Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

samedi 28 octobre 2017

Alexander von Zemlinsky (1871-1942)


Alexander von Zemlinsky (1871-1942) est un compositeur post-romantique, pédagogue admiré et chef d’orchestre prestigieux né à Vienne, élevé dans le judaïsme, puis converti au protestantisme. Célèbre dans les années 1900-1930, il semble avoir manqué de confiance en lui, mais a su diriger des œuvres de Schönberg ou Berg, loin de son lyrisme. Fuyant l’antisémitisme nazi, il se réfugie aux Etats-Unis où il demeure méconnu. Depuis les années 1970, cet artiste au langage tonal, à la musique souvent sensuelle, est « redécouvert » et apprécié du public. Le 29 octobre 2017, à 15 h, dans le cadre de son Festival Mémoires d'Exil, le Forum des Voix Étouffées-CEMUT organise au Centre européen du résistant déporté Camp du Struthof - Natzwiller, un concert dont l'entrée est libre. Au programmeAlexander Zemlinsky - Trois pièces. Humoreske, Lied, Tarentell -, Alexandre Tansman - Cinq pièces. Toccata, Chanson et boîte à musique, Mouvement perpétuel, Aria, Basse ostinato -, Erich Wolfgang Korngold - Trio op. 1 -, interprétés par Beata Halska, violon, Laurence Disse, piano, et Bertrand Malmasson, violoncelle. Entrée libre. 

« Alexander von Zemlinsky est celui à qui je dois presque toutes mes connaissances de la technique et des problèmes compositionnels. J’ai toujours cru fermement qu’il était un grand compositeur, et je le crois toujours aussi fermement. Son temps viendra peut-être plus tôt qu’on ne le pense. Pour moi, une chose, cependant, ne fait pas de doute : je ne connais aucun compositeur post-wagnérien qui a pu satisfaire avec autant de noblesse aux exigences du théâtre. Ses idées, sa forme, sa sonorité ainsi que chaque tournure viennent directement de l’action, de la scène et de la voix du chanteur, avec une netteté et une précision de la plus haute qualité », estimait Schoenberg en 1949.

Mitteleuropa
Alexander Zemlinsky nait à Vienne, alors dans l’empire austro-hongrois : son grand-père Anton Semlinski, originaire de Žilina, actuellement en Slovaquie, a épousé une Autrichienne – tous deux étaient catholiques. Le père d’Alexander, Adolf, a été élevé dans la religion catholique. La mère d’Alexander est née à Sarajevo : son père était juif et sa mère musulmane bosniaque. Toute la famille d’Alexander se convertit au judaïsme, et Alexander est élevé dans le judaïsme. Bien que non noble, son père Adolf ajoute le titre « von » à son patronyme, et a commencé à utiliser le nom de « Zemlinsky ».

Enfant, Alexander Zemlinsky étudie le piano, et joue à l’orgue dans la synagogue lors des fêtes.

En 1884, il entre au Conservatoire de Vienne où il a pour professeur de piano Anton Door.

Il gagne le prix de piano du Conservatoire en 1890.

Il bénéficie aussi de l’enseignement de Robert Fuchs sur la théorie, de Johann Nepomuk Fuchs et Anton Bruckner sur la composition, de Franz Krenn sur le contrepoint.

Vers 1892, Alexander Zemlinsky commence à composer.

Il reçoit le soutien de Johannes Brahms qui, ayant entendu une symphonie et des quartets de Zemlinsky, le recommande auprès de l’éditeur N. Simrock qui publie son Trio avec piano opus 3 en 1897.

En 1895-1896, Alexander Zemlinsky dirige le Polyhymnia, et il noue une amitié avec Arnold Schönberg qui assure la partie de violoncelle. Tous deux composent ensemble. Arnold Schönberg  lui dédie ses Lieder opus 1 et épouse sa sœur Mathilde en 1901. Zemlinsky lui enseigne aussi le contrepoint, une écriture musicale superposant des lignes mélodiques distinctes (polyphonie).

En 1896, il est distingué par le Prix Luitpold à Munich pour son premier opéra, Sarema auquel a collaboré Schönberg.

En 1897, la symphonie n° 2 de Alexander Zemlinsky est créée à Vienne, et remporte un vif succès.

