Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

jeudi 15 février 2024

« La Régence à Paris (1715 - 1723). L'aube des Lumières »

Le musée Carnavalet – Histoire de Paris présente l’exposition « La Régence à Paris (1715 - 1723). L'aube des Lumières ». A la mort du roi Louis XIV en 1715 à Versailles, le duc Philippe d’Orléans (1674-1723), neveu du défunt, assure la régence du royaume endetté de France car l’héritier est un enfant de cinq ans, le futur Louis XV. 
« La cour, le pouvoir, toutes les administrations se réinstallent à Paris, deuxième ville d’Europe ». Cette période historique méconnue de huit ans s’avère « d’une intense effervescence culturelle qui donne naissance à un monde d’innovations philosophiques, économiques et artistiques ».

« Louise Weiss, une femme pour l’Europe » par Jacques Malaterre 
« Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974) » par Ben Salama 

« Voici le temps de l’aimable Régence, 
Temps fortuné marqué par la licence,
Où la Folie agitant son grelot
D’un pied léger parcourt toute la France,
Où nul mortel ne daigne être dévot,
Où l’on fait tout excepté pénitence.
Le bon Régent de son Palais-Royal
Des voluptés donne à tous le signal. »
Voltaire, La Pucelle d’Orléans, 1752 

Le musée Carnavalet – Histoire de Paris présente une exposition « consacrée à la Régence, période oubliée de l’histoire qui marque le retour du roi et de la vie politique, économique et culturelle à Paris. L’exposition s’inscrit dans la commémoration du tricentenaire de la disparition du Régent. » 

« Louis XIV meurt le 1er septembre 1715 à Versailles. Il laisse derrière lui une France endettée et, comme héritier, un enfant de 5 ans trop jeune pour régner, Louis XV. Le 2 septembre, le duc Philippe d’Orléans (1674-1723), neveu du défunt, prend la régence du royaume. » 

« En 1715, la cour, le pouvoir, toutes les administrations se réinstallent à Paris, deuxième ville d’Europe, qui voit alors sa population s’accroitre considérablement. La ville, en particulier le Palais-Royal, résidence du Régent, devient ainsi le cœur de la vie politique. S’ensuit une période d’une intense effervescence culturelle qui donne naissance à un monde d’innovations philosophiques, économiques et artistiques : Voltaire, Marivaux, Montesquieu, Law, Watteau… en sont les héros les mieux connus. La frénésie économique et financière, avec l’invention du papier monnaie et la banqueroute de 1720, la ponctue de coups de théâtre retentissants. » 

« Sous la Régence naît une liberté nouvelle de critiquer, ce que l’on appellera l’esprit des Lumières. » 

« La structure thématique choisie pour le parcours de l’exposition met en évidence les innovations de la période pour en mesurer leur portée historique. »

« Plus de 200 œuvres (peintures, sculptures, œuvres graphiques, éléments de décors et de pièces de mobiliers), issues de collections publiques et privées, permettent d’explorer cette période de l’histoire et de rendre compte des mutations de la société au moment où Paris s’impose comme la capitale culturelle de la France, et cela de manière durable. »

Le Commissariat général est assuré par Valérie Guillaume, directrice du musée Carnavalet - Histoire de Paris, et le Commissariat scientifique par José de Los Llanos, conservateur en chef, responsable du Cabinet des Arts graphiques et du département des Maquettes, musée Carnavalet - Histoire de Paris, et Ulysse Jardat, conservateur du patrimoine, responsable du département des Décors, Mobilier et Arts décoratifs, musée Carnavalet - Histoire de Paris.


Parcours de l’exposition

La Régence : le retour de la cour à Paris
« Le 1er septembre 1715, Louis XIV meurt, au terme d’un très long règne. Tous ses héritiers sont morts avant lui, sauf son arrière-petit-fils, le duc d’Anjou, futur Louis XV, un enfant âgé de cinq ans. Le pouvoir est confié à son neveu, Philippe d’Orléans, jusqu’à la majorité du nouveau roi, fixée à treize ans. C’est la Régence. »

« La Régence a longtemps été vue comme un moment de rupture radicale, illustré par une politique de réformes novatrices et le retour de la paix aux frontières. Aujourd’hui, les historiens la considèrent toujours comme une période d’ouverture politique et de changements importants, mais aussi comme une transition conservatrice qui vise à maintenir la monarchie absolue. »

« Le premier changement important est le départ du roi, du gouvernement et de la cour de Versailles à Paris. Souhaité par Louis XIV, mais pour une durée brève, ce déplacement dure sept ans. Le Régent veut rester à Paris. »

