sème ainsi les germes de la future guerre de Cent Ans, qui éclatera plus de deux siècles après. »


La tapisserie de Bayeux
Arte diffusa le 19 mars 2022 à 22 h 15 « Enquête sur la tapisserie de Bayeux » (Der Teppich von Bayeux. Ein gestickter Mythos) de Wilfried Hauke.

Sur un tissu en lin, « brodée au XIe siècle, la tapisserie de Bayeux retrace les combats du duc de Normandie lors de la conquête de l’Angleterre. Vaste pan d’histoire à elle seule, elle a survécu miraculeusement à de nombreuses péripéties. »  

« Avec plus de 500 personnages, près d’un millier d’animaux, des forteresses et des navires, tous finement brodés au XIe siècle sur une toile de lin de 68 mètres de long, la tapisserie de Bayeux raconte une épopée : celle de la conquête de l’Angleterre par Guillaume de Normandie en 1066 ». 

« Conservée dans un coffre dans la cathédrale Notre-Dame de Bayeux, elle a longtemps été déroulée et présentée une fois par an telle une relique. »

« En 1803, Napoléon Ier, alors en pleine préparation d’une éventuelle conquête de la perfide Albion, est le premier à s’y intéresser. Pour servir sa propagande, il la fait venir à Paris et exposer au Louvre ». 

« Réinstallée peu après dans sa ville d’origine, elle sera la première œuvre française à être classée monument historique, en 1840. »

« Pendant la Seconde Guerre mondiale, Hitler voudra à son tour s’emparer d’un trésor qui incarnait à ses yeux l’idéal de puissance et de génie aryens. En vain : elle lui échappera in extremis, sauvée par le débarquement des Alliés en Normandie ». 

« Des siècles durant, l’ouvrage monumental a échappé aux guerres, aux convoitises et aux ravages du temps ». 

« Analysant le mode de narration très moderne de ce chef-d'œuvre médiéval, le documentaire, nourri d’éclairages d’historiens et de conservateurs, se penche sur le mystère de ses origines ainsi que sur les intentions de ses créateurs, dont le moyen d’expression a inspiré au fil des siècles nombre d’artistes et de caricaturistes ». 

« Utilisée comme symbole de puissance et de légitimation de la violence à plusieurs reprises au cours de son histoire, la tapisserie de Bayeux raconte aussi une histoire européenne tumultueuse. »



« Guillaume le Conquérant » de Frédéric Compain
France, 2011, 1 h 25
Coproduction : ARTE France, Normandy Production, Les Films d’Ici
Sur Arte les 19 mars 2022 à 20 h 50, 27 mars 2022 à 9 h 30, 7 avril 2022 à 9 h 25, 14 décembre 2024 à 15 h 50 
Sur arte.tv du 12/03/2022 au 17/05/2022

« Enquête sur la tapisserie de Bayeux » de Wilfried Hauke
Allemagne, 2020, 53 mn
Sur Arte les 19 mars 2022 à 22 h 15, 27 mars 2022 à 16 h 55, 07 avril 2022 à 10 h 50
Sur arte.tv du 18/03/2022 au 16/06/2022

Articles sur ce blog concernant :
Les citations viennent d'Arte. Cet article a été publié le 16 mars 2022. 

dimanche 8 décembre 2024

Miloš Forman (1932-2018)


Miloš Forman (1932-2018), réalisateur, scénariste et professeur de cinéma, est né en Tchécoslovaquie. Après le Printemps de Prague en 1968, ce chef de file de la "nouvelle vague" tchécoslovaque choisit l'exil aux Etats-Unis où il réalise des chefs d'œuvre - "Vol au-dessus d'un nid de coucou", "Hair", "Ragtime", "Amadeus" - et est distingué par deux Oscar du Meilleur réalisateurArte diffusera le 9 décembre 2024 à 22 h 45 « Valmont  » de Milos Forman avec Colin Firth et Annette Bening.


Né en 1932, Miloš Forman est orphelin durant la Deuxième Guerre mondiale : directeur d'école, son père est résistant et sa mère, dénoncée, est tuée au camp nazi d'Auschwitz. Plus tard, des indices l'inciteront à penser que son père biologique a pu être un architecte juif. 

Formé à l'Ecole de cinéma de Prague, il s'affirme dans les années 1960 en chef de file de la nouvelle vague tchèque. 

Il se distingue par ses comédies dramatiques ironisant sur le régime communiste : L'As de pique (1963), Les Amours d'une blonde (1965)Au feu, les pompiers ! (1967). 

 Après la répression du Printemps de Prague - son ami admiratif le réalisateur Claude Berri ramène de Prague à Paris l'épouse et les fils du réalisateur -, Miloš Forman s'installe aux Etats-Unis. Là, il y tourne Taking off (1971). 

Suivent "Vol au-dessus d'un nid de coucou", "Hair", "Ragtime", "Amadeus"... Son génie dans la direction d'acteurs, la finesse psychologie, et son regard empreint d'humanité teintée d'ironie lui valent d'être distingué à Hollywood par deux Oscar du Meilleur réalisateur.

"Au feu, les pompiers !"
"Pour ce cinquième rendez-vous", le  cinéclub de LaCinetek, "première plateforme de VOD dédiée aux chefs-d’œuvre du 20e siècle et créée en 2015 par les réalisateurs Pascale Ferran, Cédric Klapisch et Laurent Cantet", propose le dernier film tourné en Tchécoslovaquie de Miloš Forman. 

"Réalisé en 1967, Au feu, les pompiers ! est une satire de la société tchécoslovaque sous le régime communiste. Le film s'attira les foudres et la censure des autorités de l'époque."

"Dans une petite ville de Tchécoslovaquie se prépare le bal annuel des pompiers. Durant la soirée, un hommage est rendu à l'ancien chef des pompiers, et un concours de beauté est organisé. Mais la fête va rapidement tourner à la confusion générale."

"Présenté par la réalisatrice Patricia Mazuy et Thierry Méranger (critique aux Cahiers du cinéma) en direct du Festival La Rochelle Cinéma, en partenariat avec Le Monde, le film sera suivi d'un débat retransmis simultanément et gratuitement sur le site de LaCinetek. Vous pourrez louer le film au tarif exceptionnel de 2€ durant toute la durée du festival, du 25 juin au 4 juillet inclus."


