Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

vendredi 30 décembre 2022

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789

Après le site parisien des Archives nationales (15 septembre 2021-3 janvier 2022), la préfecture de la Seine-Saint-Denis accueille, dans le cadre du cycle « Les Essentiels », l’exposition itinérante de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce texte fondamental de la Révolution française affirme des droits naturels individuels et collectifs, universels, ainsi que leurs garanties et le fonctionnement d'institutions politiques liées à leur application. 


« Les Archives nationales conservent les archives de l’État depuis le VIIe siècle, composées de millions de documents précieux tant pour leur contribution à la connaissance historique et à la mémoire individuelle et collective que pour leur intérêt patrimonial. Parmi eux, certains sont des marqueurs forts de l’histoire, des jalons de la construction de notre société contemporaine. »

« Ils sont des facteurs de cohésion et interrogent notre présent. »

« Afin de donner à voir et à comprendre ces documents symboliques de l’histoire de la Nation, les Archives nationales initient en septembre 2021 le cycle Les Essentiels, en partenariat avec France Culture et l’Institut national de l’audiovisuel. »

« C’est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, texte fondateur s’il en est, inscrite par l’Unesco au Registre « Mémoire du monde », qui ouvre ce cycle. » 

« Elle a été exposée aux Archives nationales, à Paris (hôtel de Soubise). Elle était accompagnée de la Constitution de 1791 dont elle forme le préambule et, objet remarquable par sa nature et son histoire, de la plaque de bronze sur laquelle elle a été gravée et qui devait être installée dans la colonne de la Liberté qu’il était prévu d’ériger sur les ruines de la Bastille. Mais, témoin de l’époque monarchique, cette plaque a été pilonnée par une masse, le « mouton national », en 1793, et conservée sous forme de compression. »

« Le décret d’abolition de l’esclavage de 1848 succéda à la Déclaration de 1789 au printemps 2022. Les documents suivants sont choisis par les publics, sur place et en ligne, dans une liste indicative qu’ils peuvent enrichir. Du procès des templiers en 1307 à la loi portant abolition de la peine de mort en 1981 en passant par l’Edit de Nantes de 1598, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 ou encore l’ordonnance instituant le droit de vote des femmes en 1944, ce sont autant de documents fondamentaux que nos concitoyens pourront ainsi approcher et mieux connaître. »

« L’accès à ces documents iconiques est gratuit, conformément au principe de « redevabilité démocratique » qui sous-tend le champ des archives publiques depuis la Révolution. Il sera également adapté à tous les publics et une attention particulière a été portée à son accessibilité aux personnes en situation de handicap. »

Pour représenter la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, les Révolutionnaires ont écarté tout style rappelant le christianisme. Marqués comme les autres Français par l'empreinte religieuse, ils ont choisi l'iconographie rappelant les Tables de la Loi données par Dieu à Moïse au mont Sinaï.

« Nous vivons dans une République, magnifique (...) Elle est généreuse, elle est protectrice. Elle donne beaucoup plus de droits que dans tant d'autres pays et nous l'oublions si souvent. Mais avant les droits, il y a les devoirs » (Président de la République Emmanuel Macron, 17 août 2020)
« Les devoirs valent avant les droits » (Président de la République Emmanuel Macron, 31 décembre 2021)
« Dans l'après-Covid [...], on veut poursuivre la redéfinition de notre contrat social, avec des devoirs qui passent avant les droits, du respect de l'autorité aux prestations sociales » (Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, Le Parisien, 29 janvier 2022).
Par ces déclarations infondées juridiquement, ces hommes politiques français ont contrevenu à cette Déclaration révolutionnaire, et modifié en partie le régime politique français.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel depuis 1971, notamment avec ses "réserves d'interprétation", et le "gouvernement des juges" délitent la norme législative, la loi "expression de la volonté générale".

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
« Adoptée le 26 août 1789 et placée en préambule de la Constitution de 1791, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est née des discussions de l’Assemblée constituante. Profondément lié au contexte révolutionnaire, ce texte fondateur abolit l’Ancien Régime et pose les bases de la société française et des différents régimes politiques qui se succèdent. Universel, il connaît un retentissement international et s’impose définitivement à la postérité. »

« Des sources multiples »
« Plusieurs textes étrangers ont servi d’exemples à la Déclaration française de 1789. En 1689, la Déclaration des droits (« Bill of Rights »), imposée aux souverains anglais à la suite de la Glorieuse Révolution, définit les principes de la monarchie parlementaire en Grande-Bretagne. En 1776, les colonies anglaises d’Amérique rédigent des constitutions dont plusieurs comportent une déclaration des droits et adoptent leur Déclaration d’indépendance. Cette dernière a particulièrement influencé les débats de l’Assemblée constituante qui compte plusieurs députés – comme La Fayette – ayant participé à la guerre d’indépendance américaine. S’appuyant sur la théorie des droits naturels, ce texte est souvent considéré comme la concrétisation de l’esprit des Lumières.
Mouvement philosophique, qui s’étend en France des années 1680 à la Révolution, les Lumières tirent leur nom de la volonté de combattre les ténèbres de l’ignorance par la diffusion du savoir. Cette pensée défend la tolérance, la liberté et l’égalité. Elle aboutit à la définition de droits naturels que chaque individu possède du fait de son appartenance à l’humanité (Encyclopédistes). Elle développe la théorie de la volonté générale (Rousseau) et l’idée de la séparation des pouvoirs (Montesquieu). Elle se soucie de la protection de l’individu contre l’arbitraire judiciaire et policier (Voltaire). Les Lumières françaises sont par ailleurs influencées par le philosophe et théoricien politique anglais John Locke (1632-1704), considéré comme le fondateur du libéralisme politique, et par le juriste italien Cesare Beccaria (1738-1794), qui dénonce l’extrême sévérité de la justice de l’époque. »
« En 1789, les grands philosophes français des Lumières ont disparu (Voltaire et Rousseau en 1778, d’Alembert en 1783, Diderot en 1784), mais leurs idées ont profondément imprégné la société. Largement diffusées – dans les salons littéraires, les académies, les loges, les chambres de lecture, les livres, la presse – à une époque où l’alphabétisation progresse, leur impact est considérable. Elles favorisent l’émergence d’une opinion publique, ainsi que la désacralisation du système de l’Ancien Régime, comme en témoignent les cahiers de doléances rédigés en 1789. »
« Élaborés pour les états généraux convoqués le 5 mai 1789, ceux-ci recensent les demandes et les protestations adressées au roi par les trois ordres du royaume. Dans nombre d’entre eux, la noblesse se résout à l’égalité fiscale. Mais, comme le clergé, elle n’entend pas remettre en cause ses privilèges. Le tiers état montre pour sa part un mécontentement profond dont l’une des sources est l’absence de constitution écrite. En réclamant la réforme de l’impôt et de la justice, l’égalité fiscale et civile, et la protection de la liberté individuelle, il dénonce le vieillissement des institutions et l’incapacité de la monarchie à se réformer. »
« La plupart des cahiers restent toutefois modérés. La monarchie n’est pas remise en cause et la féodalité ne l’est que partiellement, avec la demande du rachat des droits féodaux et de la suppression de la justice seigneuriale. Si les cahiers de doléances reflètent l’état des esprits au début de l’année 1789, ils n’annoncent pas pour autant les évènements de l’été à venir. »
« Mais les états généraux ne sont convoqués que pour trouver une solution à la crise financière que traverse le royaume. Les députés du tiers état, bien qu’ils représentent l’écrasante majorité des Français, n’obtiennent pas le principe du vote par tête qui leur assurerait la majorité, contrairement au traditionnel vote par ordre. Le 17 juin, ils se proclament Assemblée nationale et, le 20 juin au Jeu de paume, font le serment de ne pas se séparer avant d’avoir donné une constitution à la France. »

Une oeuvre collective
Rejointe fin juin 1789 par les députés de la noblesse et du clergé, l'Assemblée nomme le 6 juillet un comité chargé d'organiser le travail sur la constitution. Le 9, le rapporteur Jean-Joseph Mounié, propose que la constitution soit précédée d'une « déclaration des droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». Un premier projet est présenté par La Fayette deux jours plus tard. Il est suivi de nombreux autres. »
« Toutefois, le principe d'une déclaration ne fait pas l'unanimité au sein de l'Assemblée. Début août, les discussions sont vives entre ses partisans et ses adversaires. Les enjeux dépassent le débat d’idées. L'Assemblée, qui est composée des députés des états généraux, n'a en effet à l'origine pas été élue pour être constituante. Adopter une déclaration proclamant les droits naturels lui permettrait de s'ériger en incarnation de la loi et lui donnerait une légitimité. Le 4 août, après avoir discuté de la question de doubler la déclaration des droits d'une déclaration des devoirs, l'Assemblée décrète que la constitution sera précédée d'une déclaration des seuls droits de l'homme et du citoyen. »
« Ces travaux sont interrompus le soir même par les circonstances. En effet, suite à l'annonce des évènements parisiens qui engendre la crainte de représailles de l'aristocratie, la Grande Peur a déferlé sur le pays à partir du 20 juillet. Conjuguée à une pénurie alimentaire, elle provoque des émeutes qui s'en prennent le plus souvent aux possédants. Face à l’ampleur de ce mouvement populaire et à l’effroi qu’il provoque chez les propriétaires fonciers, l’Assemblée abolit les privilèges dans la nuit du 4 août. Si cette décision contribue à l'apaisement, elle marque surtout une rupture fondamentale et la disparition du régime féodal. Il convient de consacrer par une proclamation solennelle cette révolution juridique, politique et sociale qui marque le passage de ce que l'on appelle désormais l'« Ancien Régime » à une ère nouvelle, basée sur l'égalité juridique. »
« Le travail déclaratoire reprend le 12 août, après l'adoption des décrets sur l'abolition des privilèges. L'Assemblée charge un comité d’examiner les nombreux projets de déclaration et de les fondre en un seul. Peu satisfaits du projet présenté par celui-ci le 17 août, les députés adoptent comme base de discussion le texte aux formules conciliatrices élaboré par l'un des bureaux chargés de préparer le travail de l'Assemblée avant les séances, le 6e bureau. Entre le 20 et le 26 août, le texte est discuté article par article et ressort profondément modifié du débat, conservant sans modification seulement deux articles sur les 24 du projet initial. Le 27 août, alors que seuls le préambule et 17 articles sont adoptés, l'Assemblée décide de suspendre la discussion pour s'occuper en priorité de la constitution, prévoyant de reprendre l'examen des derniers articles une fois celle-ci achevée. »
« Le 11 septembre, dans le cadre de l'élaboration de la constitution, l'Assemblée accorde au roi un droit de veto suspensif. Mais celui-ci hésite à approuver les décrets adoptés en août sur l'abolition des privilèges et la Déclaration. Il ne s'y résout que le 5 octobre, sous la pression de l'Assemblée et du peuple. La Déclaration est promulguée par des lettres patentes le 3 novembre. Elle ne fait ensuite l'objet que de peu de modifications avant d'être placée en préambule de la Constitution adoptée le 3 septembre 1791. »
« Résultat de divers compromis, la Déclaration de 1789 est ainsi l’oeuvre collective de l’Assemblée. Élaborée alors que celle-ci définit encore ses procédures de travail, le processus qui préside à sa rédaction et à son adoption constitue une véritable expérimentation du travail parlementaire. »