« Le deuxième changement est l’incarnation du pouvoir en la personne attachante, impénétrable et parfois scandaleuse de Philippe d’Orléans, très éloignée de celle de Louis XIV : libertin, c’est-à-dire libre penseur, athée, artiste, débonnaire et autoritaire en même temps. »

« Le troisième changement procède des deux premiers : c’est la cohabitation retrouvée du pouvoir politique et du pouvoir culturel à Paris. Dans une effervescence enjouée mais rythmée de scandales, de conspirations et de banqueroutes, Montesquieu, Voltaire et Marivaux connaissent leurs premiers succès, tandis que Watteau invente la nouvelle peinture. »

« C’est un bel enfant. Il a de grands yeux très noirs,
le visage rond, une jolie petite bouche. » 
Lettres de la Princesse Palatine, 18 novembre 1714

SUCCÉDER À LOUIS XIV 
« À la mort de Louis XIV s’ouvre une crise politique. Son testament est ambigu : il accorde les fonctions de chef du Conseil de régence à son neveu, le duc d’Orléans, mais réserve un rôle politique important au duc du Maine, son fils légitimé, aîné des quatre enfants qu’il a eus avec Mme de Montespan. Le duc et la duchesse du Maine tiennent alors au château de Sceaux une cour influente. »

« Coup de théâtre : le 2 septembre 1715, le duc d’Orléans obtient l’appui du parlement de Paris, qui ignore le testament de Louis XIV et le reconnaît comme régent de plein exercice, tandis que les prérogatives du duc du Maine sont réduites. »

« Avec une grande habileté politique, le Régent va s’affronter aux affaires urgentes : contenir les ambitions des princes qui cherchent à déstabiliser son pouvoir, faire revenir la paix aux frontières, apaiser les conflits religieux, enfin restaurer les finances du royaume. »

La Régence : un nouveau régime ?
« Le 9 septembre 1715, Louis XV quitte Versailles et s’installe au château de Vincennes. Le 12 septembre, une séance solennelle du Parlement installe officiellement la Régence. C’est la première apparition publique du roi. »

« Un système de sept conseils est mis en place, sous l’autorité d’un conseil principal, dit conseil de Régence. Les postes sont habilement distribués, y compris aux ennemis du régime, pour les neutraliser. »

« Le 30 décembre 1715, Louis XV quitte Vincennes et s’installe au palais des Tuileries. Les meilleurs instructeurs l’initient alors à l’histoire et à la politique, à la géographie, à la botanique, mais aussi à la danse, à l’équitation et à la tactique militaire. Il se promène souvent dans les rues de Paris à la rencontre de la population. »

« Notre Dauphin comprend déjà les cartes de géographie aussi bien que le ferait un homme. » 
Lettres de la Princesse Palatine, 18 novembre 1714

Préserver la paix aux frontières 
Conspirations et ambassades à Paris
« La guerre de succession d’Espagne a épuisé la France : la paix est une nécessité. L’abbé Dubois, conseiller du Régent, pousse au rapprochement avec les anciens ennemis, l’Angleterre, la Hollande et l’empire germanique. Le roi d’Espagne, qui rêve d’expansion en Europe, est isolé. Paris devient le centre de la diplomatie européenne. » 

« Au printemps 1717, le tsar Pierre Ier de Russie, un allié encombrant, s’invite à Paris. Il y est reçu avec faste, mais il est tenu à l’écart des alliances diplomatiques. Tout aussi délicate, une ambassade de l’empire ottoman, ennemi de l’empire germanique, est reçue en mars 1721. » 

« En 1722, à l’initiative de l’abbé Dubois, les fiançailles de Louis XV avec l’infante d’Espagne scellent la réconciliation entre les deux pays. L’Europe est enfin en paix. »

Restaurer les finances : le Système de Law
« En 1716, le Régent tente une politique de rigueur par la réévaluation de la monnaie : un nouveau louis d’or, dit de Noailles, doit rétablir la confiance. Mais bientôt, l’économiste écossais John Law le convainc de procéder à d’autres réformes : il obtient, entre 1717 et 1719, la réunion des compagnies de commerce et la création d’une banque royale. L’invention du papier-monnaie couronne cette expérience. C’est ce qu’on appelle le « Système de Law ». Victime d’une spéculation effrénée, celui-ci s’emballe et s’effondre en 1720. Entretemps, l’État s’est néanmoins désendetté et le commerce a prospéré. »