"La Tchéquie insoumise de Milos Forman"
Arte diffuse sur son site Internet, dans le cadre d'"Invitation au voyage" (Stadt Land Kunst), "La Tchéquie insoumise de Milos Forman" (Miloš Formans rebellisches Tschechien). "Les calmes collines de la Bohème d’après-guerre ont vu éclore le talent de l’undes plus grands cinéastes tchèques, Milos Forman. Dans la Tchécoslovaquie communiste, le jeune homme réalise ses premiers films dans lesquels il dénonce l'oppression et l’absurdité des systèmes autoritaires. Exilé aux États-Unis, il revient à Prague dans les années 1980 pour tourner l’un de ses chefs-d’œuvre, “Amadeus”.

"Milos Forman, un outsider à Hollywood" est un documentaire produit et réalisé par Clara Kuperberg et Julia Kuperberg. "Milos Forman, adolescent, afin d’éviter de faire son service militaire, entre dans la première université qui l’accepte, celle de cinéma ! Malgré les contraintes de la bureaucratie stalinienne, il s’impose comme le créateur de la « nouvelle vague » tchèque".

« Milos Forman, une vie libre  »
« Milos Forman, une vie libre » (Milos Forman, ein freies Leben) est un documentaire réalisé par Helena Trestikova et Jakub Hejna.

« J’évite consciencieusement de m’analyser. J’aurais horreur de devenir trop indulgent envers moi-même... »

« Milos Forman aura réalisé nombre de chefs-d’œuvre, de "Vol au-dessus d'un nid de coucou" à "Man on the Moon" en passant par "Amadeus". De la Nouvelle Vague tchèque à la consécration hollywoodienne, le portrait simple et émouvant d'un franc-tireur disparu en 2018, tissé d’archives en partie inédites ». 

« Essentiellement tissé d’archives, dont certaines inédites, puisque les réalisateurs ont eu accès au fond privé de sa famille, et ponctué d’extraits de films, ce portrait est raconté par la voix du cinéaste disparu en 2018, tantôt en tchèque, tantôt dans son anglais à l’accent rocailleux, hormis un bref interlude dans un impeccable français ».  

« Cinéaste entre deux mondes, habité par l’expérience précoce de la perte et de la solitude, mais aussi de la résistance, Milos Forman se livre avec une pudeur et une simplicité aujourd’hui presque désarmantes, tant son refus de la pose et de l'étalage intime semble relever d'une époque irrémédiablement révolue ».  

« Recueillis sur plus de quarante ans, du milieu des années 1960 à 2009, la dernière où il a accepté d’être filmé, les entretiens qui font la matière de ce portrait ne parlent pourtant que de lui ». 

« Mais qu'il replonge dans son enfance brisée par le nazisme (son père résistant, puis sa mère ont péri en déportation) ou la débine de ses premières années d'exil à New York, quand il loge gratuitement au glamour Chelsea Hotel, qu’il évoque sa gloire de héraut de la Nouvelle Vague tchèque (Les amours d’une blonde en 1965, puis Au feu les pompiers ! en 1967) ou ses Oscars en déluge (cinq pour Vol au-dessus d’un nid de coucou en 1976, huit pour Amadeus en 1985), Milos Forman fait montre de la même distance, teintée parfois d’autodérision ». 

« Aussi peu soucieux de son image que d’analyse savante, il livre aussi le fil rouge qui a guidé ses pas avec constance : un attachement instinctif à sa liberté d’homme et de créateur, ayant préféré en connaissance de cause "la dictature du spectateur" à celle du bureaucrate ». 

Rétrospective à la Cinémathèque
A l'été 2017, la Cinémathèque française a rendu hommage à Milos Forman en présentant une rétrospective de cet auteur (31 août-20 septembre 2017). 

"Cinéaste tchèque contemporain à ses débuts des nouvelles vagues européennes des années 1960, devenu américain en 1968 après l'entrée dans Prague des chars soviétiques, Milos Forman a su garder son cap en n'étant jamais dupe de n'importe quel pouvoir : celui qui pèse sur les êtres pour les contraindre et les priver de toute dimension. C'est cette dimension retrouvée que ses films et ses personnages, à leurs risques et périls, manifestent et exaltent sans cesse", a écrit Bernard Benoliel.

"LES CHEMINS DE LA LIBERTÉ
Et Bernard Benoliel d'analyser : "Vol au-dessus d'un nid de coucouHair, Amadeus... Qui ne connaît Milos Forman, sinon l'homme du moins ses films ? Mais davantage certains de ses films que l'œuvre tout entière, d'une rare cohérence par-delà les accidents d'une vie. Qui, jusqu'à récemment, a vraiment pris en compte Taking Off ? Qui a vu Ragtime sur grand écran ces dernières années ? A-t-on assez dit que Man on the Moon est un film stupéfiant, variation inspirée sur le spectacle et l'anti-spectacle ? Comprend-on suffisamment que les films et personnages de Forman ont en commun un humour tellement jusqu'au-boutiste qu'il devient manifeste politique ? « L'humour jaillit d'une crevasse qui s'est ouverte entre ce que les choses prétendent signifier et ce qu'elles sont en réalité. (...) Rien ni personne n'est dispensé du comique qui est notre condition, notre ombre, notre soulagement et notre condamnation », écrit Kundera à propos de Milos Forman justement. Sans doute cette attitude philosophique face à l'insensé de l'existence l'a t-elle sauvé lui-même, lui insufflant légèreté et lucidité, lui donnant envie de la place de cinéaste comme lieu idéal d'observation et qualifiant à jamais son regard sur le monde."

