Le photographe américain
Juif Louis Stettner (1922-2016) est « probablement le plus
francophile des photographes américains » et l’un des plus attentifs à
l’être humain. Un
artiste qui est aussi dessinateur, peintre et sculpteur, et dont la démarche
est marquée par le voyage. Il a photographié, en noir et blanc ainsi qu’en
couleurs, New York et Paris sur plus de 60 ans : séries sur la Seine, sur
Manhattan Wall. Dans le cadre des Rencontres de la photographie à Arles, l'Espace Van Gogh accueille l'exposition "Le monde de Louis Stettner (1922-2016)".
« New York incite l’esprit à s’élever à travers l’adversité.
Paris y parvient à travers l’amour », a déclaré le photographe américain Louis
Stettner, né à Brooklyn et amoureux de Paris où il a séjourné longuement, avant de s'y établir, avec sa famille, en 1990.
Louis Stettner « s’est
toujours intéressé aux plus humbles. Son
œuvre témoigne des grands bouleversements politiques, sociaux et culturels de
la seconde moitié du XXe siècle. Elle immortalise ceux
qui sont les premiers touchés par la crise ou par la guerre ; l’immigré,
l’ouvrier, les exclus qui souffrent dans les rues de Paris et de New York. Dans
une époque où l’individualisme et la liberté sont menacés, Stettner met en
valeur tout ce qu’il y a d’indivisible et d’individuel en chacun. Preuve de son
engagement, Louis Stettner était membre de Photo-League,
association très politisée et activiste qui subissait les foudres du
Maccarthysme ».
Une « attention aiguë à l’humain »
Louis Stettner naît en 1922 à Brooklyn, quartier de
New-York, dans une famille Juive originaire de l’ex-empire Austro-hongrois.
C’est un enfant curieux qui s’intéresse aux autres cultures,
et découvre la photographie à l’âge de 13 ans. Il fréquente
assidument le Metropolitan Museum of Art, et notamment ses collections
photographiques. Son premier appareil est ancien et en bois. Louis Stettner
demeure attaché à ce jour, malgré l’ère du numérique, à la pellicule et à la
photographie argentique.
En 1940, Louis Stettner s’engage dans l’Armée américaine
comme étudiant ingénieur militaire. Il couvre comme photographe la guerre du
Pacifique : Nouvelle-Guinée, Philippines, Japon…
Après 1945, il quitte l’Armée, et
poursuit son activité photographique. Il enseigne et adhère à la Photo League, « collectif de
photographes engagés, témoignant des réalités sociales et urbaines », dont
un fondateur, Sid Grossman, devient un ami.
Influencé par Atget, Stieglitz –
un éminent galeriste (An American
Place) -, Lewis Hine et Weegee, « encouragé
par Paul Strand, Louis Stettner révèle un
talent pour la street photography »
(photographie de rue), et pratique divers genres : portraits, reportages dans
le monde - Chili, Mexique -, natures mortes, paysages, etc.
En 1947, Louis Stettner découvre la France lors de son
premier séjour dont la durée était de deux mois. Il y demeure cinq ans.
Amoureux de Paris, il photographie ce « port
d’attache ». Il étudie à l’IDHEC, école de formation aux métiers de l’image (photographie, cinéma) et ancêtre de la FEMIS, dont il obtient le diplôme.
Il devient l’ami d’Izis, Willy Ronis, de Boubat, de Cartier-Bresson, de Doisneau et surtout de « son maître » Brassaï « pour lesquels il organise la première grande exposition collective de photographes français aux Etats-Unis. Tous en ont commun une même exigence : capter la vérité intérieure de l’être, le pourquoi de l’existence ».
Louis Stettner visite l’Italie (1947), l’Espagne et la Normandie (1948).
En 1949, la Bibliothèque nationale de France (BNF), expose
pour la première fois Louis Stettner au Salon des Indépendants. Louis Stettner
travaille pour Time, Fortune…
En 1950, il est primé par Life lors d’une compétition de jeunes
photographes.
De retour aux Etats-Unis en 1952,
Louis Stettner réalise ses plus célèbres
séries de photographies. Celle sur Penn Station (1958), qui donne à voir l’atmosphère mystérieuse et onirique d’une gare désormais disparue, concentre l’efficacité formelle et la sensibilité du photographe pour ses contemporains ». Cette série fait « écho à la série sur le métro newyorkais (Subway, 1946), à « ses portraits isolés d’usagers des transports, employés fatigués, femmes pensives, couples défaits et absents ».
Louis Stettner enseigne la photographie aux Brooklyn College, Queens
College et Cooper Union (1969-1973), puis l’art au W. Post Center de Long
Island University (1973-1979).