« Simultanément, les échanges avec les colonies, notamment avec les « îles à sucre » des Antilles, sont en plein essor : l’esclavage est ainsi au cœur de cette nouvelle économie. »

« Je m’étendis un peu avec le régent sur les points de son gouvernement :
Law et sa banque ; l’alliance d’Angleterre jusqu’à l’ensorcellement,
pour la fortune de l’abbé Dubois. » 
Duc de Saint-Simon, Mémoires, année 1719


UN NOUVEL ART DE VIVRE
« Le retour de la cour et l’installation des administrations à Paris en 1715 accélèrent un phénomène déjà amorcé au tournant du siècle. Les commandes royales se raréfient, laissant à diverses personnes privées l’initiative d’un goût nouveau. Les sculpteurs et menuisiers qui travaillaient pour la cour continuent à exercer au sein de demeures en construction dans les faubourgs Saint-Germain ou Saint-Honoré. »

« L’effervescence dans la création mobilière va de pair, à Paris, avec une hausse de la consommation des produits de luxe : porcelaines importées d’Asie, bronze doré… séduisent une clientèle locale mais aussi internationale. Les boutiques comme celle d’Edme-François Gersaint, reçu en 1720 dans la corporation des marchands merciers, commercialisent meubles et objets qui sont le fruit du savoir-faire de différents corps de métiers rivalisant d’excellence (menuisiers-ébénistes, fondeurs, orfèvres…). Paris donne le ton en France et en Europe. »

Les transformations de Paris
« Le Régent s’intéresse à Paris mais l’état des finances ne lui permet pas d’engager des chantiers importants : il fait construire de nouvelles fontaines, dont un château d’eau devant le Palais-Royal. L’axe des Champs-Élysées est réaménagé : on construit un pont tournant au bout du jardin des Tuileries, la place Louis XV (actuelle place de la Concorde) est mise en projet. »

« Courtisans et financiers font construire de nouveaux hôtels dans les faubourgs Saint-Germain et Saint-Honoré. L’hôtel d’Évreux (actuel palais de l’Élysée), l’hôtel de Matignon ou le palais Bourbon sont alors édifiés. »

« Philippe d’Orléans continue de moderniser sa demeure, le Palais-Royal. Quelques rues plus loin, le comte de Toulouse redécore avec faste la galerie de son hôtel particulier. »

Un âge d’or des arts décoratifs
« La recherche de confort contribue à faire évoluer l’ameublement. La silhouette des sièges, tables-consoles, bureaux ou bibliothèques s’affranchit de la rigueur austère du siècle précédent pour s’animer de courbes et contre-courbes. Leur décor, comme celui des boiseries, s’enrichit d’ornements inspirés de la nature, qui se mêlent aux influences du baroque italien méditées par Gilles-Marie Oppenord, architecte du Régent, ou aux espagnolettes, ces bustes féminins en bronze doré popularisés par l’ébéniste Charles Cressent. Sont posées les fondations du style dit « rocaille ». Le « style Régence » fait cohabiter ces formes et ornements nouveaux, envahissant l’intérieur et l’extérieur des demeures, avec le vocabulaire décoratif développé sous les dernières années du règne de Louis XIV. »

PHILIPPE D’ORLÉANS
UN HOMME ÉCLAIRÉ AU POUVOIR
« Philippe d’Orléans est curieux de tout et semble doué pour tout : il aime spécialement la peinture, qu’il apprend auprès d’Antoine Coypel, et la musique, enseignée par Marc-Antoine Charpentier ou Charles-Hubert Gervais. »

« Lorsqu’il devient régent, ce prince artiste n’a plus le temps de pratiquer lui-même et les finances publiques sont à sec. Néanmoins il sait donner un souffle de renouveau, notamment dans le monde des arts et des spectacles. »

« La cour s’est éparpillée dans Paris où chacun veut tenir son rang : les salons se multiplient, on y discute littérature, politique, art, on y écoute de la musique. On joue beaucoup aussi : aux dés, aux cartes, aux échecs, au billard. En dehors de ces cénacles privés, la population parisienne profite également de cette effervescence : des fêtes publiques sont régulièrement données, notamment dans les jardins des Tuileries. Autour du Palais-Royal, les cafés se multiplient : le café de la Régence, installé rue Saint-Honoré, devant l’Opéra, sera le plus célèbre. »

Philippe d’Orléans
Peintre et musicien
« Dans sa jeunesse, Philippe d’Orléans a appris à peindre auprès d’Antoine Coypel. Il se passionne pour cet art : il peint dès qu’il en a le temps. La série des tableaux réalisés sur le thème de Daphnis et Chloé est son oeuvre la plus aboutie. Il est aussi un très grand collectionneur de peintures. »

