Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

vendredi 20 juin 2025

David Olère (1902-1985)

Né à Varsovie (Pologne), David Olère (1902-1985) était un peintre et sculpteur français. Il se rend en France où il crée notamment des affiches de cinéma pour de grandes firmes (Paramount, Pathé-Nathan). Déporté en 1943 au camp nazi d'Auschwitz, il est affecté dans un Sonderkommando chargé des cadavres des chambres à gaz. Il échappe aux sélections mortelles car les gardiens SS apprécient son talent de dessinateur. Libéré en 1945, il témoigne par ses dessins, tableaux et sculptures de son expérience concentrationnaire et du procédé d’extermination. Il prend sa retraite d'artiste en 1962. Dans le cadres des 80 ans de la découverte des camps, le Mémorial de la Shoah propose l’exposition « David Olère. Dessins ».


David Oler « naît à Varsovie le 19 janvier 1902 » dans une famille juive bourgeoise.

Agé de 13 ans, malgré le numerus clausus, il est admis à l'école des Beaux-Arts de Varsovie. Des musées et des galeries de Dantzig et de Berlin (Allemagne) exposent les gravures sur bois de cet adolescent de seize ans.

Bénéficiaire d'une bourse, il se rend à Dantzig puis en 1921 à Berlin (Allemagne). Il est alors recruté par le réalisateur Ernst Lubitsch à l'Europäische Film Allianz comme peintre, maquettiste et décorateur de studio.

Olère travaille aussi à Munich et à Heidelberg, puis en 1928 s'installe dans le quartier Montparnasse à Paris. Il se lie d'amitié avec de nombreux artistes et gagne sa vie comme affichiste et décorateur à la Paramount et pour Pathé-Nathan (Les Misérables, Tartarin de Tarascon en 1934). Il enseigne à l'académie de la Grande Chaumière (Paris VIe).

En 1930, il épouse Juliette Ventura, modiste. Le couple a un fils, Alexandre (1930-2010). 

En 1937, il est naturalisé français sous le nom de « David Olère ».

« À la déclaration de guerre il est affecté au 134e régiment d’infanterie de l’armée française » à Lons-le-Saunier. Démobilisé, il devient chômeur quand la Paramount cesse son activité. Le statut des Juifs le déchoit de sa nationalité, et lui interdit d'exercer son métier dans le cinéma. Il est contraint de se faire recenser comme Juif - sa pièce d'identité porte la mention « Juif » -, de porter une étoile jaune.

« Arrêté le 20 février 1943 chez lui par la police française en 1943 dans les rafles de Juifs opérées en Seine et Marne, il est interné à Drancy. Le 2 mars 1943, il est déporté vers Auschwitz par le convoi 49  avec 1000 autres Juifs. » Peu après leur arrivée, 881 autres, hommes femmes et enfants sont assassinés dans des chambres à gaz. Olère fait partie des 119 personnes sélectionnées pour le travail - six survivront. Tous sont privés de leurs biens, rasés, tatoués, revêtus d'un pyjama rayé, et apprennent à marcher zu fünf (en rang par cinq).

« Ses talents d’illustrateur et sa connaissance de plusieurs langues – polonais, russe, yiddish, français, anglais et allemand – le rend utile aux SS. Il écrit pour eux des lettres à leurs proches dans une élégante calligraphie y ajoutant des illustrations. Il est cependant affecté de temps à autres au travail dans les crématoires ou au nettoyage des chambres à gaz. Häftling du Sonderkommando, il est alors le témoin de la cruauté sans limite des nazis. »
 
« Entre 1943 et 1945, quelques centaines de prisonniers juifs, immatriculés au camp d’Auschwitz, sont affectées au fonctionnement de l’appareil d’extermination mis en place à Birkenau. Il s’agit des membres du Sonderkommando. Intervenant dans les chambres à gaz et les crématoires, ils sont les témoins des évènements les plus occultés de l’extermination de masse. » Parmi les survivants du Sonderkommando,  « commando spécial » : David Olère (Matricule 106144) qui a travaillé au Bunker 2 puis au Crematorium III. "Il est en premier lieu creuseur de fosses servant de fosses communes de crémation, alors à proximité des Bunkers, avant d'être un Häftling (détenu) principalement rattaché au K III, se trouvant à l’extrémité droite de la voie ferrée, pendant les 20 mois de son calvaire au Sonderkommando." 

David Olère « y était notamment affecté aux corvées de poubelles, au vidage des chambres à gaz et fut, à ce titre, témoin des séances de déshabillage dans les vestiaires, de gazage mais aussi de récupération des dents en or et des cheveux des victimes, ainsi que de l'incinération des corps », explique Serge Klarsfeld, qui l'a bien connu et aidé après-guerre."

Témoins de la Shoah, les membres de Sonderkommandos sont régulièrement, environ tous les deux mois, tués pour éviter toute éventuelle divulgation sur cette phase de la Shoah à Auschwitz-Birkenau. Ils sont dirigés par des SS sadiques représentés dans les dessins d'après-guerre de David Olère : "Johann Gorges (1900-1971), Rottenführer à son arrivée à Birkenau et Unterscharführer (sous-officier de faible grade) à sa sortie ; Herbert avec le grade de Hauptscharführer ; l'Oberscharführer Erich Muhsfeldt (1913-1947), arrivant du camp de Majdanek, directeur à Birkenau les K II et III en juin 44 avant de devenir le chef de l’ensemble des crématoires ; l'Oberscharführer Peter Voss (1897-1976), chef des crématoires jusqu’en mai 44 puis des K IV et V ;O. Moll".

Polyglotte - yiddish, polonais, russe,  français, anglais, allemand - « atout important, voire essentiel pour accroître les chances de survie dans le camp », il traduit aux Allemands, pressentant la fin prochaine du IIIe Reich, les nouvelles diffusées par la BBC. Ainsi, il apprend la libération de Paris et de Strasbourg.

« En janvier 1945 devant l’avancée des alliés, le camp d’Auschwitz est évacué et David Olère est emmené avec 50 000 déportés dans la « marche de la mort ». Il parvient au camp autrichien de Mauthausen, puis au camp annexe de Melk où il est astreint au travail dans des mines. Ses cinq essais d'évasion échouent. David Olère arrive au camp d'Ebensee (Autriche).

« Le 6 mai 1945 il est libéré par les Américains. » après la fuite des SS. Affaibli et traumatisé pour longtemps, il retourne alors à Paris, retrouve sa femme et son fils qui étaient cachés, et apprend ensuite que toute sa famille polonaise a été exterminée à Varsovie.

« L’artiste David Olère décrit minutieusement en cinquante dessins son expérience de la déportation, le processus complet de l’extermination des Juifs dans les chambres à gaz et les crématoires, les scènes atroces dont il a été le témoin. »

Le Mémorial de la Shoah « conserve une partie de ces dessins qu’il présente à l’occasion du 80e anniversaire de la découverte du camp d’Auschwitz-Birkenau le 27 janvier 1945 par l’Armée rouge. »

« Ces dessins seront la base documentaire des peintures qu’il réalisera les années suivantes. Ils révèlent que, dans ces conditions atroces, de nombreux membres du Sonderkommando ont réussi à rester des hommes ».

