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lundi 8 août 2016

« Lise Meitner, mère de la bombe atomique » de Wolf von Truchsess et Andreas G. Wagner


Arte a rediffusé « Lise Meitner, mère de la bombe atomique » (Lise Meitner - Die Mutter der Atombombe), documentaire (2012) de Wolf von Truchsess et Andreas G. Wagner. Viennoise Juive, devenue physicienne en dépit du sexisme des milieux universitaires des années 1900 et indéfectible pacifiste, surnommée par Albert Einstein la « Marie Curie allemande », Else (« Lise ») Meitner (7 novembre 1878-27 octobre 1968) a découvert en 1938 la fission nucléaire. En 2016, le Japon a commémoré le 71e anniversaire de l'explosion de la bombe atomique, le 6 août 1945, à Hiroshima, causant 140 000 morts. Le 9 août, les pilotes américains ont largué une bombe à plutonium "Fat Man" sur Nagasaki, causant 60 à 80 000 morts. Le 15 août 1645, le Japon impérial capitulait.


La vie de Lise Meitner illustre le sexisme du Prix Nobel, l’antisémitisme nazi qui a privé l’Allemagne d’une des plus grandes physicienne et les croyances erronées de pacifistes.

Les travaux scientifiques de Lise Meitner auraient dû lui valoir le prix Nobel.

La « Marie Curie allemande »
Elise (« Lise ») Meitner est née en 1878 à Vienne, alors dans l’empire austro-hongrois, dans une famille Juive nombreuse. Son père, Philip Meitner, est l’un des premiers avocats Juifs autrichiens, et un libre penseur, membre de la bourgeoisie libérale. Les enfants Meitner grandissent dans un milieu cultivé, stimulés à poursuivre leurs études.  Lise Meitner apprend le piano, s'intéresse aux mathématiques et aux sciences, et  cultive son indépendance d'esprit et sa capacité d'étonnement.

La scolarité des filles s’achevait lorsqu’elles avaient 14 ans. Le Gymnasium (lycée) leur était interdit, tout comme les cours de mathématiques et physique.

Les femmes sont admises à l’université en 1897. Avec deux autres jeunes filles, Lise Meitner prépare pendant deux ans l’examen final de l’enseignement secondaire, la Matura, afin de s’y présenter en candidate externe et de pouvoir étudier à l’université. En 1901, elle entre à l’Université de Vienne. Elle est mue par "la soif de connaissance, et la recherche de la vérité".

Devenue en 1906 la deuxième femme docteur de l’université de Vienne, elle obtient l’autorisation de travailler à Berlin aux côtés de Max Planck à une époque où les laboratoires prussiens étaient interdits aux femmes.

Après une année d’études de physique, chimie, mathématiques et botanique, Lise Meitner se spécialise en physique. Elle suit les cours du célèbre physicien théoricien Ludwig Boltzmann qui l'encourage. Malade, cet universitaire se suicide en 1906.

En 1905, Franz-Serafin Exner, physicien expérimentateur aux travaux pionniers sur la radioactivité, dirige le doctorat de Lise Meitner sur les équations de Maxwell. Lise Meinter soutient en décembre 1905 son mémoire sur la conduction de la chaleur dans les solides inhomogènes. Composé de Boltzmann et Exner, le jury lui décerne la mention summa cum laude, et son diplôme lui est remis en février 1906.

Grâce à Paul Ehrenfest, ancien étudiant de Boltzmann, Lise Meitner lit les articles de Lord Rayleigh, notamment celui sur un effet d’optique inexpliqué. Elle découvre l’explication et ouvre, par ses recherches, de nouvelles pistes.

Elle s’initie aux procédures expérimentales pour étudier la radioactivité auprès de Stefan Meyer, assistant à l’Institut Boltzmann. Elle s’intéresse particulièrement à l’absorption des rayonnements alpha et bêta dans les métaux.

Toute carrière académique lui étant interdite, Lise Meitner s’installe à Berlin en 1907. Là, le professeur Max Planck l’autorise à suivre ses cours. Elle travaille dans le laboratoire de Heinrich Rubens, professeur de physique expérimentale. Et évolue dans un vivier de scientifiques et Prix Nobel.

Elle se lie d’amitié avec le jeune chimiste Otto Hahn, assistant à l'institut dirigé par Emil Fischer. Tous deux collaboreront durant 30 ans. Spécialiste de la radioactivité, le tandem gagne une reconnaissance internationale. Il se complète : Lise Meitner, théoricienne, Otto Hahn expert en chimie analytique.

En 1911, est créée la société Kaiser-Wilhelm pour l’avancement des sciences (KWG), un organisme composé de plusieurs instituts de recherche. Lise Meitner y rejoint Otto Hahn qui dirige le département de chimie.

Lors de la Première guerre mondiale, tandis qu'Otto Hahn conçoit des gaz de combat, Lise Meitner s’engage comme infirmière dans un hôpital militaire, radiologue sur le front de l’Est. "La science est ma patrie", déclare-t-elle.

