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mardi 27 décembre 2022

Le trésor de Beaurains et « New Economy » de Sabine Pigalle

Citéco présente, sans sa salle des coffres, deux expositions : « Le trésor de Beaurains » et « New Economy » de Sabine Pigalle. Monnaies romaines, bijoux, argenteries... Découvert par hasard en 1922 près d'Arras, le Trésor de Beaurains, classé Trésor national, est partiellement montré à la Cité de l'Economie. Quant aux monnaies de Sabine Pigalle, elles représentent des figures historiques portant un masque et elles sont frappées de l'inscription "COVID XIX".   

« Louise Weiss, une femme pour l’Europe » par Jacques Malaterre 

« Le Trésor de Beaurains, ensemble exceptionnel de monnaies, bijoux et argenteries découvert totalement fortuitement en 1922 par des ouvriers belges travaillant au terrassement d’une briqueterie, voit 40 de ses pièces exposées dans la salle des coffres de Citéco. Classé comme Trésor national, il constitue l’occasion unique de découvrir les monnaies d’une époque disparue dont les témoins ont été majoritairement refondus, constituant de ce fait l’élément le moins connu de nos jours de la numismatique romaine. » 

Ces monnaies datent des empereurs de la Tétrarchie, de Dioclétien (286) à Constantin Ier (avant son pouvoir unique en 324). Enfoui vers 315, ce trésor contient des monnaies rares, parfois en unicum

Les historiens avancent deux hypothèses : celui qui a dissimulé ce trésor, peut-être un butin de guerre de l'armée impériale s'étant arrêtée alors dans ce lieu, était un proche de l'empereur. Autre explication : ce trésor proviendrait de deux donativum - une livre d'or (60 aurei) en 297 et deux livres (120 aurei) en 305 -, confiés à un haut gradé de l'armée impériale à la fin des campagnes militaires en Gaule et en Bretagne (Angleterre). Cet officier y aurait ajouté des biens personnels, aurait caché l'ensemble en espérant le récupérer plus tard, mais serait décédé entre-temps.

« Ce trésor dialogue avec l’art contemporain de Sabine Pigalle, recréant un ensemble de timbres représentant des pièces de monnaie à l’effigie des leaders d’hier et d’aujourd’hui. » Mais la mention "COVID XIX" et le port du masque dissimulant une partie du profil de ces leaders soulignent le côté bâillon du masque.


LE TRÉSOR DE BEAURAINS 
« Découvert le 21 septembre 1922, le trésor de Beaurains est apparu d’emblée comme d’une nature exceptionnelle. Contenu dans deux récipients, l’un en terre cuite, le second en argent, il rassemblait entre autres à l’origine de nombreuses monnaies d’or (aurei) et d’argent (argentei), bijoux, et un chandelier. Il fait partie du petit groupe des trésors « à médaillons » enfouis dans les dernières décennies du IIIe siècle et du début du IVe siècle après J.-C. Ces ensembles nous font connaître des séries prestigieuses de multiples d’or frappés pour les distributions impériales destinées aux officiers supérieurs et à la haute administration. Le retentissement considérable de la découverte engendra une intense curiosité du monde académique et des musées à l’échelle internationale. » 


CARACTÈRE DE TRÉSOR NATIONAL 
« Le trésor de Beaurains est unique en son genre. Il s’agit de l’un des plus importants trésors d’or de l’Antiquité tardive. Il est constitué de : 
- Une centaine de monnaies d’or (aurei) et une centaine de monnaies d’argent (argentei
du Haut-Empire ; 
- De 30 à 35 multiples d’or et plus de 400 monnaies d’or (aurei et solidi) du Bas-Empire ; 
- Une dizaine d’argentei et une soixantaine de quinaires d’argent du Bas-Empire ; 
- Des bijoux en or : 4 colliers, 5 bracelets, 2 bagues, 5 pendentifs, 1 camée, 2 pendeloques, 2 boucles d’oreille, 1 boucle de ceinture, 1 fermoir en forme de croissant, 1 collier avec médaillons monétaires dont nous connaissons 6 tubes d’écartement en or et 8 aurei avec leur monture ; 
- Un chandelier en argent ; 
- Une cuiller en argent, un fragment de cuiller, un support, un poinçon et un lingot du même métal. » 

