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mercredi 13 octobre 2021

Thomas Lilti

Né en 1976, Thomas Lilti est un médecin généraliste, réalisateur – « Médecin de campagne », « Première année » - et scénariste français de films souvent sur l’univers médical. Arte diffusera le 13 octobre 2021 « Hippocrate » (Hippokrates und ich) de Thomas Lilti.


Thomas Lilti est né en 1976 dans une famille de médecins. 

Durant ses études de médecine, il réalise trois courts métrages.

En 1999, il est interne en médecine.

Jusqu’en 2016, il mène de front sa carrière de médecin généraliste et de scénariste-réalisateur.

En 2007, il réalise « Les Yeux bandés », son premier long métrage.

Comme scénariste, il collabore à une série (« Cœur océan », 2009) ou téléfilms : « Télé Gaucho » (2011) et « Mariage à Mendoza ».

En 2014, « Hippocrate », succès critique et commercial, assoit sa notoriété. Le film est distingué par trois César : Meilleur film, Meilleur réalisateur, et Meilleur second rôle à Reda Kateb. Pour Canal +, Thomas Lilti développe une série éponyme avec Louise Bourgoin, Alice Belaïdi, Karim Leklou, Zacharie Chasseriaud diffusée depuis 2018.

Il s’inspire de son expérience pour « Médecin de campagne », avec François Cluzet et Marianne Denicourt.

En 2018, « Première année » avec Vincent Lacoste et William Lebghil attire plus d’un million de spectateurs.

En 2021, Grasset publie le livre « Le Serment » de Thomas Lilti qui y relate son expérience de médecin hospitalier bénévole en mars 2020, durant le premier confinement lié à la pandémie de coronavirus, "à l’hôpital où il tournait quelques jours plus tôt dans des services désaffectés, transformés en plateau de cinéma". «  Parfois je me demande ce qui est du domaine de la fiction et ce qui est du domaine de la réalité. Qu’est-ce que j’ai inventé pour mes personnages et qu’est-ce que j’ai vraiment vécu  ? Est-ce que moi je les ai passés, mes diplômes  ? J’ai des montées d’angoisse. Qu’est-ce qui prouve, là, maintenant, que je suis réellement médecin  ? On pourrait essayer de trouver des gens qui voudraient témoigner pour moi. On pourrait essayer de retrouver un exemplaire de ma thèse, mais j’ai cherché et je ne sais pas où est ma thèse, elle n’est pas à la bibliothèque universitaire, j’ai appelé, ils n’ont pas de traces de ma thèse de docteur en médecine. Elle doit être quelque part chez mes parents mais la seule chose que j’ai trouvée, c’est un petit papier du médecin qui a été mon directeur de thèse, et dans son CV il y a marqué qu’il a été le directeur de la thèse de Thomas Lilti. Ça me rassure un peu, mais est-ce que cela prouve que je suis docteur en médecine  ?  » 

"Saisissant retour de l’autre côté du miroir, en pleine crise sanitaire, dans un grand hôpital de Seine-Saint-Denis. Un retour si bouleversant qu’au fil des jours, il s’interroge à voix haute. Qu’est-ce que la vocation de médecin  ? Que cache le secret médical  ? Et ce monde très hiérarchisé autour du sacro-saint «  docteur  »  ? Qu’est-ce qui fait un bon médecin  ? Quelle place pour le patient  ? Comment s’exerce réellement ce fameux serment d’Hippocrate, fondateur de l’exercice de la médecine  ? Comment trouver sa place lorsqu’on est soi-même fils de médecin  ?
Réflexion unique sur l’engagement des soignants, l’évolution du domaine de la santé, l’éthique médicale, le réel et la fiction, Le serment est aussi le récit d’un parcours initiatique passionnant. Par son humour, sa façon d’aller au plus juste de sa pensée, ses certitudes et ses doutes, son talent de conteur, Thomas Lilti invente une voix unique. Elle nous invite à découvrir les paradoxes fascinants d’un monde aux secrets si bien gardés."


