Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

mardi 23 mai 2023

Hans Christian Andersen (1805-1875)

Hans Christian Andersen (1805-1875) était un romancier auteur de contes de fées pour enfants : La Petite Sirène, Les Habits neufs de l'empereur, La Reine des Neiges, La Petite Fille aux Allumettes... Il a présenté des personnages juifs de manière positive, et avait pour amis d'influents danois juifs. « Hans Christian Andersen - Au-delà des contes » est un documentaire de Wilfried Hauke. En fin d'article, le texte de ma conférence pour Limoud 2024 - le Danemark en était l'invité d'honneur - sur Andersen, le judaïsme et les juifs.

Raymond Aron (1905-1983) 
« ENS : L'école de l’engagement à Paris » par Antoine de Gaudemar et Mathilde Damoisel
Archives de la vie littéraire sous l'Occupation 

Hans Christian Andersen (1805-1875) était un auteur de contes pour enfants - La Petite Sirène, Les Habits neufs de l'empereur, La Reine des Neiges, La princesse au petit pois, La Petite Fille aux Allumettes - et nouvelles, romancier, dramaturge danois.

« Ma vie est un beau conte de fées, riche et heureux », écrit-il dans son autobiographie (Mit Livs Eventyr) car il était né dans un milieu pauvre - son père était cordonnier. Le Vilain Petit Canard retrace sa métamorphose en cygne.

Surnommé par Alexandre Dumas « le bon, l'aimable poète danois », Andersen se lie, durant ses voyages à l'étranger (Turquie, Italie, Suisse, Espagne), avec des auteurs : Chamisso en Allemagne, Heinrich Heine, Honoré de Balzac et Alphonse de Lamartine chez Virginie Ancelot. En Allemagne, le roi lui décerne l'Ordre de l'Aigle rouge en 1846.

En décembre 1860, le roi Christian IX de Danemark le reçoit à Copenhague et le nomme conteur de ses enfants. 

Judaïsme et juifs
Un pogrom "a lieu à Copenhague le jour même de 1819 où Hans Christian Andersen, âgé de quatorze ans, arriva dans la capitale". Hormis cet évènement dramatique, "les Juifs danois bénéficiaient, par la Constitution de 1849, comme d'autres minorités, des droits civils."

Enfant, Hans Christian Andersen a été brièvement scolarisé par sa mère dans une école à Odense, car un des professeurs de sa précédente école, publique, le battait. C'est l'unique établissement scolaire dont il garda un bon souvenir et qu'il dut quitter à sa fermeture en 1811. Il y avait des condisciples juifs.

En 2012, a été découvert La bougie en suif ("The Tallow Candle"), un conte de fées inédit, vraisemblablement le premier écrit par le jeune Andersen. C'est l'histoire "d'une petite bougie qui avait été négligée jusqu'à ce qu'un amadou voit sa beauté intérieure, l'allume, et lui fournit de la lumière pendant longtemps, pour le grand plaisir de tous ceux qui l'entourent. Cela sonne comme une bougie de Shabbat pour moi !", a analysé Saul Jay Singer, juriste et collectionneur d'art judaïca.

Dans sa jeunesse, Hans Christian Andersen a aussi souhaité épouser une jeune femme juive, Sarah Heimann qui a rompu car elle trouvait son soupirant trop absorbé par ses créations littéraires, par son monde imaginaire.

"Andersen a promu des écrivains juifs, dont le dramaturge allemand Herman Mosenthal, dont il a non seulement traduit les œuvres en danois, mais a agi pour qu'elles soient jouées sur la scène danoise", a souligné Saul Jay Singer.

Andersen était un voyageur fréquent qui s'appuyait sur une abondante correspondance pour préserver ses importantes amitiés. 

Erik Dal a étudié les personnages juifs dans l'oeuvre de Hans Christian Andersen. Rien qu'un violoneux (1837) "rompt avec une tradition littéraire ridiculisant les juifs". Dans le roman, Andersen décrit le ghetto de Rome, la belle, pauvre et jeune juive Naomi, qui fuit par sa conversion et son mariage avec un noble, son monde, et le fils violoniste d'un pauvre tailleur chrétien. Le talent musical de Christian ne mène jamais à rien de remarquable, tandis que Naomi devient une dame de la mode internationale, mariée à la noblesse. Mais elle reste déracinée et malheureuse".

