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mercredi 21 mai 2025

Ladj Ly

Né en 1978 à Paris, 
Ladj Ly est un réalisateur - 365 Jours à Clichy-Montfermeil, Go Fast Connexion, 365 jours au Mali, Bâtiment 5 -, scénariste, acteur - Sheitan - et producteur (Lyly Films) français. Il est politiquement engagé, dénonce les "violences policières" et contre la dissolution d'Urgence Palestine. Un parcours professionnel émaillé de condamnations judiciaires. Arte diffusera le 21 mai 2025 à 21 h 00 « Les misérables » de Ladj Ly (2019) avec Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djebril Zonga, Jeanne Balibar.

 
Ladj Ly est né en 1978 à Paris dans une famille nombreuse d'origine malienne d'ethnie peul.

Il grandit dans le quartier des Bosquets, à Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Il réalise ses premiers films dans son quartier avec ses amis Kim Chapiron, Romain Gavras, Toumani Sangaré, fondateurs du collectif Kourtrajmé. En 2018, Ladj Ly ouvre à Montfermeil une école gratuite des métiers du cinéma au sein des Ateliers Médicis, l'école Kourtrajmé, école gratuite ouverte aux candidats sans condition de diplôme. "Avec l'École Kourtrajmé, je veux créer plus de justice sociale. Je forme tous les ans dix à quinze élèves", a expliqué l'actrice Ludivine Sagnier qu'elle a co-fondé avec Ladj Ly.

Il débute sa carrière de vidéaste en particulier pour Oxmo Puccino, et documentariste : 365 Jours à Clichy-Montfermeil, après les émeutes d'octobre 2005, Go Fast Connexion, 365 jours au Mali

En 2009, Ladj Ly est impliqué dans une affaire d'enlèvement et de séquestration d'un homme marié soupçonné d'être l'amant d'une jeune musulmane non mariée, sœur d'Amad Ly, "grand frère" qui "avait obtenu le Prix de l’éthique pour son travail de médiation pendant les émeutes de 2005 (il était proche de Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois)". Cette relation extra-conjugale est qualifiée en islam de « fornication ». La jeune femme a été frappée par Amad Ly, et son amant battu, notamment au visage, enfermé dans le coffre d'une voiture dont il est parvenu à s'extraire et a eu une incapacité totale de travail (ITT) de dix jours. Ladj Ly a été condamné pour complicité « d’enlèvement » et « séquestration », en première instance en 2011 à trois ans de prison, et, en appel en 2012, à trois ans de prison dont un avec sursis pour « arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie d’une libération avant le septième jour ». "Dans l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 10 janvier 2012, il est précisé que Costa Gavras connaît « depuis 12 ans » Ladj Ly, ami de son fils Romain avec qui il a fondé le collectif Kourtrajmé en 1994. Le cinéaste franco-grec explique avoir continué à fréquenter Ly lorsqu’il venait faire des montages chez lui et être toujours resté en relation avec sa famille. Il déclare enfin « apprécier Ladj Ly qui est d’une grande gentillesse, d’une grande sensibilité, passionné par son métier et ajoute qu’il a été stupéfait d’apprendre cette affaire judiciaire.»

En 2019, Ladj Ly a poursuivi pour « diffamation » et « diffamation raciale » les magazines Causeur et Valeurs actuelles qui avaient révélé les condamnations judiciaires de Ladj Ly. En 2022, le tribunal a relaxé les prévenus. Une relaxe confirmée en appel en 2023. En 2024, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel et renvoyé l'affaire qui sera jugée par la Cour d'appel "autrement composée". Elle a considéré que "les prévenus, qui devaient procéder à une enquête sérieuse en leur qualité de professionnels de l'information, ne disposaient d'aucune base factuelle pour affirmer à trois reprises, dans l'article litigieux, que la partie civile avait été condamnée pour complicité de tentative de meurtre, faits criminels relevant de la cour d'assises, faute pour les décisions susvisées de l'évoquer de quelque manière que ce soit."

"On est allé cette fois-ci plus loin dans la revendication du rôle moral du journaliste. Ce silence volontaire est désormais assumé, revendiqué même par Télérama, qui juge que c'est au coupable de décider si les journalistes peuvent divulguer son passé : « Ladj Ly ne parle jamais de son séjour en prison, et les journalistes avaient, jusqu’à présent, toujours respecté son silence ». En rompant ce pacte, Causeur a trahi le vrai journalisme, qui doit, selon Claude Askolovitch, être « décent et bienveillant », « respect(er) (l)a tristesse » du coupable et ne jamais « laiss(er) la place aux vociférants, qui imposent la saleté de leur récit et ordonnent que désormais Ladj Ly se taise », ce qui a pour effet d' « enflamme(r) la blogosphère d’extrême droite », a écrit Samuel Piquet dans "Ladj Ly : Quand des journalistes revendiquent le droit de ne pas informer" (Marianne, 21 décembre 2019).

En 2012, Ladj Ly est condamné à 90 jours-amende à cinq euros pour outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique et violence sur personne chargée d'une mission de service public, le maire chrétien-démocrate de Montfermeil, Xavier Lemoine. Il avait critiqué les modalités de relogement des victimes d'un incendie aux Bosquets dont avait été victime une de ses petites-cousines en 2010.