Un contenu révolutionnaire
« Composé d’un préambule et de 17 articles, le texte de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 est clair et concis, accessible à tous. »
« Le préambule ne mentionne ni Dieu, ni la religion, et place la Déclaration sous les auspices d'un Être suprême, acceptable par tous. Il annonce son projet, de rappeler à chacun ses droits et ses devoirs, de mieux faire respecter les actes du pouvoir et d'assurer le bonheur de tous. Les premiers mots de l'article 1er, « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », résument la Déclaration. En détruisant les privilèges et les abus, celle-ci instaure un ordre nouveau dont elle précise les principes fondamentaux. »
« Sur le plan des droits individuels, elle énonce et définit les droits naturels et imprescriptibles de l'homme que sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression (art. 2). La liberté est entendue sous toutes ses formes (art. 1, 2, 7 à 11), tant qu'elle ne nuit pas à autrui (art. 4), et ne peut être limitée  que par la loi (art. 5). Une série de dispositions assure la sûreté des individus face au gouvernement, en garantissant une définition légale des délits et des peines (art. 7 et 8), la non rétroactivité des lois (art. 8), la présomption d’innocence (art. 9), la tolérance religieuse et la liberté des opinions (art. 10). La propriété, inviolable et sacrée, n'est pas définie précisément et est surtout évoquée par rapport à l'expropriation (art. 17). Aucune précision n'est donnée sur la résistance à l'oppression. L’égalité ne figure pas parmi les droits imprescriptibles, mais l’article 1er en énonce le principe, et l'égalité de tous devant la loi (art. 6), l’impôt (art. 13) et, selon les capacités, l'accès aux emplois publics (art. 6) est garantie. »
« La Déclaration précise la nature du pouvoir et pose les fondements d'une nouvelle organisation politique. La souveraineté réside par essence dans la nation dont émanent tout pouvoir et toute autorité (art. 3). La loi est l'expression de la volonté générale (art. 6). Les citoyens y participent personnellement ou par leurs représentants (art. 3, 6 et 14). La séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire est l'élément fondamental de l'organisation des pouvoirs publics (art. 16). Les bases d'un système représentatif sont ainsi posées, proscrivant tout retour à la monarchie absolue. La fonction du roi n'est pas pour autant remise en cause, mais il est sous-entendu que celui-ci, qui n'est pas mentionné, gouverne au nom de la nation. »
« La déclaration ne traite que des droits, et non des devoirs, mais force est de constater que ces derniers apparaissent à travers les diverses bornes qui sont posées. Par ailleurs, les citoyens doivent contribuer au budget de l'État (art. 13 et 14), tandis que la résistance à la loi est tenue pour un crime (art. 7) et qu'une force publique est instaurée pour garantir l'ensemble des droits énoncés (art. 12). »
« Élaboré à grand renfort d'amendements, le texte n'est pas un ensemble cohérent, mais le reflet de la période troublée pendant laquelle il est rédigé. Il omet des points importants qui figuraient dans de nombreux projets initiaux, tels que les droits à l'instruction et à l'assistance publiques, ou la liberté économique. Il ignore les femmes et les esclaves, laissant de côté des parties entières de la société. Mais, malgré tout, son impact dépasse le contexte révolutionnaire, faisant de la France le pays des droits de l'homme. »

Un texte intemporel et universel
« Dès août 1789, la portée de la Déclaration est immense. Elle devait être revue et corrigée une fois la constitution achevée. Mais l'Assemblée, qui craint de la dénaturer, lui apporte seulement quelques modifications de forme en septembre 1791. Connu du peuple dans son état provisoire, le texte est en effet déjà auréolé d'un caractère sacré. Un exemplaire, gravé sur une plaque de cuivre, est ainsi déposé en juillet 1792 dans un coffre placé dans l'une des pierres de la future colonne de la Liberté qui devait être élevée sur les ruines de la Bastille. Toutefois, la destruction de cette plaque métallique, le 5 mai 1793, marque symboliquement le passage de la monarchie à la République. »
« En effet, le texte de 1789 devient rapidement obsolète, remplacé par deux autres déclarations adoptées lors de moments clés de la Révolution. Après la chute de la monarchie en septembre 1792, la Déclaration des droits de la Constitution de l'an I (1793) met l'accent sur l'égalité, interdit l'esclavage et énonce de nouveaux droits, comme les droits aux secours publics et à l'instruction. Après la Terreur, celle de la Constitution de l'an III (1795) insiste sur la propriété, la réserve militaire, et s'accompagne d'une déclaration des devoirs. »
« Concurrencée par le texte de 1793 tout au long du xixe siècle, c'est finalement la Déclaration de 1789 qui s'impose à la postérité comme le texte de référence. C'est en effet elle qui incarne l'esprit de la Révolution. Enseignée à des générations d'écoliers, elle est aujourd'hui connue de tous les Français. Reprise par les Constitutions de 1852, 1946 et 1958, sa valeur constitutionnelle est reconnue officiellement par une décision du Conseil Constitutionnel du 16 juillet 1971. Ainsi placée au plus haut niveau de la hiérarchie des normes et devenue source de droit positif cent quatre-vingts ans après son adoption, elle est désormais l'un des textes les plus invoqués lors du contrôle de la constitutionnalité des lois. »
« Ne mentionnant à aucun moment la France, elle s'adresse de fait à tous les hommes, quelles que soient l'époque et la société dans laquelle ils vivent. Sa portée universelle, quant au droit à la liberté individuelle et à la souveraineté des peuples, en fait un plaidoyer contre l'arbitraire. Elle inspire ainsi des textes similaires au-delà des frontières françaises et ouvre la porte à la définition de nouveaux droits témoignant de l'évolution des mœurs et des questions de société. »
Tout au long du XIXe siècle, de nombreux pays se dotent d'une déclaration des droits. En 1948, les Nations Unies adoptent la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Elle est suivie de plusieurs traités internationaux que les États signataires s'engagent à appliquer : sur la discrimination raciale (1965), les droits économiques, sociaux et culturels (1966), les droits civils et politiques (1966), le patrimoine culturel et naturel mondial (1972), les droits des femmes (1979), la torture (1984), les droits de l'enfant (1989), les droits des travailleurs migrants et de leur famille (1990), la protection contre les disparitions forcées (2006) et les droits des personnes handicapées (2006). D'autres textes sont adoptés à des échelles locales, comme la Convention européenne des droits de l’homme (1950) et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981) qui rappelle le droit des peuples à l'autodétermination. La diplomatie des droits de l'homme est née. »
« La Déclaration de 1789 est inscrite en 2003 par l'Unesco au Registre « Mémoire du monde » qui recense le patrimoine documentaire présentant un intérêt international et une valeur universelle exceptionnelle. L'inscription recouvre la version originale de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la minute originale de la Constitution de 1791, conservées par les Archives nationales, ainsi que la première édition de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, conservée par la Bibliothèque nationale de France. Souvent demandée pour des expositions nationales et internationales, elle a voyagé jusqu’en Corée du Sud. »
La Commissaire scientifique de l’exposition est Céline Parcé, responsable des archives des assemblées parlementaires et consultatives. Département de l’Exécutif et du Législatif.


« TRANSCRIPTION DU TEXTE DE LA DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN 
VERSION DE 1791 »

« Constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen.

ARTICLE 1
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

ARTICLE 2
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

ARTICLE 3
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

ARTICLE 4
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

ARTICLE 5
La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

ARTICLE 6
La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

ARTICLE 7
Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance.

ARTICLE 8
La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

ARTICLE 9
Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

ARTICLE 10
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.

ARTICLE 11
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

ARTICLE 12
La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

ARTICLE 13
Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

ARTICLE 14
Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.

ARTICLE 15
La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.

ARTICLE 16
Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.

ARTICLE 17
La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».


Du 14 septembre au 31 décembre 2022
À la préfecture de la Seine-Saint-Denis 
1 esplanade Jean Moulin, 93007 Bobigny
Tél. : 01 41 60 60 60
Du Lundi au Vendredi de 08 h 30 à 16 h 30. Uniquement sur rendez-vous

Les citations sur le film proviennent du dossier de presse. 