Dans son drame “Ahasuerus” (1847), Andersen évoque le Juif errant Ahasuerus, un personnage caractéristique de l'antisémitisme chrétien, de l'Antiquité jusqu'à son arrivée sur le continent américain avec Christophe Colomb. Il le présente de manière empathique.

En 1855, Andersen écrit La Juive. "Sara était la seule enfant juive inscrite à l'école catholique. Elle était également la plus intelligente. Au cours de religion, elle ne pouvait pas écouter le professeur : le dernier souhait de sa mère avait été que jamais elle ne devienne catholique. Cependant, elle résolvait bien trop rapidement les calculs qu'on lui donnait à faire pendant le cours de religion, et son professeur la surprit plusieurs fois à écouter le cours. L'unique solution qu'avait son père était dès lors de la retirer de cette école..." C'est un livre qui présente de manière positive, sans préjugé antisémite, les Juifs, tout en restant fidèle à l'idée que seul le christianisme amène au salut.

Être ou ne pas être
(1857) "oppose le jeune Niels Bryde qui perd la foi de son enfance au profit de la science, et la juive Esther qui lit les Livres saints de toutes les religions et se convertit, mais meurt jeune. La perte ramène Niels à sa croyance en l'immortalité. L'auteur aborde la discussion contemporaine sur le matérialisme et la science par rapport à la foi traditionnelle, et Esther, comme la bonne juive Sara, sont des exemples du conflit."

En 1870, dans son roman Peer le chanceux, Andersen décrit un maitre de chant qui cite des proverbes du Talmud.

Andersen a entretenu des relations épistolaires, notamment des "centaines de lettres à des amis juifs proches, dont Martin Ruben Henriques, agent de change, et sa femme, Thérèse (née Abrahamson), qui ont été les premiers à lui ouvrir leur porte alors qu'il était un jeune écrivain en difficulté. Lorsque le très respecté Henrique se rendait à la shul de Krystalgade avec ses dix fils chaque Shabbat, il était accueilli par des cris comme "Voilà le roi des Juifs et tous ses fils",  a souligné Saul Jay Singer.

Et Saul Jay Singer de rappeler : les "destinataires d'au moins 415 lettres connues d'Andersen étaient Moritz Melchior (1816-1884)" - "un ancêtre de l'ancien vice-ministre israélien des Affaires étrangères, le rabbin Michael Melchior" - et sa femme, Dorothea (1823-1885), fille de Ruben Henrique. Elle descendait de juifs portugais et a été élevée dans une maison orthodoxe et elle a épousé Moritz dans une synagogue de Copenhague en 1846." Ce couple mixte unissait une juive sépharade à un juif ashkénaze. 

La famille Melchior était d'origine allemande, de la ville de Hambourg. "Né dans une riche famille juive de Copenhague, Moritz Melchior a rejoint l'entreprise familiale juste après sa bar mitzvah et est devenu un commerçant danois prospère qui a occupé des postes publics importants à Copenhague, dont conseiller municipal au conseil municipal de Copenhague (1851-1869), membre du Tribunal maritime et commercial (1862–1883) et membre de la Chambre haute du Parlement (1866–1874). Il a co-fondé et dirigé la société danoise de libre-échange, géré la Chambre de commerce dès 1873 et réorganisé la police de Copenhague".

Moritz Melchior "était également un membre éminent de la communauté juive, siégeant en tant que membre, puis Président de son Comité représentatif. C'était un grand humanitaire et un philanthrope qui soutenait beaucoup ses coreligionnaires et autres personnes dans le besoin, et ses activités caritatives étaient toujours menées discrètement et sans rechercher la reconnaissance publique".

Les Melchior "ont reçu une variété d'invités célèbres, dont Andersen, qui est devenu un ami si proche qu'ils le considéraient comme un membre de leur famille. La santé d'Andersen ayant décliné après une chute en 1872, les Melchior ont installé leur ami célibataire et sans enfant dans leur maison près de Copenhague en lui donnant une chambre particulière où il a écrit certaines de ses dernières œuvres, dont Peer le chanceux. Andersen a dédié son dernier recueil d'histoires aux Melchior, qui se sont occupés de lui jusqu'à sa mort d'un cancer du foie en 1875."