"NAISSANCE D'UN REGARD
Et Bernard Benoliel de rappeler : "Né à Čáslav, dans l'ancienne Tchécoslovaquie, il est élevé dès l'âge de huit ans par de proches parents, les siens ayant été déportés sans retour. Il faut dire d'emblée la particularité d'un destin qui va irriguer toute son œuvre et lui donner chaque fois, quel que soit le sujet ou le pays du tournage, cette couleur si personnelle : Forman a connu intimement et à différents âges de sa vie toutes les idéologies qui ont formé et défiguré le XXe siècle, le nazisme, le communisme soviétique, le capitalisme américain. Non qu'il ait posé sur celles qu'il a représentées un regard d'équivalence ; il n'est simplement jamais dupe d'aucune, ni de celles-là ni de modèles historiques antérieurs, conscient de leurs effets systématiquement dévastateurs. Chaque fois, il leur oppose une liberté individuelle aussi fragile qu'acharnée et célèbre les sortes de riposte inventées par quelques-uns : un chant, un cri, une provocation, une sonorité inconnue – la musique et le rire de Mozart."

Et Bernard Benoliel de poursuivre : "Étudiant à la FAMU, l'école pragoise pour futurs metteurs en scène, il travaille pour la télévision naissante, devient scénariste, assistant et signe un premier moyen métrage pour le cinéma, Concours, en 1962. Un film qui tranche déjà avec la production courante en choisissant, non un sujet « héroïque » mais banal sauf qu'il n'était jamais traité à l'époque, révélant alors un interdit qui ne demandait qu'à se déchaîner : la vie réelle et les attentes d'une jeunesse, elle-même vue avec tendresse et sans complaisance. Forman est synchrone avec les nouvelles vagues qui se forment un peu partout au cours des années soixante. La confirmation de ce regard si singulier survient très vite avec deux longs métrages sensibles et impitoyables : L'As de pique (1963) et Les Amours d'une blonde (1965). En 1967, le jeune cinéaste fait un pas de plus, signant avec Au feu, les pompiers son premier film en couleurs et, surtout, une satire bouffonne qui trahit une impatience, la sienne et celle des forces vives de son pays : quelque chose d'un ordre politique immuable et périmé va céder, doit céder. Il est en France au moment où les forces du pacte de Varsovie écrasent en août 68 le Printemps de Prague, dont ses films tchèques constituent alors rétrospectivement parmi les plus beaux signes avant-coureurs. 1968 est le moment de l'impossible retour en arrière, du grand saut. Ou, tel qu'il a résumé lui-même son trajet d'est en ouest, Forman passe « du zoo à la jungle », d'un lieu où les personnes vivent comme en cage à un autre où l'illusion consiste à croire à la liberté parce qu'elle existe en théorie et même placée au cœur de la philosophie politique du « nouveau monde ».

"UN CINÉASTE À PART
Et Bernard Benoliel de souligner : "Étrangement ou logiquement, cet artiste, dont l'œuvre américaine interroge le spectacle et produit sa représentation critique, va rencontrer le succès : cinq Oscar pour Vol au-dessus d'un nid de coucou (1975), huit pour Amadeus (1983). En même temps, Forman demeure aux États-Unis un cinéaste à part : voir Taking Off, son premier film « américain » (1971) qui s'inspire en partie de Concours, qu'il tourne avec Miroslav Ondříček, le chef-opérateur de sa période tchèque, qui s'intéresse autant sinon moins à la jeunesse de son temps (Hair, dix ans plus tard) qu'à la génération des parents. À part encore parce que si souvent européen dans ses goûts : Amadeus, Valmont d'après Choderlos de Laclos (1988), Les Fantômes de Goya (2005). À part toujours parce qu'il choisit ses sujets ; parce que ses méthodes sur le plateau servent avant tout à restituer une certaine forme de « naturel » et de spontanéité des êtres, des gestes et des situations ; parce qu'il sait unir dans un même film la fresque et la miniature, tout un art du portrait à la manière de cet artiste dans Ragtime (1981) capable de faire apparaître des figures ressemblantes en découpant des profils dans du papier noir. Surtout, il s'éprend de personnages insoumis : Mozart, McMurphy (Jack Nicholson dans Vol au-dessus d'un nid de coucou), Berger (Treat Williams dans Hair), Larry Flint (1996), Andy Kaufman (Jim Carrey dans Man on the Moon, 1999), tous en butte à une forme ou une autre d'oppression avant que ne se dévoilent peu à peu leurs fêlures secrètes, la tentation du dédoublement, une forme de démence même que le spectateur, pris au piège de son identification idéale, n'avait su déceler plus tôt et constate avec étonnement. C'est dans cette manière d'être toujours surprenant et subtil, capable de formuler et déjouer des attentes, de provoquer pendant la projection elle-même un déplacement de la pensée que Forman rejoint son ambition la plus grande : « Je voudrais arriver à concevoir un art qui, à travers les infimes manifestations de l'esprit humain, puisse découvrir et libérer les plus grandes quantités d'énergie. »

« Vol au-dessus d'un nid de coucou » 
"A quel moment un individu qui remet en cause le pouvoir cesse-t-il d'être un héros et devient-il fou ? Ou vice-versa ? Ou les deux à la fois. A la fin de la guerre, j'ai vu des gens attaquer des tanks avec un balai. On les a traités de fous. Quinze jours plus tard, on leur a érigé des statues, et on les a appelés des héros", se souvenait en 1976 Miloš Forman (1932-2018). 


Le journaliste Ken Kesey s'inspire de son travail dans un hôpital psychiatrique et de ses expériences comme cobaye de produits chimiques hallucinogènes pour écrire son roman One Flew Over the Cuckoo's Nest, du point de vue d'un Amérindien schizophrène.  Dans les années 1960, une partie de la jeunesse américaine rebelle est sensible à la contestation qui agite les campus, aux thèmes et au style imagé de ce livre.

Au faite de sa gloire - il vient de jouer Spartacus de Stanley Kubrick (1961) -, l'acteur Kirk Douglas lit les épreuves du livre avant sa publication en 1962. Enthousiasmé, il en achète les droits et interprète le rôle principal dans l'adaptation théâtrale par Dale Wasserman à Broadway.

Fort du succès de la pièce, Kirk Douglas, qui dirige sa société de production Bryna, cherche les financements nécessaires pour l'adaptation cinématographique. En vain : les producteurs potentiels trouvent le sujet "trop déprimant". Peu avant de céder ses droits, Kirk Douglas confie ce projet à son fils Michael, acteur devenu célèbre par son rôle d'un jeune policier au côté de Karl Malden dans la série Les rues de San Francisco.