Le mythe « al-Andalus »

Le "mythe al-Andalus" allègue 
la coexistence pacifique interreligieuse - juifs, chrétiens, musulmans - sous domination islamique dont l'Andalousie, conquise par des envahisseurs musulmans, serait l'exemple idéal, admirable. De nombreux manuels scolaires et documentaires, dont « Al-Andalus, une civilisation légendaire » (Die goldene Zeit in Andalusien) de Michael Schwarz, véhiculent ce mythe, qui perdure, occulte la dhimmitude, et demeure source de problèmes graves à ce jour. Le 30 décembre 1066 (3 Tevet 4827), des musulmans assaillent le palais royal de Grenade, alors en al-Andalus (sud de l'Espagne sous domination islamique), et y crucifient Joseph ibn Nagrela, le vizir du roi Berbère et chef des Juifs de la ville. Ils massacrent la plupart des Juifs de Grenade, soit « 1 500 familles juives, représentant environ 4 000 personnes qui disparaissent en un jour » selon la Jewish Encyclopedia


L'Histoire est écrite par les vainqueurs. Et parfois instillée par les vaincus militaires qui remportent ainsi une victoire idéologique.

Al-Andalus
, Al-Ándalus (en espagnol), al-Ândalus (en portugais) désigne les territoires de la péninsule ibérique et du sud de la Franc ayant été au Moyen-âge - de 711 (premier djihad victorieux) à 1492 (chute de Grenade et fin de la Reconquista par les rois catholiques espagnols) sous domination islamique. L'Andalousie contemporaine n'en est qu'une infime partie.

Et c'est cet al-Andalus à son apogée, couvrant la péninsule hispanique et une partie méridionale de la France, qu'a revendiqué l'Etat islamique (ISIS ou ISIL) dans sa carte des conquêtes qu'il visait en 2014.

Le "mythe al-Andalus" véhicule l'idée de la coexistence pacifique interconfessionnelle - juifs, chrétiens, musulmans - sous la domination islamique, dont l'Andalousie conquise par des envahisseurs musulmans, Arabes ou Berbères, et dénommée al-Andalus serait l'exemple parfait, et jamais égalé. 

Il est instrumentalisé pour vanter la tolérance musulmane au Moyen-âge et alléguer, à tort et sans le prouver, que la condition juive aurait été meilleure en "dar al-islam" (domaine régi par l'islam, Nda) que dans l'Occident médiéval chrétien, et que les Arabes auraient préservé et approfondi le savoir antique grec, traduit en arabe, et l'auraient transmis à cet Occident obscurantiste ; ce qui aurait favorisé l'éclosion de la Renaissance et induirait une dette de l'Occident envers le monde islamique.

Malgré tous les ouvrages d'historiens réputés, généralement étrangers, démythifiant al-Andalus, nombre de manuels scolaires français d’histoire "politiquement corrects" présentent ce mythe al-Andalus comme fait avéré.

Ce mythe est véhiculé contre l'Etat d'Israël : occultant les pogroms notamment sous l'Empire ottoman, certains allèguent, à tort, que la refondation de l'Etat juif aurait brisé une coexistence interconfessionnelle millénaire harmonieuse.

Il perdure dans l'enseignement, dans les discours politiques et communautaires, et est partie intégrante du "politiquement correct".

Des faits historiques, dont le pogrom à Grenade en 1066, sont ainsi occultés. La présence de Juifs à Grenade est attestée dès 711. Le 30 décembre 1066 (3 Tevet 4827), des musulmans assaillent le palais royal de Grenade, alors en 
al-Andalus (sud de l'Espagne sous domination islamique dans un royaume berbère dirigé par la dynastie Zirid), et y crucifient Joseph ibn Nagrela, le vizir du roi Berbère et chef des Juifs de la ville. Ils massacrent la plupart des Juifs de Grenade, soit « 1 500 familles juives, représentant environ 4 000 personnes qui disparaissent en un jour » selon la Jewish Encyclopedia. "Ce nombre est supérieur au nombre des Juifs qui ont été tués, pendant la première Croisade, dans l'ensemble des villes et villages de Rhénanie. C'est pourtant cette dernière tragédie que l'on ne cesse de nous rappeler, en oubliant que trente ans auparavant, dans la seule ville de Grenade. il n'y eut pas moins de victimes" (David Littman). Les éditions Provinciales ont republié Le Dhimmi, de Bat Ye'or.

« Aristote au Mont Saint-Michel »
Dans « Aristote au Mont Saint-Michel. Les racines grecques de l'Europe chrétienne » (2008), Sylvain Gouguenheim, professeur d'histoire médiévale à l'Ecole normale supérieure de Lyon, a démontré que "l'hellénisation de l'Europe chrétienne fut avant tout le fruit de la volonté des Européens eux-mêmes... Le Mont-Saint-Michel, notamment, constitue le centre d'un actif travail de traduction des textes d'Aristote en particulier, dès le XIIe siècle. On découvre dans le même temps que, de l'autre côté de la Méditerranée, l'hellénisation du monde islamique, plus limitée que ce que l'on croit, fut surtout le fait des Arabes chrétiens. Même le domaine de la philosophie islamique (Avicenne, Averroès) resta en partie étranger à l'esprit grec".

"Même devenus ténus et rares, les liens avec Byzance ne furent jamais rompus : des manuscrits grecs circulaient, avec des hommes en mesure de les lire. Durant les prétendus "âges sombres", ces connaisseurs du grec n'ont jamais fait défaut, répartis dans quelques foyers qu'on a tort d'ignorer, notamment en Sicile et à Rome. On ne souligne pas que de 685 à 752 règne une succession de papes... d'origine grecque et syriaque ! On ignore, ou on oublie qu'en 758-763, Pépin le Bref se fait envoyer par le pape Paul Ier des textes grecs, notamment la Rhétorique d'Aristote", a rappelé Roger-Pol Droit (Le Monde, 3 avril 2008).

Et Roger-Pol Droit de souligner : "Cet intérêt médiéval pour les sources grecques trouvait sa source dans la culture chrétienne elle-même. Les Evangiles furent rédigés en grec, comme les épîtres de Paul. Nombre de Pères de l'Eglise, formés à la philosophie, citent Platon et bien d'autres auteurs païens, dont ils ont sauvé des pans entiers. L'Europe est donc demeurée constamment consciente de sa filiation à l'égard de la Grèce antique, et se montra continûment désireuse d'en retrouver les textes. Ce qui explique, des Carolingiens jusqu'au XIIIe siècle, la succession des "renaissances" liées à des découvertes partielles."

Et Roger-Pol Droit de poursuivre : "La culture grecque antique fut-elle pleinement accueillie par l'islam ? Sylvain Gouguenheim souligne les fortes limites que la réalité historique impose à cette conviction devenue courante. Car ce ne furent pas les musulmans qui firent l'essentiel du travail de traduction des textes grecs en arabe. On l'oublie superbement : même ces grands admirateurs des Grecs que furent Al-Fârâbî, Avicenne et Averroès ne lisaient pas un mot des textes originaux, mais seulement les traductions en arabe faites par les Araméens... chrétiens !"

Et Roger-Pol Droit d'observer : "Parmi ces chrétiens dits syriaques, qui maîtrisaient le grec et l'arabe, Hunayn ibn Ishaq (809-873), surnommé "prince des traducteurs", forgea l'essentiel du vocabulaire médical et scientifique arabe en transposant plus de deux cents ouvrages - notamment Galien, Hippocrate, Platon. Arabophone, il n'était en rien musulman, comme d'ailleurs pratiquement tous les premiers traducteurs du grec en arabe. Parce que nous confondons trop souvent "Arabe" et "musulman", une vision déformée de l'histoire nous fait gommer le rôle décisif des Arabes chrétiens dans le passage des œuvres de l'Antiquité grecque d'abord en syriaque, puis dans la langue du Coran".

Et Roger-Pol Droit de relever : "Une fois effectué ce transfert - difficile, car grec et arabe sont des langues aux génies très dissemblables -, on aurait tort de croire que l'accueil fait aux Grecs fut unanime, enthousiaste, capable de bouleverser culture et société islamiques. Sylvain Gouguenheim montre combien la réception de la pensée grecque fut au contraire sélective, limitée, sans impact majeur, en fin de compte, sur les réalités de l'islam, qui sont demeurées indissociablement religieuses, juridiques et politiques. Même en disposant des oeuvres philosophiques des Grecs, même en forgeant le terme de "falsafa" pour désigner une forme d'esprit philosophique apparenté, l'islam ne s'est pas véritablement hellénisé. La raison n'y fut jamais explicitement placée au-dessus de la révélation, ni la politique dissociée de la révélation, ni l'investigation scientifique radicalement indépendante".

Et Roger-Pol Droit de remarquer : "Il conviendrait même, si l'on suit ce livre, de réviser plus encore nos jugements. Au lieu de croire le savoir philosophique européen tout entier dépendant des intermédiaires arabes, on devrait se rappeler le rôle capital des traducteurs du Mont-Saint-Michel. Ils ont fait passer presque tout Aristote directement du grec au latin, plusieurs décennies avant qu'à Tolède on ne traduise les mêmes oeuvres en partant de leur version arabe. Au lieu de rêver que le monde islamique du Moyen Age, ouvert et généreux, vint offrir à l'Europe languissante et sombre les moyens de son expansion, il faudrait encore se souvenir que l'Occident n'a pas reçu ces savoirs en cadeau. Il est allé les chercher, parce qu'ils complétaient les textes qu'il détenait déjà. Et lui seul en a fait l'usage scientifique et politique que l'on connaît."

Et Roger-Pol Droit de conclure : "Somme toute, contrairement à ce qu'on répète crescendo depuis les années 1960, la culture européenne, dans son histoire et son développement, ne devrait pas grand-chose à l'islam. En tout cas rien d'essentiel. Précis, argumenté, ce livre qui remet l'histoire à l'heure est aussi fort courageux."

« Al-Andalus, une civilisation légendaire »
« Al-Andalus, une civilisation légendaire » (Die goldene Zeit in Andalusien) est un documentaire partial de Michael Schwarz. 

"Le récit d’un mythe étudié par de nombreux historiens, celui de la coexistence pacifique interreligieuse sous domination islamique. Ce mythe, qui occulte la dhimmitude, est source de problèmes graves à ce jour.