David Olère "est le seul artiste à avoir travaillé comme membre du Sonderkommando et à avoir survécu. Dès sa libération, il dessine, peint ou sculpte. Au début, David Olère ne produit que des dessins (témoignage-documentaire) puis passe à la peinture à l'huile sur toile (témoignage-allégorie) quelques années plus tard. « Le travail de David Olère est à la fois d’une grande valeur artistique et d’une grande valeur informative grâce à son incroyable précision jusque dans les détails ». Il l'intitule Memento."

Ses "dessins d'Auschwitz, produits dès 1946, sont parfois les seuls documents visuels restants et ont une valeur documentaire exceptionnelle, particulièrement ceux représentant les chambres à gaz, les fours crématoires et leurs victimes. Aussi, lorsque des photographies d'époque faites par des SS ou des plans sont trouvés plus tard, par exemple de la salle des fours ou des bâtiments du crématoire, il s'avère qu'ils sont superposables aux dessins d'Olère, qui grâce à sa mémoire photographique, sont d'une « précision d'architecte ». Olère fournit par exemple des plans en coupe de ces installations, détruites sur ordre nazi peu avant l'évacuation du camp, afin d'expliquer comment fonctionnaient ces usines de mort." 

David Olère "se représente parfois dans ses dessins, témoin fantomatique identifiable par son matricule 106144, notamment sur l'un d'entre eux en train de réaliser une marine sur un abat-jour de peau. Outre des scènes d'arrivée à Auschwitz comme son dessin en couleurs ternes représentant une famille épuisée et hagarde, intitulé Parisiens à Birkenau Auschwitz, des scènes de sélection (Selektion, en allemand) et de gazage, concernant des groupes ou des individus, il montre dans son travail les mines après l'évacuation de Birkenau, ou encore des scènes de prière, ayant rapidement croqué une étoile de David et une figure de Jésus sur du papier d'emballage pour ses camarades de baraque lors du dernier hiver passé à Auschwitz. Un dessin représente juifs et chrétiens priant côte à côte pendant qu'un prisonnier fait le guet, cette activité étant comme beaucoup d'autres interdite. Un autre dessin, Les Inaptes au travail, réalisé après 1945, renvoie au funeste destin des déportés ne pouvant travailler. Certaines de ses œuvres illustrent le témoignage de l'écrivain Shlomo Venezia (recueilli en 2006), sur son expérience concentrationnaire, le Sonderkommando et la révolte de ce dernier".

En 1952, Olère réalise Les Vivres des morts pour les vivants. "Cette huile sur carton mesurant 102 × 76 cm est exposée au musée de l'Holocauste à New York aux États-Unis. Le tableau, réalisé peu après la Seconde Guerre mondiale, montre un mouvement expressionniste."

"Après la guerre, ses œuvres ne semblent intéresser personne dans un premier temps. « Les peintures sont souvent crues et répulsives, les scènes horribles semblent repousser le public plutôt que de l'attirer. ».

Affichiste, David Olère prend sa retraite d'artiste en 1962.

Ses "œuvres sont parfois exposées de son vivant et après sa mort notamment au Musée des Invalides, au Grand Palais (1982) et au Mémorial de la Shoah (1995 et 2005 dans une exposition intitulée « Au Cœur de l’Enfer ») à Paris, au Musée juif de New York, au Musée de Berkeley, à Chicago ou en Russie,, également à Yad Vashem à Jérusalem (en 1997) mais le plus souvent, elles restent confidentielles dans les archives des musées. Sa peinture d'1m30 x 1m60 réalisée en 1960, considérée comme l'une de ses œuvres majeures et intitulée Gazage, est donnée à un musée new-yorkais mais n’est pas exposée pour autant. Dix-huit de ses tableaux sont offerts au Museum of Jewish Heritage de New York et un au musée de la résistance de Champigny-sur-Marne (1989), seul tableau exposé en France."

« La soixantaine de dessins qu'il effectue entre 1945 et 1949, et qui représentent les effroyables visions qui le hantaient, est aujourd'hui conservée entre la France (au Mémorial de la Shoah) et Israël (à Yad Vashem et au musée des Combattants du ghetto du kibboutz Lohamei HaGeta'ot) ». Eb 2017, le musée d'Auschwitz a acheté des œuvres de David Olère.

En 1989, Jean-Claude Pressac publie son ouvrage de référence Auschwitz: Technique and Operation of the Gas Chambers, en s'étant appuyé notamment sur les archives du musée d'Auschwitz-Birkenau en Pologne et sur l'œuvre d'Olère.

Dans le procès en diffamation du négationniste de la Shoah David Irving contre l'historienne Deborah Lipstadt, des œuvres d'Olère servent en 2000  à prouver que les chambres à gaz avaient existé..
.
« Aucune photographie n'existe de l'intérieur des bâtiments où femmes, enfants et vieillards étaient amenés à entrer dans de fausses salles de douche avant que n'y soit vaporisé le terrible Zyklon B... utilisé par les nazis pour les tuer » ; les œuvres graphiques de David Olère « complètent les témoignages des rares Sonderkommandos (une centaine au total pour l'ensemble des camps de mise à mort) à ne pas avoir été exécutés par leurs tortionnaires », et constituent des témoignages bouleversants, exposés dans des musées importants.

En 1981, Jean Boussuge réalise le documentaire « Non-retour ou la mémoire volée » qui est consacré à David Olère.

La fin de la vie de David Olère est attristée par l'apparition des allégations négationnistes, dont certains doutaient de l'authenticité de son témoignage.

Coordination de l'exposition au Mémorial de la Shoah : Élise Petitpez, muséographe, Sophie Nagiscarde, responsable du service des activités culturelles du Mémorial de la Shoah


Du 23 janvier au 26 juin 2025
1er étage
17, rue Geoffroy–l’Asnier. Paris 4e
Tél. : 01 42 77 44 72
Tous les jours, sauf le samedi, de 10 h à 18 h
Nocturne jusqu’à 22 h le jeudi.
Entrée gratuite
Visuels :
Vers la mort.
David Olère
34 x 49,5 cm, 1945
Mémorial de la Shoah, Paris

Birkenau 1944. Pour écouter la BBC après minuit, par une brute emmené sans savoir mon sort, David Olère Crayon, 33,3 x 24,5 cm. 1949. Collection Mémorial de la Shoah Un groupe qui a réussi à se cacher fut retrouvé. David Olère 33 x 27 cm, 1946. Mémorial de la Shoah, Paris Vers la mort. David Olère 34 x 49,5 cm, 1945. Mémorial de la Shoah, Paris.

