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jeudi 6 octobre 2022

Les agents secrets du Général. Les compagnons de la Libération dans la lutte clandestine (1940-1944)

Le musée de l'Ordre de la Libération présente l'exposition 
« Les agents secrets du Général. Les compagnons de la Libération dans la lutte clandestine (1940-1944) ». L’histoire de la création du Bureau central de renseignement et d’action (BCRA), « organisation d’un genre nouveau, unique lien entre le général de Gaulle, à Londres puis à Alger, et la Résistance intérieure », de son rôle majeur « dans le combat pour la libération de la France. Le BCRA a préfiguré « les services secrets français modernes, dont l’actuelle Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) créée en 1982 est l’ultime incarnation ».

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« Il y a quatre-vingts ans, les services secrets de la France libre prenaient le nom de Bureau central de renseignement et d’action (BCRA). Ainsi entrait dans l’histoire une organisation d’un genre nouveau, unique lien entre le général de Gaulle, à Londres puis à Alger, et la Résistance intérieure. Le BCRA allait jouer un rôle essentiel dans le combat pour la libération de la France. À plus long terme, il posa les fondations des services secrets français modernes, dont l’actuelle Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) créée en 1982 est l’ultime incarnation. »

« Présentée au musée de l’Ordre de la Libération, en l’Hôtel national des Invalides, du 23 juin au 16 octobre 2022, l’exposition est organisée par l’Ordre de la Libération et la DGSE. Elle puise des exemples dans les parcours choisis parmi ceux des 174 Compagnons de la Libération issus des services secrets pour décrypter le monde des agents clandestins. » 

« Comment sont-ils recrutés et formés ? Comment leurs missions sont-elles préparées ? Que signifie ”être un clandestin“ dans la France occupée ? Quelles fonctions ces agents exercent-ils sur le terrain ? » 

« Autant de questions auxquelles s’attache à répondre l’exposition Les agents secrets du Général. Les compagnons de la Libération dans la lutte clandestine (1940-1944). » 

Le commissariat de l’exposition est assuré par Sébastien Albertelli, agrégé d’Histoire, docteur en Histoire, Lionel Dardenne, assistant de conservation au musée de l’Ordre de la Libération, Vladimir Trouplin, Conservateur du musée de l’Ordre de la Libération, et le représentant de la DGSE.  L’assistance au commissariat est effectuée par Béatrice Parrain, responsable des fonds photographiques du musée de l’Ordre de la Libération, et Margot Durand, responsable de la régie des collections et des expositions.

LA FRANCE LIBRE ET LE TERRITOIRE FRANÇAIS
« Dès juin 1940, la France est occupée et démembrée : son territoire est contrôlé, au nord, par les Allemands et, au sud par le gouvernement du maréchal Pétain qui dispose de son administration et notamment de sa police. La métropole est transformée en prison : les entrées et les sorties sont interdites et la répression s’abat sur tous les opposants, dont ceux qui se reconnaissent dans le général de Gaulle. »

« Le Général s’installe à Londres au début de l’été 1940. Il crée la France libre, dont le projet est d’incarner la France au combat face au régime de l’État français inféodé à l’occupant. Par la force des choses, la France libre est basée au Royaume-Uni, mais elle contrôle certaines colonies et son objectif majeur est la reconquête de la métropole. »

« Les Français libres refusent d’être des ”émigrés“, coupés du territoire national. Ils veulent maintenir des liens étroits avec la population restée en France : ils cherchent à connaître ses préoccupations, à la convaincre de la justesse de leurs buts et à l’entraîner dans l’action contre l’occupant et le gouvernement de Vichy. Ils refusent d’abandonner ces tâches aux services secrets alliés qui, eux aussi, agissent dans l’hexagone. »

DES SERVICES SECRETS AU ROLE INEDIT ET ELARGI
« La France dispose de services secrets permanents, d’essence militaire, depuis la fin du XIXe siècle. Dans l’entre-deux-guerres, le SR-SCR se compose d’une Section de recherche (SR) dédiée à l’espionnage, et d’une Section de centralisation du renseignement (SCR), dévolue au contre-espionnage. »

