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mardi 29 mars 2016

Interview de Shmuel (Sammy) Ravel, ministre plénipotentiaire de l’ambassade d’Israël à Paris, sur les boycotts d'Israël (2/5)


Le 15 octobre 2010 au matin, Shmuel (Sammy) Ravel, ministre plénipotentiaire - 2e poste le plus important après l'ambassadeur - de l’ambassade d’Israël à Paris, m’a accordé cette interview dont la première réponse est diffusée sur Youtube. Exclusif. Le 28 mars 2016, Yedioth Ahronoth et Ynet ont organisé en Israël une conférence contre le BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions). Parmi les orateurs : Reuven Rivlin, Président  d'Israël, Ron Lauder, président du World Jewish Congress, Lars Faaborg-Andersen,  ambassadeur de l'Union européenne (UE) en Israël -  avec "30 milliards d'euros/an, l'Etat juif est le premier partenaire commercial de l'UE et un de ses plus importants partenaires en sciences et technologie" -, et Roseanne Barr, actrice américaine.

1ère partie : Pourquoi un mathématicien appelle au boycott d’Israël ?
3e partie : L’« idyllique » Vanessa Paradis et les autres boycotteurs d'Israël
4e partie : Vives réactions aux motions universitaires françaises prônant le boycott d’Israël
5e partie : Après le refus de l’Université Paris VII de boycotter Israël, le combat continue 

De nombreuses associations appellent aux boycotts d’Israël : boycott d’entreprises, d’universitaires, de réalisateurs israéliens… Quelle est la position du gouvernement d’Israël à l’égard de ces appels aux boycotts ?

Ces appels sont illégaux, immoraux et contre-productifs.

Premièrement, ils sont illégaux car la loi française appelle clairement contre la discrimination visant un peuple, une nation ou une religion. Et ces appels aux boycotts sont un appel à la discrimination contre l’Etat d’Israël, contre le peuple juif.

C’est immoral. S’il y a une leçon à tirer de l’Histoire, de l’Histoire de notre peuple, c’est qu’on ne peut pas prendre à la légère ces appels à la discrimination. Il faut les prendre plus au sérieux. On l’a vu avec le discours du président iranien Ahmadinejad au Liban. Dans ses discours, il appelle, de manière répétée ces dernières années, à rayer Israël de la carte. C’est quelque chose qu’il faut prendre très au sérieux. Le président Ahmadinejad n’est pas le seul à faire cette revendication. Il y a le Hezbollah, le Hamas, et d’autres extrémistes dans la région.

Quand on entend en France des gens délégitimer le droit d’Israël à exister, à se défendre et à développer ses relations économiques et culturelles avec le peuple français et avec la France, c’est un signe extrêmement dangereux qu’il faut combattre avec tous les outils, légaux et moraux.

Finalement, c’est contre-productif. Nous essayons de créer un environnement de paix, un climat de confiance entre les Israéliens et les Palestiniens.

Sur le terrain, il y a des immenses efforts à faire pour créer des coopérations, par exemple dans le domaine économique. Le parc industriel à Bethléem avec la France, avec les sociétés israéliennes qui veulent y investir, avec les Palestiniens, nous voulons le développer. C’est un pas important. Il faut encourager, les représentants israéliens encouragent, les hommes d’affaires israéliens et français à investir à Bethléem, à Ramallah. Le sort économique du peuple palestinien sera amélioré. C’est seulement à ces conditions-là que nous aurons la paix avec nos voisins.

C’est l’intérêt de tous les pays arabes, des Palestiniens, d’aider à développer Israël, son économie, sa sécurité. C’est seulement en construisant cette confiance, cette coopération qu’on pourrait arriver à la paix.

Il faut regarder ce qui s’est passé depuis 62 ans, depuis la création de l’Etat d’Israël. Au début, il y a eu la guerre contre l’Etat d’Israël pour essayer de l’éliminer. On se rappelle toujours, ces jours-ci, des protocoles de la guerre de 1973, ce drame où on a été attaqué le jour le plus sacré du peuple juif (Nda : le jour de Kippour, « jour du grand Pardon »).

