Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

vendredi 19 septembre 2025

« Le bouquiniste Mendel » de Stephan Zweig

A Paris, La Folie Théâtre présente, les vendredis et samedis à 19 h30, « Le bouquiniste Mendel », adaptée d’une nouvelle de Stephan Zweig (Buchmendel, 1929) par Jean-Luc Giorno, dans une mise en scène d’Yves Patrick Grima, interprétée avec talent et émotion par Jean-Luc Giorno et Nicole Giorno. Au début du XXe siècle, dans un café de Vienne, alors dans l’empire austro-hongrois, un bibliophile juif âgé, d’origine polonaise, émerveille par sa mémoire, son érudition. Durant la Première Guerre mondiale, les autorités impériales autrichiennes éloignent des étrangers soupçonnés d’espionner au profit des Alliés… 

Le théâtre juif 
Chagall, Lissitzky, Malévitch, l'avant-garde russe à Vitebsk (1918-1922)
Théâtres romantiques à Paris. Collections du musée Carnavalet 
Henry Bernstein (1876-1953)

En 1929, parait Angst (La peur), recueil de nouvelles de Stefan Zweig (1881–1942), écrivain juif autrichien. Parmi ces nouvelles : Le Bouquiniste Mendel (Buchmendel).

« Dans la Vienne du début du XXe siècle, il n’est pas un bibliophile qui ne connaisse Jakob Mendel, catalogue vivant de l’ensemble du savoir imprimé. Monomaniaque à la mémoire prodigieuse, affreusement peu doué en affaires, il est affligé d’une boulimie bibliographique qui fait de lui un homme précieux. Perpétuellement installé à la table d’un café du vieux Vienne dont il a fait son quartier général, il délivre ses conseils aux amateurs éclairés d’éditions les plus rares ou les plus savantes. Pour cela il reçoit des quatre coins du monde la documentation nécessaire à entretenir son expertise. Mais la guerre éclate et ce pacifiste passionné de livres est suspecté d’espionnage… »

Dans un décor sobre - un paravent permet les changements rapides de costumes -, Jean-Luc Giorno incarne le bouquiniste Mendel et un client du café qui se rappelle ce personnage hypermnésique, amoureux des livres, capable de décrire leurs vélin et reliure, leurs fragilité et usure, leurs dates et lieu de publication... L'interlocuteur éclairé de clients venant de loin pour le consulter dans un coin de café viennois. Celui qui vit hors de l'actualité, dans un monde bouleversé en 1914, brimé dans un camp d'internement, 

Nicole Giorno interprète une Viennoise chargée du nettoyage des W.C., prise d'affection pour ce pauvre hère qui n'a plus sa place dans ce nouveau monde.

La musique contribue à contextualiser les scènes : l'insouciance de la jeunesse et de l'avant-Première Guerre mondiale, la tragédie du tourbillon du conflit, la violence de l'éviction...

La pièce semble prémonitoire : quelques années après la publication de ce livre, Adolf Hitler arrivait au pouvoir et, en 1934 l'écrivain et journaliste Stephan Zweig fuyait l'Autriche, bien avant l'Anschluss (annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie en 1938), pour se réfugier au Royaume-Uni, puis au Brésil où cet intellectuel juif s'est suicidé. 

Elle résonne particulièrement en cette période de crise politique et économique, alors que la France est bouleversée par des mutations profondes - effondrement de l'Enseignement, mépris pour la Culture classique, inculture généralisée - et que les juifs, membres du peuple du Livre et à la mémoire entretenue par son récit historique lors des fêtes comme Pessah (la Pâque juive) relatant la sortie d'Egypte où le peuple hébreu était esclave sous Pharaon et l'errance dans le désert sous la direction de Moïse avant d'arriver dans la Terre promise par Dieu, sont particulièrement menacés, songeant à leur exil.


NOTE D’INTENTION DE L’ADAPTATEUR JEAN-LUC GIORNO  

Pendant 25 ans, Jean-Luc Giorno a conjugué son métier de pédiatre et son activité de comédien. Depuis 2026, il assure l’adaptation de nouvelles : « Bartleby » d’Herman Melville adapté en un seul en scène (2019) interprété à Avignon 2018, La Folie Théâtre, Le Théâtre du Gymnase et l’Essaïon.