« Mais il est surtout un musicien accompli, violiste, flûtiste et claveciniste, et compositeur, ce qui est plus rare pour un prince : on conserve de lui deux opéras, La Suite d'Armide ou La Jérusalem délivrée, créé en 1704, et Penthée, créé en 1705. Devenu régent, il ne compose plus par manque de temps, mais continue d’être un mécène influent sur la scène musicale. Il soutient notamment Charles-Hubert Gervais, un de ses maîtres, qui triomphe à l’Opéra en 1717 avec Hypermnestre. »

« Il avait eu la plus belle éducation qu’on puisse avoir, 
sachant tout : peindre assez joliment, la musique parfaitement… » 
Edmond-Jean-François Barbier,
Chronique de la Régence et du règne de Louis XV (1718-1763), 
année 1723 
La renaissance du théâtre
« Un mois après la mort de Louis XIV, tous les spectacles sont autorisés à reprendre le 1er octobre 1715. La comédie italienne, qui était interdite à Paris depuis 1697, fait son retour en mai 1716 : l’acteur Luigi Riccoboni en prend la direction. La salle de l’hôtel de Bourgogne est rénovée. On y joue bientôt en français. Marivaux y crée ses premières pièces à succès. Une forte rivalité reprend alors avec la Comédie-Française : les deux compagnies montent ainsi des pièces d’actualité. »

« En 1720, Louis XV danse dans un ballet, Les Folies de Cardenio. Charles Coypel, fils d’Antoine Coypel, peintre et auteur dramatique, est l’auteur du livret inspiré du Don Quichotte de Cervantès. La salle de spectacle des Tuileries, abandonnée depuis 1682, rouvre en 1721. »

« Ne valoir rien, tromper son prochain, lui manquer de parole, être fourbe et mensonger, voilà le devoir des grandes personnes de ce maudit endroit-ci. » 
Marivaux, La Double Inconstance, Acte II, scène 1, 1723

La Régence libertine
« Un bal masqué public est inauguré à l’Opéra du Palais-Royal pour le carnaval de 1716, ouvert à tous, moyennant le paiement d’un écu. » 

« Toutes les audaces y semblent permises : le Régent et sa fille, la duchesse de Berry, jeune veuve, y cherchent l’aventure. »

« La Régence est restée dans les mémoires associée à l’idée de débauche. »

« Philippe d’Orléans lui-même donne souvent l’exemple par ses excès. » 

« Son ami, le mémorialiste Saint-Simon, évoque ainsi les « petits soupers » du Palais-Royal, réunions très privées auxquelles il n’a pourtant jamais assisté. Satiristes et pamphlétaires en font une arme politique pour discréditer le Régent et ses proches. » 

« D’autres sociétés libertines, telle celle de Philippe de Vendôme, accueillent les libres penseurs. Voltaire y fait ses débuts. »

« On disait des ordures à gorge déployée, et des impiétés à qui mieux mieux, et quand on avait bien fait du bruit, et qu’on était bien ivre, on s’allait coucher, et on recommençait le lendemain. » 
Duc de Saint-Simon, Mémoires, année 1716

Les salons littéraires
« Mme de Lambert tient le salon le plus influent de l’époque dans ses appartements de l’hôtel de Nevers, qui voisinent avec la banque de Law. »

« Renaît alors la querelle des Anciens et des Modernes : Houdar de La Motte et Fontenelle, proches du Régent, prennent la tête des Modernes. »

« Le jeune Voltaire cherche sa voie dans les salons contestataires : embastillé en 1717 pour avoir colporté des rumeurs contre le Régent, il triomphe dès 1718 avec une tragédie, Œdipe. Mme de Tencin fait ses débuts dans la finance et dans la politique, avant de s’imposer dans les milieux littéraires. »

« En 1721, Montesquieu publie les Lettres persanes, livre interdit par la censure mais qui connaît un grand succès : deux Persans de fantaisie, Usbek et Rica, y moquent les mœurs de la société parisienne. »

« La fureur de la plupart des Français, c’est d’avoir de l’esprit.
Et la fureur de ceux qui veulent avoir de l’esprit,
c’est de faire des livres. »
Montesquieu, Lettres persanes, lettre LXIV, 1721 

Watteau, Venise et les innovations de la peinture
« Le nom de Watteau est lié à Paris et à la Régence. Il est le peintre des comédiens italiens, des musiciens et des amours pastorales – en quelque sorte le double de Marivaux. Il accède à la célébrité en 1717, en entrant à l’Académie royale de peinture avec le Pèlerinage à l’île de Cythère. »