« Les services secrets de la France libre, basés au Royaume-Uni, ont un rôle beaucoup plus large : ils assurent le lien avec les résistants en organisant des liaisons radio et des opérations aériennes clandestines ; ils créent en France des réseaux de renseignement et d’évasion ; sur le plan militaire, ils participent à l’organisation de l’Armée secrète et des maquis et assurent leur contact avec l’état-major allié ; dans le domaine politique, ils travaillent à unifier la Résistance derrière le général de Gaulle. »

« À Londres, les décideurs forment un petit cercle autour du Général. Ils donnent aux services secrets leurs instructions militaires via le chef de l’état-major particulier et leurs instructions politiques via le commissaire national à l’Intérieur. » 

« Quoi qu’ils en disent, dans ce contexte particulier, les services secrets sont un peu plus qu’un organe technique : ils proposent des solutions qui ont des implications politiques. »

« LES SERVICES SECRETS AU COEUR DES RELATIONS ENTRE LA FRANCE LIBRE ET LES ALLIES
« Les services secrets de la France libre sont dans une situation inconfortable. » 

« Ils agissent depuis un territoire allié, mais étranger. Les Britanniques ne reconnaissent pas la France libre comme un gouvernement en exil : ils coopèrent donc avec des résistants qui n’ont aucun lien avec celle-ci. »

« Ils disposent pour cela de leurs propres services secrets, qui agissent en France dans les domaines du renseignement (SIS), de l’action (SOE) ou des évasions (MI9). À partir de 1942, les Américains disposent du Bureau des services stratégiques (OSS) pour toutes ces missions. Les services britanniques recrutent des Français et agissent en France sans en référer à de Gaulle. »

« L’inverse n’est pas vrai : les services secrets de la France libre ne peuvent agir en France qu’avec le soutien de leurs homologues britanniques. Ils dépendent d’eux pour former leurs agents, les équiper (postes radio, armes, etc.), les acheminer en France et les ramener en Angleterre (bateaux, avions) et maintenir le contact avec eux (centrale radio). Ce sont également les Britanniques, puis les Américains, qui fournissent tout le matériel et les armes destinés à la Résistance. » 

L’EVOLUTION DES SERVICES SECRETS DE LA FRANCE LIBRE
« En 1940, les cadres des services secrets de la IIIe République restent au service de Vichy. À Londres, les services du général de Gaulle sont donc créés par des officiers inexpérimentés, à l’image de leur chef, le capitaine Dewavrin, alias Passy. »

« Ces services changent de nom à mesure que leurs fonctions s’élargissent : 2e Bureau, puis SR (avril 1941), Bureau central de renseignement et d’action militaire (BCRAM, janvier 1942) et enfin BCRA (juin 1942). Le BCRA organise toutes les missions secrètes en France et en Afrique du Nord, qu’elles soient militaires ou politiques. »

« Le général Giraud, installé par les Alliés en Afrique du Nord fin 1942, dispose alors des services secrets de Vichy passés à Alger après l’invasion allemande de la zone libre. En juin 1943, de Gaulle crée à Alger avec Giraud le Comité français de la Libération nationale (CFLN). La fusion de leurs services secrets est un processus long et difficile. La première étape est la création de la Direction générale des services spéciaux (DGSS) fin 1943. Basée à Alger, dirigée par le gaulliste Jacques Soustelle, elle dispose d’une base opérationnelle principale à Londres (BCRAL) et d’une autre à Alger (BCRAA). »

« En octobre 1944, l’ensemble des services devient la Direction générale des études et recherches (DGER). »

LES COMPAGNONS DE LA LIBERATION ET LES SERVICES SECRETS
« Parmi les unités constituées de la France libre, c’est au sein du BCRA, et plus largement dans l’activité des services secrets, que l’on trouve le plus grand nombre de Compagnons de la Libération. Sur les 1 038 hommes et femmes distingués de la croix de la Libération par le général de Gaulle, 174 agissent dans la clandestinité sous l’autorité de ce dernier. Ils servent comme agents techniques, officiers de liaison, membres des réseaux, chargés de missions militaires ou politiques. »

« Cette surreprésentation des services secrets dans l’Ordre de la Libération souligne le poids de l’action clandestine dans la réalisation des buts de la France libre. Elle témoigne aussi de la reconnaissance du sacrifice de nombreux agents. Soixante d’entre eux, plus d’un tiers, n’ont pas survécu à la guerre, un taux supérieur à celui de la plupart des unités militaires de la France libre. »

