Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

lundi 15 septembre 2025

« Mamlouks : l’héritage d’un empire »

A Paris, au printemps 2025,  le musée du Louvre a présenté l’exposition itinérante « islamiquement correcte » « Mamlouks 1250-1517 » accompagnée d’un beau catalogue. Dhimmitude occultée, mythe al-Andalus véhiculé, carte erronée, terminologie partisane, aseptisée, anachronique… Cette ode à des conquérants musulmans sunnites, ayant régi un territoire s’étendant de l’Egypte à la Syrie, en ayant vaincu les Francs et les Mongols, révèle l’indifférence des Mamlouks pour Jérusalem, une fitna (guerre entre musulmans) et la partialité du Département des Arts islamiques du célèbre musée parisien. C
o-organisée par le musée du Louvre et le Louvre Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis, E.A.U.), cette exposition sera présentée sous le titre "Mamlouks : l’héritage d’un empire" au Louvre Abu Dhabi du 17 septembre 2025 au 25 janvier 2026. Elle loue l'impérialisme islamique.

Vers un « vote halal » en France, en Belgique, en Grande-Bretagne et en Israël ? 
« Humoristes et musulmans » de Frank Eggers  
« Des humanitaires sur le chemin d’Allah » par Claire Billet, Constance de Bonnaventure et Olivier Jobard 
« Nouvelle génération, la bande dessinée arabe aujourd’hui » 
« Riad Sattouf. L’écriture dessinée »
« La croix gammée et le turban, la tentation nazie du grand mufti » de Heinrich Billstein 
« Pour Allah jusqu’à la mort. Enquête sur les convertis à l’islam radical » par Paul Landau
L'Etat islamique 
Interview de Bat Ye’or sur le califat et l’Etat islamique/ISIS 
« Les armes des djihadistes » par Daniel Harrich 
« L'argent de la terreur »
« Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974) » par Ben Salama
« Pictures for Peace. La douleur après l’attentat - Hocine Zaourar » par Rémy Burkel « Cheikh Zayed, une légende arabe » par Frédéric Mitterrand
  
« Au printemps 2025, le musée du Louvre consacra une grande exposition au sultanat mamlouk (1250 – 1517), retraçant l’histoire glorieuse et unique de cet empire égypto-syrien, qui constitue un âge d’or pour le Proche-Orient à l’époque islamique. » 

« Réunissant 260 œuvres issues de collections internationales, l’exposition explore la richesse de cette société singulière et méconnue, dont la culture visuelle marquera durablement l’histoire de l’architecture et des arts en Egypte, en Syrie, au Liban, en Israël/ Territoires palestiniens et en Jordanie. »  Que signifie « Israël/ Territoires palestiniens » ? Cette expression englobe par le signe « / », ce qu'elle distingue comme entités souveraines séparées par une virgule.  Quels sont les contours géographiques de cette zone englobant un Etat souverain de territoires non « palestiniens », mais, selon la terminologie du droit international, disputés ou contestés ?

« À l’origine de cette dynastie est un système original d’esclaves militaires (appelés «mamlouks ») d’origine majoritairement turque puis caucasienne, achetés ou capturés puis éduqués à l’islam et aux disciplines guerrières dans les casernes du Caire ou dans les grandes villes syriennes. Ils forment ainsi une caste militaire, dont une partie est affranchie et grimpe les échelons de la hiérarchie militaire qui contrôle l’État. La dynastie des Mamlouks a construit sa légende sur sa puissance guerrière. Pendant plus de deux siècles et demi, le sultanat mamlouk a vaincu les derniers bastions des croisés, combattu et repoussé la menace des Mongols, survécu aux invasions de Tamerlan et maintenu à distance ses menaçants voisins turkmènes et ottomans avant de succomber à l’expansionnisme de ces derniers. »

« La société mamlouke est une mosaïque de populations, basée sur la diversité et la mobilité, qui a développé une culture complexe et protéiforme et a constitué le cœur culturel du monde arabe. Un monde où se croisent sultans, émirs et riches élites civiles activement engagés dans le mécénat. Une société plurielle où les femmes comme les minorités chrétiennes et juives ont une place. Un territoire stratégique où convergent l’Europe, l’Afrique et l’Asie et au sein duquel les personnes et les idées circulent au même titre que les marchandises et les répertoires artistiques. Textiles, objets d’art, manuscrits, peintures, ivoires, décors de pierre et de boiserie dévoilent un monde artistique, littéraire, religieux et scientifique foisonnant. »

« Plus de quarante ans après une première exposition dédiée à cette dynastie (Washington DC, 1981), le musée du Louvre réunit pour la première fois en Europe 260 œuvres, dont un tiers provient des collections du Louvre, à côté de prêts nationaux et internationaux prestigieux. »

« L’exposition se déploie autour de cinq sections :
- l’identité mamlouke, à partir de grandes figures de sultans et d’émirs ;
- la société, plurielle et cosmopolite, où cohabitent hommes et femmes, ulémas et soufis, gens de plume, marchands et artisans, minorités chrétiennes et juives ;
- la richesse de ses cultures entremêlées : militaire, religieuse, littéraire et populaire, scientifique et technique ;
- les connexions avec le monde environnant, qui ont fait du sultanat mamlouk un autre « Empire du milieu » ;
- l’essence de l’art mamlouk et ses réalisations majeures, réunissant des œuvres exceptionnelles de calligraphie, design, textiles, céramique, verre émaillé, métal incrusté et boiseries. »

« À travers une scénographie spectaculaire réalisée par l’agence BCG et des espaces de médiation immersifs, l’exposition offre aux visiteurs une plongée captivante dans le monde des Mamlouks. Une série de portraits, égrenés au fil du parcours, propose de rencontrer des personnages historiques représentatifs de la société mamlouke, racontant des histoires singulières au sein de la grande Histoire. L’occasion inédite de découvrir cet empire glorieux et pourtant méconnu, à travers des chefs-d’œuvre venus du monde entier, offrant un autre regard sur l’Egypte et le Proche-Orient médiévaux, alors au centre des échanges entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie. »

Le commissariat général est assuré par Souraya Noujaïm, directrice du département des Arts de l’Islam, musée du Louvre, le commissariat scientifique par Carine Juvin, chargée de collection, Proche-Orient médiéval, département des Arts de l’Islam, musée du Louvre.

Sous la direction de Carine Juvin, le catalogue de l’exposition est co-édité par le Louvre et Skira. « Le sultanat des Mamlouks (1250-1517) représente plus de deux siècles et demi d’histoire du Proche-Orient, recouvrant un vaste territoire qui englobait l’Égypte, la Syrie, le Liban, la Jordanie, une partie de l’Anatolie orientale et de la Péninsule arabique, abritant les Lieux saints de l’Islam. Cette dynastie issue d’esclaves militaires a forgé sa légende par sa force guerrière, et régné à une période particulièrement féconde pour les arts de l’Islam. Les Mamlouks ont été de grands bâtisseurs dans l’ensemble de l’empire. Au Caire notamment, ils ont imprimé une forte personnalité au paysage urbain, avec de nombreux palais, édifices religieux et mausolées aux décors somptueux, utilisant de manière virtuose la marqueterie de marbres colorés, la mosaïque, la peinture et la dorure. À travers plus de 350 objets (manuscrits, mobilier, objets précieux) le catalogue met à jour une société plurielle – sultans et émirs, élite religieuse, marchands, minorités copte et juive – et révèle les intenses relations diplomatiques, commerciales et artistiques entre le sultanat et son environnement, dans un monde médiéval déjà « connecté ». Présentation de plus de 350 objets qui mettent en lumière le sultanat des Mamelouks (1250-1517), qui englobait l'Egypte, la Syrie, le Liban, la Jordanie ainsi qu'une partie de l'Anatolie orientale et de la péninsule Arabique. Issue d'esclaves militaires, cette dynastie a régné à une période particulièrement féconde pour les arts de l'Islam. »

Autour de l’exposition, le musée propose aux adultes une visite guidée avec un conférencier, mini-visite en nocturne introductive de 20 minutes en compagnie d’un conférencier et des visites adaptées - en LSF, en lecture labiale, descriptive et tactile,  sensorielle – et l’atelier adultes « Décor incrusté » : Après avoir admiré la diversité d’objets précieux de l’exposition, les participants découvrent en atelier l’étude de l’objet, de ses détails et de la technique du métal à repousser afin de créer leur propre décor oriental. »

Pour les familles et le jeune public, le musée a conçu une « visite contée à la lampe magique (dès 6 ans) – petits et grands se laisseront transporter par des merveilleuses histoires et contes orientaux – et un atelier famille « Théâtre d’ombres » (dès 8 ans) : après une plongée dans l’univers magique et fascinant de l’exposition, les familles s’inspirent des œuvres en atelier pour donner vie à un théâtre d’ombre. »
 
Programmation détaillée et réservation sur louvre.fr

L’Auditorium a accueilli deux conférences : la présentation de l’exposition par Souraya Noujaim et Carine Juvin, commissaires de l’exposition, et « En Syrie, la grande citadelle d’Alep à la période mamlouke » par Julia Gonnella, Lusail Museum : « L’archéologie permet de restituer l’histoire de ce complexe entre le XIIIe et le XVIe siècles et de mieux comprendre le rayonnement culturel et militaire de la dynastie mamlouke, au carrefour d’un Orient particulièrement connecté. »

Réalisée avec la participation exceptionnelle de la Bibliothèque nationale de France (BnF), cette exposition bénéfice du soutien du Cercle des Mécènes du Louvre et du Cercle International du Louvre - American Friends of the Louvre.