Un groupe qui a réussi à se cacher fut retrouvé.
David Olère
33 x 27 cm, 1946
Mémorial de la Shoah, Paris


Articles sur ce blog concernant :
Des citations proviennent du communiqué de presse.

jeudi 19 juin 2025

« Les nouveaux musées d'Afrique »

Arte diffuse sur son site Internet dans la série documentaire « Les nouveaux musées d'Afrique », « L’art spolié à Benin City » de Jean-Alexander Ntivyihabwa, 
« Une escale au Cap » de Katrin Hensel-Ovenden, « L’héritage colonial à Dakar » de Lutz Gregor, et « Les perles du Cameroun - Un héritage colonial allemand » de Grit Lederer.


La série « Les nouveaux musées d'Afrique » visite « les grandes métropoles d'Afrique, présente leurs nouveaux musées, leurs scènes artistiques émergentes et leur environnement culturel. La série montre les pièces les plus importantes, rencontre les esprits décisifs et permet de comprendre les interactions globales qui relient le boom des musées en Afrique à la crise des musées en Europe. »

« L’art spolié à Benin City » est réalisé par Jean-Alexander Ntivyihabwa.
« Depuis des décennies, le Nigeria se bat pour la restitution d'œuvres dérobées lors de l’expédition punitive britannique en 1897. Leur retour est désormais prévu à brève échéance. Mais où exactement entreposer ces trésors ? Où construire le musée qui leur sera dédié ? »

« En 1897, des milliers d’artefacts d’ivoire, de bois et de bronze plusieurs fois centenaires ont été dérobés à Benin City, dans le sud du Nigeria, lors de l’expédition punitive britannique menée par Harry Rawson. »

« Ils ont ensuite été vendus, en particulier par le biais d’intermédiaires allemands, à divers musées et collections du Nord – à Hambourg notamment. »

« Une rafle qui a amputé le peuple Edo d’une part majeure de son identité culturelle. »

Rappel historique et analyses de Julien Volper, conservateur au Musée royal de l’Afrique centrale (Tervuren, Belgique) et Maître de conférences en Histoire de l’art de l’Afrique à L’Université Libre de Bruxelles (Tribune de l'Art, 10 décembre 2019) :
"Pendant l’occupation de la ville, des objets en alliage de cuivre, mais aussi d’autres en corail ou en ivoire (notamment de nombreuses défenses sculptées), venant essentiellement du palais de l’oba, furent réunis et confisqués. Une partie du « butin » contribua par sa vente à payer les frais de l’expédition et à pensionner les soldats blessés ainsi que les veuves de ceux qui furent tués [4]. Le reste fut réparti entre les différents officiers au titre de trophées ou de souvenirs. Précisons ici que, à cette époque, ces pratiques susmentionnées, de même que la saisie d’objets dans un but stratégique (affaiblir la puissance politico-religieuse du vaincu), étaient considérées comme légitimes aussi bien par les armées européennes que par les armées africaines.
Actuellement, certains objets de la campagne de 1897 sont dans les collections muséales de différents pays (Allemagne, France, Autriche, Royaume-Uni, Etats-Unis, Pays-Bas…), d’autres passent parfois sur le marché de l’art via des maisons de vente comme Sotheby’s ou Christies qui, depuis les années 2000 [5], ont proposé plusieurs dizaines de bronzes de Benin. D’autres pièces encore sont en galerie. On évoquera ici la très belle plaque à haut relief qui fut vendue par le marchand Didier Claes.
A notre connaissance, aucun de ces objets récemment mis sur le marché n’a été acquis pour ses musées par le Nigéria, pays pourtant premier producteur de pétrole en Afrique ; et aucune de ces œuvres ne fut non plus acquise par de généreux donateurs nigérians pour le compte de ces mêmes musées. Soit dit en passant, le pays compte plus de 15.000 millionnaires en dollars et aussi une vingtaine de milliardaires [6].
Cela pourrait s’expliquer par le fait que le Nigéria possède déjà de solides collections qui ne collent pas vraiment avec l’image misérabiliste que l’on donne parfois des musées africains. Serait-ce en réalité du paternalisme déplacé que de justifier ici des restitutions de pièces au prétexte que « nous avons tout et ils n’ont rien » ? Ainsi, les collections du Nigerian National Museum de Lagos tournent autour de 45.000 pièces en réserves. Par ailleurs, le catalogue de l’exposition Kingdom of Ife qui s’est tenue au British Museum en 2010 atteste de la qualité des pièces prêtées par le Nigéria, preuve éclatante des magnifiques collections muséales de ce pays.
Il faut cependant reconnaître que cette richesse des collections nigérianes doit beaucoup à des africanistes anglais présents dans ce pays dans les années 1930-1950. Des chercheurs comme Bernard Fagg (encore un ancien de Cambridge) et Kenneth Murray se consacrèrent à la création de musées et à la protection du patrimoine nigérian. L’action de l’Antiquities Services, fondé en 1943, qui avait notamment entrepris de lutter contre le pillage culturel, doit-elle être passée sous le boisseau parce qu’il s’agit d’une administration « pré-indépendance » ? En plus d’empêcher la sortie d’œuvres africaine de leur territoire, ce service récupéra des pièces importantes exportées illégalement et qui se trouvaient notamment aux Etats-Unis. On notera d’ailleurs que c’est également durant la période coloniale, en 1952 pour être précis, que deux léopards en bronze pris en 1897 à Benin-City intégrèrent les collections muséales du Nigéria par voie d’achat. Ces deux félins avaient fait partie, comme le coq de Cambridge, de la collection de George W. Neville.
Inversement on peut noter que l’actuelle National Commission for Museums and Monuments, héritière de l’Antiquities Services, n’a pas toujours été d’une grande efficacité pour ce qui concerne la protection des biens culturels du Nigéria comme en témoignent les monolithes endommagés de la Cross-River
On peut décemment supposer que la complexité du fait colonial britannique, de même que les problématiques patrimoniales du Nigéria actuel, n’ont pas été prises en compte par ceux qui ont mis sur pied un tribunal arbitraire pour l’okukor du Jesus College.
Il est vrai qu’en ce qui concerne la question des restitutions, l’époque est à la moraline. L’important est de ne surtout pas créer un scénario trop compliqué afin que l’on puisse avoir, comme dans un très mauvais film hollywoodien, des méchants et des gentils bien identifiables… quitte à s’arranger avec l’histoire et le droit".
Cet historien a précisé :
"Ce royaume de Benin n’a strictement rien à voir avec l’actuel Bénin. Cette précision apparaît utile lorsque l’on constate la fréquence de cet amalgame sous la plume de journalistes et de critiques d’art français pour lesquels le royaume d’Abomey (situé dans l’actuelle République du Bénin) et le royaume de Benin (situé dans l’actuel Nigéria) sont synonymes".

« Depuis des décennies, le Nigeria se bat pour la restitution de ces œuvres emblématiques ». 