« Le premier Compagnon issu des services secrets (Gilbert Renault, alias Rémy) est nommé en mars 1942, au retour d’une importante mission. Mais pour les autres, en raison de la nécessaire discrétion du combat clandestin et du risque toujours présent de parler en cas d’arrestation, c’est très majoritairement à partir de 1945 que leur est décernée la croix de la Libération. »

UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE
« À l’échelle des moyens engagés dans la guerre, les services secrets du général de Gaulle sont modestes : quelques dizaines d’officiers et seulement quelques centaines de personnes à Londres à la Libération ; moins d’un millier d’agents envoyés en mission clandestine en France ; mais au total, près de 80 000 agents recrutés en France. Ces femmes et ces hommes obtiennent des résultats exceptionnels. »

« Les renseignements transmis par les réseaux sont précieux pour préparer les opérations militaires et alimenter les émissions de la BBC. Le chef des services secrets américains crédite le BCRA de 80% des renseignements utilisés pour préparer le débarquement en Normandie. »

« Dans le domaine de l’action militaire, l’activation à partir du jour J des plans de sabotage et de guérilla préparés par le BCRA permet aux résistants français de participer à la Libération sous les ordres du général de Gaulle. »

« Dans le domaine politique, les agents clandestins contribuent de manière décisive à l’unification de la Résistance, concrétisée par la création du Conseil national de la Résistance (CNR) en mai 1943 ; ils affirment l’autorité de l’État reconstitué à Londres et Alger et évitent ainsi la guerre civile au moment de la Libération. »

DEVENIR UN AGENT
« Beaucoup de futurs agents clandestins font au moins un séjour en Angleterre. Certains y sont recrutés, d’autres viennent de France ou d’Afrique du Nord y suivre une formation. Dans la France libre, le BCRA du colonel Passy organise progressivement toutes les activités clandestines, qu’il s’agisse de renseignement, d’évasions, d’action – militaire ou politique – ou de contre-espionnage. C’est un service aux effectifs modestes mais croissants, qui travaille à Londres en étroite relation avec les services secrets britanniques, le SIS pour le renseignement, le SOE pour l’action ou encore le MI9 pour les évasions. » 

« Le BCRA recrute ses agents parmi les volontaires de la France libre. Ceux-ci suivent une formation adaptée à leur future mission dans les centres spécialisés créés notamment par le SOE. Ils ne sont pas encore clandestins, mais ils doivent déjà mener une double vie, en dissimulant à celles et ceux qu’ils rencontrent, notamment lors de leurs séjours à Londres, qu’ils s’apprêtent à partir en mission en France. Au moment de leur départ, ils basculent dans la clandestinité, abandonnant leur identité et leurs effets londoniens pour ceux qu’ils revêtiront en France. » 