Coorganisée par le musée du Louvre et le Louvre Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis, E.A.U.), elle sera présentée au Louvre Abu Dhabi du 17 septembre 2025 au 25 janvier 2026. La newsletter de ce musée émirati existe en anglais ou en arabe, mais pas en français !?

Version islamique de l'Histoire
Ah ! Quelles guerres victorieuses menées par ces valeureux guerriers Mamlouks ! Et le merveilleux empire qu’ils ont édifié en se montrant aussi mécènes !

Cette exposition trilingue, en français, anglais et arabe, magnifie ce qui est honni par le « politiquement correct » : la guerre, l’esclavage, l’impérialisme, la conversion forcée.

Elle aplanit les aspérités pour montrer un « monde connecté » -  langage informatique – et une société du « vivre ensemble » quasi-féministe - volonté d'éviter une "exposition monogenrée" ? Souci de "combler les silences de l’histoire" ? Attention à la "question de la parité" ? Des anachronismes. La réalité était durant l'ère des Mamlouks violente et douloureuse : c’était celle du djihad, de la fitna (conflits entre musulmans), et de la dhimmitude. Des mots bannis du "politiquement correct".

C’est la version islamique de l’Histoire qui est présentée, notamment par la terminologie musulmane : « En terre d'islam, l'asservissement des musulmans étant interdit, les esclaves (ghulam ou 'abd) sont enlevés depuis des territoires extérieurs. » L’expression « terre d’islam » aurait du être encadrée par des guillemets, car c’est la traduction en français du « Dar al-islam » (domaine de la soumission à Allah) qui reflète la vision islamique conflictuelle du monde. Elle s’oppose au « Dar al-Harb » (domaine de la guerre, du djihad).

Un panneau décrit « Bilad al-Sham, territoire du sultanat mamlouk organisé en gouvernorats, chacun autour d'une ville principale : Damas, Alep, Tripoli, Gaza, Hama, Karak et Safad (Safed, Ndlr). L'Egypte, plus centralisée, est divisée en sous-gouvernorats. » Il est illustré par une carte montrant Jérusalem, alors non érigé en un chef-lieu de gouvernorat ; ce qui prouve le manque d'intérêt pour Jérusalem. Et la quasi-totalité des objets présentés dans l'exposition proviennent d’Egypte et de Syrie. 

Au Moyen-âge, lors de la conquête Arabe des territoires de l'actuel Proche-Orient, ces conquérants avaient dénommé « Bilad al-Sham » la zone comprenant les actuels Syrie, Israël, territoires disputés, Liban, Jordanie et une partie de la Turquie méridionale. « Bilad al-Sham » signifie la « terre de la main gauche », « el-Cham » est le nom de Damas en "arabe dialectal local" et « al-Sham » désignait la province de Syrie dans les califats successifs.

Ces termes revêtent un sens dans l'imaginaire islamique et ne sont pas figés dans un passé révolu.

Ainsi, le 29 juin 2014, l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ou en anglais Islamic State of Iraq and al-Sham (ISIS) a annoncé le rétablissement du  califat aboli en 1924, et est désormais dénommé « Etat islamique » (EI).  L'expression en anglais reprenait l'historique dénomination sous les califats.

"La Syrie, Bilad el-Sham en arabe, joue un rôle particulier dans l'eschatologie musulmane. Ce pays de Cham est cité dans le Coran et les Hadiths, car c'est là que doit se dérouler l'affrontement final contre Satan, contre la Bête à la fin des temps, lors du jugement dernier. Les musulmans croient même que Jésus – dans sa version coranique – reviendra sur terre en Syrie. L'un des minarets de la mosquée des Omeyyades à Damas est d'ailleurs appelé le minaret de Jésus. Tout cela résonne dans l'imaginaire des djihadistes. Ils mènent un combat contre ce qu'ils considèrent comme le Mal sur une terre dont parle la tradition islamique. Voilà aussi pourquoi la Syrie est devenue un tel aimant", a déclaré en juin 2014 Frédéric Pichon, chercheur à l'Université de Tours et arabisant, auteur de « Syrie. Pourquoi l'Occident s'est trompé » (Editions du Rocher).

La société sous l'ère des Mamlouks ? « Les élites civiles tiennent un rôle considérable dans la vie économique, administrative et culturelle... D'importantes communautés chrétiennes, ainsi que des petites communautés juives et musulmanes chiites complètent cette mosaïque de la société mamlouke alors sous domination de l'islam sunnite... Les minorités musulmanes (chiites, druzes…) et juives sont peu documentées et ne semblent pas avoir joué un rôle significatif, mais l’histoire des importantes communautés chrétiennes d’Égypte et du Bilad al-Sham (région syrienne) peut être plus précisément écrite. » 

On peut admirer de magnifiques manuscrits : un commentaire des chapitres 5, 6 et 7 du Lévitique par Yepet ben 'Elly Halewly (copiste Juda ibn al-Naqqash, Egypte vers 1514-1546), manuscrit en langue arabe copiée en caractères hébreux, un Pentateuque (copiste ou superviseur : Jirjiss ibn Abu'l-Mufaddal ibn Amin al-Mulk), luxueux manuscrit en arabe aux styles coptes et islamiques et les Epîtres de Paul, manuscrit en arabe par le copiste moine copte Tuma (Thomas) Ibn al-Safi.

Les juifs seraient « peu documentés » ? Pourtant, l’essayiste Bat Ye’or a découvert plusieurs documents datant de l’ère des Mamlouks qui évoquaient des juifs dhimmis ou zimmis. Des documents historiques lisibles dans Le Dhimmi, profil de l’opprimé en Orient et en Afrique du nord depuis la conquête arabe publié par les éditions Anthropos en 1980, traduits en anglais en 1985, puis republiés, par les éditions Les Provinciales en 2025.

Avant d’en citer trois, il convient de rappeler la définition par Bat Ye’or de la dhimmitude  :
« La dhimmitude est corrélée au jihad. C’est le statut de soumission des indigènes non-musulmans – juifs, chrétiens, sabéens, zoroastriens, hindous, etc. - régis dans leur pays par la loi islamique. Il est inhérent au fiqh (jurisprudence) et à la charîa (loi islamique).
Les éléments sont d’ordre territorial, religieux, politique et social.
Le pays conquis s’intègre au « dar al-islam » (maison de la soumission) sur lequel s’applique la charîa ; le « dar al-islam » se distingue du « dar al-harb », composé de territoires à conquérir pour les soumettre à l’islam. La charîa détermine en fonction des modalités de la conquête les droits et les devoirs des peuples conquis qui gardent leur religion à condition de payer une capitation mentionnée dans le Coran et donc obligatoire. Le Coran précise que cet impôt dénommé la jizya doit être perçue avec humiliation (Coran, 9, 29).
Les éléments caractéristiques de ces infidèles conquis (dhimmis) sont leur infériorité dans tous les domaines par rapport aux musulmans, un statut d’humiliation et d’insécurité obligatoires et leur exploitation économique.
Les dhimmis ne pouvaient construire de nouveaux lieux de culte et la restauration de ces lieux obéissait à des règles très sévères.
Ils subissaient un apartheid social qui les obligeait à vivre dans des quartiers séparés [mellah au Maroc, Ndr], à se différencier des musulmans par des vêtements de couleur et de forme particulières, par leur coiffure, leurs selles en bois, leurs étriers et leurs ânes, seule monture autorisée.
Ils étaient astreints à des corvées humiliantes, même les jours de fête, et à des rançons ruineuses extorquées souvent par des supplices. L’incapacité de les payer les condamnait à l’esclavage. Dans les provinces balkaniques de l’Empire ottoman durant quelques siècles, des enfants chrétiens furent pris en esclavage et islamisés. Au Yémen, les enfants juifs orphelins de père étaient enlevés à leur famille et islamisés. Ce système toutefois doit être replacé dans le contexte des mentalités du Moyen Age et de sociétés tribales et guerrières.
La tolérance concédée au vaincu du jihad moyennant l’acceptation de mesures discriminatoires, situation qui caractérise la condition du dhimmi, est, du reste, provisoire et peut-être abolie si l’autorité musulmane juge que le dhimmi contrevient aux règlements de son statut. Dans ce cas, divers châtiments sont envisagés. »
Les éditions Les Provinciales ont republié en 2017 Le Dhimmi, avec une préface de Jacques Ellul, philosophe, théologien historien du droit et sociologue, puis, en 2025, des documents historiques sur des dhimmis juifs et chrétiens, du Moyen-âge au XXe siècle. Une nouvelle édition précédée d'une étude de Rémi Brague, philosophe, historien de la philosophie et membre de l'Institut de France, et comportant davantage de documents sur les chrétiens.

Voici trois documents extraits du Dhimmi, documents (Ed. Les Provinciales, 2025) décrivant la situation dramatique des juifs et des chrétiens, dhimmis ou zimmis, sous domination Mamlouke.

« La visite d’un vizir du Maghreb au Caire (1301) » (pp. 76-78)
Source : Ibn an-Naqqach, « Fetwa relatif à la condition des dhimmis et particulièrement des chrétiens en pays musulmans depuis l’établissement de l’islam jusqu’au milieu du huitième siècle de l’hégire », trad. Belin, in Journal asiatique, 4e série, vol. 18 (1851) et 19 (1852).