De 1971 à 1979, il tient la chronique mensuelle de critique
photographique Speaking Out, plus
tard titrée A Humanist View, pour Camera 35.
Il reçoit le Premier prix du concours mondial de la Pravda
en 1975, puis en 1976, donne des conférences au Centre international de
photographie (ICP) de New York.
A Paris, Louis Stettner se fixe définitivement. En 1990, il « a pris ses quartiers à Saint-Ouen. Il en
arpente le marché aux puces en quête de nouvelles inspirations : natures
mortes, photographies trouvées et retravaillées…
Dans les années 2000, il développe en parallèle une grande fresque photographique en couleurs sur New York, Manhattan Pastorale qui évoque en couleurs le chaos énergique » de la ville.
sont deux pôles de son œuvre, révélant différents aspects de sa personnalité artistique ».
Sur les plus humbles, cet artiste a réalisé des « séries
de portraits d’ouvriers ou de femmes dans les années 1970 et de sans-abris en
1986 ».
Dessinateur, peintre abstrait et sculpteur, Louis Stettner a
réalisé des œuvres « iconiques » publiées dans de nombreux magazines
: Life, Time, Paris-Match, Réalités...
Ses tirages ont été acquis par de grands musées du monde entier.
Ses tirages ont été acquis par de grands musées du monde entier.
Mois de la photo 2013
En 2013, dans le cadre du mois de la photo, deux expositions ont rendu hommage au photographe américain Juif Louis Stettner, « probablement le plus francophile des photographes américains » et l’un des plus attentifs à l’être humain : Louis Stettner, Les chefs d’œuvres à la galerie David Guiraud, Louis Stettner, une rétrospective à la BNF. Un artiste qui est aussi dessinateur, peintre et sculpteur, et dont la démarche est marquée par le voyage.
Sur cet « artiste incontournable de la seconde moitié du 20e siècle », la galerie David Guiraud présente « essentiellement les images prises en France » des années 1940 jusqu’à nos jours. « De Photo-League à la Street Photography et de la Photographie Humaniste aux œuvres récentes tendant vers une abstraction plus marquée, cette exposition est un voyage à travers l’histoire de la photographie, de la France et des Etats-Unis ».Ce photographe lui a fait don à la BNF de 70 épreuves et 2 portfolios en 1975-1976. L’exposition en la Galerie des donateurs de la BNF en 2012-2013 enrichit ce fonds. Environ 80 images retracent « plus de soixante-dix ans d’un parcours photographique qui a mené ce grand artiste du métro de New York aux trottoirs parisiens via l’Espagne ou le Mexique, avec toujours cette attention si particulière portée à l’humain ».
"Louis Stettner. Ici ailleurs"
En 2016, Le Centre Pompidou présenta l'exposition Louis Stettner. Ici ailleurs."Une rue de Paris à l’aube, un rayon de lumière entre deux gratte-ciels à New York, des reflets sur l’asphalte mouillé. Il y a dans les images de Louis Stettner une qualité atmosphérique que l’on ne voit nulle part ailleurs dans l’histoire de la photographie de la seconde moitié du 20e siècle. Par-delà son attention aux épiphanies lumineuses, le photographe sait aussi capter, avec une incomparable acuité, ce qui fait l’allure d’un être : le rythme de la marche sur les trottoirs des villes, l’abandon d’un corps sur un banc public, le geste précis du travailleur, etc. Il y a dans les images de Louis Stettner une qualité atmosphérique que l'on ne voit nulle part ailleurs", a écrit Clément Chéroux, commissaire de l'exposition, in Code Couleur, n°25, mai-août 2016, pp. 38-39.
Stettner "fait d’incessants allers-retours entre la France et les États-Unis jusqu’en 1990 et son installation définitive à Paris, où il vit toujours. Son œuvre est marquée par cette ambivalence géographique. Très proche de Strand ou de Weegee comme de Boubat et de Brassaï, Stettner est à lui seul un pont entre ces deux continents de la photographie".
"Après l’acquisition en 2013 d’une trentaine d’épreuves, Louis Stettner a souhaité faire don au Centre Pompidou d’un ensemble important d’une centaine de tirages d’époque. Grâce au généreux mécénat de Hervé et Etty Jauffret, ce don s’accompagne d’une nouvelle acquisition de sept tirages d’époque et de l’extraordinaire maquette de Pepe & Tony (1956), un projet de livre jamais réalisé. Cet ensemble d’acquisition/donation permet de faire de la collection du Musée national d’art moderne, le lieu de référence pour l’œuvre photographique de Louis Stettner".L’exposition vise à "déployer stylistiquement et chronologiquement tout l’œuvre de Louis Stettner. Couvrant près de huit décennies de création, elle dévoile la toute première série du photographe, réalisée dans le Paris de l’après-guerre à l’aide d’une chambre grand-format, à la manière d’Atget, mais aussi le New York en transit des décennies suivantes, sa longue enquête sur les gestes du travail, ou sa toute dernière série réalisée récemment dans le sud de la France, au cœur du massif des Alpilles".