« Leur retour est désormais prévu à brève échéance. Mais où exactement entreposer ces trésors ? Où construire le musée qui leur sera dédié ? En parallèle de ces questionnements, le documentaire nous montre comment ces bronzes sont encore fabriqués aujourd’hui, selon le procédé traditionnel de la cire perdue. »

« Une escale au Cap » est réalisé par Katrin Hensel-Ovenden.
« Plus grand musée d’art contemporain au monde, le Zeitz Museum of Contemporary Art Africa du Cap, avec sa surface d’exposition de plus de 6 000 mètres carrés, permet aux artistes africains de bénéficier d’une plate-forme autonome d’envergure mondiale. Quelles sont les visions des commissaires d’exposition ? Quel message les artistes veulent-ils faire passer ? »

« Cet ancien complexe de silos de béton, construit dans les années 1920, a été métamorphosé en musée par l'architecte Thomas Heatherwick, qui en a conservé les vestiges. »

« Comparé, avant même son ouverture en 2017, au MoMA de New York, au Centre Georges-Pompidou à Paris ou même au musée Guggenheim de Bilbao, le Zeitz Mocaa, plus qu’un simple objet de prestige, n’entend pas se mesurer aux autres institutions internationales, mais plutôt faire valoir l’art africain et ses perspectives dans le monde entier. »

« L’héritage colonial à Dakar » est réalisé par Lutz Gregor
« Le musée Théodore-Monod de Dakar a été fondé en 1938 alors que le Sénégal était une colonie française. Ses collections ethnologiques, constituées d'objets du quotidien, d'objets rituels ou d'enregistrements sonores et visuels, devaient à l'origine assouvir la "curiosité blanche" pour les réalisations artistiques et culturelles des habitants d'Afrique de l'Ouest ».

« Aujourd’hui, cet héritage colonial représente un énorme défi pour l'actuel conservateur du musée, le docteur El Hadji Malick Ndiaye. Comment compte-t-il "décoloniser" le patrimoine africain ? »

« En Europe se pose de manière plus brûlante encore la question du traitement des collections ethnologiques dans les musées nationaux. Hartmut Dorgerloh, directeur du Humboldt Forum à Berlin, et Bénédicte Savoy, historienne de l’art française, se sont rendus à Dakar pour approfondir la démarche d'El Hadji Malick Ndiaye. »

« Les perles du Cameroun - Un héritage colonial allemand » est réalisé par Grit Lederer.
« Alors que l’Allemagne détient toujours la plus importante collection d’objets camerounais au monde, que faire de cet héritage colonial ? » 

« Cadres de portes sculptés, statues, masques, lances... : avec quelque 40 000 pièces, l’Allemagne détient la plus vaste collection d’objets issus du patrimoine camerounais. »

« Arrachés à leur culture et envoyés dans des musées à l’époque où le pays était encore un protectorat allemand, ces artefacts ont, pour la plupart, perdu leur signification originelle. »

« Parmi eux, le "Mandu Yenu", le trône des Bamouns, a été offert par le roi Njoya à l’empereur Guillaume II à l’occasion de son anniversaire, en 1908. Orné de milliers de perles de verre, ce chef-d'œuvre de l’art camerounais est exposé à Berlin depuis plus d’un siècle. Mais quel sens donner à ce "cadeau", octroyé à une époque où l’Allemagne menait de violentes conquêtes territoriales ? »

« Quel regard peut-on poser aujourd’hui sur cet héritage colonial ? »

« Aux côtés de chercheurs camerounais, l’historienne de l’art Bénédicte Savoy se penche sur ces enjeux muséographiques et historiographiques d’une grande complexité. » 


4 x 26 mn
Sur arte.tv du 28/03/2025 au 25/06/2025

« L’art spolié à Benin City » de Jean-Alexander Ntivyihabwa
Allemagne, France, Nigéria, 2022, 27 min
Production : Signed Media Produktion, Gmbh, Co.Kg
Visuels :
© MARKK/Foto Paul Schimweg
© Ole Jürgens
© MARKK/Foto Paul Schimweg
© MARKK

« Une escale au Cap » de Katrin Hensel-Ovenden
Allemagne, 2022, 27 min
Production : Signed Media/NDR, RBB, SR, en association avec ARTE
Visuels : © Hufton+Crow

« L’héritage colonial à Dakar » de Lutz Gregor
Allemagne, 2020, 26mn
Production : Signed Media/NDR, RBB, SR, en association avec ARTE

Allemagne, 2024, 53 min
Auteurs : Jochen von Grumbkow, Johannes Fellmann, Grit Lederer

mercredi 18 juin 2025

« Un exil combattant. Les Artistes et la France 1939-1945 »

Le musée de l’armée propose l’exposition « Un exil combattant. Les Artistes et la France 1939-1945 ».  
Cette «  exposition exceptionnelle retrace les destins d’artistes, d’intellectuels et de chercheurs qui, durant la Seconde Guerre mondiale, ont choisi l’exil et mené un combat culturel et scientifique intense. Leurs créations deviennent des armes au service de la Liberté et de la France libre. Découvrez des œuvres uniques, des portraits saisissants, des récits vibrants. Fernand Léger, Jean Gabin, Ossip Zadkine, Romain Gary, Alexander Calder, Paul Éluard… et bien d’autres. » Cette exposition souligne l'importance de la culture dans la Deuxième Guerre mondiale, et plus généralement dans un conflit, et les diverses «  façons dont les artistes et les intellectuels en exil ont mis leur créativité au service d’un « certain esprit français » et des valeurs de la liberté ! »

« Louise Weiss, une femme pour l’Europe » par Jacques Malaterre 
« Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974) » par Ben Salama 
Les mutilations génitales féminines
« La femme, la république et le bon Dieu » d’Olivia Cattan et d’Isabelle Lévy

Documentaires sur l'avortement sur Arte 

« Nombreux sont les artistes, intellectuels et combattants qui, aux prémisses de la Seconde Guerre mondiale, quittent leur pays pour différents exils. Qu’ils soient persécutés, juifs, opposants au fascisme et au nazisme, militants ou responsables politiques, intellectuels ou artistes, français ou étrangers, ils quittent le territoire métropolitain pour d’autres destinations, fuyant l’Occupation et la France de Vichy pour l’exil. L’exposition Un exil combattant. Les artistes et la France 1939-1945, propose un voyage émouvant à travers les arts et l’histoire, révélant comment les artistes et les intellectuels en exil ont mis leur créativité au service des valeurs de liberté. »

« Cette exposition s’inscrit dans le cadre des commémorations nationales des 80 ans de la Libération. À travers le prisme des arts, de la communication, de l’éducation et des sciences, l’exposition met en lumière un combat culturel intense visant à gagner les coeurs et les esprits des pays neutres et alliés. Elle souligne également la persistance de la liberté d’action et de création dans les territoires ralliés. Un « certain esprit français », défendu aussi par des artistes étrangers soutenant ces valeurs, comme le sculpteur et peintre américain Alexander Calder. »