« Au mois de redjeb el-ferd de l’an 700 [1301], le vézir du Gharb [au Magrheb] vint au Caire pour se rendre au pèlerinage, et il eut une conférence avec Sultan el-Melik en-Nâcer Mohammed ibn Qalâoun [années de règne 1294, 1299 et 1309-1341), son lieutenant, l’émir Sallar, et l’émir Rokn eddin Bibars el-djâchenguir, qui lui firent des présents magnifiques et l’accueillirent avec la plus grande distinction. Il s’entretint avec eux de l’état des chrétiens et des juifs dans son pays, où cette classe de gens était retenue dans les liens de l’opprobre et de l’avilissement ; où l’on ne permettait à aucun d’eux de monter à cheval, ni d’être employé dans les services publics ; il montra, en outre, sa désapprobation de ce que les zimmis d’Égypte se couvraient des plus beaux habits, montaient sur des mules, des juments et des chevaux de prix, et de ce qu’on les jugeait dignes d’être employés dans les fonctions les plus importantes et d’avoir de l’autorité sur les musulmans. Il ajouta que le pacte de leur zimmèt [dhimma] était périmé depuis l’an 600 de l’hégire (1203) ; et il cita encore une foule d’arguments semblables à ceux-ci et dans le même sens. 
Ces paroles firent impression sur les grands de l’état, et en particulier sur l’émir Rokn eddin Bibars el-djâchenguir, et sur les autres émirs ; ils déclarèrent tous, d’un avis unanime, que la manifestation d’un tel état de choses donnerait en Égypte un grand relief à la religion. En conséquence, on rassembla les chrétiens et les juifs, le jeudi 20 redjeb, et on leur notifia qu’ils ne seraient plus employés dorénavant ni dans les services publics, ni auprès des émirs ; qu’ils devraient changer leurs turbans ; que ceux des chrétiens seraient de couleur bleue ; que ces derniers mettraient les ceintures (zounnâr) serrées au milieu du corps ; et que les juifs porteraient des turbans jaunes. Les chrétiens et les juifs éprouvèrent ainsi, au Caire et en Égypte, un retour funeste pour eux vers le passé. Les chefs des deux communautés firent de vaines tentatives auprès des hommes renommés pour leur piété, auprès des grands et des principaux dignitaires, à qui ils offrirent même des sommes considérables pour qu’on revint sur cette décision ; mais ces offres ne furent point agréées, et, au contraire, on montra la plus grande sévérité dans la mise en vigueur des ordres promulgués. 
L’émir Rokn eddin Bibars el-djâchenguir fut chargé de les mettre à exécution. On ferma les églises à Masr (vieux Caire) et au Caire, et on mit les scellés sur les portes, après les avoir clouées. 
Le vingt-deuxième jour de redjeb, tous les juifs avaient déjà pris le turban jaune, et les chrétiens le turban bleu ; et si quelqu’un d’entre eux montait à cheval, il devait replier sous lui l’une de ses jambes ; puis on congédia les zimmis des emplois publics, comme aussi de ceux qu’ils occupaient auprès des émirs ; et on leur défendit de monter sur des chevaux ou sur des mules. Par la suite, plusieurs d’entre eux se firent musulmans, et on cite, entre autres, Emin el-Mulk, moustaofi es-sohbé
Le sultan ordonna d’expédier des ordres dans toutes les provinces nouvellement annexées à ses états et dans lesquelles il se trouverait des maisons occupées par des juifs et des chrétiens, afin que toutes celles qui seraient plus élevées que les habitations des musulmans des alentours fussent démolies jusqu’à la hauteur de celles-ci ; que, de plus, tous les zimmis qui auraient une boutique dans le voisinage des musulmans abaissassent leur mastabé [sol de la maison] afin que celui des musulmans fût plus élevé que le leur ; il enjoignit, en outre, de veiller au maintien des signes distinctifs (ghiâr) extérieurs, conformément à l’ancien usage. 
Le courrier (el-bérid) qui portait ces ordres arriva à Damas le premier chabân ; et le lundi suivant, 7 du même mois, on fit lecture des règlements (chourout « conditions ») imposés aux zimmis de Damas, en présence du nâib du sultan, des émirs et des qâdis. Les émirs convinrent de renvoyer les zimmis des emplois qu’ils occupaient ; et on publia les ordonnances d’après lesquelles il leur était interdit de monter, soit à cheval, soit sur toute autre bête de selle. Puis, le 25 du même mois, on proclama à Damas le rescrit du vice-roi qui enjoignait aux zimmis de porter sur leur tête les signes distinctifs : la marque des chrétiens était le bleu ; celle des juifs, le jaune, et celle des habitants de Samâra (Samaritains), le rouge. On tint la main à l’exécution de cet ordre ; et, en effet, le dimanche suivant, tous les juifs avaient pris la couleur qui leur était assignée ; c’était, en vérité, un beau spectacle ! Après eux, vint le tour des chrétiens et des Sâmeris ; grâces et louanges en soient rendues à Dieu ! 
On se mit ensuite à démolir les églises, et principalement celles du Caire ; les ulémas, les jurisconsultes et les qâdis se réunirent en conseil à cette occasion, et l’on dit même que le qâdi Ibn er-Refa’a, nâib (du chef) de la justice en Égypte, avait déjà rendu un fetoua autorisant la démolition des églises. Cependant, après une longue conférence et une discussion animée sur ce sujet, dans le conseil des ulémas, le qâdi al-qoudât [chef du corps judiciaire en Égypte] Taqi ad-Dîn Ibn Daqiq al-’Yd prit la parole et il rendit un fetoua portant qu’on ne toucherait point aux églises, tant qu’il ne serait pas prouvé qu’elles fussent de construction nouvelle ; mais que, ce point une fois constaté, on devrait alors les démolir. (vol. 18, pp. 482-490.) »

« La destitution des fonctionnaires dhimmis (1419) » (pp. 83-84) 
Source : Ibn Taghribirdi (1469), Nujum, in E. Fagnan, « Arabo-Judaica », in Mélanges Hartwig Derenbourg (1844-1908), Paris, 1909.

« Le 7 djomâda 1122 [1er juin 1419], le sultan d’Égypte [Melik Mo’ayyed Aboû’n-Naçr] fit comparaître devant lui en présence des kâdis et des docteurs de la loi le Patriarche chrétien, qui resta debout, recevant des reproches et des coups et gourmandé par le sultan à raison des humiliations infligées aux musulmans par le prince des Abyssins ; des menaces de mort lui furent même adressées. Puis comparut le cheykh Çadr el-Dîn Ahmed-ben el-’Adjemi, préfet de police du Kaire, qui s’entendit blâmer à raison du mépris des chrétiens vis-à-vis des ordonnances relatives à leur costume et à leur tenue extérieure. À la suite d’une longue conversation des docteurs et du sultan sur ce sujet, il fut entendu qu’aucun de ces infidèles ne serait employé dans les bureaux gouvernementaux, non plus qu’auprès des émirs, ni n’échapperait aux mesures prises pour les maintenir dans un état d’humiliation. Le sultan fit ensuite comparaître El Akrem Fedâ’il le chrétien, secrétaire du vizir, qui était emprisonné depuis plusieurs jours ; il fut battu, puis dépouillé de ses vêtements et promené ignominieusement au Kaire, sous les yeux du préfet de police qui proclamait : « Voilà la rétribution des chrétiens employés dans les bureaux gouvernementaux ! » Après quoi il fut réincarcéré. 
Le sultan tint la main à l’exécution de ces mesures, si bien que nulle part en Égypte nul chrétien ne fut plus employé dans aucune administration ; ces infidèles durent rester chez eux, diminuer les dimensions de leurs turbans et rétrécir leurs manches, de même que durent aussi faire les juifs. Tous furent empêchés d’avoir des ânes pour montures, si bien que la populace, quand elle voyait un chrétien monté sur un âne, le battait et le dépouillait de son âne et de ce qu’il portait ; aussi n’en vit-on plus ainsi montés, sinon en dehors du Kaire. Les chrétiens firent tous leurs efforts pour recouvrer des emplois et offrirent à cet effet de grosses sommes d’argent ; mais malgré l’appui que leur prêtaient les scribes coptes, le sultan n’accéda pas à leurs demandes et refusa de revenir sur les défenses qu’il avait édictées.
Sur quoi je fais ces réflexions ; peut-être par considération pour cet acte, Dieu pardonnera-t-il tous ses péchés à El-Melik el-Mo’ayyed ! Il a en effet apporté ainsi une aide des plus précieuses à l’Islam, car l’exercice par ces chrétiens de fonctions dans les bureaux officiels égyptiens est un mal des plus grands, qui a pour conséquence l’exaltation de leur religion, vu que la plupart des musulmans ont besoin, pour le règlement de leurs affaires, de fréquenter chez les fonctionnaires ; or chaque fois qu’ils ont une affaire ressortissant à un bureau géré par de pareils titulaires, il leur faut s’humilier et se montrer doux avec eux, fussent-ils chrétiens, juifs ou samaritains. […] (pp. 115.116.) 
L’ordonnance de ce prince équivalait à une seconde conquête de l’Égypte ; il exalta ainsi l’Islam et humilia l’Infidélité, et rien n’est plus méritoire aux yeux de Dieu. (p. 117.) » 

« Le statut des édifices de culte » (pp. 84-85)
Source : Schreiner, M., « Contributions à l’Histoire des Juifs en Égypte », in Revue des Études juives, vol. XXXI, Paris, 1895.