« Mais c’est en 1720, peu avant de mourir, qu’il réalise son chef-d'œuvre le plus parisien, L’Enseigne de Gersaint, visible brièvement sur le pont Notre-Dame. »

« Sous l’impulsion du Régent, la Vénitienne Rosalba Carriera entre à l’Académie en 1720. Elle est hébergée dans l’hôtel du financier Pierre Crozat que fréquente Watteau, mais aussi le Régent qui vient parfois y écouter de la musique italienne. Son beau-frère, le peintre Pellegrini, décore alors la galerie de la banque de Law. »

LA FIN DE LA RÉGENCE
« Le 15 juin 1722, Louis XV décide de retourner à Versailles et quitte Paris, une ville qu’il connaît parfaitement pour l’avoir parcourue souvent pendant sept ans. Le 25 octobre, il est sacré à Reims. »

« L’année suivante, un nouveau lit de justice vient officialiser sa majorité, le 22 février 1723 : c’est la fin de la Régence. Philippe d’Orléans garde néanmoins le pouvoir avec Guillaume Dubois, devenu Premier ministre. Mais celui-ci meurt le 10 août suivant. Le 3 décembre, l’ancien Régent décède à son tour. La page est définitivement tournée. Le jeune duc de Bourbon, chef de la maison de Condé, devient alors Premier ministre. »

« Philippe d’Orléans laisse un pays en paix, des finances restaurées et une monarchie consolidée. Il laisse aussi l’image persistante et brouillée d’un libertin, esprit impénétrable et libre jusqu’à l’excès, viscéralement attaché à ses plaisirs, à la peinture, à la musique et à Paris. »

« Paris est redevenue sous la Régence une place politique et culturelle de premier plan : à nouveau désertée par le roi, elle conservera néanmoins ce rôle tout au long du 18e siècle. »

EXTRAITS DU CATALOGUE

« La Régence est une période entourée d’une aura particulière qui tient pour beaucoup à la personnalité même du Régent. Philippe d’Orléans est un prince curieux de tout et doué pour tout, les sciences, la musique, la peinture… Dérogeant aux règles de la cour, il aime la ville, Paris, plutôt que Versailles. Il n’aime pas la chasse et lui préfère l’opéra. Il est aussi libre penseur, libertin et volontiers impie : l’anecdote rapportée par Saint-Simon, qui le montre lisant Rabelais et éclatant de rire pendant la messe, est célèbre. Ces derniers traits de caractère, qui nous le rendent aujourd’hui attachant et humain, n’ont pas servi sa réputation à son époque. Loin s’en faut ! Ils lui ont valu sa mise à l’écart par Louis XIV pendant quelques années et ont nourri la légende noire d’une Régence futile et libertine.
L’événement le plus important du moment, c’est l’installation du roi, du gouvernement et de la Cour à Paris. Souhaité par Louis XIV, mais pour une durée brève, ce déplacement dure sept ans par la volonté du Régent qui veut rester à Paris, qui n’aime vivre qu’à Paris. S’ensuit une cohabitation retrouvée du pouvoir politique et du pouvoir culturel dans la capitale. Dans une effervescence que l’on imagine enjouée mais qui est rythmée de scandales, de conspirations et de banqueroutes, Montesquieu, Voltaire et Marivaux connaissent leurs premiers succès. »
Extrait du texte introductif
de José de Los Llanos (page 8)

« S’il est un domaine artistique dont la taxonomie demeure communément greffée, pour la période de l’Ancien Régime, aux règnes respectifs des monarques, c’est bien celui des arts décoratifs.
Mais parler de la régence de Philippe II d’Orléans comme de la période emblématique d’un style peut sembler paradoxal, puisque c’est précisément par l’absence d’une autorité politique dotée du pouvoir d’endosser un rôle d’arbitre officiel du renouveau des modes et de la création artistique qu’elle peut être caractérisée. On conserve très peu de témoignages du goût du Régent en matière d’arts décoratifs. S’il fut sans conteste un esthète remarqué, mécène de tous les arts, aucun décor, aucun meuble ne lui est strictement rattaché. »
Extrait du texte Manifestations parisiennes du "style Régence" 
de Ulysse Jardat (page 113)