« Hippocrate »
Arte diffusera le 13 octobre 2021 « Hippocrate » (Hippokrates und ich) de Thomas Lilti.

« Un jeune homme fait ses premiers pas d’interne dans le service de son père... Par Thomas Lilti, une immersion en milieu hospitalier d’une remarquable justesse, avec Vincent Lacoste et Reda Kateb ». 

« Pour son premier stage en tant qu’interne, Benjamin, 23 ans, intègre le service de médecine interne d’un hôpital parisien dirigé par le professeur Barois, son père ».

« Parfois dépassé par les responsabilités qui lui incombent, le jeune homme peut compter sur l’expérience d’Abdel, un médecin algérien faisant fonction d’interne, qui n’hésite pas à lui prodiguer des conseils ». Jamais, ce médecin n'indique pourquoi il a quitté son pays natal et veut s'installer définitivement avec sa famille en France.

« À l’issue d’une nuit de garde, Benjamin apprend qu’un sans-abri qu’il a pris en charge, mais auquel il n’a pas fait passer l’électrocardiogramme de rigueur pour cause de machine défectueuse, est décédé au petit matin ». 

« Cette négligence, couverte par ses supérieurs, plonge Benjamin dans le désarroi et tend ses relations avec Abdel ». 

« Alors que la veuve du défunt cherche à comprendre ce qu’il s’est passé, le cas d’une autre patiente, une dame âgée atteinte d’un cancer métastasé, provoque des remous dans le service : Abdel milite pour la soulager alors que ses collègues, dont Benjamin, voudraient essayer de la remettre sur pied pour libérer un lit… » 

« Tirant ces deux fils dramatiques, Thomas Lilti met en opposition un jeune médecin en devenir (Vincent Lacoste, héros ambivalent, lui-même en phase d’éclosion), qui fait l’apprentissage déstabilisant du métier, et un praticien confirmé (Reda Kateb, justement auréolé d’un César pour sa prestation habitée), qui vit parfois sa vocation comme "une malédiction". 

« Mais s’il use des possibilités de la fiction pour attiser la tension et servir son propos, le réalisateur n’en livre pas moins une chronique réaliste du quotidien d’un interne », de la paupérisation du service public hospitalier et des conséquences du numerus clausus qui a considérablement réduit le nombre de médecins français et induit le recours à des praticiens étrangers en situation professionnelle souvent précaire. 

« Médecin de formation, Thomas Lilti s’est appuyé sur sa propre expérience pour retranscrire l’atmosphère d’une unité de soins et ausculter les maux de l’hôpital public, étranglé par la pression budgétaire » et la bureaucratie. Présenté comme ayant une expérience professionnelle de la vente sur Internet, le directeur de l'hôpital apparait durant la crise finale, avance sa mission de réduire les coûts, et semble déconnecté de la réalité quotiidenne des soignants : il leur demande de rédiger des notes sur leurs problèmes, alors que travaillant en sous-effectifs, ils manquent de temps pour le faire ! 

« Manque de matériel et de personnel, rituels de salle de garde, médecins étrangers exploités, rapports hiérarchiques… : cette approche documentaire donne toute sa force au film, qui a depuis accouché d’une série à succès » diffusée sur Canal +.

Arte propose « Trois bonnes raisons de voir "Hippocrate". « Dans Hippocrate, Thomas Lilti, à la fois médecin généraliste, cinéaste et scénariste, s’inspire de sa propre expérience d’étudiant en milieu hospitalier. Vincent Lacoste, très convaincant dans son premier rôle dramatique, interprète un jeune interne, dont la souffrance des patients, va le conduire à prendre des décisions lourdes de conséquences. Il est entouré d'une excellente distribution. »