En 2000, pour le 125e anniversaire de la mort de l'auteur, l'Etat d'Israël a rendu hommage à Hans Christian Andersen en imprimant des timbres postaux conçus par "Samuel Katz, un artiste membre du Kibbutz Evron. Ces timbres représentent la Petite Sirène amoureuse, regardant le palais où vit le prince, le duo de tailleurs tordus habillant le roi insensé avec les vêtements spéciaux qu'ils avaient cousus et le vilain petit canard soumis à un examen minutieux par ses amis. L'oblitération spéciale sur le pli premier jour a été faite dans la ville de Bat Yam, qui signifie en hébreu fille de la mer, ou sirène.

« Hans Christian Andersen - Au-delà des contes »
Arte diffusera le 28 mai 2023 à 06 h 05 « Hans Christian Andersen - Au-delà des contes » de Wilfried Hauke.

« Illustre auteur de contes, Hans Christian Andersen laisse aussi derrière lui une oeuvre plastique méconnue. Plongée documentée dans l’âme poétique, inquiète et emplie d’images de l’auteur de "La petite sirène". »

« Né en 1805 à Odense, au Danemark, Hans Christian Andersen a épousé la soif d’innovations de son siècle, avide de progrès, de vitesse et d’images ». 

« Celles-ci surgissent au fil de sa plume mais aussi des nombreux clichés que ce passionné de photographie prendra de lui et de son œuvre picturale foisonnante ». 

« Car le célébrissime conteur danois était aussi un artiste plasticien méconnu, auteur de délicates silhouettes en papier, d’un vertigineux paravent aux multiples collages, de scrapbooks avant l’heure et de dessins à l’encre peu académiques mais au trait alerte. » 

« Fils de cordonnier, Hans Christian Andersen connaîtra grâce à ses contes – il en a publié quelque cent cinquante – gloire et ascension sociale : une réussite qu’il mettra en scène dans des récits autobiographiques un brin revisités ». 

« Mais le journal qu’il tiendra jusqu’à sa mort en 1875 révèle un homme tourmenté, souffrant de solitude et toléré plutôt qu’accepté par la bonne société. "Je suis un vieux célibataire poussiéreux", déclarera au crépuscule de sa vie celui qui fut plus à l’aise dans ses fantasmagories que dans la réalité ». 

« Andersen ne s’autorisera aucune amourette, à tel point que certains de ses biographes voyaient en lui un homosexuel refoulé. »

« Tourné dans différents pays d’Europe, ce documentaire nous ouvre les portes des différents musées danois qui, chacun à leur façon, perpétuent la mémoire de l’auteur de La petite sirène : l’émouvante Maison Hans C. Andersen emplie de ses trésors, le poétique musée de l’Art du papier, peuplé d’ombres chinoises et celui, tout récent, consacré aux contes de fées, qui use de l’interactivité pour explorer son imaginaire. »

« Ponctué d’éclairages d’historiens de l’art et d’artistes, ainsi que de mentions de ses écrits, ce portrait éclaire ce "peintre de la plume", comme il se désignait lui-même, sous un angle inattendu. » 

« Hans Christian Andersen (1805-1875), le Judaïsme et les Juifs »
Conférence du 16 mars 2024
Dans le cadre du Limoud


On connait Hans Christian Andersen (1805-1875), le romancier auteur prolifique de 173 contes de fées pour enfants : La Petite Sirène, Les Habits neufs de l'empereur, La Reine des Neiges, La Petite Fille aux Allumettes...
On sait moins qu’il a présenté, dans ses œuvres – contes, romans, pièces de théâtre – le judaïsme et des personnages juifs sans préjugés antisémites, et qu’il avait pour amis d'influents danois juifs, les familles Melchior et Henriques. La famille Melchior l’a accueilli chez elle, à Copenhague, Andersen à la fin de sa vie. Et c’est dans leur domicile, qu’il décède d’un cancer du foie.
Si des articles ou livres ont été consacrés, en danois ou en américain, sur ces thèmes, aucun article, aucune notice biographique en français ne les a curieusement abordés. Peu de biographies ont approfondi ces thèmes.