La veille de sa condamnation, Ladj Ly est condamné à 400 € d’amende pour des « commentaires outrageants » envers des policiers filmés dans une cop watch.

Il est l'auteur de cop watchs (observations de flics, en anglais), films d'interventions des forces de l'ordre diffusés sur les réseaux sociaux pour dénoncer les "violences policières". Ce sujet est le thème du court-métrage Les Misérables (2017) de Ladj Ly : une intervention d'un policier de la BAC (Brigade anti-criminalité) de Montfermeil se déroule mal et est filmée. Ce film est distingué en particulier au festival international du court métrage de Clermont-Ferrand et une nomination au César du meilleur court métrage (2018). Ladj Ly développe son scénario pour réaliser un long métrage éponyme en s'inspirant d'une bavure policière dont a été victime un jeune homme noir à Montfermeil le 14 octobre 2008. Loué par la critique, le film reçoit le Prix du jury au festival de Cannes 2019. Vingt-cinq ans après La Haine de Mathieu Kassovitz, ce film sur une banlieue dépasse 1,4 million d'entrées en salles et est l'un des dix demi-finalistes de l'Oscar du meilleur film international décerné à Parasite du sud-coréen Bong Joon-ho. Selon certains, des révélations sur le passé du réalisateur auraient contribué à réduire ses chances dans cette compétition.

Parmi les documentaires de Ladj Ly, citons 365 jours au Mali, co-réalisé avec Saïd Belktibia] en 2014, Chroniques de Clichy-Montfermeil, co-réalisé avec JR] en 2017. 

Ladu Ly est le scénariste des Misérables, d'Athena de Romain Gavras (2022), du Jeune Imam de Kim Chapiron (2023), Bâtiment 5 (2023).

Il est acteur dans Sheitan de Kim Chapiron (2006), Notre jour viendra de Romain Gavras (2010), Le monde est à toi de Romain Gavras (2018), Sakho & Mangane de Jean Luc Herbulot (2019). 

Il a écrit les textes du livre 28 millimètres. Portrait d’une génération, photographies de JR, textes de Ladj Ly. Un ouvrage préfacé par Vincent Cassel (éditions Alternatives, 2006).

En 2018, Ladj Ly est nommé pour le César du meilleur documentaire avec À voix haute : La Force de la parole, co-réalisé avec Stéphane de Freitas, et qui traite du concours d'éloquence Eloquentia. 

En 2019, lors d’une interview pour Le Blog du cinéma, Ladj Ly a dénoncé « le pays qui aime faire la morale au monde entier » [la France], dont « une grosse partie » de la population « est devenue raciste et islamophobe assumée ». Il s’acharne ensuite sur celle qu’il qualifie de « conne » ou encore de « connasse », la journaliste Zineb El Rhazoui. « J’ai presque envie de l’insulter ! L’autre connasse de Zineb qui incite les policiers à tirer sur la ‘racaille de cité’. Va te faire en***** ! », a éructé Ladj Ly, en référence aux propos tenus par la journaliste sur CNews, où elle prenait la défense de policiers attaqués par des délinquants. Le cinéaste s’en est ensuite pris à Éric Zemmour, sans le nommer : « Je vais même pas citer le nom de l’autre là, ce fils de p*** ». « On dirait que le but de ces gens là c’est de créer une guerre civile dans ce pays », estime-t-il avant d’ajouter : « J’appelle ça le ‘terrorisme’ aujourd’hui. Ça ressemble à ça au début : tu pousses des gens à s’entretuer. C’est eux qui posent la première pierre, c’est eux les premiers terroristes ». Le Blog du cinéma a ensuite supprimé l'interview de son site Internet et a présenté ses excuses.

Le 9 juin 2020,  l'artiste JR et des élèves de l'école de cinéma fondée par Ladj Ly ont créé dans une rue du Xe arrondissement de Paris, près de la place Karski, une fresque en hommage à l'Américain George Floyd, Afro-américain mort lors de son interpellation par des policiers 2020 à Minneapolis - une mort par overdose instrumentalisée par le mouvement Black Lives Matter (BLM), dirigé par des gauchistes -, et à Adama Traoré, jeune délinquant d'origine malienne qui avait fui en 2016 devant les forces de l'ordre effectuant à Beaumont-sur-Oise un contrôle d'identité visant son frère ainé, résisté  à son interpellation et était décédé à la gendarmerie de Persan (Val-d'Oise). Une longue instruction judiciaire a exonéré les gendarmes de toute responsabilité pénale dans ce décès causé par un « coup de chaleur » durant une période de canicule.

Lors du festival de Cannes de 2022, il est membre du jury présidé par l'acteur Vincent Lindon. Il débute le tournage de Bâtiment 5. Ce long métrage est projeté en avant-première au festival international du film de Toronto 2023. Doté d'un budget de 8,3 millions d'euros, dont 2,8 M€ de France 2 et du CNC (Centre national la cinématographie). Il n'a attiré en salles que 165 000 spectateurs. Un échec commercial. 