« Le Roi-Soleil est mort, vive les Lumières ? Il serait trop simple d’imaginer qu’en 1715, les digues sont rompues, et qu’à la vieillesse d’une royauté absolue succède la jeunesse d’une Régence avide de nouveautés. Les idées vivent leur vie, longtemps souterraine ou diffuse, avant de devenir sensibles et actives dans une oeuvre, chez un auteur : depuis le milieu du XVIIIe siècle s’est répandue la « philosophie moderne », celle de Descartes, qui, grâce à la raison et au doute méthodique, ouvre des horizons nouveaux ; elle est bientôt relayée, à partir des années 1670, par le libre examen de la Bible d’un Spinoza ou d’un Richard Simon, ou, à la fin du siècle, par l’esprit critique de Pierre Bayle, qui s’attaque à l’histoire mais n’épargne aucun domaine. « Pensez par vous-même » devient un mot d’ordre qui se propage tout au long du XVIIIe siècle, jusqu’à sa formulation la plus énergique par Kant : Sapere aude (1784). Ce mouvement, que prolonge aujourd’hui toute voix se réclamant de la raison contre les préjugés et les usages justifiés par les seules traditions, s’amorce bien avant la Régence ; c’est néanmoins durant ces sept ou huit années intenses qu’il prend conscience de lui-même, s’élargit et se renforce ; de ces années, il fait, non une parenthèse ou une transition entre deux mondes, mais un moment privilégié où s’invente une nouvelle manière de penser. Quand le Régent quitte la scène en 1723, les Lumières sont nées. »
Extrait du texte La Régence à l'aube des Lumières, 
de Catherine Volpilhac-Auger (page 163)


Chronologie
par Ulysse Jardat

« 1715
19 février
Mehmet Rıza Beğ, ambassadeur de Perse, est reçu par Louis XIV au château de Versailles. Il quitte la France le 12 septembre.
23 mai
Le duc du Maine, la duchesse de Bourbon, la duchesse d’Orléans et le comte de Toulouse, enfants légitimés de Louis XIV et Mme de Montespan, reçoivent le titre de « princes du sang », qui les inscrit dans la filiation dynastique.
26 août
Louis XIV, atteint de gangrène, reçoit pour la dernière fois son arrière-petit-fils, le duc d’Anjou, futur Louis XV : il lui recommande de soulager son peuple et d’éviter de faire la guerre.
1er septembre
Mort de Louis XIV.
2 septembre
Le parlement de Paris casse le testament de Louis XIV.
9 septembre
Louis XV (1710-1774) quitte Versailles pour Vincennes.
Le même jour, le corps de Louis XIV est transporté à l’abbaye de Saint-Denis.
12 septembre
Premier lit de justice de Louis XV, qui proclame la Régence.
15 septembre
Le Régent (1674-1723) rend au Parlement le droit de remontrances ; il institue sept conseils de gouvernement (polysynodie).
30 décembre
Louis XV quitte Vincennes pour s’installer aux Tuileries, à Paris.

1716
2 janvier
Le premier bal de l’Opéra, masqué et public (moyennant 1 écu), ouvre au Palais-Royal.
2 mai
Création de la Banque générale de John Law (1671-1729).
Octobre
Édit du Roy concernant les esclaves nègres des colonies. Autorise la présence d’esclaves sur la terre de France (ceux-ci ne sont plus automatiquement affranchis). Le Parlement de Paris refuse de l’enregistrer.
3 décembre
Le duc de La Force (1675-1726) obtient la place de vice-président du conseil des Finances.

1717
4 janvier
Triple-Alliance entre la France, la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies, négociée par l’abbé Dubois (1656-1723).
4 mars
Débuts d’Adrienne Lecouvreur (1692-1730) à la Comédie-Française.
31 mars
Charles-Louis de Secondat, baron de Montesquieu (1689-1755), s’installe à Paris.
7 mai
Arrivée à Paris de Pierre Ier, tsar de Russie (1672-1725). Il y séjourne jusqu’au 20 juin.
15 mai
Le Régent invite le tsar, Pierre Ier , à une représentation d’Hypermnestre, de Charles-Hubert Gervais (1671-1744), à l’Opéra. Saint-Simon (1675-1755) y est présent.
16 mai
François-Marie Arouet (Voltaire, 1694-1778) est incarcéré à la Bastille, accusé d’avoir diffusé des pamphlets contre le Régent.
6 juin 
Le Conseil de régence décide l’achat, pour deux millions de livres, d’un célèbre diamant de dimensions exceptionnelles, appelé désormais Le Régent, qui ornera la couronne du sacre.
28 août
Antoine Watteau (1684-1721) est reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture sur présentation du Pèlerinage à l’île de Cythère
6 septembre
John Law crée la Compagnie d’Occident (dite « du Mississippi »).
16 novembre
Naissance, à Paris, de Jean Le Rond d’Alembert (1717-1787), fils de la salonnière Claudine Guérin de Tencin, de père inconnu.
21 novembre
Mort de Jean-Baptiste Santerre (1651-1717), peintre du Régent.