Ce projet cinématographique est proposé à Miloš Forman par Michael Douglas et Saul Zaentz, producteur quinquagénaire de disques de jazz et dirigeant de la société Fantasy Records, longtemps la firme discographique indépendante la plus importante au monde. Né en 1932, Miloš Forman est le chef de file de la nouvelle vague tchèque.

A ses amis américains qui lui déconseillent de réaliser l'adaptation du roman de Kesey - "C'est mauvais pour toi ! Tu n'y arriveras pas : c'est un sujet si américain ! Tu ne pourras pas en faire un film qui plaira au public américain : tu es un immigrant de fraiche date de Tchécoslovaquie" -, Miloš Forman rétorque : "Pour vous, c'est de la fiction. Mais pour moi, c'est la réalité. J'ai vécu dans cette société-là. Le parti communiste était mon infirmière en chef. Il me disait quoi faire, quoi dire, à quoi penser, à quelle heure me lever et me coucher. Je sais de quoi ce livre parle. Beaucoup plus que vous".

Et Vladimir Boukovski, "ex-dissident soviétique enfermé pendant 12 ans en tout dans une institution psychiatrique", renchérit : "Ce livre évoquait un sujet qui m'était très cher. J'ai lutté contre l'utilisation de la psychiatrie à des fins répressives". En 1971, Vladimir Boukovski était parvenu à transmettre à l'Ouest un document intitulé Une nouvelle maladie mentale en URSS : l'opposition".

Apprenant le choix de son fils, Kirk Douglas lui confie alors qu'il avait envisagé de produire seul le film en songeant à Miloš Forman, auteur de comédies tournées avec un budget réduit et rapidement. Il lui avait envoyé le livre. Las, les autorités tchèques l'avait confisqué avant qu'il ne parvienne à l'artiste.

La distribution ? Auparavant catalogué dans des rôles de "jeune homme sensible", Jack Nicholson s'impose pour interpréter Mc Murphy, "un genre d'anarchiste qui veut détraquer le système", comme le définit le réalisateur. Un acteur "parfait" dont Miloš Forman loue la préparation, la discipline et la générosité sur le plateau. Un acteur qui travaille énormément son rôle pour que son jeu soit le plus naturel possible à l'écran.

Miloš Forman tient à tourner en décors réels, comme en Tchécoslovaquie. Les producteurs peinent à trouver un hôpital psychiatrique pour y tourner le film, tant les descriptions des traitements prodigués dans le roman n'ont pas été appréciées par les psychiatres.

19 novembre 1975. Sortie du film. Les avant-premières du film sont accueillies par un public enthousiaste. Les patients de l'hôpital de Salem "ont adoré le film", se souvient le Dr Dean Broks. "Ils avaient l'impression d'être libérés d'eux-même", ajoutent Miloš Forman. Le succès est du film est "inattendu et mondial".

Cependant, ce film rafle les cinq principaux Oscar : meilleur acteur - Jack Nicholson -, meilleure actrice - Louise Fletcher - , meilleur film - Michael Douglas et Saul Zaentz - , meilleur réalisateur - Miloš Forman qui monte sur scène avec ses fils jumeaux dont il avait été séparé lors de son exil aux Etats-Unis - et meilleure adaptation cinématographique (Lawrence Hauben, Bo Goldman).

C'est le deuxième film à recevoir cinq Oscar principaux, après NewYork-Miami (It Happened One Nightde Frank Capra (1935). Après la cérémonie, Frank Capra envoie un télégramme à Miloš Forman : "Bienvenue au club !" 

« Valmont »
Arte diffusera le 9 décembre 2024 à 22 h 45 « Valmont » de Milos Forman. Meilleurs décors, meilleurs costumes, César 1990.

« Rien ne résiste à la marquise de Merteuil et au vicomte de Valmont, virtuoses du libertinage amoureux... Milos Forman livre sa version des "Liaisons dangereuses", sur laquelle souffle un vent de liberté et de fantaisie. Avec le troublant Colin Firth et la piquante Annette Bening. »

« À l'instigation de sa maîtresse, la marquise de Merteuil, le vicomte de Valmont s'attache à séduire deux proies innocentes. L'une, la toute jeune Cécile de Volanges, est promise en mariage à un autre amant de la Merteuil, que celle-ci veut punir en le cocufiant avant la noce. L'autre, la belle et dévote Mme de Tourvel, est réputée imprenable, et sa conquête fait l'objet d'un pari entre les deux libertins. Mais l'amour vient troubler le jeu. »

« Sortie quelques mois après la version de Stephen Frears, cette adaptation des Liaisons dangereuses se distingue par sa sensualité et sa fantaisie. »

« Milos Forman s’est volontairement éloigné des personnages froids et cruels de Laclos, insufflant à ce vénéneux roman un vent de liberté et de légèreté. »

« Ici, les libertins ne sont pas d’impitoyables calculateurs, mais des êtres blasés et malheureux. Colin Firth donne à son Valmont une humanité troublante et son charme est un poison que l’on déguste avec délectation. Quant à la marquise de Merteuil (la piquante Annette Bening), ce n’est plus un monstre, mais une intrigante superficielle et faussement enjouée. »

« À noter, enfin, une photographie, des décors et des costumes de toute beauté, récompensés par deux César en 1990. »