Rencontres de la photographie à Arles
Dans le cadre des Rencontres de la photographie à Arles, l'Espace Van Gogh accueille l'exposition "Le monde de Louis Stettner (1922-2016)". Une exposition lauréate de la Bourse de recherche curatoriale 2024.
« L’exposition consacrée au photographe de référence Louis Stettner relie les continents américain et européen, explorant son rôle de passeur entre Street Photography américaine et photographie humaniste française. À travers 150 images et documents inédits, son engagement social et politique ainsi que la diversité de ses expérimentations artistiques se déploient sous un angle nouveau. Ses images traduisent une profonde sensibilité aux réalités sociales », a écrit Christoph Wiesner, Directeur des Rencontres d’Arles, dans « Images Indociles ».
"Louis Stettner est l’auteur d’une œuvre majeure réalisée des deux côtés de l’Atlantique. Véritable pont entre la street photography américaine et la photographie humaniste française, il s’est passionné tout au long de sa vie pour les luttes sociales et politiques et l’histoire de la photographie, tout en pratiquant de multiples formes d’expression (écrits, collages, sculpture, peinture). Presque dix ans après son décès, cette exposition apporte un éclairage renouvelé sur son travail. Conçue à partir de ses archives, elle présente près de 150 photographies d’époque et modernes tirées par le photographe lui-même, dont certaines inédites, et de nombreux documents originaux reflétant la complexité d’une personnalité hors norme", a écrit Virginie Chardin, commissaire de l'exposition.
Et Virginie Chardin de souligner : "Né à Brooklyn en 1922, Louis Stettner se forme auprès de la Photo League puis sur le front du Pacifique où il photographie notamment les ruines d’Hiroshima. Sa série dans le métro de New York de 1946, repérée par Sid Grossman, lui vaut d’intégrer l’école de la Photo League, où il est mis en relation avec Willy Ronis en vue d’organiser une exposition de photographie française à New York. Devenu proche d’Édouard Boubat et de Brassaï, il s’installe à Paris de 1947 à 1952 : une période qu’il dépeint comme l’une des plus heureuses de sa vie et qui le conduira à s’y installer définitivement en 1990. Ses voyages en Europe et au Mexique font montre d’un intérêt accru pour le corps et le geste, mais c’est à New York, dans les années 1950, qu’il réalise deux de ses plus magistrales séries, Penn Station et Nancy. Très engagé politiquement dans les années 1970, il participe aux combats pour le féminisme, contre le racisme et la pauvreté, ce qui lui vaut d’être surveillé par le FBI mais aussi d’être reconnu pour ses images de travailleurs. Jusqu’aux années 2000, il poursuit ses explorations urbaines à New York et Paris, dont il donne alors une vision de plus en plus fragmentée."
"Accomplie à plus de 90 ans, sa dernière série sur les arbres des Alpilles résonne comme le point d’orgue d’un parcours guidé par la soif de liberté, la résistance aux vents contraires et l’émerveillement d’être en vie", a conclu Virginie Chardin.
Exposition produite par les Rencontres d’Arles avec la collaboration des archives Stettner.
Avec le soutien de Bildhalle, Zurich & Amsterdam, de Boogie Woogie Photography Limited, Hong Kong et de The Hulett Collection, Tulsa.
La Bourse de recherche curatoriale des Rencontres d’Arles reçoit le généreux soutien de Jean-François Dubos.
Publications : Le Monde de Louis Stettner, Éditions de La Martinière, 2025 ; Louis Stettner, Collection Photo Poche, Actes Sud, 2025 ; Louis Stettner, Collection Photofile, Thames and Hudson, 2025.
Virginie Chardin est l'auteure de "Louis Stettner" (Actes Sud, 2025). "Louis Stettner (1922-2016), dont l’œuvre mêle les influences de la street photography américaine et de la photographie humaniste française, s’est dédié toute sa vie aux luttes sociales et à l’observation des vibrations urbaines. Lignes obliges, signes, caractères, jeux de lumière, fragments de scènes composent une ode au trafic, au croisement et à l’interconnexion, tout en laissant sourdre une forme d’incommunicabilité entre les êtres. Irréductibles à une époque ou à un courant particuliers, ses images conservent aujourd’hui leur mystère voire leur étrangeté."