ENTRETIEN AVEC THOMAS LILTI

« Avant d’être cinéaste vous avez suivi des études de médecine…
Depuis l’adolescence, j’ai toujours voulu être réalisateur. Après le bac, j’ai pensé préparer la FEMIS, mais la pression familiale aidant, on m’a fait comprendre qu’il vaudrait mieux commencer par faire de « vraies » études. 
Mon père étant médecin, j’ai opté pour la fac de médecine pour acheter ma tranquillité. Pendant ma première année, je me suis lancé en douce dans l’écriture de scénarios. En seconde année, je me suis dit que mes études étaient lancées, et en parallèle j’ai réalisé mes premiers courts-métrages. Tout en continuant mon cursus médical, j’ai rencontré un producteur qui m’a permis de me professionnaliser. De fil en aiguille, j’ai tourné mon premier long-métrage, LES YEUX BANDÉS, mais sans jamais arrêter la médecine. 
Et jusque là, je n’ai jamais choisi de l’arrêter pour le cinéma.

Vous avez donc appris le métier de médecin. A contrario, est-ce la cinéphilie qui vous a servi d’enseignement pour la réalisation ?
Oui, mais aussi, une certaine culture familiale - on avait l’habitude le samedi soir de regarder pas mal de films en VHS - ainsi que des rencontres au gré des festivals où étaient projetés mes courts-métrages en super 8. J’ai surtout appris sur le tas, en profitant du savoir des autres...

En quoi ces deux professions trouvent-elle, pour vous, un équilibre ?
Il y a un point commun évident entre elles : le travail en équipe, une forme de hiérarchie et le contact avec divers corps de métiers spécialisés. La différence, et c’est d’ailleurs ce dont parle HIPPOCRATE, est le poids de la responsabilité que l’on peut porter quand on est médecin, ce sentiment perpétuel d’être dans le doute, se demander si on n’a pas fait une erreur qui pourrait avoir de graves conséquences. Cette perte de l’insouciance m’a beaucoup marquée...
Quand on fait un film, certes il peut y avoir certaines angoisses, mais au pire ça donne un mauvais film, c’est potentiellement moins dramatique ! Être étudiant en médecine m’a cependant toujours servi dans le cinéma d’abord parce que ça intrigue mes interlocuteurs, ensuite parce que ça les a amenés à penser que j’avais une grande capacité de travail, d’exigence. À l’inverse, il était hors de question de dire dans mon milieu estudiantin que je faisais du cinéma, car ça posait une réputation de « glandeur », de quelqu’un qui se prend pour un artiste, qui manque de sérieux. Très longtemps, j’ai cloisonné mes deux métiers. Certains chefs de service ont découvert par hasard que j’étais réalisateur, mais la plupart ne l’ont jamais su. HIPPOCRATE est une manière de réconcilier ces deux facettes, tout en confortant l’idée que leur combinaison peut faire sens. 

Quelle est la part d’autobiographie d’HIPPOCRATE ?
Difficile de se mentir : elle est importante. Rien que dans le fait que le personnage principal s’appelle Benjamin, qui est mon second prénom...
Mais il y avait aussi l’envie de rendre hommage à cet apprentissage médical, à ces douze années. HIPPOCRATE est une manière de continuer à les faire exister...

Est-ce pour conserver ce lien que vous avez tourné dans un hôpital où vous avez pratiqué ?
Tourner là où je l’avais imaginé, des séquences inspirées de situations que j’avais réellement vécues, était une chance incroyable. Au début, j’ai senti que l’équipe n’y était pas très favorable, à cause des contraintes techniques et logistiques, mais il a vite été évident pour tous que connaître les lieux serait un avantage : je savais exactement où aller, quels endroits filmer, où trouver la chair du film.
Cette chair passe aussi par la manière dont les diverses parties de l’hôpital (les salles de soins, celle de garde, les chambres des internes, les bureaux…) sont incarnées par des choix esthétiques…
Je savais qu’il fallait que je me démarque de l’imagerie collective de l’hôpital véhiculée par les séries télé. D’autant plus que la réalité en est très éloignée.
L’hôpital à la télé se limite à des codes. Je me suis replongé dans mes souvenirs pour retrouver les sensations formelles de ce que j’avais connu : les chambres de garde avec des lumières froides et crues ou les lumières chaudes des chambres des patients la nuit. Ça a été un travail de longue haleine avec le chef-opérateur et le chef décorateur ; il ne fallait pas qu’on tombe dans le piège d’un hôpital monochrome, représenté uniquement dans des tons scindés, le chaud, le froid, mais au contraire qu’on aille vers l’aspect très hétéroclite de ce lieu, qu’on sente que les ambiances sont nombreuses et différentes selon qu’on soit le jour ou la nuit, qu’on soit dans une salle de soins, de garde ou de réunion.