« Spectaculaires par leurs dimensions et occupant une place très particulière dans le système monétaire romain, ces multiples d’or se distinguent par leur qualité technique de réalisation. En effet, alors qu’ils appartiennent à une période caractérisée par la standardisation des productions monétaires (une taille « plate » des coins monétaires remplaçant le modelé traditionnel en ronde bosse pour des questions de productivité) et une uniformisation croissante de portraits impériaux, ils représentent une exception relative par le relief des scènes et la personnalisation des effigies impériales. » 

« Cela est vrai, en premier lieu, du portrait de Constance Chlore sur le médaillon conservé à Arras, qui relève d’un réalisme puissant et presque brutal. Ces mêmes caractéristiques se retrouvent sur le multiple de 10 aurei de Dioclétien, qui offre le plus grand et le plus beau portrait monétaire connu de ce souverain. Bien que conforme aux canons des autres représentations il apparaît d’une ampleur exceptionnelle. On notera, en particulier le modelé de la cuirasse et du manteau impérial et le détail du traitement des broderies du poignet et du globe surmonté d’une victoire. Au revers, la figuration de Jupiter trônant ne le cède en rien aux plus grandes réalisations de l’époque hellénistique. La position de l’aigle jovien posé sur la foudre est tout à fait exceptionnelle et même unique dans ce type de mise en scène. »

« NEW ECONOMY » - Une exposition de Sabine Pigalle 
Cette exposition est accompagnée dans le communiqué de presse d'un verbiage qui élude les questions graves suscitées par des caractéristiques de l'époque contemporaine : incompétence ou cynisme de dirigeants, conflits d'intérêts d'experts, principes éthiques bafoués, discours politico-médico-médiatico- suscitant la peur et refusant toute critique, etc.

« La série New Economy pose la question de la mondialisation confrontée au changement de paradigme dû à la pandémie. La mauvaise passe que traverse l’humanité engendre des turbulences économiques partout dans le monde et constitue notamment une menace pour les échanges commerciaux, impactant de facto le fragile équilibre lié à ce système à l’échelle de pays entiers. Métaphoriquement, la série recycle des pièces de monnaie frappées à l’effigie de dirigeants historiques ou contemporains, de leaders politiques ou de personnages mythiques, incarnant des opinions divergentes voire contraires tant sur le plan politique qu’économique. À présent, ces symboles apparaissent désormais masqués sur des timbres et semblent universellement d’accord sur un point : une époque proche de l’asphyxie. » Non, ces masques révèlent la censure imposée par le "politiquement correct" étatique, inspiré souvent par des cabinets de conseils.

« Aujourd’hui, la e-carte cadeau et les banques en ligne précipitent l’éradication de la petite monnaie, tandis que le bitcoin énergivore affole les places boursières. Produire l’objet monnaie a-t-il encore un sens, quand les métaux précieux sont court-circuités par l’industrie digitale, la téléphonie mobile et le business des objets intelligents ? Désincarnée dans le cloud, menée à un train d’enfer par les I.A., les bots, les algorithmes qui distancent les traders, la récente pandémie qui a fait exploser le commerce en ligne, les transactions monétaires intangibles, la plongée dans le Métavers. Un sujet en or pour Sabine Pigalle, prompte à tourner les dérives contemporaines en dérision. » Cette accélération dans la dématérialisation de la monnaie permet un contrôle accru des dirigeants sur les citoyens.

« Inconditionnelle de la relecture amusée et amusante des grands maîtres de la peinture, l’artiste parisienne a jeté son dévolu sur l’univers de la numismatique. 2020 : un confinement après l’autre, cette adepte de la post-photographie réinvente les monnaies prestigieuses. S’y invitent, de profil ou de face, des personnages célèbres, des figures historiques du pouvoir monarchique comme Charlemagne, Louis XIV, Marie-Antoinette, Victoria, Juan Carlos, des outsiders politiques comme Gandhi, le Che ou Donald Trump, des visages tutélaires, vénérable mandarin, guerrier aztèque, altière Néfertiti. Masqués, tous, qui de diamants, qui de lauriers, qui de plumes, qui d’une couronne, qui d’un bec de canard… Inversions grotesques estampillées d’un “Covid XIX” gravé en écrasantes lettres antiques. Suffisants, pompeux, ridicules ? Dérisoires. Des reliques du passé rassemblées sous le label “New Economy”. Cynisme ? “C’est le côté universel des effigies qui m’intéresse, sans jugement de valeur quant aux idéologies véhiculées par les protagonistes : en choisissant toutes ces incarnations, vivantes ou non, ayant existé ou non, j’ai voulu faire état des doctrines économiques aussi antinomiques que les idéologies capitalistes ou communistes, émanant de pays puissants ou sous-développés”. Des sensibilités contraires dont la pandémie a brutalement annulé les antagonismes, gommé un peu plus la mémoire. Qui aujourd’hui identifie avec exactitude ces profils de scientifiques, de ministres, de révolutionnaires ou de souverains ? » 