1718 
11 avril
Arouet (Voltaire) quitte la Bastille.
27 avril
Incendie du Petit-Pont.
15 juin
Arrêt du parlement de Paris interdisant l’emploi de la nouvelle monnaie d’or. Les parlementaires protestent contre le système inflationniste de Law.
2 août
Formation de la Quadruple-Alliance entre la France, le Royaume-Uni, les Provinces-Unies et l’Autriche, contre l’Espagne.
26 août
Lit de justice tenu au palais des Tuileries.
Les « bâtards », duc du Maine (1670-1736) et comte de Toulouse (1678-1737), perdent leur titre de « prince du sang » et sont rabaissés au rang de ducs et pairs.
16 septembre
Le cardinal de Noailles démissionne de la présidence du Conseil de conscience.
24 septembre
Fin de la polysynodie et suppression des conseils. Guillaume Dubois devient secrétaire d’État aux affaires étrangères.
18 novembre
Voltaire fait jouer sa première tragédie, Œdipe, à la Comédie-Française.
4 décembre
La Banque générale de Law devient Banque royale.
9 décembre
Dévoilement de la « conspiration de Cellamare ». Le duc et la duchesse du Maine sont arrêtés.

1719
9 janvier
La France déclare la guerre à l’Espagne.
14 avril
Lettres patentes de Louis XV pour l’établissement de l’instruction gratuite dans les collèges de Paris. Le Régent octroie aux universitaires de Paris la gratuité scolaire et le financement par l’État de leur enseignement.
Août
Le 65, rue Quincampoix devient le principal bureau de la Banque royale, siège de la folie spéculative.
13 septembre
Début de l’émission massive d’actions de la Compagnie des Indes, permise par un arrêt du Conseil d’État.
30 septembre
Charles Cressent (1685-1768), ébéniste, épouse la veuve de son maître, Joseph Poitou (v. 1682-1719), fournisseur du duc d’Orléans. Ils tiennent atelier et boutique rue Notre-Dame-des-Victoires.
10 novembre
Six cents jeunes filles et garçons de Paris partent pour La Rochelle, envoyés de force en Louisiane.
fin 1719
Départ de Watteau pour Londres, où il reste plusieurs mois.

1720
5 janvier
Law est nommé contrôleur général des Finances.
20 janvier
Les complices de Cartouche (1693-1721) s’emparent d’un million trois cent mille livres d’actions du système de Law, rue Quincampoix.
22 mars
Après la ruée des porteurs d’actions, à la suite des rumeurs d’inexistence d’or en Louisiane, la bourse de la rue Quincampoix ferme.
Le comte de Horn (1698-1720) assassine un agioteur : il est arrêté.
26 mars
Le comte de Horn est roué vif en place de Grève.
Avril
Arrivée de Rosalba Carriera (1675-1757) à Paris. Elle loge chez Pierre Crozat, rue de Richelieu.20 
9 septembre
Mort du mémorialiste Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau (1638-1720), dont le Journal est une source précieuse sur la Régence à Paris.
30 septembre
Concert chez Pierre Crozat, rue de Richelieu. Y assistent : Rosalba Carriera, Antoine Watteau, John Law, le Régent…
17 octobre
Marivaux crée Arlequin poli par l’amour à la Comédie-Italienne.
14 décembre
John Law fuit Paris.
30 décembre
Louis XV danse le ballet Les Folies de Cardenio, dans une salle aménagée des appartements du palais des Tuileries, sur un livret de Charles Coypel (1694-1752), et une musique de Michel-Richard Delalande (1657-1726).

1721
Publication des Lettres Persanes de Montesquieu.
21 mars
Mehmet Effendi (1670-1732), ambassadeur de la Sublime Porte, est reçu en audience par le roi aux Tuileries.
15 avril
Départ de Rosalba Carriera de Paris.
14 juillet
L’abbé Dubois est fait cardinal.
18 juillet
Antoine Watteau meurt à Nogent-sur-Marne.
14 octobre
Louis Dominique Cartouche est arrêté, au petit matin, dans le cabaret Au Pistolet, à la Basse-Courtille, à Paris. Il est condamné à la roue.
21 novembre
Mort de Jean-Baptiste Santerre (1651-1717), peintre du Régent.
31 décembre
Louis XV danse le ballet Les Éléments, musique de Michel-Richard Delalande et André Cardinal Destouches (1672-1749), dans la salle des machines des Tuileries qui rouvre pour l’occasion.