« Pendant huit siècles, juifs, chrétiens et musulmans ont partagé une civilisation commune en Espagne médiévale. Al-Andalus, territoire ibérique ainsi désigné pendant sa domination musulmane du début du VIIIe à la fin du XVe siècle, est souvent considéré comme un paradis perdu, un lieu paisible du vivre ensemble entre les croyants des trois religions monothéistes ».

« Si une cohabitation fut possible, elle n’empêcha toutefois pas nombre de persécutions, de décapitations et de conversions forcées ».

« Cette société multiconfessionnelle reste toutefois unique dans l’histoire européenne et a donné naissance à une culture flamboyante dont les objets d’art, les œuvres littéraires, les monuments et les pièces musicales forcent aujourd’hui encore l’admiration ».

« Historiens et spécialistes de l’art islamique analysent ce riche héritage culturel et le mettent en perspective avec les étapes majeures de ces huit siècles d’histoire, en s’attachant à évoquer les plus grandes figures de cette foisonnante période ».

"Voyage en Al-Andalus, territoire ibérique sous domination musulmane du VIIIe au XVe siècle et point de rencontre des trois religions monothéistes".

Curieusement, le film reprend l'idée selon laquelle le monde islamique aurait assuré la transmission du savoir antique grec et romain au christianisme médiéval qui l'aurait oublié. Une allégation réfutée par l'historien médiéviste Sylvain Gouguenheim dans son livre "Aristote au Mont-Saint-Michel" (2008) en démontrant le rôle de Constantinople dans cette transmission.

Ce film reprend, sans la critiquer, la version islamique de l'Histoire. Ainsi, il allègue sans le prouver que la condition juive en Europe médiévale chrétienne aurait été pire que celle sous domination islamique. En outre, elle impute à Joseph ibn Nagrela, fils de Samuel ibn Nagrela, vizir auprès du roi berbère Badis al-Muzaffar de Grenade, un orgueil ou une arrogance qui aurait suscité l'ire de la foule musulmane le tuant et massacrant quasiment tous les Juifs de Grenade en 1066. Or, divers historiens soulignent le rôle d'écrits anti-juifs d'Abou Ishaq ayant accru la haine des musulmans. Ainsi, Bernard Lewis a énoncé :
« Un ancien poème antisémite d'Abu Ishaq, écrit à Grenade en 1066 est particulièrement instructif à cet égard. Ce poème, qui se dit déterminant dans le déclenchement des émeutes anti-juives de cette année, contient ces lignes spécifiques :
- Ne considérez pas le fait de les tuer comme une violation de la foi. Le fait de les laisser en vie serait une violation de la foi.
- Ils ont violé le pacte que nous avions avec eux, aussi comment pouvez vous être tenus coupables contre les violateurs ?
- Comment peuvent-ils avoir un pacte, quand nous sommes insignifiants et eux prétentieux ?
- Maintenant nous sommes humbles, à côté d'eux, comme si nous avions tort et eux avaient raison ! »
Un documentaire qui édulcore la dhimmitude, "statut de soumission des indigènes non-musulmans – juifs, chrétiens, sabéens, zoroastriens, hindous, etc. - régis dans leur pays par la loi islamique. Corrélé au djihad, il est inhérent au fiqh (jurisprudence) et à la charîa (loi islamique). Les éléments constitutifs de la dhimmitude sont d’ordre territorial, religieux, politique et social. Le pays conquis s’intègre au dar al-islam (16) sur lequel s’applique la charîa. Celle-ci détermine en fonction des modalités de la conquête les droits et les devoirs des peuples conquis qui gardent leur religion à condition de payer une capitation mentionnée dans le Coran et donc obligatoire. Le Coran précise que cet impôt dénommé la jizya doit être perçue avec humiliation (Coran, 9, 29). Les éléments caractéristiques de ces infidèles conquis (dhimmis) sont leur infériorité dans tous les domaines par rapport aux musulmans, un statut d’humiliation et d’insécurité obligatoires et leur exploitation économique. Les dhimmis ne pouvaient construire de nouveaux lieux de culte et la restauration de ces lieux obéissait à des règles très sévères. Ils subissaient un apartheid social qui les obligeait à vivre dans des quartiers séparés [mellah au Maroc, Ndr], à se différencier des musulmans par des vêtements de couleur et de forme particulières, par leur coiffure, leurs selles en bois, leurs étriers et leurs ânes, seule monture autorisée. Ils étaient astreints à des corvées humiliantes, même les jours de fête, et à des rançons ruineuses extorquées souvent par des supplices. L’incapacité de les payer les condamnait à l’esclavage", a résumé l'essayiste Bat Ye'or.

Le mythe de la « coexistence pacifique inter-religieuse »
Le professeur Bernard Lewis fait remonter ce mythe, forgé par les « juifs pro-islamiques », au XIXe siècle :
« L’âge d’or de l’égalité des droits était un mythe, et si l’on y croyait, c’était la conséquence plutôt que la cause de la sympathie juive pour l’islam. Le mythe fut inventé par des juifs d’Europe au XIXe siècle comme un reproche adressé aux chrétiens – et repris par les musulmans de notre temps comme un reproche adressé aux juifs » (Islam, Gallimard, 2005).
Quant à Bat Ye’or, elle démontre « la fonctionnalité stratégique du mythe d’un islam tolérant et pluraliste inventé par la Grande-Bretagne au XIXe siècle… Né précisément en Bosnie-Herzégovine, ce mythe créé par la diplomatie britannique visait à protéger l’intégrité de l’Empire ottoman contre les ambitions de l’Autriche et de la Russie, qui – instrumentalisant les révoltes des chrétiens slaves catholiques et orthodoxes ou grecs – se taillaient des zones d’influence dans les provinces ottomanes d’Europe. Pour calmer une opinion publique anglaise indignée par les massacres des insurgés chrétiens perpétrés par les Ottomans, le Foreign Office justifia son soutien à La [Sublime] Porte en alléguant la tolérance et la justice inhérentes à l’islam du gouvernement turc. Ce régime, décrétait-il, était le mieux adapté aux chrétiens des Balkans, présentés comme des masses sous-humaines ignares. Les Turcophiles européens partageaient ces opinions et vantaient l’Empire turc, modèle d’un gouvernement multi-ethnique et multireligieux, garantissant la paix et le bonheur et une justice égale pour tous ses citoyens sous la loi éclairée islamique – argument constamment martelé par le président bosniaque islamiste moderne Izetbegovic ». Or, « les rapports consulaires de l’époque indiquaient une oppression cruelle des chrétiens dhimmi par l’application des lois de la dhimmitude ».

L’essayiste Bat Ye’or explique ce mythe, qui « adopte la version islamique de l’histoire », par des facteurs géopolitiques, tel « l’équilibre politique » européen au XIXe siècle. Ce mythe justifiait « la défense de l’intégrité territoriale de l’Empire Ottoman, c’est-à-dire la sujétion des peuples qu’il contrôlait. Dans l’entre-deux guerres, la tolérance ottomane se métamorphosa en « coexistence pacifique sous les premiers califes », thème qui constitua la pierre angulaire du nationalisme arabe et une arme idéologique contre les revendications autonomistes d’autres peuples » (Face au danger intégriste, juifs et chrétiens sous l’islam. Ed. Berg International, 2005).

Ce mythe agit en narratif anesthésiant : il masque les enjeux du jihad contre l’Occident ou en Eurabia. Il dissimule cette réalité guerrière et son institution corollaire la dhimmitude, ce statut cruel, inférieur et déshumanisant réservé aux non-musulmans - juifs, chrétiens, etc. - sous la domination islamique. De plus, ce mythe « disculpe l’islam classique, à l’origine du totalitarisme islamiste ». Et, il impose la vision « islamiquement correcte » d’un islam « pacifique » (Pierre-André Taguieff, La nouvelle judéophobie, Fayard Mille et Une nuits, 2002) symbolisé par la civilisation brillante al-Andalus, exemple de « coexistence pacifique entre judaïsme, christianisme et islam » en Espagne médiévale sous la férule musulmane.

Ce mythe comprend aussi celui de la « dette » de l’Occident vis-à-vis des « sciences Arabes/musulmanes ». Il dévalorise ainsi la civilisation chrétienne qui, d’une part, a mis un terme à cette « tolérance » par sa victoire sur les Maures et sa reconquête (Reconquista) progressive, sur plus de sept siècles, 
de la péninsule ibérique, et d’autre part, a échoué à créer l’équivalent d’al-Andalous.

Ce mythe distille et renforce « le sentiment de culpabilité et d’infériorité des Occidentaux vis-à-vis de la civilisation islamique » (Alexandre del Valle, Le totalitarisme islamiste à l'assaut des démocraties. Ed. des Syrtes, 2002).

 Il affuble l’Occident des pires épithètes – obscurantiste (Inquisition), conquérant (croisades, empires), raciste -, et produit un discours anti-israélien. La recréation de l’Etat d’Israël contredit le mythe des « dhimmis juifs heureux ». Louer l’attitude mythique admirable de « tolérance » et irréprochable des musulmans à l’égard des non-musulmans stigmatise a contrario Israël : la recréation de l’Etat d’Israël aurait mis fin à une ère de « coexistence pacifique interreligieuse ». La politique israélienne est déformée au travers d’un prisme mythique biaisé : elle est jugée, et condamnée, à l’aune d’un mythe déguisé en histoire et on requiert d’Israël qu’il se conduise conformément au mythe, ce qui de facto restaurerait le « bon vieux temps » de la dhimmitude, et donc la destruction de l’Etat juif. Ce mythe s’est métamorphosé pour réapparaître sous l’idée de la « Palestine laïque et multiculturelle » remplaçant l’Etat d’Israël. Il contribue à accréditer l’idée dangereuse de la « destruction positive de l’Etat d’Israël » et soutient ceux alléguant : « Nous reconnaissons l’aspiration nationale légitime des juifs et des Palestiniens à un Etat souverain. Nous sommes pour un Etat juif et un Etat palestinien vivant côte à côte, dans la sécurité et la paix. Nous avons reconnu l'Etat juif.  Et qu'a fait cet Etat juif ? Il maltraite les pauvres Palestiniens. Il n’arrive pas ou il refuse de faire la paix alors qu’on connaît les termes d’un accord de paix. Cet Etat d’Israël est perçu comme le pays représentant la plus grande menace pour la paix dans le monde comme le montre un sondage commandé en 2003 par la Commission de l'Union européenne et réalisé auprès de 7 515 Européens... Pour ramener la paix mondiale si précieuse et dans l’intérêt des deux parties concernées, ne serait-il pas préférable de créer un seul Etat où juifs et Palestiniens vivraient ensemble et en bonne entente comme jadis dans la tolérante al-Andalous ? », c'est-à-dire sous domination islamique, avec un statut cruel et inférieur de dhimmi. Une variante « politiquement correcte » de l'« Etat binational ».