« Ce parcours inédit, structuré en quatre volets géographiques qui retracent diverses formes d’exil, s’intéresse tant aux combattants de la France libre qu’aux réfugiés exilés hors d’Europe. Comme le général de Gaulle et son gouvernement, les combattants et intellectuels de la France libre rejoignent Londres pour y mener des actions culturelles et d’information. À Marseille, l’américain Varian Fry se charge d’exfiltrer des artistes d’avant-garde et des intellectuels vers les États-Unis. De Londres à Sydney, en passant par New York, Brazzaville, Buenos Aires, Cuba ou encore Alger, les visiteurs découvrent les parcours variés et les engagements courageux de nombreuses personnalités. Parmi elles, des figures marquantes comme René Cassin, Germaine Krull, André Masson, Wifredo Lam, Marie Helena Vieira da Silva, Henry Valensi, Fernand  Léger, Jean Hélion, Anna Marly, Micheline Rosenberg, Georges Duthuit, Jean Gabin, et bien d’autres. »

« La scénographie de l’exposition invite le visiteur à partager les destins, les émotions, les luttes et les espoirs notamment à travers la reconstitution de deux lieux emblématiques de la France aux États-Unis : l’atelier new-yorkais du sculpteur Ossip Zadkine – exilé dès 1941 – véritable sanctuaire de créativité et de résistance, ainsi que la célèbre librairie newyorkaise Gotham Books, à l’atmosphère vibrante où l’esprit français s’épanouissait en pleine guerre. »

Le commissariat de l’exposition est assuré par Vincent Giraudier, chef du département de l’historial Charles de Gaulle, Sylvie Le Ray-Burimi, conservatrice en chef du patrimoine, cheffe du département Beaux-arts et patrimoine avec le soutien de Carine Lachèvre, adjointe au chef du département l’historial Charles de Gaulle, assistés de Anne-Sixtine Clevenot, Louise Le Bars, Diane de Vignemont, département de l’historial Charles de Gaulle.

Comité scientifique
Sous la présidence de
Guillaume Piketty, full Professor au Centre d’Histoire de Sciences Po (CHSP), Paris
Cécilie Champy-Vinas, conservatrice en chef du patrimoine, directrice du musée Zadkine, Paris
Marie-Hélène Contal, architecte, auteur, commissaire d’exposition, membre de l’Académie d’Architecture, directrice de l’École Spéciale d’Architecture, Paris 
Joël Huthwohl, directeur du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France, Paris
Béatrice Joyeux-Prunel, professeure à l’université de Genève
Sylvie Lindeperg, professeure à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Aurélie Luneau, historienne spécialiste des médias, professeure associée à Sciences Po Paris et productrice à France Culture
Marie-Pauline Martin, directrice du musée de la musique de la Cité de la musique-Philharmonie, Paris
Chantal Morelle, professeur d’histoire honoraire en classes préparatoires aux grandes écoles
Vladimir Trouplin, conservateur au musée de l’Ordre de la Libération, Paris

Sous la direction de Vincent Giraudier et Sylvie Le Ray-Burimi, le catalogue de l'exposition « Un exil combattant. Les Artistes et la France 1939-1945 »  est co-édité par le musée de l’Armée et Gallimard. « Vingt-trois auteurs ont été sollicités pour écrire sur la production artistique, culturelle et scientifique en exil. De l’architecture à la joaillerie, de l’édition au cinéma, du surréalisme à l’atome, autant de sujets aussi méconnus que passionnants sont illustrés par les photographies des 300 objets, documents et oeuvres d’art présentés dans l’exposition. L’ensemble est ponctué d’une sélection de 42 portraits commentés de ces artistes et intellectuels exilés, redonnant un visage à des personnalités, toujours hors norme, parfois tombées dans l’oubli, et qui rappellent que l’exil de chacun et la manière dont il a été vécu est unique."

Autour de l’exposition, le musée a organisé des visites guidées par un commissaire de l’exposition, un parcours dédié au jeune public afin de lui faire "découvrir, à travers des récits captivants, les destinations et les actions de figures emblématiques durant leur exil".

En partenariat avec l’Université permanente de la ville de Paris, ce cycle de conférences, intitulé Face à la Seconde Guerre mondiale. Artistes et intellectuels, présente une sélection de parcours, collectifs ou individuels, d’écrivains et d’intellectuels confrontés au second conflit mondial et qui malgré la défaite de la France en  1940, continuent à combattre pour la liberté.
« Les compagnons écrivains : une extraordinaire diversité d’intérêts, de compétences et de talents »
par François Broche, historien, spécialiste de la France libre, administrateur de la Fondation de la France libre, vice-président de la Société des Amis du musée de l’Ordre de la Libération

« Aider de Gaulle : l’action politique et culturelle des comités de soutien à la France libre dans le monde »
par Bruno Leroux, ancien chargé des études et recherches de l’Institut Charles de Gaulle puis directeur historique de la Fondation de la Résistance.

« De Gaulle écrivain, oeuvres méconnues et peu connues (1910-1945) »
par Philippe Radal, ancien dirigeant de banque, président de la société des amis du musée de l’Ordre de la Libération, membre du conseil de l’Ordre de la Libération.

« Marc Bloch en guerre, le plus vieux capitaine de l’armée française »
par Frédéric Fogacci, agrégé et docteur en histoire, directeur des Études et de la Recherche à la Fondation Charles de Gaulle, enseignant à Sciences-Po Paris.

« Georges Bernanos en Guerre, des “tueries qui se préparent” au “chemin de la croix des âmes” »,
par Hervé Gaymard, ancien ministre, ancien député, président du conseil départemental de la Savoie,
président de la Fondation Charles de Gaulle.
Les conférences et projections de films se sont déroulées à l’auditorium Austerlitz

Une "sélection de sept films de fiction, pour mettre en évidence l’effort de guerre et de propagande des studios hollywoodiens, porte-voix de la France libre, en regard d’une production cinématographique française contrôlée et censurée par les Allemands".
Casablanca
Michael Curtiz, États-Unis – 1942.

La Croix de Lorraine (The Cross of Lorraine)
Tay Carnett, États-Unis – 1913
.
L’Imposteur (The Impostor)
Julien Duvivier, États-Unis – 1944

Les Visiteurs du soir
Marcel Carné, France – 1942

La Main du Diable
Maurice Tourneur, France – 1943

Le Corbeau
Henri-Georges Clouzot, France – 1943
.
Transit
Christian Petzold, France – 2018
Films en VF ou VOST

La saison musicale des Invalides a abordé "dans un cycle dédié au thème de l’exil lors de la Seconde Guerre mondiale en lien avec l’exposition".