Londres, centre des services secrets
« Londres est le centre des services secrets de la France libre de leur création en juillet 1940 à la Libération en 1944, bien après l’installation du Général à Alger en 1943. Le BCRA s’installe au 10 Duke Street en mars 1942 puis investit de nombreux autres immeubles au fur et à mesure de sa croissance. Son fondateur et chef, André Dewavrin, alias Passy, dispose d’effectifs modestes : 23 personnes fin 1941, 570 en août 1944. Il ajoute progressivement à la section Renseignement des sections dédiées à l’action militaire (organisation des missions, planification), à l’action politique et au contre-espionnage. » 
Le recrutement des agents clandestins
« En Angleterre, le BCRA recrute ses agents parmi les volontaires de la France libre, repérés lors de leur interrogatoire de sécurité. À partir de 1943, il en sélectionne aussi en Afrique du Nord. Des tests pratiques et psychologiques sont utilisés à partir de 1943. En fonction de leur profil, les candidats sont orientés vers le renseignement ou l’action, les fonctions d’encadrement (délégué militaire, etc.) ou techniques (opérateur radio, saboteur, officier d’opérations aériennes, etc.). Infiltrés en France, ils recrutent d’autres agents parmi leurs relations ou dans les organisations clandestines ». 
La vie à Londres
« Comme tous les militaires des Forces françaises libres, les futurs agents fréquentent Londres lors de leurs périodes de permission ou en attendant leur départ. C’est un bon exercice pour tester leur capacité de dissimulation. Ils vivent sous le nom adopté lors de leur engagement, revêtent leur uniforme d’officier et fréquentent les lieux de convivialité prisés des Français, mais ils doivent cacher à celles et ceux qu’ils côtoient leur véritable affectation et la mission qui les attend. En théorie, ils ne doivent pas se rencontrer entre eux, mais la consigne n’est pas toujours respectée. »
La formation des agents 
« De nombreux agents, surtout ceux recrutés en Angleterre ou y faisant un séjour, bénéficient d’une véritable formation dispensée dans des écoles britanniques. Précurseur, le SOE, dédié à l’action, met en place progressivement des dizaines de centres dans des châteaux isolés à la campagne, les Special training schools (STS). Chacun a sa spécialité : parachutisme, sabotage, transmissions, opérations aériennes, vie clandestine, etc. La plupart des agents sont brevetés parachutistes à Ringway (STS 51), près de Manchester, mais chacun suit un cursus individualisé, adapté à sa future mission ». 
Le départ en mission
« Le départ en mission marque une rupture entre deux mondes. L’agent abandonne le nom adopté lors de son engagement dans la France libre et confie au BCRA son testament et ses effets personnels. Il prend une fausse identité, apprend sa légende et se familiarise avec ses faux papiers. Dans ses échanges avec Londres, il sera désormais désigné par un pseudonyme. Il revêt des habits similaires à ceux utilisés en France et on vérifie qu’il ne transporte rien trahissant son passage par l’Angleterre. Avant d’embarquer, il reçoit son matériel, de l’argent et, s’il le souhaite, une pilule de cyanure. » 

ÊTRE UN AGENT CLANDESTIN
« Les agents secrets du Général agissent clandestinement en France contre l’occupant et Vichy. Contrairement aux membres des mouvements de résistance, ils sont soumis à l’autorité du chef de la France libre. Plusieurs centaines sont recrutés en Angleterre et en Afrique du Nord, formés et envoyés en France comme “chargés de mission”. D’autres sont recrutés en France, puis formés au Royaume-Uni. Les plus nombreux (77 300), recrutés eux aussi en France, restent sur place, mais sont reconnus comme agents des autorités françaises. L’expérience de ces agents clandestins, comme celle de tous les résistants, est radicalement différente de celle des combattants en uniforme. Plongés dans une société dont l’aide leur est indispensable pour survivre et mener à bien leur mission, ils se dissimulent sous de fausses identités. Ils savent qu’ils courent le risque, non seulement d’être capturés et tués, mais d’être soumis à la torture et jetés dans l’enfer concentrationnaire. En avril 1943, après le suicide en prison de Fred Scamaroni, Passy écrit : “La mort dans les services secrets me semble tellement plus dure que sur un champ de bataille, par tout ce qu’elle comporte de volontaire, de solitaire et d’anonyme.”

