Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

dimanche 18 février 2024

« Riss : le procès Papon »

Le Mémorial de la Shoah présente l’exposition didactique « Riss : le procès Papon » doté d'un mini-site. « Avril 1998 : au terme d’un procès historique et long de 6 mois, Maurice Papon (1910-2007) est condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour son rôle dans l’arrestation de 1 600 Juifs alors qu’il était secrétaire général de la préfecture de la Gironde entre 1942 et 1944. Pour l'hebdomadaire
Charlie Hebdo, le dessinateur Riss a suivi l’intégralité du procès en retraçant l’intensité de ce moment historique à travers plus de 400 dessins d’audience ». L'exposition présente une soixantaine de planches de Riss sur ce premier et « dernier procès de l'épuration » : celui « d’un fonctionnaire de Vichy pour complicité de crimes contre l’humanité ». Un haut fonctionnaire qui avait évolué, avant guerre, dans des cercles du centre, proches du parti radical de gauche. Entrée gratuite.

« Julia Pirotte, photographe et résistante »
Régine Stépha Skurnik, ancienne combattante volontaire de la Résistance
Vichy
Archives de la vie littéraire sous l'Occupation 
Pierre Dac. Du côté d’ailleurs
Des enfants juifs cachés sous l'Occupation
Après la Shoah. Rescapés, réfugiés, survivants 1944-1947 
« La Babel des enfants perdus » par Théo Ivanez
Le Musée de la Libération de Paris - Musée du Général Leclerc - Musée Jean Moulin 

« Seul procès d’un fonctionnaire de Vichy pour crimes contre l’humanité, le procès Papon (1997-1998) a marqué son époque. Envoyé spécial de Charlie Hebdo à Bordeaux, Riss en a donné l’un des rares reportages complets, et le seul qui soit illustré.
La force de ces croquis, c’est d’abord le regard de leur auteur, l’œil du caricaturiste qui sait capter la force et l’émotion de telle déposition, le ridicule de tel témoin de moralité ou la comédie jouée par l’accusé tout au long des débats.
Sauf exception, Riss ne s’intéresse pas aux à-côtés du procès. On est enfermé, avec lui, dans la salle d’audience, et toujours du côté des victimes ».
Laurent Joly, commissaire scientifique de l’exposition

« D’octobre 1997 à avril 1998, Maurice Papon (1910-2007), ex-secrétaire général de la préfecture de Gironde sous l’Occupation, est jugé à Bordeaux et condamné à dix ans de réclusion pour complicité de crimes contre l’Humanité. »

« Jusqu’alors, seuls deux procès pour crimes contre l’Humanité s’étaient tenus en France : contre le gestapiste Barbie en 1987 puis le milicien Touvier en 1994, tous deux condamnés à perpétuité. Avec Papon, grand commis de l’État et ministre sous Giscard d’Estaing, c’est un accusé inhabituel qui se retrouve sur le banc d’infamie. Mis en cause dès 1981 par Le Canard enchaîné pour son rôle dans la déportation des Juifs de Bordeaux, l’ancien ministre est finalement renvoyé devant la cour d’assises près de seize ans après le dépôt des premières plaintes… »

« Ce procès aux assises a marqué les esprits :
Parce qu’il est le premier, et le seul, d’un fonctionnaire de Vichy pour complicité de crimes contre l’humanité. Le procès Papon est aussi, symboliquement, le dernier procès de l’épuration.
Parce que de nombreux témoins ont été appelés à la barre.
Parce qu’il fallait que justice soit enfin faite. »

Rappelons que des hauts fonctionnaires français ont bénéficié de curieuses lenteurs judiciaires et d'amitiés politiques. C'est le cas de René Bousquet (1909-1993), collaborateur avec l'occupant nazi durant la Deuxième Guerre mondiale. "Du 18 avril 1942 au 31 décembre 1943, sous le sixième gouvernement de Pierre Laval, il est secrétaire général de la police, faisant fonction de directeur général de la Police nationale, structure créée le 23 avril 1941 par une loi du régime de Vichy."

Ambitieux, il applique la politique du régime en tenant compte de la conjecture politique. "Il est l'organisateur principal de la rafle du Vélodrome d'Hiver des 16 et 17 juillet 1942 et de celles d'août 1942 en zone sud. Il dirige également la police française aux côtés de l'occupant lors de la rafle de Marseille, en janvier 1943. Parfois à son initiative, plus de 60 000 Juifs sont arrêtés par ou avec le concours de la police française pour être remis aux autorités nazies qui en organisent la « déportation vers l'Est », expression allemande de l'époque désignant la déportation vers les camps d’extermination nazis, dont principalement Auschwitz. Vichy n'ignore pas la finalité réelle des déportations".