En 1899, Alexander Zemlinsky obtient le poste de Kapellmeister au Carltheater de Vienne. Volonté de contrer l’antisémitisme viennois ? Il se convertit au protestantisme, et insère dans certaines œuvres des références chrétiennes.

La consécration vient en 1900 : Gustav Mahler dirige la première de son opéra Es war einmal (Il était une fois) à l’Hofoper.

En 1900, Zemlinsky tombe amoureux de Alma Schindler, une de ses étudiantes en composition. Bien que partageant ses sentiments, mais en raison de l’influence de sa famille et d’amis et de sa rencontre avec Gustav Mahler, la jeune femme finit par rompre et épouse en 1902 Gustav Mahler. Une rupture qui blesse profondément Zemlinsky, persuadé que sa laideur a motivé le refus d’Alma Schindler. Celle-ci le décrit cruellement ainsi : « Un affreux gnome, un nabot sans menton et sans dents, les yeux protubérants ».

Dès 1903, Alexander Zemlinsky enseigne l’orchestration au lycé privé Schwartzwald, à Vienne, dont la directrice, Eugenie Schwarzwald, prône l’émancipation féminine et des méthodes pédagogiques innovantes. Parmi ses élèves : Alban Berg, Karl Horwitz, Heinrich Jalowetz, Erwin Stein et Anton Webern. Wolfgang Korngold devient son élève, hors cadre institutionnel.

Avec Schönberg et le soutien de Mahler, Alexander Zemlinsky crée en 1904 la Vereinigung Schaffender Tonkünstler (Association de compositeurs créatifs) afin de « soutenir des ouvrages des compositeurs contemporains, dans la perspective d'un libre épanouissement de la personnalité artistique ».

En 1906, Alexander Zemlinsky est nommé premier Kapellmeister du nouveau Volksoper (Opéra populaire) viennois au répertoire varié – Mozart, Wagner, Strauss -, puis en 1907-1908 au Hofoper. Au Volksoper, il crée en 1908 Barbe Bleu de Paul Dukas, et son propre opéra Kleider machen Leute (L'Habit fait le moine) en 1910.

Alexander Zemlinsky épouse Ida Guttmann en 1907. Un mariage malheureux.

De 1911 à 1927, il dirige l’orchestre du Deutsches Landestheater à Prague, et crée Erwartung  de Schoenberg en 1924.

En 1913, un concert d’œuvres de Alexander Zemlinsky, Schönberg, Berg, Webern et Mahler suscite un scandale.

Dès 1920, recteur de l’Académie allemande de musique et des beaux-arts, il est assisté par Erich Kleiber en 1911–1912, Anton Webern, en 1917–1918), George Szell, en 1919–1920, et de 1921 à 1927, Viktor Ullmann est son chef de chœurs.

En 1923, Mathilde Schönberg décède. Un an plus tard, Alexander Zemlinsky crée Erwartung de Schönberg à Prague. Des divergences personnelles et artistiques, sur la technique sérielle, les éloignent.

Dans le sillage de Gustav Mahler et de Richard Strauss, Alexander Zemlinsky influe par son activité d’enseignant ses élèves : Erich Wolfgang Korngold, d’Arnold Schönberg et de Viktor Ullmann.

Il se rend à Berlin où il exerce son activité de pédagogue et travaille sous l’autorité d’Otto Klemperer comme chef d’orchestre au Kroll Opéra.

Veuf en 1929, il épouse Luise Sachsel en 1930, sa cadette de 29 ans à laquelle il donnait des leçons de chant depuis 1914.

L’ascension du parti nazi vers le pouvoir contraint Alexander Zemlinsky à fuir à Vienne en 1933. Sans poste officiel, il partage son temps entre la composition musicale et la direction d’orchestres.

Alexander Zemlinsky illustre musicalement des poèmes de Christian Morgenstern, Maurice Maeterlinck ou Rabindranath Tagore. Son œuvre la plus célèbre est la Symphonie lyrique (1923), illustration musicale du poète bengali Rabindranath Tagore.