L’EXPOSITION

« Lorsqu’un jour l’historien,
loin des tumultes où nous sommes
plongés, considérera les tragiques
événements qui faillirent faire
rouler la France dans l’abîme
d’où l’on ne revient pas,
il constatera que la résistance,
c’est-à-dire l’espérance nationale,
s’est accrochée, sur la pente,
à deux môles qui ne cédèrent point.
L’un était un tronçon d’épée,
l’autre, la pensée française. »
Charles de Gaulle, Alger, 30 octobre 1943
Discours prononcé à l’occasion des 80 ans de l’Alliance française

« Pendant la Seconde Guerre mondiale, la persistance de cette « pensée française » face à l’occupant et au régime collaborationniste de Vichy ne s’est pas seulement exercée dans le cadre de la Résistance intérieure. Dès l’été 1940, partout dans le monde resté libre, des artistes, des écrivains, des intellectuels et des scientifiques français et francophones, engagent un combat culturel, pour gagner les cœurs et les opinions publiques des pays neutres ainsi que des pays alliés à la cause de ceux qui refusent d’accepter la défaite de la France. »

« L’exposition Un exil combattant. Les artistes et la France 1939-1945, retrace les parcours de ces individus dont les vies ont été profondément marquées par l’exil. »

« Cette résistance culturelle a aussi cours dans les territoires ralliés à la France libre, d’Afrique, d’Asie et du Pacifique, où se maintient, grâce aux actions volontaires d’une poignée d’hommes et de femmes, cet héritage des valeurs de la République : une tradition française de liberté d’action et de création. »

1. • En transit

« Au début de l’occupation allemande en juin .1940, Marseille devient le lieu de refuge des exilés. La cité phocéenne est le passage obligé pour toute personne venue d’Europe et souhaitant quitter la France. Entre juillet 1940 et juin 1941, des milliers de personnes attendent d’obtenir les autorisations nécessaires pour le périple qui les attend. Le plus souvent, le voyage se fait par bateau pour des destinations transatlantiques, ou par voie ferrée, ou encore à pied vers l’Espagne et le Portugal. »

« Marseille devient la « contre-capitale » intellectuelle d’une France qui plonge dans le chaos. Rarement autant d’artistes, écrivains, révolutionnaires, universitaires, qu’ils soient juifs ou non, se seront retrouvés réunis en un même endroit. »

« Dans le quartier de la Pomme, la villa Air Bel – qui abrite les bureaux de l’Emergency Rescue Committee de Varian Fry – s’anime d’une brève et intense activité artistique, le temps de la présence des surréalistes Max Ernst, André Masson, Wifredo Lam, Marcel Duchamp, Jacques Herold et Victor Brauner, comblant leur attente dans la créativité. »

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L’exil d’André Masson

« Avec l’aide de Varian Fry, directeur de l’Emergency Rescue Comittee (Centre américain de secours) de Marseille et sur l’invitation du MoMa (Museum of Modern Art), le peintre André Masson (1896-1987) embarque pour l’Amérique en mars 1941 à bord du cargo Le Carimaré et rejoint New York via les Antilles. »

« Le départ en exil et l’intégration d’André Masson, menacé par le gouvernement de Vichy du fait de son engagement antifasciste et des origines juives de sa femme, sont facilités par le soutien des artistes américains Kay Sage et Alexander Calder qui lui adressent des lettres de caution. »

« Je connais André Masson et sa femme Rose depuis 1937. Ils sont tous deux […] dévoués au mode de vie démocratique. […] M. Masson était l’un des plus grands peintres de France et j’estime que les États-Unis ont vraiment de la chance de l’avoir ici pour donner un nouvel élan aux autres peintres qui l’entourent.©» écrit le sculpteur américain Alexander Calder. »

« En retour, en hommage à la générosité de Calder, Masson réalise son portrait et lui dédie un poème intitulé L’Atelier de Calder où il évoque cette main tendue aux exilés
Arrivé d’Europe, comme ils disent…
Il est vrai que là-bas fer et cuivre ne sont qu’oeuvre noire
La mort ajoutée à la mort et la vie calomniée.
Moi je fus, heureux fugitif,
Couché à l’oeuvre d’un vivant. »

« Après son arrivée aux États-Unis, Masson s’engage aux côtés du mouvement France Forever en 1942 et réalise un monumental rideau de scène Liberté, Égalité, Fraternité, qu’il décore d’une effigie féminine au bonnet phrygien se libérant de ses chaines pour le mass meeting organisé à New York le 14 juillet 1942. Ce rideau est réutilisé pour célébrer le 11 novembre 1944 et reproduit sur les brochures de France Forever. »

« Fin 1944, André Masson illustre Le Serpent dans la galère, poème épique de Georges Duthuit rédigé au moment de la libération de Paris en août. Dédié à la Résistance et à son épouse Marguerite Duthuit, fille aînée d’Henri Matisse, résistante, torturée et évadée, l’ouvrage est édité au profit des combattants. Les dessins calligraphiques de Masson représentent les haut-lieux des combats parisiens se libérant de l’hydre nazie, tels la Concorde ou l’Arc de Triomphe. »

2.• L’exil vers la Grande-Bretagne

« Quitter la France envahie pour rejoindre le territoire de l’allié britannique ne fut pas une évidence pour les Français lors de ces moments tragiques. » 

« Rallier Londres en juin 1940 implique non seulement de croire en la victoire malgré une défaite militaire, mais aussi de désobéir au gouvernement en place et de rompre avec son milieu, sa carrière et sa famille. »

« Rares sont donc les Français de métropole qui cherchent à agir et à trouver une opportunité de transport pour quitter le pays. »

« Quant aux Français déjà présents en Grande-Bretagne, qu’ils soient civils, blessés, soldats ou marins évacués des ports de l’Atlantique ou des combats de Norvège, ils sont peu nombreux à faire le choix de rallier la France libre. Au 15 août 1940, ils sont moins de 3 000.... Ces quelques femmes et hommes, que le gouvernement de Vichy appelle les « dissidents », sont tous des volontaires, engagés pour la durée de la guerre au sein d’un mouvement qui se veut « être la France », pour reprendre les termes de leur chef, le général de Gaulle et non une légion de combattants au service des Britanniques. »

3 • Les territoires ralliés

« Après l’Appel du 18 juin 1940 prononcé à la BBC de Londres, le général de Gaulle cherche à rallier l’empire colonial français afin d’y organiser le combat. »

« Mais la grande majorité de l’empire colonial, dont l’Afrique du Nord et l’Afrique occidentale, reste fidèle au gouvernement français de Vichy. Seuls les comptoirs de l’Inde et l’essentiel des territoires du Pacifique rallient la France libre entre juillet et septembre 1940 »

« Le ralliement le plus important est celui de l’Afrique équatoriale française qui bascule, du 26 au 28 août 1940, grâce à l’action combinée d’envoyés de Londres, comme le futur général Leclerc, et de ralliements locaux, comme celui de Félix Eboué, gouverneur du Tchad. »