Puis il y a eu des attentats terroristes en Israël, contre Israël, pour essayer de le menacer.

Maintenant, il y a cette campagne de délégitimation.

La seule chose qui n’a pas encore essayée sérieusement par les pays Arabes, par la Ligue Arabe, par le peuple palestinien, c’est la main tendue vers les Israéliens.

Ce dont on a le plus besoin maintenant, c’est de la main tendue et de la paix.

Une loi a été adoptée par la Knesset pour sanctionner en Israël le boycott…

Elle n’est pas encore adoptée. Il y a eu une proposition de loi.

Israël est une démocratie. Mais il faut mettre aussi certaines limites dans une démocratie.

La liberté, c’est par exemple la liberté d’expression.

Mais la discrimination, le racisme, ce n’est pas la liberté, et il faut mettre un terme aux actions visant à discriminer toute une population.

En France, il y a une loi claire contre le boycott. Et cette loi est appliquée.

En France, Sammy Ghozlan (1), qui dirige le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), a déposé des dizaines de plaintes contre X pour faire sanctionner ceux qui appellent au boycott d’Israël. Hier, le 14 octobre 2010, le Tribunal correctionnel de Pontoise a prononcé la relaxe (2) de deux prévenus, Alima Boumediene-Thiery, sénatrice (Verts) et Omar Slaouti (Nouveau parti anticapitaliste, NPA), pour des raisons de procédure et de forme. Il n’a donc pas statué sur le fond…


Il faut regarder le fond.

Le fait que des hommes politiques français appellent au non respect de la loi française, c’est étonnant et doit être dénoncé par tout le milieu politique français.

Nous faisons confiance au système juridique français pour dénoncer ces appels.

De plus, il est vraiment difficile de comprendre que ces gens appelant aux boycotts prétendent faire avancer le processus de paix. Pensent-ils que le boycott, la discrimination contre les Israéliens, ou la délégitimation d’Israël vont convaincre les Israéliens de faire plus de compromis ? C’est contre-productif.

Si ces hommes politiques de la gauche et de l’extrême-gauche françaises souhaitent la paix, s’ils veulent aider les Israéliens et les Palestiniens à avancer vers la paix, il faut essayer de trouver des coopérations, et non pas appeler aux boycotts d’Israël.

Sans les plaintes du BNVCA, il n’y aurait pas eu de procès. Ni le Parquet, qui est placé sous l’autorité du ministre de la Justice, ni aucune autorité israélienne n’avait initié ces procédures judiciaires…

Depuis que ces appels ont commencé, il y a eu plusieurs niveaux de réactions.

Au niveau du gouvernement français, nous étions en contact avec les autorités françaises. Le gouvernement français a pris des décisions importantes.

Premièrement, la garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, a pris ces appels aux boycotts au sérieux et a donné des instructions claires aux procureurs afin de faire le nécessaire contre le boycott.

De même, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a agi pour assurer la sécurité dans les supermarchés ou dans les lieux de présence israélienne.

La communauté juive s’est mobilisée. Je remercie les nombreux intellectuels français et associations juives actifs contre le boycott d’Israël : ils sont intervenus dans les médias, dans les procédures judiciaires, sur Internet.

En France, une immense majorité des hommes politiques (3), des organisations, juives et non juives, des intellectuels œuvrent contre ce boycott. Et l’ambassade d’Israël à Paris aussi.

Est-ce légalement possible que les autorités politiques ou diplomatiques israéliennes portent plainte contre les hommes politiques et organisations qui appellent aux boycotts d’Israël ?

Notre responsabilité comme représentants de l’Etat d’Israël, c’est de coopérer avec les autorités françaises, avec la communauté juive française, avec les organisations luttant contre le racisme et contre la discrimination, avec les intellectuels français pour expliquer l’absurdité de ces appels aux boycotts qui sont un encouragement à la violence et à la haine entre les peuples. C’est notre rôle et c’est ce que fait l’ambassade d’Israël en France.

Nous investissons beaucoup d’efforts dans ce domaine, y compris en des rendez-vous avec des responsables français, avec des intellectuels, avec des journalistes, avec des représentants de la communauté juive en France.