Vers 1943, quand la victoire des Alliés se précise, René Bousquet oeuvre discrètement en faveur de la Résistance. A la Libération, il comparait très tardivement - en 1949 - devant la Haute Cour de Justice. Son procès dure trois jours, et la Haute Cour de justice acquitte René Bousquet du chef « d'atteinte aux intérêts de la défense nationale », mais le déclare « convaincu du crime d'indignité nationale » car il a participé aux gouvernements sous le régime de Vichy, et le condamne à la peine minimale de « cinq ans de dégradation nationale ». Il en est « immédiatement relevé pour avoir participé de façon active et soutenue à la résistance contre l'occupant ». Il n'est pas inquiété pour ses actions ayant visé les juifs. 
Dès 1950, ne pouvant travailler dans la Fonction publique, il débute une carrière brillante d'homme d'affaires (presse, Banque d'Indochine) et d'influence, tout en se présentant à des élections politiques. Jean-Paul Martin, son ancien collaborateur à Vichy, promu directeur de cabinet de François Mitterrand, ministre de la France d'Outre-mer, fait rencontrer ces deux hommes : sous l'Occupation, à l'initiative de René Bousquet, Jean-Paul Martin avait évité à François Mitterrand d'être interpelé par la Gestapo. 
René Bousquet siège notamment au conseil d'administration d'UTA (Union de transports aériens), dirigée par Antoine Veil (mari de Simone Veil), qu'il avait déjà rencontré aux Chargeurs réunis. En 1978, après la publication par L'Express de l'interview de Louis Darquier de Pellepoix, Antoine Veil obtient la démission de René Bousquet.
En 1981, après la victoire de François Mitterrand à l'élection présidentielle, René Bousquet va à l'Élysée « pour parler politique ». « Je l'écoutais comme on écoute un chroniqueur politique. Il me voyait comme un continuateur d'une carrière qu'il n'avait pas pu faire » (déclaration de François Mitterrand à Pascale Froment).
En 1989, l'association des Fils et filles de déportés juifs de France de Serge Klarsfeld, la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes et la Ligue des droits de l'homme (LDH) portent plainte contre René Bousquet pour crimes contre l'humanité dans le cadre du dossier de la déportation de 194 enfants de six départements du Sud de la France. René Bousquet est inculpé en 1991. Alors que l'instruction se poursuit, mais René Bousquet est assassiné de cinq balles par un déséquilibré, Christian Didier, le 8 juin 1993 à son appartement du 34, avenue Raphaël à Paris. En novembre 1995, Christian Didier est condamné par la cour d'assises de Paris à dix ans de prison. Le 24 février 2000, il est remis en liberté du centre de détention de Toul.

Autre figure : Maurice Sabatier (1897-1989), secrétaire général à l'administration générale (24 février 1941-18 juillet 1941) dans le gouvernement Darlan. Préfet de Gironde en 1942, il a été le supérieur hiérarchique de Maurice Papon, alors secrétaire général de la préfecture et dirigeant le service des affaires juives. Après la Libération ? Mystère. On le retrouve en 1950 Conseiller d'Etat. Il était aussi Commandeur de la Légion d'honneur. En 1981, il a revendiqué « l'entière responsabilité de la répression antijuive dans le ressort de sa préfecture ». Le 20 octobre 1988, il a été inculpé de crimes contre l'humanité pour son action à la préfecture de Gironde pendant l'Occupation. Il est mort le 10 mai 1989. 

« De ce procès hors norme, Riss, envoyé spécial de Charlie Hebdo à Bordeaux, a donné l’un des rares reportages complets (les journalistes ayant suivi, comme lui, toutes les audiences se comptent sur les doigts de la main), et le seul qui soit illustré. » En effet, de nombreuses rédactions et les journalistes couvrant le procès se lassent vite d'un procès dont la durée les embarrasse. Car le temps judiciaire ne correspond pas au temps médiatique. Et l'économie des médias permet rarement d'envoyer un chroniqueur judiciaire suivre un procès durant toute sa durée, a fortiori quand les audiences se déroulent sur plusieurs semaines ou mois. Ajoutons la recherche du scoop, de l'émotion. pour des reportages brefs.

« La force de ces croquis – plus de 600 planches originales, dont une soixantaine exposée ici –, c’est d’abord le regard de leur auteur, l’œil du caricaturiste qui sait capter la force et l’émotion de telle déposition, le ridicule de tel témoin de moralité ou la comédie jouée par l’accusé tout au long des débats. » 

« Sauf exception, Riss ne s’intéresse pas aux à-côtés du procès, au climat malsain qui a pu l’entourer. On est enfermé, avec lui, dans la salle d’audience, et toujours du côté des victimes. »

« À l’occasion des 25 ans du procès, Riss et le Mémorial de la Shoah proposent de découvrir une sélection de ces dessins jamais exposés. »

« Riss, alias Laurent Sourisseau, est un caricaturiste et auteur de bande dessinée français. En 1992, participe à la reparution de Charlie Hebdo auquel il collabore depuis cette date et il en devient le directeur de la rédaction à partir de mai 2009. Blessé à l’épaule droite lors de la fusillade au siège du journal à Paris le 7 janvier 2015, il succède à Charb en tant que directeur du journal. Auteur également des hors-séries Le procès Papon et Le procès Touvier, il a couvert pendant des années de grands procès criminels en tant que dessinateur de presse. » 

Le Commissariat scientifique est assuré par Laurent Joly, directeur de recherche au CNRS, et la coordination de l’exposition par Lucile Lignon, responsable des expositions temporaires, Mémorial de la Shoah, assistée de Zoé Schocké.