Lors de la promotion du film au Canada, Ladj Ly a déclaré à la revue Deadline, "spécialisée dans le cinéma : « C’est un problème récurrent en France : la violence, les meurtres commis par la police dans ces quartiers. Malheureusement, ce genre de choses se produit tous les mois. L’histoire se répète. J’en parlais il y a quatre ans (au moment de la sortie de son film « Les Misérables », NLDR), et quatre ans plus tard, la situation a plutôt empiré. La police a carte blanche pour tuer ces jeunes sans jamais être condamnée. C’est un fait et les chiffres le montrent. Le problème n’est pas nouveau  ». Lors d’une conférence animée par le Hollywood Reporter, Ladj Ly est allé plus loin dans ses propos, assurant que « la police a le feu vert pour tuer les Noirs et les Arabes » et que « le gouvernement ne donne plus l’impression d’avoir le contrôle sur les forces policières ». Selon lui, « on va droit vers une guerre civile ».

En 2022, Ladj Ly a été soupçonné d'avoir détourné environ 300 000 € de l'école de cinéma Kourtrajmé ainsi que son frère Amadou Ly, président de l’association Cité des arts visuels gérant l'école. Les enquêteurs considèrent « qu’environ 285 000 euros auraient été détournés des caisses de l’association qui gère l’école – abondées par des financements publics et privés –, et près de 50 000 euros l’auraient été du compte de la société de production Lyly Films, coproductrice », résume Mediapart. En 2024, Ladj Ly a reconnu sa culpabilité et payé une amende de 50 000 euros pour éviter un procès pour abus de confiance. Son frère accepta une peine de six mois de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende.

En 2024, l’écrivain et réalisateur Claude Ribbe, biographe du général Dumas, a rencontré Ladj Ly qui devait "réaliser un film consacré au père d'Alexandre Dumas. Selon lui, le réalisateur des Misérables ne cherchait qu'une caution pour légitimer une « instrumentalisation politique et racialiste ». "Le réalisateur des Misérables n’est, de mon point de vue, soutenu que par celles et ceux qui veulent à tout prix associer l’image des noirs à l’immigration, à la délinquance, aux banlieues, à la révolte contre l’autorité. Moi, biographe du général Alexandre Dumas, je ne cautionne pas le projet de film de Ladj Ly". Le film est co-produit par Pathé.

Le 24 avril 2025, alerté par le Rassemblement national (RN), le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur présidé par Renaud Muselier (Renaissance) "a menacé de retirer sa subvention bisannuelle à l’école Kourtrajmé Marseille si celle-ci n’interrompt pas son usage de l’écriture inclusive dans ses communications".

Alors qu'Israël lutte depuis l'agression djihadiste, sur son territoire, le 7 octobre 2023 par des milliers de djihadistes de plusieurs groupes islamistes et des civils gazaouis, sur plusieurs fronts, dans une guerre existentielle imposée par l'Iran et ses proxys, Ladj Ly est l'un des premiers signataires de la pétition, en écriture inclusive, "Contre le génocide, pour une Palestine libre : non à la dissolution d’Urgence Palestine", "une des principales organisations des Palestinien.ne.s en France, un des principaux collectifs mobilisés en solidarité avec le peuple palestinien. Cette mesure, d’une gravité extrême, met en application une revendication portée depuis des mois par Julien Odoul, député du Rassemblement National récemment condamné par la Justice. En la reprenant à son compte, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau entérine une politique de répression alignée sur les mots d’ordre de l’extrême droite en France et du gouvernement israélien. Dénoncer un génocide ne sera jamais un crime. Résister face à l’injustice n’est pas un délit. Exiger la liberté pour le peuple palestinien n’est pas une revendication extrémiste violente. Au contraire : c’est une exigence humaine"
Pas un mot sur le djihad, le Hamas, les otages affamés dans des tunnels, la recrudescence du nombre d'actes antisémites, les victimes du 7 octobre 2023 - 1193 personnes assassinées, plus de 4834 blessés, 148 survivants d'enlèvements, 58 otages dans la bande de Gaza -... 
Au 19 mai 2025, la pétition, traduite en arabe, anglais, espagnol, néerlandais, suédois, italien, turc et allemand, avait obtenu 232 634 signatures. Parmi les signataires célèbres : Fianso, Annie Ernaux, Rima Hassan, Youssoupha, Guillaume Meurice, Denis Robert, Joey Starr, Blanche Gardin, Medine, Jean-Luc Mélenchon, Étienne Balibar, L'Algerino, ainsi que LFI (La France Insoumise), Les Écologistes, Les Soulèvements de la Terre, NPAA, Solidaires, CNT, ATTAC, AFPS, UFJP, Tsedek…

« Les misérables »
Arte diffusera le 21 mai 2025 à 21 h 00 « Les misérables », film ennuyeux de Ladj Ly.

Le titre suggère à tort que les "jeunes issus de l'immigration" seraient les descendants des pauvres personnages de Victor Hugo. Le Président de la République Emmanuel Macron aurait pris conscience des problèmes de cités après avoir vu ce film.