"Cette adaptation cinématographique des Liaisons dangereuses de Laclos par Milos Forman et le scénariste Jean-Claude Carrière souffrit au moment de sa sortie de la comparaison avec celle de Stephen Frears et Christopher Hampton distribuée à peine neuf mois plus tôt en France, avec un grand succès critique et public. Il n’est pas certain que cette hiérarchie soit encore maintenue aujourd’hui, et le temps a réparé l’injustice commise envers le très beau film de Forman. Forman et Carrière prennent certaines libertés avec le roman épistolaire de Laclos, inventent ce qui n’est pas dans les lettres et choisissent de rajeunir les personnages. Mme de Tourvel (Meg Tilly) apparaît légèrement en retrait tandis que Cécile de Volanges (Fairuza Balk), âgée de quinze ans, prend de l’importance dans le film de Forman. Le film dresse un splendide tableau de l’aristocratie française du XVIIIème siècle, soulignant le rôle des domestiques dans l’ombre de leurs maîtres, les abus luxueux et l’insouciance frivole de la noblesse à la veille de la Révolution. Le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil sont des libertins qui souhaitent assouvir leurs envies et caprices avant toutes choses, outrepassant la morale et abusant de leurs privilèges. La Merteuil, magnifiquement interprétée par Annette Bening dont c’était le premier grand rôle, redouble d’intelligence et de machiavélisme pour mener à bien sa vengeance, jouir du malheur de ses ennemis et surtout affirmer sa supériorité sur les hommes dans une société patriarcale où le pouvoir des femmes est minoré. Valmont distille ainsi un discours féministe et se refuse à juger ses protagonistes, même lorsqu’ils font le mal par plaisir ou vanité. Tout le monde a ses raisons semble dire Forman, en héritier direct de Renoir, et c’est bien à La Règle du jeu que l’on se surprend à penser au cours de cette somptueuse méditation sur la liberté, dans un monde sur le point de s’évanouir", a analysé Olivier Père.


CHODERLOS DE LACLOS

« Les Liaisons dangereuses », sont, certes, un livre libertin, et parmi les meilleurs.
Mais, unique grande oeuvre de Laclos, elles représentent surtout le sommet d’un genre littéraire en vogue à leur époque, le roman par lettres. Héritières de Crébillon, de Restif de la Bretonne, de Richardson, « Les Liaisons » se reconnaissent surtout une dette à la « Nouvelle Héloïse » de Jean-Jacques Rousseau, en qui Laclos voyait un maître à penser et à écrire. L’agencement des 175 lettres qui composent le livre porte Ia marque du soldat féru de stratégie qu’est également Laclos, et qui lui permet d’organiser les intrigues amoureuses de ses personnages comme des opérations militaires. L’auteur sait à la perfection tirer parti du procédé épistolaire, que ce soit pour jouer des délais entre l’envoi et la réception des lettres, pour éclairer sous des angles différents les mêmes faits selon celui qui en rend compte, ou pour obtenir les plus subtils effets de l’insertion de certaines lettres dans d’autres. Outre la qualité de la langue, la puissance accordée à l’intelligence sur les sentiments fait des « Liaisons dangereuses » un chef-d’oeuvre du Siècle des Lumières.
Laclos ne ressemble ni à Valmont, ni à aucun autre personnage de son livre, mais il s’est inspiré d’individus réels, fréquentés dans la haute société grenobloise pendant qu’il y était en garnison. D’où le succès et le scandale qui suivirent la publication des « Liaisons dangereuses » dans une époque où la littérature libertine tendait un miroir complaisant ou accusateur à la noblesse et à la grande bourgeoisie.
On a tout dit des « Liaisons dangereuses », oeuvre satanique ou éminemment morale, plaidoyer féministe ou implacable réquisitoire contre la « perfidie naturelle » des femmes, prémisses de la Révolution française ou nostalgie des valeurs de la véritable noblesse. Interprétations dont les divergences sont le plus bel hommage à la richesse et à la complexité de l’oeuvre. »


ENTRETIEN AVEC MILOS FORMAN

« Comment « Les Liaisons dangereuses » sont-elles entrées dans votre vie ?
J’avais lu le livre il y a 35 ans, en tchèque, je l’avais adoré. J’étais étudiant en cinéma à l’époque, je ne lisais rien sans songer à en faire un film, mais je n’aurais même pas osé imaginer que ce serait un jour possible.
Et puis, pendant cette période de vacances après « Amadeus », mon agent m’a demandé d’aller voir la pièce de Christopher Hampton, dont il voulait acheter les droits pour une adaptation cinématographique. J’ai été sidéré de constater à quel point la pièce était différente de mes souvenirs.
J’ai relu le livre et je me suis rendu compte que la pièce était très fidèle. Ma mémoire avait éliminé des passages, en avait ajouté ou privilégié d’autres, cela m’intriguait.
En particulier, je me suis aperçu que les personnages étaient beaucoup plus méchants dans le livre que ce dont je me souvenais. Fasciné par ces glissements de ma mémoire, j’ai décidé d’adapter « Les Liaisons dangereuses ».

Qu’est-ce qui vous attirait dans le livre ?
J’avais envie de donner vie à ses personnages. Dans « Les Liaisons dangereuses », on ne sait pas ce que les personnages ont réellement fait. On ne sait que ce qu’ils écrivent ensuite, pour se mettre en valeur et manipuler les autres. Tous ces personnages ont un comportement très humain. En parlant avec les autres, on exagère pour séduire, pour impressionner, pour se faire craindre ou plaindre, c’est un jeu.
Cet aspect m’intéressait, pas la reconstitution historique ou une quelconque analyse de l’aristocratie. Je n’étais pas satisfait par toutes les explications habituelles, qui reposent soit sur la méchanceté des protagonistes, soit sur une sorte de prophétie historique. Il me semblait qu’il y avait une vérité plus profonde et plus complexe, et que le cinéma m’aiderait à la découvrir. L’éducation sentimentale et érotique de Cécile, est-ce affreux ou formidable pour elle ? Le mal est-il le résultat de la passion ou la passion le résultat du mal ? Pourquoi les personnages commettent-ils ces actes, et surtout pourquoi disent-ils qu’ils les ont commis ? Quelle est la véritable histoire derrière chaque épisode tel qu’ils le racontent ? 
La nature réaliste du cinéma oblige à porter un nouveau regard sur ces questions.

D’une manière générale, diriez-vous que vous faites des films afin d’en comprendre les personnages ?
Pour s’investir dans un film, il faut une motivation très forte, une fascination. On se retrouve confronté à des questions de fond, aussi élémentaires et complexes que le sens de la vie, la nature humaine, la raison de l’univers, etc. Bien sûr, on ne trouve jamais les réponses, donc on fait un autre film. Mais chaque film aide à comprendre un peu mieux les gens et le monde, d’un point de vue émotionnel plutôt qu’intellectuel.