Bat Ye’or précise que ce mythe :
« Conforte la doctrine islamique. Il atteste la perfection de la chari’a, seule législation gouvernant, dans le passé, le dar al-islam [Nda : Le dar al-islam est un pays gouverné par la loi islamique], et sa supériorité sur toutes les autres juridictions… La moindre critique du statut des dhimmis est rejetée comme suspecte parce qu’elle entame le dogme de la perfection de la loi et du gouvernement islamiques. Ainsi, la louange de la tolérance et de la justice de l’islam, accompagnée de gratitude, s’intègrent-elles dans les obligations exigées du dhimmi ».
Ce mythe pervers a été relayé par les réseaux juifs et chrétiens de la dhimmitude afin d’influer sur les opinions publiques et donc les politiques gouvernementales, en particulier dans le dialogue Euro-Arabe.

"The Myth of the Andalusian Paradise"
En 2016, Intercollegiate Studies Institute a publié "The Myth of the Andalusian Paradise: Muslims, Christians, and Jews under Islamic Rule in Medieval Spain" de Dario Fernandez-Morera. 
"Scholars, journalists, and even politicians uphold Muslim-ruled medieval Spain—“al-Andalus”—as a multicultural paradise, a place where Muslims, Christians, and Jews lived in harmony. There is only one problem with this widely accepted account: it is a myth. In this groundbreaking book, Northwestern University scholar Darío Fernández-Morera tells the full story of Islamic Spain. The Myth of the Andalusian Paradise shines light on hidden history by drawing on an abundance of primary sources that scholars have ignored, as well as archaeological evidence only recently unearthed".

"This supposed beacon of peaceful coexistence began, of course, with the Islamic Caliphate’s conquest of Spain. Far from a land of religious tolerance, Islamic Spain was marked by religious and therefore cultural repression in all areas of life and the marginalization of Christians and other groups—all this in the service of social control by autocratic rulers and a class of religious authorities. The Myth of the Andalusian Paradise provides a desperately needed reassessment of medieval Spain. As professors, politicians, and pundits continue to celebrate Islamic Spain for its “multiculturalism” and “diversity,” Fernández-Morera sets the historical record straight—showing that a politically useful myth is a myth nonetheless."

Ce livre a été publié en français par les éditions Jean-Cyrille Godefroy sous le titre "Chrétiens, juifs et musulmans dans al-Andalus. Mythes et réalités de l'Espagne islamique" signé par Dario Fernández-Morera, professeur au département d’espagnol et de portugais de l’Université Nortwestern (Illinois), docteur de l’Université Harvard, ancien membre du Conseil national des États-Unis pour le développement des humanités, auteur de nombreux livres sur l’Espagne médiévale, le Siècle d’or, la rencontre de l’Europe et des Amérindiens et l’œuvre des grandes figures de la littérature classique espagnole.

"Universitaires, journalistes et hommes politiques, tous nous présentent « Al-Andalus », l’Espagne sous domination musulmane, comme un paradis multiculturel où musulmans, chrétiens et juifs vivaient en harmonie. Ce conte de fées est un mythe. Dans Chrétiens, juifs et musulmans dans al-Andalus, un ouvrage décapant, l’historien Darío Fernández-Morera révèle la réalité de l’« Espagne arabo-musulmane », à partir de sources volontairement ignorées et de récentes découvertes archéologiques."

"Ce prétendu paradis de la coexistence heureuse a commencé avec la conquête de l’Espagne par le califat islamique. Les armées de l’islam, composées de Berbères incultes, détruisirent un Royaume Visigoth qui avait conservé l’héritage de la culture classique après la chute de l’Empire romain d’occident, et dont le niveau de civilisation était largement supérieur. Loin d’être un espace de tolérance, l’« Espagne musulmane » fut le lieu d’une régression culturelle dans tous les domaines de la vie. Chrétiens et juifs y furent marginalisés et opprimés par des autocrates religieux. Considérés comme subalternes dans une société hiérarchisée, ils furent réduits au rang de dhimmis, et eurent le choix que les gangsters donnent à leurs victimes : payer pour être protégés, ou disparaître. Tandis que politiciens et idéologues continuent de célébrer l’« Espagne musulmane » pour son « multiculturalisme » et sa « diversité », Darío Fernández-Morera montre que cette construction politiquement utile est une falsification de l’histoire."

Le livre est préfacé par Rémi Brague, de l'Institut :
"Nous avons tous besoin d’un paradis. Si l’on ne croit plus à celui qui nous est proposé au Ciel, on le cherchera sur terre. Au XXe siècle, ce fut longtemps l’URSS. Après le Rapport Khrouchtchev, l’amour franchit l’Amour et le paradis terrestre fut transplanté en Chine. On se souvient des articles signés K. S. Karol dans le Nouvel Observateur, en particulier « L’empire éco-céleste » qui vantait le respect maoïste pour l’environnement. Ou ceux de religieux dominicains qui voyaient dans la Chine un vaste monastère—sans voire que les trois vœux y étaient obligatoires… D’autres paradis plus petits comme Cuba, l’Albanie, etc. s’y ajoutaient comme les lunes de ce vaste soleil rouge. Le Cambodge de Pol Pot a encore d’illustres défenseurs. Ces paradis se situant sur notre terre et à notre époque, ils étaient susceptibles de recevoir une confirmation empirique. L’Intourist soviétique et ses équivalents s’en chargeaient. Simon Leys a décrit de façon impayable la naïveté des « intellectuels » occidentaux véhiculés de ferme modèle Potemkine en école Potemkine par les services chinois[1]. Mais l’ennui de ces paradis regagnés est qu’ils pouvaient aussi être infirmés par l’expérience, ce qui ne manqua pas de se produire.

D’où l’avantage d’une autre tactique : projeter ce paradis recherché dans le passé, ce qui le met à l’abri de démentis trop faciles. On vit fleurir ainsi, dans tous les styles, et selon les sensibilités, des époques bénies : L’Empire romain d’avant Constantin comme tolérant, l’Empire aztèque comme proto-socialiste, le XIIIe siècle européen comme apogée de la chrétienté. Pensons aussi à Alexandrie, qui fut aussi le lieu du premier pogrom en l’an 38 de notre ère.

L’Espagne, terre de légendes

L’Espagne est une terre propice aux légendes. Deux exemples, un négatif, et un positif :

(a) La leyenda negrasur les massacres d’Indiens en Amérique, ou sur la fourberie et la cruauté des Espagnols, est lancée par les plumitifs des rivaux commerciaux de l’Espagne, France, Angleterre et Hollande, comme prétexte pour piller les galions qui ramenaient du Nouveau Monde les métaux précieux. Francis Drake et sa piraterie d’État, avec ses équivalents malouins, se trouvaient ainsi légitimés : le vol n’était au fond que de la « récupération ».

(b) Au XIXe siècle, la nostalgie de l’Europe qui se rationalisait pour s’industrialiser a franchi le golfe du Lion, passant de l’Italie à l’Espagne. Mais elle a changé de signe : ce qui intéresse désormais n’est plus la supériorité d’une culture ancienne et raffinée (celle du Grand Tour des nobles anglais), mais au contraire la primitivité de pacotille, les mœurs farouches, mais présumées « authentiques ». Le monument impérissable en est la Carmen de notre Mérimée, pendant espagnol de la Colomba corse du même. On peut ajouter encore trois autres « c » : caramba ! (le sang chaud), corrida (la cruauté, l’amour du sang), castañetas (tout ce qui est « typique », et avec elles les mantilles, les éventails, le flamenco, etc.)

Pourquoi donc ne pas ajouter à ces châteaux en Espagne l’image rose d’une coexistence harmonieuse entre les « trois religions monothéistes » ? Cela aurait eu lieu au Moyen Âge, tant que le sud de la Péninsule était sous domination islamique. Ce bonheur aurait été interrompu par l’irruption des méchants chrétiens du Nord. Ceux-ci auraient apporté, à l’exclusion de tout autre élément culturel, l’intolérance, l’Inquisition, etc.

Pourquoi la légende d’al-Andalus ?

(a) Actuellement, les associations internationales comme la Ligue arabe ou la Conférence des États Islamiques aident à la propagation de tout ce qui fait apparaître le passé islamique comme brillant et l’islam comme RATP (« Religion d’Amour, de Tolérance et de Paix »). En particulier, l’évocation d’Al-Andalus doit démontrer la possibilité d’une renaissance dans le futur de ce qui est censé avoir eu lieu dans le passé. Toute sorte d’idiots utiles, aussi ignorants que bien intentionnés, emboîtent le pas.

(b) En Espagne même, l’autoflagellation est une spécialité reconnue depuis longtemps et pratiquée avec succès dans toutes les régions. Plus particulièrement, l’Andalousie est une région (une autonomia) de l’Espagne actuelle. Al-Andalus, en revanche, désigne la totalité de ce qui, dans la Péninsule ibérique, était sous domination islamique. L’Andalousie actuelle en est une partie, mais le domaine en question comportait aussi le plus gros du Portugal, la Castille, et remontait à peu près jusqu’à la vallée de l’Ebre. Or donc, la junte autonome d’Andalousie se cherche une identité historique qui la distinguerait de ses voisines. Faute de mieux, elle la cherche en se rattachant à un passé idéalisé.