1722
7 janvier
Mort du peintre Antoine Coypel, directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture.
9 janvier
« Échange des princesses », sur l’île des Faisans, à la frontière franco-espagnole : l’infante Marie-Anne-Victoire d’Espagne (1718-1781), fiancée au roi Louis XV ; et Louise-Élisabeth d’Orléans (1709-1742), fille du Régent, qui épouse le 20 janvier suivant Louis-Philippe-Ferdinand (1707-1724), prince des Asturies, héritier du trône d’Espagne.
2 mars
Entrée solennelle de l’infante d’Espagne à Paris : la capitale est en fête durant plusieurs jours.
19 mars
Gilles-Marie Oppenord (1672-1742), directeur général des Bâtiments du Régent, est désigné pour « faire le dessein et diriger l’exécution du feu d’artifice » au Palais-Royal, en l’honneur de l’infante d’Espagne.
6 avril
Marivaux crée La Double Inconstance à la Comédie-Italienne.
15 juin
Louis XV transporte sa résidence à Versailles.
25 octobre
Sacre de Louis XV en la cathédrale de Reims.
8 décembre
Mort de la princesse Palatine, Élisabeth-Charlotte de Bavière (née en 1652), mère du Régent, au château de Saint-Cloud.

1723
22 février
Lit de justice proclamant la majorité du roi. Fin de la Régence. Philippe II d’Orléans prend la présidence des conseils. Le cardinal Dubois est confirmé comme Premier ministre.
26 avril
Déclaration concernant les rangs et honneurs des princes légitimés dans les cours de parlement : honneurs rendus au duc du Maine et au comte de Toulouse, qui restent néanmoins exclus du droit à la succession de la Couronne.
10 août
Mort du cardinal Dubois. Le lendemain, Philippe II d’Orléans prend sa suite comme principal ministre.
2 décembre
Mort de Philippe II d’Orléans. Le duc de Bourbon (1692-1740), chef de la maison de Condé, devient Premier ministre. Il gouvernera jusqu’en 1726. »


Du 20 octobre 2023 au 25 février 2024
23, rue de Sévigné
T 01 44 59 58 58
Tous les jours de 10h à 18h, sauf les lundis
Visuels : 
Vue de l'exposition La Régence à Paris (1715-1723), présentée au musée Carnavalet - Histoire de Paris 
@ Paris Musées - Pierre Antoine

Anonyme français, Philippe, duc d’Orléans, régent de France (1674-1723), représenté dans son cabinet de travail avec son fils le duc de Chartres, vers 1715
© Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Dist. RMN-Grand Palais / Photo : Christophe Fouin

Pierre-Denis Martin, Louis XV, âgé de 5 ans, sortant du lit de Justice, le 12 septembre 1715, vers 1715
CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Antoine Watteau, La Déclaration attendue, vers 1715
© Musées d’Angers, RMN-Grand Palais / Photo : Benoît Touchard

Rosalba Carriera, Le Printemps, 1721
© Musée des Beaux-Arts de Dijon / Photo : François Jay

Giovanni Antonio (dit Gianantonio) Pellegrini, Esquisse pour le plafond de la Banque Royale : Le Déchargement en bord de Seine de marchandises en provenance de la Louisiane, en 1720
CC0 Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

Pierre-Denis Martin, Vue de Paris, prise du quai de la Rapée sur la Salpêtrière, l’île Saint-Louis et l’île de la Cité, 1716
Dépôt du Musée du Louvre au Musée Carnavalet © Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Console aux chimères attribuée à François Roumier, Paris, vers 1720
Collection privée © Studio Sebert

Jean-Baptiste Santerre, Philippe, duc d’Orléans, régent de France (1674-1723) et Minerve (sous les traits présumés de Marie-Magdeleine de La Vieuville, comtesse de Parabere, sa maîtresse 1693-1750), 1717-1718
© Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Dist. RMN-Grand Palais / Photo : Gérard Blot

Jean-Baptiste Oudry, Comédiens italiens dans un parc, vers 1719
Collection privée © Stéphane Briolant

Nicolas de Largillierre, Portrait de Voltaire, entre 1718 et 1724
CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Charles Antoine Coypel, Adrienne Lecouvreur : Cornélie (La Mort de Pompée, Pierre Corneille), 1723
© Collection Comédie-Française / Photo : Patrick Lorette

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