« Fraîchement débarqué à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, un jeune flic découvre les méthodes violentes de ses collègues... Manifeste multiprimé, le premier long métrage de Ladj Ly ausculte avec justesse les lignes de fracture sociale d’une cité sous haute tension. »  

« Été 2018. Issa, Gavroche moderne de Montfermeil, célèbre à Paris la victoire de la France à la Coupe du monde de football, alors que Stéphane, jeune flic débarqué dans la ville, est affecté à la brigade anticriminalité (BAC). Avec ses collègues Chris et Gwada, qui s’enorgueillissent de leurs méthodes de cow-boys, il patrouille dans la cité des Bosquets sous haute tension, attisée par la canicule. Quand un lionceau est volé dans un cirque de passage, des Gitans survoltés menacent de mettre le feu aux poudres. La traque s’organise au pied des tours, avec l’aide des aînés qui contrôlent le quartier, jusqu’à la bavure policière. »  
   
« Assumant l’héritage de Victor Hugo, Ladj Ly, qui connaît bien la cité des Bosquets pour y avoir grandi, signe avec ces Misérables du XXIe siècle un premier long métrage ultratendu pour ausculter magistralement une banlieue en état d’alerte. »

« Comme vingt ans plus tôt dans la concorde illusoire de 1998, l’euphorie de la Coupe du monde où s’immerge une légion de "microbes" – comme les aînés appellent les plus jeunes – ne suffit pas à dissoudre la rage qui s’amplifie au fil du récit. »

« L’autorité déclinante des adultes, des "grands frères" dépassés aux mères éreintées, échoue à contenir la vague submersive surgie d'une abyssale impasse. Une révolte portée à l’incandescence par Issa, enfant rebelle et victime, dont le visage défiguré par un Flash-Ball traduit toute l’indicible fureur. »

Le film montre l'agressivité verbale de mères origines d'Afrique subsaharienne, insistant uniquement sur leurs droits et jamais sur leurs devoirs, envers les policiers. En présence de ses enfants ou pré-adolescents observateurs attentifs de la scène, l'une d'elles humilie les forces de l'ordre, qui s'éloignent. 

« Sans pathos, le cinéaste expose la mécanique de l’embrasement à l’échelle d’un territoire, renvoyant dans ce cocktail de misère, de trafics, d’abandon, de panique et de violence sociale les protagonistes de l’affrontement à leur détresse solitaire. »

« De leur courte marge, deux témoins observent le désastre en cours, ramassé en quarante-huit heures pour intensifier l’urgence. »

« Atterré par les méthodes de ses collègues – le raciste Chris, dont le recours arbitraire à la force cache la peur au ventre, et Gwada, transfuge né dans la cité qui voile de désinvolture son profond mal-être –, Stéphane (formidable Damien Bonnard, en apnée) s’abstient de dénoncer leurs débordements par solidarité de métier. »

« Mais des toits, un préado binoclard, mains innocentes rivées à la manette de son drone, a capté la bavure… »

« Entre chronique sociale et film d’action, un déchirant sauve-qui-peut la banlieue, comme un cri dans le désert politique. » 

Prix du jury, Cannes 2019 – Meilleurs film, espoir masculin (Alexis Manenti) et montage, Prix du public, César 2020 – Prix d’Ornano-Valenti, Deauville 2019 – Meilleur film européen, Goya 2020 

Lors de la cérémonie des César 2020, les "féministes" ont vilipendé le réalisateur Roman Polanski, mais pas Ladj Ly. 