« Directeur de recherches au CNRS, Laurent Joly est spécialiste de l’histoire de Vichy et de la Shoah en France. Il est notamment l’auteur de L’État contre les juifs. Vichy, les nazis et la persécution antisémite (2018), et La Rafle du Vel d’Hiv. Paris, juillet 1942 (2022). Il a été un collaborateur régulier de Charlie Hebdo de 2009 à 2015. »

AUTOUR DE L’EXPOSITION
Conférence inaugurale
jeudi 19 octobre
20h
Riss : le procès Papon
« En avril 1998, Maurice Papon est reconnu coupable de complicité de crimes contre l’humanité pour son rôle dans l’arrestation de 1 600 Juifs, alors qu’il était secrétaire général de la préfecture de la Gironde entre 1942 et 1944. Ce procès historique qui, pour la première fois, a jugé un fonctionnaire de Vichy a marqué l’opinion publique notamment parce qu’il a permis à de nombreux témoins de raconter leur histoire, mais aussi parce qu’il n’était pas sans remémorer le procès de Klaus Barbie en 1987, lui aussi accusé de crimes contre l’humanité. »
« Riss, qui avait suivi pour Charlie Hebdo le procès Paul Touvier en 1994, retrace l’intensité de celui de Maurice Papon à travers plus de 400 dessins d’audience. »
« En présence de Laurent Joly, historien, directeur de recherche au CNRS. »
« Animée par Perrine Kervran, productrice à France Culture. »



TROIS QUESTIONS À RISS

« Vous avez assisté au procès de Maurice Papon. De ce procès hors norme, vous avez donné l’un des rares reportages complets et le seul qui soit illustré. En quoi consiste la force de vos dessins ?
RISS : Le dessin permet de faire un compte rendu subjectif du procès. 
C’est un point de vue personnel, à la subjectivité assumée, mais qui essaye de concilier la véracité des faits, des événements qui se sont déroulés dans le procès, avec ma perception. Le dessin permet d’affirmer graphiquement la vision que j’ai eu de cet événement. Les traits des acteurs, leur expression, parfois accentuée, est le moyen mis à ma disposition pour faire partager avec le lecteur ce que j’ai ressenti, tout en l’informant de ce qui s’est dit dans l’enceinte du tribunal.

Quel a été pour vous l’anecdote le plus marquante du procès ?
RISS : Il y a beaucoup de moments marquants dans ce procès car on a pu y voir défiler des figures importantes de la Résistance et des témoins de cette époque qui ont subi les événements. Je ne sais pas si on peut parler d’ « anecdotes », mais un personnage comme Bouchinet-Serreulles qui a assuré l’intérim après l’arrestation de Jean Moulin, m’avait beaucoup impressionné, car on avait devant nous quelqu’un qui faisait le lien entre Jean Moulin et nous.
Jean Moulin devenait alors un personnage quasi réel, à travers la présence à quelques mètres de nous, d’un de ceux qui avaient travaillé avec lui. Ce n’était plus une figure quasi mythique, presqu’abstraite dont on voit le nom inscrit sur les arrêts de bus ou sur les places. L’autre personnage qui m’avait marqué fut Monsieur Babin qui a été déporté à Auschwitz vers le mois d’avril 1942 (si je ne me trompe pas), c’est-à-dire au moment de la mise en action du camp d’extermination. Il nous expliquait que le premier travail auquel il fut affecté, était de mettre les corps des personnes gazées dans les fosses et de les recouvrir de chaux. Il décrivait cela en faisant des gestes pour nous faire comprendre comment il s’y prenait. Cela signifiait qu’il avait toujours les images de ces scènes dans la tête depuis 1942. C’est là que j’ai compris ce que signifiait le terme « imprescriptibilité ».

Comment l’avez-vous vécu personnellement ?
RISS : Personnellement, j’ai mieux compris l’impact de ces persécutions sur les familles juives de France. Les personnes que j’interrogeais, me parlaient de ces arrestations, d’abord comme des drames familiaux, des familles détruites, disloquées, anéanties. C’est le cercle de famille qui était d’abord impacté par ces arrestations. La dimension politique était presque secondaire, même si elle était bien évidemment présente. Ils me parlaient d’abord de leur mère, de leur père, de leurs frères, de leurs sœur, de leurs oncles, de leurs tantes, de leur grand-mère, de leur grand-père, de leurs cousins, de tous ce qui constituent une famille, qui nous semble si évident, et dont ils ont été à tout jamais privés. »

PARCOURS DE L’EXPOSITION

Le 14 juin 1940, à la fin de la « drôle de guerre », le gouvernement dirigé depuis le 22 mars 1940 par Paul Reynaud arrive à Bordeaux, « capitale tragique ». « Philippe Pétain et Pierre Laval s'installent à la mairie, Weygand, rue Vital-Carles. De Gaulle lui, est à l'hôtel Majestic. Tout près du quai Louis-XVIII » (José-Alain Fralon, Juste de Bordeaux).

Le 16 juin 1940, en pleine débâcle, le Président du Conseil Paul Reynaud démissionne. Le Président de la République Albert Lebrun demande au maréchal Philippe Pétain de former un nouveau gouvernement. Ce qu'il fait. 

Fuyant l'avancée de l'armée de l'Allemagne nazie, des milliers de personnes, souvent étrangères et juives, avaient afflué à Bordeaux et cherchent à obtenir un visa pour rejoindre, via l'Espagne ou le Portugal, Londres ou les Etats-Unis. 

Consul du Portugal alors pays neutre, Aristides de Sousa Mendes délivre, dès le 16 juin 1940, et malgré les directives opposées du gouvernement Salazar, accorde des milliers de visas aux réfugiés, généralement juifs, qui les sollicitent. 