« L’échec militaire des Britanniques et des Français libres devant Dakar (Afrique-occidentale française), en septembre, bloque  l’extension des ralliements de l’empire colonial français et donne lieu à des combats fratricides, qui font finalement basculer le Gabon, la Syrie et le Liban dans le camp des Alliés. »
« Les territoires ralliés apportent à la France libre la possibilité d’exercer sa souveraineté, des ressources pour l’effort de guerre ainsi que des combattants pour étoffer les rangs de ses armées. Composé des gouverneurs des territoires, de chefs militaires et de personnalités civiles, le Conseil de défense de l’Empire, créé à Brazzaville (Afrique-équatoriale française) le 27 octobre 1940, est le premier organe consultatif de la France en guerre. »

4.• Partir 

« Quitter la France est un parcours difficile qui nécessite financements, références et contacts, mais aussi patience, témérité, courage et… chance. »

« Les candidats à l’exil – en transit entre un pays qu’il faut quitter et un autre qui doit accueillir – sont confrontés à des « murs de papier » selon l’expression de l’historien américain David Wyman (1929-2018). Dans ce capharnaüm administratif, des organismes ou des personnes tentent d’apporter leur soutien, tel l’Emergency Rescue Committee qui vient en aide à près de 1200 personnes ; ou encore le biochimiste français d’origine juive, Louis Rapkine qui, grâce à son propre réseau, permet à une trentaine de scientifiques de trouver une affectation sur le continent américain. »

« Pour atteindre l’Amérique, la filière dite « martiniquaise » au départ de Marseille et Casablanca est la plus empruntée. Environ 5000 personnes quittent la France entre juillet 1940 et juin 1941 depuis l’une de ces deux villes. »

« Souvent rudimentaire, dans des cargos davantage que dans des paquebots, le voyage ne garantit pas la destination prévue ; circuler d’un territoire à l’autre est un parcours du combattant. »

« Un point commun unit cependant les exilés français : l’installation à long terme n’est pas un projet, l’objectif demeure le retour en France dès la victoire. »

5 • L’Amérique du Nord 

« Dès 1940, le général de Gaulle évoque l’importance de l’industrie américaine dans son appel du 18 juin. Cependant, l’aide espérée ne se matérialise pas immédiatement. Le gouvernement américain, centré sur la réélection de son Président, est figé dans sa volonté de ne pas agir et adopte une position conciliatrice vis-à-vis du régime de Vichy. »

« Entre 1940 et 1942, 8000  à 9000 Français s’exilent vers les États-Unis. Parmi eux, certains sont favorables au gouvernement de Vichy, ce qui complique encore la perception de la France libre par les autorités américaines. »

« En 1941, l’industriel René Pleven parvient à organiser une délégation représentant la France libre aux États-Unis, mais celle-ci manque néanmoins de reconnaissance officielle. »

« Cette délégation cherche par ailleurs à établir des liens avec des personnalités américaines influentes, s’appuyant sur des intellectuels, des artistes, des médias ainsi que sur le mouvement France Forever. La sympathie envers la France libre croît peu à peu. »

« Le Canada, qui devait quant à lui jouer un rôle crucial aux yeux de De Gaulle, pensant que la communauté francophone lui porterait un soutien massif, choisit finalement de ne pas rompre avec Vichy. »

6. Une ambition mondiale

« Environ 500 comités de la France libre ont été formés dans une cinquantaine de pays pour mobiliser des fonds, des volontaires et gagner la sympathie des opinions. »

« Ces comités, en dehors de la Grande Bretagne, se concentrent principalement en Amérique latine et dans l’ensemble Afrique-Asie où la propagande s’adapte aux conditions locales, sous la direction des délégations françaises libres. Chaque comité de la France libre publie, organise des émissions de radio, des tournées de conférences ou des expositions convoquant des figures emblématiques françaises. »

« En Amérique latine, ce sont les élites francophiles et les personnalités telles Albert Guérin, Albert Ledoux ou Jacques Soustelle qui jouent un rôle clé. Après 1942, l’épicentre de la propagande passe de l’Argentine au Mexique. »

« En Afrique et en Asie, les comités sont liés à la présence militaire. En Égypte, ils organisent l’accueil des militaires ralliés ; la propagande y est facilitée par une forte présence française historique. En Inde, la délégation de New Delhi publie, sous le contrôle britannique, des brochures diffusées à un large public, alors que la revue France-Orient reprend la formule de la revue La France libre publiée à Londres. »

Épilogue

« Au sein de la Résistance, la création scientifique, culturelle et artistique, qu’elle soit source ou expression d’engagement, ou encore l’affirmation d’une identité, n’a jamais cessé de s’épanouir entre 1939 et 1945 ».

« L’héritage de la Résistance française, se mesure aujourd’hui à l’aune de sa participation à la construction d’un socle de valeurs françaises communes. Elle participe également de la modernisation des structures culturelles, éducatives et de recherche de la France, devenues aujourd’hui essentielles. »

« En dépit de difficultés de la France à s’imposer comme un acteur du concert diplomatique en 1945, la France accueille à Paris l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, les Sciences et la Culture) fondée le 16 novembre 1945 et contribue à la rédaction puis à l’adoption de la déclaration universelle des droits de l’homme en 1945. »

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L’atelier new-yorkais de Zadkine
« Le peintre et sculpteur juif français d’origine biélorusse, Ossip Zadkine (1888-1967), s’exile à New York dès ..¥.. Sa femme, Valentine Prax (1897-1981), elle aussi artiste peintre, reste à Paris. »

« La scénographie de l’exposition reconstitue l’atelier newyorkais de Zadkine, exposant plusieurs de ses œuvres créées pendant son exil américain. Sculptant les vides autant que les pleins, il crée environ 45 oeuvres marquées par l’angoisse, tels l’Arlequin hurlant ou la Tête d’homme anxieux. La Prisonnière fait allusion à son épouse Valentine Prax restée en France. Elle est aussi une allégorie de la France occupée, de même que le Coq et le Phénix. Le Buste de François Mauriac rend hommage à l’écrivain du Cahier noir, traduit en anglais dès 1943 et diffusé depuis Londres par la France libre. »

« Ces œuvres arrivées récemment au musée Zadkine, sont prêtées au musée de l’Armée et exposées en France pour la première fois. »

« À New York, Ossip Zadkine enseigne la sculpture. Il continue à créer et expose dès 1941 aux États-Unis.  » 

« En 1942, il participe à l’exposition « Artists in Exile » à la galerie Pierre Matisse. »



