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jeudi 18 mai 2023

György Ligeti (1923-2006)

Rescapé de la Shoah, réfractaire au communisme, György Ligeti (1923-2006) est un compositeur d'avant-garde non dogmatique et professeur de composition juif hongrois, naturalisé autrichien. Des extraits de ses œuvres - Atmosphères, Lux Aeterna, Requiem, Aventuresont été choisies par Stanley Kubrick pour 2001, Une Odyssée de l'EspaceArte diffusera le 22 mai 2023 à 00 h 00 « Ligeti, compositeur de l’extraterrestre » de Herbert Eisenschenk.

Bertolt Brecht (1898-1956) 
Saleem Ashkar
Daniel Barenboim  
« Requiem pour la vie », de Doug Schulz 
 
György Ligeti (1923-2006) est un compositeur hongrois, naturalisé autrichien, né à Diciosânmartin/Dicsőszentmárton (actuelle Târnăveni) en Transylvanie (Roumanie), dans une famille juive hongroise. En 1920, par le Traité de Trianon, la Transylvanie, auparavant dans l'Empire austro-hongrois, est placée dans le royaume de Roumanie et, après le Deuxième arbitrage de Vienne, entre 1940 et 1944, elle est occupée par la Hongrie. 

Les ancêtres de György Ligeti "étaient juifs, vivant à l'entour du lac Balaton, à l'ouest de la Hongrie, et en Bohême. Les Autrichiens imposaient alors la langue allemande, ce qui explique le nom de son grand-père paternel, Auer, et celui de son grand-père maternel, Schlesinger. Mais, à la fin du XIXe siècle, lors de la magyarisation nationaliste, la plupart des juifs et des Allemands qui habitaient en Hongrie adoptèrent des noms hongrois. C'est ainsi que la famille Auer (« pâturage ou pré », en allemand) devint la famille Ligeti" (« de la prairie », en hongrois).

Le père de György Ligeti"Sándor Ligeti dirigeait une filiale de banque roumaine dans une région de langues hongroise et allemande". 

György Ligeti est apparenté au violoniste Leopold Auer (1845-1930), soliste de l’Orchestre Impérial de St. Pétersbourg et professeur de Jascha Heifetz, et à la philosophe Ágnes Heller.

Quand il a six ans, sa famille déménage à Cluj, la deuxième ville la plus importante située en Transylvanie, alors en Roumanie. György Ligeti étudie au Conservatoire de Cluj, en suivant le cours de Ferenc Farkas. 

"L'année 1933 marquera une date fatidique dans sa vie, puisqu'il sera doublement haï, en tant que Hongrois par les Roumains (qui se souvenaient de leur discrimination par l'administration hongroise avant 1919), et en tant que juif." 

"Comme plusieurs artistes de sa génération, György Ligeti vécut difficilement la complexité de ses origines et le passage d'une identité culturelle à une autre : « Je suis né en Transylvanie comme citoyen roumain. Cependant, enfant, je ne parlais pas roumain et mes parents transylvaniens non plus. [...] Ma langue maternelle est le hongrois, mais je ne suis pas un véritable Hongrois, car je suis juif. Mais, n'étant pas membre d'une communauté juive, je suis un juif assimilé. Je ne suis cependant pas tout à fait assimilé non plus, car je ne suis pas baptisé. Aujourd'hui, adulte, je vis en Autriche et en Allemagne, et je suis citoyen autrichien depuis longtemps. Mais je ne suis pas non plus un vrai Autrichien, seulement un immigré, et mon allemand aura toujours un accent hongrois ». Sa carrière en souffre d'autant plus que son père le destine à une profession scientifique, refusant dans un premier temps la véritable vocation de son fils. Lorsqu'il finit par céder, György a déjà quatorze ans. Ses dons ne tardent pas à se révéler et à s'affirmer grâce aux cours particuliers de piano qu'il reçoit (la famille Ligeti ne possède pas de piano). Il découvre alors l'univers harmonique des sons, leur organisation dans un espace structuré et tonal."

En 1940, la partie septentrionale de la Roumanie est annexée par la Hongrie, et donc Cluj devient une partie de la Hongrie.

En 1943, les lois antisémites hongroises du régent Horthy  - son armée a réoccupé la majeure partie de l’ex-territoire de Transylvanie peuplé de Hongrois mais dévolu à la Roumanie par le traité de Trianon - et du régime des Croix fléchées contraignent György Ligeti à interrompre ses études. En 1944, il est contraint de rejoindre un groupe soumis au travail obligatoire. Dans sa famille, seule sa mère échappe à la Shoah. Son projet de Requiem", conçu comme une "messe funèbre pour toute l'humanité", aboutit en 1965.

Après la Deuxième Guerre mondiale, György Ligeti étudie la musique, notamment l'ethnomusique ou folklore hongrois, et la composition à l’Académie Franz Liszt à Budapest, puis, après l'écrasement de la révolte anti-communiste en 1956, il fuit avec sa femme psychiatre Véra à Vienne car il était bridé dans son style musical par le régime communiste.