Le 22 juin 1940, général Wilhelm Keitel, représentant le IIIe Reich allemand, et le le général Charles Huntziger, représentant le gouvernement français dirigé par le maréchal Philippe Pétain, signent l'armistice dans le wagon de la clairière de Rethondes, en forêt de Fontainebleau.

La France est divisée en deux zones séparées par une ligne de démarcation : la zone occupée par l'Armée allemande nazie et, la zone dite « libre ». 
La zone occupée comprend :
- une zone interdite située au nord-est (intégrant en particulier deux départements, le Nord et le Pas-de-Calais, liés au gouvernorat militaire allemand en Belgique) ; 
- une « zone réservée » de l'Est où il est interdit aux réfugiés de retourner ; les territoires de l'Alsace et de la Moselle annexés le 15 juillet ;
- une zone côtière le long des côtes de la Manche et de l'Atlantique. 

Quant à la zone libre - en gros, la moitié méridionale de la France -, l'Italie y dispose d'une petite zone dans le sud est de l'hexagone. 

Le 23 juin 1940, le consul Aristides de Sousa Mendes est démis de ses fonctions par Salazar et doit rentrer au Portugal où il arrive le 8 juillet 1940.

Bordeaux se trouve en zone occupée. De 1942 à 1944, Maurice Papon dirige de facto la préfecture de la Gironde. 

1. LES PROTAGONISTES
Maurice Papon (1910-2007) - accusé
« Il naît le 3 septembre 1910 en Seine-et-Marne dans une famille de notables. » 
« Son père, notaire et industriel, sera maire de Gretz-Armainvilliers de 1919 à 1937. Après des études supérieures à Paris, Maurice Papon entre au ministère de l’Intérieur en 1935. Puis, il devient secrétaire général de la préfecture de la Gironde de 1942 à 1944. Après la guerre, il est notamment préfet de police de Paris (1958-1966). Député (1968) et trésorier du parti gaulliste, il est ministre du Budget depuis trois ans lorsque Le Canard enchaîné (6 mai 1981) révèle son rôle dans la déportation des Juifs… »

Le dossier de presse de l'exposition omet d'indiquer que Maurice Papon, dont le père est un édile de centre gauche, s'engage, étudiant, dans la Ligue d'action universitaire républicaine et socialiste aux côtés de Pierre Mendès France. Son père le présente à des politiciens, parlementaires importants du Parti républicain, radical et radical-socialiste. 

Après avoir échoué au concours de l'Inspection générale des finances, Maurice Paon, marié et père d'une fillette, réussit brillamment en 1935 le concours de rédacteur au ministère de l'Intérieur. Il choisit Paris et est nommé à l'Administration départementale et communale, où il rencontre Maurice Sabatier, alors directeur adjoint. Il est vite détaché auprès de François de Tessan, grand reporter, franc-maçon, politicien radical-socialiste, secrétaire d’État dans les deux gouvernements Léon Blum et les deux gouvernements Camille Chautemps, et futur résistant déporté. Puis, il réintègre son Administration d'origine.

Maurice Papon publie des articles dans Le Peuple de la Brie dont le directeur politique est François de Tessan qui le charge des questions marocaines. En 1938 et 1939, il écrit aussi dans Le Jacobin, journal bimensuel des jeunes radicaux dont le rédacteur en chef est Jacques Mitterrand. Il écrit aussi dans le Journal de la démocratie et dans La République de Seine-et-Marne, organe du parti républicain radical (centre-gauche).

En septembre 1939, Maurice Papon est mobilisé au 2e régiment d'infanterie coloniale à Brest, et assure des missions d'intendance qui l'ennuient. Volontaire pour le Proche-Orient, où opère le 2e RIC, il est envoyé à Tripoli (Liban), puis, pour les services de renseignement, il dirige en mars 1940 le poste de Ras el Aïn (Syrie), où il étudie l'islam.

Après l'armistice entre la France et l'Allemagne, Maurice Sabatier, qui, après avoir été préfet en province, est devenu directeur de l'Administration départementale et communale, dont les services ont rejoint Vichy, demande à avoir Maurice Papon dans ses services. 

En octobre 1940, Maurice Papon est rapatrié en France pour des raisons liées à sa santé. Il retrouve son corps d'affectation comme sous-préfet de 1ère classe. Quand, en février 1941, Maurice Sabatier est nommé secrétaire général pour l'Administration, Maurice Papon devient son directeur de cabinet. Et le 1er juin 1942, Maurice Papon est désigné secrétaire général de la préfecture de la Gironde. 
« Travaillant le personnage de Maurice Papon, son profil et sa gestuelle, Riss le cerne très vite admirablement ».

Que savait Maurice Papon du destin des Juifs raflés enfermés dans des wagons quittant la Gironde ? Il déclare à la Cour qu'un jour, son épouse et lui avaient pleuré en songeant à leur sort. Un aveu qu'ils savaient que le destin de ces juifs, enfants et adultes, serait fatal.