Votre décision d’adapter « Les Liaisons dangereuses », est-ce aussi le choix de faire un film avec Claude Berri et Paul Rassam ?
C’est l’un des aspects les plus plaisants de toute l’entreprise : à l’origine il n’y a pas une relation d’affaires, mais une amitié. Sans Claude Berri, je ne serais pas cinéaste, je serais en prison. L’affaire remonte à plus de vingt ans, à « Au feu les pompiers ! » qui était produit par l’État tchécoslovaque avec une petite coproduction de Carlo Ponti.
Quand Ponti a vu le film, il ne l’a pas aimé, et j’ai été assez stupide pour lui donner la possibilité de sortir du contrat : le film durait quelques minutes de moins que prévu.
Ponti a réclamé aux autorités tchèques les 85 000 $ qu’il avait investis - somme ridicule pour un producteur occidental, mais qui représente un pactole là-bas. Les studios m’ont attaqué en justice pour « sabotage de l’économie socialiste », accusation qui était à l’époque passible de dix ans de prison. Heureusement, Claude Berri et François Truffaut ont acheté les droits du film pour la somme manquante. Ensuite, en août 68, Claude et Jean-Pierre Rassam, le frère de Paul, sont allés à Prague récupérer ma famille à la barbe des chars russes, dans la voiture de Truffaut. Depuis nous avons toujours voulu faire un film ensemble, « Valmont » nous en a donné l’occasion.

Au coeur de cette histoire, il y a affrontement de l’idéalisme et du cynisme. C’est un peu le sujet de tous vos films ?
Mais c’est le plus grand enjeu de la vie ! Chacun, quels que soient son statut social et l’époque à laquelle il vit, grandit avec un certain idéal, une certaine représentation du monde. Et un jour, il est confronté à une réalité plus complexe et plus dure, qui met à l’épreuve cet idéal. La réponse qu’il apporte à cette épreuve constitue sa personnalité.
Ce thème est nécessairement derrière toute oeuvre dramatique. L’affrontement entre l’idéal et l’expérience est ce qu’il y a de plus fascinant dans la vie.

La jeunesse des personnages était-elle importante à vos yeux ?
Leur jeunesse est dans le livre : Valmont, Merteuil et Tourvel ont entre 22 et 28 ans, Cécile et Danceny n’ont pas 18 ans. Ils sont à l’âge auquel on se sent adulte, mais où on ne sait pas comment se comporter en conséquence. Alors on exagère, soit en essayant de paraître plus mûr qu’on ne l’est, soit au contraire en en rajoutant sur le côté enfantin.
Si l’histoire des « Liaisons » arrivait à des gens de 30-40 ans, elle serait très déplaisante : les personnages auraient la possibilité de prendre une distance, d’intellectualiser ce qu’ils font, et leurs rapports deviendraient manichéens, les bons ici, les méchants là.

Comment avez-vous choisi vos comédiens ?
Je voulais éviter que la distribution se répartisse en « gentils » et « méchants » : tous les personnages possèdent de nombreuses nuances, qui vont de zones très claires à des zones très sombres.
J’ai vu des milliers de candidats, à New York, à Los Angeles et à Londres. J’adore faire le casting, qui est le moment où on tombe réellement amoureux du film, alors que pendant l’écriture du scénario il reste abstrait. Peu à peu, les personnages acquièrent un visage, une voix, un genre de comportement... Les choix définitifs se font d’une manière obscure, pas complètement rationnelle.

Quel rôle a été le plus difficile à trouver ?
Celui de Valmont. Il possède une personnalité énigmatique, à la fois celle d’un galopin et celle d’un décadent, avec du charme et de l’arrogance. À un moment, nous avons envisagé de repousser le tournage, parce qu’après avoir cherché partout en Amérique je n’avais pas de Valmont. Je suis retourné à Londres, mais je ne voulais pas que Valmont ait un accent anglais trop prononcé. Et puis Colin Firth est venu, et son comportement était celui d’un aristocrate français - ou du moins est-ce l’idée que je m’en fais.
Nous avons fait des lectures et des essais, et tout s’est bien passé. Au fond, c’est toujours la même question lorsque je teste un comédien : est-ce que j’y crois ? J’ai cru à Colin Firth.

Vous avez décidé qu’il n’y aurait pas de vedette au générique ?
J’avais décidé de ne pas m’en préoccuper. Pour « Amadeus », je ne voulais pas qu’on reconnaisse l’interprète de Mozart. Dans le cas de « Valmont », cela m’était égal, je voulais simplement les meilleurs interprètes possibles. On sait bien que la présence d’une star n’est nullement une garantie commerciale, si le rôle ne lui convient pas. »

"DU ROMAN AU FILM : ENTRETIEN AVEC JEAN-CLAUDE CARRIÈRE" (Scénariste)

« Lorsque vous relisez le livre en vue de l’adapter, quelles idées vous viennent à l’esprit ?
Il faut oublier les lettres. Il faut que Madame de Merteuil aille au château de Madame de Rosemonde : un grand nombre de problèmes narratifs sont ainsi résolus. Il faut abandonner les histoires annexes. Ainsi nous avons décidé tout de suite de supprimer le personnage d’Émilie, la prostituée, et la fameuse scène où Valmont écrit à Madame de Tourvel du lit d’Émilie, en se servant de son corps comme d’une écritoire. C’est attendu et un peu vulgaire. Par rapport à la complexité du roman, l’adaptation implique de faire des choix. Nous avons opté pour la sincérité de l’amour de Valmont envers Madame de Tourvel. C’est une constante dans la manière dont Milos Forman traite ses personnages : il cherche toujours à donner à chacun une chance, il ne les condamne pas à l’avance.

Quelle est la principale difficulté dans l’adaptation des « Liaisons dangereuses » ?
C’est un « roman d’artilleur », l’oeuvre d’un stratège militaire qui transpose ses connaissances sur le terrain des relations amoureuses. Laclos utilise la Carte du Tendre, ou plutôt la « Carte du Vice » comme une carte d’État-Major. Construction extrêmement intéressante dans un livre, mais qui deviendrait abstraite, glaciale dans un film. Nous avons cherché à donner vie à ces personnages, en rétablissant la part des impondérables, des maladresses, de la fougue.