En 1622, le roi Christian IV a invité des juifs sépharades, espagnols et portugais, à s’installer au Danemark : il espérait ainsi développer l’économie de son royaume. En 1684, la première congrégation juive est créée à Copenhague. Les Juifs  étaient autorisés à pratiquer le judaïsme dans leurs foyers. Un siècle plus tard, ils peuvent édifier une synagogue à Copenhague – en 1833, la grande synagogue y sera construite. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, des lois ont fixé les domaines d’activités autorisés aux Juifs : cacao, thé, cuir, etc. A la fin du XVIIIe siècle, les juifs ont bénéficié de plus de libertés et droits : être scolarisés dans des écoles publiques ou juives, étudier à l’université de Copenhague... En 1814, un Décret royal a accordé aux juifs l’égalité des droits. Par la Constitution de 1849, les Juifs danois ont bénéficié d’une citoyenneté complète. Environ 1,5 million d’habitants vivaient alors au Danemark, dont environ 4 000 Juifs (0,2%).

« Ma vie est un beau conte de fées, riche et heureux », a écrit Hans Christian Andersen (1805-1875) dans son autobiographie (Mit Livs Eventyr) car il était né dans un milieu très pauvre. Le Vilain Petit Canard retrace sa métamorphose en cygne.

Hans Christian Andersen est né en 1805 à Odense, petite ville (alors la 2e du pays, 5000 habitants) située au nord est de l’île de Fionie qui se trouve au sud du Danemark. Sa famille est très pauvre : père cordonnier (soldat durant les guerres napoléoniennes), mère domestique, puis, veuve, blanchisseuse.

Enfant, Hans Christian Andersen a été brièvement scolarisé par sa mère à Odense dans une école dite « juive » car elle comptait des élèves juifs, parce qu’un des professeurs de sa précédente école, publique, le battait. C'est l’unique établissement scolaire dont il garda un bon souvenir et qu'il dut quitter à sa fermeture en 1811. Il avait six ans.

Andersen rêvait de devenir dramaturge. Et en 1819, adolescent âgé de 14 ans, avec ses maigres économies, il s’est rendu à Copenhague. Un pogrom « a lieu à Copenhague le jour même – 4 septembre 1819 - où Hans Christian Andersen arriva dans la capitale ». Une coalition contre l’empereur Napoléon Ier (1807-1814) s’est formée sur le continent européen. Le Danemark avait soutenu l’empereur français. Les Britanniques ont bombardé sa capitale, un blocus économique a été instauré. D’où une crise financière. 1813 : banqueroute de l’Etat du Danemark. Le bouc-émissaire ? Les juifs accusés de profiter de cette crise. 3 septembre 1819 : à la Bourse de Copenhague, appel aux « bons chrétiens » « d’expulser les juifs, plaie de la ville ». Le pogrom , dans plusieurs villes danoises, a duré 10 jours-deux semaines – juif âgé battu, maisons et commerces juifs attaqués -, jusqu’au rétablissement de l’ordre par l’armée. Le roi Frédéric VI a été surnommé le « roi des juifs » car il a exhorté au retour à l’ordre. Dans Le conte de ma vie et Rien qu’un violoneux, Andersen relate ce pogrom. Dans Le conte de ma vie, il décrit de manière factuelle ce pogrom :
« Le 6 septembre 1819, j’aperçus Copenhague du haut de la colline de Frederiksberg. Je descendis la grande avenue et le faubourg, je pénétrai dans la ville avec mon petit baluchon. La veille de mon arrivée, des manifestations antisémites avaient éclaté, comme il y en avait à cette époque dans différents pays d’Europe. La ville était en effervescence, mais ce bruit ne me surprit point, il répondait à l’image que je m’étais faite de Copenhague, capitale de mon univers ».
Dans Rien qu’un violoneux; il le relate par le bruit des violences, la peur de l’héroïne, des témoignages dramatiques.

Mais l’antisémitisme est demeuré prégnant dans certains journaux appelant les juifs « l’élément étranger ». A la fin du XIXe siècle, les juifs danois étaient parvenus à des fonctions éminentes – avocats, médecins, scientifiques, critique littéraire francophone Georg Brandes, etc. -, mais certains ont du se convertir au christianisme.