Jean-Louis Castagnède (1945-2007) – président de la cour
« Conseiller aux cours d’appel de Toulouse puis de Bordeaux, il est président de chambre depuis 1994, lorsqu’il est chargé de présider le tribunal jugeant Maurice Papon. Riss rend hommage à sa maîtrise du dossier et à sa manière, courtoise et ferme, de mener les débats. 
Étrange coup du destin, celui qui est devenu conseiller à la Cour de cassation en 2003 meurt soudainement en février 2007, quelques heures à peine après Papon… »

Jean-Marc Varaut (1933-2005) – avocat de l’accusé
« Avocat depuis 1956, il est aussi militant politique (à l’extrême droite royaliste puis au sein de la droite libérale) et essayiste. 
Publié en 1995, Le Procès Pétain (éditions Perrin) s’inspire ainsi de la thèse du « bouclier » : si, « à charge », Vichy a imposé un statut des juifs inique, « à décharge » il a réussi à limiter la « solution finale » et à épargner les juifs français, argumente l’avocat… Bien que son client tienne à sa respectabilité gaulliste, Me Varaut ne va pas hésiter à défendre ce point de vue durant le procès de Maurice Papon. »

Gérard Boulanger (1948-2018) – avocat de parties civiles
« Avocat à Bordeaux depuis 1977, syndicaliste et membre du comité central de la Ligue des droits de l’homme, il dépose les premières plaintes contre Maurice Papon en décembre 1981 pour Maurice-David Matisson et plusieurs membres de la famille de celui-ci. En 1997, il représente 27 parties civiles et sera l’un des principaux avocats du procès Papon, auquel il a consacré quatre ouvrages. »

Joë Nordmann (1910-2005) – avocat de parties civiles
« Avocat à Paris depuis 1930, communiste, résistant, il fonde le Front national des juristes (1941). Après la guerre, il est notamment membre de la commission d’épuration de la Magistrature et assiste au procès de Nuremberg. À l’origine du procès Touvier, l’avocat communiste est, avec Me Alain Lévy, l’un des représentants de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP) lors du procès Papon. »

Michel Zaoui (né en -) – avocat de parties civiles
« Avocat à Paris depuis 1969, il débute sa carrière aux côtés de Gisèle Halimi. Militant des droits de l’homme, il est l’un des rares avocats à avoir pris part aux trois procès de crimes de l’Humanité engagés en France (Barbie, Touvier, Papon). Il représente plusieurs associations, dont l’Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie, et se fait le théoricien du « crime de bureau ». »

Arno Klarsfeld (né en 1965) – avocat de parties civiles
« Fils des célèbres militants de la mémoire Beate et Serge Klarsfeld, il devient avocat en 1988. Lors du procès Touvier (1994), il se singularise en plaidant la « vérité historique » contre l’efficacité judiciaire. À Bordeaux, il se démarque à nouveau des autres avocats et choque nombre de parties civiles et d’observateurs (dont Riss) en plaidant pour une peine « intermédiaire », adaptée aux responsabilités réelles de Papon. »

Michel Slitinsky (1925-2012) – partie civile
« Le 19 octobre 1942, à Bordeaux, il échappe de justesse à une rafle en s’enfuyant par les toits. Son père est arrêté. Âgé de 17 ans, il entre dans la résistance. Après la guerre, il porte plainte contre les policiers ayant tenté de l’arrêter. Il est débouté. Devenu historien autodidacte et militant de la mémoire, c’est lui qui, en 1981, transmet au Canard enchaîné les documents à l’origine de l’affaire Papon. »

2. LE DÉROULÉ DU PROCÈS

2.1. Maurice Papon, un fonctionnaire de Vichy accusé de crime contre l’humanité
« Placé en détention à la veille du procès qui commence le 8 octobre 1997, hospitalisé deux jours plus tard pour problème cardiaque, Maurice Papon obtient le 10 octobre 1997 de comparaître libre. Les parties civiles sont scandalisées.»

« Le procès reprend dans une atmosphère houleuse. Après une journée et demie où les greffières se relaient pour lire l’acte d’accusation, on examine la personnalité et la biographie de l’accusé. Papon retrace sa vie, sa carrière, puis les avocats des parties civiles l’interrogent. Son rôle dans les évènements d’octobre 1961 est longuement abordé (120 algériens tuées par la police lors d’une manifestation). »

2.2. Le défilé des témoins de moralité
« À partir du 16 octobre 1997, et pendant plusieurs jours, les témoins de moralité défilent à la barre : des anciens collègues de Maurice Papon, un vague ami juif de jeunesse, deux anciens Premiers ministres (Pierre Messmer et Raymond Barre), des académiciens… Riss peut donner libre cours à ses talents de caricaturiste, traquant le ridicule ou l’indécence de certaines dépositions, qui font le panégyrique de l’accusé, en appellent à la « réconciliation des Français », minorent la réalité de la politique antijuive de Vichy ou délégitiment la parole des victimes. »

« Dès le 16 octobre, et tout au long du procès, un conflit mémoriel oppose les « héros » de la résistance aux « martyrs » juifs. Riss ne manque pas de relever, ainsi, les paroles indignes de Pierre Messmer (1916-2007) à l’égard des victimes de la Shoah (que la grande presse nationale s’est pudiquement abstenue de reproduire) ou les envolées d’un Maurice Druon (1918-2009) en grande représentation. »

« Riss ne manque pas de relever, ainsi, les paroles indignes de Pierre Messmer (1916-2007) à l’égard des victimes de la Shoah (que la grande presse nationale s’est pudiquement abstenue de reproduire) ou les envolées d’un Maurice Druon (1918-2009) en grande représentation ».