Fausse identité 
« Les agents clandestins vivent en France sous une fausse identité fournie avant leur départ s’ils partent d’Angleterre. De faux-papiers sont réalisés à partir de modèles rapportés de France (carte d’identité, feuille de démobilisation, tickets de rationnements, etc.) et accompagnés d’une légende, une biographie fictive mêlant le vrai et le faux. En France, les agents se procurent parfois de « vrais faux-papiers », réellement produits par l’administration. Ils utilisent aussi divers pseudonymes selon les circonstances (activités sur le terrain, échanges avec Londres, passage par l’Espagne). »
Combattre en civil 
« Le propre des agents clandestins est de se fondre dans la société. Sous leur combinaison de saut, ceux qui partent d’Angleterre revêtent des habits civils récupérés auprès de réfugiés ou confectionnés par les services britanniques à partir de modèles ayant cours en France. Toute trace de leur passage en Grande-Bretagne est soigneusement effacée. Une partie du matériel qu’ils emportent est conçu spécialement pour être dissimulé ou pour permettre de cacher des messages. Dans une même logique, les postes radio utilisés pour recevoir les messages de Londres sont progressivement miniaturisés. » 
Les risques
« Les agents clandestins sont traqués par la police française et les services allemands. Soldats sans uniforme, ils ne bénéficient pas des protections du droit de la guerre, dont leurs ennemis n’ont au demeurant que faire. Pour eux, l’arrestation marque le début d’un long calvaire. Connaissant leurs adversaires, ils sont conscients des risques qu’ils courent, en particulier la torture et la déportation. Arrêté, Jean Ayral est hanté par la peur de craquer sous les coups et de livrer ses camarades. 34 des 174 agents Compagnons de la Libération sont déportés après leur arrestation (20%). » 
La mort 
« Sur ces 174 agents Compagnons de la Libération, 60 meurent en mission (34%). Jean Moulin succombe sous la torture, 12 sont abattus et 17 fusillés, 10 périssent en déportation et 8 accidentellement. 12 autres se suicident. Les agents envoyés de Londres peuvent emporter une pilule provoquant la mort en quelques secondes et matérialisant leur statut particulier : pour eux, cette issue peut sembler préférable à la capture. Henri Labit, René-Georges Weill, François Delimal ou Jacques Bingen absorbent leur poison. Pierre Brossolette préfère s’en passer mais finit par se suicider en se jetant par la fenêtre. » 
Le statut des agents 
« Les services secrets du général de Gaulle innovent en recrutant leurs agents hors de France parmi les volontaires aussi bien civils que militaires. Ceux-ci ont la particularité d’opérer en civil sur leur propre territoire. En 1941, un arrêté leur accorde un statut militaire, précisé par un décret d’avril 1942 : ils forment un corps d’assimilés spéciaux, les chargés de mission. Le statut des agents recrutés en France est fixé par le décret 366 de juillet 1942, qui distingue semi-clandestins (P1) et clandestins (P2). Ceux qui les aident occasionnellement ne sont pas reconnus comme agents. »

L’environnement du clandestin 
« Le cas de Daniel Cordier illustre une réalité essentielle dans la France occupée : un agent clandestin ne peut survivre que s’il bénéficie d’appuis dans la société pour se loger, se nourrir, se cacher et exécuter sa mission. Pendant vingt-deux mois, à Lyon puis à Paris, Daniel Cordier bénéficie de l’aide d’une famille de réfugiés parisiens, les Moret, qui lui présentent d’autres personnes (Laure Diebold, Jean-Louis Théobald, etc.). Les unes se mettent à son service comme secrétaires ou agents de liaison, d’autres servent de boites aux lettres, cachent des fonds ou mettent à sa disposition des locaux. » 

LES FONCTIONS DU CLANDESTIN
Les missions confiées aux agents clandestins sont variées. En théorie, les rôles sont très cloisonnés. Dans la réalité, il est fréquent qu’un agent soit impliqué dans des activités ne relevant pas de sa spécialité. 
On peut opérer quelques grandes distinctions entre : 
- les agents envoyés de Londres, nimbés d’un certain prestige, et ceux n’ayant jamais quitté la France. Sur les 174 agents Compagnons de la Libération, 72 ne sont passés ni par Londres, ni par Alger ; 
- les agents techniques – opérateurs radio, saboteurs, officiers chargés des opérations aériennes et maritimes – et les agents ayant une mission d’organisation ou de représentation – politique et/ou militaire - auprès des résistants de l’intérieur. Les premiers sont souvent plus jeunes et moins diplômés que les seconds ;
- les agents œuvrant dans des réseaux de renseignement ou d’évasion et ceux engagés dans l’action, le plus souvent en liaison avec les mouvements de résistance. Après le débarquement, bien des agents de renseignement aspirent eux aussi à faire le coup de feu ; 
- les agents arrivés récemment et ceux implantés depuis longtemps, l’antériorité étant un gage de prestige dans le petit monde des clandestins. 