« Née en France en 1963 et vivant à Paris, Sabine Pigalle est formée aux Lettre modernes de Paris Sorbonne. Artiste visuelle privilégiant le medium photographique, s’inscrit dans la mouvance d’une nouvelle génération qui naviguent aux frontières troubles de la réalité et de la fiction. Les principaux axes de son travail interrogent les mythes, le patrimoine, la notion temporelle, la mémoire collective, et se concentrent autour du portrait traité comme représentation d’archétypes décalés. Apparentée au mouvement de la Post-photographie, elle produit des oeuvres transversales qui hybrident peintures et photographies, art ancien et art contemporain, figuration et abstraction. Elle est décorée des Arts et des Lettres le 22 juin. » 

« Ces deniers où ils s’affichent, encrassés au fil du temps et des tractations, sont en passe de devenir des pièces de musée. Là où elle était preuve de richesse et de puissance, la monnaie concrète, tactile, est-elle devenue has been ? Un sujet de choix pour les historiens, les collectionneurs… et les artistes. » 

« Car plus encore que la perte des valeurs, financières ou intellectuelles, “New Economy” questionne le devenir d’un modèle globalisé. Comment réinventer un système transactionnel dont la fragilité nous saute aux yeux de plus en plus nettement au fil des années ? Une maladie, une guerre, un porte-conteneurs coincé sur le canal de Suez et c’est tout le marché qui s’enraye, se déséquilibre. Commandes annulées, retards de livraison, pénuries : pas de masques, plus de papier toilette ou d’huile de tournesol, plus de médicaments… Preuves, s’il en faut, que cette logique fondée sur le commerce absolu est gravement malade de sa boulimie de croissance ? Oui, le système est malade, et Sabine Pigalle, avec la série “New Economy” nous invite/incite à en prendre conscience, y réfléchir… et à le réinventer ? (Texte par Delphine Neymon, Rédactrice en chef - The ARTchemists) Le système n'est pas un être humain, et n'est donc pas "malade". Il résulte de choix politiques.

LA SALLE DES COFFRES DE CITÉCO 
« Le trésor de Beaurains repose donc désormais dans l’impressionnante salle des coffres de Citéco, configurée sur deux niveaux avec une mezzanine en coursive, des piliers imposants, 112 armoires fortes contenant 3 874 coffres de dimensions variées et des isoloirs mettant les clients à l’abri des regards. Elle est dotée d’un système de sécurité inédit : protégée par une lourde porte blindée encastrée et entourée d’une douve remplie d’eau, on y accède par une sorte de pont-levis, un plancher coulissant mu par un système électrique. Construit entre 1878 et 1882 par l’architecte Jules Février, le bâtiment a d’abord vocation à être l’écrin de la riche collection d’objets d’art de son propriétaire, le banquier Émile Gaillard, avant de devenir la succursale de prestige de la Banque de France après son rachat par cette dernière en 1919. La salle des coffres est aujourd’hui le lieu de conservation et d’exposition de trésors numismatiques, de l’Antiquité à nos jours ».


Du 16 septembre 2022 au 8 janvier 2022
Salle des coffres
1, place du Général-Catroux. 75017 Paris. 
Du mardi au dimanche de 14 h à 18 h. Le samedi jusqu’à 19h 
Nocturne le premier jeudi de chaque mois jusqu’à 22h : gratuit 
Pendant les petites vacances de la zone C, ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h, jusqu’à 19h le samedi 
Fermé le 1er janvier 2023

Visuel :
Marie-Antoinette, Victoria 
© Sabine Pigalle / ADAGP, Paris 2022

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