Grâce à des bienfaiteurs, Hans Christian Andersen, adolescent, a survécu à Copenhague, a repris ses études, a obtenu son Bac, tout en écrivant des poèmes et romans, et a pu s’inscrire à l’université de la capitale en Lettres. Il a proposé ses pièces de théâtre à des directeurs de théâtre. En vain. La philosophie d’Andersen est que le génie a besoin d’être soutenu, encouragé, complimenté, et bien sûr requiert du travail, pour s’exprimer et réussir.

En 1829, Andersen obtient un succès considérable avec son premier récit d’Un voyage à pied depuis le canal Holmen jusqu'au point d'Amager.

En 1835, son roman L’Improvisateur a été un succès. Un succès surpassé par les Contes racontés aux enfants. L’auteur est conforté dans son statut d’écrivain reconnu, célèbre, aux forts tirages. 

Andersen a fréquenté la haute société danoise, et dans divers pays européens où il s’est lié avec ses confrères : Heinrich Heine, Honoré de Balzac, Dumas…

En décembre 1860, le roi Christian IX de Danemark a reçu Andersen à Copenhague et l’a nommé conteur de ses enfants.


I. OEUVRES
Andersen est un auteur prolifique. Outre ses œuvres – poèmes, romans, contes, pièces de théâtre… -, il est l’auteur d’une correspondance très abondante. Les œuvres littéraires d’Andersen ont généralement une part autobiographique. 

Andersen y a présenté des personnages juifs dénués de tout cliché antisémite.

Chrétien protestant, lecteur de la Bible, il est persuadé que le christianisme est l’aboutissement du judaïsme. Mais il respecte le judaïsme dont il connaît les fêtes, les coutumes.

« La bougie en suif », conte (années 1820)
En 2012, a été découverte dans les Archives danoises La bougie en suif (« Tællelyset », « The Tallow Candle »), un conte de fées inédit, vraisemblablement le premier écrit par le jeune Andersen. 
Une bougie de suif a pour parents un mouton et un creuset. Elle se désespère de plus en plus, car elle ne parvient pas à trouver un sens, un but dans la vie : personne ne l’utilise. Enfin, elle rencontre une boîte d'amadou qui allume sa mèche. La bougie, heureuse, trouve alors sa place dans la vie.
C'est l'histoire « d'une petite bougie qui avait été négligée jusqu'à ce qu'un amadou voit sa beauté intérieure, l'allume, et lui fournit de la lumière pendant longtemps, pour le grand plaisir de tous ceux qui l'entourent. Cela sonne comme une bougie de Shabbat pour moi ! », a analysé Saul Jay Singer, juriste et collectionneur d'art judaïca.

« L’Improvisateur » (1835)
C’est le premier des six romans d’Andersen qui s’inspire de son voyage en Italie. 
Le personnage principal, Antonio, est un jeune Italien qui parcourt l’Italie. Il épouse la belle Lara, et devient propriétaire d’une maison en Calabre.
Avec Bernardo, un ami officier du pape, il visite notamment le ghetto de Rome. Là, ils voient un pauvre Juif être insulté par des jeunes Romains. Bernardo se précipite pour sauver le Juif. (p. 204)