Des contes de Oscar Wilde lui inspirent des opéras : Eine florentinische Tragödie (Une tragédie florentine), en un acte, op. 16, livret d'Oscar Wilde et Max Meyerfeld (1915/16, première à Stuttgart en 1917), Der Zwerg (Le nain), en un acte, op. 17, livret de Georg C. Klaren d'après L’anniversaire de l’Infante de Oscar Wilde (1919–21, création à Cologne en 1922 sous la direction d’Otto Klemperer. Sur des contes de Hans Christian Andersen, Alexander Zemlinsky conçoit une œuvre orchestrale, la fantaisie Die Seejungfrau créée en 1902-1903 à Vienne.

En 1938, après l’Anschluss (annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie), Alexander Zemlinsky se réfugie avec sa famille aux Etats-Unis, et se fixe à New York. Le Metropolitan de la Big Apple refuse de créer Der König Kandaules qu’il considère immoral.

Alors que Schoenberg est acclamé dans les années 1930 et 1940 à Los Angeles, Alexander Zemlinsky  survit péniblement. Malade, affaibli par un accident cérébro-vasculaire en 1939, il décède, pauvre, oublié, en 1942.
   
Redécouverte 
Après des décennies de quasi-oubli, l’œuvre de Alexander von Zemlinsky, qualifié de « romantique tardif », est réévaluée par les musicologues dans les années 1970, et appréciée du public.

L’orchestration de Der König Kandaules (Le roi Candaule), en trois actes, op. 26, livret du compositeur d'après André Gide (1935/36) a été complétée par Antony Beaumont en 1992–96. L’œuvre a été créée à Hambourg en 1996.

Créé en 1990 à l’université de Cincinnati, le Alexander Zemlinsky Prize for Composition perpétue la mémoire de l’artiste, promeut de jeunes compositeurs et des nouvelles compositions originales pour orchestres symphoniques.

Exposition
La Mairie du VIIIe arr. de Paris a accueilli l’exposition Alexander von Zemlinsky, l’étranger. Un musicien à la croisée des mondes (1871-1942).

« Paul Bernard-Nouraud, Thomas Vernet de la Fondation Royaumont et Alena Parthonnaud de la Médiathèque musicale Mahler, les curateurs de l’exposition ont rassemblé un grand nombre d’images, de photographies, de copies d’oeuvres et de partitions, de correspondance également qui permettront aux mélomanes, aux amateurs et aux curieux de découvrir les multiples facettes de la vie et de l’oeuvre de Zemlinsky ».

« Grâce à l’appui d’un comité scientifique de spécialistes reconnus de l’œuvre du musicien et de la période historique concernée, l’exposition «Alexander Zemlinsky, l’étranger» sera organisée autour des différents « mondes » qu’il a traversés au cours de sa carrière, de la Vienne de Mahler à l’expérience de Prague, de son aventure berlinoise à la Krolloper de Klemperer et de Moholy-Nagy, de son retour à Vienne à son exil new-yorkais. »

Festival Mémoires d'Exil
Le 29 octobre 2017, à 15 h, dans le cadre de son Festival Mémoires d'Exil, le Forum des Voix Étouffées-CEMUT organise au Centre européen du résistant déporté Camp du Struthof - Natzwiller, un concert dont l'entrée est libre. Au programme : Alexander Zemlinsky - Trois pièces. Humoreske, Lied, Tarentell -, Alexandre Tansman - Cinq pièces. Toccata, Chanson et boîte à musique, Mouvement perpétuel, Aria, Basse ostinato -, Erich Wolfgang Korngold - Trio op. 1 -, interprétés par Beata Halska, violon, Laurence Disse, piano, et Bertrand Malmasson, violoncelle. Entrée libre.
       
    
Du 11 au 16 septembre 2017
A la Mairie du VIIIe arrondissement de Paris
3, rue de Lisbonne, 75008 Paris
Tél. : 01 44 90 75 08
Du lundi au vendredi de 12 h à 18 h, le jeudi de 12 h à 19 h et le samedi de 9 h à 12 h

A lire sur ce blog :
Cet article a été publié le 11 septembre 2017.

1 commentaire:

  1. Article très profond. Bien que né en Autriche, il était de descendance Séfarade
    En complément une discographie exhaustive de Zemlinsky:
    http://www.musiques-regenerees.fr/ExilVienne/Zemlinsky/index.html

    Claude Torres

    RépondreSupprimer