Je suis convaincu que la plus grande majorité des Français comprennent qu’il est absurde, dans des efforts pour avancer vers la paix, d’appeler aux boycotts d’Israël et à la violence.

A-t-on une évaluation financière du coût pour l’économie israélienne de ces appels aux boycotts ?

Je crois que le plus grand problème aujourd’hui c’est l’effort pour délégitimer le droit d’Israël à exister, le droit d’Israël à se défendre, et l’image d’Israël. C’est cela notre défi aujourd’hui. Là, nous concentrons tous nos efforts.

Souvent ces dernières années, dans les événements pas seulement économiques, mais aussi sportifs ou culturels – festivals de cinémas -, il y a eu ces actes violents avec des gens qui ont appelé au boycott d’Israël. Or, Israël, c’est une démocratie, c’est un pays ami de la France.

Nous investissons beaucoup dans le développement des relations bilatérales avec la France, et ces relations s’approfondissent dans de nombreux secteurs.

En matière commerciale, nous enregistrons de bons résultats, y compris une plus grande participation israélienne dans des expositions commerciales à Paris, tel le SIAL (Salon international de l'agroalimentaire) où se rendront une vingtaine de compagnies israéliennes. Y sont prévus de nombreux rendez-vous entre sociétés israéliennes et chaînes françaises pour développer leurs liens.

Donc, si l’on regarde les chiffres, on enregistre un effort positif dans les relations économiques.

Cela ne veut pas dire qu’on doit être naïf ou complaisant envers ces appels aux boycotts, ou envers ces actes violents à l’égard de l’Etat d’Israël.

Au contraire, ce sont des menaces réelles contre la paix et contre l’existence de l’Etat d’Israël.

Comment expliquez-vous que des dirigeants de l'Autorité palestinienne appellent au boycott d’Israël ?

C’est quelque chose d’impossible à comprendre. Si on appelle à la coexistence, à la paix, comment peut-on en même temps appeler aux boycotts et à la discrimination contre l’Etat d’Israël ? C’est incompréhensible.

L’Etat d’Israël et le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou appellent de manière très répétée Mahmoud Abbas à retourner à la table des négociations, à négocier sérieusement pour arriver à un accord complet sur tous les dossiers.

Ensuite, il faut travailler sur le terrain pour créer le climat de confiance nécessaire entre les peuples.

Pour vivre en paix, c’est la seule chose à faire aujourd’hui.


(1) En raison des plaintes qu’il a déposées, Sammy Ghozlan est visé par des menaces et une « fatouah de députés algériens » (Me Gilles-William Goldnadel).

La pétition de soutien à Sammy Ghozlan intitulée Non à l'appel à la « haine » d'EuroPalestine a été lancée sur Internet.

Le 4 octobre 2010, les responsables de Raison Garder, dont Raphael Drai, ont exprimé leur solidarité à l’égard de Sammy Ghozlan. Ils ont rappelé « que ces actions judiciaires sont menées, tant sur le fond qu'au regard de la procédure suivie, dans le cadre strict de la législation de notre pays », ont souligné « que la condition de parlementaire ou de responsable d'association exige d'autant plus le respect de ces dispositions, au lieu de leur transgression systématique et délibérée », et « que les procédures en cours font toute leur place aux droits de la défense ». Ils ont exprimé leur inquiétude « à propos de l'ingérence dans la vie judiciaire française de députés et sénateurs algériens qui croient devoir prendre à partie nommément le président du BNVCA dans des termes particulièrement insultants ».

Le 14 octobre 2010, le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) a exprimé sa « solidarité avec Sammy Ghozlan, qui est le constant objet d’insultes et de menaces physiques graves ».

(2) Le Tribunal a estimé que les raisons de la convocation des prévenus ne leur avaient pas été signifiées et qu’il manquait un acte de procédure susceptible d'interrompre la prescription.

(3) Question orale du député Eric Raoult (UMP) en mai 2009
Réponse de Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, en mai 2009

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Article publié le 21 octobre 2010 et modifié le 19 décembre 2011.

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