« Rien qu'un violoneux » (1837), 3e roman
« Cet écrit tout entier est inspiré par Dieu ». (Andersen)
Erik Dal a étudié les personnages juifs dans l’œuvre de Hans Christian Andersen. Rien qu'un violoneux (1837) « rompt avec une tradition littéraire ridiculisant les juifs ». 
Le roman évoque le destin malheureux du jeune Christian – 2e prénom de l’auteur, prénom d’usage dans son enfance – né dans un milieu très modeste, fils violoniste talentueux d’un pauvre tailleur, et le destin de Noémie, très jolie juive, orpheline élevée par un grand-père qui meurt dans l’incendie de sa demeure, qui a fui sa condition sociale par un mariage avec un noble, et, déracinée, s’éloigne de sa religion, parcourt l’Europe, sans trouver le bonheur. Elle se montre cruelle envers Christian qu’elle traite de « crasseux ».
Invraisemblances Noémie/écuyer de cirque Ladislaus. Pourquoi Noémie voyage-t-elle si souvent en Europe ? Une figure de « juive errante » ?
Noémie, comme La Juive, est décrite sous des traits avenants, avec des yeux et des cheveux noirs. Des traits physiques des Orientaux.
Andersen évoque le pogrom (p. 628) et il montre l’effroi suscité par la violence des émeutes jamais décrites, mais évoquées par les bruits, les observations d’habitants.
Andersen multiplie les passages sur le judaïsme : 
- la fête des Cabanes (Souccot, p.457, p. 1394) : Christian, enfant, vit dans une maison dont une remise jouxte le jardin du voisin Juif âgé, grand-père de Noémie. « Comme il aurait été heureux rien que de pouvoir… regarder le jardin du Juif. Un monde mystérieux s’y agitait. Un jour, avec sa mère, il était allé dans cette maison, il avait vu la fête des Tabernacles, jamais il ne pourrait oublier la voûte verte de sapin et de feuilles d’asperge, la magnifique grenade sous le grenadier et le délicat pain azyme… Le jardin du Juif, qu’il n’avait jamais vu, lui paraissait être l’Hespérie et la maison de Shéhérazade avec son jet d’eau doré et son oiseau qui parlait ». L’Hespérie était située pour les Grecs à l’ouest, là, dans le jardin des Hespérides poussait l’arbre aux fruits dorés. Le pain azyme est lié à la fête de Pessah, mais peut-être qu’une coutume locale incite le foyer juif à conserver une matza (pain azyme) pour Souccot ; 
- l’enterrement du grand-père de Noémie (465 1395). Joël, serviteur du grand-père murmure : « Ainsi, une boite de copeaux a été ton cercueil, ô riche fils de la race de Salomon ! Le mouchoir de cette pauvre femme a été ton précieux linceul ! Hélas ! Nulle fille d’Israël ne fera ta toilette funéraire, les flammes rouges  s’en sont chargées… Mais c’est quand même dans Betachaïm (cimetière) que l’on érigera ta tombe ! Le pauvre Joël sera tout ton cortège ! Mais tu vas entrer dans ta tombe consacrée, où, un jour, le fleuve noir t’emmènera à Jérusalem ».
- le Livre d’Esther (566, 1412 « Christian a lu l’Ancien Testament… Les histoires bibliques, qui étaient la propre parole de Dieu, n’est-ce pas, chantaient la même consolation. Le berger, le pauvre David, était devenu roi d’Israël, Job avait retrouvé la santé et la richesse, le méchant Haman avait subi la potence, tandis qu’Esther portait la couronne d’or aux côtés de son royal maître »),
- le Livre de Daniel, V, 25 (493, 1401) : « A certains moments, le cœur de l’homme contient des chiffres qu’il ne saisit pas lui-même. Le guide invisible y écrit son mene, mene, tekel, upharzin, une nécessité s’éveille, l’effet en étant un inexplicable « Je dois ! »  ». « Compté, compté, pesé, divisé ». « Ce sont les mots qu’une main invisible inscrivit sur le mur lors du festin de Balthasar pour présager sa chute. Les trois versets suivants, dans le texte biblique, en donnent l’explication » ;
- le Cantique des Cantiques, le Livre de Daniel et le Livre de Samuel (526, 1405). Le parrain de Christian lui raconte l’histoire d’un petit garçon : « Il lisait la Bible, mais il tombait toujours sur le passage du Cantique des Cantiques où la femme délicieuse est le mieux décrite, elle, la plus belle des femmes de Salomon . Il lut l’histoire de Suzanne au bain  et celle de David et Bethsabée  ».

« Ahasuerus » (1847)
Andersen a écrit une vingtaine de pièces de théâtre. (LXIII)
Dans son drame théâtral « Ahasuerus » (1847), Andersen évoque un mythe : le Juif errant .
A Jérusalem, sur le chemin de la Passion, Jésus se serait arrêté devant l’échoppe d’un cordonnier juif qui le repousse sans ménagement. « Le Christ l’aurait alors maudit, le condamnant à marcher sans cesse jusqu’à son retour en gloire à la fin des temps ».
C’est une légende née au Moyen Âge. Un exemple de l’antijudaïsme chrétien. Elle a connu un succès incroyable dans toute l’Europe. Elle a inspiré beaucoup d’images et de récits populaires : Alexandre Dumas, Eugène Sue, Apollinaire... Parfois, les récits sont antisémites, parfois ils présentent le juif errant de manière positive, comme un personnage proche des gens modestes, auréolé du prestige de celui qui a arpenté le monde et les siècles.
Andersen évoque Ahasuerus de l'Antiquité jusqu'à son arrivée sur le continent américain avec Christophe Colomb en 1492, en choisissant certaines dates historiques. Il le présente de manière empathique.