Dans « Rien à charge contre Ladj Ly, tout à charge contre Polanski », Barbara Lefebvre a écrit (Le Figaro Vox, 3 mars 2020) : 
"La cérémonie des Césars qui s’est déroulée vendredi soir ressemblait à des obsèques. Celle d’un cinéma français moribond sous l’effet sclérosant d’un entre-soi vieillissant, celui d’une gauche de salon paternaliste prise à son propre piège: la bien-pensance différentialiste. L’industrie du cinéma français incarné par une académie des Césars « trop blanche, trop vieille, trop hétéro, trop bourgeoise » fut dévorée sous nos yeux par des cyniques qu’elle a engendrés : le cinéma des minorités, des offensés, des humiliés. La victime détrônait le bourreau qui l’avait pourtant financée, subventionnée, primée, célébrée. Le bourreau peut parfois être naïf malgré son arrogance… On pourrait se rassurer en se disant qu’après tout, une nouvelle bien-pensance en remplacera une autre: ainsi une comédienne revendiquant son droit (légitime) à ne pas être réduite à sa couleur de peau décide pourtant de «compter les Noirs» présents dans la salle, une cinéaste militante réclamant la parité dans les instances du cinéma réalise un film 100 % féminin, ode à l’homosexualité féminine, un réalisateur «issu de la jeunesse abandonnée de banlieue» nous assène sa leçon de morale sur la misère, seul ferment des violences et frustrations. 
Les nouveaux inquisiteurs ont des dizaines de films à produire (beaucoup sont déjà dans les instances du CNC pour les avances sur recettes), à réaliser, pour continuer à faire du cinéma français «intelligent» une machine à propagande. Désormais la machine devra être au service et aux mains des minorités qui savent s’ériger en victimes professionnelles. Mais attention, dans le petit monde des artistes donneurs de leçon depuis leur loft dans le 6ème arrondissement ou leur pavillon bourgeois de la proche banlieue en bords de Seine, tout le monde n’a pas la chance d’être une victime pouvant capter la lumière. Un exemple: la tragédie du monde paysan décrite dans Au nom de la terre, magnifique film d’Edouard Bergeon n’a pas sa place dans le palmarès des César. Certes, en 2018, Petit paysan avait reçu le César de la meilleure première œuvre, mais cette année un premier film se voit directement primé meilleur film. Les Misérables et sa litanie de clichés sur la banlieue mérite davantage les hourra que le sort d’un éleveur…
Ladj Ly est un cinéaste qui revendique son désintérêt pour l’art cinématographique, ce qui n’est pas commun. Il n’en a jamais appris la technique, préférant utiliser la caméra de son téléphone portable pour filmer les policiers de sa ville lors de leurs interventions. Des interventions policières qui étaient souvent provoquées par les délinquants de Montfermeil, notamment de la cité des Bosquets où vivait la famille Ly, haut-lieu des trafics à l’époque, haut-lieu de la déshérence éducative vouant les jeunes à vivre dehors, livrés à eux-mêmes (probablement ce que Ladj Ly nomme «la misère des banlieue»). Des guet-apens anti-flics que Ladj Ly venait opportunément filmer, durant lesquels il traquait le geste policier de trop, et pour ce faire il n’hésitait pas à les provoquer verbalement, à les harceler comme en témoigne la vidéo du 28 août 2009 toujours en ligne. Vidéo qui lui vaudra une condamnation en 2011 pour outrages: douze policiers, filmés pendant près de quinze minutes en plan serré alors qu’ils reculent sous les caillassages de jeunes mineurs déchaînés qui leur avaient tendu un énième guet-apens, banal en cette fin d’été. Douze policiers insultés par Ladj Ly, qui se dit «journaliste» à plusieurs reprises dans la vidéo, qui les traite de voyous et de délinquants, leur dit qu’ils sont la honte de la France car «ils viennent attaquer des femmes et des enfants en plein Ramadan». Douze policiers qui firent condamner l’apprenti cinéaste qui, à ce jour, n’a toujours pas versé aux plaignants l’amende imposée par la justice: 400 euros, ce n’est pas grand-chose pour un réalisateur à succès. À moins que pour Ladj Ly, le policier ne saurait être une victime méritant réparation.
Quand Ladj Ly n’est pas cornaqué par ses amis Romain Gavras, JR ou Kim Chapiron de Kourtrajmé ou surveillé par ses amis de Canal +, il révèle un visage moins lisse que celui qu’il a donné à voir à Cannes ou salle Pleyel vendredi. Son récent dérapage du Blog du cinéma ne l’aura finalement pas envoyé dans le décor, quand d’autres auraient fini dans les douves: le 23 novembre dernier l’article, mis en ligne trois jours avant, est vite effacé quand Twitter s’enflamme. Tout est pardonné, tout est oublié. 
pour ceux qui ont vraiment analysé les Misérables, l’islam semble être, pour Ladj Ly, l’incarnation identitaire des banlieues, le seul acteur pacificateur. Et pas n’importe quel islam: Salah, le Frère musulman salafiste ex-délinquant qui tient un kebab est le vrai héros positif du film, garant de l’ordre, sage médiateur entre les jeunes et la police. Cet entrisme islamiste dans les cités, jamais dans le film ou ses interviews, Ladj Ly ne le remet en question, ni ne le critique. Pourtant il doit savoir faire la différence entre islam et islamisme puisqu’il se dit coréalisateur d’un documentaire au plus près des djihadistes intitulé 365 jours au Mali. En effet, dès sa libération anticipée de prison en 2012, il s’envole pour le pays d’origine de sa famille et y filme différents groupes djihadistes dans le nord du pays, en plein conflit. Performance qui interroge pour quelqu’un qui n’a aucune expérience de journalisme de guerre, ni de réalisation documentaire… (coréalisateurs Saïd Belktibia et Benkoro Sangare).
L’objectif de ces influenceurs de banlieue, qui fascinent la bobocratie culpabilisée parisienne, est de faire monter la haine contre les policiers, derniers représentants de l’État républicain dans certains quartiers. Cette haine est le prélude nécessaire à l’exécution physique de policiers. Ladj Ly qui prétend filmer la vérité de la banlieue pour éviter «la guerre civile» ne pourrait-il pas à présent occuper son talent à raconter, du point de vue des victimes, l’exécution par des jeunes délinquants-criminels de quatre policiers, deux hommes et deux femmes, dans leur voiture de service à Viry-Châtillon en octobre 2016, où celle du couple d" fonctionnaires de police de Magnanville massacrés devant leur enfant quatre mois plus tôt ?"



ENTRETIEN AVEC LADJ LY, RÉALISATEUR

« LES MISÉRABLES est votre premier long métrage, mais vous travaillez dans le cinéma depuis une quinzaine d’années. Quel est votre parcours depuis Kourtrajmé ?
Quand j’avais 8/9 ans, j’étais ami avec Kim Chapiron. Pendant les vacances, il venait au centre de loisirs de Montfermeil et c’est là qu’on s’est connus. À 15 ans, il montait ce collectif, Kourtrajmé, avec Romain Gavras et Toumani Sangaré. J’avais 17 ans, c’était le début du numérique, j’ai acheté une première caméra et à partir de là, je ne me suis plus arrêté de filmer. Je filmais tout, mon quartier, les tournages de Kourtrajmé...

Votre école de cinéma a été de faire les choses ?
Exactement, on a tout appris sur le tas. On partait du principe qu’on voulait faire des films entre nous, sans l’aide de personne. On était jeunes, fous, on y allait sans se poser de questions, avec toute notre énergie. Aujourd’hui, on est peut-être un peu moins fous mais il faut toujours garder un petit grain de folie. On ne veut pas être coincés dans des cases, ce qui est malheureusement parfois le cas dans le milieu du cinéma.