« Au début du XIVe siècle, les édifices du culte des Juifs et des Chrétiens ayant été fermés, on sollicita l’opinion du juriste Ibn Taimiyya à ce sujet. 
Quel est votre avis (Dieu vous ait en sa grâce) au sujet des synagogues du Caire et des autres lieux, fermés sur l’ordre des autorités, étant donné que les Juifs et les Chrétiens crient à l’injustice et veulent mériter la réouverture de ces édifices, et pour ce, ont sollicité l’intervention du prince (Dieu le garde, le préserve et le sauve !) ? Faut-il faire droit à leur requête ou non, car, selon eux, ces synagogues et églises sont très anciennes et datent du temps du chef des croyants Omar b. Hattâb et autres. Ils demandent qu’on les laisse dans l’état où ils étaient du temps d’Omar et des autres kalifes, et ils soutiennent que la fermeture des synagogues va à l’encontre des dispositions des « Houlafâ al-râschidoûn », des kalifes directeurs. 
Réponse d’Ibn Taimiyya : Pour ce qui est de leur assertion que les Musulmans ont commis une injustice en fermant les kanâï [lieux de culte], c’est un mensonge qui est, en effet, en contradiction avec le consentement universel des Musulmans ; en effet, tous les Musulmans des quatre écoles de droit, Hanafites, Malikites, Shâffites, Hanbalites, et les anciens Imams, tels que Soufyân al Thaurî, Al-Auzâi, Al-Heyith ibn Sâd et d’autres, ainsi que les « Compagnons du Prophète » et leurs successeurs (Dieu les ait en sa béatitude !) sont unanimes à proclamer que, si l’Imam voulait détruire toutes les synagogues et églises dans le pays des croyants, par exemple, en Égypte, au Soudan, dans les provinces de l’Euphrate, en Syrie et en de semblables pays, s’il voulait les détruire en se conformant à l’avis de ceux qui professent cette manière de voir, ce ne serait pas une injustice de sa part et même il faudrait lui obéir. Quiconque s’opposerait à ses efforts violerait l’alliance de Dieu et commettrait le péché le plus grave. S’ils prétendent, en outre, que ces synagogues et ces églises existent depuis Omar Ibn al-Hattâb et que « les khalifes directeurs » leur en ont laissé la possession, c’est un second mensonge ; la tradition établit que le Caire n’a été fondée que trois cents ans après Omar Ibn al-Hattâb, après Bagdad, Basra, Koufa et Wâsit. Les Musulmans, d’ailleurs, sont d’accord pour défendre aux Juifs et aux Chrétiens de construire des synagogues et des églises dans les villes fondées par les Mahométans. 
Même quand la conquête des Musulmans a eu lieu par voie de capitulation et de traité et qu’on a laissé aux Juifs et aux Chrétiens leurs édifices religieux, même alors Omar a posé la condition qu’ils n’en construiraient pas de nouvelles dans le pays capitulé, à plus forte raison dans des villes d’origine musulmane. Et quand ce sont des pays conquis par la force (sans capitulation, les provinces de l’Euphrate et l’Égypte sont dans ce cas) et que les Musulmans y élèvent des villes, ceux-ci ont même le droit de leur enlever les synagogues et églises déjà existantes, de manière qu’il ne demeure plus ni synagogues ni églises, à moins qu’un contrat n’ait accordé cette autorisation. (p. 9-10.) »

Pourquoi les deux commissaires n'ont-elles pas présenté ces textes dans l'exposition et le catalogue ? Pour ne pas ternir l'image glorifiée des Mamlouks ? Par ignorance ? Par désintérêt pour les juifs ? Parce que l'essayiste Bat Ye'or est ostracisée, à tort, par des universitaires ? Par conformisme au "politiquement correct" ? Pour plaire aux visiteurs musulmans ? Le matin de ma visite, dans l'une des dernières salles de l'exposition, j'ai vu, de dos, une demi-douzaine de visiteuses portant le voile islamique, assises sur un banc face à une grande tapisserie. Je pensais qu'elles admiraient une pièce admirable. Je me suis avancée, et, arrivée à leur niveau, j'ai constaté que leur regard était rivé... à leur téléphone portable.

La carte supra montrant les trois zones en Judée et Samarie indique correctement la localisation de Bethléhem. Elle a été élaborée par le ministère israélien des Affaires étrangères.

C'est Yaël Simon, journaliste, titulaire d'un MD en Histoire et traductrice qui a révélé le 16 juillet 2025, sur son compte Linkedin, avoir constaté deux erreurs majeures sur une carte affichée dans l'exposition :
« Mamelouks (1250-1517) », à la gloire du sultanat fondé par des soldats-esclaves, décrit ce règne comme un « âge d’or du Proche-Orient islamique », minimisant pudiquement sa violence sanguinaire (et le faisant presque passer pour « féministe » au regard des standards médiévaux). Au-delà de ce parti pris contestable, partiellement compensé par l’intérêt des œuvres exposées, j’ai été saisie de stupeur devant une carte plaçant Bethléem - située à une dizaine de kilomètres au sud de Jérusalem - au nord de la Ville sainte. Cette dernière se trouve quant à elle sise à la latitude d’Alexandrie. Comment une erreur de ce calibre a-t-elle pu franchir les circuits de validation ? »
Le crédit inscrit en bas et à droite de cette carte dans l'exposition indique le musée du Louvre et Hélène Renel, ingénieur d'études au Cnrs au sein du laboratoire Orient & Méditerranée et de l'équipe "Islam médiéval", responsable du fonds documentaire d'Art et Archéologie islamiques (Institut d'Art et d'Archéologie, Université de Paris-Sorbonne) et  co-responsable du programme « Atlas des mondes musulmans médiévaux » en collaboration avec Sylvie Denoix - toutes deux ont dirigé cet Atlas publié en 2022 par le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et consultable sur Internet. La carte erronée est aussi reproduite dans le catalogue.

Yaël Simon a aussi relevé lors de sa visite au musée du Louvre :
« Autre énormité, indigne de l’institution culturelle : dans la 𝐟𝐫𝐢𝐬𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐚𝐜𝐫é𝐞 𝐚𝐮𝐱 𝐜𝐢𝐯𝐢𝐥𝐢𝐬𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐚𝐧𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞𝐬 𝗱𝘂 𝗠𝗼𝘆𝗲𝗻-𝗢𝗿𝗶𝗲𝗻𝘁, il est question de « Palestine » au IVe et au Ve millénaire avant J.C. Un anachronisme loin d’être anodin dans la guerre de propagande actuelle. Pour mémoire, cette dénomination n’apparaît pas avant le IIe siècle de l’ère commune. En effet, la province romaine de Judée est renommée Syria-Palæstina par l’empereur Hadrien après la seconde guerre des Juifs contre les Romains (132-135), dans un dessein de « damnatio memoriae » collective. Le terme « Palestine » provient d’un « peuple de la mer » alors disparu, les Philistins, ennemis bibliques d’Israël.
 
🕎 Enfin, sur cette même frise, le nom d’Israël a fait l’objet d’un 𝐚𝐜𝐭𝐞 𝐝𝐞 𝐯𝐚𝐧𝐝𝐚𝐥𝐢𝐬𝐦𝐞 destiné, sans nul doute, à effacer l’histoire israélite ancienne de la mémoire collective. J’espère que l’administration du Louvre, dûment informée, fera le nécessaire pour restaurer au plus vite cette inscription, rageusement grattée.
 
🗣️ À une époque où l’histoire (en particulier celle d’Israël) subit les assauts et manipulations d’une idéologie déconstructiviste et révisionniste, sous l’influence conjointe du wokisme et de l’islamo-palestinisme (merci à Pierre-André TAGUIEFF d’avoir formalisé ce concept), ces égarements pernicieux ne sauraient être passés sous silence.»
La scénographie de l'exposition favorise l’identification avec des personnages historiques mamlouks : présentation à la première personne du singulier de biographies, expression de la mentalité arabe caractérisée par le « Mektoub ». Exemple avec « Yashbak Min Mahdi, un émir terrible mort en 1480 » : « En 1480, j'ai quitté l'Egypte pour tenter de conquérir l'Irak, mais là-bas j'ai été capturé et exécuté. Telle était ma destinée ».

Les Mamlouks « ont construit de grands monuments : palais, école, hôpital, mosquée ». L'exposition montre des mosquées, des mausolées et des Palais. Et évoque des écoles islamiques ou madrass. Les architectes, décorateurs et autres artisans ayant contribué à l'édification de ces monuments étaient vraisemblablement des dhimmis, et non des guerriers membres de l'élite équestre.

Il aurait été intéressant d'évoquer davantage la Septième Croisade et la chute du royaume Franc ou des États latins d'Orient. Le "monde connecté", c'est aussi au début de l'ère étudiée, la réponse chrétienne au djihad qui a favorisé la conquête du pouvoir par des Mamlouks. La lutte interne au pouvoir était particulièrement violente comme le montre l'exposition.

Les dossiers de presse et pédagogique sont à l'avenant.