« Je n'ai pas choisi les tumultes de ma vie. Ils m'ont plutôt été imposés par deux dictatures meurtrières : d'abord par Hitler et les nazis, puis par Staline et le système soviétique », a déclaré Ligeti Ces expériences feront de lui un compositeur profondément anti-totalitariste, méfiant des prises de position absolues au point de refuser l'adhérence aux différentes dogmes et prescriptions strictes de l’avant-garde musicale, qu’elles soient défendues par Boulez ou Stockhausen, dont il admire pourtant les idées et les œuvres." 

Après l'écoute du Gesang der Jünglinge de Karlheinz Stockhausen, il contacte ce compositeur allemand (1928-2007) qui l'intègre dans son studio de Cologne. Là, il fait la connaissance de Pierre Boulez, Luciano Berio et Mauricio Kagel, avec qui il collaborera.

En 1959, il se fixe à Vienne et obtient en 1967 la nationalité autrichienne. 

Il enseigne à Darmstadt et à l'École royale supérieure de musique de Stockholm. En 1973, il est titulaire d'une chaire de composition au conservatoire de Hambourg.

Pièce pour piano seul, opéra, musique de chambre, orchestre, musique électronique, poème symphonique pour 100 métronomes... L’œuvre de Ligeti se caractérise par sa diversité, ses titres teintés parfois d'humour, et intègre l’orgue et le clavecin. L'influence de Béla Bartók est sensible dans les oeuvres, dont le Premier quatuor à cordes caractérisé par une progression mathématique - les intervalles utilisés augmentent progressivement à chaque mouvement en commençant par le demi-ton -, de la période hongroise de Ligeti. Ligeti n'adhère pas au dodécaphonisme ou à la musique sérielle. 

"Alors que ses contemporains cherchent à révolutionner la musique en se libérant par exemple des codes de la notation, Ligeti rejoint et prolonge la longue tradition de la notation occidentale en écrivant avec précision chaque son et chaque note à produire dans sa musique, affirmant ainsi son adhérence à l'héritage de la musique occidentale que ses contemporains tentent précisément de détruire. Coincé entre sa passion pour les maîtres du passé, dont Monteverdi et Gesualdo, et les expérimentations avant-gardistes de Boulez et de Stockhausen, Ligeti passera sa vie à s’inspirer des deux sans pour autant s’afficher partisan de l’un ou de l’autre : « Je suis dans une prison : un mur est l'avant-garde, l'autre est le passé et je veux m'en échapper » dit-il en 1993. Le jazz fait également partie des genres de prédilection du compositeur, et notamment la musique de Gil Evans et de Thelonious Monk. Il citera aussi Bill Evans comme influence majeure pour ses célèbres Etudes pour piano solo."

Dans ses films, le réalisateur Stanley Kubrick utilisa à plusieurs reprises - la première fois sans autorisation de l'auteur - la musique de György Ligeti, notamment Atmosphères, Requiem, et Lux Æterna dans 2001, l'Odyssée de l'espace (« le monolithe noir »), Musica ricercata dans Eyes Wide Shut (le thème au piano, « comme un coup de poignard dans le cœur de Staline », d’après Ligeti), Lontano dans Shining.

Membre de l'Académie roumaine, Ligeti est membre du jury du « Prix de composition Tōru Takemitsu » en 1998.

En 2003, il est distingué par le Prix Kossuth.

Décédé à Vienne, il est inhumé au cimetière central de la capitale autrichienne, dans le carré des tombes d'honneur des musiciens (33G), à proximité  du pianiste autrichien de jazz, Joe Zawinul.

« Ligeti, compositeur de l’extraterrestre »
Arte diffusera le 22 mai 2023 à 00 h 00 « Ligeti, compositeur de l’extraterrestre », documentaire allemand de Herbert Eisenschenk (2023).

« Révolutionnaires, ses œuvres exigent une virtuosité qui frôle l’impossible et semblent venir d’un autre univers. Par ses proches, portrait du compositeur d’origine hongroise György Ligeti (1923-2006), qui explora les limites de la musique. »

« Né en Transylvanie en 1923, le Hongrois György Ligeti – devenu citoyen autrichien en 1967 – fut considéré comme l’un des compositeurs les plus novateurs de son temps ». 


« Le grand public le découvre à travers les films de Stanley Kubrick, notamment 2001, l’odyssée de l’espace, mais aussi Shining et Eyes Wide Shut. »

« Le pianiste Dominic Harlan et son père Jan Harlan, beau-frère de Kubrick, expliquent comment sa musique a trouvé sa place dans l’univers du cinéaste ». 

« L’altiste Tabea Zimmermann raconte leur rencontre et leur collaboration tandis que sa veuve, la psychanalyste Vera Ligeti, retrace avec émotion son parcours de musicien, et que leur fils Lukas, également compositeur, se confie sur le père qu’il fut ». 

« Un portrait ponctué de nombreuses archives laissant la parole à György Ligeti lui-même. »


« Ligeti, compositeur de l’extraterrestre » de Herbert Eisenschenk
Allemagne, 2023, 53 mn
Coproduction : ZDF/ARTE, Kinescope Film, ORF
Sur Arte le 22 mai 2023 à 00 h 00
Sur arte.tv du 21/05/2023 au 19/05/2024
Visuels : © Robert Angst

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