Vous avez réalisé des web-documentaires qui ont été remarqués comme 365 JOURS À CLICHY-MONTFERMEIL puis 365 JOURS AU MALI. Pouvez-vous décrire ces expériences ?
Je me suis vite spécialisé dans le documentaire avec 365 JOURS À CLICHY-MONTFERMEIL, tourné pendant les émeutes de 2005. Les émeutes éclatent, ça se passe en bas de chez moi, j’ai toujours tout filmé, donc ce film s’est fait naturellement. Au début, je n’avais pas l’idée du docu, je me disais que mes images pourraient servir pour un clip, ou un court, et puis j’ai filmé un jour, deux jours, une semaine, et finalement pendant un an !
J’avais une centaine d’heures de rushes, tous les journalistes voulaient me racheter des images parce que j’étais le seul point de vue de l’intérieur. J’ai décidé de ne vendre aucune image et de faire mon propre film. Tous nos films Kourtrajmé étaient diffusés gratuitement sur internet, on a commencé à faire ça avant Youtube ou Dailymotion. Quelques années plus tard, j’ai fait 365 JOURS AU MALI sur les mêmes principes. Je lisais dans la presse que le Mali était devenu l’endroit le plus dangereux au monde avec Al Qaïda, Daesh... Or, je connaissais bien ce pays dont je suis originaire et ça ne correspondait pas à l’image véhiculée dans les médias. J’ai décidé de prendre ma caméra et je suis parti filmer, à l’arrache. Je me suis immergé là-bas pendant un an, j’ai rencontré tout le monde : les Touaregs, les islamistes, les milices, l’armée... Puis je rentre, je le propose aux chaînes, aucune ne voulait le montrer tel qu’il était, je l’ai mis directement sur le net.

Il y a eu aussi les étapes GO FAST CONNEXION puis À VOIX HAUTE qui a été très remarqué, coréalisé avec Stéphane De Freitas...
GO FAST, est un docu-fiction réalisé trois ans après les émeutes où j’aborde le traitement médiatique des banlieues. C’est présenté par Charles Villeneuve, qui a joué le jeu du pastiche des émissions-reportages à sensation qu’il présentait à l’époque sur TF1 ! À VOIX HAUTE était au départ un projet en « indé » puis France Télévision s’est greffée dessus. Ils nous ont laissé toute liberté, on a tourné, ils ont trouvé ça bien, jusqu’à proposer de le sortir en salles. C’est un film qui montre qu’il y a quand même de l’espoir en banlieue malgré tous les problèmes, que les gens des quartiers ont du talent et ne ressemblent pas toujours aux clichés véhiculés sur eux, et ça a toujours été ma démarche : montrer les réalités.

LES MISÉRABLES est votre premier long métrage de fiction, produit dans le système classique. Est-il un premier aboutissement de toutes vos expériences accumulées?
Aboutissement, je ne sais pas parce que j’espère que c’est plus un nouveau départ qu’une arrivée. Mais c’est vrai que dans ce film, je raconte un peu ma vie, mes expériences, celles de mes proches... Tout ce qui est dedans est basé sur des choses vécues : la liesse de la Coupe du monde évidemment, l’arrivée du nouveau flic dans le quartier, l’histoire du drone... Pendant cinq ans, avec ma caméra, je filmais tout ce qui se passait dans le quartier, et surtout les flics, je faisais du copwatch. Dès qu’ils débarquaient, je prenais ma caméra et je les filmais, jusqu’au jour où j’ai capté une vraie bavure. Dans le film, l’histoire du vol du lionceau déclenchant la colère des Gitans propriétaires du cirque est également vécue... J’ai voulu montrer toute la diversité incroyable qui fait la vie des quartiers. J’habite toujours ces quartiers, ils sont ma vie et j’aime y tourner. C’est mon plateau de tournage !

Vous avez évité le manichéisme. Ce n’est pas les « gentils jeunes contre les méchants flics », ni le contraire. Vous regardez tous les protagonistes sans préjugés ou caractérisations sommaires.
Bien sûr, parce que la réalité est toujours complexe. Il y a des bons et des méchants des deux côtés... J’essaie de filmer chaque personnage sans porter de jugement. « Le Maire » a un côté éducateur et en même temps un peu crapuleux, les flics pareils, ils sont tour à tour sympas, dégueulasses, humains... On navigue dans un monde tellement complexe que c’est difficile de porter des jugements brefs et définitifs. Les quartiers sont des poudrières, il y a des clans, et malgré tout, on essaye de tous vivre ensemble et on fait en sorte que ça ne parte pas en vrille. Je montre ça dans le film, les petits arrangements quotidiens de chacun pour s’en sortir.