En 1916, elle retourne poursuivre ses recherches à Berlin.

L’année suivante, elle est nommé directrice du département de physique du KWI-C.

Les travaux de Meitner et Hahn concernent la radioactivité : découverte d’isotopes, du protactinium (1918). Lise Meitner effectue des recherches en physique nucléaire, découvre la transition non-radiative, mesure la masse du neutron, étudie les réactions nucléaires artificielles, veille à la construction d’un accélérateur de particules, etc.

En 1934, elle conçoit un programme avec Otto Hann et Fritz Strassmann qui aboutira en 1938 à la fission nucléaire.

En 1933, Otto Frisch, scientifique et neveu de Lise Meitner, est contraint de fuir l’Allemagne nazie qui écarte les Juifs de la fonction publique, puis de la KWG financée par des capitaux privés et publics. Parmi les rares scientifiques Juifs tolérés par les Nazis : Lise Meitner protégée par sa nationalité autrichienne jusqu’à l’Anschluss (annexion de l’Autriche par l’Allemagne) en mars 1938.

La physicienne est contrainte de quitter l’Allemagne en juillet 1938. Cette apatride se réfugie aux Pays-Bas, puis en Suède dont elle obtiendra la nationalité en 1949.

De son exil suédois, par des correspondances et des rencontres, elle aide Otto Hahn à comprendre et à théoriser la fission nucléaire, la fission des noyaux lourds – une découverte fondamentale qui vaudra à ce scientifique le Prix Nobel de chimie en 1944. Sexisme ou antisémitisme ? Aucune indication ne mentionne Lise Meitner.

Avec son neveu Otto Frisch, elle présente la première explication théorique de la fission nucléaire.

Par conviction pacifiste et éthique, Lise Meitner refuse de rejoindre les scientifiques qui participent au projet Manhattan pour réaliser l’arme nucléaire destinée à exploser en Allemagne. En juillet 1945, la première bombe atomique américaine est testée dans le Nouveau Mexique.

La scientifique est horrifiée en 1945 par le bombardement atomique d’Hiroshima et de Nagasaki, « application militaire de ses découvertes théoriques ». Elle évoquera auprès d'Otto Hahn ce "cauchemar permanent" constitué par la bombe atomique. 


Après la Seconde Guerre mondiale, Lise Meitner écrit à Hahn : “Vous avez tous travaillé pour l'Allemagne nazie. Et vous avez tenté d'offrir seulement une résistance passive. Certainement, pour acheter votre conscience, vous avez aidé ici et là une personne persécutée, mais des millions d'êtres humains innocents ont été autorisés à être assassinés sans qu'aucune sorte de protestation n'ait été émise … [On dit que] d'abord vous avez trahi vos amis, ensuite vos enfants dans le sens où vous les avez laissés risquer leur vie dans une guerre criminelle – et finalement vous avez trahi l'Allemagne elle-même, parce que la guerre était déjà presque désespérée, vous ne vous êtes pas armé contre la destruction insensée de l'Allemagne”.

Installée en Angleterre en 1960, Lise Meitner n'est jamais retournée en Allemagne. 

Elle survit de trois mois à la mort d'Otto Hahn (1879-1968) et décède le 27 octobre 1968. 

Elle est toujours demeurée opposée à l’arme nucléaire.

Pourtant, c’est l’arme nucléaire américaine qui a permis la paix en Europe après la Seconde Guerre mondiale grâce au parapluie nucléaire américain.

Synthétisé en 1982 par des scientifiques allemands, l'élément 109 a été nommé "meitnérium" en hommage à Lise Meitner. Des cratères sur la Lune ou sur Vénus portent le nom de cette scientifique.

En 2014, le Japon a commémoré le 69e anniversaire de l'explosion de la bombe atomique Little Boy larguée par le bombardier B-29 Enola Gay, le 6 août 1945, à Hiroshima, causant 140 000 morts. 

En 2016, le Japon a commémoré le 71e anniversaire de l'explosion de la bombe atomique, le 6 août 1945, à Hiroshima.


de Wolf von Truchsess et Andreas G. Wagner
Allemagne, 2012, 52 mn
Diffusions les :
-   2 février 2013 à 20 h 50,  5 février 2013 à 10 h 25 et  9 février 2013 à 11 h 25 ;
8 mars 2014 à 12 h 25.

Visuels : © Jürgen Herrmann

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Cet article a été publié le 1er février 2013 et republié le :
- 6 août 2013 car le Japon commémorait le 68e anniversaire de l'explosion de la bombe atomique, le 6 août 1945, à Hiroshima, causant 140 000 morts. Le 15 août 1645, le Japon impérial capitulait ;
- 28 octobre 2013 ;
- 7 mars, 6 août et 27 octobre 2014, 6 août 2015.

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