Prêteurs
Institutions françaises
Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
Assemblée nationale, Paris
Bibliothèque nationale de France, Paris
Centre des archives diplomatiques de Nantes
Chancellerie des Universités de Paris – Bibliothèque littéraire Jacques Doucet
Collection Adrien Maeght,
Saint-Paul de Vence
La Contemporaine, bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains, Nanterre
Galerie 1900-2000, Paris
Galerie Applicat-Prazan, Paris
Galerie Bucher-Jaeger,
Paris-Lisbonne
Galerie Daniel Malingue, Paris
Fondation de la France libre, Paris
Fondation Le Corbusier, Paris
Institut Mémoires de l’édition
contemporaine (IMEC),
Saint-Germain-la-Blanche-Herbe
Archives de l’Institut de Biologie
Physico-Chimique, Paris
Institut Pasteur, Paris
Librairie Walden, Orléans
Maison Cartier, Paris
Musée de l’Air et de l’Espace, Le Bourget
Musée d’Art moderne de Paris
Musée des Beaux-Arts, Lyon
Musée Cantini, Marseille
Musée Curie, Paris
Société des amis du musée
Jean-Gabin, Mériel
Musée national Fernand Léger, Biot
Musée de la Légion d’honneur
et des ordres de chevalerie, Paris
Musée de la Libération de Paris - musée du général Leclerc – musée Jean Moulin, Paris
Musée Matisse, Nice
Musée national des arts asiatiques – Guimet, Paris
Musée national d’art moderne – Centre Georges Pompidou, Paris
Musée Picasso, Antibes-Juan-les-Pins
Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris
Musée Zadkine, Paris
Office universitaire de recherche socialiste – OURS, Paris
Musée de l’Ordre de la Libération, Paris
Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris
UNESCO, Paris

Prêteurs particuliers
Archives Thierry Billard
Collection Geneviève de Gaulle-
Anthonioz-Bernard Anthonioz
Marianne Fouchet
Jordan Gaspin
Pierre Leroy
Famille de Pierre Mendès France
Anne Sinclair
Le musée de l’Armée adresse également ses remerciements aux prêteurs qui ont souhaité conserver l’anonymat et remercie tout particulièrement la Calder Foundation pour le don de la broche à la croix de Lorraine réalisée par Alexander Calder vers 1942. Ce don a été effectué en l’honneur de Monsieur Alfred Pacquement, à l’occasion des 20 ans de sa présidence de l’Association pour l’animation de l’Atelier Calder à Saché en 2023 et en reconnaissance de son soutien à l’acquisition du mobile France Forever par le musée de l’Armée en 2020.
Le musée de l’Armée remercie également les donateurs et les personnes ayant rendu possible l’entrée en collection de plusieurs oeuvres exposées : Anne Sinclair, Barbara Duthuit, Didier Vallens.
Enfin, le musée de l’Armée remercie le musée d’art et d’histoire du judaïsme, dépositaire d’une œuvre du centre Pompidou et la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales pour le dépôt d’une œuvre au musée de l’Air et de l’Espace.


Du 26 février au 22 juin 2025
Hôtel national des Invalides
129, rue de Grenelle – 75007 Paris
Tous les jours de 10 h à 18 h
Nocturne chaque 1er vendredi du mois jusqu’à 22 h
Visuels :
Vues des salles
© DR

Natacha Carlu, Affiche « Liberté… Liberté chérie…/ Conduis soutiens nos bras vengeurs », vers 1942-1943. Paris, musée de l’Ordre de la Libération ©Musée de l’Ordre de la Libération 

Jean Hélion (1904-1987, Défense d’, 1943. Collection particulière. ©Galerie Malingue. ©Adagp, Paris, 2025

Planches de timbres et de vignettes vendus au profit de la France libre en Australie, non datés, Nantes, Archives du ministère des Affaires étrangères, délégation du Comité national français puis du CFLN en Australie ©©Archives du ministère des Affaires étrangères, France .

Revue France Forever, vol. 1, n°2, paru aux États-Unis, diffusé en Australie, Nantes, Archives du ministère des Affaires étrangères 
©Archives du ministère des Affaires étrangères, France 

Pierre Matisse (1900-1989), directeur, James Thrall Soby (1906-1979) et Nicolas Calas, pseudonyme de Nikos Kalamaris (1907-1988), rédacteurs, George Platt Lynes (1907-1955), photographe, catalogue d’exposition « Artists in Exile », New York, Pierre Matisse Gallery, 3-28 mars 1942. Paris, Chancellerie des universités de Paris - bibliothèque littéraire Jacques-Doucet 
© Chancellerie des universités de Paris – Bibliothèque littéraire Jacques Doucet

Victor Brauner (1903-1966), André Breton (1896-1966), Óscar Dominguez (1905-1957), Jacques Hérold (1910-1987), Wifredo Lam (1902-1982), Jacqueline Lamba (1910-1993), Dessins collectifs, 1940-1941, Musées de Marseille/ musée Cantini 

André Masson, Niobé, 1947, Lyon, musée des Beaux-Arts, dépôt du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Centre de création industrielle¸ GrandPalaisRmn, Ren‚ Gabriel Ojeda
© ADAGP, Paris 2014 © Lyon MBA / Photo Ojéda - Le Mage

France Forever, Résistance, Libération, fascicule commémoratif illustré par le rideau de scène « Liberté, Égalité, Fraternité » d’André Masson (1895-1987), créé pour le 14 juillet 1942, 11 novembre 1944, Archives Anne Sinclair 
©Paris – Musée de l’Armée, Dist. GrandPalaisRmn

Georges Duthuit (1891-1973) (texte) et André Masson (1896-1987) (illustrations), Le Serpent dans la galère, New York, Curt Valentin, 1945, Édition originale numérotée, exemplaire n° 174, Collection particulière ©Paris – Musée de l’Armée, Dist. GrandPalaisRmn

Tenue de Nicole Millet, lieutenant féminin des FAFL,
Paris, musée de l’Armée

Laissez-passer d’Anna Marly Paris, musée de l’Armée

France d’abord, n° 15, 6 septembre 1941,
Paris, musée de l’Armée, fonds France libre, don Laignel

Henry Valensi (1883-1960), France-Algérie, 1943, Paris, musée de l’Armée

Télégramme de René Pleven à Ève Curie, 20 septembre 1940. Paris, musée Curie

Germaine Krull (1897-1985), Passagers à bord du cargo Paul-Lemerle, 1941

Carte de membre du Comité français de la libération nationale (CFLN) de René Pleven Paris, musée de l’Ordre de la Libération

Drapeau américain du comité de la France libre France Forever Paris, musée de l’Ordre de la Libération

Photographie de Jacques Soustelle en Argentine, Nantes
Archives du ministère des Affaires étrangères, légation de France à Mexico

Revue France-Orient, vol. 1, n° 5, septembre 1941 Nantes, Archives du ministère des Affaires étrangères, délégation du Comité national français puis du CFLN en Australie

Skippy Adelman (1924-2004), Jean Hélion à côté de Rouge brillant (1938) et de L’Homme à la joue rouge (1943)

Fernand Léger (1881-1955), Les Plongeurs polychromes, 1942-1946, Biot, musée national Fernand Léger, donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969

L’atelier Ossip Zadkine (1888-1967) à New York, vers 1943-1944. Paris, musée Zadkine

Ossip Zadkine (1888-1967), Arlequin hurlant, 1943-1944, Paris, musée Zadkine