Tout se passe sur fond de chômage, de pauvreté, qui sont la cause première de tous les problèmes...
Quand on a de l’argent, c’est facile de vivre avec tout le monde, quand t’es dans la misère, c’est plus compliqué : ça passe par des compromis, des arrangements, des petits trafics... c’est une question de survie. Les flics aussi sont en mode survie, eux aussi vivent la misère. LES MISÉRABLES n’est ni « pro-caillera » ni « pro-keuf », j’ai essayé d’être le plus juste possible. La première fois que je me suis fait contrôler, j’avais 10 ans, c’est dire si je connais bien les flics, si j’ai vécu à côté d’eux, avec un nombre de contrôles et d’embrouilles incalculables, et je me suis dit que je pouvais me permettre de me mettre dans la peau d’un flic et de raconter un bout du film de leur point de vue. La plupart de ces flics n’ont pas fait d’études, vivent eux-mêmes dans des conditions difficiles avec des salaires de misère et dans les mêmes quartiers que nous. Ils sont plus souvent que nous dans la cité parce que nous on bouge, on se déplace vers la ville, alors qu’eux bossent toute la journée dans le quartier à tourner en rond et à se faire chier. Pour avoir un peu d’action, ils décident de faire des contrôles d’identité et c’est le cercle vicieux. Les flics connaissent les habitants par cœur, leurs vies, leurs habitudes, et pourtant, ils les font chier tous les jours avec les contrôles. Forcément, à un moment, ça bloque.

Peut-on dire que LES MISÉRABLES est un film humaniste et politique au sens où vous ne jugez pas les individus mais dénoncez implicitement un système dont tout le monde finit par être victime, habitants comme flics ?
C’est exactement ça, et la responsabilité première incombe aux politiques. Depuis trente ou quarante ans, ils ont laissé pourrir la situation, ils nous ont baratinés avec des dizaines de paroles et de plans - plan banlieue, plan politique de la ville, plan ceci, plan cela, et le résultat, c’est que je n’ai jamais rien vu changer en trente ans. Seule petite exception, le plan Borloo : la rénovation de l’habitat est le seul résultat concret que j’ai remarqué. Ça, ça a changé notre vie quotidienne. Donc merci à lui, mais à part ça, je n’ai jamais vu de réelle avancée et même à la limite, c’est de pire en pire. Malgré tout, on a appris à vivre ensemble dans ces quartiers où coexistent trente nationalités différentes. Je dis toujours, la mixité c’est en banlieue qu’elle existe, alors qu’à Paris centre, c’est le contraire. Chaque fois que je passe le périph’, c’est un autre univers, majoritairement blanc. La différence est flagrante alors que ces deux mondes sont côte à côte. Quand un Parisien va en banlieue, il a l’impression de s’aventurer en Afrique ou en Irak alors que c’est à cinq minutes en métro ou voiture ! C’est dommage parce que les quartiers de banlieue, ça bouge, c’est vivant, il y a une énergie incroyable, il n’y a pas que la drogue ou la violence - lesquelles existent aussi dans Paris centre... Ce qu’on vit en banlieue est à des années-lumière de ce que montrent la plupart du temps les médias. Il y a un fossé entre la réalité et l’image médiatique. Comment les politiques pourraient solutionner nos problèmes alors qu’ils ne nous connaissent pas, ne savent pas comment nous vivons, quels sont nos codes ?

Autre réalité montrée dans le film qui contraste avec les clichés, la question ethnique : ce n’est pas les jeunes noirs face aux flics blancs. « Blacks, Blancs, Beurs » se mélangent des deux côtés...
Oui, parce que la réalité est ainsi. Il y a de tout, des gens qui traînent tous ensemble, des clans où dominent les « Rebeus » ; les Gitans sont là mais ne se mélangent pas. Il y a aussi des accords tacites où on se mélange avec les Gitans. Chez les flics aussi, il y a de tout, y compris des types d’origine africaine que nous surnommons « guada » ... « Guada » dans nos codes, ce sont les gars des îles. Les flics noirs au début venaient tous des Antilles, du coup c’est resté, même pour ceux qui sont maintenant originaires d’Afrique. Le « guada » du film a sans doute grandi dans ce quartier, mais il est devenu flic, donc considéré comme un traître, ce qui rend sa situation encore plus compliquée. Entre Chris - flic blanc raciste - et Le Maire - figure noire du quartier -, c’est complexe aussi, ils se détestent mais ont aussi des petits arrangements parce que chacun a un peu besoin de l’autre... Les flics sont bien obligés d’en passer parfois par des petits compromis avec les habitants sinon ce serait la guerre permanente.

Votre mise en scène aussi échappe aux attentes, en évitant le montage clip, le rap en BO obligatoire... C’était important pour vous de laisser respirer le récit et les plans ?
Je voulais que les 40 premières minutes du film soient en immersion tranquille dans le quartier. Je voulais d’abord amener le spectateur dans mon univers, et ensuite seulement, entrer dans l’action. Mais avant, on se balade, c’est une chronique, on se familiarise avec les personnages et le tissu du quartier... J’ai expurgé des clichés comme la drogue, les armes, et en effet, la musique est plus électro que rap. Même dans la façon de parler, j’ai voulu éviter les poncifs du film-banlieue.

Le film comporte des scènes où la tension monte très fort... Comment tourne-t-on ce genre de scène où on a du mal à distinguer la vraie rage du jeu d’acteur ?
Pour prendre comme exemple la scène finale, j’ai vu ce genre de situations, je les connais par coeur, donc c’était préparé de manière très précise, je savais à l’avance le découpage de chaque plan, je savais comment mettre ça en scène, j’avais la séquence en tête...