Virginie Chardin, "Louis Stettner". Actes Sud, Photo Poche, 2025. 12.50 x 19.00 cm. 144 pages. ISBN : 978-2-330-20687-1. Prix indicatif : 14,50€
Visuels :
Louis Stettner. Manifestation pour United Farm Workers, New York, vers 1975.
Avec l’aimable autorisation des Archives Stettner, Saint-Ouen.
Louis Stettner. Nancy jouant avec un verre, New York, 1958.
Avec l’aimable autorisation des Archives Stettner, Saint-Ouen.
Louis Stettner. Ménage, Paris, vers 1947-1950.
Avec l’aimable autorisation des Archives Stettner, Saint-Ouen.
Louis Stettner. Penn Station, New York, 1958.
Avec l’aimable autorisation des Archives Stettner, Saint-Ouen.
Du 15 juin au 12 septembre 2016
Au Centre PompidouGalerie de photographies
75191 Paris cedex 04
Tél. : 00 33 (0)1 44 78 12 33
Du mercredi au lundi de 11 h à 21 h
Jusqu’au 19 janvier
2013
5, rue du Perche. 75003 Paris
Tél. : +33 (0)1 42 71 78 62
Jusqu’au 27 janvier 2013
A la BNF
Site François-Mitterrand
Quai François-Mauriac. 75706 Paris Cedex 13
Du mardi au samedi de 10 h à 19 h. Dimanche de 13 h à 19 h.
Ouverture exceptionnelle jusque 20 h
les samedis et dimanches 19, 20, 26 et 27 janvier 2013.
Visuels :
Portrait de Louis Stettner
Manhattan from the Brooklyn Promenade, 1954
Portrait de Louis Stettner
© Janet Iffland-Stettner
Louis Stettner
Sailor, Times Square ,
NYC, 1951
© Courtesy : Louis Stettner / Galerie David Guiraud
Louis Stettner
Paris, avenue de Châtillon, 1952
© Louis Stettner BnF, Estampes et
photographie
Louis Stettner
Girl playing in circles, Penn Station, NYC, 1958
© Courtesy : Louis Stettner / Galerie David Guiraud
Louis Stettner
© Courtesy : Louis Stettner / Galerie David Guiraud
Louis
Stettner
Man
sleeping, Manhatan Pastorale, 2011 ,
New York
©
Louis Stettner BnF, Estampes et photographie
Louis Stettner
Twin Towers, 1977
© Courtesy : Louis Stettner / Galerie David Guiraud
Louis Stettner
Ile Saint Louis, Paris, vers 1951
© Louis Stettner BnF,
Estampes et photographie
Affiche
Louis Stettner: Tony, série Pepe et Tony, Pêcheurs espagnols, Ibiza, 1956
LOUIS STETTNER
N°15, de la série « Les Alpilles », France, 2014
Collection Centre Pompidou,musée national d’art moderne,
Paris
Don de l’artiste en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP
© Louis Stettner
LOUIS STETTNER
Brooklyn Promenade, New York, États-Unis
1954
Collection Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris
Don de Hervé et Etty Jauffret en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP
© Louis Stettner
LOUIS STETTNER
Lac, État de New York, États-Unis
1952
Collection Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris
Don de l’artiste en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP
© Louis Stettner
Affiche
Louis Stettner: Tony, série Pepe et Tony, Pêcheurs espagnols, Ibiza, 1956
LOUIS STETTNER
N°15, de la série « Les Alpilles », France, 2014
Collection Centre Pompidou,musée national d’art moderne,
Paris
Don de l’artiste en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP
© Louis Stettner
LOUIS STETTNER
Brooklyn Promenade, New York, États-Unis
1954
Collection Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris
Don de Hervé et Etty Jauffret en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP
© Louis Stettner
LOUIS STETTNER
Lac, État de New York, États-Unis
1952
Collection Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris
Don de l’artiste en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP
© Louis Stettner
LOUIS STETTNER
Joueurs de cartes
De la série « Penn Station », New York, États-Unis, 1958
Collection Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris
Don de l’artiste en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP
© Louis Stettner
LOUIS STETTNER
Manifestation politique, New York, États-Unis
1975-1977
Collection Centre Pompidou, musée national
d’art moderne, Paris. Don de l’artiste en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP
© Louis Stettner
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Les citations proviennent des dossiers de presse. Cet article a été publié le 10 janvier 2013, puis le 28 juillet 2016.







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