Avez-vous effectué un gros travail de recherche historique ?
Au stade de l’écriture, pas tellement. Cette tâche incombait surtout au décorateur et au costumier. C’est d’ailleurs sur leur suggestion que nous avons « reculé » l’histoire dans le temps. En écrivant, l’essentiel était d’oublier qu’il s’agissait d’un film en costume :
il fallait que les personnages deviennent des êtres humains. « Valmont » est un film fait par des gens d’aujourd’hui pour des gens d’aujourd’hui. Toutefois, nous nous sommes interrogés sur la richesse relative des protagonistes, qui n’a rien à voir avec les préséances de rang dans l’aristocratie : puisque Gercourt épouse Cécile pour son argent, il importe que les Volanges soient très fortunés. En revanche, les appartements de Madame de Merteuil ne pouvaient pas être luxueux, ils contribuent à son apparence de vie pieuse, sans esbroufe.

Pourquoi avoir choisi ce titre, « Valmont » ?
Il ne pouvait pas y avoir deux films sortant à des dates aussi proches et portant le même titre. Et il s’agit d’une libre adaptation, pas d’une transposition littérale de l’ouvrage de Laclos. Valmont est le pivot de l’intrigue, il est à la fois sur les deux faces de l’histoire, côté Merteuil et côté Tourvel. Tous les fils aboutissent à lui.

Dans son texte sur « Les Liaisons » Malraux écrit que « chaque personnage de Laclos ne vit que par son ton, n’est que son ton »
C’est précisément ce que nous voulions éviter : que les personnages ne soient que des marionnettes marquées du sceau d’une seule qualité, ou d’un seul défaut. Pour moi, Valmont est un homme qui s’aperçoit que le monde lui échappe. Il veut se défaire de la marionnette qui est en lui, mais il ne sait pas comment, sinon en se supprimant. Toute la dernière demi-heure du film est une marche à la mort. C’est, me semble-t-il, un des secrets du livre, celui que nous avons choisi de suivre, à ce m oment-là.

« Valmont » est-il, à vos yeux, un film érotique ?
L’érotisme est le moteur de l’histoire, qui met en scène des personnages étrangers à toute autre préoccupation. Ils considèrent le corps de l’autre comme un territoire à conquérir. Pour Valmont, il ne s’agit pas seulement de « baiser Tourvel » mais de la faire sienne, qu’elle renonce à ce qu’elle était. On retrouve le stratège Laclos : la place forte a des souterrains et des caches secrètes, jusqu’au donjon, le coeur. N’enlever que la première enceinte de murailles ne sert à rien. D’où la scène où, ayant perdu son pari mais refusant d’en payer l’enjeu, la marquise de Merteuil abandonne négligemment son corps à Valmont, en feuilletant un livre qui lui cache le visage. Frustré, Valmont refuse.
Ce n’est pas ce qu’il veut.

Vous avez énormément modifié la fin ?
On a su très vite qu’on changerait la fin, qui nous semblait une « hécatombe morale », une concession à la censure de l’époque. Mais nous l’avons modifiée encore plus que prévu, pour rester cohérent avec le reste du scénario. Par exemple, nous avions l’intention de tuer Madame de Tourvel, mais aucun procédé ne fonctionnait. Quand nous jouions ces scènes, Milos et moi, il y avait toujours quelque chose qui sonnait faux. C’est l’épreuve du jeu qui l’a sauvée. »