2.3. La parole est aux historiens
« Après une suspension de huit jours (l’accusé souffrant d’une bronchite infectieuse), les débats reprennent le 31 octobre 1997 avec l’audition des témoins historiens. L’audition d’experts, de « sachants » selon le jargon judiciaire, est une chose courante dans les tribunaux. Cela n’empêche pas la défense de Maurice Papon de s’indigner de la présence de l’historien américain Robert Paxton. Riss montre remarquablement les deux facettes de cette semaine d’histoire. D’un côté, le calme studieux – ainsi cette vue superbe du tribunal lors de l’audition de Marc Olivier Baruch. De l’autre, la cacophonie et les invectives… »

2.4 Le service Juif de la préfecture de la Gironde
« En zone occupée, la publication, à l’automne 1940, d’ordonnances allemandes prescrivant un recensement des Juifs puis jetant les bases d’une spoliation de leurs biens implique les préfectures au premier chef. Elles sont chargées d’appliquer ces ordonnances. La dénomination service des Affaires (ou Questions) juives apparaît dans les organigrammes, en Gironde, comme dans la plupart des préfectures. Des fichiers de recensement sont établis. Des commissions spéciales de spoliation sont instituées. »

« En 1942, l’avènement de Pierre Laval au poste de chef de gouvernement s’accompagne d’un renforcement des missions antisémites confiées à l’administration préfectorale. Sous l’autorité du chef de la police de Vichy, René Bousquet, il s’agit désormais, au nom de la politique de collaboration et dans la logique de l’antisémitisme xénophobe propre au régime pétainiste, de livrer des dizaines de milliers de Juifs étrangers à l’occupant. C’est dans ce contexte que Maurice Papon est nommé secrétaire général de la préfecture de la Gironde, un poste de facto très politisé… »

2.5 Les crimes contre l’humanité reprochés à Maurice Papon
La déportation de Léon Librach
« Après de longues audiences consacrées au défilé des témoins puis à l’examen des responsabilités administratives de Maurice Papon, la cour se penche à partir du 10 décembre 1997 sur les crimes contre l’Humanité reprochés à l’accusé. Le premier concerne la déportation de Léon Librach. Le cousin de celui-ci, Hertz Librach (1924-2007), est partie civile dans le procès. Bien que français, Léon Librach, interné pour franchissement de la ligne de démarcation, a été envoyé à Mérignac puis transféré à Drancy sur ordre des services de Papon. Déporté à Auschwitz (18 septembre 1942), il n’est pas revenu. » 

« Le seul donneur d’ordre est Maurice Papon », insistera le procureur général Desclaux dans son réquisitoire, et la « séquestration » de Léon Librach sera l’une des charges retenues par les jurés lors du verdict. »

Le convoi du 18 juillet 1942
« La rafle des Juifs étrangers dans la nuit du 15 au 16 juillet 1942 et le convoi Bordeaux-Drancy qui a suivi deux jours plus tard (172 déportés) sont parmi les charges les plus lourdes pesant sur Maurice Papon. » 

« Dès le 3 juillet 1942, le secrétaire général de la préfecture de la Gironde écrivait : « L’exécution de ces mesures dans le laps de temps imposé est difficile, mais possible. » La suite, adaptation au plan local des décisions prises à Paris entre Bousquet et les chefs de la police allemande, fut un modèle d’efficacité bureaucratique et policière. »

« Du 12 au 18 décembre 1997, les audiences sont consacrées à ce moment dramatique de l’été 1942. »

« Lors de l’audience du 18 décembre 1997, les avocats interrogent Maurice Papon sur ce qu’il savait du sort des juifs envoyés à Drancy. La question, centrale, obsédante, traverse tout le procès. L’accusé s’étant mensongèrement attribué le mérite d’avoir épargné une fillette de trois ans, il est pris au piège par Me Zaoui : c’est donc qu’il savait que Drancy était un camp avant la déportation, que le pire était à craindre... La colère de Papon éclate. »

Le convoi du 26 août 1942
« Le 23 décembre 1997, commence l’examen du convoi Bordeaux-Drancy du 26 août 1942. À son bord, il y avait 444 Juifs, dont 57 enfants. » 

« Rarement les responsabilités de Maurice Papon et de ses services n’auront été cernées d’aussi près. La diffusion d’une facture de taxi, liée à la recherche par la préfecture de quatre enfants juifs hébergés à Branne et à Saint-Michel-de-Fronsac (115 kilomètres parcourus !), marque plus particulièrement les esprits. Interrompu jusqu’au 5 janvier 1998, le procès reprend avec les dépositions saisissantes de victimes, parmi lesquelles Léon Zyguel, l’un des rares rescapés du convoi du 26 août 1942. »

Le convoi du 21 septembre 1942
« Le 12 janvier 1998, le tribunal examine le cas de Marie Reille (1915-1989), victime du convoi du 21 septembre 1942. Cette affaire n’est pas reprochée à Maurice Papon, mais, outre son caractère exceptionnel, elle est symptomatique du zèle de son subordonné aux « affaires juives » Pierre Garat. Née (Silva) d’un père juif et d’une mère non-juive, épouse d’un non-Juif, Mme Reille n’a dû qu’à l’acharnement de Garat d’être classée comme juive, arrêtée et déportée. Son mari réussit à faire intervenir un ami travaillant au commissariat général aux Questions juives. À en croire le témoignage laissé par Marie Reille, à son arrivée à Auschwitz, les autorités avaient été averti de l’erreur. Rapatriée, avec fleurs et excuses des Allemands, et de retour à Bordeaux en décembre 1942, elle serait venue faire un scandale dans le bureau de Garat ! »