Parlons des acteurs. D’où vient Djebril Zonga ?
À la base, c’est un pote de Clichy-sous-Bois. Il avait une carrière de mannequin et je ne savais pas qu’il était acteur. Je cherchais un « renoi », j’avais du mal à trouver, les acteurs noirs ne courent pas les rues, sorti de Omar Sy ou Jacky Ido, on les compte sur les doigts d’une main. Quand il a su que je faisais un casting, Djebril m’a appelé. Non seulement j’ignorais qu’il était comédien mais en plus, il est beau, alors que je cherchais plutôt un type à sale tronche pour faire le flic de la BAC. Je lui ai quand même proposé de faire des essais sans trop y croire, et là, wouah !

Et Alexis Manenti, qui a le mauvais rôle du flic beauf et raciste ? 
Je le connais depuis longtemps, il fait partie de la bande Kourtrajmé. C’est vrai que le rôle n’est pas facile, son personnage est un gros connard, mais avec quand même sa part d’humanité qu’on essaye de montrer aussi. Il porte super bien le rôle et malgré son côté détestable, les spectateurs s’attachent quand même à lui.

Damien Bonnard est le plus connu et joue impeccablement le « bizuth » qui débarque dans un nouvel univers...
Je ne le connaissais pas du tout. Alexis avait tourné avec lui et m’avait conseillé de le rencontrer. J’ai fait un rendez-vous avec lui, il semblait arriver d’une autre planète, comme dans le film. C’est la première fois qu’il venait en banlieue, il s’est pris une tarte ! Et ça se sent à l’image, il est très juste et très touchant. Avec lui, j’avais mes trois flics. Après, Steve qui joue Le Maire, je l’ai pris en casting, il a déjà joué dans pas mal de films. Les autres, je les ai trouvés dans la rue.

Et Jeanne Balibar, totalement surprenante en commissaire, inattendue dans votre film ?
Elle tournait son film à Montfermeil, je ne la connaissais pas, on m’a appelé pour l’aider et on s’est liés d’amitié. Je lui ai proposé ce rôle, elle a joué le jeu. C’est une belle rencontre. C’est vrai que c’est une surprise dans le film, on ne s’attend pas à la voir là. »

Un mot sur Julien Poupard, le chef opérateur. Comment avez-vous travaillé ensemble ?
Il a tout de suite capté mon univers, la façon dont je voulais filmer. Sur mes films précédents, c’est moi qui cadrais, du coup j’étais un peu frustré au départ et je voulais faire mes cadres. Mais Julien est tellement bon, il a tellement tout compris que j’avais l’impression à travers ses images, que c’était moi qui filmais ! Ce que Julien nous a sorti est magnifique. En plus de son talent, il est humble, adorable, vraiment une très belle rencontre.

Et le montage ? Vous aviez beaucoup de matériau à organiser ?
Flora Volpelière est une monteuse extraordinaire ! J’ai beaucoup filmé, on avait une centaine d’heures de rushes. Flora bosse avec Kourtrajmé depuis vingt ans, elle a monté tous les films de Kim, c’est une tueuse à gages, elle assure !

Le titre fait référence à Victor Hugo, commence avec les drapeaux français pendant le soir de liesse de la Coupe du monde... Vous avez voulu faire un film non seulement sur les banlieues mais aussi sur la France ?
Exactement, parce qu’on est tous français. Nous, on est nés ici, on a toujours vécu ici... À certains moments, certains nous ont dit que nous n’étions peut-être pas français, mais nous, on s’est toujours senti français. Je suis un peu plus vieux que les « microbes » du film et le 12 juillet 98 m’a marqué à vie. Je m’en souviens encore, j’avais 18 ans, c’était magique ! Le foot était parvenu à tous nous réunir, il n’y avait plus de couleur de peau, plus de classes sociales, on était juste tous français.On a ressenti ça à nouveau lors de la dernière Coupe du monde, comme si seul le foot parvenait à nous rassembler. C’est dommage qu’il n’y ait pas d’autres ciments du peuple mais en même temps, ces moments sont géniaux à vivre, et à filmer. Le film commence là-dessus, puis ensuite, retour à la réalité quotidienne moins reluisante, chacun retourne à sa place en fonction de sa couleur de peau, de sa religion, de son lieu d’habitation, de sa classe sociale… D’ailleurs, l’actu rattrape le film tous les jours. J’aimerais bien que le Président le voie, si ça pouvait lui faire prendre conscience des réalités de ce pays ».


France, 2019, 1 h 38
Scénario : Ladj Ly, Giordano Gederlini, Alexis Manenti
Production : Srab Films, Rectangle Productions, Lyly Films
Producteurs : Toufik Ayadi, Christophe Barral
Un production SRAB Films
En coproduction avec Rectangle Productions et Lyly Films
Avec la participation de Canal +, Ciné +, Le Pacte, Wild Bunch
Avec le soutien de La Région Île-de-France
En association avec Cinéventure 4  et Cinefeel 4
Image : Julien Poupard
Montage : Flora Volpelière
Musique : Pink Noise
Avec Damien Bonnard (Stéphane), Alexis Manenti (Chris), Djebril Zonga (Gwada), Jeanne Balibar (la commissaire), Issa Perica (Issa), Al-Hassan Ly (Buzz), Omar Soumare (Macha), Almamy Kanouté (Salah)
Sur Arte les 21 mai 2025 à 21 h 00, 30 mai 2025 à 0 h 55, 12 juin 2025 à 0 h 45
Sur arte.tv du 21/05/2025 au 30/05/2025
Visuels : © SRAB Films - Rectangle Productions - Lyly Films


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