« La Juive » (1855)
En 1855, Andersen écrit La Juive. Orpheline de mère, « Sara était la seule enfant juive inscrite à l'école catholique. Elle était également la plus intelligente. Au cours de religion, elle ne pouvait pas écouter le professeur : le dernier souhait de sa mère avait été que jamais elle ne devienne catholique. Cependant, elle résolvait bien trop rapidement les calculs qu'on lui donnait à faire pendant le cours de religion, et son professeur la surprit plusieurs fois à écouter le cours. L'unique solution qu'avait son père était dès lors de la retirer de cette école... »
A la mort de son père, Sara, qui est pauvre, est employée dans la demeure d’une famille chrétienne. Elle demeure juive, fidèle au commandement biblique de respecter son père et sa mère.
Quand la situation économique de cette famille périclite, elle demeure dévouée auprès de la veuve du propriétaire de la maison, une dame âgée, veille sur elle, lui fait la lecture, notamment de la Bible. En prononçant le mot « Jésus », elle est frappée par la grâce. 
Quand Sara décède, elle est enterrée dans le cimetière juif. Et la lumière solaire qui éclaire des tombes chrétiennes du cimetière proche, éclaire aussi la sienne. Comme si, après sa mort, Sara était devenue chrétienne. Ou comme si la même lumière divine éclairait les tombes chrétiennes et celle d’une juive proche du christianisme.
C'est un livre qui présente de manière positive – Sara est loyale, fiable, sérieuse, dévouée -, sans préjugé antisémite, les Juifs, tout en restant fidèle à l'idée que seul le christianisme amène au salut.

« Être ou ne pas être » (1857)
Être ou ne pas être (1857) évoque le conflit entre la science et la foi, la religion, ainsi que le conflit d’un être humain en matière de religion.
Le jeune Niels Bryde perd la foi de son enfance au profit de la science. Quant à Esther, juive, elle lit Livres saints de toutes les religions et se convertit au christianisme, mais meurt jeune. 
Ce décès inspire à Niels la croyance en l'immortalité. 

« Peer le chanceux » (1870)
L’histoire contrastée d’un enfant pauvre qui devient célèbre par son génie et par son travail et d’un enfant riche qui finit dans la misère par négligence et veulerie.
Dans son roman, Andersen décrit un maitre de chant qui cite des proverbes du Talmud.


II. AMITIES AVEC DES JUIFS 

Dans sa jeunesse, Hans Christian Andersen a aussi souhaité épouser une jeune femme juive, Sarah Heimann qui aurait rompu car elle trouvait son soupirant trop absorbé par ses créations littéraires, par son monde imaginaire.

Andersen était un voyageur fréquent, auteur d’une abondante correspondance pour nourrir ses importantes amitiés. 

Andersen « a promu des écrivains juifs, dont le dramaturge et librettiste autrichien Herman Mosenthal (1821-1877), dont il a non seulement traduit les œuvres en danois, mais a agi pour qu'elles soient jouées sur la scène danoise », a souligné Saul Jay Singer .

En 1833, Andersen séjourne pendant 12 jours Allemagne. A Francfort, il se rend au ghetto, dans la rue même où vit la vieille mère des riches Rothschild. Elle refuse de quitter ces lieux par superstition, elle pense qu'il arrivera malheur à ses fils si elle abandonne sa demeure d'origine. L'un d'eux vit d'ailleurs non loin de là, dans une grande maison, avec valet de pied à l'entrée. Andersen utilise le thème des Rothschild pour son Livre d'images sans images.

Dès 1868, le jeune critique littéraire juif danois francophone Georg Brandes vient lui rendre visite et s'intéresse à ses travaux.