Ce sens du réalisme est accentué par la participation d’authentiques infirmières et soignants quasiment dans leurs propres rôles…
Il s’est très vite posé la question de comment coacher les acteurs qui allaient jouer les infirmières, aides-soignants et médecins. Évidemment, mon expérience faisait que je pouvais remplir une partie de ce travail, mais il fallait aussi gérer d’autres détails. Je me suis souvenu d’une infirmière qui faisait au même moment que moi, et donc comme Benjamin dans le film, son premier stage en hôpital. Je l’ai recontactée pour voir si elle voulait servir de coach. Je l’ai trouvée très débrouillarde et avec ma directrice de casting, nous avons décidé de lui faire passer des essais qui se sont avérés très concluants. Elle est devenue Juliette, l’une des infirmières les plus présentes dans HIPPOCRATE. J’ai ensuite eu l’idée de faire pareil pour d’autres personnages, comme Pauline, celle qui est présente quand on débranche Mme Richard. Je me suis dit qu’il allait s’opérer un échange de savoir entre les acteurs et les vrais soignants. Je voulais gagner en réalisme et donner le sentiment que le récit n’est pas fabriqué.

Pour autant y avait-il des limites à ne pas franchir dans ce que vous montrez du fonctionnement et de l’institution hospitalière ?
Je me suis beaucoup attaché au réalisme, jusqu’à parfois agacer mon équipe qui me disait qu’on faisait malgré tout du cinéma qui est l’art de la triche ! Or, je pense que la partie romanesque d’HIPPOCRATE ne peut s’ancrer que si l’environnement est crédible dans le moindre micro-détail. Par exemple, pour tous les gestes médicaux, je voulais que ce soit le matériel adéquat qui soit utilisé : la bonne aiguille, les bonnes compresses, le bon champ stérile. Ma seconde - et bien plus importante - crainte, était de trahir ce que véhicule le film : la culpabilité de Benjamin, ce qui se joue dans les rapports de force entre médecins, dans les questionnements autour de la situation de Madame Richard. Je ne voulais pas faire le moindre pas de travers pour m’arranger avec le romanesque, ni me faire piéger par un souci d’efficacité dramaturgique. Cette question a été omniprésente.

Pourquoi alors filmer non pas un, mais deux personnages centraux, Benjamin et Abdel, et leurs enjeux respectifs ?
C’est le paradoxe de ce projet : à l’origine, je ne voulais pas me focaliser sur Benjamin, mais rendre hommage aux médecins étrangers que j’ai croisés dans mon cursus et qui sont ceux qui finalement m’ont appris la médecine ; eux, sont là la nuit ou quand on galère… Ces étrangers de 35-45 ans, qui ont de la bouteille, de l’expérience, et avec qui se tissent des liens d’amitié, de fraternité. Au tout début, HIPPOCRATE, c’était l’histoire d’Abdel. Ce personnage, est plus ou moins la fusion de deux médecins qui m’ont formé : l’un, algérien, Majid Si Hocine qui a participé au film, et l’autre, un Albanais dont j’ai perdu la trace, Arben Menzelxhiu.