(c) Les Juifs européens, émancipés au XIXesiècle, mais encore sous le coup de diverses restrictions, ont cherché à faire honte aux Chrétiens et à leur donner l’exemple en opposant une « tolérance » islamique à l’Europe catholique, réduite à l’éternel « les croisades et l’inquisition ». Or, les plus grands esprits de l’orientalisme européen étaient justement des Juifs[2].

Il est de fait que les Séfarades expulsés d’Espagne en 1492 furent accueillis dans l’Empire ottoman, où ils produisirent de beaux fruits à Corfou (Albert Cohen), à Salonique, en Bulgarie (Elias Canetti), etc. On mentionne moins souvent un fait symétrique, l’exil des Juifs chassés par les Almohades en 1140 et qui ont trouvé refuge dans la Catalogne et la Provence chrétiennes. Là aussi, la culture en bénéficia, par exemple grâce aux traductions vers l’hébreu d’œuvres arabes de spiritualité, puis de philosophie juives, enfin de textes de philosophes musulmans comme Averroès par les trois générations de la famille Ibn Tibbon.

Dégrisement

Les esprits revenus de leur ivresse apprécieront des ouvrages qui les aideront à appuyer leur intuition : cela est trop beau pour être vrai. Récemment, un éditeur courageux a eu la bonne idée de publier en français le gros livre de Serafin Fanjul[3]. Et voici maintenant celui de Dario Fernandez-Morera, que j’ai donc l’honneur et la joie de préfacer ici.

Les deux auteurs que je viens de nommer, de manière amusante, jouent à compétences renversées : Fanjul, professeur émérite d’arabe à la Complutense (Madrid), se demande surtout quelle est la part d’al-Andalus dans l’identité espagnole d’aujourd’hui. Il intervient dans le débat devenu classique outre-Pyrénées entre deux érudits, tous deux républicains en exil sous Franco, Americo Castro et Rafael Sanchez Albornoz, sur la nature de l’identité espagnole. Le livre français de Fanjul constitue le condensé de deux livres en castillan parus en 2000 et 2004. Certains chapitres, trop centrés sur l’Espagne, par ex. de dialectologie, n’ont pas été repris dans la traduction française. Mais il reste de succulentes perles dans son bêtisier, comme Mérimée qui prend pour « un élégant bâtiment moresque » la Lonja de la sedade Valence. La ville avait été reprise par les Chrétiens en 1238, et le bâtiment construit entre 1482 et 1498 en gothique flamboyant[4].

Quant à Fernandez-Morera, américain, non-arabisant, mais professeur d’espagnol à Northwestern University (Evanston, Illinois), spécialiste de la littérature du Siglo de oro, il s’était déjà fait connaître par des monographies sur des écrivains de cette époque, Garcilaso de la Vega et Cervantes. Il s’interroge ici sur la réalité des récits sur la coexistence harmonieuse (convivencia) des trois communautés musulmane, juive et chrétienne. Il met en évidence ce qui, justement, devrait être évident, et qui est masqué par toute une propagande. Il a la cruauté de mettre en exergue de chacun de ses chapitres une sélection des bêtises qui ont été écrites sur le sujet qu’il y traite.

Soulignons quelques points :

(a) L’Espagne musulmane fut le résultat d’une conquête militaire, nécessairement brutale puisqu’involontaire. Plus cruelle qu’ailleurs ? Pas nécessairement. Mais pas moins non plus (ch. 1). L’avancée des troupes arabes au Sud de la Méditerranée ne fut pas sans rencontrer des résistances. Les Berbères gardent mémoire de la Kahina, souveraine de l’actuelle Tunisie, qui résista aux Arabes jusqu’à ce que ceux-ci s’en débarrassent en l’empoisonnant.

(b) L’Espagne d’avant la conquête arabo-berbère n’était pas vide, ni d’hommes ni de culture. Elle a fourni plusieurs poètes latins, le philosophe Sénèque, l’empereur Trajan. La dynastie des Wisigoths était fortement soumise à l’influence de Constantinople. L’Espagne sur laquelle elle régnait était pénétrée de culture classique. Elle a entre autres produit Isidore de Séville, dont l’encyclopédie a synthétisé le savoir antique et l’a transmis au Moyen Age (ch. 2).

On peut signaler une tendance de l’islam, non universelle, mais pas exceptionnelle non plus, à nier tout ce qui l’a précédé, à le rejeter dans l’« ignorance ». La récente destruction physique des monuments assyriens par l’État islamique est la conséquence d’une attitude intellectuelle plus profonde. L’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie n’est probablement pas à mettre au débit des Arabes, mais la raison donnée dans le récit habituel correspond bien à la tournure d’esprit d’Omar.

En tout cas, dans l’Espagne qui fut soumise à l’islam, il ne subsiste aucune église d’avant la conquête. La Mosquée de Cordoue fut construite en partie avec les pierres d’une ancienne église dédiée à saint Vincent.

(c) La civilisation de l’Espagne sous domination islamique fut certes brillante. Elle le fut en poésie, en philosophie avec Ibn Bajja, Ibn Tufayl et Averroès. En architecture, elle a laissé des monuments remarquables comme la Giralda de Séville, la Mosquée de Cordoue, l’Alhambra de Grenade. Mais qui bénéficia de ces splendeurs ? Comme pour l’histoire des autres régions islamisées, faute de documents, nous ne savons à peu près rien de la paysannerie, laquelle constituait l’énorme majorité de la population[5]. Nos sources ne parlent guère que des citadins, voire des juristes. Al-Andalus était agréable pour ses élites, mais elle n’était pas un paradis de la convivencia.

(d) La culture juive de l’époque a certes été elle aussi brillante. Mais le plus grand, Maïmonide (m. 1204), a dû quitter la péninsule à dix ans et a produit son œuvre en Égypte. Le poète et apologète Jehuda Halevi, auteur du Kuzari, dont « le cœur était en Orient », a voulu mourir en Terre sainte. Ibn Naghrela fut bien un temps vizir d’un roitelet à l’époque des reyes de taifas, mais il finit, avec d’autres de ses coreligionnaires, tué dans un pogrom. Les persécutions n’ont pas manqué non plus, dans la Péninsule comme dans le reste du Maghreb où elles ne cessèrent, horresco referens, qu’avec la présence française[6]…

(e) L’excision des filles était une pratique répandue, ainsi que la lapidation des adultères. Ce qui peut paraître un détail est très révélateur : il y a une abondante poésie amoureuse, mais elle suppose comme son arrière-plan social l’esclavage sexuel : l’aimée chantée par le poète est toujours une concubine, jamais une femme libre (ch. 5).

(f) Il est vrai que la pression sociale s’est accrue au fil du temps en même temps que la pression extérieure des royaumes chrétiens du Nord, et comme conséquence de celle-ci : il fallait « serrer les rangs ». Mais les premières périodes, de la conquête à l’ère omeyyade (756), puis pendant celle-ci, n’ont en rien été des paradis. Destructions d’églises, crucifixions, abondèrent. On notera la scène où Abd-el-Rahman (bien mal nommé) fait brûler le visage d’une esclave qui se refusait à lui (ch. 4). Les campagnes du vizir al-Mansur (Almanzor) ont laissé des souvenirs cuisants.

En résumé, l’Espagne sous domination islamique ne se distingue pas radicalement des autres régions de l’Empire islamique. Elle ne constitue nullement une oasis de « tolérance » et de « coexistence » entre les religions. Sur certains points, elle est même plus sévère qu’ailleurs.

Méthodologie

Pour finir, on peut proposer ici quelques règles, dont la centrale serait de voir les faits dans leur contexte historique, et éviter les évaluations morales. Ceci vaut d’une manière générale. Exemples :

(a) L’accueil d’un conquérant avec des fleurs, etc. Lorsque la Wehrmacht est entrée en Ukraine en 1941, bien des habitants de ce pays qui avait été dévasté par la famine artificielle (Holodomor) voulue par Staline moins de dix ans auparavant, crurent à une libération. Ils devaient vite déchanter. D’une manière générale, on se range souvent « du côté du manche », du côté du vainqueur, dont on ne sait pas encore trop qui il est vraiment. Le conquérant ne le savait d’ailleurs pas nécessairement encore très bien lui-même.

(b) La « tolérance » islamique n’est pas une vertu, car la vertu est toujours le fait de personnes, non de civilisations ou de systèmes politiques. Ce qu’on appelle « tolérance » (dhimma) était la solution d’un problème très concret, qui est l’écrasante disproportion entre la mince couche de conquérants formant la caste dominante et la masse énorme des conquis dont le travail nourrit les nouveaux maîtres comme il nourrissait les maîtres précédents. Elle s’accompagne de mesures humiliantes destinées à exercer sur les soumis une pression. Le système juridique mis en place fonctionne ensuite comme une nasse : il est permis d’entrer dans l’islam, il est interdit d’en sortir.

(c) Une civilisation peut être sur certains points ou sur presque tous plus avancée qu’une autre et avoir fait des découvertes d’une grande importance. Mais la question de la diffusion de ces innovations est autre. Cela vaut d’ailleurs déjà à l’intérieur du monde islamisé. C’est ainsi qu’un chercheur m’a fait remarquer que des savants islamiques pouvaient très bien inventer un algorithme pour résoudre un problème précis, un partage d’héritage, p.ex., et ne pas chercher ensuite à le réutiliser, encore moins à le généraliser.