En juillet 2025, j'ai interrogé les deux commissaires de l'exposition, Souraya Noujaim et Carine Juvin, la cartographe Hélène Renel et Laurence des Cars, Présidente-directrice du musée du Louvre. Je n'ai reçu aucune réponse.

Le 23 juillet 2025, l'association C.H.A.R. (Contre la haine l'antisémitisme et le racisme) a interrogé Laurence des Cars, Présidente-Directrice du musée du Louvre sur ces faits. En vain.

Il serait souhaitable que le musée du Louvre corrigeât ces erreurs, et rétablisse toute l'Histoire, notamment la dhimmitude infligée aux juifs et chrétiens, dans cette exposition itinérante bientôt présentée au Louvre Abou Dhabi, dans les Emirats Arabes Unis qui ont signé les accords d'Abraham avec l'Etat d'Israël. "Acteur de premier plan de la diplomatie culturelle, le musée du Louvre entretient des relations avec plus de 75 pays à travers le monde". En avril 2025, Laurence des Cars, Présidente-directrice du musée du Louvre, a nommé "Marguerite Leroy en qualité de conseillère en charge des discours et de la coordination de la programmation scientifique et Pauline Bonnet de Paillerets en qualité de conseillère en charge des affaires européennes et internationales à compter d’avril 2025." 

Il convient aussi de remplacer la notice vandalisée, de corriger la terminologie dans cette frise chronologique.

Il importe enfin de recruter à la direction des départements, notamment celui sur les Arts islamiques, des experts avec une plus grande curiosité intellectuelle, un savoir plus varié, et plus soucieux de ne pas ternir une exposition par un narratif politisé, ainsi que de vérifier et renforcer les processus de contrôle sur les contenus véhiculés par le célèbre musée parisien le plus visité à Paris et dans le monde (8,7 millions de visiteurs au Louvre en 2024).

Le 9 août 2025, sur son compte LinkedIn, Yaël Simon a transmis la réponse du Louvre en date du 6 août 2025 :
"DE LA SAUVEGARDE DE L’HISTOIRE : 
LA RÉPONSE DU MUSÉE DU LOUVRE 📜
 
🏛️ Le 15 juillet 2025, je signalais dans un post (👉🏻 https://lnkd.in/ekstwufA) les « mauvaises surprises » que m’avait réservées ma dernière visite du musée du Louvre, à savoir :
▪️ Une carte géographique fautive, dans laquelle Bethléem se trouvait au nord de Jérusalem, elle-même sise à la latitude d’Alexandrie, dans le cadre de l’exposition « Mamelouks 1250-1517 » ;
▪️La mention de la « Palestine » au Ve et IVe millénaire avant J-C. sur la frise chronologique consacrée aux civilisations antiques ; 
▪️Un acte de vandalisme perpétré contre le nom d’Israël sur la même frise.
 
✉️ 𝗩𝗼𝗶𝗰𝗶 𝗹𝗮 𝗿é𝗽𝗼𝗻𝘀𝗲 𝗱𝘂 Musée du Louvre, 𝗿𝗲ç𝘂𝗲 𝗽𝗮𝗿 𝗲-𝗺𝗮𝗶𝗹 𝗹𝗲 𝟲 𝗮𝗼û𝘁 𝟮𝟬𝟮𝟱 :
« Bonjour, 
 
Je vous remercie d'avoir pris le temps de relever ces erreurs et actes malveillants. 
 
Le musée du Louvre est un établissement culturel d’exception qui œuvre continuellement pour offrir à ses visiteurs un moment privilégié. Au quotidien, soyez assurée qu’il respecte scrupuleusement ses engagements en matière de qualité d’accueil et de préservation du patrimoine, tout en répondant aux impératifs de sécurité auxquels il est assujetti. Chaque dispositif doit répondre à la nécessité de trouver un équilibre optimal entre les attentes du public et nos obligations. Dans toutes situations, l’ensemble des équipes se mobilise et s’emploie à résoudre les dysfonctionnements de la manière la plus rapide et la plus efficace qui soit.
 
L'exposition Mamlouks sera présentée à partir du 17 septembre au musée du Louvre Abu Dhabi : l'erreur sur la carte sera corrigée pour cette seconde étape. 
Le département des antiquités orientales a pris bonne note de vos remarques sur la frise. Le service en charge de la signalétique opère une réédition de la frise, afin de rétablir l'intégralité des noms. 

Nous opérons une vigilance particulière sur les mentions du nom "Israël" présentes dans nos collections, afin de nous assurer que de nouveaux actes malveillants ne soient pas commis.
 
Je vous prie d’agréer mes respectueuses salutations. »
 Je remercie sincèrement les équipes du musée du Louvre pour leur réponse circonstanciée et pour les démarches annoncées, dont j’espère pouvoir prendre personnellement connaissance lors d’une de mes prochaines visites."
Pas un mot d'excuse au public !

Pas un geste commercial pour cette visiteuse qui a évité la honte au Louvre Abou Dhabi en septembre 2025 !

Le Louvre n'explique pas comment des fautes historiques graves ont pu survenir et perdurer : c'est la direction du Département des Arts de l’Islam qui a conçu l'exposition, c'est une experte en Islam médiéval et ingénieure au CNRS qui a élaboré la carte erronée... Cet "établissement culturel d’exception" demeure silencieux sur des points cruciaux : comment aucune autorité n'a repéré ces fautes graves ? Quels sont les critères de recrutement et de promotion des historiens, conservateurs, Présidente-Directrice et gardiens au sein du Louvre ? Une enquête a-t-elle été menée pour repérer les failles dans l'organisation ainsi que pour renforcer le contrôle des expositions temporaires et permanentes ? Quelles sanctions ont été envisagées ou infligées ? 

Le Louvre n'a pas répondu aux courriers de C.H.A.R. et au mien. Ce qui lui permet d'éluder les omissions de la dhimmitude, du djihad, etc. Quel dédain non républicain ! Quel déclin muséal !

Des chercheurs français ont boycotté le colloque « Les histoires juives de Paris (Moyen-âge et époque moderne » au Musée d’art et d’histoire du judaïsme (mahJ) les 15 et 16 septembre 2025, en prétextant "la guerre à Gaza et le financement d’une doctorante israélienne". Des dirigeants communautaires français se sont indignés de ce boycott, mais demeurent inactifs pour combattre la marginalisation des juifs dans le "récit national" et le traitement des juifs et du Judaïsme dans des expositions muséales.

Au Louvre Abu Dhabi
C
o-organisée par le musée du Louvre et le Louvre Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis, E.A.U.), cette exposition sera présentée sous le titre "Mamlouks : l’héritage d’un empireau Louvre Abu Dhabi du 17 septembre 2025 au 25 janvier 2026. L'empire islamique des Mamlouks est loué. Imagine-t-on une exposition similaire vantant l'impérialisme français ?

"Une exposition majeure développée en collaboration avec le musée du Louvre, qui révèle l’histoire de l’une des dynasties les plus influentes du monde islamique. Rassemblant plus de 250 œuvres exceptionnelles, l’exposition célèbre l’héritage durable et l’éclat artistique de l’ère mamelouke."

"S’étendant sur plus de deux siècles et demi, les Mamlouks ont laissé une empreinte indélébile dans l’histoire du Moyen-Orient – non seulement en tant que redoutables guerriers, mais aussi en tant qu’artisans talentueux, diplomates aguerris, acteurs essentiels du commerce mondial, et bien plus encore. Leur règne a vu s’épanouir l’expression artistique et intellectuelle, marquant une période significative de l’âge d’or islamique."

"Découvrez plus de 250 œuvres comprenant des calligraphies, des motifs arabesques, des textiles, des objets en métal, des céramiques et des manuscrits. Ensemble, elles témoignent de la richesse des contributions mamloukes à l’art, à la culture et à la diplomatie."

Le 16 septembre 2025 de 18 h à 19 h, l'Auditorium du Louvre Abu Dhabi accueillera la conférence des commissaires de l'exposition "Un voyage au cœur de l’Empire mamelouk". Les intervenantes seront Dr. Souraya Noujaim, Dr. Carine Juvin et Fakhera Ahmed Mubarak Al Kindi

"Entrez dans l’univers de Mamlouks : l’héritage d’un empire, la première grande exposition consacrée à l’art mamelouk depuis plus de quarante ans, et laissez-vous guider par celles qui l’ont imaginée."

"De 1250 à 1517, les Mamelouks ont édifié un empire cosmopolite et rayonnant, à la croisée de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe. Leur art, à la fois raffiné et audacieux, fusionne maîtrise technique et force visuelle. Porté bien au-delà de leurs frontières, il témoigne de la circulation des idées au Moyen Âge et illustre la puissance des échanges créatifs capables, hier comme aujourd’hui, de rapprocher les cultures".

"À travers 250 chefs-d’œuvre, l’exposition révèle un patrimoine d’une richesse inégalée, reflet d’une société plurielle où chaque acteur, des souverains aux artisans, a contribué à l’éclat artistique de l’époque."

Le 17 septembre 2025, j'ai interrogé la ministre de la Culture Rachida Dati pour savoir si le Louvre remplit sa mission de transmission de savoir et si ses dirigeants ont les compétences requises.