Le convoi du 26 octobre 1942
« Comme les deux convois précédents, le convoi Bordeaux-Drancy du 26 octobre 1942, comprenant 128 Juifs raflés une semaine plus tôt, est l’un des principaux crimes contre l’Humanité reprochés à Maurice Papon. Une fois de plus, son subordonné Pierre Garat avait fait flèche de tout bois afin de satisfaire l’occupant et d’atteindre les quotas : parmi les 128 victimes envoyées à Drancy se trouvaient une quarantaine de Juifs français… L’examen de ce convoi occupe les audiences des 15 au 22 janvier 1998, dans un environnement médiatique de plus en plus vicié qui n’échappe pas à Riss. »

Le convoi du 30 décembre 1943
« Le convoi Bordeaux-Drancy du 30 décembre 1943 ne sera finalement pas retenu contre Maurice Papon. À son bord, se trouvaient 133 Juifs, dont 37 enfants. La rafle avait eu lieu dix jours plus tôt. Elle avait été exécutée directement par des policiers allemands assistés d’inspecteurs de l’antenne locale de la police du commissariat général aux Questions juives (la SEC). Les 29 janvier et 2 février 1998, la cour tente de comprendre le lien entre les listes de la SEC et celles de la préfecture de la Gironde, tandis que Maurice Papon tente, une nouvelle fois, perfidement de mettre en cause le grand rabbin Cohen (1876-1976), rabbin de Bordeaux à l’époque… »

Le convoi du 12 janvier 1944
« Le convoi Bordeaux-Drancy du 12 janvier 1944 symbolise l’abandon des Juifs français par Vichy. Avec les convois de juillet, août et octobre 1942, il fera partie des crimes finalement retenus contre Maurice Papon. À son bord se trouvaient 364 Juifs dont une cinquantaine d’enfants. »
« Le 10 janvier 1944, la police allemande ordonne une rafle à Bordeaux. Avisés vers 13 heures, les bureaucrates de la préfecture tergiversent. Finalement, de Vichy, on leur demande de s’exécuter. Ce qu’ils font avec une efficacité redoutable. À partir de 20 heures, l’opération commence. Plus de la moitié des personnes visées – des Juifs français, qui se pensaient à l’abri des rafles – seront arrêtées et déportées. »

Le convoi du 13 mai 1944
« L’examen du convoi Bordeaux-Drancy du 13 mai 1944 (62 victimes), qui ne sera pas retenu contre Maurice Papon, est l’occasion de revenir sur le point crucial de « ce qu’on savait ». En mai 1944, pouvait-il y avoir un doute sur le sort fatal qui attendait les déportés ? À l’instar des avocats, le président abat ses dernières cartes : un homme comme Papon, lié à la Résistance depuis 1943, devait savoir ce qu’il en était… » 

2.6 Papon, la résistance et l’épuration
« En février 1998, la plupart des audiences du procès sont consacrées à l’examen des titres de résistant de Maurice Papon au sein du réseau Jade-Amicol (dont Me Boulanger parvient à démontrer qu’ils se réduisent à peu de chose) puis au problème de l’épuration. À nouveau, les témoins de moralité défilent à la barre. Riss s’en donne à cœur joie, croquant les envolées les plus ridicules de ces anciens résistants fébriles et solennels venus défendre Papon. « Juifs, mes frères, je vous demande de ne pas tolérer qu’on condamne Papon. Tous les résistants vous le demandent », s’exclame ainsi le dernier survivant du « réseau du musée de l’Homme » ! »

2.7. Les plaidoiries et le réquisitoire
« Du 9 mars au 17 mars 1998, 24 avocats vont se succéder pour les plaidoiries des parties civiles : de Me Boulanger (plus de six heures), jusqu’à Me Zaoui. Les observateurs vont plus particulièrement retenir les plaidoiries de Me Jakubowicz, axée sur le thème « Il savait ! », de Me Zaoui, théoricien du « crime de bureau », et d’Arno Klarsfeld, le seul à ne pas réclamer la perpétuité, mais une peine « intermédiaire ». Exceptionnellement, le réquisitoire est à deux voix, l’avocat général Robert laissant au procureur général Desclaux le soin de demander « vingt ans ».

2.8. Le verdict
« Le 2 avril 1998, Maurice Papon est condamné à dix ans de prison pour complicité de crimes contre l’Humanité. Les jurés ont délibéré pendant 19 heures et répondu à 764 questions. Les charges pour complicité d’assassinat des Juifs déportés à Auschwitz ne sont pas retenues ; on reproche à l’ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde d’avoir apporté un « concours actif » à l’arrestation, à la séquestration et au transfert à Drancy d’une cinquantaine de victimes (quatre convois). Au grand dam de Riss et de la plupart des parties civiles, les jurés ont suivi les recommandations de Me Klarsfeld et du procureur général d’une peine « intermédiaire ».

3. LES SUITES DU PROCÈS
« À la veille de l’examen de son pourvoi en cassation en septembre 1999, Maurice Papon s’enfuit en Suisse. La cavale est de courte durée. Arrêté, l’ancien ministre est déchu de son pourvoi en cassation et emprisonné à Fresnes puis à la Santé ».

Ses avocats sollicitent en vain, en décembre 1999, mai 2000 et septembre 2001, une grâce médicale. 

Le 4 mars 2002, la « loi Kouchner » autorise la libération de certains détenus gravement malades (pathologie incurable) ou si leur santé est mise en danger par la détention.