Les réseaux d’évasion
« Les agents du Général créent des réseaux d’évasion grâce auxquels des pilotes alliés, des prisonniers évadés et des agents trop compromis en France pour continuer leur travail peuvent rejoindre l’Angleterre. Parmi eux, certains bénéficient d’opérations aériennes, mais les plus nombreux passent par l’Espagne ou les côtes bretonnes et méditerranéennes. Christian Martell crée le réseau Brandy, Jean-Claude Camors le réseau Bordeaux-Loupiac, deux filières qui, grâce à de multiples complicités, prennent en charge les candidats à l’évasion, les hébergent, les accompagnent et leur font passer les frontières. » 
Les liaisons techniques avec l’Angleterre
« Les moyens techniques sont d’une importance vitale pour assurer le contact entre Londres et les agents en France. Ceux-ci envoient par radio des renseignements, reçoivent des consignes et organisent les opérations. Les opérateurs, traqués avec des dispositifs sophistiqués, sont particulièrement exposés. Les opérations aériennes et maritimes permettent d’infiltrer des agents – parachutés (865) ou déposés (590) –, d’exfiltrer agents et personnalités (574), d’échanger courriers et rapports, mais aussi d’envoyer en France plus de 10 000 containers de matériel, dont 60% après le débarquement. »
Le renseignement
« Le BCRA crée en France des réseaux de renseignement dirigés par des agents envoyés de Londres mais composés d’informateurs recrutés sur place, dont certains ont le statut d’agents. Les renseignements militaires sur l’ennemi servent à préparer le débarquement. D’après les Américains, 80% des renseignements ayant permis celui de Normandie ont été fournis par les services du Général. Le BCRA recueille aussi des documents officiels qu’il fait copier pour ses agents et des renseignements politiques et économiques qui alimentent la propagande de la France libre et ses projets pour la Libération. » 
L’action militaire
« Les agents les plus nombreux sont engagés dans l’action militaire. Ils peuvent exécuter eux-mêmes des sabotages ou assurer la liaison avec les branches militaires des mouvements de résistance, puis l’Armée secrète. En 1943-1944, des délégués militaires sont envoyés auprès des états-majors à chaque échelon (national, de zone, régional). Des instructeurs de sabotage et des officiers chargés de l’encadrement des maquis forment les résistants à l’utilisation du matériel parachuté. L’objectif principal est de préparer une opération coordonnée de sabotage appuyant le débarquement allié en France. »
L’action politique
« Les agents chargés de missions politiques relèvent du commissariat national à l’Intérieur mais l’aspect technique de leur mission est assuré par le BCRA. Jean Moulin à partir de 1942, puis le colonel Passy, Pierre Brossolette, Claude Serreulles ou Jacques Bingen incarnent auprès des organisations de résistance l’autorité centrale de Londres (Comité national français) puis d’Alger (Comité français de la Libération nationale). Ils coordonnent les mouvements, puis l’ensemble des forces résistantes et s’attachent à leur faire reconnaitre l’autorité du Général. » 
Né dans une famille juive d'origine italienne, Jacques Bingen (1908-1944) était un ingénieur des Mines et diplômé de Sciences Po. Il était le beau-frère d'André Citroën, constructeur automobile.

Conclusion
« Les agents secrets du Général sont des volontaires, le plus souvent amateurs. Ils ont vocation à sortir de l’ombre lors des combats de la Libération, quand la lutte clandestine laisse la place à la guérilla. Cette sortie est parfois prématurée, comme en Alsace, obligeant les services spéciaux à ordonner un retour en arrière. » 

« Les agents sont au fur et à mesure remplacés par des membres des forces spéciales, c’est-à-dire des soldats en uniforme, qui n’emportent pas la pilule de cyanure intimement liée à la lutte clandestine, et dont la capacité d’action en territoire occupé ne repose plus sur l’aptitude à se fondre dans la société mais sur la mobilité et la surprise. »

« 60 des 174 Compagnons ayant servi comme agent sont morts pendant la guerre. Un sur trois. Les 114 autres entament ou poursuivent une carrière, pour moitié dans le secteur privé (industriels, commerçants), pour moitié dans le secteur public : l’armée (20), la haute fonction publique (15) ou la vie politique (12, dont Bourgès-Maunoury et Chaban-Delmas, chefs de gouvernement). On compte quelques galeristes (Cordier, Gimpel) et écrivains (Ponchardier, Rémy). Quatre seulement restent dans les services secrets, dont Fourcaud et Devigny. »




Du 23 juin au 16 octobre 2022
Hôtel national des Invalides
51 bis boulevard de la Tour-Maubourg. 75007 Paris
Entrée principale des Invalides (entrée Nord - 129 rue de Grenelle 75007 Paris) et depuis l'entrée de la place Vauban (entrée Sud)
Tél. : 01 47 05 35 15
Tous les jours de 10 h à 18 h

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