PARCOURS DE L’EXPOSITION

« En 1250, au Caire, des esclaves militaires (en arabe mamlouk) prennent le pouvoir en Égypte puis au Bilad al-Sham (Syrie, Liban, Israël/Territoires palestiniens, Jordanie). Ces esclaves, cavaliers d’élite turcs, servaient la dynastie des Ayyoubides, fondée par Saladin (1138-1193), qui régnait sur ce territoire. »

« Après avoir renversé les Ayyoubides, ces mamlouks instaurent un sultanat qui dure plus de deux siècles et demi jusqu’en 1517, date à laquelle il est intégré à l’Empire ottoman. »

« Dans la seconde moitié du 13e siècle, les sultans mamlouks parviennent à arrêter l’avancée des Mongols, venus d’Asie, et à reconquérir les derniers territoires gagnés par les Francs lors des Croisades aux XIIe et XIIIe siècles. Les Mamlouks règnent sur une vaste région, contrôlant le commerce lucratif des épices venues de l’Asie du Sud-Est qui transite par la mer Rouge vers la Méditerranée et l’Europe. »

« Le sultanat mamlouk est un État puissant avec pour capitale Le Caire, centre marchand et culturel attirant une population cosmopolite. Ses villes se couvrent de monuments et des productions artistiques caractéristiques connaissent un apogée, s’exportant en Europe, en Afrique et jusqu’en Chine. »

« Contemporains de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance en Europe, les Mamlouks écrivent une page marquante de l’histoire du monde. »

« Prologue : la légende des Mamlouks »

« Après la conquête du sultanat par les Ottomans en 1517, le système d’acquisition d’esclaves militaires, originaires du Caucase (Circassiens), continue. Ces mamlouks constituent un corps de cavaliers au sein de l’armée ottomane d’Égypte, et leurs chefs, les Beys, regagnent un poids politique aux XVIIe et XVIIIe siècles. »

« En 1798, lors de la campagne d’Égypte menée par le général Napoléon Bonaparte, les troupes françaises affrontent ces cavaliers mamlouks. Bonaparte admire leurs prouesses, au point de créer un corps de mamlouks dans la Garde impériale française entre 1801 et 1815. Les Mamlouks entrent ainsi dans la légende en Europe. »

« En Égypte et en Syrie, la mémoire des sultans mamlouks est entretenue par leurs somptueux monuments et les nombreux ouvrages d’histoire composés sous leurs règnes, mais aussi par des récits populaires. Ainsi, le Roman de Baybars, mis par écrit dès le XVe siècle, s’inspire très librement de la vie de Baybars, sultan mamlouk fondateur (règne 1260-1277). Il s’est transmis au fil des siècles jusqu’à nos jours grâce aux conteurs captivant l’auditoire des cafés et a contribué à forger la légende des Mamlouks au Proche-Orient. »

« Qui sont les Mamlouks ? »

« Selon un système qui existe depuis le IXe siècle dans le monde islamique, les mamlouks sont des esclaves militaires. Ils sont achetés enfants ou adolescents parmi les Turcs kiptchak présents dans les steppes du sud de la Russie, puis parmi les peuples du Caucase (Circassiens), réputés excellents cavaliers et guerriers. »

« Acheminés par des marchands vers Le Caire ou les grandes villes syriennes, ces enfants et adolescents sont revendus au sultan ou à ses officiers, les émirs, eux-mêmes d’origine mamlouke. Les mamlouks reçoivent une éducation religieuse et surtout militaire. Ils peuvent ensuite être affranchis et gravir les échelons de la carrière d’émir (officier militaire). Le sultan est désigné parmi les émirs les plus importants. »

« Il n’y a pas de transmission héréditaire, les fils de mamlouks ne peuvent pas en principe devenir mamlouks eux-mêmes ; la caste se renouvelle ainsi régulièrement. Pourtant, certains sultans réussissent à installer leurs enfants comme successeurs. »

« Les mamlouks forment ainsi une caste militaire à part de la société qu’ils dominent, parlant entre eux le turc et non l’arabe. Leur identité et leur légitimité reposent sur leur valeur guerrière et leur rôle de défenseurs des territoires de l’islam. »

« Grands règnes »
« Les étapes de l’histoire du sultanat sont retracées à travers une chronologie et cinq règnes marquants de grands sultans : Baybars (1260-1277), véritable fondateur de l’État mamlouk ; al-Nasir Muhammad ibn Qalawun (1293-1341, avec deux interruptions), à l’apogée de la puissance du sultanat ; Barquq (1382-1399), qui renforce le poids des mamlouks circassiens, originaires du Caucase ; Qaytbay (1468-1496), dont le long règne est marqué par un renouveau artistique ; Qanisawh al-Ghawri (1501-1516), dernier grand sultan, aux goûts raffinés. Un choix d’objets emblématiques et de prestige reflète leur univers et leur mécénat. »

« État et territoire »
« Le sultanat mamlouk s’étend en Égypte et au Bilad al-Sham jusque dans l’est de la Turquie actuelle et sur les lieux saints musulmans de La Mecque et Médine. Il a pour capitale politique Le Caire, siège du sultan qui y réside dans une citadelle. Au Bilad al-Sham, le territoire du sultanat mamlouk est organisé en gouvernorats, chacun autour d’une ville principale : Damas, Alep, Tripoli, Gaza, Hama, Karak et Safad. » 

« L’Égypte, plus centralisée, est divisée en sous-gouvernorats. Un réseau de poste assure les communications à partir du Caire. Les hautes charges de gouverneurs et de commandement sont occupées par les grands émirs qui s’appuient sur une administration civile. Les sultans sont légitimés par l’investiture du calife, descendant de la famille du prophète Muhammad et chef symbolique de la communauté musulmane. »

« Les émirs, une élite militaire »
« Les émirs sont des officiers militaires, en principe issus des rangs des mamlouks du sultan. Ils peuvent gravir différents échelons, définis par le nombre de cavaliers mamlouks qu’ils équipent : émirs « de 10 », « de 40 » et « de 100 », ces derniers aussi appelés « grands émirs ». Ils tirent leurs revenus de concessions foncières distribuées par le sultan et qui lui reviennent après leur mort. Ils mènent grand train et rivalisent dans la construction de leur palais et de complexes religieux et funéraires. Les nombreux objets à leurs noms témoignent de leur important mécénat. »

« La société du sultanat Mamlouk : une mosaïque »

« Au-delà de la caste militaire contrôlant le pays, la société de ce vaste territoire est une mosaïque de populations en termes de catégories sociales, d’ethnicités et de religions. Si la prédominance de la vie urbaine est sans conteste la marque du Proche-Orient mamlouk, les études récentes s’intéressent également aux sociétés rurales et bédouines (tribus arabes nomades). Les grandes villes se distinguent par leur cosmopolitisme, favorisé par un contexte géopolitique instable autour du sultanat. »

« Les élites civiles tiennent un rôle considérable dans la vie économique, administrative et culturelle. Elles sont en relations régulières et nouent parfois des liens matrimoniaux avec les émirs mamlouks. À cet égard, les femmes constituent un des maillons de ces réseaux. »

« D’importantes communautés chrétiennes, ainsi que des petites communautés juives et musulmanes chiites complètent cette mosaïque de la société mamlouke alors sous domination de l’islam sunnite. »

« Les classes urbaines »
« La très riche documentation écrite et matérielle d’époque mamlouke permet d’avoir une vision très précise des différentes classes urbaines, de leurs rôles, de leur culture et de leur impact dans la société. Elles sont dominées par les membres de l’administration et une importante classe juridique et religieuse, les ulémas, spécialistes des sciences religieuses et du culte (enseignants, juges, imams…). »

« Les marchands et les artisans participent aussi d’une société urbaine éduquée et dynamique. Le statut de ces élites urbaines s’incarne dans des objets qui leur étaient destinés, conservés en nombre exceptionnel pour la période médiévale. »

« Les Femmes »
« Les femmes constituent en partie un angle mort du monde islamique médiéval, les sources écrites étant peu prolixes à leur égard. Dans la société urbaine, elles sont plutôt confinées dans la sphère intime. »

« Toutefois, particulièrement au Caire, les femmes circulent dans les marchés, dans les cimetières, ou lors de célébrations publiques. Certaines ont une activité économique ou bien d’enseignement religieux – y compris auprès des hommes –, tandis que quelques autres, fortunées, sont de véritables femmes d’affaires. Quelques objets portent des dédicaces à des femmes de sultans ou d’émirs ; leur nom est alors omis par bienséance et seule la mention de leur titre permet de les identifier. »

« Les minorités religieuses »
« Les minorités musulmanes (chiites, druzes…) et juives sont peu documentées et ne semblent pas avoir joué un rôle significatif, mais l’histoire des importantes communautés chrétiennes d’Égypte et du Bilad al-Sham (région syrienne) peut être plus précisément écrite. Des archives juridiques mettent en lumière leurs interactions avec le pouvoir mamlouk. De nombreux manuscrits, quelques objets, des décors d’églises témoignent de la vigueur de ces communautés, en particulier celle des Coptes (chrétiens d’Égypte), malgré diverses vagues d’hostilité et de discriminations qui favorisent un mouvement accru de conversions à l’islam. »

« Des cultures en dialogue »

« Les membres de la société, différents dans leur statut, leur éducation et leur domaine d’activité, interagissent. Leurs cultures spécifiques dialoguent dans un univers commun. »