MILOS FORMAN

« Les différentes étapes de sa vie et de son travail lui ont permis d’assimiler et de combiner le meilleur des cinémas européen et américain, au cours d’une carrière où se mêlent cinéma d’auteur et superproductions à grand spectacle : Milos Forman est peut-être le seul cinéaste que l’on puisse dire « mondial », l’un des très rares en tout cas qui échappent à toute définition par un genre ou une nationalité.
Milos Forman est né à Caslav, petite ville de Bohème à 60 kilomètres de Prague, le 18 février 1932. Il avait neuf ans quand ses parents furent arrêtés par la Gestapo et déportés en camp de concentration. « J’ai été élevé par deux oncles et une famille d’amis de mes parents, se souvient Forman. Mes parents étaient très stricts sur la discipline, mais après leur disparition, les gens qui s’occupaient de moi me passaient tout. C’était une situation paradoxale : mes vrais parents me manquaient, mais mes parents d’adoption me donnèrent le goût de la liberté. » 
Forman attrape le virus du théâtre en 1945 pendant son séjour dans une pension réservée aux orphelins de guerre. Le jeune Forman se passionne pour les films américains, en particulier les westerns de John Ford et les comédies de Chaplin et de Keaton, ainsi que pour les grands films classiques français tels que « Les Enfants du paradis », ou soviétiques, notamment les oeuvres d’Eisenstein et de Poudovkine.
À 18 ans, il s’inscrit à la FAMU, l’école des hautes études cinématographiques de Prague fondée par l’État juste après la guerre, où il étudie l’écriture de scénarios. Les meilleurs représentants du cinéma tchécoslovaque y enseignent alors, et parmi ses condisciples se trouvent Jiri Menzel, Ivan Passer, et Jan Kadar, qui vont devenir les figures marquantes de « l’âge d’or du cinéma tchèque », avant l’invasion soviétique de 1968.
Diplômé en 1955, Forman écrit ses premiers scénarios puis devient assistant metteur en scène de la troupe Laterna Magika qu’anime Alfred Radok. Leur spectacle « Dedecek Automobil », qui combine théâtre, cinéma et diapositives, connaît un succès international. Il travaille également, comme réalisateur et comme présentateur pour la télévision, et comme assistant sur le film « Tam za Lezem » de Pavel Blumenfeld.
En 1962, Forman écrit avec Ivan Passer et réalise deux documentaires, « Concours » et « Ah! s’il n’y avait pas ces guinguettes », qui seront ensuite réunis en un seul long-métrage. En 1963, « L’as de pique », fiction largement nourrie de notations autobiographiques, connaît un succès international, participe à de nombreux festivals (Cannes, Montréal, New York) et offre à Forman l’occasion de son premier voyage aux États-Unis. Influencé par le néo-réalisme italien et la Nouvelle Vague française, « L’as de pique » fait immédiatement de lui l’un des chefs de file du jeune cinéma tchèque. Position confirmée par ses deux longs métrages suivants, « Les amours d’une blonde » et « Au feu les pompiers! » pour lesquels il collabore à nouveau avec Passer et Ondricek. Sa critique ironique de la bureaucratie vaut à « Au feu les pompiers! » d’être interdit de diffusion par Constantin Novotny, le Président tchèque. Interrogé sur les motifs de l’interdiction de sa comédie, Forman explique que « Les dirigeants s’étaient rendus compte que la créativité et les revendications de liberté d’expression dans tous les domaines constituaient une menace pour eux ».
Lorsque les tanks soviétiques envahissent Prague en août 1968, Milos Forman est à Paris, en train de négocier la production de son premier film américain, « Taking off ».
« Je suis brièvement retourné à Prague avant de partir à New York en 1969 terminer mon scénario, raconte Forman. Donc, aux yeux du gouvernement j’avais quitté le pays illégalement. J’ai reçu une lettre m’informant que j’étais renvoyé du studio, et je n’ai eu d’autre choix que de rester aux États-Unis. »
Les services d’immigration empêchent d’abord Milos Forman de travailler aux USA, à cause de l’opposition du Syndicat des réalisateurs qui se plaint qu’il n’y a déjà pas assez de travail pour les cinéastes américains. Mais grâce aux soutiens d’amis influents (dont Mike Nichols, Paddy Chaievsky, Sidney Lumet) qui font pression sur l’administration, il obtient la levée de cet interdit et peut tourner « Taking off », inspiré par le mouvement hippie, alors en pleine activité. Le film est un triomphe critique, et un échec commercial cinglant.
S’ensuit une période sombre, compliquée par l’apprentissage d’une nouvelle langue et l’adaptation à un nouveau pays, marquée par la mise sur pied de projets qui n’aboutissent pas et par un nouvel échec, à Broadway cette fois. « Je me terrais au Chelsea Hotel et je dormais 23 heures par jour. Mon meilleur ami, le cinéaste Ivan Passer, allait voir un psychiatre pour lui décrire mes symptômes et revenait me raconter les recommandations du médecin. »
Forman est au bord de la dépression quand, en 1973, il reçoit un exemplaire du bestseller de Ken Kesey, « Vol au-dessus d’un nid de coucou », expédié par les producteurs Michael Douglas et Saul Zaentz. Leur projet d’une adaptation avait été refusé par tous les grands studios, avec l’argument : « Qui veut aller voir un film sur une bande de cinglés ? ».
Milos Forman accepte aussitôt la proposition de Douglas et Zaentz. « J’avais adoré le livre et j’étais persuadé qu’on pouvait en tirer un bon film. Cet épisode me fit comprendre que ma situation était moins dramatique qu’elle n’aurait été en Tchécoslovaquie. 
Là-bas, si le gouvernement avait décidé que je ne travaillerais plus, tout aurait été terminé. Au moins, aux États-Unis, il pouvait toujours se trouver un Michael Douglas et un Saul Zaentz pour me faire une proposition. Je pense qu’ils ont pensé à moi parce qu’ils voulaient produire un film bon marché et qu’après l’échec de « Taking off » je ne valais pas cher. Mais ils avaient aussi vu tous mes films, et les avaient aimés ». « Vol au-dessus d’un nid de coucou » sera un triomphe critique et publique, et remportera les Oscars du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario (Lawrence Hauben et Bo Goldman), du meilleur acteur Jack Nicholson), de la meilleure actrice (Louise Fletcher).
Le 30 novembre 1977, Milos Forman acquiert la nationalité américaine, ce qui ne l’empêche pas de continuer à tracer le portrait acide ou inquiétant de sa nouvelle patrie, à travers l’opéra rock « Hair », puis la fresque historique « Ragtime », d’après l’œuvre de Doctorow. Huit ans après « Vol au-dessus d’un nid de coucou », Forman est à nouveau couvert de récompenses grâce à « Amadeus » qui obtient un triomphe mondial et remporte les Oscars du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario (Peter Shaffer), du meilleur acteur (F. Murray Abraham), des meilleurs costumes (Theodor Pistek), du meilleur son (Chris Newman), ainsi que le César du meilleur film étranger.
Forman a été membre du jury à Cannes en 1972, et président du jury en 1985. Il a participé en 1987 au Colloque pour la Paix de Moscou, et fait ses débuts de comédien dans « Heartburh », de Mike Nichols. »


« Milos Forman, une vie libre » par Helena Trestikova et Jakub Hejna
France, République tchèque, 2019, 55 min
Sur Arte les 10 mai 2020 à 22 h 50 et 8 juin 2021 à 1 h 50
Disponible du 03/05/2020 au 08/06/2020
Visuels : © Pavel Jiras

« Vol au-dessus d'un nid de coucou » de Miloš Forman
Fantasy Films, 1975, 128 minutes
Diffusions :
- 27 juin 2011 à 20 h 40 et 28 juin 2011 à 1 h 50 ;

« Valmont » 
France, Etats-Unis, 1989
Scénario : Jean-Claude Carrière, Milos Forman
Auteur : Choderlos de Laclos
Production : Timothy Burrill Productions, Renn Productions
Producteurs : Michael Hausman, Paul Rassam
Image : Miroslav Ondrícek
Montage : Nena Danevic, Alan Heim
Musique : Christopher Palmer
Avec Colin Firth (Valmont), Annette Bening (Marquise de Merteuil), Meg Tilly (Madame de Tourvel), Fairuza Balk (Cécile), Siân Phillips (Madame de Volanges), Jeffrey Jones (Gercourt), Henry Thomas (Danceny), Fabia Drake (Madame de Rosemonde), Antony Carrick (Président de Tourvel)
Sur Arte les 9 décembre 2024 à 22 h 45, 02 janvier 2025 à 0 h 40
Sur arte.tv du 09/12/2024 au 15/12/2024
Visuels : © Pathé Films


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Les citations sont d'Arte et du dossier de presse de Valmont. Cet article a été publié le 9 mai 2020, puis le 7 juin 2021.