Bénéficiant d'une expertise médicale affirmant l'incompatibilité de son état de santé avec la détention, Maurice Papon est « libéré le 18 septembre 2002, pour raison médicale ». Cette libération a été aussi demandée par des personnalités comme l'ancienne résistante Germaine Tillion, cofondatrice du Réseau du musée de l'Homme.

Les critiques visant cette libération redoublent en intensité et en pertinence quand Maurice Papon, décrit comme « impotent et grabataire » dans une expertise médicale, sort, à pied, de la prison de la Santé. Il est le deuxième détenu français à bénéficier de cette loi, et en 2001, 27 octogénaires français ont débuté l'exécution de leur peinte en prison. Ancien ministre de la Justice et ancien Président du Conseil constitutionnel, Robert Badinter, dit : « Il y a un moment où l'humanité doit prévaloir sur le crime ». 

Maurice Papon « retourne vivre dans sa petite ville natale de Gretz-Armainvilliers ». Il vend sa demeure familiale, et acquiert un pavillon dans cette agglomération au 44 de la rue Arthur-Papon (du nom de son père, maire de centre-gauche de 1919 à 1937).

Le 12 avril 2002, le Conseil d'État, suivant les conclusions du commissaire au gouvernement Boissard, a estimé que les faits ayant motivé la condamnation de Maurice Papon résultent d'une faute personnelle et d'une faute de service (de l'administration) : la juridiction administrative suprême a considéré que l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental n'impliquait pas l'irresponsabilité de l'État. Le Conseil d'Etat en a tiré toutes les conclusions en condamnant l'État à payer la moitié des dommages que la Cour d'assises de la Gironde avait attribués aux parties civiles. Espérant que la Cour européenne des droits de l'homme accueillerait ses demandes, Maurice Papon met du temps à payer sa part des dommages à sa charge. La vente de sa demeure familiale lui permet de payer sa part, augmentée des intérêts ayant couru.

« En juillet 2003, Papon saisit la justice pour demander un procès en appel. Le 11 juin 2004, la Cour de cassation rejette son pourvoi contre la condamnation du 2 avril 1998, mettant un point final aux recours possibles. » 

En 2004 et 2005, Maurice Papon est assigné en justice pour port illégal de la Légion d'honneur sur une photographie publiée par l'hebdomadaire Le Point. Or,  ses décorations lui ont été retirées en raison de sa condamnation judiciaire. Le 14 octobre 2004, Maurice Papon est condamné à 2 500 euros d'amende. Une  condamnation confirmée en appel le 2 mars 2005.

« Maurice Papon décède en février 2007 à l’âge de 96 ans. »

Son avocat, Me Francis Vuillemin, a annoncé que Maurice Papon serait inhumé avec la Légion d'honneur - un vœu de son client. Son argumentation : « Le délit de port illégal de décoration ne se conçoit que dans un lieu public. Le cercueil est le lieu le plus privé qui puisse être et un cadavre n'est plus un sujet de droit, il n'y a donc pas d'infraction ». Une provocation ou un pied-de-nez aux autorités l'ayant condamné.

Maurice Papon est inhumé avec sa Légion d'honneur. Sans opposition du pouvoir politique : « La République a fait ce qu'elle devait faire, il y a eu procès, il y a eu décision de justice, à la suite de la décision de justice, la République a décidé de retirer la croix de commandeur de la Légion d'honneur à Maurice Papon. Il n'est plus commandeur de la Légion d'honneur, c'est tout. Ensuite ouvrir les cercueils, c'est quelque chose qui me déplaît », déclare Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense.

Sans office religieux, l'enterrement se déroule le 21 février 2007 au cimetière de Gretz-Armainvilliers, dans le caveau familial aux côtés de ses parents et de sa femme, Paulette, née Asso, décédée en mars 1998 deux jours avant la fin du procès. Son ami, Robert de La Rochefoucauld, prononce un éloge funèbre. Le père Michel Lelong, fils de résistant, prêtre engagé dans le dialogue avec l'islam, et auteur de textes criminalisant l'Etat d'Israël, dit une brève oraison et invite à réciter une prière. Une quarantaine de personnes, dont le résistant Olivier de Sarnez, assistent à l'enterrement placé sous haute surveillance policière.

« Sans doute le procès Papon symbolisera-t-il, pour la postérité, le procès du « crime de bureau », de ce crime typiquement vichyste au bout du compte, commis par des fonctionnaires qui, par carriérisme, manque de courage, indifférence ou préjugés xénophobes et antisémites, furent des « maillons » de la « Solution finale » sans vouloir ni, souvent, imaginer l’extermination des Juifs. »


Du 19 octobre 2023 au 3 mars 2024
Au 3e étage
17, rue Geoffroy l’Asnier. 75004 Paris
Tél. : 01 42 77 44 72
Tous les jours, sauf le samedi, de 10h à 18h.
Nocturne jusqu’à 22h le jeudi.
Entrée gratuite
Visuels :
Affiche
Maurice Papon face à la cour, le 12 novembre 1997 © Riss

Le président Jean-Louis Castagnède, le 16 décembre 1997
Riss
Crayon gras sur papier
41,8 x 29,6 cm
© Riss

Portraits du président Castagnède,
de Me Rouxel et Me Varaut, avocats de Maurice Papon et de Me Klarsfeld, avocat de parties civiles, le 6 janvier 1998
Riss
Crayon gras sur papier
42 x 29,6 cm
© Riss


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire