Citations

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« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

mercredi 31 mars 2021

De la concorde à la rupture. Un siècle de vie religieuse en France (1801-1905)


En 2002, le Centre historique des Archives nationales-Musée de l’histoire de France a évoqué, grâce à des documents exceptionnels, « l’exception cultuelle française » initiée au XIXe siècle par Napoléon Bonaparte (1769-1821), alors Premier consul de la République. Apparaît un Concordat instituant le régime des cultes reconnus, une vitalité plurielle religieuse dans le cadre national et sous le contrôle de l’Etat. Le 22 mars 2021, une majorité du conseil municipal de Strasbourg dirigé par l'écologiste Jeanne Barseghian (EELV) a accordé une subvention de 2,5 millions d'euros pour la construction d'une mosquée dont les promoteurs sont suspectés d'être islamistes. 


Le titre de l’exposition révélait le défi à relever. Ses commissaires ont abordé la vie religieuses sous plusieurs angles : l’organisation politique et administrative matricielle par Bonaparte des cultes catholique, protestants et juif, la pratique quotidienne ou exceptionnelle (processions), essentiellement celle catholique, l’enseignement cultuel, les enjeux politiques, etc. 

« Tableaux, textes originaux et leurs traductions, gravures, caricatures, objets liturgiques, jeux d’enfants, vêtements, souvenirs de processions et de pèlerinages, chromos et photos, etc. restituent un climat religieux » qui s’épanouit « à l’ombre contraignante et protectrice des pouvoirs publics ».

Ce panorama s’achève avec la séparation des Eglises et de l’Etat en 1905, prélude aux débats les plus contemporains sur la laïcité, évoquée par deux documentaires, et l’organisation du culte musulman.

Un livret gratuit reprenait les textes didactiques des panneaux et présentait les pièces exposées. 

La scénographie claire s’avérait particulièrement instructive.

Concordat
Le « 26 messidor an IX, six signatures étaient apposées au bas d'un traité âprement négocié entre le Saint Siège et le Premier consul, celles notamment de Joseph Bonaparte et de Bernier pour Napoléon Bonaparte, de Consalvi avant tout pour Pie VII. Le Concordat était signé mais il n'entrera pas en vigueur avant sa promulgation solennelle, le 18 avril 1802, le jour de Pâques, à Notre-Dame, dans la vieille cathédrale parisienne rendue au culte catholique », a écrit Claude Langlois, directeur d'études à l'École pratique des hautes études-Sciences religieuses.

Entre ces deux dates, « il a fallu mettre à bas deux épiscopats, le constitutionnel et le réfractaire, pour faire la place à un troisième, et faire avaliser les clauses de l'accord par la curie romaine résignée et par les assemblées consulaires rétives. Bonaparte usa pour convaincre ces dernières de l'adjonction, immédiatement dénoncée par Rome, des articles organiques qui réintroduisaient le gallicanisme parlementaire et avalisaient la reconnaissance conjointe des cultes protestants. Pour l'essentiel, par le Concordat, le catholicisme retrouvait sa place dans la société après les déchirures et les violences de la Révolution », a résumé Claude Langlois.

Et de poursuivre : « Bonaparte nommera les évêques comme le faisait » le roi « Louis XVI et contrôlera les affaires de l'Église catholique à la manière de Joseph II. Rome n'avait obtenu en contrepartie qu'une reconnaissance de fait : le catholicisme était la religion d'un Premier Consul, qui n'en avait guère, et celle de « la très grande majorité des citoyens français », constat qui pouvait se lire de deux manières : le catholicisme n'était plus la religion officielle de la France, mais restait, malgré la récente déchristianisation, celle des Français ».

Le Concordat générait paix et stabilité. 

L’annonce de ce Concordat coïncide avec la paix d'Amiens, période de paix qui débute par le Traité d'Amiens signé le 25 mars 1802 entre d'une part le Royaume-Uni, et d’autre part la France, l'Espagne et la République batave (actuels Pays-Bas) et s’achève le 18 mai 1803. Le traité d’Amiens met fin à la guerre entre la France et l’Angleterre. Il confirme que la France possède la Belgique et le port d'Anvers, et récupère ses colonies. L’Empire s’affirme comme puissance mondiale commerciale et politique. 

Elle « précède le plébiscite de l'an X (consulat à vie) où pour la première fois, sans manipulation des résultats, contrairement à ce qui s'était passé en l'an VIII, Bonaparte bénéficia de l'approbation de près de la majorité du corps électoral, score jamais atteint lors d'élections de ce type durant la Révolution et l'Empire ». 

Après la période révolutionnaire mouvementée, le « Concordat, le Code civil, l'Université constituent les masses de granit sur lesquelles est comme posée la société française ».

Le Concordat « aussi, à sa manière, participe à la sécularisation de l'État : celui-ci maintenant ne reconnaît que les cultes, voie médiane, manière administrative. Ce choix s'écarte à la fois de la pratique ancienne, pluriséculaire, qui faisait du catholicisme et de ses croyances la religion du royaume ; mais aussi il prend ses distances vis-à-vis de la nouveauté révolutionnaire, libérale en ses débuts, selon laquelle « nul ne peut être inquiété pour ses opinions mêmes religieuses » (article 10 de la Déclaration des droits de l'homme) ».

L'État « en ne reconnaissant que les cultes, se déclare athée sans le dire, mais à un double titre : il est indifférent aux croyances, n'ayant pas à adhérer à l'une plutôt qu'à l'autre ; il n'a pas surtout à choisir de croire, mais seulement à prendre en considération ceux qui croient, sans contraindre ceux qui ne croient pas ».

Le Concordat inspirera des dirigeants européens, et au début du pontificat de Pie IX, en Amérique latine. 

Selon Claude Langlois, le « système concordataire ou, en termes plus juridiques, le régime des cultes reconnus, s'est développé en prenant appui sur quatre piliers ».

Le « premier est constitué par le renforcement du pluralisme confessionnel, grâce à l'incorporation parmi les cultes reconnus du judaïsme, effectif entre 1807 (réunion du Grand Sanhédrin) et 1831 (rémunération des rabbins) ». 

Le « deuxième, par l'élargissement des bénéficiaires grâce à la prise en compte des congrégations catholiques - avant tout les congrégations de femmes, hospitalières puis enseignantes - reconnues par vagues successives entre 1809 et 1860 ».

Le « troisième pilier est financier : dès la fin des années vingt les dépenses des cultes sont portées à un niveau élevé, supérieur jusqu'en 1880 aux dépenses de l'État pour l'instruction publique; elles comprennent la rémunération des clergés mais aussi l'aide à l'entretien et à la création des édifices cultuels ». 

« Quatrième pilier, le plus visible, la création immédiate d'un ministère des cultes : plus qu'un symbole, une administration ; moins pourtant qu'un vrai ministère puisque, sauf à sa création, celui-ci dépendra toujours d'un autre, l'Intérieur, la Justice ou l'Instruction publique, triangle obligé du contrôle étatique sur la Religion ».

Le Concordat français « aurait pu tôt disparaître - comme tant d'autres ailleurs, plus tard - à la première alarme, plus précisément dès la fin de l'Empire. Il a survécu à la longue querelle » entre le pape Pie VII et l’empereur Napoléon 1er et, « sous la Restauration, à la proclamation du catholicisme comme religion de l'État et à la négociation inaboutie par Louis XVIII d'un autre concordat. Il n'a pas été touché, malgré le tumulte, par le Syllabus et par la radicalisation idéologique d'un catholicisme où l'intransigentisme doctrinal l'emporte pour un long temps sur la capacité d'une papauté affaiblie à passer des accords contractuels ».

Les lois laïques adoptées au début de la IIIe République n’ont pas entamé le Concordat en raison de « la volonté conjointe » du pape Léon XIII (1810-1903) et de Jules Ferry (1832-1893), ministre de l'Instruction publique et des Beaux-arts et Président du Conseil, « de ne pas aller jusqu'à la rupture ». Le Concordat « a seulement sombré en 1905 face à l'exacerbation des passions liées à l'affaire Dreyfus, à la relance de la question scolaire qui conduira à l'interdiction d'enseigner des congrégations (1904), à la volonté radicale d'en découdre, à la riposte romaine de ne pas transiger ».

Ainsi « l'on vint à bout d'un siècle de Concordat même si l'ultime solution trouvée, par Briand ou Jaurès, fut plus modérée que celle imaginée par le petit Père Combes ».

Le Concordat a-t-il entièrement disparu ? « Certes la loi de Séparation est toujours en vigueur, elle qui, dans la formule lapidaire de son article 2 – « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » - résume parfaitement en quoi justement a consisté le système concordataire : les cultes, leur financement, leur reconnaissance. Et pourtant, depuis 1908, « l'État, les départements et les communes » peuvent engager des dépenses pour entretenir les bâtiments, églises principalement, du culte catholique qui sont passés à leur charge, après le refus de Pie X d'accepter les associations cultuelles ; et pourtant la République, bien qu'une et indivisible, depuis 1919, reconnaît les trois cultes concordataires et salarie leurs représentants en Alsace-Moselle ; et pourtant depuis quelques années le ministre de l'Intérieur se dit aussi avec une insistance suspecte ministre des cultes et n'a de cesse de trouver les manières pour faire « reconnaître » l'islam en France... Impossible retour du Concordat, incontournables pratiques concordataires », a analysé Claude Langlois.

Judaïsme
Sous le règne de l’empereur Napoléon Ier (1804-1814), les Juifs sont évoqués lors de la séance de Saint-Cloud et des débats du Conseil d’Etat du 30 avril 1806.

Le 26 juillet 1806, l’Assemblée des Notables se réunit.

Le 6 octobre 1806 (24 de tisri 5567), l’Adresse de l’Assemblée des députés des Israélites de France et du royaume d’Italie relative à la convocation d’un Grand Sanhédrin loue, en français et en hébreu, « les bienfaits attendus » - « délivrance et félicité » - de l’ouverture d’un grand Sanhédrin « dans la capitale de l’un des plus puissants empires », cet « événement à jamais mémorable pour les restes des persécutés des descendants d’Abraham, un de délivrance et de félicité... une effusion de joie ». 

Institué le 10 décembre 1806, le Grand Sanhédrin est une cour suprême juive  qui réunit soixante-et-onze rabbins et est présidé par David Sintzheim, rabbin de Strasbourg, beau frère de Cerf Berr, philanthrope et politicien alsacien. Dans l’Antiquité, le Sanhédrin constituait le principal corps législatif et judiciaire du peuple juif.

L’empereur Napoléon Ier  convoque le Grand Sanhédrin en séance solennelle à l'Hôtel de Ville de Paris le 9 février 1807 pour « donner une sanction religieuse aux principes exprimés par l'Assemblée des notables en réponse aux douze questions qui lui avaient été soumises par le gouvernement ». 

Les douze questions sont les suivantes :
Première question : Est-il licite aux Juifs d'épouser plusieurs femmes ?
Deuxième question : Le divorce est-il permis par la religion juive ? Le divorce est-il valable sans qu'il soit prononcé par les lois contradictoires à celles du Code français ?
Troisième question : Une Juive peut-elle se marier avec un Chrétien et une Chrétienne avec un Juif ?
Quatrième question : Aux yeux des Juifs, les Français sont-ils leurs frères ou sont-ils des étrangers ?
Cinquième question : Dans l'un et dans l'autre cas, quels sont les rapports que leur loi leur prescrit avec les Français qui ne sont pas de leur religion ?
Sixième question : Les Juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie ? Ont-ils l'obligation de la défendre ? Sont-ils obligés d'obéir aux lois et de suivre les dispositions du Code Civil ?
Septième question : Qui nomme les rabbins ?
Huitième question : Quelle juridiction de police exercent les rabbins parmi les Juifs ? Quelle police judiciaire exercent-ils parmi eux ?
Neuvième question : Ces formes d'élection, cette juridiction de police judiciaire sont-elles voulues par leurs lois ou simplement consacrées par l'usage ?
Dixième question : Est-il des professions que la loi des Juifs leur défend ?
Onzième question : La loi des Juifs leur défend-elle l'usure envers leurs frères ?
Douzième question : Leur défend-elle ou leur permet-elle de faire l'usure aux étrangers ?

La Décision du Grand Sanhédrin a été imprimée et publiée dans le Moniteur Universel du 11 avril 1807 (pp. 398-400). Un Préambule précède la réponse argumentée à chaque article.

Pour le Grand Sanhédrin, la question la plus délicate et celle ayant suscité les plus vifs débats en son sein était la troisième concernant les mariages mixtes.

La quatrième question reçut une réponse unanime : « La France est notre patrie, les Français sont nos frères ». 

A la question 6, sans concertation, les membres du Grand Sanhédrin affirmèrent étaient prêts à donner leur vie pour défendre la France.

Concernant la dixième question, ils soulignèrent que la loi juive ne prohibait aucune profession, et que, selon le Talmud, le père de famille qui laisse sans métier son fils est vu comme l'ayant préparé à la vie de voyou.

En ce qui concerne l'usure, l'assemblée a démontré que la loi juive ne l’accepte pas et recourt à un terme signifiant « intérêts », traduit de manière volontairement erronée par usure. Ce qui créer une confusion.

Majoritairement composée de laïcs, l’Assemblée rassure l’empereur Napoléon Ier : la juridiction rabbinique a disparu. 

Les députés des Juifs ont accepté les concessions réclamées par l'Empereur. Sans en évaluer toutes les conséquences sur la vie juive. 

Dans une étude précise (1867), Edouard Moyse (1827-1908), un des premiers peintres de la vie juive en France, illustre librement cette réunion du Grand Sanhédrin en février-mars 1807.

En mars 1808, trois décrets sont promulgués. L’un d’eux concerne la réorganisation du culte israélite.

En 1809, sont organisés les Consistoires israélites en treize circonscriptions.

"L'émancipation (1791) qui fit des Juifs des citoyens ne reconnut que les individus, déduction faite de leur appartenance collective (communautaire), qui se vit donc interdite de Cité. Mais ce moment fut suivi d'un deuxième événement, 16 ans plus tard, avec la convocation du « Grand Sanhédrin » par Napoléon 1er (1807). L'empereur ressuscitait le parlement juif de l'Antiquité, de l'époque du deuxième Temple de Jérusalem (dont l'UNESCO, sous influence islamique, vient scandaleusement de dénier l'existence), 19 siècles après sa disparition, pour y convoquer impérativement rabbins et hommes publics juifs de toute l'Europe napoléonienne (Italie, Hollande, Allemagne, France...) pour leur poser douze questions, supposées très embarassantes et dures. Ces questions annulaient en partie la citoyenneté dispensée par la Révolution, puisqu'elle obligeait les Juifs à se constituer en communauté (par l'obligation d'adhérer collectivement à une nouvelle institution, le Consistoire) tout en mettant en œuvre les modalités de leur intégration dans le corps national. Leur sort a dépendu alors de leurs réponses à ce questionnaire", a écrit Shmuel Trigano (Le Figaro, 30 novembre 2016).

Et de poursuivre : "Les Juifs renoncèrent à toute la partie de leur droit concernant les affaires civiles et politiques pour ne conserver que les lois cultuelles. Les débats du Sanhédrin étaient sous surveillance permanente. Le résultat s'imposait avant même d'être voté. Les Juifs renoncèrent à toute la partie de leur droit concernant les affaires civiles et politiques pour ne conserver que les lois cultuelles. Ils firent de l'obéïssance au Code civil un devoir religieux, allant jusqu'à suspendre les lois de la nourriture cacher pour les conscrits, le temps de leur service. Le tout fut consigné dans un document en français et en hébreu, sous le sceau de l'autorité rabbinique suprême et accepté en masse. La doctrine de l'exil aida les Juifs à répondre positivement à cet interrogatoire: le Talmud statue en effet depuis plus de 20 siècles que «la loi de l'Etat c'est la Loi» et que les exilés doivent rechercher le bien du pays dans lequel ils vivent (Jérémie 29, 7). Cette réforme du judaïsme s'accompagna d'un autre dispositif. Les Juifs se virent contraints d'adhérer à un «consistoire», une sorte de super-préfecture chargée de leur surveillance (dénoncer les vagabonds, ceux qui échappaient à la conscription...) sous gouverne de l'Etat. Napoléon alla encore plus loin, un an après, avec ce que les historiens appellent le «décret infâme», en condamnant pour 10 ans les Juifs à une situation d'exception dans la citoyenneté en matière de liberté économique... Le serment «more judaico» («selon la coutume juive») les obligeant à prêter serment sur leur livre saint pour toute affaire juridique restait toujours valide, entretenant la suspicion à leur égard".

Et d'analyser : "La France impériale se garda bien en ce temps d'appliquer cette procédure aux musulmans en Algérie - le djihad l'aurait menacée!- mais elle l'appliqua aux Juifs locaux, parias de la société ottomane. En 1830, le corps expéditionnaire français, par arrété du 16 novembre 1830, reconnaît l'existence de «la nation hébraïque» et le «Conseil Hébraïque» est créé par l'arrété du 21 juin 1831. L'ordonnance du 10 août 1834 privent les tribunaux rabbiniques d'une partie de leurs attributions, puis ceux ci sont supprimés par l'ordonnance du 28 juillet 1841. C'est au terme donc d'une réforme progressive sur le plan religieux, juridique et civil, dans la foulée du Sanhédrin, que les Juifs d'Algérie accédèrent à la nationalité française par le décret Crémieux en 1871. Une semblable procédure, quoique moins brutale, concerna les catholiques dont la condition fut réglée par une négociation d'Etat à Etat avec le Vatican qui aboutit au «Concordat». Il y avait là, certes, un Etat impérial, un pouvoir dictatorial et conquérant. Toujours est-il qu'ils ont créé une réalité historique. Le moment napoléonien a même donné à la France révolutionnaire une structure qui a perduré jusqu'à la crise de «1968» (précédée, sans doute, auparavant, en 1962, par le reflux d'Algérie). La crise de l'Etat qui a suivi et qui est toujours vivace n'a cependant pas connu, sur le plan de la réalité, quelque new deal que ce soit, si ce n'est la pression fédéraliste de l'Union Européenne que l'on sait. A l'heure actuelle, cependant, il n'y a objectivement pas d'autre France étatique que celle là. En déclin. Si on analyse sur un plan politologique cet épisode historique, on notera un triple enseignement. Il faut noter tout d'abord le fait que la France fut depuis toujours un Etat hyper-centraliste ne souffrant aucune concurrence possible. Si la monarchie fut gallicaniste sur le plan de la religion, Napoléon «mit au pas» les catholiques, la religion dominante, à travers le concordat avec le Vatican dont il dicta les conditions. Le caractère coercitif de son entreprise retentit tout au long du XIX° siècle avec la guerre des deux France, catholique et laïque. Le deuxième enseignement montre que, dans la logique de l'Etat central, l'intégration de religions et de communautés religieuses n'a rien à voir avec une question «idéologique» mais avec la nation, le corps politique étatique, le droit constitutionnel. Dans la nation, il ne doit y avoir qu'un seul «peuple», une seule identité culturelle, tel est l'héritage français, si différent du monde anglo-saxon. Le Sanhédrin et le Concordat visèrent d'abord à mettre un terme à la «nation juive» (exclus de la généralité sous l'Ancien régime, les Juifs étaient juridiquement «esclaves de la Cour» - Servi Camerae) et au clergé (un ordre transnational soumis au Vatican) pour qu'ils ne constituent pas des «Etats dans l'Etat». Cette politique soulève donc un enjeu national et politique. Ce n'est pas un contrat qui est alors passé avec les religions mais un pacte: l'Etat dicte ce qui doit être. Ce pacte vise à régler deux problèmes. C'est d'abord le sort de corps de population, au départ «étrangers» au sein du corps politique, qui est mis en jeu en vue de leur intégration (quoique uniquement comme individus et sujets de droit abstraits, condition pour que la société ne comportent plus d'ordres différents comme sous l'Ancien régime (Napoléon, quoique empereur était effectivement «Empereur des Français»). Le deuxième enjeu concerne la réforme à leur imposer (notamment dans le domaine du droit religieux et de ses retombées politiques) pour entrer dans le corps national. Comme ces corps sont hérités de l'Ancien régime, leur condition et leur réforme sont abordées sous la figure de leur religion mais ce qui est en jeu dans cette dernière, c'est leur rapport à la nation et au pouvoir plus que leur nature intrinsèque. L'enjeu national, politique, juridique fait que seul l'Etat est à même de gérer de façon régalienne ces questions. Les représentants ecclésiastiques et laïques de ces religions sont appelés alors à les réformer et spécialement le droit religieux de façon à mettre en acte leur allégeance exclusive à l'Etat et leur disposition à se fondre dans le corps national et à se régler sur le code civil. Ainsi leur sont posées des questions précises sur les éléments problématiques de leurs livres sacrés, pour voir comment ils les comprennent et si leurs enseignements rendent possible une vie en commun, sous réserve que, s'ils n'étaient pas conformes, ils devraient explicitement y renoncer. Ou s'en aller. Ce dernier aspect prend en France une ampleur considérable dans le cas de l'islam car ses fidèles jouissent souvent de nationalités de pays dont l'islam est la religion d'Etat et qui se sont constitués dans un conflit avec la France, générateur, de surcroît, d'une séparation des populations sur la base de la religion. La précédence du national sur le religieux (et encore plus, le culturel) est, dans ce processus, capital et décisif. C'est ce moment napoléonien qui rendra possible un siècle plus tard la laïcité de la Loi de 1901. Et c'est ce qui est aujourd'hui constamment occulté et dénigré. On veut faire l'économie du moment «national» dans l'intégration de l'islam et des musulmans, alors qu'il en est la condition. Or, c'est le principe de réalité. L'Etat contemporain s'est dénié sa souveraineté en s'avérant incapable, sur le plan de l'Autorité, d'assumer son rôle. Il s'est caché derrière le «dialogue inter-religieux», la régression indue des religions statutaires (catholicisme et judaïsme) à deux siècles en arrière, la quête d'une fraternité sans loi ni droit, ou de pieux souhaits de «convivance» et de wishful thinking".

En 1812, le grand rabbin David Sintzheim décède. La première synagogue consistoriale est inaugurée à Bordeaux.

En 1818, le roi Louis XVIII supprime le « décret infâme ».

En 1819, la première école consistoriale ouvre à Paris.

La prière pour le Roi et son fils est composée et récitée par le Grand rabbin dans la synagogue consistoriale lors de la fête du 29 nissan 5581 (1er mai 1821). Ainsi, les Juifs français marquent leur intégration à la Nation, inscrite dans la devise du Consistoire central « Religion et Patrie ». Un amour pour la patrie jamais démenti.

Le procès-verbal des élections consistoriales dans le ressort du Consistoire israélite de Colmar le 2 mai 1850 indique parmi les élus laïcs du Consistoire central : Adolphe Crémieux (1796-1880).

Les Juifs (re)construisent des synagogues au style néo-classique (Bordeaux, 1812), puis néo-byzantin (rue de la Victoire, 1865-1874) ou hispano-mauresque (Besançon, 1869). Leur aménagement intérieur comporte des éléments permanents - tribunes pour les femmes - ou controversés ou ayant suscité des débats, tels les motifs sculptés, l’orgue, les vitraux colorés, les peintures murales, le déplacement de l’estrade de lecture (bima) du centre de la synagogue vers l’Arche-Sainte, voire sa séparation du reste de l’espace par une balustrade.

Le carton d’invitation à l’installation de J-H Dreyfuss comme grand rabbin de Paris le 29 septembre 1891 (26 eloul 5651) révèle l’alternance des discours et l’usage de l’orgue introduit au XIXe siècle dans la liturgie israélite. 

A l’initiative du ministre de l’Intérieur chargé des Cultes, alors Bernard Cazeneuve, le gouvernement socialiste dirigé par Manuel Valls a songé en 2016 à un Concordat pour l’islam.

Le 22 mars 2021, une majorité du conseil municipal de Strasbourg dirigé par l'écologiste Jeanne Barseghian (EELV) a accordé une subvention de 2,5 millions d'euros pour la construction d'une mosquée promue par des individus suspectés d'être islamistes. "À terme, la mosquée, dotée de ses deux minarets s’élevant à 36 m de haut, doit pouvoir accueillir quelque 2 500 fidèles. La confédération du Milli Görüs est réputée proche du pouvoir turc. Elle est aussi très présente en France, notamment en Ile-de-France et en Alsace. L’organisation revendiquait quelque 150 000 membres il y a trois ans". Le principe de cette subvention a suscité des critiques. 

  
De la concorde à la rupture, Un siècle de vie religieuse en France (1801-1905). 2002. 7,62 €
1807-2007. Bicentenaire du Grand Sanhedrin. 2007. 26 pages. La couverture reproduit Le Grand Sanhédrin des Israélites de l'Empire français et du Royaume d'Italie par de Martrait. La quatrième de couverture est illustrée par une plaque pour la Torah de 1809.

Articles sur ce blog concernant :
Cet article a été publié en une version concise par Actualité juive hebdo. Les citations sur le Concordat sont de Claude Langlois. Cet article a été publié le 3 août 2016.

« Le ciel en héritage » de Patrick Guérin et Gérard Maoui


« Le ciel en héritage », ce beau livre de Patrick Guérin et Gérard Maoui présente avec clarté, précision et quasi-exhaustivité les débuts et l’essor de l’industrie aéronautique en France, dans un contexte mondialisé et caractérisé par des relations parfois ambiguës entre le « politique » et les fabricants. Arte diffusera le 3 avril 2021, dans le cadre d'"Invitation au voyage", "Toulouse" avec notamment un reportage sur l'"épopée de l'Aéropostale".

La naissance d’une industrie vite exportatrice (1908-1958) aborde les entrepreneurs - constructeurs et sous-traitants -, leurs « machines volantes », les motoristes, les premiers missiles tactiques et les balbutiements de la conquête de l’espace.

L’aviation moderne (1958-2000) continue d’embrasser les volets civil et militaire, et décrit l’avènement de la réaction, la conception des missiles comme partie intégrée du système d’arme, le développement de lanceurs et satellites, l’importance des équipementiers et aborde les défis depuis les attentats terroristes islamistes du 11 septembre 2001.

Avions, hydravions et hélicoptères sont étudiés.

Dès les débuts, apparaît le rôle éminent du politique, celui décisif de l’Armée dans la survie et l’essor d’une activité encore quasi-artisanale lors de l’avant-guerre est expliqué, puis ceux de l’OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) et de l’Union européenne expliqués.

Quid des modes de décision politique : programmes militaires souvent modifiés, parfois peu adaptés in fine, etc. ? Quid de la pertinence du choix de très grande capacité du futur avion de transport ?

Doté d’une iconographie très belle, cet ouvrage rassemble en encarts les vies et fusions des fabricants et en annexes les coordonnées des acteurs du secteur. Un index aurait été utile.

"Aviation électrique"
Arte diffusa les 22 janvier à 22 h 25, 25 janvier à 16 h 25 et 28 janvier 2016 à 8 h 55 Aviation électrique. Le nouvel âge des pionniers de l’air, Arno Trümper (2015, 53 min). "Il y a un siècle, l’invention du moteur à combustion interne fut à l’origine du développement de l’aéronautique. Aujourd’hui, le monde est à la veille d’une nouvelle révolution avec l’avion électrique, potentiellement propre, performant et même élégant. À l’image des pionniers de l’aviation moderne, certains tentent de repousser les limites d’une technologie qui prend son envol en créant leur propre avion électrique. C’est le cas de Bertrand Piccard, inventeur du petit modèle Solar Impulse. Ou de l’ingénieur Calin Gologan, avec son monoplace Elektra One, dont le premier vol a eu lieu en 2011. Des essais sont actuellement en cours pour faire de cette création le premier avion électrique produit en série. Le réalisateur Arno Trümper a suivi Calin Gologan pendant deux ans, assistant notamment à la préparation de l’étape ultime, censée prouver la fiabilité de l’engin : la traversée de la Méditerranée. Ce fascinant documentaire relate la minutieuse préparation, en vue de la traversée de la Méditerranée, du prototype conçu par l'ingénieur Calin Gologan".

"Les pionniers de l'avion à réaction"
Arte diffusa les 22 juillet 2018 à 1 h 35 et 7 août 2018 à 10 h 25, Les pionniers de l'avion à réaction (Siegeszug Des Düsenjets)documentaire de Mira Thiel et Birgit Tanner. "Dans les années 1930, un Anglais et un Allemand inventent quasiment en même temps, sans jamais se rencontrer, une technique qui va révolutionner l'aviation : le turboréacteur. Au début des années 1930, le jeune Hans Pabst von Ohain est étudiant en physique. À ses heures perdues, il pilote des planeurs. La première fois qu'il monte dans un avion à hélice, un Junkers Ju 52, il est effaré par le bruit et les odeurs de gaz d'échappement. Il se met immédiatement à réfléchir à un système susceptible d'améliorer la propulsion des avions à moteur et imagine le principe du "réacteur". Mais le premier essai de l'engin fabriqué selon ses indications n'est pas concluant. Et il ignore que dans le même temps, un autre passionné d'aviation tente de mettre au point un système équivalent".

"Le Britannique Frank Whittle, qui a réalisé son rêve d'enfance en devenant pilote dans la Royal Air Force, trouve les biplans de l'armée de l'air beaucoup trop lents. Pour aller toujours plus vite et plus haut, il a lui aussi compris que l'hélice n'est pas le meilleur des propulseurs. Cinq ans plus tôt, il a donc eu la même idée que von Ohain. Mais il n'a que 22 ans, n'est pas ingénieur et son projet de réacteur est rejeté par la hiérarchie militaire. Il faudra à ces deux inventeurs une obstination hors du commun pour imposer leur vision. C'est chose faite le 28 août 1939 pour l'Allemand, avec le vol réussi du Heinkel HE 178, et le 15 mai 1941 pour le Britannique, dont le réacteur est construit non pas en Angleterre, mais aux États-Unis". 

"Parallèlement à l'histoire mouvementée de ces deux pionniers, le documentaire présente la construction d'un turboréacteur de nouvelle génération".

"L'Aéropostale"
Arte diffusa le 3 avril 2021, dans le cadre d'"Invitation au voyage", "Toulouse" avec notamment un reportage sur l'"épopée de l'Aéropostale".

"Dans les rues toulousaines, riches bâtiments et anciens ateliers témoignent de l'aventure de l’Aéropostale. Au début du XXe siècle, sous l’impulsion de l’entrepreneur Pierre-Georges Latécoère, la cité devient un point d’ancrage pour tous ceux qui veulent conquérir le ciel."

Arte évoque sur son site Internet "Guillaumet prisonnier des Andes". "Plus d'une centaine de pilotes, mécanos, radio sont morts en service pour avoir voulu livrer le courrier, coûte que coûte. Ces disparus ont forgés la légende de l'Aéropostale. Mais il faut aussi parler des miraculés, ceux qui ont survécu grâce à une volonté inflexible. C'est le cas du pilote Henri Guillaumet, surnommé l'ange de la Cordillère." 

Arte propose sur son site Internet dans le cadre de ses reportages, "Aéropostale : cap sur l’Afrique". "Dès le mois de mai 1923, les lignes aériennes Latécoère rallient Dakar en faisant étape au Maroc et en Mauritanie. C’est sur ce parcours que des pilotes de légende, Saint-Exupéry, Reine ou Guillaumet, ont fait leurs armes. Un siècle plus tard, les équipages du raid Latécoère-Aéropostale survolent chaque année la Ligne, à la rencontre des habitants et de leurs pays."
"Alors qu’il venait de fonder en 1918 la compagnie qui deviendra l’Aéropostale, Pierre-Georges Latécoère ambitionne déjà de passer les Pyrénées et l’Espagne pour relier la France au continent africain."
"La prouesse est réalisée en moins de cinq ans. Dès le mois de mai 1923, les lignes aériennes Latécoère rallient Dakar et les étapes jalonnent toute la côte Atlantique, du Maroc à la Mauritanie et au Sénégal. C’est sur ce parcours que des pilotes de légende, Saint-Exupéry, Reine ou Guillaumet, ont fait leurs armes."
"Un siècle plus tard, les équipages du raid Latécoère-Aéropostale survolent chaque année la Ligne, à la rencontre des habitants et de leurs pays. Jusqu’à Dakar, porte de l’Atlantique-Sud. Embarquement immédiat aux côtés des équipages du Raid Latécoère."

Arte propose sur son site Internet le reportage "Aéropostale : 100 ans après". « Relier les hommes et les continents par l’aérien ». Il y a 100 ans, naissait l’ambitieux projet de Pierre-Georges Latécoère. Un petit groupe de pionniers se lançait avec ferveur dans un pari insensé : une ligne aérienne, reliant la France à l’Afrique et à l’Amérique du Sud… Ce trajet mythique, un survol de plus de dix pays sur trois continents, rassemble des pilotes de légende : Guillaumet, Saint-Exupéry ou Mermoz et devient le raid le plus long du monde."

"Aujourd’hui, des pilotes passionnés (Français, Suisses, Portugais, Brésiliens, Argentins) participent au Raid Latécoère, animés par l’esprit de cette épopée. Transmettre une mémoire et un héritage communs en ralliant toutes les étapes de l'ancienne ligne, afin de retisser le lien entre les pays et les hommes créé par l'Aéropostale, en distribuant le courrier sur trois continents. L’objectif avoué du Raid Latécoère : faire figurer cette ligne mythique sur la liste emblématique du Patrimoine Mondial de l’Unesco. Embarquement immédiat pour l’Argentine et le Brésil aux côtés des équipages du Raid Latécoère."

"ARTE Junior le Mag -  30 décembre 2018" revient sur l'Aéropostale. "L'Aéropostale était la première compagnie aérienne a distribuer du courrier sur trois continents. Pour fêter ses 100 ans, nous avons accompagné le raid Latécoère Aéropostale - une bande de pilotes passionnés qui a refait la route de l'époque..."

"L’Étoffe des héros" 
Le 10 décembre 2017, Arte diffusa L’Étoffe des héros (1983), chef d'oeuvre réalisé par Philip Kaufman d'après un livre de américain Tom Wolfe, avec Fred Ward, Dennis Quaid, Ed Harris, Scott Glenn, Sam Shepard, Barbara Hershey, Lance Henriksen, Veronica Cartwright.
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"À la fin des années 1950, les États-Unis se lancent dans la conquête spatiale... Portée par une brochette de comédiens charismatiques (dont Ed Harris, Dennis Quaid et Sam Shepard, récemment disparu), une fresque à grand spectacle, récompensée par quatre Oscars".

"À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'US Air Force mène dans une base du désert californien des essais sur un avion capable de voler à une vitesse supersonique. Après la mort de plusieurs pilotes, le vétéran Chuck Yeager réalise l'exploit de franchir le mur du son. Lorsqu'en 1957 l'Union soviétique lance son premier Spoutnik, une course contre la montre s'engage aux États-Unis. Mis sur pied par la Nasa, le programme Mercury doit permettre d'envoyer dans l'espace un équipage américain. Les sélections débutent pour choisir les "têtes brûlées" qui participeront, au péril de leur vie, à l'aventure…"


"Déroulés sur un peu plus de quinze ans, ces premiers pas de la conquête spatiale américaine sont racontés à la manière d'une épopée tumultueuse. S'attachant autant à la vie privée des intrépides pilotes qu'aux dangers qu'ils bravent au quotidien, Philip Kaufman n'occulte rien des prouesses et des défis technologiques relevés dans la sueur et les larmes. Il ne laisse pas non plus dans l'ombre les méandres de la politique et le grand barnum médiatique qui transforme ces pionniers de l'aéronautique en héros de la nation. Adaptée d'un roman éponyme de Tom Wolfe et servie par des comédiens charismatiques (Sam Shepard, que le film révéla comme acteur, mais aussi Ed Harris, Dennis Quaid…), une fresque de très haute volée".


Patrick Guérin et Gérard Maoui, Le ciel en héritage, un siècle d’industrie aéronautique et spatiale française. Préface de Hubert Curien. Le cherche midi éditeur, 2002. 288 pages. 45 €. ISBN : 2-86274-877-3

France, 2021, 38 min
Sur Arte le  3 avril 2021 à 16 h 25
Disponible du 27/03/2021 au 01/06/2021

Journaliste : Yannick Cador
France, Allemagne, 2018, 5 min
Disponible du 29/09/2018 au 01/10/2038

France, 2018, 26 min
Disponible du 14/12/2018 au 16/12/2021

Auteur : Yannick Cador
France, 2018, 25 min
Disponible du 28/09/2018 au 27/09/2021

France, Allemagne, 2019, 14 min
Disponible du 01/01/2021 au 03/01/2023

Les pionniers de l'avion à réaction (Siegeszug Des Düsenjets)documentaire de Mira Thiel et Birgit Tanner
Sur Arte les 23 juillet et 5 août 2016, 22 juillet 2018 à 1 h 35 et 7 août 2018 à 10 h 25

Visuels
Scène du film : Le retour triomphant des astronautes.
Présentation du casting : Fred Ward, Dennis Quaid, Scott Paulin, Ed Harris...
© Warner Bros

A lire sur ce blog :












Cet article a été publié en une version plus concise par Aviasport et sur ce blog le 12 février 2011, puis le :
- 26 janvier 2014. Histoire a diffusé le 27 janvier 2014 Les pionniers de l'aviation ;
- 20 avril 2015. Histoire diffusera les 21 avril et 1er mai 2015 Les pionniers de l'aviation ;
- 20 janvier et 21 juillet 2016, 10 décembre 2017 et 19 juillet 2018.

vendredi 26 mars 2021

Jeanne Moreau (1928-2017)

Jeanne Moreau (1928-2017) était une comédienne - 
Ascenseur pour l'échafaud, Les Amants, Moderato cantabile, Jules et Jim, Eva, Le Journal d'une femme de chambre, Viva Maria !, La mariée était en noir, La Vieille qui marchait dans la mer... -, pensionnaire de la Comédie Française (1947-1952), chanteuse, scénariste, réalisatrice, fine cuisinière et gastronome française, et membre de  l'Académie des beaux-arts de l'Institut de France. Durant l'Occupation, par solidarité avec ses condisciples juives, elle a porté l'étoile jaune. Arte diffusera le 28 mars 2021 « Le train » (Der Zug) de John Frankenheimer et Bernard Farrel (1964), puis « Jeanne Moreau, l'affranchie » (Jeanne Moreau - Die Selbstbestimmte) de Virginie Linhart.


Pour Jeanne Moreau (1928-2017), la vie d'un être humain était composée d'une série de premières fois.

« Jeanne Moreau, l'affranchie »
Arte diffusera le 28 mars 2021 « Jeanne Moreau, l'affranchie » (Jeanne Moreau - Die Selbstbestimmte), documentaire réalisé par Virginie Linhart qui souligne les obstacles - physique dénigré - surmontés par la jeune comédienne au début de sa carrière cinématographique, mais omet les engagements féministes (manifeste des 343), politiques et artistiques - membre du TNP (Théâtre national populaire) de Jean Vilar au côté de Gérard Philipe - de Jeanne Moreau.

« Disparue en 2017, à l’aube de ses 90 ans, "Mademoiselle Moreau" a placé sa vie et sa carrière sous le signe de la liberté. Flash-back sur les films et les réalisateurs (d’Antonioni à Truffaut en passant par Demy, Bunuel et Welles) qui l’ont révélée au public en même temps qu’à elle-même. »

"Dès qu’il y a une nouvelle vague quelque part, on sonne à ma porte", se plaisait à affirmer celle qui a fougueusement embrassé l’audace de cinéastes en quête de modernité ». 

« Formée à la Comédie-Française, qui encaisse péniblement ses infidélités, l’actrice traverse une décennie de films commerciaux avant de trouver sa place dans le septième art ». 

« Quasi novice, son pygmalion se nomme Louis Malle, qui lui crée un rôle de toutes pièces dans son adaptation du roman de Noël Calef, Ascenseur pour l’échafaud (1958). Les déambulations nocturnes de la comédienne, illuminées par les néons de la capitale et bercées par la trompette de Miles Davis, propulsent alors le cinéma hexagonal dans une nouvelle ère ». 

« La même année, Les amants, dans un film homonyme infusé de leur passion, dynamiteront les conventions en emplissant le cadre d’une nudité et d’une sensualité jusqu’ici refoulées en contrechamp ». 

« Après avoir incarné les bourgeoises à la dérive dans Moderato cantabile (1960) de Peter Brook et La notte (1961) d’Antonioni, l’actrice trouve dans la Nouvelle Vague un écho à son désir de légèreté : Jules et Jim (1962) et son tourbillon d’amour triangulaire, mis en scène par François Truffaut, la consacre égérie moderne en même temps que chanteuse d’immortelles ritournelles ». 

« Sublimée par les tenues de Pierre Cardin, couturier homosexuel dont elle partage un temps la vie, l’actrice crève l’écran en noir (Eva de Joseph Losey) comme en blanc (La baie des anges de Jacques Demy), en France comme à l’international (Orson Welles, Luis Buñuel et son Journal d’une femme de chambre). »

« Composé d’extraits de ces pellicules inoubliables et d’interviews de l’actrice et de ceux qui l’ont dirigée, ce voyage cinéphile dans la décennie qui la vit éclore rend un vibrant hommage au jeu et à la personnalité hors du commun de celle qui incarna l’émancipation féminine avant l’heure, à la vie comme à la scène ».

"Jeanne Moreau, actrice et inspiratrice"
Serge Toubiana a rendu ce bel hommage à Jeanne Moreau lors d'une rétrospective à la Cinémathèque française en 2008 :

"Rieuse et tendre. C’est ainsi que François Truffaut décrit celle qu’il dirigea deux fois : dans Jules et Jim puis dans La Mariée était en noir. Mais leur complicité se manifesta auparavant sous forme d’un clin d’œil, dès Les Quatre cents coups. Jeanne Moreau y faisait une apparition très poétique aux côtés de Jean-Claude Brialy. Souvenez-vous : Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud) erre dans les rues de Pigalle. Il a fugué et cherche un endroit pour dormir. Il croise une femme emmitouflée dans un manteau, qui court après son chien. Oh ! vous pouvez m’aider à l’attraper ? Surgit Brialy dans le rôle du dragueur : Eh ! Petit, c’est ta sœur ? Jeanne Moreau fut donc en quelque sorte la marraine de Truffaut en cinéma. Rôle hautement symbolique, qui dit l’importance de leur relation ou de leur lien. Auparavant, il y eut Louis Malle. Rencontre décisive, pour l’un comme pour l’autre. Ascenseur pour l’échafaud, puis Les Amants, et plus tard encore Viva Maria. Quand il évoque cette période, Malle est d’une totale franchise : « Quand j’ai tourné Ascenseur pour l’échafaud, j’avais une peur bleue des acteurs, tout simplement parce que je n’avais pas l’habitude d’avoir affaire à eux. Et s’il n’y avait pas eu Jeanne Moreau, qui m’a incroyablement aidé dans les deux premiers films que j’ai tournés avec elle… j’étais tellement novice, tellement ignorant ; dans ce genre de situation, quand on est paniqué… et jeune… on a tendance à vouloir jouer au chef. Pour ne pas se laisser dominer, sans doute. Et quand je revois mes anciens films, je me rends compte que j’ai fait des erreurs monumentales, non seulement dans la direction d’acteurs, mais parfois dans le casting. Mais c’est comme ça qu’on apprend. […] Il m’a fallu plusieurs films pour apprendre à connaître les acteurs ».

Ce que Jeanne Moreau apporta à cette génération de cinéastes, c’est d’abord l’audace, le courage d’innover, de prendre des risques, de se libérer du poids de la technique cinématographique. D’oser filmer vrai. Louis Malle dit aussi ceci, qui est essentiel : « On s’est soudain rendu compte qu’elle pouvait être une star de cinéma. Jusque-là, on disait que tout en étant une grande actrice, et très sexy, elle n’était pas photogénique. J’avais avec moi Henri Decae, ce grand opérateur que je connaissais des premiers films de Melville, comme Bob le flambeur. Ainsi que tous ceux de la Nouvelle Vague, je l’admirais énormément. Il m’a lancé, il a lancé Chabrol, puis Truffaut, et plusieurs autres. Mais j’étais le premier de ma génération à travailler avec lui. Quand on a commencé à tourner [Ascenseur pour l’échafaud], les premières scènes qu’on a faites avec Jeanne Moreau se passaient dans la rue, sur les Champs-Élysées. La caméra était dans une voiture d’enfant et Jeanne Moreau n’était pas éclairée… c’était un film en noir et blanc, bien entendu ; on avait pris ce nouveau film rapide, la Tri-X qui, de l’avis des cinéastes sérieux, donnaient un grain trop gros. Nous avons fait plusieurs longs travellings de Jeanne Moreau et, bien sûr, quand le film a été terminé, on a mis la magnifique musique de Miles Davis, plus sa voix à elle, sa voix intérieure. Elle n’était éclairée que par les vitrines des Champs-Élysées. Ça ne s’était encore jamais fait. Les opérateurs voulaient toujours qu’elle soit maquillée et ils l’éclairaient beaucoup, sous prétexte qu’elle n’avait pas un visage photogénique. La première semaine, il y a eu une émeute parmi les techniciens du labo, quand ils ont vu les rushes. Ils sont allés trouver le producteur et lui ont dit : « Il faut empêcher Malle et Decae de détruire Jeanne Moreau. ».

Détruire Jeanne Moreau. On se demande qui aurait pu détruire cette actrice, qui avait débuté une dizaine d’années avant que Malle ne lui confie le rôle inoubliable d’une femme errant la nuit dans les rues de Paris à la recherche de son amant. Tout commence au théâtre, où elle passe par le Conservatoire, puis par la Comédie-Française, puis encore par le TNP de Jean Vilar, où elle joue aux côtés de Gérard Philipe dans Le Cid. Au cinéma, elle tourne de nombreux films, alternant rôles secondaires et principaux, réalisés par Gilles Grangier (Gasoil, Trois jours à vivre, Échec au porteur), Jacques Becker (Touchez pas au grisbi), Henri Decoin (Dortoir des grandes, Les Intrigantes), Marc Allégret (Julietta), Jean Dreville (La reine Margot) ou d’autres encore, avant de croiser la génération de la Nouvelle Vague. Avec Malle, Truffaut, Roger Vadim (Les Liaisons dangereuses), Michelangelo Antonioni (La Notte), Joseph Losey (Eva, et plus tard : Monsieur Klein, puis La Truite, adaptation du roman de Roger Vailland), Orson Welles (Le Procès, Falstaff, Une histoire immortelle, The Deep/Dead Reckoning), Jacques Demy (La Baie des anges), Luis Buñuel (Le Journal d’une femme de chambre) et tant d’autres, Jeanne Moreau est une actrice qui inspire ses metteurs en scène. Louis Malle, encore lui, rappelle que c’est par son intermédiaire qu’il rencontra Louise de Vilmorin, qu’il sollicitait en vue d’adapter une nouvelle de Vivant-Denon, Point de lendemain, qui devait donner Les Amants. Lorsqu’il entra en relation épistolaire avec Henri-Pierre Roché, sollicitant son approbation pour adapter Jules et Jim, Truffaut envoya une photo de Jeanne Moreau (vraisemblablement dans Les Amants) à l’écrivain, en lui disant à peu près ceci : Voilà, c’est elle qui sera Kate (ou Catherine) dans mon film. « Grand merci pour les photos de Jeanne Moreau. Elle me plaît. Je n’ai bien sûr pas pu sortir pour voir Les Amants. Je suis content qu’elle aime Kathe. J’espère la connaître un jour. » C’est cela, une actrice qui inspire les cinéastes : celle qui, en plus de jouer, fait aussi trait d’union. C’est-à-dire rend possible leur désir ou leur rêve. Jeanne Moreau incarne, avant même que le film ne se tourne, le personnage et l’univers romanesque du film. Donc sa matérialité même.

Comment l’imaginer, sinon au centre ou au croisement de plusieurs mondes où se côtoient la littérature, la musique, la chanson bien sûr (impossible d’oublier Le Petit théâtre de Jean Renoir : une prise, une seule, sur Jeanne Moreau chantant Q*uand l’amour meurt*), disons tous les arts, et le cinéma. L’aventure (sentimentale) du cinéma. Elle autorise ces croisements, elle les permet, pour ne pas dire qu’elle les met elle-même en scène. Il y a cette double dimension chez Jeanne Moreau, d’actrice et d’inspiratrice. Les cinéastes qui la choisissent l’ont fait en connaissance de cause. Pour sa voix, sa grâce, sa force de caractère et sa fragilité, son audace – car elle peut tout dire, user du langage avec mélodie, musicalité, tout en étant aussi parfois très prosaïque. Elle a fini par incarner le cinéma. Je n’aime pas beaucoup l’expression facile, souvent utilisée en parlant d’elle, d’ « ambassadrice du cinéma ». Cela la met sur un piédestal, alors qu’elle est infiniment plus simple et plus abordable, prête à toutes les aventures cinématographiques. Ce que prouve sa belle filmographie. C’est ce caractère qui me paraît la définir de la manière la plus vraie. Du côté des cinéastes, prête à prendre des risques avec eux, en protégeant leurs films. Donc leurs rêves. Protéger un film, qu’est-ce que cela veut dire ? De quoi faut-il protéger un film en train de se faire ? Bien sûr, des intempéries. Mais, surtout, de la perte de confiance, du train-train professionnel, du manque d’entrain et de gaieté. De l’ardeur de faire un film ensemble, acteurs et techniciens réunis. Truffaut encore : « À l’intérieur de mes vingt ans de cinéma, le tournage de Jules et Jim, grâce à Jeanne Moreau, reste un souvenir lumineux, le plus lumineux. »

Un mot, un seul, résume ce caractère ou ce sentiment : Liberté. J’ai retrouvé la lettre que Jeanne Moreau écrivit, à l’occasion d’un hommage rendu à Orson Welles en 1975, par l’American Film Institute :
« Orson Welles, où êtes-vous ? Chasseur chassé dans votre recherche sans fin, où êtes-vous ? Partout. Combien d’avions ? Combien de vols ? Combien d’aéroports ? Combien de villes et de pays ? Combien de suites d’hôtels ? Combien de tampons sur vos passeports ? Combien de coups de téléphone ? On vous croit ici, mais vous êtes déjà là. « Autrefois, quand faire des vœux était encore de quelques secours », vous auriez possédé le monde. Maintenant il n’y a ni pays heureux, ni paix, ni beauté à posséder, mais personne ne peut être dépouillé de sa fantaisie. […]

Orson Welles est devenu un fabricant de rêves, un magicien des sons, un poète, un cinéaste.
Quand l’écran lui appartient, nous lui appartenons.
Séquences fluides, gros plans, mots, mouvements de caméra ;
L’œil de la caméra d’Orson Welles,
Regardant, scrutant, contemplant, glissant, crée le charme qui rompt le mauvais sort.
Nous regardons.
Nous savons que nous ne serons pas trompés. […]
Un poète nous aide à vivre. Un homme libre est partout »
Lorsque l’on retrace le parcours de Jeanne Moreau, actrice et inspiratrice, elle-même cinéaste (Lumière et L’Adolescente), on croise à maintes reprises la liberté. C’est à cela que la Cinémathèque rend hommage."

"Jules et Jim"
Les 21 et 27 novembre 201728 mars à 15 h 05, 3 avril à 15 h et 9 avril 2018 à 15 h 05, Histoire diffusa Il était une fois... Jules et Jim (Folamour Production, 2004). "Tous les grands films sont des témoignages exceptionnels de l’époque où ils ont été conçus. Cette collection dresse le portrait d’un cinéaste à un moment de sa vie, à travers l’un de ses films. Portrait d’une époque, portrait d’un cinéaste, portrait d’un long métrage et grande leçon de cinéma. "Il était une fois en 1962, Jules et Jim", le troisième film de François Truffaut, adapté d'un roman de Henri-Pierre Roché. Ce film raconte l’histoire de deux amis, Jules l'Allemand et Jim le Français qui aiment les femmes, mais lorsqu'ils rencontrent Catherine : ils tombent tous les trois amoureux".

Sorti en 1962, le film est adapté du roman du même nom de Henri-Pierre Roché.

Il entrelace deux histoires d'amour - celle entre Jules et Catherine, celle entre Jim et son épouse Catherine - vécues un long moment, alternativement ou simultanément, sans apparemment que nul n'en souffre.


Mais la scène finale révèle le refus létal de Catherine que Jim mette un terme à leur relation amoureuse et vive une histoire d'amour avec une autre femme.

Jeanne Moreau y interprète la chanson "Le tourbillon", écrite par Serge Revzani (Cyrus Bassiak).

"Le Train"
Arte diffusera le 28 mars 2021 « Le train » (Der Zug) de John Frankenheimer et Bernard Farrel (1964). Suzanne Flon y incarne Rose Valland, l'attachée de conservation au musée du Jeu de Paume à Paris qui a contribué à préserver des œuvres du patrimoine national convoitées par les nazis et dont un très grand nombre a été convoyé vers l'Allemagne.

"Après le débarquement allié, les Allemands veulent emporter par le train des tableaux de grande valeur en Allemagne". Le colonel Franz von Waldheim veut envoyer par un train spécial en direction de l'Allemagne les oeuvres d'art stockées au musée du Jeu de Paume. "Mais la conservatrice du musée alerte la résistance-fer. Sous la direction tenace de Labiche, sous-chef du secteur ferroviaire, toute la ligne où le convoi doit passer est sur le pied de guerre".

« Alors que la libération de Paris approche, des résistants tentent d'empêcher un train contenant d’inestimables œuvres d’art volées d’arriver jusqu’à Berlin..." 

"Par John Frankenheimer, un film d’action historique avec Burt Lancaster, Jeanne Moreau, Michel Simon et Suzanne Flon. »

« Paris, début août 1944. Le colonel Franz von Waldheim, grand amateur d'art, a la haute main sur les œuvres dites "dégénérées" spoliées en France par les nazis. Alors que les Alliés poursuivent leur avancée vers la capitale, l’officier de la Wehrmacht accélère les opérations pour transporter vers l’Allemagne des dizaines de toiles signées Picasso, Miró, Degas ou encore Renoir. Informé par Mlle Villard de la nature du précieux chargement, le résistant Paul Labiche mobilise des cheminots pour empêcher le convoi de quitter le pays. »

« Peu après le début du tournage, Arthur Penn, auquel la réalisation avait été confiée, est débarqué par la production, Burt Lancaster l’ayant alertée du… train trop paisible que prenait le film. Le comédien fait appeler à la rescousse John Frankenheimer, qui l’avait déjà dirigé dans Le temps du châtiment et Le prisonnier d’Alcatraz, pariant, à raison, que sa mise en scène transformera en course contre la montre le périlleux sauvetage dont son personnage prend les commandes ». 

« Inspiré d’un récit que fit, après-guerre, Rose Valland, l’ancienne attachée de conservation du musée du Jeu de Paume sous l’Occupation, le trajet du convoi est ponctué de bombardements alliés sur les gares, mais surtout des sabotages héroïques commis par les cheminots résistants auxquels Le train rend hommage ». 

« Réunissant aux côtés de Burt Lancaster une poignée de comédiens français, parmi lesquels Michel Simon, Suzanne Flon et Jeanne Moreau, un film d’action historique mené de main de maître, diffusé par ARTE en version restaurée. »

Pierre Cardin
Pierre Cardin a aussi habillé les personnages de la série britannique au succès mondial, Chapon melon et bottes de cuir, et l'actrice Jeanne Moreau, alors sa compagne, à la ville et à l'écran, notamment dans La Mariée était en noirde François Truffaut.

« La mariée était en noir »

Arte diffusa le 19 octobre 2020 « La mariée était en noir » (Die Braut trug schwarz) de François Truffaut.

« Une femme décide de venger son mari assassiné sous ses yeux le jour de leurs noces... En version restaurée, un hommage de François Truffaut à Alfred Hitchcock, porté par Jeanne Moreau. La sublime et fatale Jeanne Moreau y est entourée d'une pléiade d'exquis acteurs : Michel Bouquet, Jean-Claude Brialy, Charles Denner, Claude Rich, et Michael Lonsdale, décédé le 21 septembre dernier ».

« Julie et David viennent de se marier. Mais alors qu’il sort de l’église au bras de son épouse, David est abattu d’une balle venue d’on ne sait où. La mariée devenue veuve se lance à la recherche de l’assassin. Plusieurs hommes, pour leur malheur, croiseront son chemin… »

« Lorsqu’il réalise La mariée était en noir, adaptation du roman éponyme de William Irish, François Truffaut sort du demi-échec commercial de Fahrenheit 451 et travaille à son fameux livre d’entretiens avec Alfred Hitchcock ». 

« De fait, de l’atmosphère à la direction artistique, en passant par la musique signée Bernard Herrmann, compositeur attitré du Britannique, aucun film du cinéaste n’a été aussi ouvertement influencé par l’œuvre du maître du suspense ». 

« Plus que les meurtres successifs des assassins du mari, c’est la relation de Julie avec le dernier d’entre eux, Fergus, qui a vraiment inspiré Truffaut ». 

« En plaçant le dénouement de l’histoire au milieu du film, il se consacre entièrement, dans la seconde partie, à son étude. Fasciné par les liens entre l’amour et la mort, le réalisateur livre ici sa vision personnelle de la femme fatale, entourée d’hommes lâches et immatures ». 

« Aussi fantomatique que vénéneuse, Jeanne Moreau épouse le rôle d’une mariée qui n’est pas sans évoquer l’héroïne vengeresse de Kill Bill de Quentin Tarantino ». 

Une femme enfermée dans sa passion amoureuse et son projet meurtrier, incapable ou refusant de saisir la chance de renouer une relation amoureuse avec le peintre Fergus interprété de manière bouleversante par Charles Denner.

« Veuve le jour de son mariage, Julie Kohler se transforme en ange de la vengeance et élimine un à un les responsables de la mort de son époux, l’amour de sa vie. Mal aimé par les exégètes du cinéaste et par son auteur lui-même, La mariée était en noir est un film étrange dans lequel Truffaut tente d’appliquer les principes de son maître Alfred Hitchcock, sans pour autant renoncer à sa propre personnalité de cinéaste. Cela donne un résultat paradoxal", a analysé Olivier Père.

Et de poursuivre : "Les citations visuelles ou musicales – Truffaut emprunte à Hitchcock son compositeur fétiche, Bernard Herrmann – ne font que souligner les différences qui existent entre La mariée était en noir et les films du cinéaste anglais. Truffaut ne laisse pas vraiment la place au suspens, et refuse de diaboliser les coupables, décrits comme des échantillons de masculinité ridicules ou pathétiques – ils sont interprétés par les géniaux Michel Bouquet, Michael Lonsdale ou Charles Denner. Truffaut, français jusqu’au bout des ongles, ne parvient jamais au niveau de sophistication et de « glamour » de son modèle. Il y a dans son film une trivialité inséparable des personnages et des décors qu’il décrit, malgré des intentions déréalisantes qui emmènent parfois La mariée était en noir sur les territoires de l’onirisme. Jeanne Moreau hante le film comme un fantôme. Elle exécute son plan de manière méthodique, avec une sorte de folie froide. La mariée était en noir rejoint les grands films monomaniaques de Truffaut, qui imagine une héroïne obsédée par la mort. Le programme de cette adaptation française d’un roman de William Irish fait immanquablement penser à Kill Bill. Quentin Tarantino a pourtant déclaré n’avoir jamais vu le film de Truffaut ».

« Troublante égérie  »

« Incarnation de la femme libre et anticonformiste à l'écran comme dans la vie, Jeanne Moreau a fait tourner la tête de nombreux réalisateurs pour lesquels elle fut plus qu'une muse. Retour sur trois rencontres déterminantes pour l'actrice. Par Marie Gérard.
 
Louis Malle
À 25 ans, ce jeune homme prometteur a déjà coréalisé le documentaire Le monde du silence avec le commandant Cousteau. Après dix ans de carrière au théâtre et au cinéma, Jeanne Moreau, 29 ans, ne se reconnaît pas dans le cinéma français traditionnel des années 1950. 

Louis Malle la filme déambulant dans les rues de Paris sur une partition de Miles Davis, le visage et les émotions à nu, dans un film noir mythique, Ascenseur pour l’échafaud (1958). Entre l’actrice et le cinéaste naît une passion qui irrigue leur film suivant, Les amants, objet de scandale. "C’est le premier film qui a été fait pour moi", dira Jeanne Moreau. Mais Louis Malle la quitte en 1958. Il lui offrira néanmoins un petit rôle dans son chef-d’œuvre, Le feu follet, puis orchestrera son duo avec l’autre grande star française de l’époque, Brigitte Bardot, dans l’explosive comédie Viva Maria en 1965.

Admirateur déclaré, le jeune critique écrivait en 1957 dans Les cahiers du cinéma qu’elle était "la plus grande amoureuse du cinéma français". Ils deviennent amis intimes, Jeanne fait notamment une apparition dans Les quatre cents coups et le cinéaste ne voit qu’elle pour jouer Catherine, une femme amoureuse de deux amis, dans Jules et Jim en 1962. L’actrice s’y montre éblouissante : à la fois légère, drôle, fatale et tragique. Elle débute aussi une fructueuse carrière de chanteuse grâce au succès de la chanson Le tourbillon, de son ami Serge Rezvani, qu’elle interprète dans le film de Truffaut. Ce dernier vit une brève histoire d’amour avec son égérie quelques années plus tard avant de lui confier un rôle hitchcockien dans La mariée était en noir en 1967. Ils resteront proches, François se réfugiant souvent dans la maison de Jeanne à La Garde-Freinet.

La toute jeune pensionnaire de la Comédie-Française y rencontre le réalisateur démiurge de Citizen Kane en 1951. S’ensuivra une amitié d’une fidélité sans faille jusqu’au décès de Welles en 1985. L’Américain en exil lui propose un petit rôle dans Le procès, d’après Kafka, en 1962, puis une partition shakespearienne dans son Falstaff (1965), où elle démontre sa parfaite maîtrise de l’anglais, la langue de sa mère, une danseuse britannique. Jeanne Moreau est surtout la troublante héroïne d’Une histoire immortelle, tiré d’un récit de Karen Blixen, que Welles tourne en couleur pour la télévision française en 1967. La star française joue aussi dans The Deep, un des nombreux films inachevés du génie mal-aimé d’Hollywood, dont elle louait la démesure créatrice, elle qui aura traversé plus d’un demi-siècle de cinéma éprise d’absolu et de liberté. »


« Jeanne Moreau, l'affranchie » de Virginie Linhart
France, Kuiv Productions, 2017, 54 min
Avec la participation de TV5MONDE, CINE + et la RTS Radio Télévision Suisse
En coproduction avec Arte et l’INA
Sur Arte le 28 mars 2021 à 23 h 05
Disponible du 21/03/2021 au 23/09/2021
Visuels :
© Getty Images
Jeanne Moreau et Jean Gabin dans " TOUCHEZ PAS AU GRISBI" (1954)
© Ronald Grant Archive / Alamy S
Jeanne Moreau (à gauche) et Brigitte Bardot (à droite) dans " Viva Maria!" (1965)
© Entertainment Pictures / Alamy

« Le train » de John Frankenheimer 
France, Italie, Etats-Unis, 1964
Version restaurée
Scénario : Franklin Coen et Frank Davis, d’après Le front de l'art – Défense des collections françaises, 1939-1945 de Rose Valland 
Production : Les Productions Artistes Associés, Les Films Ariane, Dear Film Produzione
Producteur : Jules Bricken
Image : Jean Tournier, Walter Wottitz
Montage : David Bretherton
Musique : Maurice Jarre
Avec Burt Lancaster (Paul Labiche), Paul Scofield (le colonel Franz von Waldheim), Jeanne Moreau (Christine), Michel Simon ("Papa" Boule), Suzanne Flon (Mademoiselle Villard), Wolfgang Preiss (major Herren), Albert Rémy (Didont)
Sur Arte le 28 mars 2021 à 20 h 55
Visuels :
Burt Lancaster (Paul Labiche) et Jeanne Moreau (Christine) dans le film " Le train" de John Frankenheimer
Burt Lancaster (Paul Labiche) et Michel Simon (" Papa" Boule) dans le film " Le train" de John Frankenheimer
Scène du train qui déraille dans le film " Le train" de John Frankenheimer
© 1964 Metro-Goldwyn-Mayer Stud© 1964 Metro-Goldwyn-Mayer Studio

« La mariée était en noir » de François Truffaut

France, Italie, 1968, 1 h 43mn. Version restaurée

Auteur : Wiliam Irish

Scénario : Jean-Louis Richard, François Truffaut

Production : Dino de Laurentiis Cinematografica, Les Films du Carrosse, Les Productions Artistes Associés

Producteurs : Marcel Berbert, Oscar Lewenstein

Image : Raoul Coutard

Montage : Claudine Bouché

Musique : Bernard Herrmann

Avec Jeanne Moreau (Julie Kohler), Michel Bouquet (Coral), Jean-Claude Brialy (Corey), Charles Denner (Fergus), Claude Rich (Bliss), Michael Lonsdale (René Morane), Daniel Boulanger (Delvaux), Serge Rousseau (David)

Sur Arte les 19 octobre 2020 à 20 h 55 et 6 novembre 2020 à 13 h 35

Visuels : © Metro Goldwyn Mayer