« La culture équestre de la caste militaire et la culture littéraire des élites civiles se rencontrent et s’imprègnent mutuellement. »

« Les courants mystiques et de dévotion populaire, comme les pratiques occultes (divination, magie), sont diffusés à travers la société entière. L’histoire, la littérature et les sciences participent d’une vie intellectuelle dense et d’une très vaste production écrite touchant à tous les domaines. La culture savante et la culture populaire y cohabitent. »

« L’ensemble de la société est uniàé par l’omniprésence du religieux, sous la forme de l’islam sunnite largement majoritaire dans la population et promu par les Mamlouks. Le dialogue entre ces composantes culturelles s’exprime sur différents supports : manuscrits, objets, mobilier et décor architectural. »

« Furusiyya : une culture militaire »
« Les Mamlouks sont les héritiers d’une culture équestre et militaire – la furusiyya – élaborée dès le IXe siècle sous le califat de Bagdad à partir de diverses traditions. Elle repose sur un équipement militaire, une somme de connaissances techniques et des méthodes d’apprentissage, en partie transcrites dans des traités. La furusiyya inclut également les compétitions équestres, les carrousels, le polo et surtout la chasse. Celle-ci constitue une autre forme d’entraînement et de mise en scène des princes, parfois également pratiquée par les élites civiles. »

« La Loi et la Voie, entre tradition religieuse et courants mystiques »

« Les Mamlouks se présentent en défenseurs de la religion musulmane et de l’orthodoxie sunnite, fédérant autour d’eux la majorité des populations qu’ils gouvernent, notamment l’importante classe des ulémas (spécialistes des sciences religieuses et du culte). Grands bâtisseurs, ils fondent d’innombrables édifices religieux (mosquées, madrass…), dotés de mobilier et de manuscrits luxueux. »

« Par ailleurs, le soufisme, courant mystique de l’islam, et le culte populaire des saints, connaissent une faveur et une influence grandissantes, imprégnant l’ensemble de la religiosité musulmane, depuis le cercle du sultan jusqu’aux plus humbles. »

« Culture littéraire »
« La période mamlouke se caractérise par son immense et diverse production littéraire, au-delà des classiques de la littérature arabe des IXe et Xe siècles, toujours appréciés. »

« La poésie est particulièrement vivante et omniprésente dans les livres et la vie sociale, jusque sur les objets. Le degré élevé d’éducation élargit l’audience des ouvrages et aussi le cercle des auteurs potentiels. Une littérature plus « populaire » de contes et de récits épiques, les sirat, est relayée par le théâtre d’ombres. Elle est appréciée de différents publics et adopte parfois une grande liberté de ton. »

« De la science à l’occulte »
« La pratique des mathématiques, de la médecine et de l’astronomie maintient son niveau d’excellence à la période mamlouke. De grands hôpitaux sont fondés ou rénovés au Caire, à Damas et à Alep. L’astronomie connaît de nouvelles avancées en Syrie au XIVe siècle. »

« L’art et l’architecture témoignent des connaissances des Mamlouks en ingénierie et en géométrie complexe. Les pratiques occultes, alors complémentaires de la médecine et de l’observation des astres, connaissent un bel essor : le recours à la magie, aux talismans et à la divination est répandu dans l’ensemble de la population. »

« Un Orient connecté »

« La position stratégique du sultanat mamlouk dans le commerce des épices entre l’océan Indien et la mer Méditerranée et sa domination sur les lieux saints du Hijaz (péninsule arabique) et de Palestine en font un maillon central au sein d’un « Orient connecté », au croisement de nombreux itinéraires marchands, diplomatiques et spirituels. »

« Les pouvoirs en place à l’est et au nord du sultanat – Mongols, Turkmènes, Ottomans – sont des voisins alliés ou ennemis, en interaction constante avec lui. Ils sont cruciaux pour son approvisionnement en esclaves militaires. »

« Le sultanat mamlouk est en partie implanté en Afrique, importante pourvoyeuse d’or, d’ivoire, de bois précieux, mais aussi d’esclaves. Nombre d’étudiants, de marchands et de pèlerins du Maghreb, du Sahel et de la Corne de l’Afrique traversent son territoire. »

« Dès la fin du XIIIe siècle, les Mamlouks et les Européens commencent aussi à établir des accords de commerce et de garantie pour leurs ressortissants, instaurant de fructueux et durables échanges. »

« Les Mamlouks et l’Europe »
« Dès la fin du XIIIe siècle, les Mamlouks établissent des relations commerciales avec la Couronne d’Aragon en Espagne et les Républiques de Gênes et de Venise. Au XVe siècle, les Florentins et les Vénitiens dominent les échanges avec le sultanat ; les Français sont présents dans une moindre mesure. »

« Les Mamlouks tirent de grands bénéfices de la revente à l’Europe des épices, ou encore du sucre, tandis que les Européens exportent cuivre, étain ou draps de laine vers le sultanat. Les textiles et les objets mamlouks en céramique, en verre émaillé ou en métal incrusté sont alors très appréciés des Européens et inspirent leurs créations. »

« Un art mamlouk »

« La forte émulation au sein des élites du sultanat mamlouk, leur frénésie constructrice, l’afflux de richesses et l’intensité des échanges ont contribué à l’épanouissement d’un art luxueux. Celui-ci se caractérise par l’opulence des motifs, des matériaux et de la couleur. »

« Certaines techniques de décor du verre et du métal, ou de boiseries assemblées, apparues aux XIIe et XIIIe siècles, connaissent alors leur apogée. La calligraphie et les motifs géométriques et floraux atteignent à cette période un raffinement nouveau, envahissant la surface des objets. »

« Tous ces éléments combinés fondent la forte identité de l’art mamlouk. La diffusion des modèles et la mobilité des artistes rendent souvent difficile la distinction entre les œuvres produites en Syrie et celles réalisées en Égypte. »

« Pour autant, l’art mamlouk n’est pas uniforme et témoigne de la créativité continue des artistes. Les dernières décennies du sultanat, en particulier, sont marquées par de nouvelles tendances en provenance de la sphère culturelle persane. »

« Une tradition calligraphique »
« La calligraphie, art majeur dans le monde islamique, a été particulièrement mise en avant à la période mamlouke. Elle est magnifiée sur tous types de supports. La calligraphie mamlouke hérite de la tradition irakienne, qui a développé depuis les IXe et Xe siècles différents styles d’écriture arabe (muhaqqaq, thuluth, naskh…). Divers traités techniques de calligraphie sont composés par des maîtres calligraphes mamlouks. Une variante du style thuluth, au tracé plus épais, est privilégiée pour les inscriptions sur les monuments et les objets, lesquels bénéficient aussi de compositions plus ornementales. »

« Un mode graphique »
« Le décor des surfaces, grandes ou petites, planes ou courbes, est marqué par différents principes : construction géométrique, compartimentation, équilibre, symétrie, dynamisme. Les concepteurs mamlouks s’appuient sur des traditions antérieures, notamment en géométrie, qu’ils développent et portent à un degré de raffinement nouveau. Le motif peut être simple et répété en série, ou complexe et de lecture ambiguë. Sa capacité d’expansion en dehors des limites du support ou le mouvement en boucle continue de certaines arabesques (entrelacs végétaux) suggèrent l’infini. Ces qualités esthétiques ont inspiré les arts décoratifs européens à partir de la Renaissance. »

« Apogée des techniques »
« Certaines techniques élaborées aux XIIe et XIIIe siècles connaissent leur apogée sous le sultanat mamlouk : le verre émaillé et doré, développé d’abord en Syrie ; le métal cuivreux incrusté d’or et d’argent, importé par des artisans de Mossoul (Irak) ; les boiseries à décor assemblé, sculpté et marqueté de traditions égyptienne et syrienne. Les décors gagnent en complexité et en opulence. L’art de la céramique, sous l’impulsion de modèles importés, se distingue également par une grande diversité de techniques et de décors. Son emploi pour orner les monuments se diffuse surtout au XVe siècle. »

« Un monde en soie : les textiles »
« Les sources historiques mamloukes sont riches de références aux textiles. Le don de robes d’honneur et de tissus précieux accompagne tous les événements officiels. Le sultanat importe des soies d’Iran, d’Italie et d’Anatolie (Turquie actuelle) et des cotons imprimés d’Inde. Il s’y fabrique aussi une grande variété de textiles : soieries, toiles de lin, de coton ou de laine à décor tissé, brodé, appliqué, imprimé. Les ateliers royaux ont le monopole des tiraz (soieries à bandes inscrites au nom du sultan). Les textiles participent à la circulation des motifs d’une région ou d’une technique à une autre. »

Épilogue : le « Baptistère de saint Louis »

« Parmi les œuvres produites sous le sultanat des Mamlouks, un objet exceptionnel et mystérieux se distingue. C’est un bassin de métal incrusté recouvert de personnages et d’animaux. Il ne porte pas de large inscription indiquant pour qui il a été réalisé, mais l’artiste ciseleur qui l’a fabriqué, Muhammad ibn al-Zayn, l’a signé en six endroits différents. »

« Nul ne sait comment il est arrivé en France, dès le XVe siècle, date à laquelle il est mentionné dans un inventaire du château royal de Vincennes. Il a servi plusieurs fois au baptême d’enfants royaux, dont celui de Louis XIII (en 1606). À la fin du XVIIIe siècle, on l’appelle « Baptistère de saint Louis » en référence au roi Louis IX (1214-1270), il est devenu un objet symbolique de la royauté et de l’histoire de France, alors qu’il entre dans les collections du musée du Louvre. À la fin du XIXe siècle, il regagne une part de son identité en tant qu’oeuvre du Proche-Orient médiéval. »