Dans le cas d’espèce, les acquis d’al-Andalus ont été brillants. Mais cela ne suffit pas pour que l’on puisse parler d’un transfert. Un exemple : les mathématiques arabes étaient au Moyen Âge bien supérieures à celles des Européens. Elles se fondaient sur ce qui était resté des mathématiques (dont l’astronomie) grecques, mais les mathématiciens de langue arabe ne se sont pas contentés de répéter. Ils ont prolongé et dépassé, voire critiqué leurs sources comme en témoignent des titres hardis, celui de Razi, Doutes sur Galien ou celui d’Alhacen, Doutes sur Ptolémée. Mais pouvons-nous être certains de ce qu’ils ont été reçus en Europe ? Gerbert d’Aurillac (pape Sylvestre II) se serait inspiré de connaissances mathématiques d’origine arabe, trouvées dans des couvents catalans, et Léonard de Pise (Fibonacci) dit avoir étudié à Bougie. Faut-il le croire ?

Il est en revanche certain, et même évident, que la médecine arabe, celle de Razi (Rhazès), Avicenne, et d’autres, ont dominé la médecine européenne, dans certaines régions, jusque tard dans le XVIIe siècle[7]. Le cas le plus brillant, bien attesté, est celui de l’optique d’Ibn al-Haytham, Alhazen pour les Latins (m. 1039). Traduit en latin par le polonais Witelo, appelé en latin Vitellion (m. 1275), son traité a été lu par Roger Bacon, et jusqu’à Kepler.

Des analogies, aussi poussées soient-elles, entre deux phénomènes, ne prouvent rien tant que l’on n’a pas donné une explication plausible de la façon dont un phénomène a pu en influencer un autre, où, quand, par quels canaux de transmission, etc. Cela vaut pour l’amour courtois des Provençaux et l’amour odhrite des Arabes ; ou encore pour l’astronomie de l’École de Maragha et celle de Copernic. Adhuc sub judice lis est.

Par ailleurs, des avancées spectaculaires dans une culture ont pu passer inaperçues dans une autre. Ainsi, Al-Biruni (m. 1070), génie universel en chronologie, géodésie, botanique et pharmacopée, et auteur d’une extraordinaire description de l’Inde, remarquable par sa parfaite objectivité, n’est pas entré en Occident avant le XIXesiècle.

(d) On sera prudent avec les notions d’« apports d’une civilisation », de « dette », etc. Ces expressions suggèrent en effet qu’une civilisation pourrait donner quoi que ce soit à une autre. Or, les biens culturels ne sont pas des choses qui voyagent comme des marchandises. C’est bien plutôt la civilisation d’arrivée qui prend ce qui lui convient dans la ou les civilisation(s) de départ. Ces denrées culturelles ne sont reçues qu’au prix d’un travail d’appropriation qui se déroule dans la civilisation d’arrivée, et qui commence par la traduction des textes qui sont le support de ces biens.

(e) On se demandera aussi quel genre de choses la civilisation réceptrice prend de l’émettrice. On observera qu’il s’agit avant tout d’éléments au sens propre : quant au langage, souvent des objets techniques qui entrent dans la culture matérielle en même temps que leur nom entre dans le vocabulaire, parfois des thèmes littéraires, très rarement des règles syntaxiques[8]. Quant à la vision du monde et son couronnement en une religion, à peu près rien. On évitera de confondre religion et civilisation matérielle et de parler, par exemple, des « techniques d’irrigation des musulmans » ; on distinguera également religion et création philosophique. Ainsi, ce qui est passé d’Averroès en Europe est ce qui n’a à peu près aucun rapport avec la religion, à savoir ses commentaires d’Aristote et sa défense de la philosophie contre al-Ghazali.

[1]           S. Leys, Ombres chinoises, Paris, 10/18, 1975.
[2]           Voir p.ex. Ned Curthoys, « Diasporic Visions: Al-Andalus in the German Jewish Imaginary », Arena Journal, 33/34, 2009, p. 110-138.
[3]            S. Fanjul, Al-Andalus, l’invention d’un mythe, Paris, L’Artilleur, 2017, 715p.
[4]           P. Mérimée,  Lettres adressées d’Espagne au directeur de la revue de Paris, I, Madrid, 25 octobre 1830, p. 441.
[5]           Voir R. S. Humphreys, Islamic History. A Framework for Inquiry, Revised edition, Princeton, Princeton University Press, 1991, ch. 12 : The Voiceless Classes of Islamic Society : The Peasantry and Rural Life, p. 284-308.
[6]           Voir les sources réunies en un épais dossier et traduites par David G. Littman et 
Paul B. Fenton, L’exil au Maghreb. La condition juive sous l’islam, 1148-1912, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2010, 792p.
[7]           Voir D. N. Hasse, Success and Suppression.Arabic Sciences and Philosophy in the Renaissance, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2016.
[8]           Une exception fascinante : le piùitalien devenu pioen grec moderne et y remplaçant les formes du gec ancien pour le comparatif en -eroVet, quand s’y adjoint l’article, les superlatifs en -atoV, -istoV."

"Al Andalus, l'invention d'un mythe"
En 2017, L'Artilleur a publié "Al Andalus, l'invention d'un mythe. La réalité historique de l'Espagne des trois cultures" de Serafin Fanjul, membre depuis 2011 de l'Académie royale d'histoire. "Dans l’Europe actuelle confrontée à une immigration musulmane continue, on aime bien se référer au modèle de cohabitation pacifique des trois cultures d’Al-Andalus. L’histoire de l’Hispanie musulmane ou d’Al-Andalus est ainsi un enjeu archétypique. Au Moyen Âge, la Péninsule ibérique aurait connu une remarquable et inhabituelle cohabitation pacifique entre juifs, chrétiens et musulmans. Une admirable symbiose culturelle qui aurait duré vaille que vaille du VIIIe siècle jusqu’à l’expulsion des juifs en 1492, voire, jusqu’à l’expulsion des morisques en 1609."

Professeur de littérature arabe à l'Université autonome de Madrid, "Serafín Fanjul, affirme qu’il s’agissait, dans la réalité des FAITS, d’« un régime très semblable à l’apartheid sud-africain » et d’une époque globalement « terrifiante ». Soulignant que les motifs et les facteurs de luttes et d’affrontements entre l’Espagne musulmane et l’Espagne chrétienne ont été prédominants pendant toute la période concernée, il montre qu’Al-Andalus a été tout sauf un modèle de tolérance. Il ne s’agit pas pour lui de nier qu’il y a eu des éléments de communication culturelle (surtout d’origine hellénistique) jusqu’au XIIe siècle. Mais il s’agit de montrer qu’il n’y a jamais eu un merveilleux système mixte sur lequel aurait reposé la cohabitation pacifique ; qu’il n’y a jamais eu un mode de vie partagé par tous, une même perception du monde valable pour tous."

"Les chrétiens dans al-Andalus"
En 2016, a été publié "Al-Andalus y la Cruz : La invasión musulmana de Hispania" de Rafael Sanchez Saus, professeur d'histoire médiévale à l'université de Cadiz. Il a été doyen de la faculté de philosophie et de lettres de l'UCA (1999-2004) et recteur de l'université San Pablo CEU de Madrid (2009-2011). Membre de l'Académie royale hispano-américaine des sciences, des arts et des lettres, dont il a été le directeur, il est aussi directeur de la Cátedra Alfonso X el Sabio. Il est l'auteur d'une douzaine d'ouvrages, considéré comme l'un des meilleurs spécialistes de la frontière entre maures et chrétiens dans l'Espagne médiévale. "Así surgió Al-Andalus, con la conquista árabe de España entre los años 711 y 719, y con el posterior establecimiento de un sistema como medio para perpetuar el dominio establecido por una pequeña minoría de guerreros musulmanes orientales y norteafricanos sobre los autóctonos cristianos. Este dominio se articuló a través de un régimen que consagraba el sometimiento político, religioso, y la inferioridad jurídica y moral de los cristianos. Aunque las ventajas ofrecidas a los conversos al islam indujeron a muchos cristianos a la apostasía, y otros muchos prefirieron el exilio, todavía hacia 950 Al-Andalus era un país mayoritariamente cristiano. Dos siglos más tarde, la cristiandad se había desintegrado por la inmersión en la cultura árabe y oriental, y por la abierta persecución desatada contra ella por almorávides y almohades. Este libro se ha escrito para dar a conocer la realidad de la vida de los cristianos en Al-Andalus, que poco o nada tiene que ver con las ensoñaciones y falsificaciones interesadas que nutren un mito construido a costa de la verdad histórica, y a la sombra de la crisis de los valores que hicieron posible el surgimiento de España como proyecto alternativo a lo que Al-Andalus supuso".

En 2019, les éditions du Rocher ont publié "Les chrétiens dans al-Andalus. De la soumission à l'anéantissement" de Rafael Sánchez Saus, dans une traduction de Nicolas Klein et avec une préface d'Arnaud Imatz. "L'invasion arabo-musulmane de l'Espagne wisigothique, initiée en 711 pour culminer en 719 avec la conquête de la Gaule narbonnaise, a été l'événement aux conséquences les plus considérables de l'histoire d'Espagne. On oublie souvent que, pendant des siècles, la majeure partie de la population fidèle à la religion chrétienne et la minorité juive ont été soumises à un régime de très forte discrimination. Celui-ci reposait sur la ségrégation sociale, l'absence de liberté religieuse, l'exploitation économique et fiscale, l'immersion culturelle et, en cas de protestation ou de révolte, sur la plus sévère répression. La dureté de ce régime s'est accentuée au fil du temps et a fini par provoquer, dès le XIIe siècle, la complète disparition des communautés chrétiennes et juives d'al-Andalus". Ces chrétiens d'al-Andalus sont appelés des Mozarabes.

Réédité en 2020, "ce livre offre une vision complète de la situation de ces chrétiens espagnols, appelés mozarabes, unique peuple européen médiéval à avoir vécu pendant tant de générations sous la rigueur de la dhimma. Attachés au mythe des Trois Cultures, de nombreux auteurs ont préféré jusqu'ici ne retenir que les aspects prétendument aimables de cette situation, comme la liberté de culte limitée et la relative autonomie interne des communautés chrétiennes, afin de tenter de délégitimer le processus de Reconquête, véritable matrice de la nation espagnole. Il permet, à l'inverse, de mieux faire connaître la réalité de la vie des chrétiens d'al-Andalus, loin des rêves et falsifications intéressées qui alimentent le mythe de la convivialité pacifique entre cultures et religions construit en marge de la vérité de l'histoire." 