« C’est dans le courant de mes lectures, à la recherche, après mon long compagnonnage avec Bartleby (d’Herman Melville), d’une autre aventure théâtrale, que j’ai rencontré, dans l’oeuvre de Stefan Zweig, le bouquiniste Mendel. Et tout de suite ce personnage m’a attiré parce que, à un moment de ma vie, j’avais croisé pendant plusieurs années un personnage très similaire. Dans une vie précédente j’étais pédiatre. Mon maitre fut un homme qui, après un parcours tragique (déporté pendant un an à Auschwitz) était devenu, à l’époque où la mémoire du monde ne se trouvait que dans les livres et dans le cerveau de l’homme, une référence dans le monde médical tant sa connaissance livresque était presque infinie. Dans son domaine on avait toujours l’impression qu’il avait tout lu et, de ce fait, avait réponse à tout. 
Leur judéité commune, et la tragédie qui les avaient traversés, comme elle avait traversé la vie de Stéphane Zweig, malgré une époque différente, me les rendait très proches. Je percevais comme un hommage le fait de me glisser dans la peau d’un tel personnage. 
Après le long travail nécessaire pour en faire un spectacle théâtral à la hauteur du texte de Zweig, Yves Patrick Grima, mon ami et complice de longue date, et moi-même avons le plaisir et l’espoir d’en avoir fait un ouvrage abouti. » 

NOTE D’INTENTION DU METTEUR EN SCENE YVES PATRICK GRIMA

« Yves Patrick Grima dirige l’ÂNE VERT Théâtre à Fontainebleau depuis 2011. Il est Directeur artistique des Nouveaux Tréteaux de l’Âne Vert qu’il a fondé il y a 30 ans. Il est également fondateur de la Compagnie NAPHRALYTEP avec laquelle il produit ses spectacles professionnels. 
Comédien, il a interprété des rôles dans des registres divers : le Duc de Morgaz (La catin de Venise, de Claude Mercadié), Henri Higgins (Pygmalion, de G.B. Shaw), Othello ainsi que Pettrucio dans La Mégère apprivoisée de Shakespeare, Scapin dans Les Fourberies de Scapin de Molière, ou Georges de la Tour dans Les Nuits de Georges de la Tour de Barbara Lecompte au festival d’Avignon en 2022. 
Metteur en scène d’une quarantaine de spectacles, il travaille régulièrement et simultanément les auteurs classiques (Marivaux, Molière et Shakespeare) et les auteurs contemporains : André Agard et Barbara Lecompte. Il se veut défenseur d’un théâtre à la fois éclectique et populaire. » 

« Stefan Zweig à travers l’histoire du bouquiniste Mendel, développe une forte tension humaniste dans le contexte historique trouble de la première guerre mondiale : la méfiance envers l’étranger, a fortiori juif, provoque l’emprisonnement puis la destruction d’un grand nombre de civils. 
Zweig dénonce les sectarismes, qu’il s’agisse d’antisémitisme, d’homophobie ou de toute autre forme de rejet et d’intolérance. Par ce texte il nous met en garde et démontre les résultats déplorables et pathétiques de la haine et du mépris de l’Autre. 
Zweig parvient, avec une histoire presque anecdotique, à pointer avec force et précision un fléau redoutable et malheureusement éternel. A la manière du conte, il nous montre comment la peur engendre la bêtise puis la violence de l’injustice. 
La mise en scène, repose sur le dépouillement de l’espace scénique, permettant ainsi de mettre en exergue la qualité de la narration, la composition des personnages et le vécu des situations. Aucun artifice de décors. Seule la puissance évocatrice des sons (musiques et bruitages) entraine le public à travers son propre imaginaire. L’imaginaire : le plus puissant des vecteurs d’émotions, dans un premier temps, puis des vecteurs de réflexion dans un second temps. »


Du vendredi 5 septembre 2025 au samedi 29 novembre 2025
Tous les vendredis et samedis à 19 h30
Salle Petite Folie
6, rue de la Folie Méricourt - 75011 Paris
Tél.: 01 43 55 14 80
Auteur : Stephan Zweig
Adaptation théâtrale : Jean-Luc Giorno
Mise en scène : Yves Patrick Grima
Avec Jean-Luc Giorno et Nicole Giorno


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