« Orné de figures de sultans, d’émirs et de personnages de cour, il est un sommet de l’art du métal ciselé et incrusté. C’est aussi une oeuvre itinérante, reliant la Méditerranée orientale et l’Europe occidentale. Il incarne les références, la complexité et le raffinement de la société mamlouke. »


« QUELQUES REPÈRES CHRONOLOGIQUES SUR LE SULTANAT MAMLOUK »

« XIIIe siècle
1250 : Début de la dynastie des sultans mamlouks.
1258 : Chute du califat abbasside à Bagdad, envahie par les troupes mongoles.
1260-1277 : Règne du sultan Baybars, le véritable fondateur du régime mamlouk, qui installe le califat abbasside au Caire.
1260 (3 septembre) : Bataille de 'Ayn Jalut. Premier affrontement entre Mamlouks et Mongols (victoire mamlouke). À cette date, la domination des Mamlouks sur la région syrienne est acquise.
1279-1290 : Règne du sultan Qalawun, dont la descendance règne pendant un siècle.
1291 : Prise d’Acre, capitale du royaume chrétien de Jérusalem, par les Mamlouks. Fin des États latins d’Orient.

XIVe siècle
1310-1341 : Troisième règne du sultan al-Nasir Muhammad ibn Qalawun. Période de puissance et de prospérité maximales du sultanat.
1347-1348 : Grande épidémie de peste noire en Europe et au Proche-Orient, qui occasionne une forte mortalité.
1382-1399 : Règne du sultan Barquq, qui met fin à la lignée de Qalawun et renforce les Mamlouks circassiens.

XVe siècle
1400-1401 : La Syrie est envahie par les troupes de Tamerlan (règne 1370-1405), venues d’Asie centrale.
1422-1438 : Règne du sultan Barsbay, qui conquiert Chypre en 1426.
1453 : Prise de Constantinople par les Ottomans, qui marque la fin de l’Empire byzantin. Les Ottomans deviennent une menace pour les Mamlouks.
1468-1496 : Règne stable et prospère du sultan Qaytbay. Renouveau architectural et artistique.
1497-1499 : Le Portugais Vasco de Gama atteint les Indes en contournant le cap de Bonne-Espérance.
L’ouverture de cette nouvelle route maritime impacte le commerce des épices mamlouk.

XVIe siècle
1501-1516 : Règne du sultan Qanisawh al-Ghawri, dernier grand règne du sultanat.
1516 (24 août) : Les armées mamloukes sont vaincues par les armées ottomanes à la bataille de Marj Dabiq, au nord d’Alep en Syrie.
1517 (3 février) : Prise du Caire par les troupes ottomanes. Fin du sultanat mamlouk. »

« LE DÉPARTEMENT DES ARTS DE L’ISLAM SE RÉINVENTE »

« Riche de plus de 18 000 œuvres, le département des Arts de l’Islam, inauguré en 2012, couvre la pluralité des productions artistiques du monde islamique qui ont vu le jour entre le VIIe siècle et le début du XXe siècle. La collection se déploie à la croisée des chemins entre des champs d’étude complémentaires : épigraphie, histoire de l’art, archéologie, esthétique et philosophie. Le renouveau de la recherche scientifique dans ce domaine invite aujourd’hui à écrire un nouveau récit, celui d’une histoire mondiale et connectée, qui ouvre la voie à la diversité des perspectives et favorise les approches transverses.

La notion même d’arts de l’Islam doit être explorée dans toutes ses dimensions : l’islam comme civilisation, comme fait religieux et culturel, l’islam mondialisé, l’islam des orientalistes, celui des regards croisés où les arts du passé dialoguent avec les artistes de notre temps.

C’est dans cette perspective que le département des Arts de l’Islam, à la jonction entre les départements antiques et modernes, va repenser son parcours permanent afin d’en améliorer la compréhension, d’en redéfinir le contenu et les articulations, de souligner la singularité des arts de l’Islam tout autant que leur pluralité. Fermé à partir de novembre 2025, il rouvrira à l’horizon 2027, en connexion avec les nouveaux parcours romain et byzantin, dans une toute nouvelle configuration qui soulignera le dialogue et les porosités entre les œuvres. Ce nouveau parcours s’attachera à décloisonner les arts, pour envisager sous un nouveau jour les connexions et les chemins de traverse, qui, d’une culture à l’autre, d’une époque à l’autre, nourrissent et alimentent les différentes productions artistiques.

Tout au long de cette période de réaménagement, le département des Arts de l’Islam multiplie les opérations de prêts et de partenariats pour favoriser la circulation des œuvres et le rayonnement des collections. »


Sous la direction de Carine Juvin. Coédition Louvre / Skira 2025, 360 pages, 350 illustrations, 49 €. EAN : 9782370742674

Du 17 septembre 2025 au 25 janvier 2026

Du 30 avril au 28 juillet 2025
Au Hall Napoléon
De 9 h à 18 h, sauf le mardi 
Jusqu’à 21 h le mercredi et le vendredi.
Visuels :

Armure lamellaire (jawshan ) du sultan Qaytbay
Égypte (?), vers 1468-1496
Acier décor damasquiné d’or, fer, H. 78,7 cm, l. 138,4 cm, poids 11,41 kg
New York, Metropolitan Museum of Art, 2016.99
CC0 The Metropolitan Museum of Art

Bassin dit « Baptistère de Saint Louis »
Signé : Muhammad ibn al-Zayn
Syrie ou Égypte, vers 1330-1340
Alliage cuivreux ciselé, incrusté d’argent, d’or et de pâte noire
H. 23,2 cm, D. max. 50 cm
Paris, musée du Louvre, département des Arts de l’Islam, LP 16
© 2009 Musée du Louvre, dist. GrandPalaisRmn / Hughes Dubois

Al-Aqsaraʾi (m.1348), Traité de furusiyya
Égypte ou Syrie, 1371
Manuscrit en arabe ; encre et pigments sur papier H. 31,2 cm, l. 21,4 cm
Londres, British Library, Ms Add. 18866, f. 124v-125r
From the British Library Collection

Figure de théâtre d’ombres (navire et son équipage)
Égypte, al-Manzala (lieu de découverte), XVe siècle (?)
Parchemin découpé, L. 65 cm, H. 46 cm
Stuttgart, Lindenmuseum, 84682
© Linden-Museum Stuttgart / photo Dominik Drasdow

Astrolabe
Signé de l’astronome Ibn al-Shatir
Syrie, Damas, 1325-1326
Alliage cuivreux gravé. H. 18,7 cm, D. 16,2 cm, ép. 2,5 cm
Paris, Observatoire de Paris-PSL, 1
© Observatoire de Paris

École vénitienne, Réception d’une ambassade vénitienne par le gouverneur de Damas
Italie, Venise, 1511. Huile sur toile. H. 158 cm, l. 201 cm, Paris, musée du Louvre, département des Peintures, INV-100
© GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Gabriel de Carvalho

Double page finale d’un coran monumental
Égypte, Le Caire, vers 1360-1380
Encres, pigments et or sur papier. H. 74 cm, l. 96,5 cm
Dublin, Chester Beatty Library, CBL IS 1628
CC BY 4.0 Chester Beatty

Carreau de revêtement à décor végétal
Égypte ou Syrie, XVe siècle
Céramique siliceuse, décor peint sous glaçure. H. 27,4 cm, l. 22,3 cm
Paris, musée du Louvre, département des Arts de l’Islam, OA 4047/125
© 2010 Musée du Louvre, dist. GrandPalaisRmn / Hughes Dubois

Vase aux oiseaux
Syrie, Damas (?), 1re moitié du XIVe siècle
Verre soufáé, émaillé et doré
H. 33,5 cm, D. (base) 15 cm
Lisbonne, musée Gulbenkian, inv. 2378
© Calouste Gulbenkian Foundation – Calouste Gulbenkian Museum / photo Catarina Gomes Ferreira

Bassin dit « Baptistère de Saint Louis »
Signé : Muhammad ibn al-Zayn
Syrie ou Égypte, vers 1330-1340
Alliage cuivreux ciselé, incrusté d’argent, d’or et de pâte noire
H. 23,2 cm, D. max. 50 cm
Paris, musée du Louvre, département des Arts de l’Islam, LP 16
© 2009 Musée du Louvre, dist. GrandPalaisRmn / Hughes Dubois

Affiches
Brûle-parfum au nom du sultan al-Nasir Muhammad ibn Qalawun
Égypte ou Syrie, vers 1330-1341
Alliage cuivreux ciselé, incrusté d’or, d’argent et de pâte noire.
H. 36,5 cm, D. 16,5 cm.
Doha, Museum of Islamic Art, MW.467.2007
© The Museum of Islamic Art, Doha / photo Samar Kassab

Reception of a Venetian Delegation by the Mamluk Governor of Damascus (after restoration) | 1511 | Paris | Musée du Louvre Museum, INV100 © Grand Palais RMN (Louvre Museum) / Gabriel De Carvalho

Les citations proviennent du dossier de presse. Cet article a été publié le 22 juillet 2025.

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