Prise de Narbonne
Parmi les commémorations en 2019, figurait, dans la première liste, la prise de Narbonne par les musulmans en 719. 

Dans Les Chrétientés d’Orient (p.328), Bat Ye’or a publié le témoignage d’Ibn al-Athîr sur le djihad par l’armée envoyée par Hichâm,  prince d’Espagne. 

Cette page sur cette commémoration a disparu du site Internet et aucun événement ne s'est déroulé en 2019 pour rappeler la prise de Narbonne par les djihadistes. 

"Al-Andalus, du mythe à l’Histoire"
Le 6 octobre 2019, à Paris, l’Association pour l’Histoire organisa le colloque "Al-Andalus, du mythe à l’Histoire", avec les plus grands spécialistes actuels d'Al-Andalus. Les conférences ont été enregistrées et postées sur la chaine YouTube de l'organisateur.

"Al-Andalus, longtemps connu comme « Espagne musulmane », fut-il le paradis évoqué par certains et un modèle de « vivre ensemble » dont pourrait s’inspirer notre présent ? Pour répondre à cette question et pour apporter sa pierre à la construction d’une approche du passé débarrassée des mythes de l’utopie du multiculturalisme et des préjugés de la pensée « historiquement correcte », l’Association pour l’Histoire organisa ce colloque. Sous l’égide de l’historien Philippe Conrad et en collaboration avec Arnaud Imatz, membre correspondant de l’Académie royale d’histoire d’Espagne, elle a invité les meilleurs spécialistes qui communiqueront successivement les résultats de leurs recherches sur cette question :

Serafín Fanjul : Professeur de littérature arabe à l’Université autonome de Madrid, membre de l’Académie royale d’histoire d’Espagne depuis 2011. A été directeur du Centre culturel hispanique du Caire.

Darío Fernández-Morera : Docteur de l’Université de Harvard. Professeur au département d’espagnol et de portugais de l’Université Northwestern (Illinois). A été membre du Conseil national des États-Unis pour le développement des humanités.

Marie-Thérèse Urvoy : Professeur émérite des Universités. A enseigné l’islamologie, l’histoire médiévale arabe et la philosophie arabe à l’Université de Bordeaux III et à l’Institut Catholique de Toulouse.

Rafael Sánchez Saus : Professeur d’histoire médiévale à l’université de Cadix. A été doyen de la faculté de philosophie et de lettres de l’UCA (Cadix) et recteur de l’université San Pablo CEU de Madrid. Membre de l’Académie royale hispano-américaine des sciences, des arts et des lettres, dont il a été le directeur, il est aussi directeur de la Cátedra Alfonso X el Sabio.

Dominique Urvoy : Professeur émérite des Universités. A enseigné la pensée et la civilisation arabes à l’Université de Toulouse II".

Sur son compte Facebook, l'Association pour l'Histoire a écrit le 2 novembre 2019 : 
"Le colloque organisé par l'Association pour l'Histoire et consacré à al-Andalus a été un succès. C’est un auditoire nombreux et attentif qui a suivi, le 6 octobre dernier, les exposés des différents intervenants réunis par l’APH pour présenter le thème retenu : « Al Andalus, du mythe à l’histoire ».
Philippe Conrad qui introduisait ce colloque a mis en évidence l’instrumentalisation de l’histoire de l'Espagne sous domination musulmane présentée comme un "âge d'or" par les tenants du multiculturalisme contemporain pour imposer le « vivre ensemble » et la présence en Europe d’un islamisme de jour en jour plus conquérant.
Sérafin Fanjul, professeur à l’Université de Madrid et auteur de « Al-Andalus la genèse d’un mythe » (L’Artilleur), a montré comment l’orientalisme des romantiques a contribué à la construction d’une représentation de l’Espagne musulmane toute empreinte d’exotisme, très éloignée de ce qu’a été la réalité d’un pays alors souvent perçu comme étranger à la civilisation européenne.
Evelyne Navarre a lu sa traduction de la communication de Dario Fernandez-Morera, professeur à l’Université de l’illinois et auteur de « Musulmans, juifs et chrétiens dans al-Andalus" (Jean-Cyrille Godefroy). Absent pour des raisons de santé, il présentait en s'appuyant sur les sources historiques une critique de la vision souvent éloignée de la réalité que véhiculent les historiens anglo -saxons au sujet de la coexistence des religions présentes dans l’Espagne musulmane.
Marie-Thérèse Urvoy, professeur à l’Université catholique de Bordeaux puis de Toulouse et islamologue reconnue pour ses travaux consacrés à la loi coranique, a mis en lumière ce qu’était le statut des dhimmis dans les sociétés musulmanes.
Rafael Sanchez Saus, professeur à l’Université de Cadix et auteur des « Chrétiens d’al Andalus » (Editions du Rocher) a rappelé comment cette communauté initialement soumise a été finalement annihilée à l’époque des conquérants almoravides et almohades venus du Maroc aux XIIème-XIIIème siècles.
Dominique Urvoy, spécialiste reconnu d’Averroès et auteur d'une monumentale "Histoire de la pensée arabe et islamique"(Seuil) a montré ce qu’avaient réellement apporté les penseurs d’al-Andalus à l’Europe médiévale , non sans avoir dénoncé le procès intenté il y a quelques année à Sylvain Gouguenheim pour avoir eu le tort d’affirmer que la transmission de l’œuvre d’Aristote à l’Occident médiéval s’était opérée par l’intermédiaire de Byzance, avant que ne fonctionnent au XIIIème siècle les centres de traduction de Tolède.
La conclusion de la journée a été apportée par Arnaud Imatz, spécialiste de l’histoire espagnole, qui a présenté les conditions dans lesquelles s’était formée la "légende noire" espagnole, compilation d'idées reçues, de mensonges et de préjugés qui ont largement contribué, depuis plusieurs siècles, à une méconnaissance des réalités espagnoles de ce côté de Pyrénées.
Tous ceux qui n’ont pu suivre les diverses interventions de ces éminents spécialistes peuvent se procurer les « Actes" réalisés à l’occasion de cette manifestation en les commandant auprès de l’Association Pour l’Histoire : (a-p-h@orange.fr).
Outre les communications des différents orateurs, vous trouverez dans ces actes deux textes de Philippe Conrad et un texte de Jean-Paul Roux qui mettent en lumière le contexte historique:
Sommaire
Carte d'al-Andalus
Philippe Conrad: Une histoire instrumentalisée au service d'une idéologie.
Jean-Paul Roux: L'Andalousie des Omeyyades
Philippe Conrad: La conquête musulmane de l'Occident, (carte: la conquête musulmane)
Philippe Conrad: L'Espagne sous la domination almoravide et almohade
Serafin Fanjul: La construction du mythe d'al-Andalus dans l'historiographie française et européenne
Dario Sanchez-Morera: La vision d'al-Andalus chez les historiens anglo-saxons
Marie-Thérèse Urvoy: Le statut des "dhimmis" et la "tolérance selon les textes islamiques
Rafael Sanchez Saus: Le sort des chrétiens d'al-Andalus
Dominique Urvoy: L'héritage intellectuel d'al-Andalus
Arnaud Imatz: La légende noire espagnole
Chronologie".

Les actes du colloque ont été publiés en un ouvrage élaboré sous la direction de Philippe Conrad.  "Relayant l'exotisme orientaliste qu'ont illustré Les Contes de l'Alhambra de Washington Irving, une curieuse mode "maurophile" (J. Perez) s'est imposée depuis quelque temps dans le paysage historiographique. La fin de l'al-Andalus musulman aurait été une catastrophe historique et culturelle et les royaumes musulmans ibériques auraient été victimes des conquérants "barbares" venus du nord. La Reconquête elle-même - qui a pourtant déterminé, huit siècles durant, l'émergence de la nation espaganole ne serait qu'une invention d'historiens inspirés par une vision "nationale-catholique" portée par le franquisme. Au point que certains, aujourd'hui suggèrent, en guise de réparation, de rendre la cathédrale de Cordoue au culte musulman. Cette lecture de l'Histoire va de pair avec la culpabilisation d'une Espagne catholique accusée de tous les maux - de la conquête du Nouveau Monde aux crimes de l'Inquisition - et avec la valorisation d'un passé musulman paré de toutes les vertus. Ce "paradis multiculturel" favorable au "vivre ensemble" ne correspondait cependant pas à l'image idéale que veulent en donner aujourd'hui nombre de ses défenseurs et il apparaît nécessaire de remettre les choses au point en dénonçant les mensonges et les anachronismes, si fréquents dès que l'on aborde ce sujet . L'émirat et le califat ommeyade de Cordoue, successeurs de la monarchie wisigothique, ont certes développé une brillante civilisation mais la "tolérance" que l'on prête à la société médiévale andalouse n'est qu'un grossier anachronisme et le le sort des dhimmi - chrétiens et juifs - n'était en fait guère enviable. C'est en invitant les meilleurs spécialistes à faire part du résultat de leurs recherches que l'Association Pour l'Histoire entend apporter sa pierre à la construction d'une approche du passé débarrassée des préjugés d'un "historiquement correct" dont les mythes incapacitants n'ont d'autre objectif que de faire accepter par les peuples européens réticents l'utopie multiculturelle que certains s'efforcent d'imposer".


« Al-Andalus, une civilisation légendaire » par Michael Schwarz
Etats-Unis, 2018, 95 min
Sur Arte les 30 novembre 2019 à 20 h 50, 8 décembre 2019 à 15 h 10 et 17 décembre 2019 à 9 h 25
Visuels :
© Kikim Media
© Oronoz


Articles sur ce blog concernant :
Les citations sur le documentaire sont d'Arte. Cet article a été publié les 30 novembre 2019, 31 décembre 2020.