La relation entre Benjamin et Abdel, met au cœur d’HIPPOCRATE, le principe de rites initiatiques, qui sont un des piliers de la vie d’interne en hôpital, lieu quasi-unique de votre film.
Quand on est interne, on passe 90 % de son temps à l’hôpital. Tous les rites de la vie - les amitiés masculines, les histoires d’amour, la découverte de la responsabilité, le rapport à la mort - se passent dans son enceinte. Il est devenu une évidence naturelle qu’HIPPOCRATE s’y déroule majoritairement.

Votre mise en scène, qui n’a pourtant rien d’improvisée, est quasiment tout au long du film dans le mouvement…
Je tenais à un sentiment de foisonnement, de circulation. Pendant les répétitions, je laissais les comédiens libres de trouver leurs déplacements dans les décors pour y adapter la mise en scène. C’est en fonction de la chorégraphie qui se mettait en place aux répétitions que je choisissais l’endroit où j’allais mettre la caméra pour les prises. Une seule règle prévalait : le moins de contraintes possibles pour les acteurs.
Et dans les scènes de groupe, mon obsession était de faire exister chaque personnage du plus important au plus secondaire à l’intérieur de la même séquence. Je voulais filmer des humanités avant de filmer un lieu. L’image que je garde de l’hôpital : ce sont des hommes et des femmes qui s’y croisent, qui se côtoient. Ça fourmille. Les murs ne sont qu’un cocon.

Cette manière de représenter la vie de l’hôpital propose un regard différent de celui qu’a longtemps porté le cinéma français sur cette institution. Usuellement, ce qui est filmé, c’est un monde de notables saisi dans des rapports administratifs et un environnement sécurisé.
L’hôpital contemporain n’est plus un lieu d’ultra-modernité : certains sont désaffectés, abîmés. Les mandarins sont désormais des fonctionnaires, qui, sans être financièrement à la rue, gagnent beaucoup moins que les spécialistes en libéral : 30 % des médecins qui travaillent dans les hôpitaux publics sont étrangers issus de l’extérieur de l’union européenne, mal payés, dans une certaine forme de précarité. Je voulais traiter tout cela sans que ce soit le sujet du film, qui n’est pas une thèse autour de ces thèmes, ni une charge, du reste.

Le climax reste cependant une scène au contenu clairement social, voire politique, où les internes sont sur le point de voter une grève.
L’histoire de Benjamin et Abdel est au centre du film, mais il était important de faire exister le collectif, de donner envie de suivre le moindre personnage secondaire. Aucun n’est utilitaire, chacun représente un enjeu, aussi petit soit-il. Évidemment, parler d’un tel lieu aujourd’hui, c’est forcément parler d’un peu plus que ça. Je ne sais plus qui a dit qu’on pouvait constater l’état d’un pays à celui de ses prisons, je pense que c’est la même chose avec l’hôpital, mais ce n’était pas mon but. Sans botter en touche sur cet aspect, HIPPOCRATE n’est pas une tribune.

Est-ce cette envie de ne pas enfermer HIPPOCRATE dans un aspect social qui a amené la forme de suspense que nourrit le fil rouge autour d’une erreur médicale ?
Sans glisser dans le polar ou le thriller médical, mon désir de cinéaste est aussi celui d’aller vers une forme de divertissement. Je voulais parler des erreurs médicales et de ce que cela implique. À travers elle, une forme d’impunité. En tant que jeune interne, c’est d’ailleurs le rapport à cette impunité qui m’a fait le plus souffrir, parce qu’elle permet d’aller de l’éthique à la morale lorsqu’il y a de quoi se demander, si en l’absence de punition pour une faute, on l’a effectivement commise ou non. Et c’est un questionnement encore plus fort pour un jeune interne comme Benjamin.