Andersen était considéré à son époque comme étant philosémite : il a servi de médiateur entre des amis juifs et une amie non-juive qui avait écrit un texte émaillé de remarques antisémites et publié dans une revue.

Il a écrit plusieurs centaines de lettres à des amis juifs proches, dont Martin Ruben Henriques, agent de change, et sa femme, Thérèse (née Abrahamson), qui ont été parmi les premiers à lui ouvrir leur porte alors qu'il était un jeune écrivain en difficulté. Lorsque le très respecté Henrique se rendait à la shul de Krystalgade avec ses dix fils chaque Shabbat, il était accueilli par des appels du type « Voilà le roi des Juifs et tous ses fils », a souligné Saul Jay Singer.

Autre famille juive danoise amie d’Andersen : les Melchior. En 1750, le fondateur de la dynastie Melchior quitte Hambourg pour s’installer au Danemark. Il se lance dans le commerce de boissons exotiques - thé, café, rhum – et de sucre. Le commerce se déroule sur plusieurs continents - Antilles danoises, Afrique, Inde – où le Danemark a des colonies ou des comptoirs. 

Et Saul Jay Singer de rappeler : les « destinataires d'au moins 415 lettres connues d'Andersen étaient Moritz Melchior (1816-1884) » – « un ancêtre de l'ancien vice-ministre israélien des Affaires étrangères, le rabbin Michael Melchior » - et sa femme, Dorothea (1823-1885), fille de Ruben Henriques. Elle descendait de juifs portugais, avait été élevée dans une maison orthodoxe et elle « a épousé Moritz dans une synagogue de Copenhague en 1846. »

« Né dans une riche famille juive de Copenhague, Moritz Melchior a rejoint l'entreprise familiale juste après sa bar mitzvah et est devenu un commerçant danois prospère qui a occupé des postes publics importants à Copenhague, dont conseiller municipal au conseil municipal de Copenhague (1851-1869), membre du Tribunal maritime et commercial (1862–1883) et membre de la Chambre haute du Parlement (1866–1874). Il a cofondé et dirigé la société danoise de libre-échange, géré la Chambre de commerce dès 1873 et réorganisé la police de Copenhague ».

Moritz Melchior « était également un membre éminent de la communauté juive, siégeant en tant que membre, puis Président de son Comité représentatif. C'était un grand humanitaire et un philanthrope qui soutenait beaucoup ses coreligionnaires et autres personnes dans le besoin, et ses activités caritatives étaient toujours menées discrètement ».

Les Melchior « ont reçu une variété d'invités célèbres, dont Andersen, qui est devenu un ami si proche qu'ils le considéraient comme un membre de leur famille. La santé d'Andersen ayant décliné après une chute en 1872, les Melchior ont installé leur ami célibataire et sans enfant dans leur maison à Rolighed, près de Copenhague, en lui donnant une chambre particulière où il a écrit certaines de ses dernières œuvres, dont Peer le chanceux. Andersen a dédié son dernier recueil d'histoires aux Melchior, qui se sont occupés de lui jusqu'à sa mort d'un cancer du foie en 1875. »

Israël
En 2000, pour le 125e anniversaire de la mort de l'auteur, l'Etat d'Israël a rendu hommage à Hans Christian Andersen en imprimant des timbres postaux conçus par « Samuel Katz, un artiste membre du Kibbutz Evron. » 
« Ces timbres représentent la Petite Sirène amoureuse, regardant le palais où vit le prince, le duo de tailleurs tordus habillant le roi insensé avec les vêtements spéciaux qu'ils avaient cousus et le vilain petit canard soumis à un examen minutieux par ses amis. 
L'oblitération spéciale sur le pli premier jour a été faite dans la ville de Bat Yam, qui signifie en hébreu fille de la mer, ou sirène.
Odense, actuellement la 3e ville danoise, « jardin du Danemark », est actuellement jumelée avec Petah Tikva (Israël).


Allemagne, 2023, 54 min
Production : Kinescope Film, IDA Film & TV Produktion, Nordmedia, en association avec ARTE/NDR 
Sur Arte le 28 mai 2023 à 06 h 05
Disponible du 14/05/2023 au 11/08/2023


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