Le rapport d’âge entre les personnages a une réelle importance dans HIPPOCRATE. Benjamin se retrouve face à Abdel, qui a une dizaine d’années de plus que lui, et son père. Est-ce que cet aspect générationnel a joué sur le casting ?
Comme beaucoup, j’ai découvert Vincent Lacoste avec LES BEAUX GOSSES. Je ne dirai pas que j’ai écrit HIPPOCRATE pour lui, mais très vite, j’ai senti la proximité avec le personnage de Benjamin. De toutes façons je voulais un acteur jeune qui ait l’âge du rôle. Reda Kateb s’est lui aussi imposé assez vite par la forme d’autorité naturelle qu’il dégage. À l’écran, comme dans la vie. J’ai retrouvé chez lui, quelque chose de très proche des médecins étrangers avec qui j’ai travaillé. Dans les deux cas, ça a donc été une certaine évidence. Jacques Gamblin, par ses techniques de jeu, différentes de celle de Vincent Lacoste et Reda Kateb a amené un contraste qui est devenu une force en amenant la rigidité nécessaire à son personnage. Entre eux trois, il y a Denormandy. Je voulais une femme qui dégage à la fois de l’autorité tout en pouvant créer une sorte d’ambiguïté du fait de sa beauté. Je ne voulais surtout pas en faire une médecin solitaire, rat de laboratoire. Les femmes sont devenues majoritaires dans les hôpitaux parmi les médecins.
Leurs responsabilités (et une forme de sexisme encore présent) les obligent à une grande force de caractère. Marianne Denicourt était parfaite pour ça.
C’est une actrice extrêmement douée qui peut tout jouer.

HIPPOCRATE est aussi très nourri en seconds rôles. Notamment Philippe Rebbot, qui dans une scène, commente un épisode de DR HOUSE. De quoi rappeler que si dans les années 1970, l’hôpital fut un lieu de prédilection pour le cinéma français, aujourd’hui, il est devenu l’apanage des séries télé anglosaxonnes. Comment expliquez-vous cette transition ?
Il faut d’abord savoir que c’est une réalité : le personnel médical est très friand de séries médicales. Ensuite, je pense que l’hôpital est un lieu parfait pour des intrigues de genre. Or, aujourd’hui, c’est la télé qui a investi ce territoire, du soap-opera au thriller à énigme. Moi, à l’inverse, je voulais m’attacher à faire la chronique du milieu hospitalier, montrer ce qu’on ne voit jamais lorsqu’on vient à l’hôpital et que l’on n’est pas du coté des soignants. Mon envie initiale n’était pas de raconter le parcours d’un jeune interne en médecine, mais l’envers du décor, les coulisses… »


« Hippocrate » de Thomas Lilti
France, 2014, 1 h 38
Scénario : Thomas Lilti, Baya Kasmi, Julien Lilti, Pierre Chosson
Production : 31 Juin Films, France 2 Cinéma
Producteurs : Agnès Vallée, Emmanuel Barraux
Image : Nicolas Gaurin
Montage : Christel Dewynter
Musique : Alexandre Lier, Sylvain Ohrel, Nicolas Weil
Avec Vincent Lacoste (Benjamin), Reda Kateb (Abdel), Jacques Gamblin (Barois), Marianne Denicourt (Denormandy), Félix Moati (Stéphane), Carole Franck (Myriam), Philippe Rebbot (Guy)
Sur Arte les 13 octobre 2021 à 20 h 55, 15 octobre 2021 à 13 h 35, 28 octobre 2021 à 13 h 35
Visuels :
Benjamin (Vincent Lacoste) et Reda Kateb (Abdel) dans " Hippocrate" de Thomas Lilti
Benjamin (Vincent Lacoste) dans " Hippocrate" de Thomas Lilti
Reda Kateb (Abdel) dans " Hippocrate" de Thomas Lilti
Benjamin (Vincent Lacoste) dans " Hippocrate" de Thomas Lilti
Philippe Rebot (Guy) dans " Hippocrate" de Thomas Lilti
© LE Pacte

France, 2021, 2 mn
Disponible du 30/09/2021 au 31/10/2021

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